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Intervention de Corinne Erhel

Réunion du 13 janvier 2011 à 21h30
Adaptation au droit de l'union européenne en matière de santé de travail et de communications électroniques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCorinne Erhel :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi portant adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques vise à accorder une habilitation au Gouvernement afin qu'il puisse légiférer par voie d'ordonnances dans des domaines extrêmement variés.

C'est sur le paquet télécoms dont nous allons prochainement discuter que portera plus spécialement mon intervention. J'emploie volontairement le terme « discuter » et non pas « débattre », compte tenu de l'objet réel de ce projet de loi. En effet, le Parlement ne peut que modifier le périmètre des habilitations accordées au Gouvernement, sauf à avoir recours à des cavaliers législatifs, ce dont ne se prive d'ailleurs pas le Gouvernement comme nous le verrons plus tard au sujet de l'ARCEP.

Vous nous opposerez certainement – vous l'avez déjà fait, madame la secrétaire d'État – l'impérieuse nécessité d'éviter que la Commission européenne n'engage contre la France un recours en manquement si elle ne transposait pas les directives concernées avant le 25 mai 2011. Face à l'inflation législative, nous sommes en droit de regretter que la surcharge du calendrier législatif soit invoquée pour justifier un recours aux ordonnances. Les parlementaires, quel que soit leur bord, ne peuvent se satisfaire d'une telle situation.

Pourquoi ce qui a été possible en 2004, à savoir la transposition du paquet télécoms par voie législative en procédure accélérée, ne l'est-il plus en 2010 ?

Pourtant, la modification des textes européens intervenue en 2009 traite de sujets qui concernent directement nos concitoyens puisqu'il y est question de service universel, de traitement des données à caractère personnel ou encore de protection de la vie privée.

Il semble en fait, d'après le rapport, qu'il ait été décidé d'exclure de cette transposition les dispositions relatives à l'inclusion de l'accès internet à haut débit dans le champ du service universel.

À l'heure où le cadre de déploiement du très haut débit ainsi que son financement soulèvent encore de nombreuses questions, un débat approfondi sur ce sujet aurait pu nous permettre de mettre en lumière les problèmes rencontrés par de nombreux Français en matière de couverture numérique.

S'agissant de la neutralité des réseaux, il semblerait que le Gouvernement souhaite une transposition minimaliste, comme vous l'aviez indiqué, monsieur le ministre, lors des débats en commission.

Ce sujet complexe, touchant aux fondements mêmes de l'internet, et dont les implications sont à la fois sociétales, économiques et techniques, mérite sans aucun doute un vrai débat parlementaire et pas une discussion en catimini au détour d'un amendement dont je crois déjà connaître le sort.

La transposition du paquet télécoms par voie législative aurait pu et aurait dû être un moment propice à cette discussion mais aussi à la nécessaire prise de conscience de ce qu'est internet aujourd'hui et de l'évolution qu'il doit suivre vers l'ouverture et l'universalité.

Je copréside avec Laure de La Raudière une mission d'information sur la neutralité du net et des réseaux, dont les travaux se poursuivent. Nous avons déjà réalisé des dizaines d'auditions auprès des multiples acteurs concernés par ce sujet, cet après-midi même encore. J'espère, mes chers collègues, monsieur le ministre, que la remise de ses conclusions sera l'occasion d'un vrai débat au sein de notre assemblée. Il s'agit d'un sujet passionnant qui mérite vraiment que l'on s'y attarde pour en exposer clairement les tenants et les aboutissants.

J'espère, monsieur le ministre que vous pourrez nous répondre sur ce point de méthode. J'ajoute que notre collègue Christian Paul a déposé une proposition de loi à ce sujet.

Sur le fond, permettez-moi de m'interroger quant à la compatibilité entre la neutralité du net et le vote, il y a quelques semaines seulement, de la LOPPSI 2 qui, entre autres mesures d'affichage, instaure le filtrage et le blocage des sites sans recours à l'autorité judiciaire, mesures dont les opérateurs ont formellement reconnu la totale inefficacité et l'impact extrêmement négatif.

Comment allez-vous pouvoir concilier une réflexion, un débat, je l'espère suivis de mesures, sur la neutralité du net et les textes que vous votez ? C'est une question de fond.

L'article 11 de ce texte comprend des dispositions sur la sécurité des réseaux : là encore, on demande au Parlement d'accorder au Gouvernement une habilitation à prendre des ordonnances au risque de nous priver d'un débat sur la sécurité des réseaux, sujet complexe, d'une importance stratégique, qui intéresse l'ensemble de nos concitoyens.

Enfin, nous avons appris très récemment, le 11 janvier, que le Gouvernement semble vouloir profiter de ce texte pour prendre de l'ascendant sur l'autorité administrative compétente en matière de communications électroniques, l'ARCEP, ce qui a suscité de nombreuses réactions.

L'amendement n° 29 , déposé il y a deux jours seulement, vise à instituer un commissaire du Gouvernement auprès de l'ARCEP ayant la possibilité de « faire inscrire à l'ordre du jour de la commission toute question intéressant la politique en matière postale ou de communications électroniques ou entrant dans les compétences de l'autorité. L'examen de cette question ne peut être refusé. »

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