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Intervention de Jean-Michel Fourgous

Réunion du 5 novembre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Mission défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour la préparation de l'avenir :

Madame la présidente, monsieur le ministre de la défense, chers collègues, la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, puissance nucléaire autonome depuis près de cinquante ans, constructrice et exportatrice de systèmes d'armes sophistiqués, et maintenant nation cadre de l'Alliance atlantique, entretient avec sa défense des relations étroites.

Présente sur de nombreux théâtres comme le Darfour, la Côte-d'Ivoire, le Liban, l'Afghanistan, le Kosovo et l'Afrique, avec 20 000 soldats en opérations extérieures confrontés quotidiennement à des situations délicates de maintien de la paix, la France joue un rôle majeur dans de multiples régions du monde. Son industrie de défense au savoir-faire moderne et aux performances reconnues lui permet d'être l'un des acteurs principaux sur le marché des exportations d'armement, comme l'attestent les succès annoncés récemment. En même temps, elle conserve sur l'économie nationale un impact notable, qui doit encore s'accroître, car ce ne sont plus seulement les forces de l'histoire qui font la réussite d'un pays, mais aussi et surtout le nombre de ses ingénieurs, de ses techniciens et la réactivité de ses entreprises.

La problématique de la défense est complexe : alors que sa vocation extérieure perdurera en 2010, elle devra faire face à la plus difficile et à la plus importante modernisation assumée par une administration publique française, en supprimant en six ans quelque 54 000 emplois militaires et civils. Il lui faudra en même temps maintenir sa capacité opérationnelle, sa capacité de réaction, ainsi que des forces de présence sur les cinq continents et dans les territoires et départements d'outre-mer.

L'ensemble du budget de la mission s'élèvera à 39,3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 37,1 milliards d'euros de crédits de paiement, conformément à la loi de programmation du printemps 2009. Ce budget permet notamment d'assurer la modernisation de nos armées, avec l'acquisition de nouveaux matériels « post-guerre-froide ». Certes, l'armée française ne saurait être comparée à son homologue américaine, mais elle reste l'une des seules armées modernes capables d'intervenir à tout moment et de façon crédible lors d'une crise ou pour prévenir un conflit.

De plus, la France est un leader européen en termes d'impulsion économique et politique, qui s'implique totalement dans les programmes industriels communs, comme l'A 400 M d'Airbus ou les FREMM de DCNS, et dans les opérations communes, comme en témoigne le récent déploiement de gendarmes français en Afghanistan dans le cadre de la contribution européenne à la formation de la police afghane.

À propos de l'Europe, je rappelle que le rang de première puissance économique mondiale ne revient plus aux États-Unis mais à l'Union européenne des vingt-sept : son PIB est de 17 000 milliards de dollars, contre 14 000 milliards seulement pour les États-Unis. On peut donc avoir confiance dans le modèle socio-libéral européen, qui donne de plus en plus de résultats. Récemment, quelqu'un a regretté devant moi que l'Union soit moins coordonnée que les États-Unis. Le jour où elle le sera, à quel rang pourra-t-elle prétendre, puisqu'elle occupe déjà la première position ?

Benjamin Disraeli disait : « Celui qui rencontre le plus de succès dans la vie est celui qui est le mieux informé. » La parution du Livre blanc n'a pas seulement sonné le glas d'une armée tiraillée entre les menaces d'un conflit post-guerre-froide et des ambitions mondiales. Elle a aussi engagé un profond bouleversement de l'organisation de la défense. Désormais, la fonction de renseignement se retrouve au centre du dispositif. La recherche du renseignement est l'action qui bénéficiera en 2010 – comme c'était le cas en 2009 – de la plus forte hausse de moyens.

En effet, il est établi que, sans cette fonction essentielle, la France perdrait, face à la menace terroriste, sa capacité à prévenir des actions contre ses intérêts, et à réagir de façon proportionnée et discrète contre les organisations les plus dangereuses.

En 2010, la DGSE disposera de 527 millions d'euros de crédits de paiement contre 480 millions en 2009, soit une hausse de près de 10 %.

