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Séance en hémicycle du 13 janvier 2011 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Gouvernement, en tant que secrétaire d'État à la santé, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Ce titre dit assez la variété des sujets abordés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je ne suis pas la seule à porter ce projet de loi : d'autres ministres, bien sûr Xavier Bertrand, mais également Roselyne Bachelot, Frédéric Mitterrand et Éric Besson, voient des dispositions du projet de loi relever de leurs compétences.

Mais cette variété ne doit pas masquer notre objectif commun : nous devons mettre notre droit national en conformité avec les obligations résultant du droit communautaire. Nous devons combler les retards de notre pays en matière de transposition de plusieurs directives. Et nous savons bien que nous ne pouvons plus attendre.

D'abord, ces retards ont un coût pour nos finances publiques : comme vous le savez, le traité de Lisbonne a renforcé les sanctions financières dans ce domaine.

Ensuite, ces retards nous mettent dans une forte insécurité juridique, puisque les citoyens de l'Union européenne peuvent désormais attaquer un État pour déficit de transposition.

Mais, surtout, ces retards ne sont pas sans conséquences sur l'image de notre pays et sur sa crédibilité en Europe. Pour que la France soit forte dans les négociations européennes, pour qu'elle puisse peser sur les choix politiques faits lors de l'adoption des directives, nous devons être exemplaires dans la transposition de ces directives.

Or nous sommes en ce domaine au quinzième rang des États de l'Union européenne : cela n'est pas acceptable.

Le Gouvernement a donc décidé de combler ce retard, avec le soutien du Parlement, en lui demandant d'adopter plusieurs textes de ce type. C'est l'objectif de ce projet de loi : il va nous permettre d'achever la transposition de plusieurs directives d'importance majeure, en particulier la directive « services » et la directive « qualifications ».

Permettez-moi de vous rappeler d'abord brièvement les objectifs de la directive « services ».

Dans sa version finale, elle vise à libérer le potentiel de croissance des marchés de services en Europe en éliminant les obstacles juridiques et administratifs injustifiés qui freinent les échanges dans ce secteur. Elle doit notamment permettre de simplifier l'établissement de petites et moyennes entreprises ou de prestataires de services de part et d'autre des frontières intra-européennes, et d'élargir ainsi le choix des consommateurs.

Il ne s'agit en aucun cas d'inciter au moins-disant social : les exigences de qualifications et de conditions de travail sont celles du pays d'accueil. Les durées de travail, le salaire minimum ou les conditions d'hygiène et de sécurité sont donc entièrement garanties. Par ailleurs, un certain nombre de services, de portée régalienne ou d'intérêt général, sont exclus, par exemple la sécurité privée, les services judiciaires, certains services sociaux, le transport ou la radiodiffusion.

Une grande partie des dispositions ont déjà été transposées dans le cadre de plusieurs textes de loi, comme la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ou encore la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques. Mais, d'autres n'ont pas encore pu faire l'objet d'une adoption législative définitive.

Or nous avons depuis longtemps dépassé la date butoir, qui est, je le rappelle, le 28 décembre 2009. À défaut d'une transposition complète de la directive « services », nous risquons une condamnation en manquement, avec une amende de plusieurs millions d'euros.

Ce projet de loi est donc nécessaire, il est même indispensable. Je vais en présenter rapidement le contenu.

Pour transposer la directive « services », l'article 1er modifie la réglementation des débits de boisson : il prévoit une déclaration administrative unique qui encadrera de manière harmonisée l'ensemble des lieux de vente de boissons alcooliques, dans le souci de garantir la santé et l'ordre public.

L'article 2 simplifie la réglementation sur la revente des dispositifs médicaux d'occasion. II s'assure cependant que chacun de ces dispositifs a fait l'objet d'un certificat de conformité.

L'article 3 aménage le dispositif d'évaluation de l'activité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

L'article 4 simplifie l'accès aux activités de contrôle des installations techniques funéraires.

L'article 6, relatif aux entrepreneurs de spectacle, simplifie les procédures applicables aux opérateurs communautaires intervenant à titre temporaire ou occasionnel sur le territoire national.

L'article 7 facilite l'activité en France des sociétés d'architecture d'un État membre de l'Union européenne. Il maintient cependant les conditions de qualification requises pour l'exercice de la profession d'architecte.

L'article 8, relatif aux agences de mannequins, introduit un régime déclaratif pour les agences intervenant dans le cadre de la libre prestation de services. Il supprime également les incompatibilités professionnelles pour les salariés, dirigeants et associés des agences, car ces incompatibilités sont contraires à la directive « services ». Il leur impose cependant de prendre toutes mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des mannequins qu'elles emploient et éviter les situations de conflit d'intérêts.

Enfin les articles 9 et 10 du projet de loi viennent transposer la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, pour les professeurs de danse et les assistants de service social.

Comme vous le voyez, cette transposition ne se fait pas d'une manière aveugle : nous veillons à préserver nos intérêts et les garanties qui peuvent légitimement être exigées pour les professions concernées.

Un seul exemple, pour les agences de mannequins : demain, un photographe pourra exercer les fonctions d'agence de mannequins, ce qui ne lui était pas permis hier. Mais il ne pourra le faire que d'une manière encadrée : il devra demander et obtenir une licence, et ce en apportant des garanties morales, administratives, juridiques et financières ; il devra déclarer publiquement ses autres activités professionnelles, ainsi que les mesures qu'il prend pour garantir la défense des intérêts des mannequins qu'il emploie et éviter les conflits d'intérêts. Et s'il veut employer un mannequin âgé de moins de seize ans, il devra obtenir une autorisation préalable spécifique. Nous maintenons donc, avec ce projet de loi, de fortes garanties qui empêcheront toute dérive.

Ce texte nous permet aussi de compléter notre adaptation à d'autres dispositions du droit européen, là aussi pour éviter d'être une nouvelle fois exposé à des condamnations financières.

Ainsi, l'article 5 complète la transposition de la directive du 31 mars 2004 relative aux médicaments traditionnels à base de plantes, en nous permettant de tenir les délais prévus. Il ne s'agit pas, j'y insiste, de permettre la mise sur le marché de nouveaux médicaments de ce type sans autorisation.

De même, l'article 11, que mon collègue Éric Besson présentera, nous permettra de transposer le nouveau cadre réglementaire européen, dit « paquet télécoms », qui doit absolument être transposé avant le mois de mai.

Enfin, le Gouvernement présentera plusieurs amendements complémentaires.

Le premier habilite le Gouvernement à mettre en cohérence les dispositions nationales avec celles prévues par le règlement du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques.

Le deuxième complète la transposition de la directive du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade.

Le troisième adapte le droit national au règlement du 13 novembre 2007 relatif aux médicaments de thérapie innovante.

Enfin le quatrième habilite le Gouvernement à transposer la directive du 6 mai 2009 relative aux comités d'entreprise européens, directive qui doit être transposée avant juin prochain. S'agissant de cette directive relative aux comités d'entreprise européens, nous travaillerons bien sûr en concertation avec les partenaires sociaux.

Je l'ai dit, ces transpositions sont urgentes. Le présent projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire apporte une réponse efficace à cette situation, parce qu'il nous permet de tenir nos engagements sur le plan du droit communautaire, dans le respect de notre modèle social.

Avant que n'intervienne Cécile Dumoulin, rapporteure de la commission des affaires sociales, je tiens à la féliciter chaleureusement, ainsi que sa collègue Laure de La Raudière, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, qui a examiné les dispositions relatives aux communications électroniques, pour la qualité de leur travail et la façon dont elles ont su assurer la cohérence entre les dispositions de ce projet de loi.

Elles ont permis aux deux commissions des affaires sociales et des affaires économiques d'améliorer le projet du Gouvernement, et je remercie, à travers elles, l'ensemble des membres de ces deux commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Cécile Dumoulin, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

J'ai aujourd'hui l'honneur d'être la rapporteure d'un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques, qui vise à remplir 1'obligation constitutionnelle d'application du droit communautaire et de transposition des directives.

C'est un texte très technique qui a, entre autres, comme conséquence une simplification de notre droit, ce qui n'est pas superflu, mais laisse peu de possibilités au Parlement pour amender le texte car la transposition des directives doit se faire dans un cadre très contraint. Toutefois, les commissions ont adopté des amendements qui ont pu enrichir ce texte.

Ce projet de loi comporte onze articles portant sur la santé, sur certaines professions et activités réglementées et sur les communications électroniques. Leur point commun réside dans leur objectif : mettre le droit national en conformité avec les obligations résultant du droit communautaire, et en particulier réduire le retard pris par la France dans la transposition de plusieurs directives.

En effet, la France a accumulé un retard global important dans la transposition des directives, s'élevant à 1,2 %, alors que l'objectif fixé par la Commission européenne est de 1 % de déficit maximum. Il faut rappeler que cet objectif est respecté par dix-huit États membres sur vingt-sept.

Plus précisément, en ce qui concerne les directives transposées par ce projet de loi, la situation apparaît critique pour deux d'entre elles et très tendue pour les trois autres.

La France a déjà été condamnée, en octobre 2009, pour son retard de transposition de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. La Commission européenne a adopté, en juin dernier, un avis motivé à l'encontre de la France au sujet de la transposition de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dont le délai de mise en oeuvre a expiré en décembre 2009. Il s'agit de la dernière étape avant un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Par ailleurs, les différentes mesures de transposition des deux directives du 25 novembre 2009 du troisième « paquet télécoms » doivent être rapidement prises, car leur délai de transposition s'achève en mai 2011. De même, le délai de transposition de la directive du 31 mars 2004, en ce qui concerne l'enregistrement simplifié des médicaments traditionnels à base de plantes, expire en avril 2011.

Il convient de combler le retard pris par la France dans la transposition des directives, car il peut entraîner des sanctions financières lourdes à l'encontre de notre pays, en plus de l'insécurité juridique qu'il crée. Le traité de Lisbonne a en effet modifié les règles de contrôle de la transposition des directives.

Les États membres peuvent désormais être condamnés à payer des amendes et astreintes dès le recours en manquement intenté par la Commission européenne. Je rappelle que le montant minimal de l'amende pouvant être infligé à la France a été fixé à 10 millions d'euros et celui des astreintes journalières à plus de 12 000 euros.

Je vous rappelle également que la France a dû payer en décembre 2008 une amende de 10 millions d'euros pour transposition tardive de la directive relative aux OGM. Aussi est-il urgent de légiférer.

Le présent projet de loi vise donc à transposer en droit français cinq directives.

Il s'agit tout d'abord, pour les articles 1er à 4 et 6 à 8, de poursuivre la transposition de la directive « services » du 12 décembre 2006 dans différents secteurs d'activité. Cette directive a pour objectif de promouvoir le libre établissement et la libre prestation de services au sein du marché intérieur. À cette fin, elle impose aux États membres une obligation générale de simplification administrative et des conditions strictes de validité des régimes d'autorisation d'activité, qui doivent être non discriminatoires, nécessaires et proportionnées.

Au-delà de ces trois exigences fondamentales, tout régime d'autorisation d'une activité de service doit reposer sur des critères clairs et objectifs, qui ne doivent pas faire double emploi avec les exigences et les contrôles équivalents auxquels sont déjà soumis les prestataires des autres États membres.

Il faut enfin rappeler que tout prestataire de services européen qui s'établit dans un autre État membre se trouve soumis aux règles de droit social en vigueur dans ce pays et que les prestataires européens intervenant en libre prestation de services doivent exercer leur activité dans le cadre des règles du détachement transnational des travailleurs. Cela signifie qu'en France les employeurs européens doivent respecter les règles françaises, en particulier en matière de libertés individuelles et collectives, de durée du travail et de congés annuels payés, de salaire minimum, de santé et de sécurité au travail. Ces précisions sont importantes.

La France a opté pour une transposition sectorielle, et non transversale, de la directive « services », ce qui est une procédure plus complète mais certes plus longue. Si de nombreuses mesures d'adaptation ont déjà été prises, il subsiste un certain nombre de régimes d'autorisation qui ne répondent pas encore aux critères de cette directive.

Il s'agit tout d'abord du régime d'autorisation de la vente de boissons. L'article 1er simplifie et harmonise les différentes obligations administratives des débits de boissons à consommer sur place, à emporter, et des restaurants. Le dispositif initial proposé à l'article 1er a été amélioré en commission : l'obligation de détenir une licence pour vendre des boissons sans alcool a été complètement supprimée et les délais de déclaration harmonisés.

Il s'agit ensuite du régime des organismes agréés intervenant dans la certification et la revente des dispositifs médicaux. L'article 2 reconnaît la certification opérée par les organismes compétents des autres États européens et encadrant la revente de ces produits. Il faut signaler qu'un article 2 bis a d'ailleurs été adopté en commission pour harmoniser les règles de revente des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro avec celles des autres dispositifs médicaux.

Ne répondent toujours pas non plus aux critères de la directive « services » les régimes d'autorisation suivants :

Le dispositif d'habilitation des organismes d'évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux : l'article 3 permet l'exercice temporaire et occasionnel par les opérateurs européens de cette activité d'évaluation ;

La procédure d'agrément des organismes de contrôle des installations techniques et des véhicules funéraires : l'article 4 encadre le dispositif actuel d'agrément de ces organismes par un régime d'accréditation ;

Les licences d'entrepreneurs de spectacles vivants : l'article 6 clarifie le régime des licences et titres équivalents obligatoires pour s'établir en France et en facilite l'exercice temporaire et occasionnel par les opérateurs européens de cette activité ;

Les règles relatives aux sociétés d'architecture : l'article 7 permet aux architectes européens, qui peuvent déjà exercer temporairement et occasionnellement dans notre pays, de constituer à des sociétés en France ou d'y participer ;

Enfin, les licences d'agences de mannequins : l'article 8 simplifie le régime de la licence obligatoire pour les agences établies en France et crée un régime de déclaration pour les agences européennes intervenant temporairement et occasionnellement sur le territoire national. Mme la secrétaire d'État a précisé dans son intervention les précautions prises suite aux modifications intervenues dans ce texte. Il faut signaler que le dispositif initial proposé à l'article 8 a été amélioré en commission : le principe d'une sanction pénale des nouvelles obligations relatives à la prévention des conflits d'intérêts a été inscrit dans la loi.

Au-delà de la directive « services », le présent projet de loi vise à modifier la transposition de la directive du 31 mars 2004 relative aux médicaments traditionnels à base de plantes, telle qu'opérée par une ordonnance d'avril 2007. En effet, le calendrier prévu par cette ordonnance pour la mise en oeuvre de l'enregistrement simplifié des médicaments actuellement sur le marché ne semble pas approprié.

L'article 5 propose donc de le modifier, pour prolonger les délais et obliger ainsi les laboratoires à déposer l'ensemble des dossiers d'enregistrement de leurs médicaments avant le 30 avril 2011. À défaut de dépôt de dossier, les médicaments devront être retirés du marché à cette date, les autres pouvant demeurer en circulation jusqu'à la fin de leur autorisation de mise sur le marché ou jusqu'à une décision de l'AFSSAPS à leur égard.

Le présent projet de loi vise également à compléter la transposition de la directive du 7 septembre 2005 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles. En effet, l'ordonnance du 30 mai 2008, qui a transposé la directive aux professeurs de danse et aux assistants de service social, comporte un oubli que proposent de combler respectivement les articles 9 et 10.

Il s'agit d'une exception concernant l'exigence de deux années d'expérience professionnelle pour les ressortissants d'un État européen souhaitant s'installer en France et détenant un titre de formation d'un État membre où la profession n'est pas réglementée mais où la formation l'est.

Enfin, l'article 11 du présent projet de loi propose d'autoriser le Gouvernement à transposer, par voie d'ordonnance, le nouveau cadre réglementaire européen des communications électroniques, adopté le 25 novembre 2009 et communément dénommé troisième « Paquet télécoms ». Il faut noter que la commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de cet article et que le Gouvernement, comme il s'y était engagé, a transmis un avant-projet d'ordonnance stabilisé au Parlement avant la tenue de séance publique.

Le choix d'une transposition par ordonnance est justifié par la faible marge de manoeuvre possible pour la transposition de ces directives et les délais très courts qui sont impartis.

Je laisserai ma collègue Laure de La Raudière, rapporteure de la commission des affaires économiques, s'exprimer plus longuement sur ce sujet.

Pour conclure, je rappelle qu'il est urgent de transposer l'ensemble des directives que je viens d'évoquer car la France pourrait se voir condamnée à des sanctions financières importantes, ce qui explique sans doute le choix opéré par le Gouvernement de multiplier les vecteurs législatifs contenant ces dispositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Laure de La Raudière, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de l'article 11 du projet de loi visant à habiliter le Gouvernement à transposer sous forme d'ordonnance le troisième « paquet télécoms », adopté le 25 novembre 2009, et qu'il est nécessaire de transposer avant le 25 mai 2011 sous peine de sanctions.

Même si le contenu de ce troisième « paquet télécoms » est important pour le secteur des télécommunications, il ne me semble pas pour autant injustifié de légiférer par ordonnance.

En effet, les sujets sont majoritairement techniques, les deux directives à transposer comportent un très grand nombre de modifications, puisqu'elles comptent respectivement 33 et 26 pages ! L'essentiel de la transposition consiste à répliquer en droit français les nouvelles dispositions de droit européen, ce qui justifie le recours à l'ordonnance.

Mes chers collègues, je me permets aussi de vous rappeler que le Gouvernement a été très transparent dans sa démarche : un avant-projet a été mis en consultation publique en mai 2010. Peu de remarques structurantes ont été effectuées par les acteurs. Vous trouverez dans mon rapport le tableau de concordance entre la directive et l'avant-projet d'ordonnance.

Par ailleurs, je tiens à remercier le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique d'avoir tenu l'engagement pris lors de l'examen de l'article 11 en commission des affaires économiques de nous transmettre le projet d'ordonnance stabilisée avant l'examen en séance.

Par rapport aux questions soulevées en commission, nous ne pouvons que nous réjouir de la rédaction retenue par le Gouvernement concernant l'extension du pouvoir de règlement des différends de l'ARCEP aux conflits entre opérateurs et fournisseurs de contenus, au sens large, c'est-à-dire même si les fournisseurs de contenus n'ont pas de lien commercial direct avec l'opérateur.

Nous notons aussi avec intérêt la disposition introduite à l'article 44-3 pour donner à l'ARCEP la faculté de saisir le président du TGI de Paris pour faire bloquer un numéro surtaxé utilisé à des fins frauduleuses. Cela nous paraît tout à fait intéressant.

Les autres modifications apportées à l'ordonnance me paraissent justifiées eu égard aux répartitions de compétence entre la DGCCRF et l'ARCEP, ou encore entre l'ANFR et l'ARCEP. Quelques autres modifications de forme ou de cohérence ont été apportées.

Voilà, mes chers collègues, l'éclairage que je voulais vous apporter après la lecture du projet d'ordonnance que nous avons reçu il y a quelques jours.

Je voudrais maintenant aborder le sujet de la neutralité des réseaux, en partie couvert par le projet d'ordonnance, mais pas complètement.

L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen affirme « la libre communication des pensées et des opinions ». Quel support aujourd'hui respecte mieux ces principes qu'Internet ?

Aussi devons-nous oeuvrer pour préserver les formidables avancées sociétales que représente Internet : démocratisation de l'accès au savoir comparable à ce que fut en son temps la révolution de l'imprimerie ; commercialisation universelle des produits et services ; promotion facile de nouvelles idées ; participation des citoyens aux débats politiques ; diffusion rapide des nouvelles technologies ; développement économique des PME.

