Notre stratégie de défense s'inscrit dans un environnement en constant changement : cela représente la principale inflexion depuis la chute du mur de Berlin et les attentats de septembre 2001. Cette instabilité exige de notre part une adaptation permanente. La mission de nos armées est devenue d'une complexité sans équivalent par le passé, et son degré d'exigence va sans cesse croissant.
Je tiens d'emblée à souligner la remarquable capacité d'adaptation de nos armées : les changements opérés dans les méthodes, l'entraînement et l'équipement, ne serait-ce que depuis l'été 2008, sont considérables. Notre armée s'est mise en ordre de bataille pour affronter les nouvelles menaces que font peser sur la paix et la sécurité internationale les groupes dont l'objectif est de fragiliser l'État de droit et la démocratie.
Pour faire face à ce défi, il faut que nous nous donnions les moyens d'une capacité de réaction aussi large que possible. Cette nécessité légitime l'effort voulu par le Président de la République avec le Livre blanc. Je me félicite de constater que cet effort se traduit dans les faits, par la volonté du Gouvernement, dans un projet de budget placé sous le signe du courage et de la cohérence avec les priorités du Livre blanc. La progression des ressources au rythme de l'inflation marque à elle seule un engagement politique qu'il faut saluer.
Ce projet de budget constitue la deuxième annuité de la loi de programmation militaire que nous avons votée au mois de juillet dernier. Il permet de donner à nos forces les moyens de leur engagement en opérations extérieures – cela a été dit – tout en poursuivant la modernisation de la dissuasion. Notre liberté a un prix, nous devons accepter les sacrifices nécessaires pour la préserver en toutes circonstances.
Ce projet de budget permet d'assurer l'accompagnement de la modernisation des armées, avec notamment 180 millions d'euros pour le personnel – comme l'a dit M. Giscard d'Estaing. À cela s'ajoutent 99 millions d'euros destinés à l'amélioration de la condition militaire et 15 millions d'euros destinés à celle de la condition des personnels civils.
L'amélioration de la condition militaire répond à un engagement du Gouvernement et je me réjouis très sincèrement qu'il soit tenu. Les civils de la défense méritent aussi des efforts : leur engagement aux côtés de nos militaires est constant et leur attachement à la communauté de défense est solide, comme nous avons eu maintes fois l'occasion d'en juger lorsque nous les avons entendus.
Enfin, ce projet de loi de finances permet de maintenir le rôle et les responsabilités de la France dans le monde. Nous avons approuvé à deux reprises, au mois de septembre 2008 et au mois de janvier 2009, les engagements de nos forces à l'étranger. Nos militaires ont montré qu'ils étaient prêts au sacrifice suprême ; ils le montrent tous les jours en Afghanistan. En contrepartie, nous avons à leur égard l'impérieuse obligation morale de leur assurer les moyens dont ils ont besoin pour accomplir leur mission. En examinant les efforts accomplis depuis quelques années, notamment au travers des procédures d'achat en urgence, nous pouvons constater que nous n'avons pas manqué à notre devoir envers eux. Il nous faudra cependant aussi nous interroger sur les difficultés d'anticipation des besoins que traduit le recours à des procédures d'exception.
Bien entendu, le budget de la défense a bénéficié du plan de relance gouvernemental. Je pense que nous pouvons nous en réjouir à plus d'un titre. D'une part, il vient apporter une ressource qui compense le retard de réalisation des ressources exceptionnelles. D'autre part, les dépenses engagées à ce titre ont incontestablement permis de contribuer à une création d'emplois réelle ou au maintien d'emplois industriels.
Je n'évoquerai pas ici en détail ce que pourrait être, je l'espère, le volet « défense » du grand emprunt. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu nous exposer votre vision de ce qui pourrait être financé à ce titre lors des universités d'été de la défense que j'ai organisée à Saumur au mois de septembre. Je partage votre préoccupation de financer les nécessaires développements dans le domaine de l'automatisation du champ de bataille, ainsi qu'en matière de déconstruction de matériels militaires – sujet cher à Marguerite Lamour.
Cependant, au-delà des chiffres, il me semble intéressant de rappeler les objectifs qui sous-tendent les moyens mis en place. Par ses sacrifices financiers, la France assure à ses armées les nécessaires moyens de l'interopérabilité avec les armées alliées. Or, la décision du Président de la République de réintégrer le commandement militaire intégré de l'Alliance atlantique ne peut se concevoir sans un effort de notre part en matière d'interopérabilité. Il y va de la cohérence de notre politique. Il y va aussi, sans doute, de la sécurité de nos hommes.
Au-delà de la cohérence de notre politique vis-à-vis de nos alliés, l'enjeu, c'est aussi de conforter notre projet européen. Nous n'entraînerons pas nos voisins et amis européens si nous ne donnons pas l'exemple par un budget de défense aussi ambitieux que possible.
Ce projet de budget mérite notre soutien. Il est également de notre devoir de faire part de certaines de nos inquiétudes.
L'insuffisance des crédits de maintien en condition opérationnelle, malgré des efforts réels, doit être soulignée. Nous savons tous à quel point la maintenance de nos matériels est essentielle : ces lacunes provoquent des dépenses qui, au-delà des économies apparentes, vont en s'alourdissant ; la capacité opérationnelle de nos forces peut en pâtir, et le moral de nos hommes en souffrir.
L'infrastructure doit aussi être au centre de nos priorités.
Nous demandons beaucoup d'efforts à nos hommes, notamment avec les transferts des unités. Ils sont prêts à adhérer au projet collectif que représentent des restructurations qui s'accompagnent de nouvelles implantations géographiques, quelquefois à l'autre bout de notre pays. Toutefois, leur adhésion suppose en retour que nous leur donnions les infrastructures adaptées à leur mission dans leurs nouvelles implantations.
Nous avons compris que les coûts de notre retour dans la structure militaire intégrée de l'OTAN et de la création de notre implantation aux Émirats arabes unis devraient être compensés par la réduction d'environ 20 % de nos effectifs engagés en opérations extérieures : c'est ce que vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, à l'occasion de votre passage devant la commission. Mais il faut nous assurer que cette compensation sera équilibrée et que ces charges supplémentaires n'imposent pas à nos armées d'autres sacrifices.
La recherche bénéficie d'un effort réel, à hauteur de 880 millions d'euros. Il nous faut malheureusement constater qu'elle est insuffisamment dotée pour permettre de lancer les recherches nécessaires pour trouver des successeurs à des matériels majeurs, et parfois simples : le FAMAS est ainsi devenu presque obsolète ; il faudrait sans doute de nouveaux chars, de nouveaux avions.
Or nous connaissons tous les enjeux en matière de recherche : la préservation de la base industrielle et technologique de défense, le maintien du potentiel d'innovation de nos industriels et donc la nécessité de garder toujours une avance technologique pour notre pays.
Enfin, la question des drones, qui a été abordée par plusieurs collègues, mérite que nous nous y arrêtions quelques instants.
La nécessité de ces matériels modernes ne fait pas de doute, ainsi qu'en témoigne le Livre blanc. Néanmoins, le financement dont ils bénéficient n'est pas à la hauteur de nos ambitions.