Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a affirmé de la manière la plus claire qui soit l'importance croissante de l'espace, qualifié à juste titre de « facteur déterminant de l'autonomie stratégique ». Il s'agit prioritairement d'assurer la relève des systèmes existants dans les domaines de l'observation et des communications, qui ont donné à la France une place singulière en Europe.
Mais l'ambition spatiale s'exprime aussi à travers l'appel au développement de nouvelles capacités, tant en matière de renseignements d'origine électromagnétique, dit ROEM, que d'alerte avancée. Ce volontarisme devait se traduire par la fixation d'un objectif budgétaire précis : pour financer ces programmes, les crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires, qui sont tombés à 380 millions d'euros en 2008, devaient être doublés en moyenne annuelle sur la période à venir, c'est-à-dire jusqu'en 2020.
L'examen du budget de la défense est l'occasion de vérifier si les actes suivent les intentions. Ainsi, l'analyse de l'exécution des crédits au cours de l'actuelle programmation et de ceux demandés par le projet de loi de finances pour 2010 permet de mesurer l'ampleur des besoins non satisfaits et des efforts à consentir pour répondre aux lacunes. À titre personnel je constatais dans le rapport présenté il y a un an que les dotations initiales n'avaient pas cessé de diminuer depuis 2006 et qu'elles avaient atteint un point bas dans la loi de finances pour 2008. Je regrettais qu'une large partie des économies réalisées par rapport à la programmation initiale marque une réduction de nos ambitions.
La maîtrise des technologies spatiales est en effet devenue une condition indispensable de l'efficacité opérationnelle des forces, et elle le sera encore davantage à l'avenir. De fait, un effort particulier aurait dû être fait pour la recherche dans le domaine de l'espace ; or ce projet de loi de finances, loin de faire face au défis majeurs qui sont devant nous, n'est pas assez ambitieux.
Si les crédits de paiement de l'action 4 du programme 144 ne connaissent qu'une baisse légère par rapport à l'an dernier, il n'en va pas de même pour les sous-actions qui la composent. La sous-action 41, relative aux études amont espace, enregistre ainsi une baisse de 6 % par rapport à 2009.
En matière de recherche et de développement, les crédits de paiement sont en diminution de 6,25 %. Il s'agit essentiellement de la réduction des crédits consacrés au développement. La France, pour des raisons historiques largement liées à la constitution d'une force autonome de dissuasion, a développé un outil industriel et scientifique de défense unique en Europe. Nous avons le devoir d'entretenir et de développer ces compétences technologiques. Or la réduction progressive du format des années rend difficile le maintien de cette base industrielle et technologique de défense, par ailleurs très performante. Pourtant, il s'agit d'un enjeu essentiel pour l'avenir. Sans cet outil, nos forces ne pourront pas disposer des matériels et des technologies nécessaires. De plus, la préservation sur le territoire national d'un pôle industriel spatial est autant un but qu'une conséquence de la politique spatiale de la France. Il faut veiller cependant à lui conserver une cohérence avec la définition et la mise en oeuvre, certes laborieuse, d'une véritable politique spatiale européenne. Le sort de milliers d'emplois en dépend.
Si nous voulons doter notre pays d'une avance technologique permettant le développement des compétences et le maintien de son avance dans ce secteur, un double effort s'impose : une progression des budgets alloués d'une part, et une politique de recherche véritablement ambitieuse de l'autre.
Cependant, loin du discours volontariste officiel, force est de constater que c'est plutôt à la stagnation, sinon à la régression, que vous semblez vouloir condamner la recherche duale dans le secteur spatial. Elle dispose d'un budget très limité : 200 millions d'euros pour le programme 191. Par ailleurs, comme cela a été très justement souligné, le CNES verra des crédits supprimés, avec les conséquences que l'on peut redouter sur ses projets industriels.
Monsieur le ministre, pendant que nous semblons hésiter, tergiverser, de grandes nations – je pense en particulier à la Chine, à son programme Bediou 2 ou Compass, le GPS chinois – mettent en jeu des moyens considérables. Cela a incidemment pour effet de souligner le caractère trop disparate de la politique spatiale européenne.
En effet, ne nous y trompons pas : la France seule n'aura pas les moyens de se maintenir durablement à de tels niveaux de concurrence, mais, comme elle est moteur en Europe, c'est une Europe spatiale certes bien problématique qui marquera le pas en la matière.
C'est ainsi que les retards des projets MUSIS et CERES sont porteurs de lourdes inquiétudes. C'est bien l'ambition qui manque à ce budget spatial.
Sans une poussée vigoureuse dès 2011, à défaut de 2010, qui devrait rattraper les retards accumulés, craignons un décrochage de l'aventure spatiale française qui avait si bien commencé. Personne, ici, j'en suis persuadé, ne saurait l'accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)