Tous ces enjeux méritent que l'on crée certaines règles pour préserver l'internet universel, immense bien collectif, qui ne doit pas être transformé au gré des intérêts de ses différents acteurs en plusieurs internets, l'internet d'Orange ou de Bouygues, l'internet de SFR, ou encore le Free internet. C'est un objectif politique, économique et de société.

Aussi, si l'on peut considérer comme acceptable, pour des raisons techniques et objectives, que les acteurs puissent gérer de façon différenciée certains flux, qu'ils soient opérateurs ou fournisseurs de contenus, encore faut-il que cela se fasse dans des conditions transparentes et non discriminatoires.

De même, s'il faut être conscient que les opérateurs doivent pouvoir offrir des services gérés, dans le cadre d'offres commerciales spécifiques, cela va de pair avec l'obligation de fournir une offre internet de qualité, permettant l'accès à tous les services et applications internet.

Plus que jamais, le travail du législateur va se situer au point d'équilibre entre la nécessité absolue de garantir un accès à internet neutre et universel et la nécessaire liberté d'entreprendre et d'investir : autant d'intérêts parfois antagonistes qu'il convient de réguler avec doigté.

Le but du débat qui s'engage dans un climat très passionné, c'est de trancher un noeud gordien : nous allons devoir prendre des décisions aux conséquences bien plus lourdes que les discours techniques ne le laissent supposer.

C'est tout l'objet de la réflexion de la mission d'information sur la neutralité d'internet et des réseaux de la commission des affaires économiques, que je copréside avec Corinne Erhel.

J'ai souhaité ouvrir le débat aujourd'hui sur ce sujet par le biais de deux amendements, même si je reconnais volontiers que le calendrier n'est pas forcément idéal au vu du travail non achevé de la mission de la commission des affaires économiques, mais aussi de la Commission européenne, dont on attend prochainement un livre blanc sur la neutralité des réseaux.

Je ne voudrais pas terminer mon propos sans évoquer l'amendement gouvernemental proposant d'instituer un commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP. Cet amendement déposé mardi émeut beaucoup de personnes, car elles craignent qu'il puisse entacher l'indépendance de l'ARCEP. Certains osent même parler de mise sous tutelle. Je me demande s'ils ont bien lu l'amendement proposé : les pouvoirs du commissaire du Gouvernement sont très limités et, en aucun cas, ne portent atteinte à l'indépendance de l'ARCEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Heureusement, sinon cela serait contraire au fonctionnement de l'autorité indépendante, cela serait aussi contraire aux directives européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Au vu du texte de l'amendement que nous propose le Gouvernement, il ne me paraît pas justifié de lui faire un tel procès d'intention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Christophe Caresche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, la motion de procédure que je vais défendre vise surtout à déplorer les conditions dans lesquelles nous débattons de ce texte. Mes prédécesseurs à cette tribune ont également dénoncé, de manière assez sévère, l'inaction du Gouvernement qui a conduit au retard important pris par la France en matière de transposition de directives ainsi qu'à être menacée de lourdes sanctions financières par la Commission européenne.

Nous faisons le même constat et nous sommes les premiers à regretter que la France soit contrainte de payer de lourdes amendes. Cependant, nous n'en tirons pas les mêmes conclusions. Nous considérons que la manière dont vous essayez de vous mettre en conformité avec le droit européen n'est absolument pas satisfaisante, car elle ne permet pas au Parlement d'exercer correctement ses prérogatives.

Le texte de ce soir est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il s'agit d'un texte fourre-tout qui mélange des dispositions très diverses, concernant des directives très variées.

Pour ce qui concerne la directive «services», ce texte s'ajoute à la dizaine de textes nécessaires à la transposition de la directive. Nous ne pouvons que constater l'éclatement de sa transposition par voie de projets de loi, de propositions de loi, d'amendements, dans des conditions qui ne permettent la tenue d'un débat satisfaisant sur ces questions.

S'agissant du paquet télécoms, vous nous proposez une transposition par voie d'ordonnance. Certes, vous avez transmis – c'est la moindre des choses – le projet d'ordonnance. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une ordonnance et que pour le Parlement cela signifie se défaire de ses prérogatives législatives au profit du Gouvernement, ce qui est loin d'être satisfaisant.

M. Didier Quentin, député UMP, et M. Jérôme Lambert, député de l'opposition, l'ont du reste souligné, de manière assez sévère, dans une communication élaborée au sein de la commission des affaires européennes. « L'accumulation de projets de transposition nécessaires pour éviter à la France de lourdes condamnations pécuniaires soulève trois types de difficultés ; le recours aux projets fourre-tout que sont les DDAC qui nuisent à la lisibilité et à la clarté des débats parlementaires. Il trahit une gestion administrative compartimentée des enjeux de transposition sans qu'ils soient utilement rassemblés dans des textes cohérents. Cette tendance regrettable est particulièrement manifeste pour la directive «services», transposée de manière interminable, ouvrant profession par profession, domaine par domaine, en fonction des préoccupations du jour, sans que le Parlement puisse tirer parti d'un débat clair, en particulier sur le périmètre concret des services sociaux dans notre pays. » Ce n'est pas moi qui le dis, mais un député de la majorité.

Concernant le paquet télécoms, cette communication ajoute : « Le recours à des ordonnances pour transposer l'ensemble du troisième « paquet télécoms » pourrait nourrir des contestations dans un domaine au centre de l'attention médiatique, les débats sont en effet particulièrement vifs sur le principe de neutralité des réseaux, qui vise à empêcher que les opérateurs puissent brider ou limiter l'accès de leurs clients à internet. Bien que la directive laisse une entière liberté aux États pour fixer des exigences minimales en matière de qualité de services, on peut regretter que la transposition de la directive ne soit pas l'occasion d'introduire au Parlement une discussion sur cette question décisive. »

Bref, ce constat sévère est unanime sur les bancs de l'opposition comme de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Face à cette méthode tout à fait détestable, nous avons souhaité déposer une motion de rejet préalable pour vous faire part de notre mécontentement.

S'agissant de la directive «services», il y a peut-être eu des longueurs liées à un travail extrêmement lourd. Je vois ici beaucoup de fonctionnaires qui se sont attelés à ce travail très important. Cependant, au départ, il y a un choix politique qui explique en partie la manière dont cette directive a été transposée. Ce choix politique a été de faire une transposition sectorielle au détriment d'une transposition transversale. Une vingtaine de pays européens ont décidé de transposer la directive «services» en incluant dans leur législation les dispositions législatives qui y figurent. Telle n'a pas été la position de la France, qui a préféré une approche plus administrative consistant, profession par profession, domaine par domaine, à examiner les régimes d'autorisation, à les justifier et à les modifier quand cela s'imposait.

Nous n'avons pas eu, à l'instar de ce qui s'est passé en Belgique, un texte de loi reprenant les grands principes et les grandes orientations de la directive «services». Cela aurait pourtant permis – que l'on y soit favorable ou non – d'avoir un débat fructueux.

Cette méthode a été privilégiée pour des raisons d'ordre politique, la directive «services» a une histoire que tout le monde connaît. Le Gouvernement a peut-être eu la tentation de ne pas relancer un débat sur ce sujet et a préféré une transposition en catimini plutôt que de poser clairement un certain nombre de questions. Nous le regrettons, notamment pour ce qui concerne les services sociaux d'intérêt général. Là encore, la France a fait le choix – choix qui n'est pas le nôtre et que nous avons contesté – de ne pas exclure les services sociaux d'intérêt général du champ de la directive. Elle a préféré justifier les régimes d'autorisation y compris dans le domaine social, sanitaire, médical. Nous en verrons les conséquences. Le débat se poursuivra, notamment pour ce qui concerne les aides d'État. Nous pensons que cela peut fragiliser ce secteur. Dans le cadre d'une proposition de loi, nous avions du reste manifesté notre désaccord sur ce point.

Nous allons examiner au cours du débat les quelques dispositions qui restent et, sur certains points, nous vous demanderons des précisions. Mais nous regrettons de ne pas avoir pu mener un débat de manière approfondie.

Concernant le paquet télécoms, – Corinne Ehrel et Patrick Bloche, qui suivent ces questions, interviendront tout à l'heure –, je déplore le fait de légiférer par ordonnance. En outre, je souhaite revenir sur l'amendement que vous avez, monsieur le ministre, présenté hier ou avant-hier dans le cadre de l'article 88 du règlement. Cet amendement vise à introduire la présence d'un commissaire du Gouvernement au sein de l'ARCEP et à lui donner des pouvoirs qui sont loin d'être négligeables et qui mettent en cause l'indépendance de cette institution.

Nous déplorons la méthode employée par le Gouvernement, à savoir déposer au dernier moment un amendement qui n'a pas été débattu en commission et que nous découvrons de manière impromptue. Manifestement, nous ne sommes pas les seuls à le découvrir. Bref, cet amendement vise « à renforcer le dialogue » entre l'ARCEP et le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Oui, c'est une très bonne chose, mais je n'ai pas eu le sentiment que l'ARCEP et ses représentants considéraient que cet amendement avait une vocation amicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Si le Gouvernement veut véritablement renforcer le dialogue et créer un climat positif entre lui et l'ARCEP, il aurait intérêt à retirer cet amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

J'ai d'ailleurs le sentiment que cet amendement a été concocté subrepticement – M. le ministre répondra certainement sur ce point – et que l'ARCEP n'a pas été consultée. Loin de renforcer le dialogue, cet amendement est plutôt de nature à poser des problèmes.

En outre, nous nous interrogeons sur la nature de cet amendement. Est-il véritablement à sa place dans ce texte ? La question se pose : il s'agit d'un texte de transposition, et l'on pourrait considérer cet amendement comme un cavalier, dans la mesure où la directive ne formule aucune préconisation particulière sur ce point. Je dirai même qu'elle préconise une disposition contraire à cet amendement.

Ainsi, madame de La Raudière, dans votre rapport, à la page 26, vous écrivez que cette directive, dite « paquet télécoms », a pour but le renforcement du régulateur – c'est le point D –, et que, à cette fin, la première disposition de la directive prescrit une indépendance accrue.

De fait, en lisant la directive, on a le sentiment que l'amendement qui nous est soumis lui est entièrement opposé. Selon la directive, en effet, « il convient de renforcer l'indépendance des autorités réglementaires nationales afin d'assurer une application plus efficace du cadre réglementaire et d'accroître leur autorité et la prévisibilité de leurs décisions. À cet effet, il y a lieu de prévoir, en droit national, une disposition expresse garantissant que, dans l'exercice de ses fonctions, une autorité réglementaire nationale responsable de la régulation du marché ex ante ou du règlement des litiges entre entreprises est à l'abri de toute intervention extérieure ou pression politique susceptible de compromettre son impartialité dans l'appréciation des questions qui lui sont soumises ».

Ce que vous proposez par voie d'amendement est donc manifestement contraire à la directive. C'est du reste sans doute pour cette raison que la Commission vient, par un communiqué, d'exprimer de très fortes réserves à propos de votre initiative, monsieur le ministre.

Ainsi, la Commission européenne va examiner « de très près » le projet français visant à nommer un commissaire du gouvernement au sein de l'autorité nationale de régulation des télécoms, car elle veut s'assurer de l'indépendance de cet organisme, a indiqué aujourd'hui même l'un de ses porte-parole.

« Nous allons vérifier de très près la conformité de ce projet avec la réglementation européenne », a déclaré Jonathan Todd, porte-parole de la Commission en matière de télécommunications. « Nous veillerons en particulier à ce que le dialogue entre l'ARCEP et les administrations de l'État ne compromette pas l'indépendance et l'impartialité du régulateur », a-t-il ajouté, notant par ailleurs – mais nous en débattrons – que « l'État français est un actionnaire important dans l'opérateur historique en France », si bien qu'« une séparation structurelle effective entre la fonction de réglementation et les activités inhérentes à la propriété » est nécessaire.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Et alors ? Où est le problème ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

La Commission a donc fait part de plusieurs interrogations et réserves que lui inspire votre amendement. Nous souhaitons par conséquent – nous y insistons, monsieur le ministre – que le Gouvernement le retire, afin de permettre au Parlement d'en débattre dans de bonnes conditions, ce qui n'est actuellement pas possible ; de vérifier sa conformité constitutionnelle ;…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Constitutionnelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

… et, surtout, afin de lever les doutes et les incertitudes qu'il inspire eu égard au contenu de la directive et aux questions soulevées par la Commission.

Il est vrai que vous avez l'habitude du dialogue avec cette dernière, dont vous avez fait l'expérience dans vos précédentes fonctions.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Et elle nous en a donné acte !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Nous en reparlerons.

Au cours du débat, nous reviendrons naturellement sur cette question extrêmement préoccupante. La manière dont tout cela a été fait, l'apparition de cet amendement dans les conditions dans lesquelles il a été présenté, suscitent une vive émotion. Le Parlement doit en tenir compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Enfin, quant au fond, nous formulerons plusieurs propositions à ce sujet.

En conclusion, je le répète, nous regrettons la manière dont ces directives sont transposées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur Caresche, vous avez évoqué la question des retards. Je rappelle qu'il y en a également eu entre 1997 et 2002, sous le gouvernement Jospin : ce phénomène n'a rien de nouveau.

D'autre part, vous nous reprochez de ne pas transposer la directive «services» « en bloc », par un texte global. Dois-je vous rappeler qu'en France nous avons des réglementations très spécifiques, soumises à des licences et à des régimes d'habilitation ? L'évaluation secteur par secteur de ces particularités constitue une approche protectrice, car elle permet d'éviter une transposition à l'aveugle.

Cette approche a effectivement nécessité un travail long et minutieux, afin de procéder à la transposition la plus fine possible. Vous l'avez dit vous-même, la majorité des pays européens ont adopté cette démarche de transposition sectorielle ; nous ne sommes pas isolés en la matière.

S'agissant des services sociaux, la directive donne simplement un cadre ; il appartient à la France de choisir la meilleure manière d'en adapter les dispositions. Par exemple, le secteur hospitalier, qui n'est pas inclus dans la directive «services», est donc protégé de la transposition d'un règlement qui serait contraire aux intérêts de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je souhaite à mon tour répondre à la partie de l'intervention de M. Caresche qui me concerne.

La situation est savoureuse. Comme vous, j'ai quelques souvenirs, et il est vraiment très surprenant d'entendre un représentant du parti socialiste s'opposer à la création d'un commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

De quoi s'agit-il ? L'ARCEP est l'autorité chargée de veiller à l'ouverture du secteur à la concurrence.

Donnons tout d'abord quelques repères historiques, si vous le voulez bien. Le parti socialiste s'est opposé aux trois lois créant l'ARCEP : celle du 26 juillet 1996, présentée et défendue par le ministre des postes et télécommunications de l'époque, Gérard Longuet ; celles du 9 juillet 2004 et du 20 mai 2005, portées par celui qui était alors ministre de l'industrie, Patrick Devedjian.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Donc vous avez voté contre lorsque vous étiez député, monsieur le ministre ! Et maintenant, vous voulez nous démontrer la thèse contraire !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

En l'espèce, je crois être resté plus cohérent que vous, et je vais tenter de vous le démontrer. Je connais l'aphorisme selon lequel l'opposition s'oppose ; mais, à un moment donné, il faut essayer de retrouver un peu de cohérence.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je sais que cela vous ennuie que je rappelle certaines choses, mais je vais tout de même le faire.

Cette opposition était alors fondée sur le caractère prétendument excessif des pouvoirs confiés à l'ARCEP pour libéraliser le secteur et sur l'absence de contrôle démocratique de l'exercice de ces pouvoirs.

Dès lors, il est extraordinairement contradictoire que le parti socialiste défende aujourd'hui l'indépendance de l'ARCEP. D'autant que, si l'on vous écoute bien, vous nous dites que la simple audition par le collège de l'ARCEP…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…de l'avis du Gouvernement sur un dossier d'intérêt stratégique pour la nation doit être interdite, parce qu'elle risquerait de porter atteinte aux règles de libéralisation du secteur. Convenez qu'il y a là quelque chose d'étonnant : au fond, vous nous dites que la concurrence libre et non faussée doit être le seul critère.

On découvre par ailleurs que le parti socialiste est attaché au respect le plus strict des directives européennes sur la libéralisation des grands services publics : c'est un moment qu'il faut savourer comme il se doit.

Au-delà de cet historique, je rappelle que les socialistes ont toujours demandé la création de commissaires du Gouvernement auprès de toutes les autorités administratives indépendantes exerçant un pouvoir réglementaire.

Ainsi, ils ont approuvé en 2006 le rapport de l'office parlementaire d'évaluation de la législation présenté par le sénateur Patrice Gélard, qui proposait d'« assurer la présence d'un commissaire du Gouvernement auprès de l'ensemble des autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir réglementaire ».

Vous avez également approuvé le rapport du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques présenté par le député René Dosière – l'une des grandes voix du parti socialiste – en octobre dernier.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Très bien : lisez-le !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Que demandait René Dosière ? La présence d'un commissaire du Gouvernement auprès de chaque autorité administrative indépendante…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…afin, disait-il, d'assurer la cohérence de l'action publique.

De quoi parlons-nous donc ? L'amendement présenté par le Gouvernement vise à instituer un commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP.

La loi donne au Gouvernement et à l'ARCEP des pouvoirs réglementaires étroitement imbriqués ; nous le vivons quotidiennement. La loi rend ainsi indispensable un dialogue étroit entre le Gouvernement et l'ARCEP, et les enjeux actuels du développement de l'économie numérique incitent à renforcer ce dialogue. En défendant l'amendement, je vous en donnerai des exemples très précis, qui concernent les fréquences, le déploiement du très haut débit fixe ou la protection du consommateur.

Je le répète, la présence d'un commissaire du Gouvernement viendra renforcer ce dialogue. Ce commissaire présentera le point de vue du Gouvernement sur les dossiers qui concerneront l'exercice du pouvoir réglementaire de l'ARCEP – sans participer aux délibérations, naturellement, puisque telle est l'option qui a été retenue.

Pourquoi priver le collège de l'ARCEP de la possibilité d'entendre la position du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Est-ce remettre en cause l'indépendance des décisions que de permettre l'expression des opinions ? Au nom de quel principe faudrait-il ne pas présenter l'opinion des services de l'État ?

La présence d'un commissaire du Gouvernement chargé d'exposer le point de vue de ce dernier ne constitue en aucun cas une remise en cause de l'indépendance de l'Autorité.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Parler de conflit d'intérêts est un contresens. L'ARCEP doit rester et restera indépendante, en stricte conformité – rassurez-vous – avec les textes européens et nationaux en vigueur.

Au demeurant, la plupart des grandes autorités administratives indépendantes exerçant un pouvoir réglementaire dans la sphère économique sont dotées d'un commissaire du Gouvernement, sans que l'on conteste pour autant leur indépendance. Pourquoi ne parlez-vous pas de conflit d'intérêts à propos du commissaire du Gouvernement auprès de la Commission de régulation de l'énergie, de l'Autorité des marchés financiers ou de l'Autorité de la concurrence ? Vos arguments ne sont donc pas fondés.