Cette évolution s'accompagne d'une restructuration des services civils du renseignement, avec la création en 2008 de la DCRI, la direction centrale du renseignement intérieur. Au côté de la DPSD et de la DGSE, cette nouvelle organisation permet de rationaliser l'action préventive d'acquisition du renseignement et de mieux la conjuguer avec l'action militaire. Cela va de pair avec la livraison prochaine à l'armée de l'air de son premier Transall C 160 Gabriel modernisé, qui rendra la composante aérienne détentrice privilégiée du vecteur aérien du renseignement.

Je souhaite également rappeler l'importance stratégique de l'intelligence économique, qui reste encore discrète en France. Au-delà de son simple rôle de veille opérationnelle et de capteur d'informations, elle protège nos entreprises contre la concurrence de plus en plus forte sur le grand échiquier économique mondial, dans le respect des règles éthiques. Celui qui sait livrer l'information au bon moment et à la bonne personne obtient un avantage compétitif décisif. Or les moyens de la France en ce domaine sont peu développés par rapport à ceux de nos grands rivaux économiques. Ainsi, alors qu'aux États-Unis plus de 100 000 personnes travaillent au sein de dix-sept agences pour le renseignement militaire et économique, notre pays n'emploie qu'une dizaine de milliers de personnes.

S'agissant des capteurs passifs, il est à noter que d'importants efforts ont été fournis pour développer une branche seulement embryonnaire il y a quelques années. Aux moyens satellitaires, sont venus s'ajouter les appareils sans pilotes, ou drones, dans le cadre de la nouvelle action « Connaissance et anticipation ».

D'un point de vue purement capacitaire, j'attire votre attention sur les différents types de drones qui existent actuellement. Il reste du travail en la matière. Notre pays doit encore se montrer plus volontariste en incitant les industriels à investir dans ce domaine essentiel. D'ailleurs, sous l'impulsion de Valérie Pécresse, le crédit d'impôt recherche est passé de 300 millions en 2001 à 4 milliards en 2009 : nous pouvons nous en féliciter.

Chacun des vecteurs du renseignement – satellites, drones, avions – est nécessaire. Tous ces programmes doivent être menés rapidement à leur terme. Cela est d'autant plus important qu'il ne faut pas considérer le renseignement comme une des composantes de la stratégie militaire, mais, ainsi que le souligne le Livre blanc, comme la meilleure arme de prévention du terrorisme.

Je voudrais, à présent, attirer votre attention sur l'impact du budget de la défense sur l'activité nationale.

La réforme déjà mentionnée a d'abord poussé le ministère de la défense à externaliser certains de ses secteurs relevant de la vie quotidienne, comme la restauration, l'infrastructure, le multiservice, le soutien informatique et la fonction habillement. Mais d'autres opérations plus importantes sont également concernées, comme la location d'heures de vol par l'école de formation des pilotes d'hélicoptères de Dax, qui permet de réaliser une économie de 8 %, ou encore la rénovation du complexe de Fontainebleau.

Et cette externalisation ne se limite pas au seul cadre national : en opérations extérieures, la défense expérimente, depuis 2007, le concept CAPESFRANCE, capacité additionnelle par l'externalisation du soutien des forces françaises, avec le recours à l'économat des armées pour le soutien des forces au Kosovo et au Tchad.

Je ne m'étendrai pas sur le projet de partenariat public privé relatif au projet Balard : ce sujet sera développé par mon éminent collègue Louis Giscard d'Estaing. Compte tenu des montants financiers en jeu, le ministère n'aurait pas eu les moyens de mener seul cette opération d'envergure ; on ne peut donc que se féliciter d'une telle évolution.

Au total, on estime à environ 50 % du budget de la mission le montant des dépenses budgétaires revenant aux différents fournisseurs du ministère de la défense, c'est-à-dire à environ cinq mille entreprises, dont les deux tiers sont des PME ou des PMI.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions d'ailleurs disposer d'une étude de la direction de la législation fiscale sur le retour en recettes sociales et fiscales directes et indirectes de ce soutien à notre industrie de défense. Je fais cette demande depuis longtemps mais, jusqu'à maintenant, je n'ai pas reçu de réponse satisfaisante.

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