À présent que nos forces sont engagées en Afghanistan depuis huit ans, notre nation se retrouve à la croisée des chemins.
Il faut en finir avec des méthodes qui ne relèvent ni de la puissance, ni de l'habileté, ni de la force, ni de la politique, avec une action constamment velléitaire, équivoque, hésitante, et dont la faillite était éclatante, longtemps avant les difficultés militaires de ces derniers jours.
En vérité, il faut choisir entre deux solutions également difficiles mais qui sont les seules vraiment qu'on puisse défendre à cette tribune sans mentir.
La première consiste à réaliser nos objectifs […] par le moyen de la force militaire. Si nous la choisissons, évitons enfin les illusions et les mensonges pieux. Il nous faut, pour obtenir rapidement des succès militaires décisifs, trois fois plus d'effectifs et trois fois plus de crédits ; et il nous les faut très vite...
L'autre solution consiste à rechercher un accord […] évidemment avec ceux qui nous combattent. Sans doute, ne sera-ce pas facile... »
Ces mots ne sont pas de moi. Ils ont été prononcés par Pierre Mendès France en 1950 à propos de la guerre en Indochine.
Nous nous trouvons aujourd'hui devant le même dilemme. Nous pouvons choisir la présence et l'action militaires, qui doivent être massives pour nous offrir quelque chance de réussite. Le général McChrystal, commandant les troupes en Afghanistan, estime qu'il nous faudrait au minimum trois fois plus de soldats. Quelle réponse lui apportons-nous ?
Cependant, M. Mariani, représentant spécial de la France pour l'Afghanistan et le Pakistan, a affirmé ce matin que la solution, loin d'être uniquement militaire, est surtout politique. Je partage son opinion, préférant la coopération civile à l'intervention militaire. Reconnaissant que « les Talibans ont pris le dessus », l'armée américaine a décidé de leur abandonner la majeure partie du territoire, pour se replier dans les villes.
Souhaitons-nous gagner cette guerre ? Sommes-nous encore en mesure de le faire ? Diplomates et militaires de haut niveau en doutent, et le disent. Quant aux politiques, ils hésitent, comme le fait M. Obama, empêtré dans l'impossible conjugaison du pragmatisme et du souci des valeurs universelles.
Si nous ne clarifions pas nos objectifs et que l'OTAN ne réajuste pas les effectifs, préparons-nous dès aujourd'hui au retrait. Ce serait la sagesse. Trente-sept Français sont morts. Allons-nous continuer à exposer la vie de nos soldats sans créer les conditions qui leur permettraient d'obtenir de réelles chances de succès ? Les Français sont autonomes. Il nous faut seulement trancher, comme Pierre Mendès France invitait à le faire, entre un engagement lourd ou un retrait total et définitif. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas décider.
Monsieur le ministre, comment appréciez-vous l'actualité afghane au regard des propos tenus par Pierre Mendès France sur un autre dilemme devant lequel la France a été placée ?