J'ajoute que, pour qui se souvient de plusieurs discours prononcés dans cet hémicycle par d'éminents députés socialistes qui défendaient le primat du politique et s'étonnaient des pouvoirs excessifs que l'on accordait aux autorités administratives indépendantes, il est surprenant d'entendre M. Bloche dire « ça ne leur plaît pas » ou M. Caresche expliquer que, si nous voulons faire plaisir à l'ARCEP, nous devons retirer notre amendement. Là n'est pas la question.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Vous êtes ici des représentants de la nation, chargés de défendre l'intérêt général.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Nous discutons ensemble de cet intérêt général. Mais, je vous en prie, renoncez à l'argument selon lequel « cela ne va pas faire plaisir à l'autorité indépendante ».

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je ne pensais pas que le parti socialiste en était arrivé là. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Si j'ai pu partager l'avis de M. Caresche quand il a souligné au début de son intervention que ce texte contenait des dispositions diverses – comme l'indique son titre même –, notre accord s'arrête là.

Comme l'a très bien expliqué Mme la secrétaire d'État, cette procédure sectorielle est imposée par la spécificité de notre droit et, si nous avons fait ce choix, ce n'est absolument pas pour des raisons politiques. Nous avons voulu transposer la législation européenne au cas par cas pour l'adapter à notre droit de manière parfaitement adéquate.

C'est un processus qui exige du temps, effectivement, car il nécessite de s'y prendre à plusieurs reprises. Nous sommes aujourd'hui réunis pour améliorer l'adaptation de ce droit.

Par ailleurs, monsieur Caresche, vous dites que ce projet de loi n'est pas satisfaisant. Je ne peux être d'accord avec vous, ce projet de loi est bien au contraire nécessaire. C'est la responsabilité du Gouvernement de le présenter et du Parlement de l'adopter. Si nous ne le faisons pas, nous exposerons la France à des amendes qui se chiffrent en millions d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous avons jusqu'au mois de mai et on n'est que le 13 janvier.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Monsieur Bloche, je comprends que vous soyez focalisé sur le chapitre III et le paquet télécoms.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Pas du tout ! Je vais vous surprendre sur ce point !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Surprenez-moi, alors ! Je ne sais pas si vous m'avez écoutée quand j'ai indiqué que la France avait été condamnée pour les directives « services » et « qualifications professionnelles ». Et en avril 2011, la directive sur les médicaments nous attend.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Ne reprochez pas à l'opposition de ne pas avoir transposé dans les temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Cette adaptation est donc liée à une obligation.

Maintenant, j'attends d'être surprise par M. Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

La parole est à M. Patrick Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Madame Dumoulin, je réserverai la surprise que je vous ai préparée pour la discussion générale.

Pour l'heure, je voudrais exprimer le soutien du groupe SRC à l'argumentaire développé par Christophe Caresche, qui témoigne de notre opposition aux modalités que le Gouvernement français a retenues – et qui relèvent de sa seule responsabilité, l'Europe n'y étant pour rien – pour transposer ces directives européennes en s'aidant de l'article 38 de la Constitution.

Nous traitons de domaines essentiels. Mme de La Raudière, dans son rapport sur le paquet télécoms, a évoqué des sujets « majeurs », des sujets « lourds ».

Ce qui nous est absolument insupportable, c'est le hold-up sur le débat parlementaire qu'a organisé une nouvelle fois consciemment le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Si l'ordre du jour est chargé, il l'est avant tout parce que ce dernier multiplie les projets de loi totalement inutiles.

Nous avons jusqu'au mois de mai 2011 et vous ne pouvez reprocher à l'opposition le retard de la France dans le processus de transposition qui l'expose au risque de sanctions financières.

Les sujets traités, comme nous le verrons lors de la discussion des articles, auraient mérité, c'est le moins que l'on puisse dire, un vrai débat parlementaire et pas seulement à propos du paquet télécoms.

Que dire de la façon dont le Gouvernement a utilisé ce projet de loi l'autorisant à légiférer par ordonnances pour introduire un amendement qui n'a aucun rapport avec les sujets traités et qui ne répond en rien à une demande de la Commission européenne, laquelle s'inquiète au contraire de cette volonté de nommer un commissaire au Gouvernement auprès d'une Haute autorité indépendante ?

Monsieur Besson, comme d'habitude, vous avez procédé par amalgame, oubliant même les votes que vous avez exprimés dans cet hémicycle en tant que député socialiste dans les années quatre-vingt-dix et deux mille.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Bien au contraire, je reste cohérent !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Si vous avez quelque mémoire, vous savez la réticence que nous avons toujours eue – et elle n'est pas seulement le fait des socialistes – à l'égard de la multiplication des autorités indépendantes que nous considérons être un dessaisissement de notre capacité à légiférer et à contrôler le Gouvernement.

Si j'ai dit que l'ARCEP vivait mal la décision du Gouvernement de nommer un commissaire du Gouvernement, c'est non seulement parce qu'elle n'a pas été consultée mais aussi parce que le coup tombe sans qu'à aucun moment on lui ait demandé son avis. C'est tout simplement une nouvelle illustration de votre mode de gouvernance. L'ARCEP est punie d'avoir autorisé la possibilité d'un quatrième opérateur de télécommunications en France.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Ce n'est pas l'ARCEP qui en a décidé mais le Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Parce qu'elle n'a pas su entendre les réticences que le Président de la République avait trop tardivement exprimées à l'égard des autorisations données à l'opérateur free.fr – à la demande sans doute de son « frère », comme il dit, Martin Bouygues –, l'ARCEP paie le prix politique de son indépendance. C'est cela votre mode de gouvernance. Quand on s'oppose à la volonté du Président de la République, on en paie tôt ou tard le prix !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Nous n'avions pas approuvé la philosophie qui sous-tend le traité constitutionnel fondé sur le principe de la concurrence libre et non faussée tous azimuts. Nous avions appelé à voter contre lors du référendum. À cette occasion, vous aviez dû affronter la très légitime protestation populaire qui s'est élevée contre la désormais célèbre directive Bolkestein. Le texte de ce soir procède à son application secteur par secteur, on pourrait dire morceau par morceau, pour se faire plus discrète.

Pour ces raisons de fond, nous soutenons la motion de rejet préalable présentée par M. Caresche.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Erhel.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi portant adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques vise à accorder une habilitation au Gouvernement afin qu'il puisse légiférer par voie d'ordonnances dans des domaines extrêmement variés.

C'est sur le paquet télécoms dont nous allons prochainement discuter que portera plus spécialement mon intervention. J'emploie volontairement le terme « discuter » et non pas « débattre », compte tenu de l'objet réel de ce projet de loi. En effet, le Parlement ne peut que modifier le périmètre des habilitations accordées au Gouvernement, sauf à avoir recours à des cavaliers législatifs, ce dont ne se prive d'ailleurs pas le Gouvernement comme nous le verrons plus tard au sujet de l'ARCEP.

Vous nous opposerez certainement – vous l'avez déjà fait, madame la secrétaire d'État – l'impérieuse nécessité d'éviter que la Commission européenne n'engage contre la France un recours en manquement si elle ne transposait pas les directives concernées avant le 25 mai 2011. Face à l'inflation législative, nous sommes en droit de regretter que la surcharge du calendrier législatif soit invoquée pour justifier un recours aux ordonnances. Les parlementaires, quel que soit leur bord, ne peuvent se satisfaire d'une telle situation.

Pourquoi ce qui a été possible en 2004, à savoir la transposition du paquet télécoms par voie législative en procédure accélérée, ne l'est-il plus en 2010 ?

Pourtant, la modification des textes européens intervenue en 2009 traite de sujets qui concernent directement nos concitoyens puisqu'il y est question de service universel, de traitement des données à caractère personnel ou encore de protection de la vie privée.

Il semble en fait, d'après le rapport, qu'il ait été décidé d'exclure de cette transposition les dispositions relatives à l'inclusion de l'accès internet à haut débit dans le champ du service universel.

À l'heure où le cadre de déploiement du très haut débit ainsi que son financement soulèvent encore de nombreuses questions, un débat approfondi sur ce sujet aurait pu nous permettre de mettre en lumière les problèmes rencontrés par de nombreux Français en matière de couverture numérique.

S'agissant de la neutralité des réseaux, il semblerait que le Gouvernement souhaite une transposition minimaliste, comme vous l'aviez indiqué, monsieur le ministre, lors des débats en commission.

Ce sujet complexe, touchant aux fondements mêmes de l'internet, et dont les implications sont à la fois sociétales, économiques et techniques, mérite sans aucun doute un vrai débat parlementaire et pas une discussion en catimini au détour d'un amendement dont je crois déjà connaître le sort.

La transposition du paquet télécoms par voie législative aurait pu et aurait dû être un moment propice à cette discussion mais aussi à la nécessaire prise de conscience de ce qu'est internet aujourd'hui et de l'évolution qu'il doit suivre vers l'ouverture et l'universalité.

Je copréside avec Laure de La Raudière une mission d'information sur la neutralité du net et des réseaux, dont les travaux se poursuivent. Nous avons déjà réalisé des dizaines d'auditions auprès des multiples acteurs concernés par ce sujet, cet après-midi même encore. J'espère, mes chers collègues, monsieur le ministre, que la remise de ses conclusions sera l'occasion d'un vrai débat au sein de notre assemblée. Il s'agit d'un sujet passionnant qui mérite vraiment que l'on s'y attarde pour en exposer clairement les tenants et les aboutissants.

J'espère, monsieur le ministre que vous pourrez nous répondre sur ce point de méthode. J'ajoute que notre collègue Christian Paul a déposé une proposition de loi à ce sujet.

Sur le fond, permettez-moi de m'interroger quant à la compatibilité entre la neutralité du net et le vote, il y a quelques semaines seulement, de la LOPPSI 2 qui, entre autres mesures d'affichage, instaure le filtrage et le blocage des sites sans recours à l'autorité judiciaire, mesures dont les opérateurs ont formellement reconnu la totale inefficacité et l'impact extrêmement négatif.

Comment allez-vous pouvoir concilier une réflexion, un débat, je l'espère suivis de mesures, sur la neutralité du net et les textes que vous votez ? C'est une question de fond.

L'article 11 de ce texte comprend des dispositions sur la sécurité des réseaux : là encore, on demande au Parlement d'accorder au Gouvernement une habilitation à prendre des ordonnances au risque de nous priver d'un débat sur la sécurité des réseaux, sujet complexe, d'une importance stratégique, qui intéresse l'ensemble de nos concitoyens.

Enfin, nous avons appris très récemment, le 11 janvier, que le Gouvernement semble vouloir profiter de ce texte pour prendre de l'ascendant sur l'autorité administrative compétente en matière de communications électroniques, l'ARCEP, ce qui a suscité de nombreuses réactions.

L'amendement n° 29 , déposé il y a deux jours seulement, vise à instituer un commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP ayant la possibilité de « faire inscrire à l'ordre du jour de la commission toute question intéressant la politique en matière postale ou de communications électroniques ou entrant dans les compétences de l'autorité. L'examen de cette question ne peut être refusé. »

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Il en va de même pour tous les commissaires du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Que cela ne constitue pas une atteinte à l'indépendance de l'autorité, voilà qui me laisse quelque peu sceptique.

Quelle est l'opportunité d'une telle mesure ? Pourquoi cette précipitation ? Pourquoi aujourd'hui ? Quel a été l'élément déclencheur de cette décision ? Au fond, pour quel motif utilisez-vous aujourd'hui la transposition du paquet télécoms pour traiter cette question ? Autant que je me souvienne, vous ne l'avez absolument pas abordée lors des débats en commission. Et voilà qu'elle arrive deux jours avant l'examen du texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Quel peut bien être le sujet considéré comme assez important par le Gouvernement pour que l'État ait un droit de regard dessus ? Comment conciliez-vous le principe du secret des débats au sein de l'institution et la présence d'un commissaire du Gouvernement ? Alors même que le paquet télécoms européen vise à renforcer le pouvoir des autorités nationales compétentes, le Gouvernement cherche à avoir plus qu'un oeil, une possibilité d'action sur les travaux de cette autorité qui régule un secteur dont un des acteurs majeurs a pour actionnaire l'État. L'ARCEP ne dispose pas de pouvoirs d'autorisation étendus, ce qui pourrait, dans certaines autorités indépendantes, justifier un commissaire du Gouvernement.

S'il était adopté, cet amendement distinguerait un peu plus la France, mes collègues l'ont dit tout à l'heure. Nous serions dès lors le seul pays européen dont l'autorité de régulation du secteur des télécommunications serait dotée d'un commissaire du Gouvernement. C'est pourquoi, d'ailleurs, la Commission a indiqué dans un communiqué qu'elle suivrait de très près ce projet de nomination.

Vous vous référez beaucoup au rapport parlementaire remis par M. Dosière, entre autres. N'oubliez pas que celui-ci suggère de généraliser, sauf exception justifiée, la présence d'un commissaire du Gouvernement dans chaque autorité indépendante. À mon sens, les prérogatives de l'ARCEP et les sujets économiques importants qu'elle traite peuvent constituer une telle exception, d'où une certaine contradiction avec votre amendement. Quelle explication pouvez-vous donner sur ce point ?

Encore une fois, quelle est l'opportunité de votre décision en la matière ? Il me semble extrêmement important d'obtenir des réponses, non seulement pour l'ARCEP mais plus largement pour l'ensemble des intervenants de l'internet, chez qui cette prise de position suscite, de façon bien normale, un certain nombre d'interrogations. Nous y reviendrons dans le cadre de l'examen de votre amendement.

Privant le Parlement de débats stratégiques et majeurs, propice à l'apparition de cavaliers législatifs, comme on vient de le voir – même si vous le niez, je maintiens que c'en est un, sinon vous en auriez parlé en commission –, cette discussion transforme notre institution en une simple chambre d'enregistrement. Nous ne pouvons pas appeler les députés socialistes en soutien.

J'espère, monsieur le ministre, que vous me répondrez sur la neutralité des réseaux et sur la suite qui sera donnée au travail très fouillé que nous faisons avec Laure de La Raudière et d'autres parlementaires. Sera-t-il possible d'avoir un débat beaucoup plus large et pas un examen en catimini restreint à quelques personnes, et dont on connaît parfaitement l'issue ? Enfin, je me répète parce que c'est un point de méthode essentiel : qu'est-ce qui a motivé votre décision de déposer un amendement le 11 janvier pour instituer un commissaire du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit communautaire en matière de santé, de travail et de communications électroniques. Ce projet de loi vise à transposer des directives soit directement, soit en habilitant le Gouvernement à le faire par voie d'ordonnance, en particulier s'agissant du paquet télécoms.

Le Conseil européen des 8 et 9 mars 2007 a décidé de ramener l'objectif fixé aux États membres de 1,5 % de déficit maximum de transposition des directives à 1 % à compter de 2009. Selon les derniers résultats publiés par la Commission en 2010, la France n'a pas transposé dans les délais 1,2 % des directives, ce qui correspond à une quinzaine de directives, alors que la moyenne des vingt-sept pays membres est de 0,9 %. C'est ainsi que nous sommes parmi les neufs État membres qui dépassent le plafond de 1 %.

La France est confrontée à une charge particulièrement importante de transposition de directives, notamment dans des domaines liés au marché intérieur, et il est fondamental qu'elle s'en acquitte dans les meilleurs délais. C'est fondamental pour conserver notre crédibilité politique dans les négociations au sein de l'Union européenne, pour sécuriser notre dispositif juridique et pour ne pas avoir à payer d'amendes impactant nos finances publiques.

Désormais, un retard de transposition nous exposerait à des amendes forfaitaires très lourdes et, le cas échant, à des astreintes journalières nous occasionnant de rapides sanctions financières tout en portant atteinte au principe de sécurité juridique. Le calcul du montant de l'amende et de l'astreinte tient compte de la gravité de l'infraction, de la capacité de l'État à payer la pénalité et du nombre de jours de persistance de l'infraction. Comme l'a rappelé Mme la rapporteure, s'agissant de la France, le montant minimal de l'amende forfaitaire est fixé à 10,9 millions d'euros. Alors que le Parlement vient d'adopter un budget contraint, il est indispensable de limiter ces condamnations qui affectent nos finances publiques.

Avec l'adoption de ce projet de loi, nous transposerons de nombreuses directives dans les délais qui nous sont impartis.

Le ministère de la santé a été chargé du pilotage et de la coordination de ce projet de loi, dont un grand nombre de dispositions relève de ses compétences : sur les débits de boissons, les dispositifs médicaux, les services funéraires et les médicaments traditionnels à base de plantes.

Le projet de loi permettra également d'adapter les régimes des entrepreneurs de spectacles, des architectes et des agences de mannequins, pour les mettre en conformité avec les prescriptions de la directive «services» sans pour autant renoncer aux garanties qui peuvent légitimement être exigées des personnes souhaitant exercer ces professions.

Enfin, grâce à ce texte, les directives 2009136CE et 2009140CE du 25 novembre 2009 du paquet télécoms vont pouvoir être transposées dans les délais accordés aux autorités françaises pour ce faire, soit avant le 25 mai 2011.

Compte tenu de l'urgence, et faute d'avoir pu les adosser à un vecteur législatif existant susceptible d'être définitivement adopté, le présent texte portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire constitue donc la solution privilégiée pour remédier à cette situation et protéger notre pays des contraintes financières. Le groupe UMP votera donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, en donnant mon explication de vote sur la motion de procédure excellemment défendue par Christophe Caresche, j'ai déjà abordé certains points sur lesquels je reviendrai au cours de la discussion des articles. Toutefois, le temps m'ayant manqué précédemment, je ne peux m'empêcher de continuer de répondre au ministre Besson pour réfuter les arguments qu'il invoque pour justifier le dépôt de ce bien mauvais amendement visant à remettre en cause l'indépendance de l'ARCEP.

Corinne Erhel vient de développer des arguments et vous, monsieur le ministre, vous êtes contenté de nous dire que le commissaire du Gouvernement était innocemment, si j'ose dire, placé auprès de l'ARCEP pour des raisons de coordination. Mais il ne fait pas que cela. Avez-vous bien écouté notre collègue : s'il souhaite voir l'ARCEP traiter un sujet, à la demande du Gouvernement qu'il représente, son inscription à l'ordre du jour ne peut lui être refusée !

De même, s'il ne participe pas – et heureusement, parce qu'il n'y aurait alors plus d'autorité indépendante – aux délibérations du collège de l'ARCEP, il prend néanmoins part aux débats, ce qui met en cause le secret des débats, qui est tout de même au coeur du fonctionnement d'une autorité indépendante. Ne confondez pas, monsieur le ministre, débats et délibérations. Nous sommes bien placés ici pour savoir que ce n'est pas la même chose.

Si, jusqu'à présent, l'ARCEP fonctionnait bien, comme d'autres autorités administratives indépendantes, tel le CSA que vous voulez fusionner avec l'Agence des fréquences, c'est tout simplement parce que, contrairement à d'autres AAI, elle n'a pas de pouvoirs d'autorisation étendus. De ce fait, nous persistons à penser que c'est un mauvais coup porté à l'ARCEP. D'autant qu'il n'est pas besoin de créer de dialogue entre l'autorité et le Gouvernement : les décisions de l'une doivent être homologuées par l'autre, qui dispose en dernier ressort d'un pouvoir évident.

Aucune autre instance comparable à l'ARCEP au sein de l'Union européenne n'a pris une telle disposition, que ce soit en nommant un commissaire du Gouvernement ou en mettant en place un dispositif équivalent, d'où les réticences et l'inquiétude manifestées par la Commission européenne.

