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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 5 novembre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Mission défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour le budget opérationnel de la défense :

C'est une bonne nouvelle et nous nous réjouissons que l'opération d'Issy-les-Moulineaux puisse prochainement se conclure. Cependant, d'autres opérations, menées en concertations avec la ville de Paris, qui dispose d'un droit de préemption, ne pourront pas être conclues à brève échéance.

C'est pourquoi le recours à une société de portage s'est imposé. Cette société devrait verser au ministère de la défense une somme proche de 500 millions d'euros, soit environ les deux tiers des recettes attendues par les aliénations. Une fois les immeubles cédés à la société de portage, le ministère versera à celle-ci un loyer jusqu'au redéploiement des services, prévu en 2014. Toutefois, nous approchons de la fin de l'année 2009 et cette société de portage n'est toujours pas constituée. Mais peut-être pourrez-vous, là aussi, monsieur le ministre, nous annoncer une bonne nouvelle.

Force est de constater que l'essentiel des recettes promises lors du vote du budget pour 2009 ne sont pas au rendez-vous un an plus tard. Nous connaissons les difficultés liées à l'état du marché, qui n'est guère porteur en ce moment, et je ne sous-estime ni les complications liées à la remise en état des terrains ni les problèmes de dépollution. Les élus que nous sommes sont, par ailleurs, conscients du fait que la cession à titre gratuit d'un certain nombre d'emprises se traduira par des moins-values, mais c'était une condition nécessaire de l'acceptabilité de la réforme. Néanmoins, ces éléments étaient, pour beaucoup, connus dès l'an dernier. Il est par conséquent nécessaire d'intégrer ces facteurs avec plus de réalisme dans la construction de la loi de finances, au risque, sinon, de porter atteinte à la sincérité budgétaire. Je ne serais pas dans mon rôle, monsieur le ministre, si je ne le disais pas aujourd'hui.

Quelles ont été les mesures prises pour boucler le budget 2009, compte tenu de la quasi-absence de rentrées exceptionnelles ?

En 2009, 972 millions d'euros devaient abonder le budget de la défense grâce aux seules cessions d'emprises immobilières. Or, seuls 540 millions d'euros seront au rendez-vous au 31 décembre 2009. Sur cette somme, seuls 20 millions provenaient réellement, fin octobre, de la vente de sites immobiliers, décidée dans le cadre de la réforme des armées ; 30 autres millions sont attendus d'ici à la fin de l'année, ce qui porte à 50 millions au maximum le produit des ventes réalisées en 2009. Par ailleurs, 140 millions d'euros proviennent de reports de crédits non consommés en 2008 ; 130 millions sont transférés des programmes « Équipement des forces » et « Préparation et emploi des forces », tandis que quelques dizaines de millions d'euros proviennent de la cession de biens immobiliers dont la décision d'aliénation est antérieure à la réforme. À ces 540 millions d'euros sont venus s'ajouter 170 millions apportés par le plan de relance, 105 millions obtenus par un décret d'avance et 19 millions destinés à augmenter le pourcentage versé par avance aux entreprises, soit un total de 294 millions d'euros.

À supposer que les 30 millions d'euros attendus des aliénations prévues soient bien engrangés d'ici au 31 décembre 2009, il manquera encore 138 millions d'euros par rapport à la somme inscrite en loi de finances initiale. Pour compliquer l'exercice, les armées, qui n'ont pas perçu les recettes exceptionnelles, ont dû faire face à des dépenses non budgétées, parmi lesquelles figure l'impact du retour dans le commandement militaire de l'OTAN.

En effet, le retour de la France au sein des instances de l'Alliance se traduit par l'envoi à l'étranger de plusieurs centaines d'officiers et sous-officiers chargés d'y représenter notre pays. La décision du chef de l'État, validée par un vote de notre assemblée, devrait porter à environ 1 200 le nombre des Français présents dans les différents états-majors et organismes de l'OTAN. La montée en puissance des effectifs s'étalera jusqu'à l'été 2012. Dès 2009, 265 cadres ont été envoyés dans ces instances et leur nombre augmentera progressivement.

Compte tenu du poids de nos armées et de notre contribution financière, notre pays disposera, à terme, dans les structures de l'organisation, d'à peu près autant de personnels que le Royaume-Uni. La France a déjà obtenu dix-sept postes d'officiers généraux au sein de la structure de commandement. Je tiens notamment à saluer la nomination du général Stéphane Abrial, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air, à l'un des deux commandements suprêmes de l'OTAN, le commandement transformation, basé à Norfolk. C'est la première fois qu'un commandement de cette importance n'est pas attribué à un Américain, ce dont le président du groupe d'amitié France-États-Unis de l'Assemblée nationale ne peut que se féliciter.

Mais cela n'est pas gratuit. Selon l'état-major des armées, l'ensemble des surcoûts liés à la réintégration du commandement intégré de l'OTAN est estimé, sur la période 2010 à 2015, à environ 650 millions d'euros. En 2009, le coût de la réintégration par la France du commandement intégré de l'OTAN s'élèvera à 30 millions d'euros ; en 2010, il atteindra 60 millions d'euros ; puis, en année pleine, ce coût dépassera largement les 100 millions d'euros annuels.

Notre pays doit maintenir son rang, assumer ses choix à l'intérieur des instances de commandement de l'OTAN. Mais il faut constater que le coût budgétaire de cette réintégration n'avait pas été prévu dans la loi de programmation militaire. Je me dois de souligner que, désormais, toute mesure de ce type doit être précédée d'une étude d'impact budgétaire, en application de la loi organique du 15 avril 2009, laquelle n'a, il est vrai, pas de caractère rétroactif. (Sourires.)