Comme il me reste peu de temps et que j'ai promis de surprendre Mme la rapporteure, j'interviendrai sur l'article 6. Je regrette amèrement que M. le ministre de la culture et de la communication ne soit pas présent ce soir au banc du Gouvernement, alors que nous allons transposer une directive «services», ancienne certes, mais qui va bouleverser et déréguler – ce qui est encore plus grave – le spectacle vivant dans notre pays.

Il est vrai que le spectacle vivant n'est pas, en France, un lobby aussi puissant que le cinéma qui, en quarante-huit heures, obtient un rendez-vous dans le bureau de M. Sarkozy quand ses intérêts sont menacés. Il n'a pas de pouvoir d'influence comme les sociétés de gestion collective des droits d'auteurs. Il n'empêche que, pour un secteur essentiel de notre vie culturelle, la mise en place d'un dispositif déclaratif pour les entrepreneurs de spectacles européens non français va établir une grave dérégulation.

La licence d'entrepreneur de spectacles a une histoire, que je connais pour avoir été rapporteur en 1997 et 1998 de la dernière réforme la concernant. Cette licence, qui est un régime d'autorisation, ne peut pas être assimilée au régime d'autorisation des autres professions libérales. Elle fonctionne sur le mode du paritarisme : les commissions qui donnent les autorisations de licence d'entrepreneur de spectacles comprennent à la fois des employeurs et des représentants des salariés. Cette caractéristique, je le rappelle fortement à cette tribune, vise à garantir un article essentiel de notre code du travail relatif à la présomption de salariat. La licence d'entrepreneur de spectacles sert avant tout à empêcher le travail illégal dans le spectacle vivant, à empêcher que des personnes puissent être employées sans que soient acquittées les charges sociales ou apportées les garanties offertes par le code du travail.

La transposition de la directive va créer une distorsion, une inégalité de traitement entre les entrepreneurs de spectacles établis en France, qui passeront toujours par ce régime d'autorisation, et les entrepreneurs de spectacle européens établis hors de France, qui auront seulement à se soumettre à un régime déclaratif.

Il y a là une contradiction avec la volonté de l'Union européenne de lutter contre la déréglementation dans le domaine culturel et contre le travail illégal. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 6.

Je termine en soulignant les risques que ferait courir le vote de cet article : ce serait la dérégulation du régime de la licence d'entrepreneur de spectacles vivants. Or la réforme que j'ai rapportée devant notre assemblée en 1997-1998 était la conséquence des accords Cabanes sur les intermittents du spectacle. C'est un dossier brûlant sur le plan social. Vous vous souvenez tous du conflit des années 2003-2004, qui ne s'est jamais achevé et qui risque, en plus, de rebondir cette année en raison de la renégociation prévue de la convention UNEDIC. Je mets en garde le Gouvernement mais aussi nos collègues de la majorité : vous touchez là un domaine extrêmement sensible et, si vous continuez dans votre démarche, je crains que vous ne vous brûliez les doigts. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je voudrais répondre à certains des arguments qui ont été utilisés par M. Bloche et par Mme Erhel dans la discussion générale.

Tout d'abord, monsieur Bloche, je vous rappelle que, si une quatrième licence a été créée, c'est parce que le Gouvernement en a pris la décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mais M. Sarkozy a déclaré publiquement vouloir stopper le processus !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Affirmer, comme vous l'avez fait – le Journal officiel fera foi si vous le contestez –, que le Gouvernement cherche à punir l'ARCEP parce que celle-ci a décidé d'accorder une quatrième licence est tout simplement ridicule. C'est une décision politique qui relève du Gouvernement. Le Gouvernement et l'ARCEP ont coopéré quant aux modalités de cette décision, comme c'est toujours le cas en ce domaine.

Par ailleurs, vous vous étonnez des pouvoirs que nous allons proposer à votre assemblée d'accorder par voie d'amendement aux commissaires du Gouvernement. Mais pourquoi alors ne manifestez-vous pas un étonnement systématique quand il s'agit des pouvoirs des autres commissaires du Gouvernement ? À la Commission de régulation de l'énergie, le commissaire a déjà exactement les mêmes prérogatives concernant l'ajout de points à l'ordre du jour ; au sein de l'Autorité de la concurrence, le commissaire a même un pouvoir plus étendu puisqu'il peut déposer des recours en annulation pour chaque décision de cette institution. Expliquez-nous donc quelle est la cohérence de votre attitude vis-à-vis des autorités administratives indépendantes ?

Madame Erhel, je vous ai écoutée très attentivement parce que je pensais entendre les éléments de la nouvelle doctrine du parti socialiste concernant les autorités administratives indépendantes. J'attendais que vous expliquiez pourquoi votre parti renonçait à sa doctrine constante, rappelée par René Dosière, à savoir un commissaire du Gouvernement auprès de chaque autorité…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

sauf circonstances exceptionnelles en effet, monsieur Caresche.

Vous nous avez dit, madame Erhel, que le changement de doctrine se justifie parce que l'ARCEP traite de sujets économiques importants. Il ne faudrait donc pas de commissaire du Gouvernement auprès d'une autorité indépendante quand elle traite de sujets économiques importants. C'est un élément de doctrine extrêmement intéressant ! Il est vrai que la Commission de régulation de l'énergie, l'Autorité des marchés financiers ou bien évidemment l'Autorité de la concurrence ne traitent d'aucun sujet économique important… C'est dire combien votre critère est pertinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

L'Autorité de la concurrence n'a pas de pouvoir d'opposition !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement entend conserver un dialogue fructueux avec l'ARCEP. Nous respecterons scrupuleusement son indépendance. La relation doit être quotidienne et synallagmatique, si je puis dire, et le commissaire du Gouvernement y contribuera.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Pourquoi n'en avez-vous pas parlé en commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 3 et 15 , tendant à supprimer l'article 1er.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cet article substitue une déclaration administrative à une déclaration fiscale pour ce qui concerne les débits de boissons. Une telle disposition ne nous semble pas tant liée à la transposition de la directive qu'à une volonté de simplification du régime existant. Certes, celui-ci est hétérogène et, en plus, la déclaration fiscale est assez formelle puisqu'elle ne donne pas lieu à perception d'une taxe. Mais nous considérons qu'il n'y a pas lieu de procéder à une telle adaptation, d'autant qu'elle n'est pas nécessitée par la transposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 15 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je répète que nous avons été nombreux à dénoncer la directive «services», dite Bolkestein, car cette entreprise de simplification des législations nationales a surtout pour but la libéralisation et la dérégulation des services entendus au sens large. Nous serons donc amenés à proposer la suppression de nombreux autres articles de ce projet de loi.

Au nom de la simplification du cadre législatif s'imposant aux commerçants dont au moins une partie de l'activité consiste à vendre des boissons alcoolisées, l'article 1er étend aux débits de boissons à consommer sur place les dispositions déjà prévues pour la vente à emporter et pour les restaurants. Au-delà des questions de fond que soulève une telle démarche, cette disposition est en contradiction complète avec l'impératif de protection de la santé publique vis-à-vis des risques liés à l'alcool et même aux nouvelles boissons énergisantes. C'est un argument supplémentaire pour demander la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Je suis étonnée que Mme Fraysse manifeste une opposition de principe à une simplification administrative ainsi qu'à toute transposition de la directive «services». Le débat a été clair en commission : il ne s'agit absolument pas de « délégiférer » sur les boissons alcoolisées, mais bien de simplifier l'état du droit. En effet, les établissements où l'on consomme sur place sont soumis à une double déclaration, administrative et fiscale, et celle-ci ne donnant plus lieu à paiement d'une taxe, on va simplifier en prévoyant qu'une simple déclaration administrative reprendra l'ensemble des demandes auparavant contenues dans les deux. C'est un article qui va dans le bon sens, celui de la simplification de notre droit. La commission a obtenu toutes les garanties qu'il y aura un nouveau CERFA, lequel reprendra les éléments contenus dans les deux déclarations. L'avis est donc complètement défavorable. Je suis très étonnée par ces amendements de suppression.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cet article permet de simplifier le régime déclaratif et de l'harmoniser, tout en encadrant la vente d'alcool. La déclaration fiscale est supprimée parce qu'il n'y a plus de timbre fiscal exigible. Si cette suppression n'avait pas été compensée par un nouveau dispositif, il est vrai que tout un pan du secteur de la vente d'alcool aurait échappé aux autorités publiques. C'est pourquoi l'article prévoit une déclaration administrative qui maintiendra l'effet protecteur pour la santé publique. L'avis est donc défavorable.

(Les amendements identiques nos 3 et 15 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 44 rectifié .

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Mon cher collègue, il s'agit de coordonner les délais prévus pour remettre la déclaration administrative afin d'harmoniser ceux qui s'appliquent lors de la création de l'établissement avec ceux qui s'appliquent lors du déménagement de l'établissement. N'avions-nous pas déjà examiné cet amendement en commission ? (« Si ! » sur les bancs du groupe UMP.)

(L'amendement n° 44 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements, nos 40 et 45 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à madame la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 40 .

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cet amendement a pour objet la prise en compte de la période transitoire entre la suppression de la déclaration fiscale par la loi de finances rectificative pour 2010, publiée au Journal officiel de la République française le 30 décembre 2010, et l'instauration de la déclaration administrative par le présent projet de loi. En effet, la loi de finances rectificative a supprimé l'obligation de déclaration fiscale qui s'imposait aux personnes qui exploitent un débit de boissons. Or, pour les restaurateurs et les débitants de boissons importées, qui ne sont, contrairement aux débitants de boissons à consommer sur place, pas encore soumis à une déclaration administrative en mairie ou en préfecture, cette suppression de la déclaration fiscale pose problème tant que n'a pas été mise en place la déclaration administrative. Le récépissé de déclaration fiscale, qui valait jusqu'à présent pour le droit d'exercice, soulève des difficultés, à l'origine de nombreuses réactions des syndicats de professionnels du secteur. Ils signalent notamment des problèmes au niveau des procédures d'enregistrement au registre du commerce et des sociétés.

En réponse à cette situation, le présent amendement a pour objet de permettre, en l'absence de déclaration fiscale et dans l'attente de la généralisation de la déclaration administrative pour tous les débits de boissons, le suivi des ouvertures des débits de boissons importées et des restaurants dans la période transitoire qui s'inscrit entre la publication de la LFR 2010 et l'adoption définitive du présent projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

C'est très compréhensible ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 45 .

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Cet amendement tombera si l'amendement du Gouvernement est adopté.

(L'amendement n° 40 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

En conséquence, l'amendement n° 45 tombe.

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. Christophe Caresche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cet article a pour objet de garantir le principe de reconnaissance mutuelle vis-à-vis des dispositifs médicaux dont les certificats de conformité ont été délivrés par des organismes agréés dans d'autres États membres de l'Union.

Sur le principe, nous ne sommes pas hostiles à cette harmonisation et à cette faculté. Cependant, nous souhaiterions que soit établi un rapport sur la convergence en Europe des pratiques de certification. Si nous acceptons les organismes de certification d'autres pays de l'Union, nous devons nous assurer que ceux-ci présentent le même niveau que leurs homologues français.

C'est pourquoi nous souhaitons que l'AFSSAPS puisse réaliser un rapport sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Avis défavorable. Un tel rapport relève plus de la responsabilité de la Commission européenne que de celle l'autorité française. Il serait intéressant que l'Europe se saisisse de ce sujet.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Même avis.

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5 et 16 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour présenter l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Notre amendement tend à la suppression des alinéas 3 et 4 de l'article 2.

Alors qu'était exigée une attestation technique par un organisme agréé par l'AFSSAPS, après vérification par celle-ci d'un certain nombre de documents que chaque exploitant de dispositifs médicaux doit établir, il a été jugé par le Gouvernement que ce dispositif n'avait aucune valeur ajoutée en terme de sécurité sanitaire par rapport à un dispositif simplifié dans lequel le revendeur justifierait lui-même de la maintenance régulière du dispositif médical.

Si la certification était assurée par un organisme agréé, ce ne serait pas sans raison. Il convient de privilégier la sécurité lorsqu'il s'agit de santé publique et de dispositifs médicaux destinés à des milliers de personnes. Par ailleurs, la présence de l'agrément devient une garantie et une référence utile lorsqu'il s'agit d'appliquer le principe de reconnaissance mutuelle.

Nous suggérons de supprimer les alinéas 3 et 4 car cette simplification ne nous paraît pas suffisante pour garantir la bonne conformité et la bonne qualité des dispositifs médicaux concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l'amendement n° 16 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'article 2 propose de modifier le régime des organismes agréés intervenant dans la certification et la revente des dispositifs médicaux.

Actuellement, la certification de conformité des dispositifs médicaux d'occasion doit être établie par le fabricant lui-même, ce qui est rare, ou par les organismes désignés par l'AFSSAPS. Or la directive «services» offre la possibilité aux fabricants de s'adresser à un certificateur de leur choix, et elle interdit aux États membres de faire obstacle, sur leur territoire, à la mise sur le marché des dispositifs estampillés CE.

L'article 2 propose donc la reconnaissance de la certification opérée par les organismes certificateurs des États membres de l'Union européenne.

Évidemment, nous ne voulons pas jeter l'opprobre sur les certificateurs établis dans un autre État membre de l'Union européenne, mais nous préférons tout de même que l'AFSSAPS conserve son rôle dans ce domaine.

Il en va de même pour l'assouplissement des règles de revente des dispositifs médicaux d'occasion. Même si la réglementation n'a jamais été bien appliquée, elle nous paraît mieux adaptée que votre proposition au terme de laquelle le revendeur devra établir une attestation justifiant de la maintenance régulière et du maintien des performances du dispositif médical.

Cet article porte dans sa démarche le risque d'une dégradation de la certification des dispositifs médicaux au détriment de la sécurité des patients. D'une certaine manière, il organise le désengagement, la déresponsabilisation de l'État dans ce domaine. Cela ne nous paraît pas sain ; cela nous paraît même dangereux. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Actuellement, la revente des dispositifs médicaux se fait hors de tout cadre juridique parce que les décrets d'application de la loi n'ont jamais été publiés. La revente de matériels d'imagerie médicale se fait absolument sans dispositif juridique. Il convient donc de remédier à cette absence de réglementation.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

De plus, l'organisme prévu n'aurait eu pour mission que de vérifier la détention par le fabricant d'un certain nombre de documents justifiant de la maintenance régulière et du maintien des performances du dispositif médical, ce qui aurait un intérêt limité et n'apparaît pas conforme au principe de proportionnalité posé par la directive «services».

Je suis donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Le Gouvernement est du même avis que la commission.

En effet, il n'y a aucune raison de ne pas faire confiance aux organismes agréés dans les autres pays de l'Union européenne. Tous les fabricants se réfèrent à ces normes européennes harmonisées, élaborées par des organismes européens de certification, qui font d'ailleurs l'objet d'une application uniforme dans l'ensemble des pays de l'Union.

(Les amendements identiques nos 5 et 16 ne sont pas adoptés.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 6 et 17 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour défendre l'amendement n° 6 .

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l'amendement n° 17 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Il répond aux mêmes préoccupations que notre amendement précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Avis défavorable pour les mêmes raisons.

(Les amendements identiques nos 6 et 17 , repoussés le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 2 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 7 et 18 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour défendre l'amendement n° 7 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cet amendement vise à supprimer cet article, qui tend à alléger l'évaluation de l'activité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Nous considérons que cet allégement n'était pas nécessaire et qu'auraient pu être invoquées les raisons impérieuses d'intérêt général prévues dans la directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l'amendement n° 18 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

À l'heure actuelle l'activité des établissements et services sociaux et médico-sociaux fait l'objet d'un contrôle régulier de la part d'organismes d'évaluation externes habilités à cette fin par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l'ANESM.

Dès lors, ces organismes sont régulièrement contrôlés et ils risquent le retrait de leur habilitation en cas de manquement.

Ce régime d'habilitation des organismes d'évaluation répond à l'objectif de protection de la santé publique pour lequel le traité et la Commission européenne reconnaissent aux États le droit d'invoquer des raisons impérieuses d'intérêt général et de préserver des législations nationales, dès lors que ces dernières sont jugées plus protectrices ou plus adaptées aux réalités nationales.

Ces raisons d'intérêt général peuvent donc être invoquées par les États dans un nombre non négligeable de domaines ; citons par exemple celui des jeux en ligne.

Elles auraient donc pu légitimement être invoquées pour l'article qui nous occupe, mais le Gouvernement ne s'embarrasse pas de ces précautions et transpose parfois aveuglément des trains de directives souvent régressives par rapport au droit existant.

Ainsi, dans cet article, au nom de la libre prestation de services, vous proposez que toute personne physique ou morale ressortissante de l'Union européenne puisse exercer temporairement et occasionnellement l'activité d'évaluation, sous réserve du respect du cahier des charges et de la déclaration préalable de leur activité auprès de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

De fait, l'habilitation par l'ANESM disparaît et le Gouvernement signe le désengagement de la puissance publique dans le domaine de l'évaluation des activités des établissements et services sociaux et médico-sociaux tels que, par exemple, ceux de la protection de l'enfance.

Évidemment, nous ne pouvons pas vous suivre sur cette voie et nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Je ne peux pas vous laisser dire que le contrôle par l'ANESM ne sera pas effectif.

Les organismes d'évaluation qui interviendront de façon temporaire et occasionnelle en France seront soumis exactement au même cahier des charges détaillé qui est prévu à l'annexe 3-10 du code de l'action sociale et des familles.

La qualité du service rendu sera donc exactement la même puisque les opérateurs européens devront suivre les principes et la méthodologie établis par le cahier des charges. De même, ils resteront soumis aux mêmes exigences d'indépendance, d'intégrité, d'objectivité, de confidentialité et de compétence.

Enfin, les modalités de contrôle et les sanctions applicables à ces organismes demeureront identiques à celles applicables aux organismes établis en France. Ils devront transmettre un rapport d'activité semestriel à l'ANESM. Tout incident dans le processus d'évaluation sera signalé à l'agence par l'établissement ou le service évalué.

Vous voyez, madame Fraysse, que le contrôle de l'ANESM est bien effectif. Je ne peux donc qu'être défavorable aux deux amendements.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

C'est un domaine sensible : il s'agit tout de même de la protection de l'enfance, des personnes âgées, des personnes handicapées, donc de personnes vulnérables.

Malheureusement, l'attention de la représentation nationale est régulièrement attirée sur la mauvaise gestion de tel ou tel établissement social oeuvrant dans ce domaine. Elle l'est suffisamment pour que nous considérions que l'évaluation de ces établissements n'est pas un mince problème.

Les arguments que l'opposition a voulu développer sont restés sans réponse. Alors que vous pouviez invoquer des raisons d'intérêt général pour le conserver, pourquoi abandonnez-vous le régime actuel pour un régime moins contraignant ? Certes, l'ANESM continuera à jouer son rôle mais avec une moindre pertinence qu'actuellement compte tenu du régime déclaratif.

Le secteur est sensible et cette baisse de la protection des personnes les plus vulnérables nous inquiète. Nous aurions aimé avoir des réponses plus précises, notamment sur le fait que n'aient pas été invoquées les raisons d'intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

J'ai peur de ne pas avoir été claire. Les organismes d'évaluation établis en France ou dans un autre État européen auront exactement les mêmes critères d'évaluation. L'ANESM pourra, au regard des pièces qui lui seront transmises, refuser de donner son agrément ou décider par la suite, si ce n'est pas concluant, de le retirer. Il n'y a aucune raison de l'exclure du champ de la directive «services». Les EHPAD en sont exclus mais le contrôle externe peut être effectué par des organismes qui viennent « prester » de façon temporaire et occasionnelle et qui ont la compétence requise. Ceux qui n'auront pas la compétence nécessaire ne seront pas habilités à exercer leur activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Pourquoi changer le régime actuel alors que nous n'étions pas obligés de le faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Pour des raisons d'intérêt général, nous aurions pu éviter de le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Cela n'entre pas dans le cadre de l'intérêt général.

(Les amendements identiques nos 7 et 18 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 8 .

La parole est à M. Patrick Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

L'amendement est défendu.

(L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 19 .

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Nous proposons d'allonger jusqu'à la fin de l'année le délai de dépôt par les laboratoires des dossiers concernant les médicaments traditionnels à base de plantes qu'ils souhaitent maintenir sur le marché. Le délai prévu dans le texte présenté par le Gouvernement apparaît en effet trop court aux petites unités de production. Maintenir ou, pour le dire autrement, refuser d'allonger ce délai conduirait inéluctablement au retrait du marché des spécialités traditionnelles à base de plantes des plus petits laboratoires au bénéfice des poids lourds du secteur comme Arkopharma. De même que nous étions opposés à la standardisation sauvage des semences et graines, de même refusons-nous qu'une partie de ces spécialités traditionnelles à base de plantes disparaissent au profit des acteurs dominants du marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

L'article 5 du projet de loi propose de transformer la date butoir du 30 avril 2011 fixée pour le traitement par l'AFSSAPS des dossiers d'enregistrement des médicaments traditionnels à base de plantes en date butoir pour le dépôt des dossiers par les laboratoires.

La date du 30 avril 2011 nous est imposée par la directive européenne. Le syndicat des entreprises du médicament, le LEEM, que nous avons consulté, pense qu'elles auront le temps de déposer tous les dossiers d'enregistrement d'ici là.

Je rappelle que, sur les 600 médicaments existants, seuls 200 resteront sur le marché. Par ailleurs, nous avons adopté en commission une disposition prévoyant que, tant que l'AFSSAPS n'aura pas donné son avis, les lots pourront rester sur le marché. L'article 5 répond donc aux souhaits des entreprises du médicament.

Donc avis défavorable sur l'amendement.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Même avis que la commission.

(L'amendement n° 19 n'est pas adopté.)

(L'article 5 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 43 rectifié .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cet amendement a pour objet d'adapter notre droit aux dispositions du règlement européen relatif aux médicaments de thérapie innovante qui est entré en vigueur le 31 décembre 2008.

L'adaptation proposée est importante pour plusieurs raisons.

Premièrement, les médicaments de thérapie innovante présentent un enjeu de santé publique majeur en raison de leur efficacité et du nombre conséquent de pathologies justifiant le recours à ces produits. Je pense en particulier aux produits de thérapie génique, ou aux produits issus de l'ingénierie tissulaire, qui permettent de régénérer, réparer ou remplacer des tissus altérés par l'âge ou la maladie.

Deuxièmement, le règlement européen qu'il s'agit d'intégrer offre un encadrement très sécuritaire pour ce type de médicaments qui font appel à des technologies complexes et qui ont un impact important sur les processus biologiques.

L'amendement proposé permet aux établissements publics et aux organismes à but non lucratif de créer en leur sein un établissement pharmaceutique pour préparer des médicaments de thérapie innovante. Si ces opérateurs ont l'intention de distribuer leurs médicaments dans l'Union européenne, toutes les dispositions encadrant les établissements pharmaceutiques leur sont applicables.

L'amendement détermine également l'encadrement des médicaments de thérapie innovante qui ne seront distribués qu'à l'échelon national à l'intention d'un nombre limité de patients : il décline à cet effet les conditions d'autorisation des établissements qui les préparent et des médicaments eux-mêmes ainsi que les règles de bonne pratique, de traçabilité et de vigilance qui leur sont applicables.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Cet amendement n'a pas été examiné en commission puisqu'il n'a été déposé qu'aujourd'hui. À titre personnel, j'y suis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Le fait que je sois favorable à cet amendement à titre personnel sous-entend que je l'ai lu, monsieur Caresche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Quant à nous, nous découvrons cet amendement en séance. Nous n'avons pas eu la chance de l'examiner avant et sommes donc dans l'incapacité d'évaluer son impact, d'autant qu'il fait près de trois pages.

Il ne s'agit plus de la transposition de la directive «services», mais d'un autre règlement européen. Cela confirme ce que je disais tout à l'heure, à savoir que le projet de loi que nous examinons est un texte fourre-tout. Qui plus est, le Gouvernement introduit, au fil de la discussion, des amendements nouveaux que nous sommes dans l'incapacité d'examiner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je partage l'avis de M. Caresche.

(L'amendement n° 43 rectifié est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 41 .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cet amendement met en conformité le code de la santé publique avec la directive relative à la qualité des eaux de baignade.

Cette directive, que la France a transposée, prévoit notamment que chaque État prenne les mesures pour atteindre le niveau de qualité au moins « suffisant » pour l'ensemble des eaux de baignade à l'issue de la saison balnéaire de 2015, et améliorer la qualité des eaux de baignade pour atteindre les deux meilleurs niveaux de qualité « bon » et « excellent ».

La Commission européenne a informé, le 28 septembre 2010, les autorités françaises que la transposition de la directive 20067CE lui semblait incomplète en ce que l'article L. 1332-3 du code de la santé publique ne prévoyait pas l'obligation d'augmenter le nombre de baignades de niveaux « bon » et « excellent », prévue dans la directive. Les autorités françaises se sont engagées à compléter cette transposition par le présent projet de loi, ce qui permettra d'éviter l'engagement par la Commission européenne d'une procédure d'infraction.

L'amendement vise par conséquent à satisfaire la Commission européenne en affichant un objectif général et non chiffré d'amélioration de la qualité des eaux de baignade, sans alourdir les mesures de gestion à mettre en oeuvre par les responsables d'eau de baignade, ni prévoir de sanctions à leur encontre, et à éviter ainsi que la demande d'information de la Commission européenne ne se transforme en procédure d'infraction.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Après les thérapies innovantes, nous voici conviés, sans transition, à légiférer sur les eaux de baignade !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

À cette heure tardive, j'ai envie d'appeler au secours car la liste à la Prévert ne me semble pas terminée !

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Je rappelle à M. Bloche que nous examinons un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne. Avec le prochain amendement du Gouvernement, nous allons passer des eaux de baignade à la cosmétologie, mais tout cela a une cohérence.

(L'amendement n° 41 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 34 .

En l'absence de M. Bur, la parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

La directive du 5 juin 2001 prévoit, dans son article 6, que les États membres imposent aux fabricants et importateurs de produits du tabac de leur soumettre une liste de tous les ingrédients et des quantités utilisés dans la fabrication de ces produits du tabac, par marque et type. Il est donc opportun d'inscrire explicitement cette obligation dans le code de la santé publique afin d'obliger les fabricants à soumettre leur liste d'ingrédients sous la forme recommandée par la Commission.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Avis favorable.

(L'amendement n° 34 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 30 rectifié .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cet amendement a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires à la mise en cohérence des dispositions législatives nationales avec celles prévues par le règlement du 30 novembre 2009 qui résulte de la refonte de la directive de 1976 relative aux produits cosmétiques.

En effet, le règlement du 30 novembre 2009 est déjà entré en vigueur depuis le 1er décembre 2010 pour les substances classées cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, qui sont les plus dangereuses pour la santé. C'est pourquoi, il est important et urgent d'adopter des mesures de mise en cohérence du code de la santé publique avec celles de ce règlement.

Sur le fond, ce règlement modifie substantiellement la réglementation européenne relative aux produits cosmétiques. Il renforce les obligations pesant sur les personnes responsables avec l'établissement d'un dossier relatif à l'évaluation de la sécurité du produit. Il renforce la surveillance du marché au moyen de contrôles des produits et des opérateurs économiques, de la vérification du respect des bonnes pratiques de fabrication, de la cosmétovigilance. Il prévoit une gestion des risques renforcée pour la mise sur le marché de produits cosmétiques contenant des nanomatériaux.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable de procéder dès à présent à ce travail d'adaptation qui concerne plus du tiers des dispositions du règlement du 30 novembre 2009. C'est ce que permettra cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Cet amendement n'a pas été examiné en commission mais, à titre personnel, j'y suis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Je veux juste poser une question à Mme la secrétaire d'État : le Gouvernement s'en tiendra-t-il, dans le cadre de l'habilitation qui lui sera donnée, à une transposition stricte du droit européen ? L'industrie cosmétique étant extrêmement importante en France, il ne faudrait pas que la transposition soit l'occasion de durcir des dispositions purement nationales. Nous vous donnons tout de même la possibilité d'agir par ordonnances, sans contrôle du Parlement, sur ces dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Non, mais on sait comment cela se passe.

Je souhaite donc que le Gouvernement précise ce point et nous donne des assurances. Nous tenons à la compétitivité de nos entreprises.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Le Gouvernement ne procèdera effectivement qu'à une stricte transposition de la directive.

(L'amendement n° 30 rectifié est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Lors de la discussion générale, j'ai développé un certain nombre d'arguments pour exprimer notre profond désaccord avec l'article 6. Vous me répondrez, madame la secrétaire d'État, qu'il ne s'agit que de transposer une directive européenne. Certes, mais voilà encore un domaine où le Gouvernement aurait pu invoquer ce que l'on appelle des « raisons impérieuses d'intérêt général ». En l'occurrence – ai-je besoin de le rappeler au Gouvernement et au rapporteur ? –, les objectifs de politique culturelle ont été reconnus au niveau européen comme susceptibles de relever de la notion de « raisons impérieuses d'intérêt général ».

L'introduction d'un tel article de dérégulation caractérisée d'un secteur ô combien sensible, marqué par une précarisation de celles et ceux qui y travaillent, vous fait courir un grand risque. Le spectacle vivant, puisque c'est de lui qu'il s'agit, n'a effectivement pas bénéficié à Bruxelles du soutien d'autres lobbies culturels, ce qui doit être regretté.

Autre élément d'inquiétude, la licence d'entrepreneur de spectacle vise un objectif de professionnalisation. Elle met en oeuvre la présomption de salariat inscrite dans le code du travail et vise aussi à éviter que des spectacles ne soient produits sur notre territoire sans que soient respectées un certain nombre de règles essentielles du code du travail et du code de la sécurité sociale. Nous ne pouvons être qu'inquiets en constatant que l'étude d'impact se borne à reconnaître que les incidences sociales « apparaissent difficilement mesurables ». Certes, la formulation ne manifeste que de la prudence, mais elle ne peut que susciter chez nous encore davantage d'inquiétude à propos de l'inégalité de traitement entre les entrepreneurs européens établis hors de France et les entrepreneurs français établis dans notre pays. Nous courons un grand risque, dans un domaine marqué par le paritarisme et qui, jusqu'à présent, grâce au dispositif en vigueur, d'autorisation et non de simple déclaration, répondait parfaitement à la volonté de l'Union européenne de lutter contre le travail illégal et contre toute déréglementation.

C'est un mauvais coup porté au spectacle vivant dans notre pays. Il est encore temps, en supprimant cet article, d'éviter de charger la barque, si j'ose dire, mais peut-être aurais-je dû utiliser l'expression à propos des eaux de baignade que nous évoquions à l'instant. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 20 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

J'ai envie de dire que ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on fait baisser la température.

Cet article ne nous convient pas du tout. Il est même grave, puisqu'il porte préjudice au spectacle vivant, l'une des activités culturelles originales et de qualité dont s'honore notre pays.

De quoi s'agit-il ? À l'heure actuelle, l'exercice de la profession d'entrepreneur de spectacles vivants est soumis au respect de trois conditions : la majorité révolue ; un diplôme d'enseignement supérieur ou une expérience professionnelle d'au moins deux ans ou une formation professionnelle d'au moins cinq cents heures ; une licence obtenue sous réserve des précédentes conditions. Les entrepreneurs de spectacles vivants ressortissants d'un autre État membre peuvent d'ores et déjà exercer sans licence en France à condition de justifier d'un titre équivalent à la licence française obligatoire délivré dans les mêmes conditions. À défaut d'un tel titre, ils doivent solliciter une licence auprès du préfet ou bien conclure un contrat avec un entrepreneur de spectacles vivants établi sur le territoire national.

Vous proposez, pour mettre notre législation en conformité avec la directive « services », qu'une licence équivalente aux licences françaises, obtenue dans un État membre, permette non seulement d'exercer mais encore de s'installer sans licence française pour exploiter un ou plusieurs spectacles. Nous ne sommes pas fondamentalement opposés à cette disposition.

En revanche, vous permettez également aux entrepreneurs de spectacles vivants ne justifiant d'aucun diplôme ni d'aucune formation d'exercer, certes à titre temporaire et occasionnel mais tout de même, après une simple déclaration. Cette disposition nous paraît faire peser un risque non négligeable de discrimination vis-à-vis des entrepreneurs nationaux de spectacles vivants mais aussi des risques pour les personnes qui seront amenées à travailler pour ces nouveaux entrepreneurs. Compte tenu des spécificités du spectacle vivant, c'est très grave ; l'on voit très bien à quelles dérives ces personnes peuvent être exposées.

Enfin, les spectateurs eux-mêmes peuvent être exposés à des risques. Un spectacle destiné à des enfants est soumis par exemple à un certain nombre de contraintes. Nous sommes donc vraiment préoccupés.

D'une manière générale, avec toutes les dispositions que l'on voit passer, nous assistons plus à un nivellement par le bas des conditions requises pour fournir des services qu'à une sécurisation du citoyen français, mais aussi – la sécurité intéresse tout le monde – du citoyen européen. Le droit communautaire s'impose comme un droit moins protecteur pour les citoyens, surtout quand il s'agit d'un domaine qui peut faire l'objet de transactions commerciales et être source de profit, d'un domaine où des intérêts financiers sont aussi en jeu.

Voilà pourquoi nous souhaitons la suppression de l'article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Vous l'avez dit, monsieur Bloche : les entrepreneurs de spectacles ont été inclus dans le champ de la directive, alors que l'audiovisuel en a été exclu. Nous ne pouvons donc pas nous autoriser les mêmes libertés et nous devons nous conformer à la directive « Services ».

Je ne partage pas du tout votre avis sur la dérégulation qui serait imposée à ce régime. Nous disposons tout de même de garanties sur le contrôle réel effectué lors de la déclaration préalable d'activité, obligatoire, de ces entrepreneurs de spectacles qui viendraient prester de façon occasionnelle et temporaire en France.

Selon les informations qui nous ont été fournies – car, moi aussi, j'ai demandé des garanties sur le contrôle de ces entrepreneurs –, un registre serait consultable par différentes autorités de contrôle : services de police, inspection du travail, URSSAF, organismes percepteurs de droits d'auteur, etc. Elles pourront effectuer des contrôles sur place ou sur pièces pour vérifier que les entrepreneurs respectent bien leurs obligations en matière de droit social et de droits d'auteur. De plus, grâce au système européen de coopération administrative, le système IMI, les autorités françaises pourront demander le contrôle de l'entrepreneur dans son État d'origine. Pour prétendre à la qualité de prestataire occasionnel ou temporaire en France, il faut effectivement exercer son activité principale dans son propre pays ; la définition de la prestation de services occasionnelle et temporaire l'impose.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements de suppression.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Même avis.

Il est clair qu'en aucun cas la licence d'entrepreneur de spectacles ne peut être perçue comme facultative. Le droit du travail français sera applicable aux salariés engagés en France par les entreprises. Ses règles s'imposeront également aux salariés détachés en France, et l'obligation de déclaration permettra l'organisation, en tant que de besoin, du contrôle par l'inspection du travail.

Enfin, bien évidemment, les entreprises de spectacles devront se conformer aux règles de sécurité en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Les réponses de Mme la rapporteure et Mme la secrétaire d'État ont vraiment confirmé nos inquiétudes. Que nous répondez-vous en effet ? Qu'il y aura des contrôles. Heureusement, mais ce ne seront jamais que des contrôles au hasard, au coup par coup, entrepris en fonction de ce que sont les effectifs – ô combien éprouvés ! – de l'inspection du travail. Effectivement, de temps en temps, un entrepreneur non établi en France sera sanctionné.

Je vous le rappelle avec insistance : le dispositif en vigueur dans notre pays est protecteur pour les salariés en même temps qu'il représente une garantie pour les professionnels.

L'attribution de la licence d'entrepreneur de spectacles – il est vraiment regrettable que le ministre de la culture ne soit pas au banc du Gouvernement –, sans laquelle aucun entrepreneur ne peut organiser un spectacle, fait l'objet d'une procédure lourde, comportant l'examen des dossiers par une commission paritaire d'employeurs et de salariés et un débat contradictoire. On n'obtient pas, en France, une licence d'entrepreneur de spectacles en claquant les doigts. Et le renouvellement de la licence est tout aussi difficile, parce que la commission paritaire examine attentivement si celui qui le demande a respecté le code du travail et vérifie les garanties, avant tout professionnelles, qu'il a pu apporter.

De ce fait, permettre à des entrepreneurs non établis en France d'organiser des spectacles sur simple déclaration, même si leur professionnalisme est garanti dans leur pays d'origine, constitue une dérégulation, une déréglementation d'un secteur jusqu'alors protecteur pour les salariés. Cela représente un grand recul et une source d'inégalités dont seront victimes les entrepreneurs de spectacles vivants établis dans notre pays, déjà fragilisés par l'absence de financement de l'État, et je ne parle même pas de la crise du spectacle.

(Les amendements identiques nos 9 et 20 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Favorable.

(L'amendement n° 49 est adopté.)

(L'article 6, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Sur l'article 8, je suis saisie de deux amendements de suppression.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 10 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il s'agit de dispositions visant les agences de mannequins.

Nous avons eu un long débat en commission et des inquiétudes se sont fait jour sur tous les bancs – je pense notamment à celles exprimées par Mme Antier et Mme Boyer. Je rappelle que l'article 8 vise à supprimer les incompatibilités pour l'obtention de la licence d'agence de mannequins, dont l'objet est d'éviter des conflits d'intérêts qui pourraient se produire au détriment de personnes parfois très jeunes, voire mineures, pas toujours capables de faire preuve de résistance.

Le Gouvernement propose de supprimer ces incompatibilités. Nous n'avons pas la même interprétation de la directive et nous pensons qu'elles pourraient être conservées. Surtout, nous ressentons une certaine inquiétude, car il s'agit d'un milieu où évoluent des personnes parfois fragiles. Nous pensons qu'il eût été souhaitable de préserver ces incompatibilités. Mme Antier qui, malheureusement, n'est pas là ce soir, était de cet avis et avait déposé un amendement en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 21 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'article 8 envisage d'assouplir le régime applicable aux agences de mannequins. Nous ne croyons pas que ce soit une bonne mesure. Nous refusons, d'une part, la création d'un régime simplifié dérogatoire et déclaratif pour les agences établies dans un autre État membre de l'UE et, d'autre part, l'assouplissement du régime de licence obligatoire pour les agences établies sur le territoire national.

Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que désormais, ce sont les agences elles-mêmes qui devront s'assurer qu'elles respectent les incompatibilités et qu'elles ne se mettent pas dans une situation de conflit d'intérêts. Je ne veux pas faire preuve d'une suspicion excessive, mais nous ne croyons pas vraiment à la bonne foi de tous les entrepreneurs, surtout dans un secteur qui peut présenter des risques pour des publics jeunes, comme cela a été souligné. Il est particulièrement nécessaire de protéger ces secteurs. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l'article 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

S'agissant d'abord de la création d'une déclaration simplifiée pour les opérateurs européens – à laquelle vous vous opposez –, j'estime que c'est une adaptation nécessaire pour mettre en conformité le droit français avec les exigences de la directive «services», et je pense notamment au principe de proportionnalité des régimes d'autorisation. Je précise que même les représentants des agences de mannequins n'y sont pas défavorables.

Concernant la suppression du dispositif d'incompatibilités professionnelles – contre lequel vous vous élevez également –, nous sommes en parallèle avec la directive «services». Nous ne pouvons en effet maintenir ce régime d'incompatibilités, sauf s'il s'agit de professions réglementées, c'est-à-dire celles dont l'accès est subordonné à la possession d'une qualification professionnelle, d'un diplôme ou d'un titre déterminé pour les prestataires qui fournissent des certifications d'accréditation ou de contrôle technique. Or la profession d'agence de mannequins ne correspond pas aux cas que j'ai évoqués. Nous sommes donc obligés de supprimer le régime d'incompatibilités mis en place en 1990.

La suppression du dispositif d'incompatibilités n'entraînera pas une dérégulation complète, comme vous l'affirmez. Pour s'établir en France, les agences devront toujours obtenir une licence et remplir les exigences de garanties financières et de moralité des dirigeants. L'emploi des enfants demeure soumis à l'obtention d'un agrément spécifique, aux mêmes strictes conditions. Le dispositif d'incompatibilités sera remplacé par de nouvelles obligations pour les agences de mannequins : celle de prendre toutes mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts et celle de rendre publiques les autres activités professionnelles.

Selon les informations qui nous ont été fournies, les mesures nécessaires que devront prendre les agences pour la défense des intérêts des mannequins seraient, par exemple, des mesures internes de formation du personnel et de l'encadrement, des chartes d'engagement, de séparation des fonctions et de transparence sur les frais d'agence. En commission, j'ai présenté un amendement, qui a été adopté, permettant d'inscrire au niveau législatif le principe d'une sanction de ces obligations, en plus des possibilités de refus d'octroi, de suspension et de retrait de la licence qu'entraînerait l'absence de déclaration publique d'activité.

Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression, car je rappelle que le dispositif d'incompatibilités est totalement contraire à la directive «services» et que son maintien pourrait conduire à une condamnation rapide de la France pour mauvaise transposition. En effet, la Commission européenne a déjà adopté en juin dernier à ce sujet un avis motivé à l'encontre de la France. Il s'agit, je le rappelle, de la dernière étape avant un recours devant la Cour de justice européenne.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Les explications de Mme Dumoulin sont excellentes et l'avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.

(Les amendements identiques nos 10 et 21 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 42 .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cet amendement vise à lever la présomption de salariat des mannequins établis dans un autre État membre où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France par la voie de la prestation de service à titre temporaire et indépendant.

Tous les mannequins exerçant en France sont protégés par une présomption simple de salariat. C'est le cas des mannequins exerçant en France, soit employés par des agences établies en France, soit placés en France par des agences établies dans un autre État membre, soit exerçant dans leur pays à titre indépendant. Cette présomption a pour conséquence d'assujettir le mannequin au droit du travail ainsi qu'au régime général de la sécurité sociale français. Ces obligations rendent complexe l'exercice en France de la profession de mannequin, surtout lors de prestations de courte durée. La Commission européenne considère que ces obligations constituent une entrave à la liberté de prestation de service au sein du marché intérieur. Elle nous l'a indiqué clairement le 30 novembre dernier suite à une plainte émanant de sociétés établies dans d'autres États membres et souhaitant effectuer en France des activités de placement de mannequins à titre indépendant.

Le Gouvernement propose de lever la présomption de salariat pour les mannequins établis dans un autre État membre et qui viennent exercer leur activité en France à titre temporaire et indépendant, ce qui n'est pas l'hypothèse la plus fréquente. Tous les autres mannequins resteront protégés par la présomption de salariat.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je ne voudrais pas retarder le débat, mais ce que nous faisons ici est lourd de conséquences. Lorsqu'on sait dans quelles conditions s'exerce, y compris sur notre territoire, la profession de mannequin, il apparaît surprenant de vouloir lever ainsi ce qui était une protection, à savoir la présomption de salariat et le fait de pouvoir requalifier une prestation de service en contrat de travail, avec toutes les garanties y afférentes. J'avoue donc avoir lu avec stupeur l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement : « La requalification en contrat de travail induit des coûts supplémentaires pour les mannequins et leurs employeurs communautaires, qui doivent alors s'affilier au régime général de la sécurité sociale. » Eh oui, tel est bien l'objectif d'une requalification en contrat de travail ! Pourtant, vous avez l'air de vous excuser qu'il y ait ce genre de protection…

Je le répète, la profession de mannequin est fragile : ô combien !. Je ne souhaite pas faire appel à l'actualité, y compris la plus récente, mais je pense que nous sommes engagés dans un mouvement de régression, non seulement des droits des travailleurs, mais tout simplement de la protection de la personne humaine. L'exposé sommaire de l'amendement gouvernemental indique que « la Commission européenne a écrit à la France le 3 novembre dernier pour demander au Gouvernement des explications sur la présomption de salariat des mannequins exerçant en libre prestation de service ». Je m'étonne qu'à peine deux mois et demi plus tard, vous mettiez tant d'empressement à répondre par la loi à ce qui n'était a priori qu'une demande d'explications…

Je souhaite que Mme la secrétaire d'État nous dise quelle a été la réponse préalable de la France à la Commission européenne avant le dépôt de cet amendement et s'il n'y avait pas de bons arguments à développer.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Il s'agit en l'occurrence d'une présomption simple qui s'exerce sur la libre prestation de service, non sur la liberté d'établissement. Tous les autres contrôles sont maintenus.

S'agissant d'une transposition de directive sur les artistes en 2008, qui avait fait l'objet d'une condamnation, je peux vous affirmer que cela n'avait pas posé de problème.

(L'amendement n° 42 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il est défendu.

(L'amendement n° 14 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il est également défendu.

(L'amendement n° 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 8, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Il est défendu.

(L'amendement n° 22 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 9 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 12 et 23 , tendant à supprimer l'article 10.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 12 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cet article tend à transposer la directive « Reconnaissance des qualifications professionnelles » pour les assistants de service social, nouvelle appellation de l'assistante sociale.

Vous assouplissez, là encore, le régime de qualification. Nous considérons que le métier d'assistante sociale a beaucoup évolué et qu'il demande de plus en plus de compétence. Or il nous est proposé d'abaisser le niveau de qualification requis pour exercer cette profession. Cela ne va pas dans le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 23 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Cet article assouplit les conditions d'exercice de la profession d'assistant de service social en prévoyant que, désormais, tout demandeur ressortissant d'un État membre, détenteur d'un titre de formation sanctionnant une formation réglementée, même si la profession ne l'est pas dans l'État membre où il a obtenu ce titre, sera dispensé de justifier de deux années d'expérience en tant qu'assistant de service social.

Autrement dit, un certain nombre de garanties jusqu'alors exigées ne le seront plus, ce qui fait évidemment peser un risque non négligeable sur les publics pris en charge par les assistants de services sociaux ainsi autorisés à exercer. C'est d'autant plus préoccupant qu'ils interviennent auprès de publics souvent fragiles, dans des contextes difficiles – c'est une profession pénible – et dans un champ toujours étendu : l'accompagnement de la personne, l'insertion, la réinsertion. Cela exige non seulement des compétences techniques, mais aussi des compétences de connaissance de la personne extrêmement complexes et qui ne sont pas expliquées mot à mot dans les livres.

L'exercice de cette profession est donc exigeant et s'accommode mal d'un laxisme du cadre législatif et réglementaire. C'est pourtant ce que vous nous proposez. Il s'agit encore une fois, et je regrette de devoir me répéter, d'un nivellement par le bas. Notre législation était meilleure que celle que vous nous proposez et qui consiste en une déréglementation, dans un domaine sensible de surcroît. Là encore, la France aurait pu invoquer des raisons impérieuses d'intérêt général pour sauvegarder un cadre réglementaire plus contraignant, mais de meilleure qualité et apportant davantage de garanties aux publics concernés.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer l'article 10, qui marque un recul par rapport à la législation actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Comme je l'ai expliqué dans mon propos liminaire, il s'agit de transposer des directives pour deux professions – professeur de danse et assistant social – telles qu'elles avaient été définies dans le cadre des qualifications professionnelles. Il doit être possible, lorsque l'on est originaire d'un pays où la profession n'est pas réglementée contrairement à la formation, d'exercer en France. Nous devons, pour ces deux professions, nous conformer à la directive « Reconnaissance des qualifications professionnelles ». Je ne peux donc être que défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Même avis que la commission !

(Les amendements identiques nos 12 et 23 ne sont pas adoptés.)

(L'article 10 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Je serai bref. En effet, à la suite du travail en commission et des contacts avec le ministre de l'économie numérique, les quelques inquiétudes que l'on pouvait avoir sont, à mon avis, levées. La transposition par ordonnance sur un sujet aussi technique ne me pose pas de problème. Les habilitations qui le justifiaient ont été précisées et explicitées. Les avant-projets d'ordonnance ont été transmis, le tout dans la transparence et la confiance. Si le travail pouvait se dérouler de cette manière pour toutes les ordonnances, ce serait parfait !

Cette transposition du paquet télécoms n'est qu'une étape, car ce sujet évolue constamment. Il convient également de laisser de la marge aux acteurs, que ce soient les opérateurs télécoms, les fournisseurs de services et de contenus ou le régulateur. La loi n'est sans doute pas le meilleur vecteur en matière d'internet. La transposition a minima, qui colle au texte de la directive, est sans doute la meilleure option.

Sachez, monsieur le ministre, que, sur ces questions, nous serons à vos côtés pour vous aider, mais également pour participer aux décisions. Une habilitation à prendre une ordonnance est une délégation, pas un abandon de compétence.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 13 et 24 , tendant à supprimer l'article 11.

La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l'amendement n° 13 .

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Nous demandons la suppression de cet article pour une raison extrêmement simple, et je répondrai ainsi à M. Tardy : ce n'est pas parce qu'un texte est technique que les parlementaires doivent pour autant s'en dessaisir, bien au contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Le paquet télécoms concerne des thématiques de fond qui intéressent l'ensemble des citoyens. Nous trouvons donc profondément regrettable de recourir aux ordonnances. Nous constatons, de plus, que ce recours aux ordonnances est croissant et qu'il prive le Parlement d'une grande partie de ses prérogatives. Je donnerai juste quelques chiffres pour illustrer mon propos : de 1984 à 2004, vingt-neuf lois d'habilitation ont été adoptées, de 2004 à 2007, trente-huit lois l'ont été tandis que 170 ordonnances ont été publiées. Je le répète, il y avait matière à débattre sur le paquet télécoms. Ce n'est pas parce qu'un sujet est technique que nous devons nous en éloigner. Nous devons, bien au contraire, nous impliquer, le comprendre et défendre nos positions. C'est là, me semble-t-il, tout l'intérêt du mandat de parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 24 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'article 11 habilite le Gouvernement à transposer le paquet télécoms par voie d'ordonnance. Je souligne à mon tour à quel point cette procédure, pourtant annoncée comme exceptionnelle, tend à se banaliser.

Les explications données par le Gouvernement et que Mme la secrétaire d'État vient de réitérer – obligation de respecter l'échéance de transposition, très faible marge de manoeuvre laissée aux États membres, caractère technique prononcé, ou encore le fait que ce paquet s'inscrive dans la continuité du précédent – ne sont pas suffisantes pour justifier que le pouvoir exécutif s'approprie le pouvoir législatif, bien au contraire.

Cette nouvelle étape vers la mise en place de la concurrence comme régime de droit commun permet à l'Autorité de régulation d'imposer la séparation fonctionnelle à un opérateur intégré, le contraignant à séparer ses activités de réseau de ses activités de service en les confiant à deux entités distinctes ou en promouvant une concurrence fondée sur les infrastructures, alors que l'on sait les ravages d'une telle politique sur les industries de réseau !

Nous reconnaissons volontiers le caractère technique de certains aspects de ce texte, mais ce n'est pas, à nos yeux, un argument recevable, car ces mesures auront un impact direct sur les Français à travers les questions du service universel, du traitement des données à caractère personnel et de la protection de la vie privée. À cet égard, l'amendement déposé par le Gouvernement lors de la réunion de la commission des affaires économiques afin de préciser le champ de l'habilitation concernant la lutte contre les faits susceptibles de porter atteinte à la vie privée n'a pas permis de lever nos réticences. Ce sujet est suffisamment sensible pour que la représentation nationale ne soit pas dessaisie de ses prérogatives.

Le Gouvernement n'hésite d'ailleurs pas à introduire des dispositions qualifiées de « complémentaires », nullement imposées par la législation communautaire et qui pourraient faire l'objet d'une discussion de fond. Mais le Parlement a finalement peu d'importance à vos yeux. Comme vous l'indiquiez, monsieur le ministre de l'économie numérique, devant la commission des affaires économiques, « l'adoption des directives est de plus en plus souvent un processus extrêmement long, exigeant d'âpres négociations entre les États, mais aussi, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, entre ces derniers et le Parlement européen, c'est-à-dire les représentants des nations ». Ces propos sous-entendent que, lorsqu'un texte a déjà été discuté au niveau communautaire, l'avis de la représentation nationale est facultatif ! Cela ne me paraît pas une avancée très significative.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Sur ce sujet, madame la présidente, je laisserai s'exprimer Laure de La Raudière, rapporteure pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Lionel Tardy a tout dit. Deux directives de trente-trois et vingt-six pages sont transposées dans le troisième paquet télécoms. L'obligation est faite aux États membres d'en transposer mot à mot la quasi-totalité des dispositions. S'il y a une transposition qui peut être effectuée par ordonnance, c'est donc bien celle-ci. On ouvrira le débat sur certains sujets, comme cela a été souligné dans la discussion générale et comme l'a dit notre collègue Corinne Erhel. Nous souhaitons en effet pouvoir mener ce débat de façon plus approfondie dans un second temps.

Toutefois, le troisième paquet télécoms doit être transposé d'ici au 25 mai. Soyons raisonnables, chers collègues. Considérant l'agenda parlementaire et le temps nécessaire à l'aller-retour au Sénat, comment imaginer que nous puissions étudier nous-mêmes deux directives de trente-trois et vingt-six pages ? Le choix du Gouvernement est, par conséquent, amplement justifié.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Avis défavorable pour les mêmes raisons. J'aime à souligner que Lionel Tardy s'est à mes yeux excellemment exprimé ! (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je trouve que l'affaire est trop sérieuse pour en rire ! Les arguments avancés en réponse aux interventions de Corinne Erhel et Jacqueline Fraysse par Mme la rapporteure pour avis et M. le ministre ne sont pas sérieux. « S'il ne se passe rien avant le mois de mai 2011, tremblez ! Ce sera terrible ! Tout s'effondrera ! » C'est une vaste rigolade !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le fameux projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, sorte d'avant-projet de loi HADOPI, examiné en 2005, était la transposition d'une directive signée, de mémoire, en 2000 ou en 2001 par le gouvernement Jospin. C'est vous dire que l'on a explosé les délais ! Je ne sais pas quelles ont été les sanctions financières pour la France, mais nous avons pris notre temps et nous avons examiné un projet de loi !

Vous invoquez l'échéance du 25 mai pour justifier que l'on ne débatte pas. Je ferai ici référence non pas à un document partisan produit par le groupe SRC, mais au rapport de la commission des affaires économiques. Selon Mme de La Raudière, les sujets abordés sont la liberté de communication avec un encadrement de la suspension de l'accès à Internet – cela doit rappeler quelques souvenirs à ceux qui ont suivi le feuilleton HADOPI, et ce n'est pas un mince sujet, surtout dans un pays comme la France – ; la neutralité ; la sécurité et le service universel ; la protection des consommateurs, avec la portabilité des numéros fixes et mobiles en un jour ; la protection de la vie privée, par le biais de la notification obligatoire des violations de données personnelles ; le renforcement des régulateurs, en particulier par l'accroissement de leur indépendance et l'institution de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques ; enfin, la réforme de la gestion du spectre pour accélérer la gestion du haut débit.

Voilà des sujets qui auraient mérité un grand débat parlementaire et non le hold-up dont nous sommes victimes ce soir.

Que M. Tardy ou Mme de la Raudière aient eu des réponses à leurs demandes, tant mieux pour eux, ils sont députés de la majorité. Mais il n'en est rien pour les députés de l'opposition que nous sommes. Il n'y a aucune transparence, nous n'avons aucune des garanties qu'apporte le débat parlementaire, qui est avant tout un débat démocratique. Vous passez en force pour de fausses raisons. Vous voulez vous épargner un débat qui eût pourtant été nécessaire.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je ne souhaitais pas allonger les débats mais, en dépit de la véhémence dont fait preuve M. Bloche,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…je ne peux laisser dire autant de contrevérités.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

D'abord, et même si cela a l'air de vous déplaire, monsieur Bloche, alors que je croyais que vous étiez un grand européen, les directives sont discutées entre les États et au Parlement européen.

Deuxièmement, vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a eu aucune transparence. Votre collègue François Brottes vous confirmera que je lui ai fait passer le projet d'ordonnance et qu'il y a eu un groupe de travail. Il a posé toutes les questions qu'il a jugé utile et nous y avons répondu.

Troisièmement, votre attachement à l'Europe ne peut pas être à géométrie variable. Tout à l'heure, vous exhibiez un simple communiqué par lequel un porte-parole, pressé de questions, précise qu'il sera regardé avec intérêt si l'indépendance de l'autorité est bien respectée, ce qui était bien le moins qu'il pouvait faire, et maintenant, vous prenez l'exemple d'une transposition qui n'avait pas encore été faite trois ou quatre ans après l'adoption de la directive. Il faut être cohérent. Vous ne pouvez pas être des jusqu'au-boutistes en exhibant un simple communiqué et nous expliquer ensuite que cela ne poserait aucun problème de prendre trois ou quatre ans pour transposer. Nous voulons respecter les engagements souscrits par l'État français.

(Les amendements identiques nos 13 et 24 ne sont pas adoptés.)

(L'article 11 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

L'article 12, qui réforme le régime des noms de domaine sur internet, est une belle réussite de la coproduction législative, laquelle survit, et c'est un clin d'oeil, au départ de Jean-François Copé de la tête du groupe UMP.

À l'origine, il y a une censure constitutionnelle le 6 octobre dernier, qui nous laisse jusqu'au 1er juillet 2011 pour combler la faille. La difficulté sur le fond n'est pas énorme puisque la censure est due à une incompétence négative et à un manque de précision de la loi. Encore fallait-il s'y atteler afin de trouver une solution satisfaisante à l'issue d'un vrai débat. Il fallait bien d'une façon ou d'une autre lancer le processus.

J'ai donc pris l'initiative, lors de l'examen de ce texte en commission des affaires économiques, de déposer un amendement en faisant juste remonter au niveau de la loi le contenu des décrets. C'est une solution a minima, qui n'était pas vraiment satisfaisante mais avait le mérite de lancer le débat. Certains ont pu dire que c'était un cavalier. Peut-être, mais sans doute moins que certains amendements du Gouvernement sur le texte relatif au Défenseur des droits, et c'est pour la bonne cause.