Le regroupement à Balard des états-majors et de l'administration centrale du ministère de la défense sera une source d'économie. Ce projet prévoit l'installation sur un site unique, autour du ministre et de son cabinet, d'environ 10 000 fonctionnaires civils et militaires du ministère, pour un coût approximatif de 600 millions d'euros. Il sera mené en partenariat avec un opérateur privé, qui bâtira les immeubles, dont il sera propriétaire pendant trente ans, et auquel la défense versera un loyer. Cette solution a été préférée à une opération strictement patrimoniale, qui aurait été beaucoup plus difficile à financer et qui n'aurait pas forcément respecté les délais sur lesquels le partenaire privé s'engagera de manière contractuelle.

Cette opération permettra de gagner 24 % de surface supplémentaire par rapport aux actuelles implantations que la défense va libérer, en raison de la disposition peu fonctionnelle des locaux actuellement occupés et parfois fort anciens. Des économies substantielles sont attendues en matière de frais d'entretien, de restauration et de transport. Actuellement, le ministère de la défense évalue à 226 millions d'euros par an le coût de fonctionnement des 10 000 personnes qui seront affectées à Balard. Le loyer qui sera versé au partenaire privé n'est pas encore connu, puisqu'il résultera de l'appel d'offres. En outre, cette somme inclura un grand nombre de services de fonctionnement : restauration, entretien, assistance bureautique, gardiennage extérieur. Si son montant correspond aux estimations du ministère, l'économie réalisée par la défense, donc par le contribuable, sera substantielle. Le chef du contrôle général des armées l'a estimée entre 2,5 à 3,5 milliards d'euros sur trente ans.

Je constate la bonne tenue du calendrier et le bon état d'avancement de la démarche, mais je suivrai évidemment avec beaucoup d'intérêt ce projet emblématique de la réforme des armées et je souhaite naturellement que le Parlement soit associé de la manière la plus étroite possible à l'élaboration de ce projet structurant pour la défense de notre pays.

Les armées explorent également d'autres voies pour réduire les dépenses et réaliser des économies. L'interarmisation en est une très efficace. Ainsi, dans un souci d'économie et d'efficacité, l'année 2010 verra la fusion des trois commissariats d'armée au profit d'un commissariat unique. Je suivrai avec intérêt cette démarche, qui va dans le sens d'une rationalisation des procédures et des moyens. De la même manière, la mise en place, d'ici à 2014, d'un seul système interarmées de paiement de la solde de tous les militaires constituera un progrès considérable et une source d'économies. Je ne peux donc qu'encourager ce mouvement, facteur d'économies, qui non seulement ne remet pas en cause notre contrat opérationnel, mais encore prouve que le ministère de la défense concourt à l'optimisation des deniers publics.

Les efforts consentis par les agents du ministère de la défense en cette période de réforme se devaient d'être soulignés et récompensés. Je suis donc heureux de rappeler que le plan de revalorisation de la condition militaire se poursuivra en 2010. Ainsi, au titre des mesures catégorielles militaires, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit 99 millions d'euros de mesures nouvelles. La plus significative d'entre elles, d'un montant de 70 millions, permettra de poursuivre la revalorisation des grilles indiciaires, déjà entamée en 2009, notamment au profit des grades de sous-officiers – sergent et sergent-chef – ou d'officiers – sous-lieutenant et capitaine – en début de carrière. Au total, sur deux ans, 128 millions d'euros – dont 58 millions en 2009 – seront consacrés à la revalorisation des grilles indiciaires, et nous nous en réjouissons pour celles et ceux qui ont choisi cette belle mais exigeante carrière.

Un mot sur la communication du ministère de la défense. Celle-ci est principalement assurée par la Délégation à l'information et à la communication de la défense, la DICOD. Il faut constater que, dans les faits, la fonction communication est dispersée au sein des armées. Loin de travailler de manière coordonnée, différents organismes se retrouvent parfois dans des situations de concurrence. De ce point de vue, le regroupement sur un seul et même site, à Balard, des différents états-majors, de leurs moyens de communication et de la DICOD mettra certainement en évidence les redondances et permettra de rationaliser cette fonction.

Je me suis également intéressé à la communication interne, m'interrogeant notamment sur l'accès des personnels civils et militaires du ministère aux travaux parlementaires. Régulièrement, en effet, députés et sénateurs rendent visite à nos forces, en France ou sur les théâtres d'opérations extérieures, et des rapports parlementaires, de l'Assemblée nationale comme du Sénat, portant sur des thèmes d'actualité qui intéressent directement les armées sont publiés. Or, les retombées dans les revues dédiées à la communauté militaire ne me semblent pas refléter l'implication des parlementaires sur ces questions.

Monsieur le ministre, vous qui avez siégé sur ces bancs, vous ne pouvez vous satisfaire d'une telle situation. À titre d'exemple, le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle que nous avons publié, en juillet 2009, avec ma collègue Françoise Olivier-Coupeau contient des propositions très concrètes concernant la communauté militaire. Or, il ne semble avoir fait l'objet d'aucun développement dans la presse institutionnelle du ministère, ce qui est regrettable au moment où l'on doit renforcer le lien entre la nation et ses armées, lien qui passe également par les élus de la République.

Je voudrais aussi citer d'excellents rapports d'information, tels que celui que MM. Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille ont consacré à la mise en oeuvre et au suivi de la réorganisation du ministère de la défense, ou celui que Mme Patricia Adam, MM. Patrick Beaudouin et Yves Fromion ont consacré à l'exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

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