Depuis l'adoption de cet amendement le 30 novembre, un travail de fond a été mené avec les acteurs concernés, notamment l'AFNIC, les parlementaires, le Gouvernement, pour aboutir à un nouvel amendement de synthèse porté par Laure de la Raudière, rapporteure pour avis sur cette partie du texte. Même l'auteur du recours qui a abouti à la censure constitutionnelle, à qui j'ai demandé son avis, reconnaît la qualité et la solidité constitutionnelle de l'amendement de notre rapporteure. Nous avons donc rempli notre mission, et dans les délais impartis, je tenais à le souligner.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 28 , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est Mme la rapporteure pour avis, pour défendre l'amendement n° 28 .

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Le contexte a été exposé très clairement par M. Tardy ; je ne vais donc pas vous faire perdre de temps.

L'amendement déposé à son initiative en commission et adopté à l'unanimité avait le mérite de poser clairement les termes du débat en remontant dans la loi les dispositions des décrets. Nous avons depuis lors effectué une analyse juridique plus approfondie et nous proposons en fait la réécriture de l'article 12, les objectifs poursuivis restant strictement les mêmes que ceux qui avaient conduit à l'adoption de l'amendement Tardy par la commission des affaires économiques.

Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter ce nouvel amendement, dans la continuité des objectifs de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre le sous-amendement n° 36 .

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Pour gagner du temps, je défendrai ensemble mes cinq sous-amendements, qui sont de précision technique.

Le sous-amendement n° 36 lève une ambiguïté sur l'obligation de motiver les refus en excluant qu'une motivation doive être fournie pour un refus basé sur le fait que le nom de domaine est déjà attribué. Pour certains noms de domaine, plusieurs milliers, voire dizaines de milliers de demandes peuvent être envoyées dans un laps de temps très court. La règle étant que le premier arrivé est le premier servi, la raison du refus est très claire et inattaquable, et l'obligation de motiver tous les refus serait un travail de titan totalement démesuré et inutile.

Le sous-amendement n° 39 permet d'éviter à l'office d'enregistrement de devoir trancher lui-même des situations complexes qui relèvent du juge pour les problèmes de cybersquatting.

Le sous-amendement n° 38 propose de fixer au 31 décembre 2011 l'entrée en vigueur de l'ouverture des extensions de noms de domaines d'outre-mer aux personnes physiques et morales européennes. Cela permettra de mieux préparer cette ouverture qui, je le rappelle, est prévue en mars 2012 pour les noms de domaine en « .fr ».

Le sous-amendement n° 37 permet d'assurer un contrôle effectif du respect de l'obligation pour les bureaux d'enregistrement de publier leurs tarifs.

Le sous-amendement n° 35 donne à l'office d'enregistrement la possibilité de suspendre un nom de domaine quand, après avoir tout essayé, il n'est pas possible de joindre le titulaire du nom de domaine car celui-ci a donné de fausses informations ou tout simplement oublié d'opérer les changements de coordonnées. Fatalement, il se rendra compte que son nom de domaine est suspendu et contactera l'office d'enregistrement.

Ce sont de petits ajustements qui ne remettent pas en cause l'équilibre de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et les sous-amendements ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Favorable.

L'amendement n° 28 permet d'enrichir l'article 12, et je remercie à la fois Laure de la Raudière et Lionel Tardy d'avoir apporté des précisions utiles au sens où elles prennent en compte les principales critiques du Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement salue aussi les sous-amendements proposés par Lionel Tardy.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous sommes dans un domaine sensible et je comprends l'initiative prise par nos collègues pour répondre à une censure justifiée du Conseil constitutionnel.

À une heure très tardive – nous débattons dans des conditions qui ne sont guère faciles –, j'aimerais simplement savoir, madame de la Raudière, quelles concertations préalables vous avez menées, qui vous avez rencontré, et si votre amendement a reçu un accord consensuel de toutes les parties intéressées par la gestion des noms de domaine, l'Internet Society par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Rassurez-vous, monsieur Bloche, nous avons consulté l'actuel gestionnaire des noms de domaine en « .fr », l'AFNIC, et, naturellement, les juristes spécialisées de la DGCIS du ministère des finances ainsi que les services de l'Assemblée. Un travail de concertation complémentaire peut aussi avoir lieu avant l'examen du texte au Sénat. Cela dit, il n'y a eu jusqu'à présent aucune opposition.

(Les sous-amendements n°s 36 , 37 , 35 , 39 et 38 sont successivement adoptés.)

(L'amendement n° 28 , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 25 rectifié , portant article additionnel après l'article 12.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Comme je l'ai expliqué lors de la discussion générale, j'ai souhaité, par le dépôt de cet amendement, ouvrir le débat sur la neutralité d'internet et des réseaux, en partie couvert par le projet d'ordonnance mais pas totalement.

La défense de la neutralité d'internet et des réseaux peut avoir trois objectifs majeurs : la liberté de communication ; le maintien d'une qualité de service suffisante sur l'internet public, et c'est un enjeu majeur tout autant que la liberté de communication ; la préservation d'un écosystème favorable à l'innovation dans ces formidables secteurs en développement que sont les réseaux ou les services de communication en ligne.

Les dispositions du projet d'ordonnance peuvent apparaître insuffisantes à la lumière des travaux réalisés par la mission d'information sur la neutralité de l'internet et des réseaux que nous conduisons avec Corinne Erhel.

Le premier objectif, la liberté de communication, est reconnu explicitement, mais la portée normative est limitée. Il me semble donc intéressant de faire figurer dans les obligations générales imposées aux opérateurs des conditions permettant d'atteindre cet objectif. C'est l'objet du paragraphe b) ter de l'amendement n° 25 rectifié .

Dans le paquet télécoms, il n'y a pas non plus de reconnaissance explicite du troisième objectif, la préservation d'un écosystème favorable à l'innovation, d'où l'idée d'instituer un principe de neutralité dans l'acheminement du trafic et de le faire figurer dans les obligations générales imposées aux opérateurs des communications électroniques. C'est le paragraphe b) bis de l'amendement.

La neutralité de l'acheminement du trafic ne signifie pas nécessairement son homogénéité. La neutralité est sans doute à définir comme la possibilité offerte à tous les acteurs économiques d'accéder aux différentes offres de qualité de service dans les mêmes conditions.

Nous voulons être assurés, monsieur le ministre, d'avoir un débat complet à ce sujet, tant les enjeux nous paraissent primordiaux pour le maintien d'un internet neutre et universel.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement partage votre préoccupation, madame de La Raudière. Comme vous l'avez très bien expliqué, la neutralité d'internet est un sujet de grande importance avec des enjeux économiques et sociétaux que je ne rappelle pas.

Toutefois, le paquet télécoms prévoit d'ores et déjà une série de mesures de nature à assurer la neutralité d'internet : l'objectif fixé aux autorités de régulation nationale de favoriser l'accès des citoyens à l'information de leur choix ; l'obligation pour les opérateurs d'informer les consommateurs sur les limitations à l'accès ou à l'utilisation des réseaux et des services et sur les mesures de gestion des trafics qu'ils mettent en oeuvre ; la possibilité pour les autorités de régulation nationales de fixer des exigences minimales en matière de qualité de service ; l'extension du pouvoir de règlement des différends des autorités de régulation aux litiges entre opérateurs et fournisseurs de services relatifs aux conditions d'acheminement du trafic.

Par ailleurs, au niveau européen, une réflexion a été lancée par la Commission afin de déterminer l'opportunité de prévoir des mesures complémentaires au paquet télécoms. Nous en attendons les résultats dans les semaines qui viennent.

J'ai bien noté également que la commission des affaires économiques avait créé une mission d'information sur la neutralité d'internet et des réseaux. Nous attendons le produit de vos réflexions.

Je souhaite que nous travaillions ensemble, avec vous personnellement ainsi qu'avec les députés les plus concernés, car la réflexion que vous avez lancée mérite d'être poursuivie. Nous avons tous la préoccupation de ne pas compromettre l'économie du secteur. Je m'engage à ce que le débat que vous appelez de vos voeux se tienne. Pour l'instant, je vous serais reconnaissant de bien vouloir retirer votre amendement, au bénéfice du débat que nous aurons prochainement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Au vu de l'engagement du ministre que ce débat ait lieu dans la poursuite des travaux que nous conduisons avec Corinne Erhel au sein de la commission des affaires économiques, et dans l'attente du Livre blanc que doit nous fournir la Commission européenne, j'accepte volontiers de retirer mon amendement.

(L'amendement n° 25 rectifié est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je suis saisie d'un amendement n° 29 rectifié , qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements, nos 47 , 50 , 48 et 51 .

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

J'userai d'un autre adjectif, monsieur Bloche, en disant qu'il s'agit d'un amendement franchement banal. Vous vous offrez une tempête dans un verre d'eau pour une mesure d'un très grand classicisme.

Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je présenterai de nouveau l'esprit de cet amendement. Vous me pardonnerez de m'y attarder un peu.

Il a pour objet, vous le savez, d'instituer un commissaire du Gouvernement auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. La loi donne au Gouvernement et à l'ARCEP des pouvoirs réglementaires étroitement imbriqués, rendant indispensable un dialogue étroit entre les deux. Or les enjeux actuels du développement de l'économie numérique appellent un renforcement de ce dialogue. Je vous en donne, si vous voulez bien, trois exemples concrets.

S'agissant d'abord des fréquences, l'ARCEP propose des conditions d'attribution tandis que le ministre chargé des communications électroniques fixe par arrêté, sur proposition de l'ARCEP, les conditions et la durée de la procédure d'attribution. En cas d'enchères, le Gouvernement fixe le prix de réserve. Une fois la procédure d'attribution lancée, l'ARCEP conduit la procédure de sélection et assigne les fréquences correspondantes. Vous voyez donc que nos pouvoirs respectifs sont étroitement imbriqués.

Deuxième exemple, en ce qui concerne le déploiement du très haut débit fixe, c'est-à-dire de la fibre optique, l'ARCEP définit les conditions techniques et tarifaires pour les déploiements dans les immeubles anciens ; le Gouvernement, dans les immeubles neufs. Un décret et un arrêté seront pris au cours du premier trimestre 2011. Je rappelle également que l'État consacrera 1,75 milliard d'euros, dans le cadre des investissements d'avenir, au déploiement de la fibre optique dans les zones les moins denses du territoire. Le Gouvernement soumet cette aide à certaines conditions techniques, qui doivent être cohérentes avec les conditions imposées par l'ARCEP. Vous avez là un deuxième exemple évident d'imbrication de nos pouvoirs respectifs.

Concernant la protection du consommateur – troisième exemple –, l'ARCEP a consulté les opérateurs et publié « trente propositions afin d'améliorer les offres faites aux consommateurs de services de communications électroniques et postales », donc trente projets de mesures en faveur des consommateurs, dont une partie très importante relève de la loi ou du pouvoir réglementaire du Gouvernement, par exemple sur les conditions de résiliation des abonnements, le déverrouillage des téléphones mobiles… Vous voyez là encore à quel point nos pouvoirs sont imbriqués.

La présence d'un commissaire du Gouvernement viendra renforcer ce dialogue nécessaire et quotidien. Le commissaire présentera le point de vue du Gouvernement sur les dossiers concernant l'exercice du pouvoir réglementaire de l'ARCEP sans participer, je le répète, aux délibérations. Sa présence ne constituera en aucun cas une remise en cause de l'indépendance de l'Autorité, que nous respectons et respecterons. Parler de conflit d'intérêts est un contresens. L'ARCEP restera indépendante, en stricte conformité avec les textes européens et notre législation.

Je redis que la plupart des grandes autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir réglementaire dans la sphère économique disposent d'un commissaire du Gouvernement, sans que leur indépendance soit pour autant contestée.

Enfin, la présence d'un commissaire du Gouvernement auprès de ces autorités a été demandée par de multiples rapports du Parlement et du Conseil d'État. Je cite à nouveau l'étude du Conseil d'État de 2001 sur les autorités administratives indépendantes, qui préconisait « une présence mieux organisée du Gouvernement auprès des autorités administratives indépendantes et un suivi plus développé de leur activité ».

En 2006, le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, présenté par le sénateur Patrice Gélard, proposait « d'assurer la présence d'un commissaire du Gouvernement auprès de l'ensemble des autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir réglementaire ».

Enfin, en octobre 2010, le rapport d'information relatif aux autorités administratives indépendantes de votre propre comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, présenté conjointement par les députés Christian Vanneste et René Dosière, a conclu : « La présence d'un commissaire du Gouvernement auprès de chaque autorité administrative indépendante serait le garant de la cohérence de l'action publique. Les rapporteurs – Mme Erhel l'a évoqué – proposent de généraliser, sauf exception justifiée, la présence d'un commissaire du Gouvernement dans chaque autorité administrative indépendante afin que, dans le respect de son indépendance, le Gouvernement soit informé de toutes ses décisions et puisse faire entendre son point de vue. »

En somme, vous reprochez au Gouvernement de suivre à la lettre les recommandations du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques bipartisan que vous avez vous-mêmes créé.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Eu égard aux explications apportées par le ministre, l'avis de la commission est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

J'entends vos arguments, monsieur le ministre, mais vous n'avez toujours pas répondu à la question : pourquoi le dépôt de cet amendement en urgence, deux jours avant l'examen du texte ? C'est ce que je ne comprends pas ! Je suppose que cette idée ne vous est pas venue d'un coup au début du mois de janvier ; vous m'inquiéteriez beaucoup si c'était le cas. Le rapport parlementaire que vous avez évoqué date d'octobre. La commission des affaires économiques s'est réunie en décembre pour examiner la transposition ; il n'a à aucun moment été question de nommer un commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP !

Je vous renvoie l'argument que vous m'avez opposé tout à l'heure : c'est vous qui changez de doctrine vis-à-vis d'une autorité, encore indépendante aujourd'hui. C'est peut-être – vous me direz si j'ai raison – la venue de sujets sensibles, comme les fréquences, qui a fait évoluer votre doctrine. Quoi qu'il en soit, je voudrais comprendre pourquoi cette décision arrive si brusquement.

Car cela reste pour nous un cavalier législatif incongru, dans la mesure où il va à l'encontre des dispositions européennes, qui nous demandent, dans le texte que nous examinons, de renforcer l'indépendance des autorités en charge des communications électroniques.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Certes, le commissaire du Gouvernement n'assistera pas aux délibérations, mais il assistera aux débats. Ce faisant, il prendra connaissance des positions des uns et des autres et pourra donc anticiper facilement ce que tel ou tel membre décidera. Il y a là une atteinte, et même une atteinte importante, à l'indépendance des prises de décision. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que, sans chercher d'échappatoire, vous nous expliquiez pourquoi cet amendement a été déposé le 11 janvier, alors que nous aurions pu en discuter en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Monsieur le ministre, nous serons moins d'accord que sur le précédent article. Cet amendement du Gouvernement semble en effet poser quelques problèmes.

Je n'ai pas d'hostilité de principe à la nomination de commissaires du Gouvernement auprès des autorités administratives indépendantes, et je m'associe d'ailleurs pleinement aux conclusions du rapport Vanneste-Dosière, auquel j'ai participé. Mais il faut décider au cas par cas ce que l'on fait et comment on le fait, et je reconnais que, dans ce cas précis, j'ai des réserves.

L'idée d'un commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP arrive de manière un peu inattendue, sans examen en commission, et dans un contexte qui n'est pas le meilleur que nous puissions espérer. Il existe quelques tensions entre le Gouvernement et l'ARCEP, qui ont des divergences de vues sur plusieurs sujets importants, notamment les attributions de fréquences 4G.

Le caractère assez brutal de cet amendement est mal vécu par l'ARCEP. Nous étions un certain nombre de députés présents hier soir aux voeux de cette autorité, et les propos de son président ont été assez explicites : l'arrivée d'un commissaire du Gouvernement n'est pas une demande de l'ARCEP, bien au contraire, elle est même vécue comme une tentative d'atteinte à son indépendance.

Il est important, monsieur le ministre, qu'un dialogue s'instaure afin de clarifier les intentions de chacun. Il n'est pas envisageable, pour nous, de trancher dans un tel contexte ; il faut d'abord lever les ambiguïtés et mettre fin aux malentendus. L'affaire commence à prendre des proportions non négligeables dans la presse, et ce qui transparaît des différents articles que j'ai pu lire, c'est le soupçon d'une volonté du Gouvernement de brider l'indépendance de l'ARCEP. Persévérer dans votre position, monsieur le ministre, risque de rapidement se révéler une faute de communication politique.

En outre, la Commission européenne a déclaré, par un communiqué officiel paru cet après-midi, qu'elle examinerait « de très près la conformité de cette mesure avec la réglementation européenne ».

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Dans son communiqué, elle insiste fortement sur le fait que « l'ARCEP doit pouvoir exercer ses pouvoirs et s'acquitter de ses responsabilités de façon indépendante et impartiale ».

Je pense que le message est clair et que la voie de la sagesse serait de retirer cet amendement, afin de clarifier les choses tant vis-à-vis de l'ARCEP que de la Commission. Il reste encore le passage au Sénat pour redéposer un amendement, après concertation et éclaircissements. Il serait tout de même étrange que, dans un texte censé nous mettre en conformité avec les exigences européennes, nous introduisions une disposition contraire au droit communautaire, notamment au paquet télécoms que nous transposons à l'article 11.

À défaut du retrait de cet amendement, je défendrai deux sous-amendements afin d'en retirer les dispositions pouvant poser problème. Il sera toujours possible de modifier cet article lors du passage au Sénat. Vu la position prise cet après-midi par la Commission européenne, un geste s'impose pour montrer notre volonté d'écoute et de dialogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas hostiles à une réflexion sur les autorités administratives. Nous considérons cependant, et le rapport de M. Dosière et M. Vanneste le dit clairement, que ces autorités sont extrêmement diverses, que leurs compétences et leur mode d'organisation diffèrent profondément.

Or on a l'impression que le Gouvernement fait ce travail au cas par cas, en fonction de ses préoccupations du moment. Dans le texte sur le Défenseur des droits qui a été examiné cet après-midi, il nous a proposé de la même manière toute une série d'amendements qui visent à réformer les modalités de désignation du président de la CNIL. Après la CNIL, c'est maintenant au tour de l'ARCEP. On a vraiment le sentiment que le Gouvernement légifère pour préserver ou faire valoir ses intérêts. Ce n'est pas de bonne méthode.

Le rapport de M. Dosière et M. Vanneste pourrait trouver une traduction législative partant d'une réflexion sur l'ensemble des autorités administratives. Ainsi, le codicille ajouté aux préconisations de ce rapport fait valoir que des exceptions peuvent exister, c'est-à-dire qu'un commissaire du Gouvernement peut ne pas être institué auprès de certaines autorités.

Le présent amendement est inopportun. Il est déposé dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes, ni pour le Gouvernement, ni peut-être sur le plan constitutionnel, comme l'a indiqué Mme Erhel.

Compte tenu des activités de l'ARCEP et des conflits qui peuvent exister avec le Gouvernement, il n'est pas opportun d'instituer un commissaire du Gouvernement auprès de cette institution.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je suis un peu surpris par le tour que prend la discussion.

Le comité d'évaluation édicte un certain nombre de règles et de principes. Mais lorsque le Gouvernement vous propose de les appliquer, cela vous pose problème, et vous considérez que la question devrait être examinée au cas par cas.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

En fait, une seule autorité indépendante n'aura pas de commissaire du Gouvernement auprès d'elle, le CSA. Pour ce conseil, la « clause d'exception » peut être discutée en raison d'une de ses attributions : la répartition équilibrée du temps de parole entre majorité et opposition. Il y a peut être là de quoi justifier une exception.

S'agissant de l'ARCEP, je vous rappelle qu'elle a été créée pour ouvrir à la concurrence. En quoi cela vous gêne-t-il qu'elle puisse entendre l'avis du Gouvernement ? En quoi cela vous gêne-t-il que le collège qui prend des décisions de façon souveraine puisse confronter l'analyse qui vient de ses services avec celle que le commissaire du Gouvernement lui soumettra et qui émane des services de l'État ? Ce refus est même contraire à ce que vous professez généralement.

Vous êtes les détenteurs de la souveraineté nationale. Or il suffit que des sources anonymes, par quelques coupures de presse, vous laissent entendre que l'ARCEP n'apprécierait pas l'institution d'un commissaire du Gouvernement pour que la représentation nationale soit instantanément troublée. Dois-je vous faire remarquer que, pour ma part, je n'ai jamais mis en cause le travail de l'ARCEP ? Où sont donc les tensions ? Je n'en connais pas. En tant que ministre, je n'ai actuellement aucun conflit avec l'ARCEP.

Je sais que le programme de l'année 2011 est extrêmement chargé, en raison notamment de l'attribution des licences 4G et du déploiement de la fibre optique, dont vous êtes les premiers à demander qu'il intervienne rapidement. Comment pouvez-vous déplorer que le Gouvernement ait un représentant au sein de cette autorité, un fonctionnaire qui fasse part de sa vision et de ses suggestions, et qui dialogue avec l'ARCEP, celle-ci prenant ensuite ses décisions en totale indépendance ? Aucune des arrière-pensées que vous me prêtez, aucun des procès d'intention que vous nous faites ne sont d'actualité.

Quant à la Commission européenne, les règles sont claires. Il y a des directives, et nous devons les appliquer. Mais rien ne nous empêche, dans le cadre de la transposition, de traiter dans le cadre du sujet concerné – voilà pourquoi ce n'est pas un cavalier législatif – un certain nombre de points connexes.

Tout à l'heure, monsieur Caresche, vous faisiez allusion à mes anciennes fonctions. Permettez-moi de vous rappeler qu'il vous arrive très fréquemment de brandir des communiqués de la Commission montrant qu'elle s'interroge et pourrait ouvrir des procédures, mais que, lorsqu'elle y renonce ou lorsqu'elle les clôt, on ne vous entend plus. Très franchement, votre argument n'est pas bon. Il est normal que, lorsqu'il est sollicité, le porte-parole de la Commission dise qu'il va regarder, vérifier. Il n'a rien dit d'autre. Ne vous inquiétez pas, nous respectons scrupuleusement en la circonstance la directive européenne, dans sa lettre comme dans son esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Les sous-amendements nos 47 et 50 sont identiques.

Vous répondrez au Gouvernement, monsieur Tardy, en soutenant votre sous-amendement n° 47 .

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Certains disent qu'il faut raisonner au cas par cas. Quand, par exemple, le Gouvernement fait référence à une similitude de situation avec la CRE où il existe un représentant de l'État, cette similitude ne fonctionne pas car la CRE et l'ARCEP n'ont pas de situation comparable.

L'institution d'un commissaire du Gouvernement dans la CRE avait été justifiée par des motifs propres au secteur de l'énergie et par rapport à l'importance de ce dernier. L'État devait pouvoir faire connaître sa politique énergétique. À cet égard, je citerai les travaux parlementaires de la loi du 10 février 2010 : le Gouvernement a jugé nécessaire l'institution d'un commissaire du Gouvernement en raison du caractère éminemment régalien de la définition de la politique énergétique. L'État devait également pouvoir faire connaître ses observations sur les relations économiques et diplomatiques avec les pays étrangers. Vous le voyez, le contexte est totalement différent de celui de l'ARCEP.

Le fait que l'État puisse être juge et partie via la présence d'un commissaire le représentant à l'ARCEP, et alors même qu'il reste le premier actionnaire d'opérateurs qui sont régulés par l'ARCEP, comme France Télécom, Orange et La Poste, agissant dans un environnement concurrentiel, ce fait-là est également problématique, car il introduit une situation discriminante entre opérateurs dans un environnement concurrentiel aigu. On peut aussi souligner une incohérence vis-à-vis du cadre réglementaire européen, en rappelant l'article 2 de la directive 200221CE, dont les dispositions ont changé en 2007.

Enfin, la nomination d'un représentant de l'État qui pourra siéger au collège, imposer des sujets à l'ordre du jour, accéder à des documents internes de l'autorité pose évidemment un problème quant à l'indépendance de l'ARCEP. À ce titre, elle n'est pas conforme à la transposition des directives télécoms, qui ont notamment pour objet de renforcer l'indépendance des autorités de régulation nationales. On peut ainsi faire référence aux nouveaux articles 3 et 3 bis de la directive 200221CE modifiée en 2007, qui insiste sur la nécessaire indépendance des autorités de régulation nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 50 .

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

La présentation de ce sous-amendement me permettra de répondre à mon tour à M. le ministre, en regrettant qu'il ne saisisse pas à la volée l'occasion du repli stratégique qui lui est suggéré sur tous les bancs de l'Assemblée nationale. Ce serait prudent, et cela lui permettrait de ne pas voir cette disposition taxée de totale incohérence et de contradiction.

Tout à l'heure, monsieur le ministre, l'Assemblée nationale a voté l'article 11 qui transpose le troisième paquet télécoms. Parmi les principales mesures de ce paquet figure le renforcement des régulateurs, en particulier par l'accroissement de leur indépendance. Or, ici, vous voulez faire exactement le contraire en proposant une disposition qui réduit l'indépendance du régulateur. C'est sans doute ce qui a conduit la Commission européenne à réagir. Nous nous faisons seulement l'écho de la Commission, nous ne sommes pas ses porte-parole. En outre, cette mesure est contradictoire avec le droit communautaire, et notamment le considérant 13 de la directive 2009140CE.

Monsieur le ministre, pour avoir été parlementaire, vous savez que les membres des missions d'information ne sont amenés à voter que sur l'opportunité de publier le rapport. En l'occurrence, le rapport de M. Dosière et M. Vanneste ne m'engage en rien, même si j'appartiens au même groupe que René Dosière. Ce rapport propose la fusion du CSA, de l'ARCEP et de l'HADOPI. Pour votre part, vous proposez la fusion du CSA, de l'ARCEP et de l'Agence nationale des fréquences.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Pas la fusion, le rapprochement !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Quant à moi, je ne suis pas favorable à la fusion proposée par M. Dosière ni à l'institution d'un commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP.

Le sous-amendement n° 50 a pour objet de limiter les dégâts en ne permettant pas au commissaire du Gouvernement de participer aux débats de l'ARCEP. Sinon, cette autorité serait soumise à toutes les pressions possibles, et notamment aux pressions politiques, ce qui serait le coeur de la remise en cause de son indépendance.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement est défavorable à ces deux sous-amendements qui reviennent à vider de sa substance l'amendement du Gouvernement.

Monsieur Bloche, je ne cherche pas à m'abriter derrière un rapport parlementaire. Je vous ai expliqué la doctrine qui a été érigée pendant dix ans. La logique veut que des autorités indépendantes disposent auprès d'elles d'un commissaire du Gouvernement qui facilite le dialogue.

Monsieur Tardy, j'ai été très surpris par certains de vos arguments. D'abord, il est difficile de parler de conflit d'intérêts. Il n'y a pas d'un côté l'État, et de l'autre une autorité indépendante. L'autorité indépendante fait elle-même partie de l'État.

Ensuite, vous soutenez que le cas de l'ARCEP est très différent de celui de la CRE parce que l'énergie, que ladite commission est chargée de réguler, serait de nature régalienne. Ah bon ? Dans ce cas, en quoi l'attribution des fréquences ne le serait-elle pas ? Ne s'agit-il pas de la propriété immatérielle de l'État ? Qu'y a-t-il de plus précieux et de plus rare que ces fréquences ?

Enfin, vous suggérez que le secteur des télécommunications serait à part parce que l'État continuerait d'occuper une position importante au sein de France Télécom. Mais en ce qui concerne la CRE, l'État n'est-il pas très largement majoritaire dans le capital d'EDF et n'est-il pas actionnaire de référence de GDF-Suez ?

Constatez vous-même que vos arguments ne sont pas valides. Je vous suggère de retirer votre sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Je tiens à vous faire part de mon étonnement, mes chers collègues : j'ai l'impression que notre discussion porte davantage sur la forme que sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Quand j'ai lu l'amendement, je n'ai pas été choquée, hormis peut-être par l'appellation « commissaire du Gouvernement » qui a des relents plutôt communistes que libéraux. (Murmures sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Il faudrait, par conséquent, songer à changer cette appellation.

Reste que les compétences dévolues à ce commissaire ne me choquent absolument pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Il paraît normal qu'il puisse participer aux débats de l'autorité de régulation, une relation devant bien s'établir entre cette autorité et le Gouvernement dans le cadre de sa politique industrielle. En ce qui concerne l'ordre du jour de l'autorité de régulation, le Gouvernement doit respecter un calendrier dans la mise en oeuvre de sa politique économique. Prenons l'exemple de l'attribution des fréquences 4 G : il s'agit bien du patrimoine de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Craignez-vous donc un refus de l'ARCEP sur cette attribution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Ne m'interrompez pas ! Je ne trouve pas du tout injustifié que le Gouvernement puisse demander, par le biais de son commissaire, l'inscription de tel ou tel point à l'ordre du jour des débats de l'ARCEP.

Sur la forme, je trouve comme vous que nous avons pris connaissance de l'amendement trop tard. Sur le fond, vous nous faites un procès d'intention. Je soutiens donc complètement le Gouvernement et j'approuve son amendement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je vous remercie !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous savons, madame de La Raudière, votre engagement sur ces questions que vous connaissez parfaitement et votre compétence ne fait aucun doute dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Reste que de votre voix dépend l'issue du vote sur le sous-amendement de Lionel Tardy.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mesurez cette responsabilité. Vous soutenez qu'il s'agit d'un simple problème de forme alors que M. le ministre vient de nous répondre que le vote de ce sous-amendement dénaturerait totalement l'amendement du Gouvernement. Il a bien sûr raison.

Si nous parvenons à limiter les dégâts en empêchant le commissaire du Gouvernement de participer aux débats de l'ARCEP, une partie de l'indépendance de l'autorité sera préservée. Si nous l'autorisons au contraire à faire inscrire tel sujet à l'ordre du jour, inscription qui ne peut être refusée aux termes de l'amendement, ainsi qu'à participer aux débats, quelle peut être l'indépendance de l'ARCEP ? Ne serait-elle donc préservée que lorsque son collège se retrouvera tout seul pour voter ? Cela n'a aucun sens.

Je demande à notre collègue rapporteure pour avis de se ressaisir.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Les sous-amendements nos 48 et 51 sont également identiques.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement n° 48 .

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir le sous-amendement n° 51 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Un commissaire du Gouvernement est présent au sein d'un certain nombre d'autorités administratives indépendantes. Reste qu'ici on entend lui donner la prérogative singulière de fixer l'ordre du jour. Je suis très étonné : y a-t-il un exemple, dans les mois ou les années qui viennent de s'écouler, où l'ARCEP aurait refusé au Gouvernement de discuter d'un sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

J'aimerais savoir si vous disposez d'éléments précis vous autorisant à soutenir que dans telle ou telle circonstance l'ARCEP n'a pas voulu discuter de tel ou tel sujet.

Ensuite, s'il est un élément constituant de l'indépendance d'une institution, c'est bien sa maîtrise de l'ordre du jour. Le fait que le Gouvernement puisse peser sur ce dernier revient à limiter les prérogatives du président de l'ARCEP et des autres membres de l'autorité, qui ont la faculté de proposer d'inscrire un sujet à l'ordre du jour.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je m'étonne de cette offensive ultra-libérale du groupe socialiste, puisque c'est ainsi qu'il faut l'appeler. Le corps de doctrine qu'il vient de constituer méritera un examen des plus intéressants. Il conviendra de passer au crible l'ensemble de vos déclarations de ce soir, qui constituent une rupture très surprenante. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Sur le fond, monsieur Caresche, vous ne pouvez pas soutenir que l'on demande au commissaire du Gouvernement de fixer l'ordre du jour, alors qu'il ne s'agit que de lui donner la possibilité d'y ajouter un point – vous relèverez la nuance.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

En effet.

Ensuite, pourquoi n'êtes-vous pas choqué par le fait que le commissaire du Gouvernement puisse agir ainsi au sein d'autres autorités administratives indépendantes ? Pourquoi cette disposition ne vous choque-t-elle que dans le cas de l'ARCEP ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Vous êtes donc en train de suggérer qu'à l'avenir on supprime pour toutes les autorités indépendantes ce droit accordé au commissaire du Gouvernement !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

C'est une grosse erreur ! Il est bon que le commissaire du Gouvernement puisse demander que l'on débatte de certains sujets.

Enfin, en ce qui concerne les pouvoirs dont disposent les commissaires du Gouvernement, il existe une option forte et une option édulcorée. Puisque c'est celle-ci que nous avons choisie, vous ne devriez pas vous inquiéter outre mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Au risque de me répéter, monsieur le ministre, je rappelle que je vous ai posé une question précise : pourquoi cet amendement a-t-il été déposé deux jours seulement avant l'examen du texte en séance publique ? Vous saviez fort bien auparavant que vous proposeriez cette mesure. Si vous ne me répondez pas, cela signifie que vous avez peut-être souhaité prendre de vitesse le Parlement en sachant pertinemment que cet amendement aurait suscité un débat. L'idée de nommer un commissaire du Gouvernement, je pense que vous l'aviez déjà quand le texte a été soumis à la commission.

En outre, j'aimerais savoir pourquoi nous allons être les seuls en Europe dont l'autorité des communications électroniques aura un commissaire du Gouvernement auprès d'elle.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Défavorable.

(Les sous-amendements identiques nos 48 et 51 ne sont pas adoptés.)

(L'amendement n° 29 rectifié est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 31 .

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Cet amendement vise à habiliter le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance, les mesures nécessaires à la transposition de la directive du 6 mai 2009 relative à l'institution d'un comité d'entreprise européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je viens de prendre connaissance de cet amendement déposé à la dernière minute et j'avoue, monsieur le ministre, admirer votre attention soudaine à l'égard des travailleurs,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

…que vous souhaitez donc informer et consulter en instituant des comités d'entreprise européens.

Nous n'avons eu que rarement, hélas, l'occasion de mesurer dans vos actes cette grande attention à l'égard des salariés, comme le montre la récente expérience concernant la loi sur les retraites et en particulier la question de la prise en compte de la pénibilité du travail.

S'agissant des comités d'entreprise, votre précipitation à déposer cet amendement à la dernière minute me laisse très dubitative. Si seulement vous manifestiez le même empressement pour combler les lacunes concernant les droits des salariés. Votre précipitation devrait néanmoins me laisser optimiste quant au nécessaire élargissement des prérogatives des salariés au sein des comités d'entreprise, quand il n'est pas tout simplement question de leur présence puisque, compte tenu de la législation actuelle, une majorité d'entreprises ne possèdent pas de comité. Je veux donc croire que cette formidable attention de votre part traduit une sensibilité nouvelle en faveur des droits des salariés et annonce peut-être des progrès en matière de démocratie du travail, de démocratie sociale. Je ne voudrais pas seulement le rêver mais le vérifier dans les actes.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Berdoati

Il est vrai que nous, nous voulons rêver !

(L'amendement n° 31 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour soutenir l'amendement n° 26 .

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Les enjeux de l'internet et les formidables avancées sociétales qu'il représente méritent que l'on crée certaines règles pour préserver l'internet universel. Cet immense bien collectif ne doit pas être transformé, au gré des intérêts d'acteurs privés, en plusieurs internets au détriment de l'internet public.

Le troisième paquet télécoms va donner le pouvoir à l'ARCEP de fixer des exigences minimales de qualité de service sur l'internet public. C'est une garantie pour nous. Reste qu'il n'est pas évident, techniquement, de définir la qualité de service sur internet.

Aussi souhaiterais-je que la représentation nationale soit éclairée par un rapport que pourrait nous remettre l'ARCEP d'ici au 30 juin 2011 sur les instruments et les procédures de mesure de la qualité de service de l'accès à internet.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je propose à Mme la rapporteure de la commission des affaires économiques de rectifier son amendement en prévoyant que ce rapport confié à l'ARCEP puisse être rédigé par le commissaire du Gouvernement…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Madame la présidente, j'ai cru comprendre que c'était une plaisanterie et je pense qu'elle doit être traitée comme telle.

(L'amendement n° 26 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Nous voici donc au terme de l'examen de ce texte. Je ne souhaite pas revenir sur le petit calcul algébrique qui motive en partie ce projet de loi : que la proportion des directives qui ne sont pas transposées passe en dessous de la barre des 1 %. Cela pourrait faire sourire, quand on connaît le nombre de textes votés dans cet hémicycle qui ne sont pas appliqués faute de décrets d'application.

Nous nous gardons bien de rire, cependant. Car ce projet ainsi que la façon dont les choses sont traitées sont le signe d'un affaiblissement du Parlement, tout comme l'est l'autorisation que vous sollicitez en permanence, à chaque article, de légiférer par ordonnances.

Une fois de plus, avec ce texte de loi fourre-tout, vous faites la démonstration que légiférer sous le patronage de la Commission européenne, et notamment sous la contrainte d'une directive et d'un traité honnis et condamnés par la majorité des citoyens de ce pays, cela contrevient à l'objectif que nous devrions tous partager ici : légiférer dans l'intérêt général. Presque toutes les directives que vous souhaitez transposer par ce texte sont, nous l'avons montré au cours du débat, moins protectrices pour nos concitoyens que ne l'est le droit national.

Permettez-moi de dire que l'exigence de simplification, au demeurant tout à fait recevable, n'est pas nécessairement synonyme d'appauvrissement. C'est donc à vous que revient la responsabilité de ce nivellement par le bas, que nous ne pouvons pas accepter, et qui ne va pas dans le sens de l'intérêt général de nos concitoyens, dans le cadre de l'évolution de notre législation par ailleurs nécessaire pour la coopération européenne.

Nous ne trouvons pas d'arguments qui justifieraient que nous soutenions votre texte. Nous voterons donc contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Ce texte ne nous satisfait ni quant à la méthode, ni quant au fond.

S'agissant de la méthode, c'est une transposition bâclée de dispositions très diverses. En outre, le Gouvernement y a ajouté, dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes pour l'Assemblée, un bon nombre d'amendements, dont celui sur l'ARCEP. Nous ne pouvons accepter cette méthode.

Sur le fond, notamment en ce qui concerne la directive «services», nous avons des inquiétudes quant à l'assouplissement de certains régimes d'autorisation, de certains régimes administratifs, qui ne nous paraît pas garantir un niveau suffisant de sécurité, en particulier dans le domaine de la sécurité sanitaire.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Prochaine séance, mardi 18 janvier à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Élection d'un juge de la Cour de justice de la République ;

Explications de vote communes et votes par scrutin public sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits ;

Projet de loi relatif à la garde à vue.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 14 janvier 2011, à une heure trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma