La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à Mme Monique Iborra, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La situation de l'emploi des jeunes en France reste particulièrement alarmante et, malgré une baisse pour certaines catégories, que vous ne manquerez sans doute pas de commenter, les jeunes ne bénéficient pas de la baisse apparente observée pour le chômage en général. Le chômage de longue durée des 16-25 ans a explosé depuis deux ans et il atteint 24 % au deuxième trimestre 2010.
Les solutions que vous proposez sont loin d'être à la hauteur de l'enjeu. Les 25-54 ans occupent 79 % des emplois dans notre pays, tandis que les moins de 25 ans et les seniors, de plus de 54 ans, sont sacrifiés sur l'autel de la rentabilité et de la compétitivité.
Les jeunes Français sont inquiets. Ils craignent pour leur avenir, bien plus que les jeunes d'autres pays industrialisés.
Vos propositions, que ce soit le RSA jeunes ou l'allocation d'autonomie qui sera bientôt mise en place à titre expérimental, n'auront que des effets marginaux, car si vous affectez des crédits à ces politiques, c'est d'abord pour vous donner bonne conscience. Pis encore, vous vous apprêtez à raboter les crédits de la mission « Travail Emploi » dans la loi de finances. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, nous affirmer que les crédits affectés aux missions locales, aux maisons de l'emploi et à Pôle emploi, les opérateurs de l'emploi et de l'insertion des jeunes, seront préservés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Madame Iborra, nous avons tous eu, devant la crise, une obsession : éviter qu'une génération soit sacrifiée et que ce soient nos jeunes qui payent le plus lourd tribut. Vous avez eu le même souci que nous dans les responsabilités que vous occupez.
Pour y parvenir, nous avons essayé de mobiliser tous les acteurs de terrain, les régions, les départements, les communes, les missions locales, les réseaux d'entreprises, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres des métiers. Nous avions tous, je pense, le même souci : ne pas recourir aux anciennes solutions, comme de conseiller aux jeunes de rester sur les bancs de la fac, pour éviter de gonfler les statistiques du chômage, et, au contraire, miser sur des dispositifs à finalité professionnelle affirmée pour orienter nos jeunes le plus vite possible vers l'emploi. Je pense en premier lieu à tout ce qui relève de l'alternance et de l'apprentissage. Sur un an, je vous remercie de l'avoir rappelé, le nombre de demandeurs d'emploi de moins de 25 ans a commencé à diminuer, avec une baisse de 2 % que je vous remercie d'avoir soulignée.
Et le nombre de contrats d'alternance est de nouveau en hausse, de 15 % en 2010.
Pour le reste, vous m'interrogez sur les moyens. Ceux qui sont affectés au budget de l'emploi font l'objet d'économies sur certains aspects de la politique de l'emploi, mais pas en ce qui concerne les jeunes et les moyens affectés aux missions locales. Je vous confirme que l'intégralité de ces moyens seront maintenus, car sur ce front nous devons poursuivre l'effort.
A ce propos, je me réjouis du mouvement d'unité républicain qui a eu lieu la semaine dernière autour de Bernard Perrut et des missions locales. Nous avons signé avec l'assemblée des régions de France, que vous représentiez, l'assemblée des départements de France et l'association des communes, représentée par son président, monsieur Pélissard, une convention commune. Je me réjouis que, sur un sujet aussi important que l'emploi des jeunes, les responsables politiques soient capables de faire preuve d'unité et de réflexe républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, les pays européens ont appris ce week-end que les autorités américaines mettaient en garde leurs ressortissants qui se rendent en Europe contre un risque élevé d'attentats terroristes sur notre sol.
Le Gouvernement britannique a pour sa part, et au même moment, jugé que la menace terroriste était actuellement « sévère ».
Ces informations s'inscrivent dans un contexte tendu au niveau mondial puisque, selon un rapport de la CIA, les attaques de drones sur les zones tribales pakistanaises ont été multipliées ces derniers temps par les États-Unis, en partie pour déjouer un complot terroriste qui viserait l'Europe.
La France est quant à elle particulièrement concernée, puisque deux journalistes sont toujours retenus en Afghanistan et que cinq autres de nos ressortissants sont entre les mains de l'AQMI, le groupe d'Al-Qaïda au Maghreb islamiste, dans le nord-est du Mali.
Monsieur le ministre, sur une question aussi grave, dont je regrette qu'elle ne fasse pas l'union de tous sur les bancs de cet hémicycle, nous connaissons la détermination du Gouvernement. Le plan Vigipirate est actuellement en oeuvre, et nous savons que tout est fait pour libérer nos otages et pour protéger nos concitoyens.
J'aimerais cependant que vous nous éclairiez davantage encore, et que vous nous disiez comment la France a reçu la mise en garde américaine, et quel est, aujourd'hui, précisément, l'état de la menace terroriste dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur Jean-Claude Guibal, je veux préciser deux points.
Le Gouvernement français a bien entendu la mise en garde adressée par les responsables et autorités américains à leurs ressortissants leur demandant d'être vigilants lorsqu'ils se rendent en Europe ; il y a été attentif. Sur un sujet aussi sensible et difficile, le Gouvernement français travaille bien évidemment main dans la main avec ses partenaires, avec ses alliés, et même au-delà.
Ainsi, je me suis entretenu hier soir de ces questions avec la secrétaire à la sécurité intérieure américaine, Mme Janet Napolitano, et je me rendrai jeudi prochain à Luxembourg pour des échanges avec les ministres de l'intérieur européens et pour faire le point avec eux sur ce sujet.
Oui, c'est une réalité : il existe actuellement en Europe et en France une menace terroriste qu'il ne faut ni surestimer ni sous-estimer. Notre rôle est d'informer sans alarmer ; notre devoir est de ne pas exagérer mais de ne pas non plus être dans le déni de réalité. Tous les pays occidentaux sont aujourd'hui conscients de la réalité de cette menace.
Face à celle-ci nous sommes à la fois vigilants et réactifs. Ce matin même, des opérations de police ont été menées à Marseille et à Bordeaux : elles ont notamment conduit à trois interpellations directement liées à la lutte antiterroriste.
Ma réponse est donc précise : la menace est réelle, notre vigilance est totale, et chaque Français doit savoir que nous mettons tout en oeuvre pour assurer la sécurité et la protection de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question concerne la situation des infirmiers anesthésistes diplômés d'État, les IADE.
Madame la ministre de la santé et des sports, cela fait maintenant six mois que ces derniers essayent de vous rencontrer ; six mois qu'ils sont en grève reconductible et que vous les ignorez.
Leur métier est menacé d'asphyxie par la non-reconnaissance de leur formation au niveau master avec le salaire correspondant et par la diminution drastique du nombre de postes que vous orchestrez en réduisant le nombre de places ouvertes dans les écoles.
Les IADE sont pourtant un maillon essentiel de l'hôpital. Ce sont eux qui garantissent une grande partie de la sécurité des patients aux côtés des médecins anesthésistes – ces derniers soutiennent d'ailleurs leur mouvement. La défense de leur profession relève de l'intérêt général.
Les IADE vous demandent aujourd'hui la reconnaissance de leur diplôme à bac + 5, la prise en compte de la pénibilité de leur travail par la possibilité d'un départ à la retraite anticipé, ainsi qu'une revalorisation salariale à la hauteur de leurs études. En les privant de la prise en compte de la pénibilité et en leur demandant quarante-deux ans de cotisations, vous leur préparez une retraite à soixante-cinq ou soixante-sept ans sans augmentation de salaire.
Vous imaginez-vous sur une table d'opération avoir affaire à un infirmier anesthésiste de soixante-sept ans travaillant depuis toujours dans les mêmes conditions de pénibilité ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour pouvoir suivre les formations, qui deviennent payantes – environ 50 000 euros –, ils vont devoir s'orienter vers des cliniques privées qui seules accepteront de payer un tel prix. Cela relève d'une stratégie générale de destruction du service hospitalier public au profit du secteur privé, stratégie enclenchée avec le vote de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires ». Ils sont 8 000 en France, et ils étaient 2000, vendredi, devant votre ministère pour vous le rappeler. Plutôt que de les écouter et de négocier, vous avez fait appel à la police pour les disperser, les matraquer, les interpeller ! Vous avez envoyé les CRS pour faire sortir leurs représentants syndicaux. Cette répression policière déshonore notre République. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, allez-vous enfin les recevoir et négocier ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Madame Martine Billard, depuis six mois, nous travaillons avec les infirmiers anesthésistes sur tous les sujets qui les préoccupent. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ils veulent tout d'abord garder la compétence exclusive de leur métier. J'ai bien indiqué qu'en aucun cas le système de la validation des acquis de l'expérience ne pourrait s'appliquer au diplôme d'infirmier anesthésiste ; je l'ai confirmé dans un courrier en date du 4 juillet 2010.
Ensuite, ils demandent la reconnaissance de leur diplôme au niveau master. Avec Mme Valérie Pécresse (« Ah ! sur les bancs des groupes GDR et SRC), nous travaillons de façon continue sur ce sujet, car il s'agit de l'attribution d'un diplôme universitaire, qui relève donc de la compétence de la ministre de l'enseignement supérieur. J'ai pris des engagements précis, Valérie Pécresse également, ils seront tenus, et ce diplôme sera mastérisé…
…avant la fin de l'année 2010.
Enfin les revalorisations salariales prévues sont également extrêmement importantes : 2 900 euros par an pour un infirmier anesthésiste en début de carrière et 2 100 euros en fin de carrière. Il est vrai que, parce que nous avons augmenté de façon très substantielle les rémunérations des infirmiers généralistes,…
…les infirmiers anesthésistes ont eu le sentiment d'un écrasement des leurs. Demain, il y aura donc une nouvelle réunion de travail au ministère pour étudier le montant d'une prime qui permettra de desserrer l'échelon sommital des infirmiers anesthésistes.
En ce qui concerne la retraite, les infirmiers qui relèveront de l'ancien système verront passer leur âge de départ à la retraite de cinquante-cinq ans à cinquante-sept ans – et pas à soixante-sept ; ceux qui passeront en « catégorie active » conserveront le bénéfice de la retraite à soixante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, dimanche, vous avez affirmé que la question d'une réforme en profondeur de notre fiscalité n'était « pas taboue », insistant sur le fait que l'on ne pourrait pas supprimer le bouclier fiscal sans supprimer simultanément l'impôt de solidarité sur la fortune. Merci de donner ainsi raison au groupe Nouveau Centre qui, depuis trois ans, n'a eu de cesse de soulever cette question et de proposer des solutions réalistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Le bouclier fiscal n'a été créé que pour atténuer les effets pervers de l'ISF, à commencer par l'évasion fiscale, sans que son efficacité ait été démontrée à ce jour. Or, tant qu'il y aura un ISF, nous serons condamnés à maintenir un mécanisme de plafonnement. On voit là toute la différence entre la gauche, qui est clairement dans l'affichage politique, et la majorité présidentielle, en particulier les centristes, qui place la crédibilité économique et la justice fiscale au coeur de son action. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dans ce débat, la proposition du groupe Nouveau Centre est claire : abrogation simultanée du bouclier fiscal et de l'ISF. (Exclamations sur les mêmes bancs.) En contrepartie, nous proposons de créer une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu au-delà de 100 000 euros et d'augmenter la fiscalité du patrimoine. Au moment où l'on demande de nombreux efforts aux Français, il serait incompréhensible que les plus hauts revenus n'y contribuent pas.
Je le dis à la gauche : nous ne faisons pas un cadeau aux riches. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cette réforme répond à un triple objectif de justice sociale, d'efficacité économique et de simplification de notre fiscalité.
La plupart de nos partenaires européens ont choisi cette voie, à commencer par l'Allemagne, où il n'y a ni ISF ni bouclier. Même les socialistes espagnols ont fait ce choix. Il n'est donc pas besoin d'attendre le rapport de la Cour des comptes, qui sera rendu dans plusieurs mois, pour agir ; il faut engager dès maintenant la convergence fiscale. Aussi ma question est-elle simple : le Gouvernement envisage-t-il une telle réforme de notre fiscalité dès cette année ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur Vigier, vous avez raison, l'ISF est une singularité française, puisque cet impôt n'existe plus nulle part ailleurs, et le débat est vertueux. Mais s'interroger sur le juste équilibre auquel parvenir entre l'effort que doivent supporter ceux qui détiennent du capital, du patrimoine, et l'effort que doivent supporter ceux qui travaillent nécessite une réflexion importante.
C'est le sens de la collaboration avec nos amis allemands, souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre. Il s'agit de définir, sur le plan fiscal, dans tous les domaines – impôt sur les sociétés, impôt sur la consommation, fiscalité des particuliers –, une méthode de travail commune, un calendrier de convergence et des objectifs partagés, qui permettront à l'Allemagne de conserver sa très forte compétitivité et sa progression sur les marchés économiques émergents et à notre pays de trouver une fiscalité harmonieuse qui ne soit pas confiscatoire ou dissuasive vis-à-vis de celles et ceux qui gagnent de l'argent et continuent à investir dans notre pays.
Le sujet est si peu tabou que nous en parlons depuis quinze, voire vingt ans. En effet, mesdames, messieurs les membres du groupe socialiste, l'idée du bouclier vient de vous, puisque c'est Michel Rocard, Premier ministre, qui a mis en oeuvre un mécanisme de plafonnement intégrant l'ISF, l'impôt sur le revenu et la nouvelle cotisation sociale généralisée. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
L'idée d'un plafonnement à 70 % est évidemment quelque chose qui vous anime aussi.
La réflexion autour du triptyque doit s'engager sereinement. Dans la loi de finances pour 2011, le Gouvernement propose la stabilité, mais le débat va se poursuivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, vous me surprenez chaque jour un peu plus par votre sens du dialogue sur la réforme des retraites. Vous refusez d'entendre le mouvement social,…
…vous tentez même de le minimiser en donnant des chiffres très inférieurs à la réalité. Vous n'écoutez pas non plus les Français qui, pour 70 % d'entre eux, vous disent qu'ils sont contre votre réforme des retraites parce qu'elle est injuste. Injuste pour les salariés, pour les femmes et pour ceux qui ont commencé à travailler très tôt.
Injuste aussi parce qu'elle ne prend pas en compte la pénibilité du travail, que vous-même, monsieur le Premier ministre, vous étiez engagé, en tant que ministre du travail, à reconnaître en 2003, mais que vous refusez aujourd'hui obstinément de prendre en compte sérieusement. En effet, les critères que vous retenez ne correspondent à aucune réalité.
En outre, vous tournez en dérision tout ce qui peut vous être proposé par les groupes de l'opposition, lesquels sont même interdits de temps de parole, en violation du règlement de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Une fois de plus, nous vous demandons solennellement de renouer le dialogue, de ne pas contraindre les Françaises et les Français à une épreuve de force qu'ils ne souhaitent pas forcément.
Monsieur le Premier ministre, vous devez infléchir votre position et revoir la réforme des retraites. Vous en avez l'occasion lors du débat au Sénat, puisque nos collègues vous proposeront des amendements. À vouloir avoir raison contre tout le monde, vous confirmez qu'il y a, pour les uns, le bouclier fiscal et, pour les autres, le garrot social ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Monsieur le député, j'ai bien entendu votre plaidoyer, et je vais m'efforcer de vous répondre comme si vous aviez posé une question. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Sur la forme, tout d'abord. Quelle que soit la manière dont vous présentez les choses, je puis vous dire, pour avoir été aux côtés d'Éric Woerth tout au long de la discussion, que nous avons répondu pendant 60 % du temps à l'opposition et pendant 40 % à la majorité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est nous qui avons décidé de vous donner la majorité du temps de parole dans ce type de discussion.
Sur le fond, ensuite. Je vous fais remarquer que ce débat doit nous permettre de répondre à une question : comment fait-on pour sauver notre système de retraite par répartition ? Nous y répondons en prenant des mesures responsables. Oui, la pénibilité a été introduite dans la loi par François Fillon en 2003, et, par un amendement déposé à l'Assemblée nationale – ce qui prouve que nous avons avancé dans la discussion –, nous avons décidé d'en faire passer le seuil de 20 % à 10 % (Mêmes mouvements), triplant ainsi le nombre des bénéficiaires.
Au Sénat, des amendements importants ont été votés qui vont dans la bonne direction, notamment pour les chômeurs en fin de droits, pour les personnes handicapées et les victimes de l'amiante. Avec Éric Woerth, nous abordons la discussion dans le même état d'esprit d'ouverture qu'à l'Assemblée. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Dès lors, la seule question qui se pose est la suivante : le parti socialiste va-t-il, comme à l'Assemblée, faire de l'obstruction systématique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ou est-il enfin prêt à participer à une discussion sur le sauvetage de notre système par répartition ? Je m'étonne beaucoup que pas un seul amendement n'ait été déposé devant la commission des affaires sociales du Sénat ; j'espère que la discussion sera plus constructive. Le Gouvernement est ouvert, mais, pour dialoguer, il faut être deux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, la Corse est, une nouvelle fois, l'otage de mouvements de grèves. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
En effet, depuis le vendredi 1er octobre, le port de Marseille-Fos est bloqué par le personnel et les dockers, dans le cadre d'un appel lancé par la Fédération nationale CGT des ports et docks. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Même si la grève a été en partie levée hier sur les terminaux de marchandises, force est de constater que les activités du port de Marseille ont été particulièrement perturbées.
Sur l'ensemble des trois jours de blocage, sept navires de marchandises sont restés en rade au large et deux paquebots de croisière ont dû être détournés.
En revanche, le blocage des terminaux pétroliers, entamé voici maintenant neuf jours, continue. Et c'est la Corse qui est une nouvelle fois paralysée et prise en otage ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Les premiers signes de pénurie de gazole se sont manifestés ce week-end, malgré l'instauration de mesures de rationnement mises en place par le préfet de Corse. Cette situation est aujourd'hui intenable, tant pour les acteurs économiques locaux que pour nos concitoyens, les stations-service étant en rupture de stock.
Cette grève, qui menace également, à terme, l'approvisionnement des raffineries, donc des consommateurs insulaires, est le résultat d'une crispation autour de la nécessaire réforme portuaire.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous faire part des mesures engagées par le Gouvernement pour assurer l'approvisionnement de la Corse en gazole et autres carburants…
…mais également nous exposer les grandes lignes de la réforme qui doit restaurer la compétitivité des grands ports français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, la réforme des ports a été votée par le Parlement, elle s'applique et s'appliquera. Je rappelle que M. Jean-Yves Le Drian avait déjà, en son temps, pris des décisions courageuses en ce sens. Si ce n'était pas le cas, les ports français disparaîtraient : ce qui se passe en ce moment à Marseille profite d'ailleurs aux ports italiens, espagnols et marocains, et la perte de trafic à Marseille a de graves conséquences pour l'économie de notre pays, et de Marseille en particulier.
Cette réforme s'applique dans le dialogue. Des négociations locales sont en cours avec les syndicats dans chacun des sept grands ports maritimes français, en vue du transfert définitif des appareils et du détachement des personnels. Au niveau national, une discussion de branche est en cours entre le patronat des ports et les syndicats.
Le dialogue engagé se poursuit dans de bonnes conditions.
À la différence des autres ports, celui de Marseille est toujours touché par la grève, qui n'a cessé hier, et peut-être seulement de manière provisoire, que pour les conteneurs et les matériaux divers, mais se poursuit dans les raffineries, où, selon les informations en notre possession, le mouvement pourrait reprendre en fin de semaine.
Voudrait-on tuer le port de Marseille…
…que l'on ne s'y prendrait pas autrement ! Je lance donc un appel au dialogue social, à Marseille comme ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En ce qui concerne la Corse, au sujet de laquelle vous m'avez à juste titre interrogé, je vous indique qu'un pétrolier part aujourd'hui même de Sardaigne : l'approvisionnement de la Corse devrait donc être effectif dès demain ou après-demain.
Je le dis avec solennité devant cette assemblée : réglons les derniers détails de la réforme portuaire et sauvons les ports français, plutôt que de les prendre en otages ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Elle concerne les conséquences des récents changements intervenus dans les modalités de financement et de renouvellement des contrats uniques d'insertion – les CUI – dans le secteur non marchand.
Jusqu'à présent, il était possible, pour les publics éligibles, de signer un contrat initial de six mois avec une prise en charge par l'État de 90 % du SMIC, dans la limite de 26 heures par semaine.
Les employeurs du secteur non marchand, à savoir les collectivités territoriales, l'éducation nationale, les associations, ou encore les hôpitaux, pouvaient prendre la décision de renouveler ce contrat dans la limite de 24 mois, sans dégressivité du taux de prise en charge par l'État. Or, depuis une instruction ministérielle du 8 juillet 2010, les règles du jeu ont brutalement changé.
Ainsi, désormais, les employeurs du secteur non marchand ne peuvent plus signer que des contrats pour 6 mois, à raison de 20 heures par semaine, et aidés à hauteur de 80 %. Le renouvellement du contrat est possible, mais à 100 % à la charge de l'employeur, y compris pour les personnes dont le contrat a démarré avant juillet 2010. Les employeurs, qui sont en train de découvrir ces nouvelles modalités, ne cachent pas leur surprise, leur amertume et leur mécontentement.
En effet, la nouvelle durée de prise en charge limitée à six mois est de toute évidence beaucoup trop courte, tant pour les besoins de l'employeur que pour les perspectives d'insertion des personnes concernées.
De même, les personnes embauchées avant juillet 2010, qui pensaient en toute bonne foi que leur contrat allait pouvoir être renouvelé, se trouvent brutalement et cruellement détrompées. Ma question est donc simple : comptez-vous revoir ces dispositions très déstabilisantes, tant pour les publics concernés que pour les employeurs ?
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député, j'ai toujours dit clairement que les contrats aidés constituaient à mes yeux un outil utile de la politique de l'emploi. Ils sont utiles, notamment, pour les personnes les plus éloignées de l'emploi, qui s'en servent comme d'un tremplin vers l'insertion – une réussite dans plus de six cas sur dix pour les contrats aidés non marchands.
Tout au long de l'année 2009, puis en 2010, au plein coeur de la crise, notre obsession a été de mobiliser, avec l'appui des préfets et des équipes du ministre Hortefeux, l'ensemble des contrats aidés sur le terrain. Nous y sommes parvenus durant l'année 2010, environ 400 000 contrats aidés ayant été conclus dans le secteur non marchand, ainsi que 120 000 contrats aidés dans le secteur marchand.
J'en viens à votre question, qui porte sur ce qui nous attend ensuite.
Je crois que votre groupe est attentif à ce que nous ayons une gestion raisonnable et responsable de notre budget. Pour 2011, l'objectif est de revenir à un taux de prise en charge permettant de mieux équilibrer les charges : vous conviendrez qu'un taux de prise en charge de 80 % par l'État reste très favorable.
Par ailleurs, je vous rassure : les conditions de renouvellement n'ont pas changé. Je sais que dans votre région, la Picardie, une instruction préfectorale ambiguë a pu susciter des interrogations.
Je l'ai donc fait corriger conformément aux instructions ministérielles données au niveau national, cette rectification valant pour l'ensemble du territoire de la République.
Pour ce qui est des chantiers d'insertion, le taux de prise en charge est de 105 %, un effort qui marque notre solidarité à l'égard de ces dispositifs utiles.
Vous le voyez, la priorité du Gouvernement est de trouver l'équilibre entre deux objectifs : d'une part, la volonté de soutenir la politique de l'emploi, d'autre part, l'effort à consentir en faveur de la bonne gestion de nos budgets. Il me semble que votre groupe ne peut qu'être satisfait sur ces deux points. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Alain Cacheux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le secrétaire d'État au logement, réuni en congrès la semaine dernière à Strasbourg, le mouvement HLM a rejeté à l'unanimité la taxe – contenue dans votre projet de loi de finances pour 2011 – de 340 millions d'euros pendant trois ans sur les loyers des locataires HLM. Une telle taxe représenterait 2 % de la masse des loyers payés par les locataires, soit une moyenne de 80 euros chaque année par locataire.
Pourquoi justifier une telle mesure en mettant en avant les aides fiscales dont bénéficient depuis fort longtemps les organismes d'HLM, notamment la TVA à taux réduit sur les travaux ? Si le logement – et notamment le logement social – est un bien de première nécessité, il est logique qu'on lui applique la TVA des biens de première nécessité.
Vous vous excusez en affirmant que cet argent restera dans le monde HLM, puisqu'il servira en partie à payer les dettes de l'État envers les organismes dans le cadre des dossiers ANRU. C'est l'application du dicton « Qui paie ses dettes avec l'argent des autres s'enrichit deux fois ! »
Cette mesure traduit le désengagement complet de l'État dans le financement des constructions, puisque la contribution nette de l'État sera passée de 716 millions d'euros en 2009 à 60 millions d'euros en 2013.
Vous répétez en permanence que l'on n'a jamais construit autant de logements sociaux dans notre pays depuis dix ans ; en réalité, vous vous appropriez les bénéfices d'efforts réalisés par d'autres. Sans l'engagement massif des collectivités locales, sans la mobilisation très forte des fonds propres des organismes, qui ne sont pas inépuisables, jamais nous n'aurions atteint un tel résultat.
Cette nouvelle taxe frappera les foyers les plus modestes, car elle interdira la réalisation de 20 000 logements sociaux chaque année, alors que les logements à prix abordable n'ont jamais été aussi nécessaires.
Ma question est simple : allez-vous revenir sur cette mesure inique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Monsieur le député, jamais aucune majorité n'a fait autant pour le logement social. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dois-je vous rappeler qu'en 2009, nous avons financé 120 000 logements sociaux, et 140 000 cette année ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. — Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Dois-je vous rappeler qu'en 2000, lorsque Martine Aubry était membre du gouvernement de M. Jospin, vous aviez financé 40 000 logements sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Huées sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons fait trois fois plus en 2009 !
Dois-je vous rappeler que, depuis 2004, nous avons doublé le financement du logement social en France, grâce au plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo ? (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC.)
Mais vous, vous comptez exclusivement les aides à la pierre en oubliant les 5 milliards que représente chaque année l'aide personnalisée au logement versée aux bailleurs sociaux, en oubliant les 4 milliards d'aides fiscales versées chaque année par le Gouvernement ! Ce sont pourtant 10 milliards d'euros que nous investissons ainsi chaque année dans le logement social. (Bruit continu sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Voleur !
Oui, nous avons décidé d'inventer un nouveau modèle économique pour le logement social, et c'est cela que j'ai proposé aux bailleurs sociaux au congrès de Strasbourg. (Bruit.)
Ce modèle économique repose sur la vente de HLM, car les locataires HLM, comme les autres locataires, ont ledroit d'accéder à la propriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, nous voulons ces ventes, car elles seront à l'origine de 2 milliards d'euros de fonds propres. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Nous souhaitons également mutualiser l'effort du monde HLM, qui représente cette année un potentiel financier de 6,5 milliards d'euros. Alors, oui, nous allons mutualiser les fonds du monde HLM. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Voleur !
La parole est à M. Jean-Philippe Maurer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, l'industrie automobile constitue un pivot fondamental de notre économie. Deux de nos constructeurs figurent parmi les onze plus grands du monde ; plus de 150 000 personnes travaillent dans la construction automobile, sans compter les très nombreux emplois induits, notamment en Alsace.
Le Mondial de l'automobile, plus grand salon automobile du monde, se tient actuellement à Paris. Il rappelle l'attachement très fort des Français à l'automobile. Le Mondial 2010 symbolise aussi, d'une certaine manière, la sortie de deux années très marquées par la crise. Toutes les inquiétudes ne disparaissent pas pour autant.
Certes, les marchés les plus dynamiques sont des marchés étrangers, et la tentation des délocalisations dans des pays à bas coût est toujours plus vive. Mais la France peut retrouver sa prééminence mondiale dans ce secteur car, avec ses constructeurs PSA Peugeot Citroën et Renault, tout comme avec d'autres opérateurs français, elle a pris une avance significative dans la construction et l'utilisation de voitures électriques, vecteur de développement durable. C'est une opportunité à saisir pour faire valoir cet avantage comparatif.
La France doit faire preuve de volontarisme et redoubler d'efforts pour que la marque « France » soit leader sur le marché international. Notre savoir-faire n'est plus à démontrer, et la vitalité de nos constructeurs le prouve. Il faut s'attaquer avec courage et ténacité au marché mondial de la voiture électrique, qui est en pleine expansion. Si nous relevons ce défi, les retombées pour nos entreprises et la création d'emplois seront considérables !
Monsieur le ministre, face à nos concurrents et à ce défi commercial pour nos constructeurs, qu'entend faire le Gouvernement pour maintenir en France une industrie automobile forte et compétitive à travers le monde, au service de l'emploi en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, la France n'a pas été épargnée par la crise industrielle, notamment dans le domaine de l'automobile. L'État a mobilisé 6 milliards d'euros au bénéfice de nos deux grands constructeurs, qui commencent d'ailleurs à rembourser ces sommes par anticipation : ces annuités profitent aux caisses de l'État. Nous avons également mis en place la prime à la casse, dont nous avons organisé la réduction progressive jusqu'au 31 décembre prochain.
Le résultat, c'est qu'en 2009 nous avons enregistré les ventes automobiles les plus fortes depuis 1993 ; au neuvième mois de l'année 2010, les ventes ont crû de 0,8 % par rapport à la même période en 2009 – alors qu'elles ont diminué de 3,5 % en moyenne en Europe, et de 28 % en Allemagne.
Au même moment, répondant aux attentes du Président de la République et du Premier ministre, nos constructeurs ont présenté au Mondial une gamme de haute technologie, innovante et très diversifiée – avec l'électrique, l'hybride, le décarboné, les stop-and-start – et démontré que nous sommes à la hauteur de l'enjeu.
C'est aussi un pari gagné pour la fabrication française. J'installerai tout à l'heure au Mondial la stratégie de filière qui met en place un donnant-donnant entre les donneurs d'ordre et les sous-traitants. On respectera enfin les règles du « fabriqué en France » : une voiture française destinée au marché français doit être produite en France ; c'est vrai aussi pour l'ensemble des composants qui équipent nos véhicules.
Oui, la Zoé à Flins, la Kangoo Z.E. à Maubeuge, la 3008 à Sochaux et à Mulhouse, la DS3 et la DS4 à Poissy sont des réalités. Nous nous sommes battus pour le « fabriqué en France ». Je l'avais annoncé il y a un an : c'est aujourd'hui un pari gagné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question concerne la perspective d'achat du Parisien-Aujourd'hui en France par Serge Dassault, dont le ministre de la culture et de la communication a pu dire, sans rire, qu'il s'agissait d'un sujet « économique, nullement politique ». (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Tout le monde sait que M. Dassault, sénateur UMP, ne fait pas de politique ! Déjà propriétaire du Figaro, il est, de plus, dirigeant d'un groupe industriel qui vit des commandes de l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On retrouve là un résumé saisissant du sarkozysme, ce mélange des genres qu'affectionne tant le chef de l'État (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR – Protestations sur les bancs du groupe UMP) et qui vient de conduire si opportunément le ministère de la défense à anticiper l'achat de onze Rafale, en allant jusqu'à sacrifier ses propres crédits budgétaires.
De fait, ce sont les contribuables français qui vont financer la mainmise de M. Dassault sur le Parisien-Aujourd'hui en France. (Protestations sur les bancs du groupe UMP, dont de nombreux membres scandent : « Bergé ! Bergé ! »)
Si cet achat se fait, qui peut croire que l'indépendance de l'équipe rédactionnelle du Parisien sera préservée et que sa ligne éditoriale ne sera pas modifiée ? Faut-il ainsi se résigner à retrouver demain, dans ce journal, les sondages complaisamment payés par le budget de l'Élysée, comme déjà Le Figaro nous y a habitués ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Enfin, comment ne pas rappeler que si la proposition de loi socialiste visant à lutter contre la concentration dans les médias, débattue ici même il y a juste un an, avait été adoptée, l'acquisition d'un second quotidien par M. Dassault serait aujourd'hui impossible ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Aussi voudrions-nous savoir ce que le Gouvernement compte faire pour défendre le pluralisme de l'information et la liberté de la presse, tant menacés dans notre pays. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, permettez-moi de rappeler d'abord quelques données de base.
Les efforts consentis par le Gouvernement à la suite des états généraux de la presse écrite n'ont pas d'autres objectifs que de renforcer le pluralisme de la presse. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Jamais l'État n'a soutenu avec une telle force aussi bien le secteur économique que les valeurs d'indépendance et les métiers du journalisme.
Mais dans un contexte technologique et économique particulièrement incertain, comme vient de le rappeler le rapport Cardoso, les entreprises du secteur doivent pouvoir s'appuyer sur des actionnaires solides. En France, le mouvement indispensable de consolidation des entreprises de presse s'opère sans porter atteinte à la vitalité du débat démocratique : le rachat du Monde en est bien la preuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
On constate que le marché des quotidiens, qui a le plus besoin de capitaux, apparaît beaucoup moins concentré en France qu'en Espagne, au Royaume-Uni, en Suède, ou même en Allemagne. Les premiers quotidiens français ne représentent que 25 % de la diffusion totale.
J'en viens plus précisément à votre question qui révèle, me semble-t-il, la piètre opinion que vous semblez avoir du travail des journalistes. Je le ferai en vous posant à mon tour trois questions.
Croyez-vous que posséder un journal permette d'infléchir vraiment le travail de la rédaction ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Quelle est donc l'opinion que vous avez des journalistes ? Pensez-vous que les journalistes du Parisien se laisseront dicter leurs articles ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En vérité, vous avez une bien piètre idée de la liberté de la presse, sacrée pour nous, et, pour vous, objet d'invectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, la filière agricole française traverse la plus grave crise de ces trente dernières années. Les événements ont pris une tournure nouvelle en 2010 avec une reprise, comme avant 2008, de la spéculation autour des matières premières agricoles.
Cette financiarisation du marché des matières premières ronge à nouveau, ces derniers mois, les productions de céréales notamment. Le prix de la tonne de blé a bondi en 2010, pour atteindre cet été 210 euros la tonne. L'utilisation des biocarburants ne fait qu'empirer la situation en tirant les cours vers le haut.
Les maux qui touchent le monde agricole sont trop nombreux. La France doit préserver une agriculture forte et diversifiée. Il faut donner aux agriculteurs les moyens de vivre de leur activité, à un prix juste, et avec le moins de subventions possible.
Pour cela, nous devons concevoir des mécanismes qui mettront notre modèle à l'abri des grands aléas climatiques, auxquels s'ajoutent désormais l'extrême volatilité des prix et une concurrence toujours plus déloyale au niveau international.
Un rapport d'étape sur la prévention et la gestion de l'instabilité des marchés agricoles vous a été remis, il y a quinze jours, par Jean-Pierre Jouyet et Christian de Boissieu. Les conclusions de ce rapport sont un outil majeur pour les négociations à venir, en particulier dans le cadre de la future politique agricole commune de 2013.
Monsieur le ministre, pouvez-vous exposer à la représentation nationale et à tous les Français les objectifs du Gouvernement en matière de régulation des marchés des matières premières agricoles à l'approche de la rencontre entre les chefs d'État lors du G 20 de Séoul ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Madame la députée, la volatilité des prix des matières premières agricoles est insupportable pour tous les paysans : insupportable pour les paysans français, insupportable pour les paysans européens, insupportable pour tous les paysans des continents émergents.
La réponse à cette volatilité, c'est la régulation des marchés agricoles.
C'est le seul moyen d'éviter la reproduction de ce que nous venons de vivre sur le marché du blé, avec une tonne de blé qui passe, en l'espace de six semaines, de 120 euros la tonne à plus de 300 euros la tonne, ce qui est insupportable pour tous les paysans.
C'est le seul moyen d'éviter que le prix de la tonne de lait passe de 400 euros à moins de 260 euros six mois plus tard, ce qui est insupportable pour tous les producteurs de lait et pour tous les investisseurs de ce secteur.
La réponse, c'est d'abord la régulation européenne. C'est ce que nous avons obtenu en signant une position commune franco-allemande le 14 septembre dernier, qui fait de la régulation des marchés de matières premières agricoles le coeur de la position européenne dans ce domaine.
La réponse passe également par une régulation à l'échelle du G 20. C'est ce qu'a demandé le Président de la République, qui a fait de la régulation des matières premières dans le G 20 l'un des trois objectifs majeurs de la présidence française dans les mois à venir.
Je me suis rendu en Chine il y a quelques mois, à Washington il y a quelques semaines, je pars pour l'Inde demain, je serai en Russie à la fin de l'année, pour faire trois propositions à nos partenaires du G 20.
Première proposition : un dialogue entre les membres du G 20 pour éviter qu'une puissance comme la Russie ferme ses frontières de manière unilatérale lorsqu'elle connaît des problèmes avec une matière première agricole comme le blé.
Deuxième proposition : la transparence des stocks, pour que nous sachions exactement où en est le niveau des stocks de matières premières agricoles dans le monde.
Troisième proposition : un encadrement de tous les acteurs qui interviennent sur les marchés de matières premières agricoles. Nous ne pouvons accepter que n'importe qui puisse intervenir sur ces marchés et multiplier, par la spéculation, l'impact des variations de cours. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, un gouvernement, malgré ses pouvoirs, ne peut pas disposer du bien de l'État si la loi le lui interdit.
La forêt de Compiègne appartient au domaine patrimonial de l'ensemble des citoyens français. Pourtant, le Gouvernement a, sur décision de votre prédécesseur, ministre du budget et tuteur de France Domaine, M. Woerth, procédé à la vente d'une partie de cette forêt domaniale au profit de la Société des courses de Compiègne.
Malgré l'avis contraire des services de l'État, malgré un refus opposé par M. Gaymard, ministre de l'agriculture de l'époque, M. Woerth, passant outre, a procédé de manière précipitée à la vente d'une partie significative de la forêt, sans appel d'offres et à un prix d'ami. (« Scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Ce qui est tout aussi grave, c'est que le Parlement a été privé de son pouvoir de décision. En effet, selon des dispositions très anciennes, la loi confie au législateur, délégataire de la souveraineté nationale, la décision d'aliénation. Cette disposition relève du code général des propriétés des personnes publiques. Ce code dit les choses on ne peut plus clairement : « Les bois et forêts de l'État ne peuvent être aliénés qu'en vertu d'une loi. » Aucune dérogation ne saurait concerner le démembrement d'un massif forestier de 14 000 hectares.
La justice est déjà saisie pour réclamer une annulation très probable de cette vente litigieuse. Monsieur le ministre, France Domaine va-il revenir sur cet acte ? Comptez-vous restituer au Parlement son pouvoir de décision ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le député, votre question orientée (Protestations sur les bancs du groupe SRC)… Et alors, ce n'est pas un défaut ! Vous êtes engagé ; vous faites de la politique ; vous êtes contre le Gouvernement ; et vous saisissez n'importe quel sujet pour en faire une polémique. Assumez-le ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Poser une telle question, c'est faire fi du travail, dans le cadre du droit, de France Domaine, de la rigueur avec laquelle l'administration fiscale établit les modalités de travail avec les collectivités territoriales et les autres acteurs. Et pour répondre très rapidement à une question très simple, si la justice est saisie et qu'elle saisit l'administration dont j'ai la responsabilité, l'administration donnera à la justice, dans le cadre de l'État de droit, du respect des procédures et de la poursuite, ou non, sous l'autorité souveraine, sereine de la justice indépendante, tous les éléments, de A à Z, du point de départ au point d'arrivée, de ce dossier de Compiègne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – « Zéro ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Patrick Beaudouin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. J'y associe mes collègues Jean-François Lamour, Georges Colombier et Guy Teissier.
Quelques jours après la présentation du projet de loi de finances pour l'année 2011, nous sommes tous persuadés que l'effort de maîtrise des comptes publics engagé par le Gouvernement est une nécessité absolue.
Le 11 octobre prochain, monsieur le secrétaire d'État, vous allez présenter votre budget à l'Assemblée nationale. Votre mission est particulière. Elle comporte deux responsabilités essentielles à la cohésion de notre pays et à l'affirmation de notre identité : témoigner de la solidarité nationale à ceux qui ont servi leur patrie par les armes et perpétuer le souvenir de ceux qui ont sacrifié leur vie. La volonté du Président de la République et l'engagement du Premier ministre sur ces questions sont indéfectibles.
À titre d'exemple, laissez-moi rappeler que, grâce à la majorité présidentielle, la retraite du combattant a progressé depuis 2006 de 36 %, et que l'allocation différentielle servie aux conjoints survivants a augmenté de 48 % depuis 2007.
Votre projet de budget contribue à l'effort commun d'assainissement des finances publiques, tout en garantissant le maintien des droits à réparation des anciens combattants. Cependant, si des efforts sans précédent ont été consentis en faveur de la retraite du combattant, il serait regrettable de stopper ce cercle vertueux.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, nous souhaiterions connaître votre position sur la volonté de notre majorité de trouver un équilibre juste et responsable en augmentant la retraite du combattant d'un point à compter du 1er juillet 2011. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il s'agit là d'un geste minimum que nous devons en marque de reconnaissance à ceux qui se sont battus pour la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Monsieur Beaudouin, vous l'avez souligné, l'effort sans précédent d'assainissement des finances publiques doit être juste et partagé. Toutefois, le Gouvernement sera au rendez-vous de la mémoire. Aucun droit acquis des anciens combattants n'est remis en cause. Nous publions le décret permettant aux militaires ayant participé aux opérations extérieures de bénéficier enfin de la carte du combattant. Nous avons achevé la décristallisation complète des pensions pour nos anciens tirailleurs. Nous renforçons le rôle de solidarité de l'ONAC. Nous avons permis l'attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Quant à la retraite du combattant, comme vous l'avez souligné, monsieur le député, elle a augmenté de 36 % depuis 2007.
En accord avec M. le Premier ministre, nous sommes donc attentifs à votre proposition et prêts à travailler pour trouver ensemble, dans les jours qui viennent, une solution à budget constant nous permettant de poursuivre les efforts entrepris depuis 2007 en faveur de la retraite du combattant, qui demeure une priorité pour nous et pour notre majorité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Catherine Quéré, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; j'y associe mon collègue Pascal Deguilhem.
Dans le grand malaise qui touche l'agriculture depuis de nombreux mois, la crise de la représentation syndicale dans les interprofessions agricoles a atteint son paroxysme ces dernières semaines. En effet, depuis le 8 septembre, une trentaine de producteurs laitiers occupent la Maison du lait, où siège le CNIEL, l'une des interprofessions les plus emblématiques. Depuis la semaine dernière, quatre d'entre eux ont entamé une grève de la faim.
Ces producteurs laitiers réclament simplement le droit de siéger dans les interprofessions agricoles. Comment accepter qu'un seul et unique syndicat soit l'interlocuteur lors des négociations sur le prix du lait, alors que tous les producteurs laitiers participent financièrement au fonctionnement de l'interprofession par le paiement de la cotisation volontaire obligatoire ? Il n'est pas acceptable que l'ensemble des paysans ne puissent défendre leurs intérêts et faire entendre leur voix. La démocratie, y compris en agriculture, n'est pas négociable.
Monsieur le ministre, n'ajoutons pas de crise à la crise. Durant les débats sur la LMA, vous nous avez répété à l'envi que vous étiez favorable au pluralisme syndical. Dans la mission qui vous incombe, vous devez imposer cette évolution au nom de la démocratie. De nombreuses instances vous y incitent, qu'il s'agisse de la Cour des comptes en 2007 ou, plus récemment, de la Commission européenne. Soit les cotisations ne pourront plus être obligatoires dans les interprofessions, soit elles le demeurent, auquel cas les principes des droits syndicaux et démocratiques doivent être assurés par le représentant de l'État que vous êtes. Face aux difficultés actuelles que vivent les paysans, il faut associer toutes les forces syndicales et non en museler certaines. Comptez-vous trancher définitivement cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Madame la députée, je vous rejoins : il ne faut pas ajouter la crise à la crise, et je souhaite que nous puissions sortir de la situation actuelle à la Maison du lait le plus rapidement possible.
La question de l'occupation des locaux est aujourd'hui entre les mains de la justice, qui rendra sa décision demain ; je la laisse trancher ce point.
Concernant la question du dialogue au sein de l'interprofession, deux possibilités existaient, nous en avons longuement débattu lors du débat sur la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
La première était d'imposer par la loi l'ouverture des interprofessions, qui ont un statut de droit privé. Si nous avions suivi cette voie-là, nous aurions fait exploser toutes les interprofessions en France, les industriels comme la grande distribution s'en seraient retirés immédiatement.
La deuxième, que je privilégie, est celle du dialogue. J'ai lancé un appel il y a trois jours, qui a été repris par le président de la fédération des producteurs de lait, Henri Brichart. Un dialogue doit s'ouvrir rapidement entre l'ensemble des organisations syndicales représentatives à l'intérieur de l'interprofession du lait.
Je souhaite que ces organisations syndicales représentatives discutent du prix du lait, de la sortie des quotas et de son organisation, et ce le plus rapidement possible, sur la base du calendrier que j'ai proposé. Je souhaite que le bilan de ces discussions soit fait en mars ou en avril 2011, et que le dialogue prime sur le conflit actuel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-François Mancel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, vous avez inauguré la semaine dernière, à Chaumont-en-Vexin, un établissement destiné à favoriser le travail des handicapés mentaux. À cette occasion, vous avez dressé un bilan de tout ce qui a été réalisé au cours des dernières années en faveur de nos compatriotes handicapés, politique qui, je l'espère, recueille votre assentiment à tous.
Par les lois de 1975 et 2005, ainsi que par les engagements très forts pris par le Président de la République en 2008 devant la Conférence nationale du handicap, notre majorité a toujours voulu faire des handicapés des citoyennes et des citoyens comme les autres.
Je voudrais que vous puissiez faire devant la représentation nationale un bilan du plan arrêté par Nicolas Sarkozy en 2008, et que vous puissiez aussi rassurer les associations, qui jouent un rôle majeur dans ce domaine, sur les conséquences qu'elles craignent des réductions justifiées des dépenses publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Avant de vous répondre, permettez-moi de saluer dans une tribune du public la présence de Philippe Croizon, qui a donné il y a un peu plus de quinze jours une grande leçon de courage et d'espérance pour toutes les personnes handicapées, en traversant la Manche en moins de treize heures trente amputé des quatre membres. (De très nombreux députés se lèvent et applaudissent.)
Monsieur le président, Mme Morano peut prendre votre place pour organiser les débats !
Vous avez rappelé, monsieur Mancel, que je suis venue la semaine dernière dans votre circonscription de l'Oise pour inaugurer un établissement de services d'aide par le travail, en présence d'Olivier Dassault et du sénateur Alain Vasselle. Ce nouvel ESAT s'inscrit dans le plan pluriannuel annoncé par le Président de la République le 10 juin 2008. Le Président de la République l'a rappelé très clairement devant les associations le 13 septembre dernier : il n'y aura pas d'économies sur le secteur du handicap, il y aura une solidarité totale. Le bilan d'étape du plan de création de 50 000 places nouvelles annoncé par le Président de la République pour un effort supplémentaire de 1,5 milliard d'euros est plus que satisfaisant. S'agissant des places en ESAT, nous avons réalisé près de 34 % du plan, soit 3 400 places nouvelles. S'agissant des places hors ESAT, près de 45,5 % du plan a été réalisé, avec près de 22 000 places.
Nous avons encore d'autres bonnes nouvelles. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, un plan de 12 millions d'euros est prévu sur trois ans pour réaliser des travaux dans les ESAT. C'est une dépense nouvelle, qui n'avait jamais été faite et que nous inscrirons. Dans le cadre du projet de loi de finances de la sécurité sociale, nous allons relever le plafond d'accès à la mutuelle pour les personnes handicapées. C'est un effort de 23 millions d'euros que la solidarité nationale va consentir. Avec la hausse de 25 % de l'AAH, le secteur du handicap bénéficie de la solidarité nationale, et c'est mérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Bilan du plan en faveur des personnes handicapées
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Monsieur le président, avant que ne reprenne l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, je souhaiterais porter publiquement à la connaissance de l'Assemblée le conflit qui nous oppose à M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale.
La non-application de l'article 49, alinéa 13, du règlement, à l'issue du débat sur les retraites, a fait suite à une multitude de désaccords et d'incidents qui ont émaillé la vie parlementaire depuis l'adoption du nouveau règlement. Ce n'est, hélas, pas une surprise. Ce règlement ne permet pas un fonctionnement réellement démocratique. Nous avons voté contre, et nous continuerons de proposer sa révision. Toutefois, dès lors qu'il a été voté, il est le règlement de l'Assemblée. Nous demandons donc, pour le moins, son strict respect, afin de sortir d'une pratique arbitraire. Les règles ne peuvent pas s'inventer à chaque nouveau débat, à la convenance exclusive de la majorité et avec l'assentiment du président de l'Assemblée nationale.
Nous ne siégeons plus au bureau ni à la conférence des présidents, et nous ne le ferons plus tant que nous aurons le sentiment que la présidence de l'Assemblée n'est pas le siège de la démocratie, mais celui de la majorité.
Je peux vous donner un exemple concret aujourd'hui. Nous avions demandé qu'il soit accordé un temps supplémentaire dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration. Il reste, en effet, quatre-vingt-dix articles à examiner sur des sujets qui méritent que l'on prenne le temps du débat. Or, avec le temps global, le temps de parole s'épuise. Mais cette demande a été rejetée en conférence des présidents, alors qu'elle avait été faite par écrit et que le président avait répondu par écrit.
Nous attendons une sortie de crise. Et, pour sortir de cette crise qui empoisonne le travail parlementaire, nous faisons des propositions, avec mes collègues du groupe SRC et du groupe GDR – à cet égard, Yves Cochet s'exprimera dans quelques instants. Ensemble, nous vous demandons de respecter l'équilibre de la réforme du règlement – même s'il comporte bien des défauts –, en assurant un minimum de crédibilité au nouvel article 51-1 de la Constitution qui annonce la reconnaissance de droits spécifiques pour l'opposition.
Vous avez, en effet, souhaité instituer un temps d'explication de vote individuel pour chaque député de la nation, dès lors qu'il en fait la demande. Nous demandons que ce droit soit respecté, notamment lors de la dernière lecture du projet de loi portant réforme des retraites, si les députés en font la demande à titre individuel.
Vous avez annoncé un droit de tirage par session, permettant à chaque groupe de créer une commission d'enquête. Nous demandons que la commission saisie au fond ne puisse vider la proposition de résolution de sa substance sans l'accord de son auteur et que le rejet éventuel s'exprime dans les formes exclusives prévues par notre règlement, c'est-à-dire dans l'hémicycle et à la majorité des trois cinquièmes.
Vous avez créé une semaine de contrôle. Nous vous demandons d'accorder à l'opposition le droit d'organiser librement ces journées réservées, et notamment de décider de l'audition de personnalités extérieures.
Vous vous êtes prononcé pour que la procédure accélérée ne soit pas cumulable avec le temps programmé. Nous notons que ce cumul est aujourd'hui pratiqué de manière quasi-systématique, autrement dit sans qu'une véritable urgence le justifie.
Vous avez défendu la revalorisation du travail au sein des commissions permanentes. En fait, rien n'a changé. Seul le pouvoir exécutif, par la présence des ministres, a pu bénéficier d'un nouveau régime. Nous attendons que les débats bénéficient d'une véritable publicité, comme nous l'avions demandé en juillet pour le débat sur les retraites, ouverte à la presse, en attendant la mise en place de moyens de retransmission audiovisuelle.
Vous avez présenté les semaines d'initiative parlementaire comme un nouvel espace d'expression pour l'opposition. Nous demandons que les séances réservées aux propositions de l'opposition soient programmées les mardi et mercredi, comme c'est le cas pour la majorité. Nous demandons également que la présidence engage le dialogue avec le Gouvernement pour proscrire l'usage de la réserve de vote, du vote bloqué et du vote solennel qui organise l'absentéisme des députés de la majorité et empêche, sur les propositions de loi de l'opposition, tout véritable débat démocratique.
Vous avez souhaité un temps programmé pour donner plus de prévisibilité à nos débats. Nous vous demandons que soient bannies les décisions de dernière minute, notamment concernant la durée des débats la nuit. Il serait de bonne pratique d'informer les députés en début de séance de la limite au-delà de laquelle la séance ne saurait se poursuivre.
Toutes ces demandes n'appellent aucune modification du règlement, mais de la pratique, ou plutôt de bonnes pratiques, afin que la règle majoritaire ne tourne pas au mépris de l'opposition, et au-delà du Parlement lui-même.
Enfin, la répétition des incidents de séance entre la majorité et l'opposition révèle la nécessité pour notre Assemblée d'avoir des règles claires et une instance d'arbitrage reconnue par tous. Le principe même de l'État de droit réside dans l'existence de règles claires, accessibles à leurs destinataires. Ce principe est trop souvent contredit lorsque le règlement est interprété et réinterprété à chaque nouveau cas d'espèce, à la convenance de la majorité. Il est aujourd'hui impératif, dans cet esprit, de codifier l'ensemble de la jurisprudence relative à l'application du règlement, afin d'assurer un minimum de prévisibilité à son application.
Le principe même d'État de droit suppose également l'existence d'un arbitre impartial. La règle est d'autant mieux acceptée que son application n'est pas sujette à suspicion. Il est grand temps de mettre fin au système juge et partie qui caractérise aujourd'hui le pouvoir de la majorité, pour l'application du règlement. Il est aujourd'hui impératif d'offrir à notre assemblée un arbitre digne de ce nom, une instance qui pourrait trancher les différends entre la majorité et l'opposition, et dont les décisions seraient acceptées par tous.
Dans cet esprit, nous pourrions imaginer que cette instance soit composée à parité de membres de la majorité et de l'opposition. Ils seraient élus à la majorité des trois cinquièmes, afin de permettre la représentation des députés les plus respectés par leurs pairs, indépendamment de leur préférence politique. Perçues comme justes, les décisions que prendrait ce comité des sages seraient d'autant mieux acceptées par l'ensemble des députés. Le climat au sein de notre assemblée y gagnerait en sérénité et notre assemblée en sortirait grandie.
Monsieur le président, je vous ai lu la lettre que j'ai signée avec Roland Muzeau, Yves Cochet, Gérard Charasse, député du parti radical de gauche, Christian Hutin, député du mouvement républicain et citoyen, Martine Billard, députée du parti de gauche, et l'ensemble des députés du groupe SRC et du groupe GDR. Je vous remets ce courrier pour que vous le transmettiez à votre tour à M. Bernard Accoyer. Je fais cette démarche dans cet hémicycle de façon solennelle, parce que nous n'avons qu'un seul impératif : que notre assemblée soit respectée, qu'elle fonctionne normalement et que tous les députés de la nation que nous sommes puissent être respectés, pour faire en sorte que le travail parlementaire prenne tout son sens alors que notre démocratie en a bien besoin, tant les sujets dont nous débattons ici ont de l'importance pour nos concitoyens, pour leur vie quotidienne mais aussi pour l'avenir du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mon rappel au règlement s'inscrit dans la continuité de celui de M. Ayrault. L'ensemble de l'opposition, comme elle l'a fait la semaine dernière, s'associe à cette démarche, dans un dessein constructif.
Il est bien évident que la manière partisane dont le président Accoyer et lui seul a interprété une partie du règlement lors du débat sur les retraites… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
..n'a pas permis une présidence sereine à l'égard de tous les bancs de cette assemblée.
En effet, le règlement était assez précis sur ce point. Il est indiqué, à l'article 49, alinéa 13, que tout député a le droit de prendre la parole pour une explication de vote personnelle à l'issue de l'examen d'un texte. Il a été fait usage de cette faculté pour le projet de loi sur les retraites, ce sera peut-être le cas pour celui relatif à l'immigration dont nous allons poursuivre l'examen. Il ne s'agit pas d'interpréter le règlement pour savoir si certains ont droit ou non de faire une explication de vote individuelle. Or le président Accoyer a interprété le règlement en expliquant que seuls peuvent prendre la parole pour une explication de vote personnelle les députés en désaccord avec la position majoritaire de leur groupe. Ce n'est pourtant pas du tout ce qui est indiqué à l'article 49, alinéa 13, du règlement.
M. Ayrault vient d'évoquer sept propositions relatives au fonctionnement de notre assemblée, afin de permettre à nos travaux de se dérouler dans le calme. L'opposition unie s'est élevée contre l'interprétation partisane du règlement avec laquelle, pour la première fois depuis le début de la Ve République, un président de l'Assemblée a favorisé un camp – la majorité –, au détriment d'un autre, l'opposition.
La majorité prétendait que la réforme constitutionnelle et celle du règlement de l'Assemblée allaient donner davantage de voix à l'opposition. En réalité, c'est le contraire qui s'est produit. Nous souhaitons donc que soit créée une sorte de comité des sages – dont seraient membres des députés respectés sur tous les bancs, et ils sont nombreux –, manière de petit Conseil constitutionnel interne à l'Assemblée (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP), qui rappellerait la présidence à l'ordre dès qu'elle se laisserait aller à interpréter le règlement de façon partisane. Il s'agirait de dire non à la présidence, quelle qu'elle soit, puisqu'elle représente l'ensemble de l'Assemblée, et non tel ou tel camp. En l'occurrence, ce n'est pas vous qui êtes en cause, monsieur Le Fur, mais M. Accoyer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous formulons donc des propositions constructives et espérons qu'il sera bientôt répondu à cette lettre ouverte et de manière positive. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Mes chers collègues, j'ai laissé MM. Ayrault et Cochet s'exprimer, dans la mesure où leur intervention touchait à l'organisation de nos débats et où il s'agissait donc de vrais rappels au règlement. Je transmettrai leur missive au président de l'Assemblée. J'invite néanmoins les uns et les autres à ne pas personnaliser leurs attaques ; notre institution n'y gagnera rien.
À votre demande concernant la prolongation des temps de parole pour le débat sur le projet de loi relatif à l'immigration, le président de l'Assemblée a indiqué par lettre qu'il appuierait votre proposition si elle était soumise à la conférence des présidents à laquelle il appartient, et à elle seule, de se prononcer sur ce point. Or vous n'étiez ni présents ni représentés à la conférence de ce matin.
Ces sujets ne se traitent pas par courrier, mais, j'y insiste, lors de la réunion de la conférence des présidents où il revient à chaque groupe de se faire représenter.
Je vous rappelle, en outre, que la procédure accélérée n'a pas été engagée sur ce texte et que l'ordre du jour de cette semaine a été aménagé afin que la discussion se poursuive dans les meilleures conditions. Nous allons nous y efforcer.
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un nouveau rappel au règlement.
Le président de l'Assemblée, destinataire de ma lettre, s'était engagé à la présenter, voire à la défendre, au cours de la conférence des présidents. Or vous savez fort bien que nous avons décidé de ne pas y siéger, l'institution parlementaire n'en continuant pas moins de fonctionner.
Ma demande était parfaitement conforme aux règles. Je constate que l'on n'a pas fait le petit geste que nous attendions – il ne saurait s'agir de notre part d'une supplique. Nous en prenons acte, considérant que le président Accoyer a commis une nouvelle erreur, pour ne pas dire plus.
Comme nous plaçons l'intérêt du Parlement au-dessus de tout,…
…ce qui compte, c'est ce que nous venons de dire et de transmettre par courrier au président Accoyer. Il lui appartient d'y donner suite, afin de mettre un terme à une crise préjudiciable au bon fonctionnement de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président Ayrault, en tant que familier de la conférence des présidents, vous n'ignorez pas que son rôle est de régler ce genre de questions et qu'il revient à chaque groupe de s'y exprimer.
Nous nous sommes exprimés par écrit, ce qui n'est tout de même pas rien !
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de deux heures quarante-trois pour le groupe UMP, dont 136 amendements restent en discussion ; trois heures quarante-trois minutes pour le groupe SRC, dont 142 amendements restent en discussion ; deux heures une minute pour le groupe GDR, dont 88 amendements restent en discussion ; quatre heures six minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont 19 amendements restent en discussion, et trente et une minutes pour les députés non inscrits.
Jeudi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 14.
La parole est à M. Éric Diard, premier orateur inscrit sur l'article 14.
L'article 14 vise au maintien de la carte bleue européenne en cas de chômage involontaire, à l'exonération de son titulaire ainsi que de sa famille de la souscription à un contrat d'accueil et d'intégration, enfin à l'octroi à l'entourage de la carte de séjour « vie privée et familiale ».
Le régime juridique applicable aux titulaires de la carte temporaire portant la mention « carte bleue européenne » ainsi qu'à leur entourage familial ne se résume pas au contenu du 6° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Malgré son aspect technique, abstrait, l'article 14 comporte plusieurs règles importantes relatives à la fois aux conditions de séjour des étrangers hautement qualifiés qui se retrouveraient à leur insu au chômage, à leur situation et à celle de leur entourage familial au regard du contrat d'accueil et d'intégration, ainsi qu'au titre de séjour de droit commun octroyé aux membres de leur famille.
Je vous rappelle l'une des dispositions les plus importantes de l'article : la dispense de signature d'un contrat d'accueil et d'intégration pour le titulaire de la carte bleue européenne et pour sa famille. Aucune condition d'intégration spécifique n'est ici exigée, ainsi que le prévoit l'alinéa 2 de l'article 14 qui modifie l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Ce dispositif aligne le régime applicable aux immigrants hautement qualifiés sur celui en vigueur pour les titulaires d'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié en mission » et pour les titulaires d'une carte portant la mention « compétences et talents ».
Cette démarche est parfaitement logique dès lors que les motifs d'attribution du titre de séjour concerné reposent non pas sur un objectif d'intégration mais sur un projet professionnel qui sous-tend des niveaux de qualification et de rémunération tels que l'intéressé est supposé n'avoir, lors de son séjour, aucune difficulté à communiquer et à vivre dans notre pays.
En ce qui concerne l'entourage familial, les dispositions de l'article 14 répondent directement aux prescriptions de l'article 15 de la directive de 2009 qui disposent que les mesures d'intégration visées par la directive du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial ne peuvent s'appliquer qu'une fois que les personnes concernées – en l'occurrence les membres de la famille du titulaire de la carte bleue européenne – ont bénéficié du regroupement familial.
de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Très bien !
Je remercie notre collègue Éric Diard pour ses précisions sur la carte bleue européenne. Il a bien montré la vision qui sous-tendait l'attribution de cette carte en soulignant que le niveau de revenus exigé pour ses titulaires les dispensait d'avoir à faire preuve de leur intégration, de leur attachement aux valeurs de la République. Or certaines personnes très riches, en France, financent des formations résolument hostiles aux valeurs républicaines.
Cette disposition révèle les contradictions de votre politique. Je remercie donc Éric Diard, j'y insiste, d'avoir démontré que les faibles ou, même, les moyens revenus sont suspectés de non-adhésion aux valeurs de la République, tandis que l'intégration républicaine serait mécanique, évidente, dès que l'on gagne autant qu'un cadre supérieur.
Puisque nous évoquons l'immigration professionnelle, laissez-moi rappeler au ministre une question que je lui ai posée à de multiples reprises. Le rapporteur indiquait que, ces dernières années, l'attribution de titres de séjour pour motifs professionnels avait augmenté. Il y décelait un effet de la politique du Gouvernement. Je décrivais la semaine dernière les raisons pour lesquelles ces chiffres étaient artificiellement gonflés, ce qui n'a pas eu l'air d'émouvoir.
M. le ministre peut-il donc préciser combien de régularisations au titre du travail ont été effectuées et confirmer les informations parues dans un rapport de l'OCDE sur les mouvements et politiques migratoires. Il y est indiqué qu'une partie de l'augmentation de la délivrance des titres de séjour pour motifs professionnels constatée en 2008 est due aux régularisations des travailleurs irréguliers employés dans certains secteurs de l'économie. Monsieur le ministre, si l'OCDE dispose de ces chiffres, pourquoi refusez-vous de les donner à la représentation nationale ?
(L'article 14 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour soutenir l'amendement n° 403 rectifié , portant article additionnel après l'article 16.
Cet amendement simplifie la rédaction du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de regrouper au sein du seul article L. 316-3, les dispositions relatives à l'admission et au séjour des victimes étrangères protégées.
La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 403 rectifié .
La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, pour donner l'avis du Gouvernement.
Favorable.
(L'amendement n° 403 rectifié est adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 17 A.
La parole est à M. Étienne Pinte.
Mes collègues Françoise Hostalier, Nicole Ameline et moi-même proposons de supprimer cet article.
Selon le droit communautaire, tout citoyen de l'Union, y compris ceux assujettis à une période transitoire, tels que les Roumains ou les Bulgares, peut se déplacer librement sur le territoire des autres États membres sans qu'aucune autre condition que la possession de son passeport ou de sa carte d'identité en cours de validité ne lui soit opposable.
L'article 14 de la directive de 2004 laisse penser que les États membres seraient en droit de mettre fin à cette liberté pendant les trois premiers mois de séjour si les individus concernés deviennent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de cet État.
La notion de « charge déraisonnable », dans les textes et dans la jurisprudence, est très contraignante pour l'État qui l'invoque à l'appui d'une appréciation du maintien au droit au séjour d'un citoyen de l'Union.
Ainsi, le même article 14 de la directive dispose dans son 3° que « le recours au système d'assistance sociale par un citoyen de l'Union ou un membre de sa famille n'entraîne pas automatiquement une mesure d'éloignement ». L'administration doit examiner au cas par cas les difficultés du citoyen pour déterminer si elles sont d'ordre temporaire, en prenant en compte la durée de séjour, la situation personnelle et le montant de l'aide accordée.
De même, la Cour de justice des Communautés européennes apprécie strictement cette notion. La cour estime que l'État membre d'accueil d'un citoyen de l'Union – citoyen qui « a eu recours à l'assistance sociale [et] ne remplit plus les conditions auxquelles est soumis son droit de séjour [– peut prendre], dans le respect des limites imposées à cet égard par le droit communautaire, des mesures en vue soit de mettre fin à l'autorisation de séjour de ce ressortissant, soit de ne pas renouveler celle-ci. Toutefois, de telles mesures ne peuvent en aucun cas devenir la conséquence automatique du recours à l'assistance sociale de l'État membre d'accueil ».
La cour estime également que les textes communautaires admettent « une certaine solidarité des ressortissants [des États membres], notamment si les difficultés que rencontre le bénéficiaire au droit de séjour sont d'ordre temporaire ».
La directive prévoit l'obligation pour l'État de prouver au cas par cas, je le répète, le caractère durable et trop important de la charge pour les séjours compris entre trois mois et cinq ans. Le faire sur une période de trois mois seulement serait contraire au droit communautaire.
Par ailleurs, utiliser comme élément d'appréciation de la charge déraisonnable le fait de faire appel à l'hébergement d'urgence revient à violer le droit inconditionnel que recouvre le droit à l'hébergement d'urgence de toute personne présente sur le territoire national.
L'article 17 A est l'un des trois articles du projet de loi qui risquent d'aggraver la situation de la France au regard de la procédure d'infraction à la législation européenne. La Commission européenne nous avait déjà mis en demeure de nous expliquer sur la transposition imparfaite de la directive de 2004 sur la libre circulation. Monsieur le ministre, la semaine dernière, nous vous avions demandé des explications après avoir appris – la nouvelle venait de tomber – que la Commission européenne avait lancé cette procédure d'infraction. Vous aviez répondu : « Je veux dire que je viens de prendre connaissance très rapidement des premières conclusions de la Commission et que je me réserve le droit d'affiner ma réponse en fonction des développements susceptibles d'intervenir au cours de l'après-midi ». L'après-midi en question s'est achevé depuis longtemps, puisque des jours et des jours se sont écoulés depuis. Nous aimerions donc savoir, monsieur le ministre, ce que vous comptez faire pour éviter à la France cette procédure d'infraction à la législation européenne. Pourriez-vous nous en informer avant que l'Assemblée n'adopte cet article 17 A dont Étienne Pinte a souligné qu'il n'était pas conforme à la directive de 2004, et en particulier à son considérant 16, ni au code de l'action sociale, qui prévoit le caractère inconditionnel de l'hébergement d'urgence.
J'espère que le Gouvernement acceptera de répondre à nos interventions sur l'article 17 A. Avec un autre article concernant l'abus de droit, il introduit en effet des dispositions qui visent à alléger les conditions auxquelles des mesures d'éloignement peuvent être prises à l'encontre de ressortissants européens. Et l'on voit évidemment qui est visé à travers ces articles.
Personne ici ne dit que la question est facile. L'arrivée massive de populations venant de pays comme la Roumanie et la Bulgarie pose un certain nombre de problèmes. Il ne s'agit pas de considérer qu'il n'y a pas de difficultés. Mais la manière dont le Gouvernement traite ces questions, la manière dont il l'a fait cet été, par des mesures d'expulsion expéditives, qui font l'objet d'interrogations de la part de la Commission européenne, la manière dont le Gouvernement décide, unilatéralement, de renforcer la législation concernant les ressortissants européens, alors même que la Commission européenne entame une procédure pour défaut de transposition de la directive « libre circulation », tout cela n'est pas acceptable.
Il est très difficile de comprendre comment le Gouvernement peut nous proposer d'adopter des mesures manifestement contraires aux demandes de la Commission au sujet de la directive « libre circulation », alors que la France est menacée d'une action devant la Cour de justice des communautés européennes.
C'est la première question que nous posons : pour essayer d'avancer sur ce dossier, ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, attendre que les explications avec la Commission aient lieu, pas seulement sur les dispositions que vous nous proposez aujourd'hui, mais aussi sur celles qui ont été transposées hier, et d'une manière que la Commission européenne conteste ? Il me semble qu'il serait de bonne méthode que le Gouvernement retire cet article, que l'on remette à plat la transposition de la directive « libre circulation », et que l'on discute sereinement de ces problèmes.
Je rappelle que la Commission reproche au Gouvernement français de ne pas avoir transposé de manière convenable la directive « libre circulation ». Nous avons déjà eu cette discussion, monsieur le ministre, et vous nous avez expliqué qu'il s'agit d'une différence d'approches juridiques entre l'administration française et la Commission européenne. Pour parler clairement, la Commission considère que les dispositions de la directive doivent être transcrites pour ainsi dire mot à mot dans le droit français, alors que l'administration française considère que, dès lors qu'elles sont déjà intégrées dans d'autres articles, dans d'autres parties de notre législation, il n'est pas nécessaire de le faire.
Comment expliquer, monsieur le ministre, que le ministre de l'intérieur et son directeur de cabinet aient pu prendre une circulaire manifestement contraire à la directive « libre circulation », sinon par le fait que les éléments de cette directive n'avaient pas été transposés de manière exhaustive dans le droit français ? Si la transposition avait été faite de manière complète, peut-être cette circulaire n'aurait-elle pas existé.
On voit bien que, comme M. Pinte vient de l'expliquer, sur la manière dont les expulsions doivent être menées, sur les garanties procédurales qui doivent être données aux personnes expulsées, sur l'interprétation de la « charge déraisonnable » pesant sur le système social d'un pays – qui est l'objet de cet article 17 A –, les interprétations différent. C'est pourquoi nous considérons que ce que vous proposez aujourd'hui n'est pas acceptable.
Nous reviendrons un peu plus loin sur la question de l'abus de droit. M. Pinte a cité l'article de la directive. Je citerai, pour ma part, son considérant 16. On peut y lire que « les bénéficiaires du droit de séjour ne devraient pas faire l'objet de mesures d'éloignement aussi longtemps qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil ». C'est la disposition que vous nous proposez d'adopter dans l'article 17 A. Mais, dans la phrase suivante du même considérant 16, il est écrit : « En conséquence, une mesure d'éloignement ne peut pas être la conséquence automatique du recours à l'assistance sociale. » Il est clair que, dans la directive, il y a pour le moins une ambivalence. Si elle contient des dispositions qui vont dans le sens que vous nous proposez, elle en contient d'autres qui montrent que ces dispositions doivent être mesurées et proportionnées. Nous ne sentons pas ces nuances dans le texte que vous nous proposez.
vous avez même alourdi ces dispositions, qui étaient auparavant contenues dans des textes réglementaires et qui vont maintenant figurer dans la loi. En effet, vous y avez ajouté l'hébergement d'urgence. Celui-ci sera désormais englobé dans ce que l'on doit entendre par « le système d'assistance sociale ». Or je rappelle que les personnes visées par ce texte sont présentes sur notre territoire pour un séjour d'une durée théorique inférieure à trois mois. Je voudrais donc que vous nous expliquiez comment la prise en charge de ces personnes peut constituer une « charge déraisonnable » alors qu'elles sont là pour un séjour de moins de trois mois, ce qui est très court. Vous savez bien que, après trois mois, dès lors qu'elles n'auraient pas de titre de séjour, elles seraient susceptibles d'être éloignées du territoire. Vous alourdissez donc cette disposition dans un contexte qui, manifestement, ne justifie pas qu'elle le soit.
Mais je voudrais que nous allions plus loin dans le débat. Car, au-delà des données techniques et des interprétations juridiques, il me semble clair qu'un certain nombre d'élus de la majorité considèrent – et c'est peut-être aussi la position du Gouvernement, même si elle n'est pas explicitement formulée – que l'Europe a été trop loin en matière de libre circulation. J'ai le sentiment qu'un certain nombre d'entre vous veulent revenir sur le principe de libre circulation…
…notamment sur la manière dont il sera mis en oeuvre à partir de 2013, puisque, à cette date, les dernières barrières qui existaient, en particulier pour la Roumanie et la Bulgarie, vont sauter.
J'en veux pour preuve les déclarations d'un responsable politique d'une certaine importance, M. Édouard Balladur. Même si elles sont un peu passées inaperçues, elles me semblent très éclairantes. Dans Le Monde daté du 25 septembre dernier, M. Balladur déclare : « Nos partenaires devraient être appelés à la lucidité. L'Europe à 27 est vouée à la confusion à et l'échec. Elle souffre de défauts que le traité de Lisbonne n'a pas corrigés. Que faire ? Revenir sur le principe de la libre circulation, ériger de nouvelles barrières ? Il faut discuter d'un meilleur contrôle aux frontières de l'Union ; à l'intérieur, je ne vois pas comment la liberté totale de circulation pourra entrer en vigueur en 2013. »
M. Balladur est un responsable éminent de la majorité. On dit qu'il a l'oreille du Président de la République. Il dit très clairement et très publiquement que la question de la libre circulation est maintenant posée. Est-ce l'avis du Gouvernement, monsieur le ministre ? Est-ce l'analyse que vous faites des engagements qui ont été pris par la France il y a un certain nombre d'années ? Considérez-vous, comme M. Balladur, qu'il ne sera pas possible, en 2013, de passer à une nouvelle étape de la libre circulation en levant les dernières barrières qui existaient vis-à-vis de la Roumanie et de la Bulgarie ?
Je voudrais d'abord exprimer le profond malaise que je ressens depuis cet été, peut-être en tant que fille d'immigrés européens.
J'évoquerai ensuite le principe de la libre circulation des citoyens européens. Le Gouvernement n'a-t-il pas voulu inviter la presse et les Français à assister à ce qu'il estimait être une mesure de salut public, le démantèlement des camps roms et l'expulsion de leurs habitants ? Je ne conteste pas qu'ils sont entrés sur notre territoire – comme l'a rappelé Christophe Caresche – sans se soumettre aux règles édictées par la loi. Ils se sont formés en campements modestes, rassemblements de voitures, de caravanes et de masures construites en hâte. Nous savons que c'est illégal. Mais, au lieu d'appliquer la loi et de respecter, comme nous le souhaitons, le principe de libre circulation en Europe, vous avez mis ces évacuations en scène. Qu'il s'agisse de vos priorités, du rythme de vos actions, du mode opératoire ou de la circulaire du ministère de l'intérieur en date du 5 août 2010 : aucun doute ne peut subsister sur le degré d'organisation de cette seconde polémique estivale, qui est suivie aujourd'hui par un article du projet de loi.
J'en suis venue à me demander, cet été, si cette circulaire n'avait pas été faite pour détourner l'attention d'autres affaires. Je suis presque gênée – car je respecte le Gouvernement, d'une certaine manière – de la mise en cause d'un ministre de l'intérieur et de M. Besson. Mais ni le droit communautaire ni le droit français n'autorisent l'administration à viser une catégorie de population donnée, qui plus est définie en fonction de critères ethniques, comme c'est le cas pour les Roms.
Mais revenons-en à l'action du Gouvernement. Quand j'entends ses déclarations, quand je vois sa fermeté de façade, je m'autorise à douter : cette agitation n'est-elle pas orchestrée par une main qui se croit talentueuse, mais qui en a perdu le contrôle ? Il s'agissait de faire du bruit pour faire diversion, mais c'est un bruit que je n'aime pas, et qui a été dénoncé par de hautes autorités, en Europe et ailleurs. Cette vision de la France me fait mal, elle est parfois nauséabonde. Elle a entretenu une confusion gênante entre les gens du voyage, citoyens français, et les Roms, citoyens d'un pays européen, mais qui, en 1948 encore, étaient les serfs des maîtres hongrois de Transylvanie. Je n'aime pas cette confusion, cette atmosphère nauséabonde, ce climat malsain : ils n'ont pas lieu d'être dans le pays des droits de l'homme.
L'objectif justifiait-il les pertes ? Expulser les Roms, était-ce une priorité, cet été ? Ce dossier méritait bien sûr de retenir l'attention du Gouvernement. Je suis pour la fermeté. Mais, plutôt que de rechercher du spectaculaire, plutôt que d'insérer, dans ce projet de loi, des articles pour lesquels nous risquons d'être condamnés et qui ne rentrent pas dans le droit communautaire, n'aurait-il pas mieux valu imiter les pays voisins, que M. le rapporteur a beaucoup cités, prendre modèle sur ce qu'ils ont fait de bien. L'Espagne utilise, à nos frontières, de très bonnes pratiques pour aider ces populations à s'intégrer.
Monsieur le président, mes propos vont dans le même sens que ceux tenus par les collègues précédents, y compris, sur les bancs de la majorité, par M. Étienne Pinte.
Toute une série de dispositions que nous examinerons dans d'autres articles du projet de loi visent à remettre en cause le principe de la liberté de circulation, en particulier celles des citoyens européens, puisque la directive de 2004 leur permet de circuler librement et de s'installer pendant trois mois dans n'importe quel pays de l'Union européenne.
Les mots ont un sens, un usage, une connotation. On sait ce que signifie le mot « démantèlement ». Vous renvoyez des gens dans leur pays, la Roumanie ou la Bulgarie, en sachant parfaitement qu'ils pourront revenir dans trois jours.
Comme l'a très judicieusement souligné notre collègue Caresche, les directives ne sont pas respectées. Celle de 2004 exige que, avant de procéder à des expulsions, chaque cas soit examiné et que soient formulées des propositions alternatives.
Pour votre information, j'ai ici deux documents émanant de la préfecture de Seine-Saint-Denis et provenant d'une liasse utilisée lors d'une récente expulsion. Toutes les liasses sont remplies d'avance. Sur certains documents est même notée l'absence d'interprète, alors que les personnes ne comprennent ni ne parlent français. Il s'agit purement et simplement d'une rafle, puisque c'est une expulsion collective, sans examen des cas individuels et sans proposition alternative.
L'article 17 A – nous y reviendrons car l'article 17 ter est pire encore – contribue à donner un sens très restrictif à ce que l'on appelle la « charge déraisonnable » pour les prestations sociales de l'État. C'est encore une manière de rendre quasi-automatique l'expulsion d'un certain nombre de ressortissants européens. Nous savons bien qui est visé par cet article 17 A et c'est pourquoi nous en demandons la suppression.
Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, en stigmatisant une partie de ceux qui vivent sur notre territoire, en inventant maintenant, après les étrangers et les sans-papiers, de nouvelles catégories de boucs émissaires, les Roms, vous avez ouvert la boîte de Pandore et permis à certains de se libérer, d'aller où ils veulent, de faire ce qu'ils veulent.
Je voudrais rappeler très solennellement à la représentation nationale la profanation d'un cimetière juif, qui a eu lieu hier ou avant-hier à Strasbourg. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je parle de ce cimetière juif, comme je pourrais citer la profanation d'une mosquée, c'est la même chose.
Si ! Quand on libère les pires sentiments qui peuvent animer certains Français, qu'on leur donne la possibilité de s'en prendre à des boucs émissaires pour leur faire oublier leurs maux et leurs difficultés, on joue avec le feu.
Oui, vous êtes dangereux, et le projet de loi que vous nous présentez est dangereux pour la République et pour notre pacte social.
Monsieur le président, je serai plus bref que notre collègue Noël Mamère, car il ne reste plus à notre groupe que deux heures de temps de parole – si le groupe UMP veut bien nous donner un peu du sien, nous l'accepterons volontiers.
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est bon de rêver !
Il vous en reste beaucoup et j'ai le sentiment que vous n'avez pas l'intention de l'utiliser. Si vous ne savez pas quoi dire, nous pouvons, nous, argumenter.
Je vais revenir sur trois choses. L'article 17 A est assez révélateur des intentions et du caractère du projet de loi, comme nous l'avons déjà dénoncé lors de la première partie du débat.
Premièrement, vous allez au-delà de la directive européenne. Et, s'il est un article qui fait la démonstration que vous piétinez l'esprit même de ce qu'il y a de plus positif dans la directive, c'est bien celui-là. Quand on considère le caractère tout à fait aléatoire de ce qui pourrait déterminer ou non l'expulsion d'un certain nombre de personnes, on ne peut être qu'interrogatif.
Deuxième remarque, en écho à M. Caresche : pour ma part, je ne me demande même plus si le Gouvernement et la majorité sont pour ou contre la libre circulation. Je suis persuadé que, d'ici à 2013, on va nous soumettre un grand nombre de propositions ou de projets de loi qui viseront à limiter la libre circulation en Europe.
Mais la libre circulation concerne surtout les pauvres, car vous n'avez pas remis en question celle des riches. Tout dans ce projet de loi, comme dans les précédents, montre à quel point il s'agit d'un projet de classe, puisque l'on demande un certain niveau de revenus, d'éducation, de culture, de formation. Ce projet vise avant tout à faire en sorte que les plus pauvres ne puissent pas circuler dans l'Europe que nous avons créée.
Monsieur Mariani, je vous ai vu tiquer lorsque M. Mamère a employé le mot « rafle ». Je comprends, car ce mot a une telle connotation que l'on a du mal à l'utiliser. Mais, lorsque l'on va capturer un certain nombre de personnes, le matin, de bonne heure, pour les expulser collectivement, sans examen au cas par cas, cela s'appelle une rafle, même si la connotation n'est pas très agréable.
Il est toujours facile d'interpréter les textes, sans le faire véritablement et d'en donner une version tronquée.
D'abord, la liberté de circulation n'a pas été attaquée. En revanche, a été attaqué l'abus de droit, car c'est de cela qu'il s'agit. Aucune cour européenne, quelle qu'elle soit, n'acceptera l'idée de confondre la liberté de circulation avec ce qui est un abus de droit.
Ne venez pas nous parler de « rafle », car, lorsqu'un Français de France commet un abus de droit, il est condamné par les tribunaux parce que c'est le droit. L'abus de droit est une notion internationale qui n'a rien à voir avec cette morale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC).
Vous devriez vous renseigner : il y a eu des décisions de justice prises individuellement.
Vous avez l'impression qu'il n'y a pas de tribunaux en France. La Cour de justice ne démentira jamais ce qui est abus de droit. Tout ce qui est frauduleux va contre une véritable Europe. Nous essayons de donner à l'Europe un univers juridique qui ne soit pas contestable et vous en faites une espèce de salmigondis de morale approximative, parce que vous n'avez rien à dire et rien à proposer. Cessez d'utiliser le mot : « rafle ». Cessez de faire des amalgames. Essayez de regarder les textes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais remercier Mme Hoffmann-Rispal qui nous a dit qu'elle allait respecter « d'une certaine manière » le Gouvernement. Qu'elle se rassure : le Gouvernement, lui, respectera totalement la représentation nationale.
Franchement, il faut beaucoup de respect pour répondre sereinement aux provocations, aux amalgames, aux anachronismes de Noël Mamère, qui n'a d'ailleurs pas eu l'élégance d'attendre ma réponse après les propos qu'il a tenus.
Comme vient de le faire remarquer M. Goasguen, il faut une très grande inculture pour essayer de suggérer que celles et ceux qui étaient victimes des rafles et qui, je le rappelle, allaient dans des camps d'extermination soient confondus avec des ressortissants de l'Union européenne, reconduits volontairement par un vol commercial dans leur pays d'origine, munis d'un pécule et accompagnés de fonctionnaires français pour les aider à se réinsérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Honte à Noël Mamère – qui, j'en suis heureux, nous rejoint – de suggérer de tels anachronismes !
Honte aussi à lui de suggérer que l'application des lois de la République ouvrirait la boîte de Pandore…
…et expliquerait les profanations de cimetières !
Qui ouvre la boîte de Pandore ? Ceux qui plaident en faveur du respect de la loi et de l'équilibre des droits et des devoirs, ou ceux qui les mettent en cause ?
Ceux qui pensent qu'être étranger en situation régulière n'est pas tout à fait pareil qu'être étranger en situation irrégulière, ou ceux qui entretiennent en permanence la confusion ? Les amalgames auxquels vous vous livrez, vos outrances de langage, je vous le dis le plus posément possible, monsieur Mamère, sont insupportables. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Permettez-moi d'ores et déjà de répondre à l'ensemble des amendements de suppression de l'article.
En ce qui concerne nos relations avec la Commission européenne, je veux rassurer monsieur Caresche. La Commission – vous l'avez souligné à juste titre – a souhaité avoir un certain nombre d'explications sur la transposition de certaines dispositions de la directive 200438 relative à la circulation et au séjour des ressortissants européens, en particulier de deux alinéas – 27-2 et 28-1 – qui prévoient le traitement individuel de chaque situation. Or le traitement individuel de chaque situation fait partie des principes généraux de notre droit, reconnus par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, et mis en oeuvre quotidiennement par les services de l'État et les fonctionnaires chargés de l'application de nos lois. Un dialogue s'est instauré avec la Commission européenne, et le Président de la République a dit, il y a quelques jours à Bruxelles, que nous procéderons aux évolutions nécessaires à l'issue des discussions techniques en cours si, et seulement si, elles paraissent effectivement nécessaires. Rassurez-vous, le dialogue avec la Commission européenne est engagé ; il se déroule bien et, le moment venu, nous en tirerons ensemble les conclusions qui s'imposent.
Christophe Caresche a présenté la directive 200438 comme étant celle de la libre circulation. C'est une présentation partielle, car la directive concerne également le séjour. En l'occurrence, il ne s'agit pas de la libre circulation, Schengen ayant supprimé les contrôles aux frontières, mais du séjour.
Les ressortissants européens ne jouissent pas d'une liberté de séjour sans limites au sein de l'Union européenne – cela dit pour répondre à M. Pinte. Ces limites sont fixées par la directive du 29 avril 2004. Pour les séjours de plus de trois mois, ils doivent disposer d'un emploi ou de ressources suffisantes – cela figure déjà dans le CESEDA, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les séjours de moins de trois mois, ils ne doivent ni menacer l'ordre public ni constituer une charge déraisonnable pour notre système d'assistance sociale : c'est cette notion qui est inscrite à l'article 17 A.
Cet article est strictement conforme à l'article 14, alinéa 1, de la directive de 2004 qui prévoit le court séjour : « Les citoyens de l'Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour […] tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil ». Cela figurait déjà dans la partie réglementaire du CESEDA, il ne s'agit donc pas d'une révolution. Mais, comme les règles du séjour de plus de trois mois figurent dans la partie législative du CESEDA, le projet de loi, par cohérence, inscrit désormais cette règle relative au court séjour dans la partie législative. Nous n'inventons rien, nous vous proposons simplement de légiférer par cohérence.
Les Européens séjournant moins de trois mois dans un autre État membre sont présumés disposer pendant cette période de ressources leur permettant de subvenir à leurs besoins. Mais, dans l'hypothèse où l'examen individuel de leur situation ferait apparaître qu'ils représentent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, leur droit au séjour peut être remis en cause ; le ressortissant européen pourra faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, prévue à l'article 25 du projet de loi.
L'article 17 A illustre la notion de charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, notamment l'assurance maladie, l'aide sociale et les prestations publiques à caractère social. La référence à l'hébergement d'urgence évoqué par Christophe Caresche sera supprimée par un amendement du rapporteur, compte tenu de sa sensibilité et du fait qu'il pourrait être mal compris. Il n'y a aucune remise en cause de l'accès inconditionnel à l'hébergement d'urgence. S'il y avait doute, l'amendement du rapporteur le soulignera. Le texte ne vise qu'à sanctionner les abus.
Ce qui est en jeu, c'est une conception de la construction européenne. Tout citoyen de l'Union européenne devrait-il être pris en charge par le système de protection sociale qu'il jugerait le plus généreux et le plus avantageux pour lui ?
L'Europe ne peut être une espèce de libre marché de la protection sociale !
La France qui s'enorgueillit d'avoir un système de protection sociale particulièrement développé…
…serait la première victime dans ce cas. Ce n'est pas cela qui a guidé les pères fondateurs de l'Union européenne et ceux qui ont accepté son élargissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous suggère que nous réfléchissions sur les conséquences de ce que vous êtes en train de suggérer.
Pour toutes ces raisons, monsieur Pinte, le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression de l'article.
Notre collègue Claude Goasguen a fait référence à l'abus de droit. Je lui fais remarquer que l'article 17 A concerne la charge déraisonnable et non l'abus de droit.
M. le ministre qui vient de citer l'alinéa 1 de l'article 14 de la directive a omis de citer le troisième alinéa de ce même article qui est très clair : « Le recours au système d'assistance sociale par un citoyen de l'Union ou un membre de sa famille n'entraîne pas automatiquement une mesure d'éloignement. »
C'est ce que j'ai dit ! « Après un examen individuel ».
Je rappellerai également à M. Claude Goasguen que, selon une décision du Conseil d'État du 19 mai 2008, l'administration ne peut fixer un seuil de ressources à l'avance et ne peut prendre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière fondé sur la charge déraisonnable s'agissant d'un court séjour d'un ressortissant de l'Union européenne.
Vous êtes en train de plaquer sur le court séjour les conditions exigées pour l'installation durable en employant, comme pour le droit d'asile, l'expression de supermarché de la protection sociale. Vous décrivez une situation qui ne correspond pas à la réalité.
Au moment de la chute du mur de Berlin, vous aviez déjà prédit que 25 millions d'Européens de l'Est déferleraient vers la prospérité de l'Ouest (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour venir profiter de notre système de protection sociale. Cela ne s'est pas produit !
En ce qui concerne les pays qui ont adhéré plus tardivement à l'Union européenne, c'est pareil. Nous n'assistons à aucun déferlement de populations !
En revanche, ce qui est en jeu, c'est une certaine vision de l'Europe. Vous, qui ne croyez plus ni en la France ni à l'Europe, en quoi croyez-vous ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Les critiques à l'encontre de l'article 17 A me semblent excessives dans la mesure où il ne s'agit que d'une simple reprise de l'article R. 121-3 du CESEDA, lequel s'applique dans l'indifférence générale depuis un décret du 21 mars 2007.
Conformément à la directive, le droit au court séjour est conditionné au fait de ne pas devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale. Le droit de circulation, qui n'est pas remis en cause, diffère du droit d'installation.
L'article 17 A déplace cette disposition dans la partie législative du code. En effet, les dispositions sur le droit au séjour permanent prévu à l'article 7 de la directive de 2004 avaient déjà été transposées. Il semble donc logique qu'il en soit ainsi pour les dispositions de l'article 6 de la directive sur le droit au séjour.
L'amendement n° 4 de nos collègues Éric Diard et Valérie Rosso-Debord, auquel la commission a donné un avis favorable, devrait dissiper toutes les craintes.
Le Gouvernement a déjà donné son avis sur ces amendements.
La parole est à M. Patrick Braouezec.
Conformément à nos engagements, nous nous étions battus contre le CESEDA. La notion de « charge déraisonnable » est pour le moins ambiguë et arbitraire, et n'a rien à voir avec des questions d'abus ou de fraudes, monsieur Goasguen.
Cela a à voir avec notre interprétation des dépenses par rapport à l'ensemble des contribuables.
S'il y a des abus et des fraudes, c'est une autre question. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le caractère déraisonnable est déterminé par celui qui en décide ainsi.
Vous stigmatisez le recours à l'action sociale ou sanitaire « de façon répétée ou prolongée », ce qui peut se produire en effet lorsqu'on tombe malade.
Je persiste à dire que cet article va au-delà de la directive européenne. Nous avons tous une idée de la France : la vôtre est celle d'une France non solidaire, d'une France rabougrie.
Je souhaiterais une explication de texte, monsieur le ministre, sur l'application de la règle de la liberté de circulation. À partir du moment où il y a liberté de circulation, comment contrôlerez-vous ? Comment saurez-vous qu'un citoyen de l'Union européenne est sur le territoire national plus de trois mois ou moins de trois mois ? La réponse à cette question est importante. Dans la mesure où une grande partie des pays européens sont dans l'espace Schengen – sans contrôle aux frontières –, je serais heureux de savoir de quelle manière vous envisagez l'application de cette restriction de la liberté de circulation dans les cas qui sont proposés à l'article 17 A.
C'est l'article 49 qu'a évoqué M. Pinte : nous y reviendrons au cours de la discussion.
Monsieur Braouezec, l'expression de « charge déraisonnable » est une transcription exacte de l'article 14 de la directive : « Les citoyens de l'Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu à l'article 6 tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil. » Cette disposition n'a donc rien de spécifiquement français.
Cela ne nous dit pas ce que vous entendez par là, ni comment vous le constaterez !
Il s'agit de l'amendement qu'a évoqué M. le rapporteur.
Il vise à modifier la rédaction du nouvel article L. 121-4-1 du CESEDA, qui énonce les conditions du droit au séjour de moins de trois mois pour les ressortissants de l'Union européenne et les membres de leur famille.
Par cet amendement, Valérie Rosso-Debord et moi-même proposons de supprimer la référence au recours à l'hébergement d'urgence comme indice permettant d'établir la charge déraisonnable pour notre système d'assurance sociale.
Favorable, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure.
S'il s'agit de revenir à l'article R. 121-3, il faudrait aussi supprimer la mention des « prestations publiques à caractère social », qui précède immédiatement les mots « telles que l'hébergement d'urgence ».
L'auteur de l'amendement accepterait-il de le faire ?
De toute façon, on ne peut déposer de nouveaux amendements à ce stade de la discussion.
(L'amendement n° 4 est adopté.)
Cet amendement s'inscrit dans le droit fil de l'intervention de Claude Goasguen, qui en a très bien expliqué le fondement.
Il propose d'insérer à l'alinéa 2, après les mots « prolongée », les mots « ou encore en cas de fraude au système d'assurance sociale ». Il s'agit bien ici d'abus, et l'objectif de l'amendement est d'étendre les dispositions de l'article aux cas de fraude au système d'assurance sociale.
Avis défavorable, car ce cas n'est pas prévu par la directive, dont le texte est une transposition stricte.
En outre, si je souscris entièrement à l'objectif de notre collègue, la fraude au système d'assurance sociale est relativement difficile à prouver.
Même avis : en allant au-delà de la transposition de la directive, nous nous exposerions à des difficultés.
Je veux dire à la majorité que nous nous livrons à un exercice contraint : la transposition d'une directive.
Dès lors, je me réjouis que le Gouvernement ait accepté de supprimer la référence à l'hébergement d'urgence, qui ne figurait pas dans la directive. La France agit sous l'oeil vigilant de la Commission européenne ; chacun prendra ses responsabilités, mais il me semble déconseillé d'adopter des dispositions contraires à ce que dispose la directive.
En ce qui concerne l'amendement, je rappelle qu'il s'agit de ressortissants européens dont le séjour est d'une durée inférieure ou égale à trois mois, et non de ressortissants européens qui auraient vocation à s'installer plus durablement sur le territoire français.
Cette disposition me semblerait donc abusive.
(L'amendement n° 266 n'est pas adopté.)
Un décret ne serait pas utile.
En outre, nous savons tous qu'il faut un certain temps aux décrets pour être publiés.
Si j'interprète bien la volonté des auteurs de l'amendement, celui-ci serait contre-productif. La loi, du moins, sera immédiatement applicable. Si l'on attend un décret pour définir ce qu'est une charge déraisonnable, on risque d'attendre longtemps !
Avis défavorable. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Même avis que le rapporteur.
L'amendement de nos collègues montre qu'ils ont perçu la nécessité de compléter le texte. Mais l'avis du rapporteur nous laisse perplexes : qui va définir le caractère déraisonnable de la charge ?
Si ce n'est pas un décret, ce ne pourra être que la jurisprudence, au mieux, ou des textes de valeur administrative inférieure au décret. C'est à cet égard que l'on peut nourrir des craintes.
La notion de charge déraisonnable, qui était tout à fait concevable dans une directive européenne, aurait dû soit faire l'objet d'une transposition législative complète, dont vous n'avez pas voulu, soit ne pas être reprise dans le texte de loi. Vous nous laissez donc au milieu du gué, si bien que le débat sera arbitré par des circulaires de niveau inférieur au décret.
M. Dionis du Séjour plaide contre son propre intérêt : il n'a pas bien perçu les conséquences de l'adoption éventuelle de l'amendement.
En effet, outre les difficultés opérationnelles très bien décrites par Thierry Mariani – l'application de la loi en serait retardée –, si l'on disposait d'une liste exhaustive, cela poserait un problème au plan des principes.
En effet, les députés de l'opposition l'ont souligné, la directive requiert la non-automaticité. Or une liste exhaustive induit par définition l'automaticité : elle prive le préfet, l'autorité administrative, de la possibilité d'examiner les situations de manière individuelle. Pourtant, la directive est très précise sur ce point : elle explique ce qu'est la charge déraisonnable, mais écarte toute automaticité.
Pour une fois, je suis d'accord. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) En effet, je crains fort, mon cher collègue, qu'un décret en Conseil d'État soit, pour le coup, déraisonnable, et je crains une interprétation déraisonnable du caractère déraisonnable mentionné dans la directive. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
À cet égard, je fais beaucoup plus confiance aux tribunaux, qui sauront juger de manière classique, à partir de la jurisprudence classique, laquelle revient ici à l'abus de droit ; vous le verrez, mes chers collègues.
La situation est paradoxale : nous introduisons dans la loi une disposition qui relevait du règlement, et nos collègues proposent de renvoyer cette disposition à un texte réglementaire. C'est un peu compliqué !
D'autre part, j'imagine que, puisque la disposition figurait déjà dans le CESEDA, elle a déjà donné lieu à jurisprudence.
Le ministre a répondu en renvoyant à l'autorité administrative. Or on ne peut pas tout avoir : on ne peut pas à la fois être concis et éviter l'arbitraire de l'administration. C'est donc ce dernier qui primera.
Et le tribunal ? Il y aura un recours !
(L'amendement n° 267 est retiré.)
(L'article 17 A, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 377 , tendant à introduire un article additionnel après l'article 17 A.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Dans cet article, on a de nouveau affaire à votre espèce de hantise en matière de mariage.
Nous souhaitons pour notre part que les demandes de visa de long séjour fassent l'objet d'un examen sérieux. En effet, on constate qu'elles sont rejetées de manière incompréhensible et, souvent, sans recours acceptable.
Par cet amendement, nous proposons par conséquent de simplifier les procédures d'obtention de visa pour les conjoints de Français. Au fil des articles, vous faites montre d'une sorte de phobie des mariages entre Français et étrangers ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je l'ai dit au cours d'une précédente séance, votre rapporteur et le ministre sont la démonstration vivante de l'inexistence de cette phobie !
S'agissant des couples mixtes désireux de se marier, le droit en vigueur vise à éviter les fraudes et les mariages de complaisance, dits blancs. L'assouplissement que vous proposez serait un message négatif à l'heure où la situation semble s'améliorer sur le terrain, à la suite des diverses dispositions déjà votées.
Avis défavorable.
Même avis.
Au cours de la dernière séance, le ministre a avancé, sans fournir de chiffres, que le nombre de mariages de complaisance a augmenté ces dernières années. Or, en émettant un avis défavorable à l'amendement, le rapporteur vient de dire que ce phénomène a reculé. Qui a raison ? Qui est compétent ? Monsieur le ministre, une fois encore, puisque vous vous fondez sur l'augmentation des mariages de complaisance pour justifier plusieurs dispositions du texte, pouvez-vous nous donner les chiffres dont vous ne disposiez pas lors de la dernière séance, mais que, je n'en doute pas, vous vous êtes procurés depuis ?
(L'amendement n° 377 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 383 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Cet amendement vise à soustraire à la précarité le séjour des étrangers en situation régulière.
Il est aujourd'hui difficile de construire un projet migratoire cohérent et fructueux : les titres de séjour étant renouvelables à l'infini pour une durée qui ne dépasse pas un an, il faut se préparer à renouveler son titre de séjour à peine l'a-t-on obtenu.
Nous proposons de mettre fin à ce système de précarité, qui nuit à l'insertion pleine et entière des étrangers entrés sur le territoire français de manière parfaitement régulière, au profit d'un système « un-trois-dix ». Un premier titre de séjour serait délivré pour un an ; au terme de ce délai, s'il n'y a pas eu de problème, un titre de séjour de trois ans serait délivré, qui permettrait d'aller et venir ; au terme de ce délai, s'il n'y a pas eu de problème, l'étranger se verrait proposer une carte de résident de dix ans.
Avis défavorable. La majorité a mis en place un dispositif de cartes temporaires de séjour avec une procédure de réexamen périodique de leur validité de manière à contrôler plus efficacement la réalité des efforts d'intégration des bénéficiaires. Ainsi, le but des entretiens annuels est de vérifier si la personne concernée suit un cursus d'intégration.
Il s'agit non pas de précarisation – le renouvellement intervient dans la grande majorité des cas –, mais d'une plus grande exigence dans le suivi du parcours d'intégration.
Ajoutons que cette solution a été retenue par la totalité des autres pays européens. Revenir dessus comme le propose l'amendement conduirait à relancer l'immigration subie et n'aboutirait pas à améliorer le traitement des dossiers en préfecture.
(L'amendement n° 383 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 374 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Par cet amendement, nous proposons de revenir à un système de régularisation sur critères au fil de l'eau, système clair et transparent auquel a mis fin la loi de 2006. Aujourd'hui, les régularisations sont faites dans l'opacité la plus complète : à statut égal et situation égale, selon les départements, la régularisation peut être accordée ou pas. De surcroît, le seul dispositif de substitution existant, à savoir la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour créée en 2006, est supprimé par un article du présent projet de loi que nous examinerons bientôt.
Ce gouvernement régularise mais ne souhaite pas que l'on sache selon quels critères et ne veille pas à respecter l'équité. Nous proposons donc d'introduire à nouveau de la transparence afin que les raisons pour lesquelles une personne est régularisée soient connues et maîtrisées.
Cet amendement du groupe socialiste est intéressant, car très significatif.
J'ignore qui est le génial inventeur de cette formule, d'apparence assez romantique et bucolique : « régulariser au fil de l'eau ».
Elle signifie, en tout cas, qu'on régularise toutes les personnes qui ont réussi à se maintenir illégalement sur notre territoire pendant une certaine période, en l'occurrence cinq ans, puisque Mme Mazetier va encore plus loin que la loi RESEDA de M. Chevènement, qui fixait ce délai à dix ans. Autrement dit, toute personne séjournant de manière irrégulière pendant cinq ans sur le sol national aurait droit à un titre de séjour.
Si c'est le programme du parti socialiste pour les futures élections, il faut le dire !
Cela aura au moins le mérite d'être clair. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est bien évident que la commission est totalement opposée à cet amendement, qui méritait toutefois d'être mis en exergue.
J'ai la même position que M. le rapporteur et je me suis posé exactement les mêmes questions que lui. Cet amendement, présenté par divers députés dont le nom figure sur la liste des signataires « et les membres du groupe du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche », selon la formule consacrée, engage-t-il véritablement le groupe socialiste ? Est-ce que, à compter de ce jour, nous pouvons considérer que telle est la position officielle du parti socialiste ?
Auquel cas, le rapporteur a raison, cela va éclairer de façon intéressante les débats des semaines à venir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Cet amendement est particulièrement intéressant et significatif. Faut-il voir de l'humour dans la formule « ne vivant pas en état de polygamie » ? Pouvez-vous préciser vos intentions ? Comment vérifier que la personne ne vit pas en état de polygamie ?
Vous feriez donc mieux de supprimer cette mention : les régularisations se feront ainsi vraiment « au fil de l'eau » pour tout le monde, comme vous le souhaitez. Ne vivant pas en état de polygamie, je trouve cela poétique, car, si vous trouvez la manière de démontrer l'état de polygamie, vous aurez fait un apport décisif au droit civil.
…du rapporteur.
La loi RESEDA comportait effectivement une mesure visant à régulariser les étrangers résidant depuis plus de dix ans sur le sol français, je le concède bien volontiers. Mais, en réalité, si vous avez supprimé cette disposition, vous l'avez maintenue dans les faits.
À l'heure actuelle, le Gouvernement régularise tous les jours un nombre important d'étrangers. Les statistiques le montrent bien. Et le ministre de l'intérieur qui a le plus régularisé, c'est sans doute Nicolas Sarkozy. Nous pourrions en faire la démonstration.
Simplement, ce gouvernement ne le dit pas, il régularise de manière arbitraire, et c'est ce qui est contestable.
Nous en sommes bien conscients en tant qu'élus, car nous savons quel est le taux de réponse aux dossiers que nous envoyons à la préfecture de police. Le problème, c'est que nous ignorons sur quels critères la régularisation se fonde et cette opacité totale est extrêmement déstabilisante pour les étrangers.
Vous êtes, je le répète, dans l'hypocrisie absolue : comme les ministres de gauche qui vous ont précédés, vous procédez à des régularisations mais vous ne le dites pas et vous nous donnez des leçons.
La preuve que vous voulez tout cacher, c'est que vous refusez de donner des chiffres sur le nombre de régularisations auxquelles vous avez procédé et de répondre à nos questions sur les critères que vous avez retenus. De réunion de commission en réunion de commission, de budget en budget, de séance publique en séance publique, M. le ministre reste mutique. Au début de la séance, je lui ai posé une question sur les chiffres concernant les régularisations pour motifs professionnels. Encore une fois, il refuse de répondre.
Pour notre part, nous proposons que les choses soient claires, transparentes et maîtrisées. Tous les pays du monde régularisent, y compris nos voisins italiens bien après la signature du pacte européen sur l'immigration et l'asile – ils ont même procédé à une régularisation massive de centaines de milliers de personnes. Mais cette majorité est passée du système de régularisation que nous proposons de rétablir à un système occulte. La question n'est pas l'opposition entre les pays qui régulariseraient et ceux qui ne le feraient pas, c'est celle de la justice et de la transparence.
J'ai le souvenir absolument traumatisant de l'été 2006, au cours duquel des enfants scolarisés et leurs familles ont été expulsés, ce qui a suscité un mouvement de protestation dans toute la France. De jour au lendemain, à l'énumération de critères précis a succédé une circulaire édictant des quotas. Le ministre de l'intérieur de l'époque a voulu mettre en place un seuil au-delà duquel la régularisation ne serait plus possible, si bien que, à situation égale, des familles restaient dans la peur et la clandestinité, quand d'autres en sortaient.
C'est cela que nous refusons. Nous proposons un système transparent fondé sur l'égalité de traitement qui permette de faire en sorte que, à situation égale, les possibilités de régularisation soient les mêmes. Il ne s'agit aucunement d'automaticité, contrairement à ce que vous dites.
Vous proposez la régularisation pour tous. Il faudra le redire aux élections !
À l'heure actuelle, comment les choses se passent-elles ? Dans chaque département où il y a afflux de demandes de régularisations, il existe une commission départementale du titre de séjour. Je participe à l'une d'elle et je peux vous dire que nous nous prononçons après un examen au cas par cas. C'est la raison pour laquelle il ne saurait y avoir de critères généraux. De surcroît, la transparence est totale puisque le compte rendu de l'avis que nous rendons au préfet est public.
Je reste persuadé que le ministre chargé de l'immigration et le ministre de l'intérieur reçoivent des préfets le résultat de ces commissions, avec des précisions sur le rejet ou l'acceptation des demandes de régularisation. Les choses sont donc très claires, point n'est besoin de critères généraux. En outre, les ministres doivent avoir les chiffres à leur disposition afin d'établir en fin d'année le nombre global de personnes régularisées.
Je ne partage pas l'analyse d'Étienne Pinte. Certes, les commissions départementales se déterminent au cas par cas, mais elles n'étudient pas tous les dossiers, certains ne leur étant pas soumis. Par ailleurs, il existe des disparités d'un département à l'autre en l'absence de critères objectifs. Cet amendement avait au moins le mérite d'en établir.
Et si c'est là le programme du parti socialiste, comme l'a demandé M. Goasguen, je serais tenté d'y souscrire, car il y aurait au moins une règle claire pour tout le monde.
Si nous régularisons les personnes qui vivent honnêtement sur notre territoire après cinq ans de résidence, comme cela s'est fait pendant un certain temps après un délai dix ans, nous disposerions au moins d'une règle applicable à tous, qui ne souffrirait d'aucune possibilité d'interprétation et d'aucune opacité. En deçà de cinq ans, il faudrait examiner le cas des personnes qui méritent ou non d'être régularisées en fonction d'autres critères. Cet amendement est donc légitime.
Et je ne suis pas d'accord avec M. Caresche, je pense que M. Chevènement reste le ministre de l'intérieur qui a procédé au plus grand nombre de régularisations, et j'en suis très content, même si j'ai voté contre la loi RESEDA.
Aujourd'hui, nous nous réjouissons certes quand une régularisation est octroyée, mais, bien souvent, nous constatons que, pour une même situation, les décisions peuvent être opposées, et qu'une demande de régularisation peut être rejetée alors même que la situation est plus favorable. Le système reste incompréhensible et opaque.
Pour la clarté de nos débats, je veux rappeler que, lorsque j'ai demandé si l'amendement n° 374 engageait le parti socialiste, Mme Mazetier, qui est sa secrétaire nationale à l'immigration, a répondu très clairement que oui. Autrement dit, cet amendement traduit la position du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Si cela vous gêne que je le dise, dites-nous pourquoi. Je comprends que cela vous embarrasse, car cette position a des conséquences importantes, sans compter que, comme Claude Goasguen l'a noté, il faudra nous expliquer comment vous ferez pour appliquer la condition selon laquelle une personne ne doit pas vivre en état de polygamie. Pour notre part, nous voulons combattre la polygamie dans les faits, mais nous n'avons pas voulu en faire un motif de déchéance de la nationalité.
Tant pis si cela vous gêne, mais je vais insister, car c'est la première fois que vous défendez une position claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je sens Christophe Caresche gêné et c'est bien normal, car je connais son sens des responsabilités : il est très ennuyé par ce que vous avez écrit.
Rassurez-vous, je vais y venir, aux chiffres.
Soyez cohérents dans les reproches que vous nous faites. Vous répétez sans cesse que le Gouvernement manque d'humanité, qu'il ne régularise plus, et Christophe Caresche explique finalement qu'il régularise encore plus que par le passé ! En commission des lois, Mme Mazetier m'a reproché de ne pas être assez efficace dans les reconduites à la frontière, exhumant le chiffre atteint sous la gauche, de plus de 60 %. Mettez donc vos arguments en cohérence et en ordre !
À chacune de vos prises de parole, vous dites, madame Mazetier : « le ministre refuse de répondre sur le nombre de régularisations » ; à chaque fois, je vous réponds. Je suis prêt à parier que vous utiliserez le même argument dans le prochain débat ; une nouvelle fois, je vous donnerai les mêmes chiffres : depuis 2007, sur la base de l'article 40 de la loi de novembre 2007, le nombre des régularisations par le travail est en moyenne de 2 500 par an, et les régularisations pour motif humanitaire fluctuent d'année en année entre 2 000 et 3 000.
Je ne peux pas vous laisser dire qu'il n'y aurait pas de critère pour les régularisations par le travail. Ils sont expressément indiqués dans l'article 40 de la loi de novembre 2007 que votre assemblée a votée : cinq années de séjour, un an d'ancienneté dans l'emploi, une promesse d'embauche dans un métier reconnu en tension d'une durée minimale d'un an notamment. Ensuite, une appréciation au cas par cas est faite sur la base d'une circulaire que j'ai récemment réécrite et publiée.
(L'amendement n° 374 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 538 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
La disposition qui prévoit la régularisation des mineurs étrangers confiés à l'ASE ainsi que la délivrance d'une carte de séjour « vie privée et familiale » comporte des conditions dont la plupart sont difficiles à remplir. Il en est ainsi du caractère réel et sérieux du suivi de la formation par le mineur et de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine. Ce sont deux choses absolument impossibles à vérifier. Par conséquent, nous vous proposons de supprimer purement et simplement cette mention.
S'agissant de la formation, pour y accéder, les mineurs étrangers doivent avoir un titre de travail. C'est encore une complication pour des mineurs de toute façon recueillis par l'ASE. Au lieu de multiplier les obstacles inutiles, mieux vaudrait faciliter leur insertion dans la vie adulte.
Cet amendement supprime la condition de formation qualifiante pour se contenter du critère de placement auprès du service de l'aide sociale à l'enfance. Le dispositif actuel apparaît plus encadré. Le législateur doit veiller à ne pas mettre en place spécifiquement pour cette catégorie de population, dont l'âge est parfois difficile à établir et dont les flux migratoires s'accroissent significativement, des mécanismes de régularisation trop permissifs.
Pour ce qui concerne les mineurs victimes de réseaux mafieux, les autorités préfectorales examinent, avec bienveillance, au cas par cas leur situation. La prudence est de mise en la matière car il est parfois difficile de discerner les mineurs exploités des mineurs qui ont eu recours à des passeurs dans l'espoir d'un avenir meilleur, en violation des règles de l'entrée et du séjour. Mieux vaut donc se garder de figer les règles applicables dans la loi et laisser, une fois de plus, les autorités administratives gérer en fonction des situations, au cas par cas, ce type de problème. Avis défavorable.
(L'amendement n° 538 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement, rédactionnel également, n° 10.
(L'amendement n° 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 17 bis, amendé, est adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à M. Étienne Pinte.
J'ai proposé, avec ma collègue Françoise Hostalier, de supprimer cet article.
La régularisation pour raisons médicales concerne actuellement les étrangers gravement malades qui ne peuvent effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine et qui résident habituellement en France. S'interroger sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé est dénué d'intérêt si l'on ne prend pas soin de vérifier qu'il y aura accès. Dans beaucoup de pays, les traitements existent, mais ils sont malheureusement réservés à ceux qui ont des moyens, c'est-à-dire très souvent à l'élite. Si le traitement existe et que l'intéressé ne peut y accéder en pratique, les conséquences d'une exceptionnelle gravité sont inéluctables : aggravation de la pathologie, progression des complications, voire décès.
La suppression du droit au séjour des personnes vivant en France et atteintes d'une maladie dont l'évolution risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité conduirait à deux types de situation : certaines repartiront ou seront renvoyées dans leur pays d'origine, avec les risques que cela comporte pour elles-mêmes mais également pour les autres ; certaines resteront en France, en situation de très grande précarité, avec pour conséquence que le défaut de prise en charge ou la prise en charge tardive entraînera des complications, donc des surcoûts.
Je précise que 90 % des personnes qui demandent à être régularisées pour des raisons médicales ne découvrent leur pathologie qu'une fois arrivées en France.
L'article 17 ter est d'une exceptionnelle gravité, M. Pinte l'a souligné, dans la mesure où il fait de l'existence d'un traitement la condition sine qua non pour l'obtention du titre de séjour « soins médicaux » en France. Il s'agit en fait d'un amendement que M. Mariani a introduit au cours de la discussion en commission – alors que le Gouvernement n'y avait peut-être pas songé jusque-là –, ayant fait la pénible découverte de la jurisprudence plus favorable du Conseil d'État, datée du 7 avril 2010 et selon laquelle, si le traitement n'est pas accessible dans son pays d'origine, la personne est autorisée à se soigner en France.
Entrons dans le détail et attachons-nous notamment au mot « inaccessible » d'un point de vue casuistique. Bien évidemment, tous les traitements sont accessibles dans tous les pays du monde. À l'heure de la mondialisation des connaissances médicales et pharmaceutiques, même dans le plus pauvre des 182 pays, vous trouverez, dans une pharmacie, dans une clinique privée, dans un hôpital –rarement public, plutôt un de ceux réservés aux dirigeants, à l'élite ou à ceux qui peuvent payer – tous les traitements accessibles dans les pays développés. N'importe quelle pharmacie officielle d'Afrique peut vous proposer tous les médicaments essentiels, même si c'est en petites quantités. Mais si vous demandez au pharmacien qui peut y avoir accès, il vous répondra qu'ils sont très peu : les expatriés, les gens qui ont des moyens, les membres du palais présidentiel. En posant, donc, comme condition que le traitement existe dans le pays d'origine, vous n'aurez plus personne ici.
Une interprétation large ne signifierait pas non plus que tout le monde pourrait venir se faire soigner dans notre pays. D'autant que la pratique est extraordinairement contrôlée. Toute personne demandant un titre de séjour pour être soignée doit fournir un certificat médical, mais pas un certificat signé par un médecin traitant – ce que, en tant qu'ancien médecin de quartier, je regrette. On exige un certificat, à Paris, d'un chef de service de l'Assistance publique, accompagné d'examens. À Paris toujours, ce dossier médical est ensuite visé par le médecin-chef de la préfecture de police, qui n'a pas la réputation d'être laxiste. Celui-ci fouille dans le détail, regarde les traitements, et même les possibilités en fonction de la ville où habite la personne, car il existe aussi des différences d'accès géographique.
Il ne s'agit donc pas d'un système incontrôlé et incontrôlable que la jurisprudence récente du Conseil d'État permettrait de tourner pour se retrouver avec des centaines de milliers de gens qui viendraient se faire soigner gratuitement en France. Si l'on voulait sous-entendre que les étrangers coûtent très cher à l'assuré social français, ce n'est en tout cas pas ceux-là, puisque ces titres de séjour particuliers sont examinés avec soin et sévérité, et ne sont pas facilement accessibles.
Ce qui me frappe, comme M. Pinte l'a dit, c'est que l'on va se retrouver en France avec des gens malades qui, ne pouvant pas se faire soigner, resteront dans la clandestinité médicale et, s'ils sont atteints de maladie contagieuse – tuberculose ou affection liée au VIH –, seront plus dangereux que s'ils étaient soignés. L'article va donc totalement à l'encontre d'un but de santé publique ou humaniste, et il risque de nous entraîner dans des difficultés incommensurables du point de vue de la santé publique.
Je considère, monsieur le président, avoir défendu notre amendement de suppression.
La disposition qui permet à la France d'accueillir des étrangers gravement malades avait été intégrée dans la législation française en 1997 par l'actuel président du Conseil constitutionnel. Elle apparaît équilibrée dès lors qu'elle prend en compte l'éloignement de ces étrangers de l'offre de soins, même si elle est effective, dans leur pays. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a une différence entre l'existence d'un traitement et l'accès effectif à celui-ci. Cette différence tient, entre autres, à l'état des structures sanitaires du pays, à leur capacité d'accueil en nombre de lits, à leur répartition sur le territoire, à l'état du stock de médicaments, à la formation des personnels de santé et, élément essentiel, à la prise en charge financière de ces traitements, qui sont le plus souvent réservés aux élites et aux expatriés.
L'existence ou non d'un traitement dans le pays d'origine ne garantit en rien que la personne malade l'obtienne. Comment pouvons-nous accepter que, pour celle-ci, ce soit la mort à brève échéance ? Monsieur le ministre, à propos d'humanité, est-ce dans ce but que M. Mariani essaie de faire croire que soigner des étrangers fera exploser les déficits de la sécurité sociale ? Les médecins qui les soignent et les associations qui les reçoivent et les accompagnent font un travail admirable. Tout comme elles l'ont fait auprès de nous, elles ont dû vous demander comment le pays des droits de l'homme peut refuser un étranger malade alors qu'il risque de mourir dans son pays d'origine faute de soins.
Depuis le début de l'examen de ce texte, on entend parler de fraude, de trou de la sécu, dont nous examinerons le projet de loi de financement dans quelques semaines. Si vous nous donniez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le nombre de personnes étrangères se faisant soigner dans ce pays, on verrait que ce ne sont pas elles qui sont à l'origine des déficits structurels de l'assurance maladie accumulés depuis des années par vos gouvernements successifs.
En second lieu, voyez quel est l'apport des médecins étrangers à notre système de santé, sans que, d'ailleurs, dans de nombreux hôpitaux, leurs diplômes soient pleinement reconnus ni qu'ils soient rémunérés à la hauteur de leur contribution. J'ai le sentiment que le coût de l'aide médicale d'État et des autorisations de séjour pour soins paraît bien plus supportable, si on le met en regard de cet apport. Comparez le coût d'une garde aux urgences par un médecin étranger et par un médecin français et vous verrez combien la différence est importante.
Dans ma permanence de l'est parisien, zone d'immigration et de métissage bien connue, j'ai reçu ces derniers mois quelques personnes ayant obtenu une carte de séjour pour soins. Je n'ai jamais eu l'impression que ces malades tentaient de profiter des largesses de la France. En réalité, ils n'avaient pas d'autre choix que de venir se faire soigner sur notre territoire. Leurs histoires, je vous les ai rapportées, monsieur le ministre, et je vous ai écrit pour solliciter votre intervention. Permettez-moi de vous citer deux cas récents.
C'est d'abord celui d'un jeune homme de nationalité algérienne entré en France afin d'y être soigné des séquelles d'une poliomyélite dans l'enfance. Six ans plus tard, le médecin agréé estime que sa maladie pourra être traitée dans son pays d'origine.
Or cette maladie nécessite des interventions chirurgicales constantes, et elle est en outre invalidante sur le plan moteur et neurologique.
En France, il commençait à construire sa vie, accompagné de sa mère qui se battait pour lui trouver une place dans la société, notamment grâce à une formation professionnelle adaptée à sa situation.
Il avait fini par en décrocher une lorsque l'avis médical est tombé, assorti d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière – avec ses problèmes moteurs et neurologiques, il allait s'enfuir, bien sûr !
L'administration française a oublié deux choses. D'une part, que les soins seraient de qualité très inférieure dans son pays et que ces soins doivent lui être prodigués jusqu'à sa mort – ce qui, malheureusement n'est qu'une question de quelques années. D'autre part, que son handicap lui fermait l'accès à toute forme de vie sociale, alors qu'il vit en France depuis plus de six ans. Il commençait à bien s'intégrer et c'est dommage de le renvoyer.
L'autre cas est celui d'un homme arrivé à 26 ans. Il travaille, il est ingénieur agricole, et il apprend qu'il souffre d'un cancer.
Ils sont des centaines de milliers comme cela. Ça peut durer des heures !
Le diagnostic tardif est confirmé dans son propre pays, mais on le transfère dans un hôpital parisien. Il subit une ablation lourde et il en est à son troisième cancer. Il vit ici depuis cinq ans, il a bénéficié d'un suivi social. Voilà qu'il reçoit, il y a quelques jours, une injonction de quitter le territoire français.
Ces deux personnes n'ont plus longtemps à vivre. Le texte durcit encore les dispositions existantes. Comme l'a dit Serge Blisko, on va créer des situations terribles.
Monsieur le président, je vous remercie d'être souvent bienveillant à mon égard. Le temps de parole imparti pèse sur moi comme une épée de Damoclès, mais vous faites en sorte que je puisse toujours m'exprimer. (Sourires.)
Le projet que nous examinons a un aspect positif : il transpose trois directives européennes. Je suis de ceux qui ont souffert que le droit européen soit transposé par ordonnances, sans débat au Parlement. C'est donc une bonne chose.
Ensuite, si l'on me permet de digresser quelque peu, je laisserai parler mon idéalisme maladroit. Président de l'association des montagnes du monde, j'ai accueilli pendant huit jours les représentants de 39 pays, venant des cinq continents. Au passage, je remercie l'État, qui a payé un tiers des dépenses. J'ai vu au cours de ce congrès, et je le constate aussi lors des mes déplacements, que la France continue a être très aimée dans le monde. C'est une petite lumière qui donne confiance.
Cela me conduit à réfléchir au comportement des pays occidentaux. Car la France est loin d'être seule à pratiquer une sorte d'ultra-protectionnisme, certainement dicté par la réalité, mais qui, selon moi, sera contre-productif pour atteindre ce que nous recherchons, l'harmonie et la stabilité de nos pays et la paix dans le monde. Je suis intimement convaincu que c'est tout le contraire qu'il faudrait faire, et que les énormes moyens dont nous pourrions disposer, si nous le décidions, nous permettraient de relever le défi.
Je suis de ceux qui pensent qu'il faut aider les populations nées en Afrique, dans l'Himalaya, en Amérique du sud ou ailleurs à rester chez elles. Pour cela, il faut leur rendre la vie plus facile et leur permettre de se développer dans la dignité.
C'est facile à dire, me répondra-t-on. Certes. Mais très sincèrement, c'est ce qu'il faut faire. Ce n'est pas vous, monsieur le ministre, ou vos homologues qui conduisent une politique semblable qui êtes en cause. Il y va d'une vision générale de l'avenir du monde. Notre planète n'a jamais été aussi peuplée et elle le sera de plus en plus. Les populations n'ont jamais été aussi concentrées. Selon une étude de l'OCDE, d'ici trente ans, il y aura une trentaine de villes de cinquante millions d'habitants.
Si nous voulons trouver une solution durable, compte tenu de l'image qui est encore celle de la France, nous devrions prendre l'initiative d'une politique d'intégration mondiale.
Aujourd'hui, la mondialisation fait peur. Les institutions comme le FMI, la Banque mondiale, l'OMC ne sont pas politiques mais purement techniques, et même technocratiques, et elles ne régulent rien. L'humain est totalement perdu de vue. Or il n'y a rien de plus cher pour un homme, sauf s'il est aventurier ou aime voyager, que de vivre là où il est né. Lorsqu'il ferme les yeux pour la dernière fois, c'est le souvenir qu'il emporte.
Il ne faut donc pas poursuivre dans cette voie où nous ferons des faux pas. Il faut suivre un chemin inverse. Ce sera difficile, mais les pays occidentaux ont encore les moyens et peut-être le temps de prendre l'initiative d'une tout autre démarche, exempte de tout esprit de colonisation, de toute incitation au fanatisme, mais qui cherche à faire donner à chaque homme ce qu'il a de meilleur, quel que soit le lieu où il habite.
Cet article qui traite de la santé me paraît dangereux. Où cela peut-il nous entraîner ? Si quelqu'un, quelle que soit son origine, sa race, sa couleur, ne peut pas se faire soigner là où il se trouve, nous aurons un jour beaucoup de problèmes.
Enfin, un terme est vraiment mal accepté dans les pays où je me déplace, celui d'immigration choisie, en particulier chez les jeunes. Nous allons laisser venir à nous ceux qui ont eu la chance de pouvoir étudier, les mieux nantis de ces sociétés, et refouler les autres. Peut-être mon propos est-il idéaliste, voire surréaliste, mais ces problèmes me préoccupent beaucoup. Il est grand temps de changer d'orientation. La France des Lumières, celle de l'humanisme, peut le faire. C'est peut-être une façon de soustraire nos enfants, auxquels nous pensons si souvent, à une troisième guerre mondiale.
En tant que membre du groupe d'études sur le sida de notre assemblée, je voudrais d'abord rappeler que 6000 personnes meurent chaque jour dans le monde de cette maladie. Face à ce chiffre, les quelques personnes admises à venir se faire soigner en France ne représentent même pas une goutte d'eau.
Le rapporteur a proposé qu'elles ne puissent bénéficier d'un traitement que si celui-ci n'existe pas dans leur pays. Le Gouvernement, dans sa grande bonté, propose par amendement de ne le permettre que si ce traitement est indisponible.
Même s'il y a eu de grands progrès partout dans le traitement, 60 % des personnes qui vivent avec le virus n'ont toujours pas accès aux soins. Les médicaments disponibles dans les pays pauvres sont exclusivement des médicaments de première génération, très toxiques, à l'efficacité provisoire ; de toute façon, qu'ils soient disponibles ne signifie pas que les malades y ont vraiment accès.
Dans un arrêt du 7 avril 2010, le Conseil d'État, invoquant une loi de 1998, a estimé qu'il fallait tenir compte des coûts du traitement ou de l'absence de prise en charge adaptée qui empêcherait le malade d'y accéder effectivement. C'est cet arrêt que vous cherchez à contourner. Dans sa séance du 16 septembre 2010, le Conseil national du sida a estimé « devoir alerter le législateur sur le caractère très préjudiciable de l'évolution législative envisagée, dont l'impact affecterait profondément le droit des personnes concernées, mais également la santé publique et la maîtrise des dépenses de santé. »
Le Gouvernement propose de remplacer le mot « inexistence » par le mot « indisponibilité », mais quelle est la différence ? Veut-on parler de la disponibilité par rapport au nombre de malades que compte le pays ? Pense-t-on à l'accessibilité quelle que soit la distance entre le malade et le lieu du pays où il peut trouver un traitement ? L'accessibilité, certes, mais en fonction de quels revenus ?
Un traitement peut très bien être accessible uniquement sur certains points d'un territoire – généralement la capitale –, et pour le seul usage des élites des pays concernés, mais, dans ce cas, monsieur le ministre, votre proposition est tout simplement cynique.
En fait, l'amendement vise tout simplement à vous permettre de retrouver une virginité après l'émoi exprimé à l'énoncé de la proposition du rapporteur, tant par les associations de malades du sida que par le Conseil national du sida. Vous faites mine d'avoir entendu les protestations et de reculer, mais ce recul est totalement fictif. La situation reste la même quel que soit le mot retenu : « inexistence » ou « indisponibilité ». Demain, vous pourrez refuser aux malades qui se trouvent actuellement en France un renouvellement de leur titre de séjour, vous pourrez même opposer un refus à une première demande. Vous pourrez toujours les renvoyer dans leur pays au motif que des médicaments y sont disponibles. Et, effectivement, ils le seront, mais seulement pour ceux qui ont les moyens de les payer et pour ceux qui habitent la capitale.
Monsieur le ministre, votre amendement ne constitue donc absolument pas une amélioration par rapport au texte défendu par le rapporteur. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un recul par rapport au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, actuellement en vigueur. C'est surtout un gigantesque recul par rapport à la décision du Conseil d'État du 7 avril 2010.
C'est, entre autres, pour cette raison que cette question a ému le Conseil national du sida et le groupe d'études sur le sida de l'Assemblée nationale, saisi par le Conseil national et par les associations de malades.
Évidemment, la démonstration que je viens de faire pour le sida vaut pour les autres maladies graves. En conséquence, monsieur le ministre, je vous demande de revenir sur l'article 17 ter, introduit dans le projet de loi par le rapporteur, et sur votre propre amendement.
On peut dire que le ministre de l'immigration et de l'identité nationale est le champion de l'escamotage lexical. Il constate que l'article introduit dans le projet de loi par le rapporteur choque, à juste titre ; il trouve donc une porte de sortie en proposant d'employer une rédaction différente mais qui, comme vient de le dire Martine Billard, ne change rien à la situation des personnes gravement malades.
Monsieur le ministre, puisque vous êtes dans la majorité maintenant, peut-être pourriez-vous vous souvenir que la protection des personnes gravement malades et l'interdiction de les expulser du territoire remontent à une loi de 1997 : la loi Debré ? En 1998, ce texte a été complété par la loi Chevènement qui l'aménage en prévoyant la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour les personnes gravement malades sous réserve qu'elles ne puissent « effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont elles sont originaires ». Cela a été confirmé, en avril 2010, par une décision du Conseil d'État dans une interprétation que notre rapporteur a qualifié de « très généreuse ». Non, le Conseil d'État n'a pas été très généreux ; il s'est contenté, dans l'esprit de la loi, de confirmer les textes de 1997…
…et de 1998.
Treize ans après, précisément, vous prétendez que le nombre de personnes concernées n'est pas stabilisé : c'est une contrevérité. Selon les dernières données disponibles à la fin de l'année 2008 – je n'invente pas ces chiffres –, le nombre d'étrangers malades régularisés s'est stabilisé autour de vingt-huit mille personnes, ce qui représente 0,8 % des 3 500 000 étrangers présents en France.
La mesure que vous voulez prendre est gravissime. Martine Billard a déjà cité le Conseil national du sida qui affirme également que « dans le cas de l'infection au VIH, mais pour de nombreuses autres pathologies également, le problème n'est plus aujourd'hui celui de l'existence des traitements appropriés dans le pays d'origine mais uniquement celui de leur accessibilité ». Serge Blisko l'a parfaitement expliqué : des produits peuvent exister dans votre pays d'origine pour vous soigner ; mais vous n'y avez pas d'accès si vous êtes trop pauvre ; ils sont réservés aux plus nantis.
Quant à l'interruption du traitement, dans le cas du sida, le Conseil national précise qu'elle peut conduire « à terme à une issue fatale », c'est-à-dire qu'elle correspond à une sorte de condamnation à mort pour raisons administratives.
Refuser le droit au séjour à des étrangers gravement malades qui vivent en France au motif que le traitement requis par leur état de santé « existe » dans leur pays d'origine peut aboutir à deux types de situations que nous dénonçons.
Certaines personnes repartiront ou seront renvoyées dans leur pays d'origine malgré le risque d'une mort à plus ou moins brève échéance.
D'autres personnes resteront en France en situation de très grande précarité, dépendantes des aides caritatives. Qu'il s'agisse de malades atteints du VIH, d'hépatites, de cancers, de diabètes ou de tuberculose, elles seront encore plus fragilisées et elles pourront faire courir un risque sanitaire en totale contradiction avec le principe fondateur – qui, certes, n'est pas toujours mis en oeuvre – de la politique sanitaire française : la prévention. Il y aurait non seulement mise en danger du malade lui-même mais aussi d'autrui.
Il est assez choquant d'avoir entendu notre rapporteur affirmer que la loi de 1998 ouvre « un droit au séjour potentiel à tout étranger ressortissant d'un pays ne bénéficiant pas d'un système d'assurance sociale comparable au nôtre ». Je veux tout de même lui signaler, ainsi qu'à M. le ministre, que la migration pour raison médicale reste une exception, plus de 90 % des personnes concernées ayant découvert leur maladie à l'occasion d'un examen médical pratiqué en France alors qu'elles y résidaient déjà.
Cette donnée est confirmée par l'INSERM, une enquête VESPA, des rapports du COMEDE, le comité médical pour les exilés, et l'observatoire européen de l'accès aux soins de Médecins du monde.
L'article 17 ter est gravissime ; on pourrait parler d'un article scélérat, même s'il a été nuancé par l'amendement défendu par le ministre avec des mots qui ne changent pourtant rien à l'esprit de la mesure.
Voilà pourquoi nous sommes nombreux à intervenir sur les bancs de l'opposition, rejoints par quelques rares collègues de la majorité, pour vous dire : s'il vous plaît, supprimez l'article 17 ter ; ne mettez pas en danger la vie de quelques milliers de personnes qui vivent sur notre territoire !
Je vais aller à l'encontre des propos que vient de tenir M. Mamère.
Je rappelle que la condition de résidence habituelle figure aujourd'hui dans la loi.
Y figure également la mention suivante : « sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ». Or ces quelques mots, qui semblent limpides, ont donné lieu à, au moins, cent cinquante actions devant les cours d'appel administratives pour les motifs les plus divers et les plus variés. De toute évidence, la loi en vigueur n'est pas suffisamment claire car la jurisprudence part dans tous les sens. Or il est précisément de notre devoir de clarifier la loi.
Je précise à M. Mamère qu'en cas de départ forcé, le juge examine au cas par cas si un retour est susceptible d'aggraver dangereusement la maladie de la personne concernée ; sur cette question la jurisprudence est constante et abondante.
Finalement, soit nous poursuivons et laissons évoluer le savant mélange d'une jurisprudence qui va enfler avec le temps – 28 000 personnes : on nous dit que ce n'est rien, mais ce n'est tout de même pas négligeable ; et songez que cela représente aussi des moyens considérables –, soit nous répondons aux attentes de tribunaux, ce qui est notre devoir.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre amendement et le terme « indisponibilité ». En fait, il ne change pas grand-chose…
Si nous légiférons en remplaçant le texte actuellement en vigueur – « sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier » – par « sous réserve de l'indisponibilité », cela donnera naissance à une jurisprudence tout aussi abondante et complexe que celle qui existe aujourd'hui.
Par exemple, des jurisprudences contradictoires traitent le cas de l'individu qui n'a pas les moyens de se faire soigner dans son pays. Selon certains arrêts la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » doit être délivrée de plein droit, selon d'autres ce n'est pas le cas. Le code est rempli de ces cas contradictoires.
Pour ma part, j'estime que si nous modifions la loi, il faut en profiter pour écrire un texte clair. Or la notion d'inexistence me paraissait claire et sans ambiguïté.
Monsieur Roman, vous avez été président de la commission des lois, vous ne me direz pas le contraire : la loi est faite pour donner aux magistrats une direction qui leur permette de juger dans les meilleures conditions. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Je suis peut-être un juriste étriqué, mais l'amendement du Gouvernement – sans doute déposé dans une ultime crainte rédactionnelle – ne me semble pas être suffisamment éclairant pour les tribunaux. Permettez-moi d'allez à l'encontre des bien-pensants et des vertueux qui siègent sur tous les bancs de cet hémicycle : dans l'intérêt même de la clarification de la loi, je préfère que nous nous en tenions à l'article 17 ter.
Si le Gouvernement à décidé de craindre quelques remarques désagréables de la part des vertueux, je le comprends et je le suivrai, mais il faut qu'il sache que la jurisprudence qui découlera de son amendement sera aussi abondante que celle qui est produite aujourd'hui.
N'étant pas juriste, j'ai une approche différente et, comme Étienne Pinte, j'ai déposé un amendement de suppression de l'article 17 ter.
J'ai d'abord réagi comme un député de base. En effet, comme nous tous, je reçois des gens ; ils nous parlent de travail, de logement et de papiers. Il faut bien reconnaître que, de temps en temps, le dispositif actuel permettant d'obtenir un titre de séjour pour maladie grave est bien utile pour répondre à ceux qui nous arrivent très malades.
On peut le vivre comme on veut, mais l'article 17 ter, dans sa rédaction actuelle, constitue objectivement une régression. La modification qu'il apporte au 11° de l'article L. 313-11 va resserrer les mailles du dispositif en vigueur.
On peut être dans la majorité présidentielle et être raisonnable. Ni Étienne Pinte ni moi n'avons voté la régularisation des immigrés après cinq ans, il n'en demeure pas moins que l'article 17 ter est grave. N'est-ce pas l'honneur de la France de dire : nous allons soigner les 28 000 personnes concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quelle est notre culture ? Chacun a ses références culturelles. Moi, j'ai été éduqué et programmé en écoutant : « J'étais étranger, et vous m'avez accueilli. » Il y avait aussi la parabole du bon Samaritain ; cela me parle, et tant pis si cela en fait rire certains ici. Je crois que c'est l'honneur de la France de soigner ces 28 000 personnes.
En parlant de « l'inexistence » des traitements, nous sommes dans l'hypocrisie. Nous ferions bien de régler le problème de manière claire et d'affirmer que notre pays soigne les personnes en situation irrégulière gravement malades. Ce serait l'honneur de la France ; elle peut se payer une telle mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Bien qu'étant un vertueux bien-pensant, comme dit Claude Goasguen, il m'arrive d'écouter les discours de Nicolas Sarkozy.
Je me souviens ainsi de l'une de ses interventions dans une université américaine, peu avant que le Président Obama ne présente sa loi sur la sécurité sociale, dans laquelle il avait expliqué aux étudiants américains que s'il leur arrivait quoi que ce soit en France, ils seraient soignés. J'espère que ce qui est possible pour les étudiants américains l'est pour le reste de l'humanité.
Au demeurant, je précise, afin de souligner le côté ubuesque de cette disposition, qu'aux termes de l'article 17 ter, un Américain ne pourrait probablement pas être soigné en France puisque la technologie médicale est suffisamment développée aux États-Unis. C'est tout de même terrible.
L'article concerne les cartes de séjour, pas l'accès aux soins. Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! C'est une caricature ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Votre amendement n'est vraiment pas brillant, monsieur Mariani, et cela explique certainement votre colère et votre énervement.
Monsieur Mariani, nous avons deux lectures différentes du texte.
Monsieur le ministre, j'ai indiqué que ce texte faisait l'impasse sur le codéveloppement. Vous m'avez répondu que, dans un discours à l'ONU, le Président de la République avait fait un certain nombre de propositions en la matière. Mais, ainsi que l'a rappelé tout à l'heure Mme Hoffmann-Rispal, face au manque criant de médecins en France, en particulier de médecins hospitaliers, nous faisons appel à de nombreux médecins étrangers.
Nous allons ainsi aboutir à une situation aberrante, qui relève d'une logique inverse de celle du codéveloppement, puisque des étrangers vont être soignés en France par des médecins qui sont leurs compatriotes mais qui n'exercent pas dans leur pays d'origine. L'article 17 ter est renversant, à cet égard.
Nougaro, je crois, disait qu'il n'y avait pas de races d'homme mais des races d'âme. Eh bien, depuis dix minutes, vous n'avez pas une très belle âme, monsieur Mariani. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Hutin a raison. C'est une honte, il n'y a pas d'autre terme ! (Mêmes mouvements.)
Lisez le code. Vous dites n'importe quoi. Il y en a marre de vos leçons !
Il ne s'agit pas d'une question juridique. La vie de personnes est en jeu !
Mes chers collègues, je souhaiterais vous rappeler la genèse de l'article 17 ter.
La loi du 11 mai 1998 a permis de délivrer une carte de séjour temporaire à un étranger lorsque son « état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ». La décision d'admission au séjour est prise par le préfet après avis du médecin de l'ARS compétente ou, à Paris, du médecin chef de la préfecture de police.
Les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire accordée en raison de l'état de santé faisaient l'objet d'une interprétation du Conseil d'État, selon laquelle « la circonstance que [le requérant] serait originaire d'une région éloignée des structures médicales appropriées et qu'il aurait des difficultés financières à assumer la charge du traitement de sa maladie [dans son pays d'origine] est, en tout état de cause, sans incidence sur l'existence de soins appropriés à sa pathologie dans son pays d'origine ». Le juge administratif vérifiait donc l'existence ou non de soins appropriés à la pathologie dans le pays d'origine.
Cette position rejoignait d'ailleurs celle de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a validé l'expulsion d'une ressortissante ougandaise séropositive du Royaume-Uni vers son pays d'origine, estimant que « l'article 3 ne fait pas obligation à l'État contractant de pallier lesdites disparités [socio-économiques entre les pays] en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire ».
Les conditions de mise en oeuvre de cette disposition ont été profondément modifiées par un revirement jurisprudentiel du Conseil d'État dans deux décisions du 7 avril 2010, par lesquelles la Haute juridiction estime que la condition d'accès « effectif » aux soins exige que l'administration vérifie que, si un tel traitement existe, il soit accessible à la généralité de la population « eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement ».
Cette interprétation, ma foi fort généreuse, fait peser une obligation déraisonnable sur le système de santé français, ouvrant un droit au séjour potentiel à tout étranger ressortissant d'un pays ne bénéficiant pas d'un système d'assurance sociale comparable au nôtre. Le présent article vise donc à mieux encadrer les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire accordée en raison de l'état de santé, en reprenant dans la loi l'interprétation initiale de cette disposition par le Conseil d'État.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 55 , 187 , 382 et 434 , tendant à supprimer l'article 17 ter.
Je considère que ces amendements ont été défendus.
Avant de donner la parole au rapporteur, je vous informe, mes chers collègues, que, sur le vote de l'article 17 ter, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression ?
Mes chers collègues, les réactions que suscite cet article sont typiques des postures qui visent à caricaturer les positions de la droite.
La loi RESEDA, c'est-à-dire la loi Chevènement, que vous avez votée, chers collègues de l'opposition, a créé la carte de séjour « étranger malade » délivrée aux étrangers dont « l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. »
Depuis 1998, le Conseil d'État se contentait de vérifier l'existence ou non de soins appropriés à la pathologie dans le pays d'origine, cette position rejoignant celle de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a estimé, dans un arrêt de 2008, que « les États n'avaient pas à pallier les disparités socio-économiques entre les pays en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur leur territoire. »
Quelle est la situation aujourd'hui ? Si mes informations sont exactes, 5 945 cartes de séjour vie privée et familiale au motif d'étranger malade ont été délivrés en 2009. Au total, 29 584 sont en circulation. Si l'article 17 ter est voté, rien ne changera. (« Si ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ou vous n'avez pas compris ou vous êtes de mauvaise foi. L'article 17 ter revient à l'interprétation de la loi RESEDA telle que vous l'avez votée et appliquée pendant des années. Elle a donné lieu à la délivrance de 29 580 cartes et, je le répète, l'adoption de l'article 17 ter ne changera rien. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le temps que les uns et les autres recouvrent leur sang froid, je vous informe que, sur le vote des amendements nos 55 , 187 , 382 et 434 , je suis également saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quelle est la nouveauté ? Le Gouvernement a déposé son projet de loi en mars. Le 7 avril 2010, ainsi que l'a excellemment rappelé notre collègue Éric Diard, est intervenu un revirement de jurisprudence du Conseil d'État, qui vérifie désormais que, si un traitement existe, il soit accessible à la généralité de la population, « eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence du mode de prise en charge adapté, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité les circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement. » Cette position est fort généreuse, mais elle revient à mettre potentiellement à la charge de notre pays la prise en charge sanitaire d'une partie très importante de la population qui viendrait à se trouver sur notre territoire et qui ne dispose pas, dans son pays, d'un système de sécurité sociale comparable au nôtre. Cette interprétation est d'ailleurs paradoxale par rapport à la situation des ressortissants de l'Union européenne, au droit de séjour desquels il peut être mis fin s'ils constituent une charge pour le système d'aide sociale.
L'article 17 ter propose donc seulement de revenir à l'interprétation raisonnable de la notion d'accès aux soins dans le cadre de la délivrance de la carte de séjour « étranger malade », telle qu'elle existait jusqu'au 7 avril 2010.
Madame Billard, pour les malades du sida, l'adoption de cet article ne changera rien. En effet, la procédure de délivrance de la carte « étranger malade » à leur égard est précisée par une circulaire de septembre 2005 adressée aux médecins inspecteurs de santé publique par le ministère de la santé.
Que faites-vous de la hiérarchie des normes de droit ? Si la loi est adoptée, cette circulaire ne vaudra plus rien !
Cette circulaire leur demande de considérer que les traitements anti-rétroviraux sont inaccessibles dans l'ensemble des pays en développement. Or, au moment où cette circulaire a été publiée, le revirement de la jurisprudence du Conseil d'État n'était pas intervenu. On peut donc sans problème revenir sur cette jurisprudence, conditionner la délivrance d'une carte de séjour par l'indisponibilité du traitement, sans que cela conduise à reconduire les malades du sida à la frontière, comme vous le laissez entendre.
Monsieur Hutin, vous confondez droit de séjour et accès aux soins. Il n'a jamais été dit que l'on refuserait de soigner un étranger présent sur notre territoire. En revanche, le fait d'être malade sur notre territoire et d'être le ressortissant d'un pays dont le système social est plus défavorable qu'en France ne doit pas donner systématiquement accès à une carte de séjour.
En conclusion, je suis parlementaire depuis 1993 et je considère que c'est au Parlement de faire la loi. Le Conseil d'État peut et doit parfois donner son interprétation mais, lorsque celle-ci change, c'est au Parlement de s'exprimer. Voter l'article 17 ter, qui est issu d'un amendement d'initiative parlementaire, c'est en rester à la loi telle qu'elle était appliquée jusqu'en avril 2010.
Supprimer l'article 17 ter, c'est dire très clairement que désormais, tout étranger se trouvant sur notre territoire et dont le pays n'est pas doté d'un système social aussi généreux que celui de la France pourra prétendre à une carte d'étranger malade. Quand M. Blisko affirme que les chiffres n'ont pas augmenté, il a raison : la jurisprudence ne datant que du 7 avril 2010, son impact ne se fait pas encore sentir au niveau des préfectures. Je dis simplement que si l'on doit entériner cette jurisprudence, je préfère que ce soit par un vote solennel au sein de notre assemblée, un vote dont nous prendrons la responsabilité.
Enfin, je veux dire à M. Lassalle que j'ai été très sensible à son plaidoyer. Je crois que chaque parlementaire, quelle que soit sa position dans l'hémicycle, a un côté humaniste, et je vous comprends, cher collègue, quand vous dites qu'il faut aider tout le monde. Cependant, quand je rencontre, dans ma circonscription, des retraités agricoles qui ont travaillé toute leur vie – vous rencontrez très certainement les mêmes personnes dans votre propre circonscription – et à qui la sécurité sociale dérembourse déjà des médicaments (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), je n'ai pas envie d'être obligé de leur annoncer, demain, que l'implosion des dépenses de maladie et l'impossibilité pour la sécurité sociale d'atteindre son équilibre budgétaire nécessitent de nouveaux déremboursements. (Même mouvements.)
Cet amendement de suppression vise à ce que l'Assemblée se prononce clairement sur ce point : souhaite-t-on que la sécurité sociale française ait vocation à bénéficier à tous les étrangers se trouvant, à un moment donné, sur le territoire français ?
Si c'est ce que l'on veut, il faut voter la suppression de l'article 17 ter.
Et puis quoi encore ? Pourquoi ne pas supprimer la nationalité française, pendant que nous y sommes ?
Comme l'a dit M. le rapporteur, il semble que plusieurs des orateurs du groupe socialiste, ainsi que Jean Dionis du Séjour, confondent l'accès aux soins – auquel ce projet de loi ne change strictement rien – et la délivrance aux étrangers malades du titre de séjour, dont les conditions sont précisées par le projet de loi. Je veux donc rappeler clairement que les étrangers en situation irrégulière ont accès aux soins au même titre que les étrangers en situation régulière, grâce à l'aide médicale d'État – d'un coût important, comme l'a dit Claude Goasguen, puisqu'il s'élève à 550 millions d'euros.
Ce dont nous parlons, ce n'est pas de l'accès aux soins, mais de la délivrance d'un titre de séjour au seul motif de l'existence d'une pathologie.
L'amendement du rapporteur, devenu l'article 17 ter, nous donne l'occasion de faire le point sur ce sujet, d'en débattre de bonne foi et de lever, je l'espère, les inquiétudes et les doutes qui ont pu surgir. Je rappelle qu'avant 1997 aucun titre de séjour ne pouvait être délivré à un ressortissant étranger sur le seul fondement d'une maladie. Les étrangers le plus gravement atteints n'étaient ni éloignables, ni régularisables, et se trouvaient donc dans un statut précaire. C'est la loi du 27 avril 1997, présentée par Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur, qui a créé le premier titre de séjour dédié aux ressortissants étrangers « atteints d'une pathologie grave ».
Devant l'incertitude de la notion de « pathologie grave », la loi du 11 mars 1998, présentée par Jean-Pierre Chevènement, a précisé que cette carte de séjour pouvait être délivrée à tout ressortissant étranger « dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'intéressé, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ».
Le nombre de nouvelles cartes de séjour « étranger malade » s'est ainsi stabilisé à un niveau situé entre 6 000 et 7 000 par an : comme l'a dit le rapporteur, 5 900 cartes de séjour « étranger malade » ont été délivrées au cours de l'année 2009. Le HIV a représenté 18 % de ces titres de séjour, la psychiatrie 16,7 %, les hépatites 8,2 %, le diabète 5,8 %, la cardiologie 5,5 %, et le cancer 4 %. Le nombre d'étrangers titulaires d'une carte de séjour « étranger malade » s'élève aujourd'hui à environ 30 000.
Cependant, la notion d'accès effectif aux soins dans le pays d'origine a connu des interprétations successives et divergentes de la part des juridictions administratives, comme l'a souligné Claude Goasguen. Certaines décisions récentes ont pris en compte le coût excessif du traitement dans le pays d'origine pour l'intéressé. Or ce coût est nécessairement supérieur, compte tenu du niveau élevé de protection sociale de notre pays.
La distance entre le lieu de résidence et le lieu de traitement dans le pays d'origine est, dans la plupart des cas, nécessairement inférieure en France à celle du pays d'origine, du fait du maillage très serré de notre système sanitaire et social : nous disposons obligatoirement d'une densité d'offre de soins largement supérieure à la moyenne internationale.
Il convient donc de préciser la notion d'accès effectif en prévoyant que l'accès effectif signifie l'indisponibilité du traitement dans le pays d'origine. L'introduction de cette notion d'indisponibilité répond, me semble-t-il, à un double objectif. Je veux d'abord rassurer tout le monde : nous allons maintenir à un niveau équivalent au niveau actuel notre tradition d'accueil des étrangers malades…
…issue des lois de 1997 et 1998 que je viens de rappeler, notamment vis-à-vis des pathologies graves, pour lesquelles les soins s'inscrivent dans le long terme. Je veux rassurer Mme Billard au sujet du sida et des hépatites, et je pourrais citer bien d'autres pathologies.
Le deuxième objectif est de lever l'ambiguïté, source d'insécurité juridique, de la notion d'accès effectif : nous préférons la notion d'indisponibilité, qui nous paraît plus objective.
Mesdames et messieurs les députés, la France peut être fière de la politique d'accueil des étrangers malades qu'elle a mise en place depuis une dizaine d'années. Elle est ainsi fidèle à sa tradition d'humanisme républicain, évoquée à plusieurs reprises. Pour inscrire cette politique dans la durée, il nous revient aujourd'hui de fixer des critères plus objectifs et plus transparents, permettant de sécuriser ce dispositif, tant pour l'administration de l'État que pour les étrangers malades eux-mêmes.
Thierry Mariani a eu raison de dire que nous devions nous garder de caricaturer l'article 17 ter, en lui faisant dire ce que son auteur ne voulait pas lui faire dire.
Nous devons être clairs quant à l'interprétation à lui donner, et réaffirmer qu'il ne s'agit pas, j'insiste, de remettre en cause notre politique d'accueil des réfugiés malades. Je rassure Jean Lassalle : personne n'a l'intention d'éteindre la « petite lumière » qu'il évoquait tout à l'heure ! Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements de suppression de l'article 17 ter.
Je veux d'abord poser une question au ministre, que j'ai écouté religieusement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Si j'ai bien compris, vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, qu'un étranger en situation régulière n'aurait pas de problèmes. Or, il est malheureusement fréquent qu'une situation régulière, limitée dans le temps par des documents administratifs, arrive à terme, alors même que la pathologie, qui s'inscrit dans une longue durée, est toujours présente.
Quoi qu'il en soit, cela n'est pas le plus important. Ce que j'observe aujourd'hui, c'est que vous avez, une fois de plus, ouvert un débat qui porte atteinte à l'image de la France dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) S'il y a une seule remarque à faire sur cet article, c'est celle-ci, et j'invite mes collègues à y réfléchir avant de voter. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
En dépit de la colère que tout cela m'inspire, je vais essayer de rester calme et de dire les choses simplement. Je crois, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous essayez de nous faire croire qu'il s'agit d'une question d'interprétation de l'article L.313-11, alinéa 11, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Or, ce n'est pas du tout le cas. Le fait de vouloir remplacer la notion de non-accès effectif à un traitement dans le pays d'origine par celle d'inexistence d'un traitement modifie complètement la portée, sinon le sens, de l'article L.313-11, qui permettait de protéger des personnes du risque d'expulsion quand on estimait qu'elles n'auraient pas accès, dans leur pays d'origine, aux soins dont elles ont besoin.
Le non-accès effectif, ce n'est pas la même chose que l'inexistence ! Dans de nombreux pays, le soin existe dans les hôpitaux, mais n'est accessible qu'à une élite. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le vote de l'article 17 ter aura pour conséquence de renvoyer des malades dans leur pays, ce qui revient à les condamner à mort – j'ai bien choisi mes mots avant de les prononcer – puisqu'elles n'auront plus accès aux soins, tout en les éloignant souvent des leurs.
J'avoue que tout cela a pu me paraître un peu lointain, jusqu'à ce qu'une personne vienne me voir à ma permanence, lundi dernier. Il s'agit d'un Algérien souffrant d'un problème de santé assez grave,…
…soigné à l'hôpital – peut-être par des médecins originaires de son pays…
…et qui vient de se voir signifier l'obligation de quitter le territoire français. Il est indiqué, sur le certificat médical qui lui a été demandé, que la pathologie dont il est atteint se soigne dans les hôpitaux d'Algérie. Mais on sait bien que s'il retourne dans son pays, alors qu'une partie de sa famille est installée et bien intégrée en France – l'une de ses nièces étant même élue d'une collectivité locale –,…
…il n'aura plus accès aux soins et décédera dans quelques semaines ou quelques mois, privé de soins et loin de sa famille ! C'est cela que vous allez voter si vous changez ces quelques mots !
À entendre nos collègues de l'opposition, on a parfois l'impression que le coeur n'est que du côté gauche, et que la France ne fait rien pour soigner les étrangers malades. Étant moi-même très impliquée en faveur de l'aide de la France au développement des pays pauvres et en voie de développement, je veux rappeler que la France consacre une part importante de son budget aux questions de santé.
Pourquoi la France contribue-t-elle actuellement, à hauteur de 300 millions d'euros par an, au Fonds de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose – cette somme devant être prochainement portée à 360 millions d'euros, comme l'a décidé le Président de la République –, si c'est pour soigner, sur son territoire, les étrangers malades du sida ?
S'il y a, dans les pays pauvres, une absence de soins de la part des États concernés, que je reconnais, il ne faut pas oublier que le Fonds mondial dispense des soins gratuitement sur le territoire de ces États.
Si je le dis, c'est parce que j'ai vu, en territoire français – notamment en Guyane –, des malades venir se faire soigner du sida au motif que dans leur pays, le Surinam, on ne les soigne pas. Or, je suis désolée, mais le Surinam bénéficie du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, qui dispense des soins gratuits à ce titre.
Je veux donc souligner ce point qui me paraît important, à savoir que la France paye deux fois : d'une part, au titre de la contribution au Fonds mondial, d'autre part, en soignant les malades étrangers sur son territoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai bien entendu les arguments de Mme Martinez, qui ne me paraissent toutefois pas correspondre à la disposition dont nous débattons.
Le rapporteur a explosé, tout à l'heure, d'une colère bien mise en scène. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le ministre, lui, a juré ses grands dieux, dans cette enceinte laïque, que rien n'était changé, que tout était comme avant – en somme, que cet article 17 ter ne servait à rien.
Mais, dans son emportement, notre rapporteur a été pris, si j'ose dire, la main dans le pot de confiture ! Il nous a cité, en guise de conclusion, des ouvriers agricoles de son département qui subissaient des déremboursements quand ils étaient malades : l'argent des Français, a-t-il dit, doit aller aux Français. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous conclurez ce que vous voudrez de cette intervention.
L'argument que vous avez avancé, monsieur le rapporteur, pour justifier votre article 17 ter, repose sur des données inexactes. Vous nous dites que le Conseil d'État a récemment modifié son interprétation de l'article de code et que c'est ce revirement de jurisprudence qui imposerait une modification de la loi.
En réalité, il y a depuis longtemps – vous le savez très bien – une sérieuse divergence entre le ministère, qui voudrait faire prévaloir une interprétation étroite, et les consciences tant des magistrats que d'un certain nombre de fonctionnaires, qui ne peuvent pas comprendre qu'un texte qui parle d'accès à un traitement « effectif » puisse se traduire par des décrets et des circulaires aussi restrictifs que ceux que vous voulez prendre.
Vous n'arrivez pas à obtenir de l'administration qu'elle adopte votre interprétation : ce n'est pas récent. Ce que vous voulez, c'est imposer votre interprétation, car vous n'avez pas pu prendre le décret que vous souhaitiez. Le Conseil d'État a fini par redire que votre interprétation était restrictive ; mais il y a bien longtemps qu'il y a parmi les magistrats, parmi les fonctionnaires, des gens de coeur qui pensent exactement ce que disait tout à l'heure notre collègue Jean Dionis du Séjour : la France ne peut pas se permettre d'appliquer ce texte de façon aussi sévère ; la France ne peut pas renvoyer mourir dans leur pays les quelques personnes qui se trouvent dans la situation visée par l'article L. 313-11 du CESEDA.
Changez l'article si vous le souhaitez. Mais cessez de prétendre qu'il existe une évolution récente : les interprétations diffèrent depuis très longtemps. Ce que vous voulez, c'est faire admettre une interprétation particulièrement restrictive d'un texte voté par le Parlement dans l'intention très claire de prendre en compte la situation de malades qui n'avaient pas accès à un traitement dans leur pays d'origine.
Monsieur Mamère, je sais ce que j'ai dit : je n'ai pas parlé de retraités français ou pas ; j'ai parlé de retraités agricoles. Si vous avez entendu parler de retraités français, il faut vous faire nettoyer les oreilles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur Jean-Pierre Grand, si vous nous aviez fait l'honneur d'être plus souvent présent au cours de ces débats, vous sauriez que cette disposition ne figurait pas dans le texte du Gouvernement, mais qu'elle a été introduite par le rapporteur.
Si vous aviez suivi cette discussion, vous sauriez que le texte du Gouvernement a été déposé au mois de mars et que le revirement de jurisprudence sur lequel M. Goasguen a mis l'accent date du mois d'avril.
Je le dis, parce que rentrer dans l'hémicycle, faire un effet de manche et ressortir, c'est tout de même un peu facile ! Vous feriez mieux d'assister aux débats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est pas un effet de manche. C'est l'image de la France qui est en jeu !
J'en ai assez des leçons des moralisateurs éternels, qu'ils soient de gauche ou de droite, quand ils se contentent de passer dans l'hémicycle lorsqu'on y débat d'amendements médiatiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Soit on suit le texte du début jusqu'à la fin…
Monsieur Grand, j'accepte des leçons de M. Pinte, qui n'est pas de mon avis mais qui suit les débats depuis le début ; mais passer une minute dans l'hémicycle et repartir, c'est trop facile ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je rappelle enfin ce sur quoi nous allons voter. L'article 17 ter a été ajouté à ce texte par voie d'amendement. Un certain nombre de nos collègues, majoritairement de gauche, en demandent la suppression. Supprimer cet article reviendrait à dire que, désormais, tout étranger malade sur le sol français et dont le système social du pays d'origine n'est pas comparable au nôtre a droit à une carte de séjour « étranger malade ». Voilà le sens du vote qui va se dérouler.
Je vous demande donc de rejeter ces amendements.
Cet amendement a été défendu : j'ai expliqué pourquoi la notion de disponibilité me paraissait importante. Je n'y reviens pas.
Je suis opposé à l'article 17 ter, mais je me permets toutefois de préciser, à l'intention de M. le ministre, que la notion d'inexistence proposée par le rapporteur me paraît plus juste que celle d'indisponibilité retenue dans l'amendement du Gouvernement. Dans un certain nombre de pays, la possibilité de soigner certaines pathologies n'existe tout simplement pas ! J'en ai encore eu récemment l'exemple : j'ai été amené, avec l'accord des médecins français et algériens, à faire revenir en France un Algérien pour qu'il puisse être opéré du coeur à l'hôpital Georges-Pompidou. Les médecins algériens reconnaissaient en effet qu'ils n'étaient pas capables de mener à bien cette opération.
Si vous voulez apporter une modification à la loi, modifiez l'article, que je ne voterai pas de toute façon : écrivez l'inexistence, et peut-être ensuite l'indisponibilité. Mais à mon sens, l'une ne va pas sans l'autre.
M. le ministre s'est fait discret, car cet amendement du Gouvernement reconnaît la portée de l'amendement de M. Mariani, devenu l'article sur lequel nous allons nous prononcer maintenant.
Cet amendement du Gouvernement reconnaît les conséquences de l'article 17 ter pour les personnes concernées ; en utilisant la notion d'indisponibilité pour l'intéressé, le Gouvernement tente de rétablir ce qui existait avant l'adoption en commission de l'amendement Mariani.
Je comprends donc que le ministre ne s'étende pas beaucoup sur les raisons de son propre amendement.
Mais alors pourquoi voulez-vous voter contre ? On n'y comprend plus rien !
Monsieur le ministre, ce que dit Mme Mazetier est juste. En nous prononçant sur l'amendement que vous avez présenté – de façon un peu gênée peut-être – au nom du Gouvernement, nous allons valider le nouvel article proposé par le rapporteur.
Je veux vous rappeler – et c'est aussi une réponse à M. Goasguen – que les instances de jugement qui devront mettre en oeuvre cette loi ont besoin de clarté. Vous nous dites que votre modification ne changera rien ; vous nous dites que l'on pourra continuer à accueillir les quelque 5 000 à 6 000 personnes concernées chaque année, et qu'il y aura toujours 28 000 à 30 000 résidents au titre de la vie privée et familiale qui auront besoin de se faire soigner en France. Alors revenons-en à un terme, à ce terme qu'utilisait la loi Chevènement : « effectif ».
L'effectivité du traitement, s'il existe, s'il est disponible, c'est la possibilité pour le résident d'en bénéficier dans son pays d'origine. Or c'est là tout le problème. Nous pensons, comme le Conseil national du sida et comme un certain nombre d'associations que le fait que le traitement soit disponible ou qu'il existe ne change rien : les résidents étrangers qui verraient leur carte de séjour supprimée et deviendraient donc expulsables, seront – contrairement à ce que vous prétendez – dans l'incapacité de se soigner. Des résidents étrangers retournant dans leur pays où le traitement est disponible pourraient ne pas en bénéficier.
Je demande vraiment à ceux qui s'apprêtent à voter ces dispositions de réfléchir. Ce n'est pas une question de coeur qui serait à droite ou à gauche. Ce n'est tout de même pas parce que l'on donne 300 millions d'euros à une instance internationale qui lutte contre le sida dans le monde que l'on peut s'exonérer de ce devoir de notre pays ! Au bout, il y a des hommes, des femmes, des enfants – des vies ! En votant, pensez-y ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je redis, même si vous continuez à en douter, que ce texte ne changera rien au traitement des malades du sida.
Monsieur Roman, vous avez raison : toute l'évolution de la jurisprudence tient à l'ambiguïté du terme « effectivement ». J'ai regardé quand ce terme avait été introduit dans la loi : ma surprise a été de découvrir qu'il ne vient pas de la loi Chevènement, mais de la loi Debré, votée peu de temps auparavant.
L'adverbe « effectivement », à l'origine du revirement de jurisprudence du Conseil d'État, n'a pas été inscrit dans la loi pour étendre le champ d'application de la carte « étranger malade », bien au contraire. Ce mot est issu d'un sous-amendement de MM. Monnier et Richir, qui avait clairement pour but d'encadrer le dispositif.
C'est sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement que le ministre de l'intérieur Jean-Louis Debré avait accepté une protection contre l'éloignement en raison de l'état de santé. Selon lui, la portée de la mesure était la suivante : « Le traitement de la pathologie ne pourrait se poursuivre dans le pays de renvoi. Dans ces conditions, l'amendement modifié codifie la jurisprudence, et j'émets un avis favorable. » Or la jurisprudence était claire et ne refusait l'éloignement qu'en l'absence de traitement dans le pays d'origine.
Le dispositif a été ensuite repris dans la loi RESEDA. Voici comment M. Chevènement, alors ministre de l'intérieur, décrit le dispositif : « Il est tout à fait clair que les malades concernés sont ceux qui sont atteints d'une pathologie grave nécessitant un traitement médical dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'un traitement approprié ne puisse être suivi dans le pays de renvoi. »
En votant cet article 17 ter, nous nous situons donc tout à fait dans la continuité de ce qui s'applique depuis 1998.
Madame Mazetier, monsieur Roman, je voudrais vous dire que je ne me sens absolument pas gêné. J'ai simplement essayé, de façon nuancée, de vous expliquer l'analyse du Gouvernement. Je vous suggère de relire, à froid, cette analyse : vous y trouverez beaucoup d'explications et, je crois, des assurances sur ce qui paraît vous préoccuper.
Nous avons droit à la nuance, je ne suis pas obligé d'être en permanence dans l'emphase et le combat.
Quant à vos préoccupations, le rapporteur a bien résumé la situation : la rédaction de l'article 17 ter nous est apparue trop restrictive, l'existence de traitements ne préjugeant pas nécessairement de leur disponibilité. Je réponds donc à vos préoccupations.
Si vous lisez bien l'exposé sommaire, je n'ai pas grand-chose à y ajouter : « Il est proposé une rédaction qui met l'accent sur ce qui paraît le plus important dans l'évaluation de la possibilité de recevoir un traitement dans le pays d'origine, à savoir la disponibilité de l'offre de soins. Le traitement doit être disponible et approprié au regard de la pathologie. »
Toutes celles et tous ceux qui sont de bonne foi doivent pouvoir voter sans difficulté l'amendement du Gouvernement.
Je ferai remarquer au rapporteur qu'en 1998, les traitements contre le sida n'existaient pas dans les pays pauvres et n'y étaient pas accessibles. Donc son argument par rapport à la situation d'aujourd'hui n'est pas valable.
Ensuite, les traitements peuvent être disponibles mais non accessibles à la personne concernée.
Le glissement qu'opère le Gouvernement aboutira certes à une situation « moins pire » que celle qui aurait prévalu avec le terme « inexistence ». En effet, il n'y a pratiquement plus de pays où il n'existe pas de traitements contre le sida. Encore faut-il savoir de quels traitements on parle : s'agit-il de traitements primaires comme cela existait auparavant dans notre pays ou des traitements qu'on peut trouver aujourd'hui dans les pays développés ? Encore faut-il savoir également si ces traitements sont accessibles à l'intéressé. La différence est fondamentale, bien que vous refusiez de l'admettre.
(L'amendement n° 588 est adopté.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article 17 ter tel qu'il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 196
Nombre de suffrages exprimés 194
Majorité absolue 98
Pour l'adoption 112
Contre 82
(L'article 17 ter, amendé, est adopté.)
Sur l'article 18, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Étienne Pinte.
L'article 18 a trait aux conditions d'accueil des étrangers dans notre pays.
Lors de notre discussion la semaine dernière, le ministre m'a fait passer une fiche très détaillée sur l'amélioration des conditions d'accueil des étrangers en préfecture telle que le Gouvernement l'envisage. Un paragraphe me paraît particulièrement intéressant, celui qui indique qu'il s'agit de mieux faire coïncider la durée de certains titres de séjour avec la réalité du projet personnel du migrant, ce qui passe par un recours croissant aux titres de séjour pluriannuels qui existent déjà pour certaines catégories de migrants. Actuellement, les renouvellements de cartes de séjour temporaires valables un an représentent, en moyenne, trois fois le volume des premières délivrances. Il y a donc là, écrit le ministre, « un gisement d'efficience très important ». Il a raison. Nous avons d'ailleurs adopté, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, une mesure destinée à développer ces titres pluriannuels en commençant par ceux délivrés à certains étudiants, qui n'auront plus besoin de faire une démarche de renouvellement.
Toutefois, monsieur le ministre, ce week-end, j'ai reçu d'une dame un message dans lequel elle déclare qu'elle est en France depuis 1999, c'est-à-dire plus de dix ans, qu'elle est mère de deux enfants, qu'elle a reçu déjà quatre titres de séjour d'un an. Le dernier a expiré le 19 septembre dernier. Dès le 12 août pourtant, elle en avait demandé le renouvellement à la préfecture des Yvelines et renvoyé les documents nécessaires. Aujourd'hui, son employeur menace de licencier cette personne si elle ne fournit pas sa carte de séjour dans les meilleurs délais. Il lui est demandé en outre de rembourser la prime de rentrée scolaire versée pour son fils. Enfin, elle ne peut faire renouveler sa carte Vitale qui vient à expiration.
Cet exemple le montre : il y a quelque chose qui ne tourne pas rond au royaume de France, ou plutôt dans la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'article 18 inaugure la période de délégislation annoncée par le Président de la République. Pourtant, comme le soulignait Thierry Mariani à juste titre, le rôle du Parlement est de faire la loi.
Cet article propose en effet de supprimer des dispositions élaborées et votées au Parlement en 2006. Nous nous apprêtons bien à délégiférer.
Pourquoi vouloir supprimer la commission nationale d'admission exceptionnelle au séjour ? Serait-ce encore trop que de permettre à des parlementaires et aux autres membres de cette commission de juger des critères de régularisation ? On préfère additionner des textes, des circulaires qui se contredisent, avec des addenda définissant des critères de plus en plus étranges ou qui ne s'appliquent pas partout sur le territoire, avec des valeurs juridiques tout à fait aléatoires. Maintenant, ce n'est plus ni la loi, ni même les décrets, ni même les circulaires qui fixent les critères de régularisation des travailleurs sans papiers en grève, c'est l'addendum au guide des bonnes pratiques ! Pour cette raison, je vous appelle à voter contre cet article.
Et puisque le ministre a eu l'amabilité de faire état de mon statut de secrétaire nationale à l'immigration, peut-il me dire, en tant que secrétaire général adjoint de l'UMP, si l'addendum au guide des bonnes pratiques du vendredi 18 juin 2010 a fait l'objet d'un vote de l'UMP et si les critères de régularisation, de durée de présence sur le territoire et de durée d'activité, ont fait l'objet d'un mandat de l'UMP et de la majorité à laquelle il appartient.
L'article 18 est utile.
En premier lieu, parce qu'il clarifie l'article L.313-14 du CESEDA en tirant les conséquences d'une jurisprudence administrative récente.
En second lieu, parce qu'il délégalise les bases juridiques de la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. La composition, le fonctionnement, les modalités de saisine de cette instance par l'autorité administrative saisie d'un recours hiérarchique contre un refus d'admission au séjour sont d'ores et déjà définis par les articles R.313-33 et R.313-34 du CESEDA. Le regroupement de l'ensemble des règles afférentes à la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour au sein de la partie réglementaire du CESEDA procède donc, mes chers collègues, d'un légitime souci de cohérence et d'intelligibilité du droit, et même de clarification, comme dirait le président de la commission des lois.
Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l'article. Je veux préciser qu'il ne s'agit pas de délégiférer mais de délégaliser les dispositions relatives à la commission nationale de l'admission au séjour. Cette commission reste dans la partie réglementaire du CESEDA. L'idée est de faciliter l'évolution de la commission par la voie réglementaire, conformément au partage des compétences que vous connaissez entre la loi et le règlement tel que défini par l'article 34 de la Constitution.
Monsieur le ministre, je constate que vous n'avez pas répondu à l'interpellation d'Etienne Pinte sur l'exemple très concret qu'il vous a soumis. Des personnes qui se retrouvent dans la même situation, avec pourtant une présence sur notre territoire de plus de dix ans, nous en avons malheureusement des dizaines dans nos circonscriptions. Ce texte nous permettra-t-il de ne pas donner des réponses négatives qui font honte à la République, comme Etienne Pinte l'a dit ?
(Les amendements identiques nos 385 et 502 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 537 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Nous proposons que les critères précis de délivrance de la carte temporaire de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour soient fixés par la loi, conformément d'ailleurs à ce que le Conseil d'État avait considéré en annulant une circulaire d'application du célèbre article 40 de la loi de 2007.
Avis défavorable. Les critères de l'admission exceptionnelle au séjour sont précisés par la voie réglementaire car ils relèvent du domaine normatif.
En outre, ce procédé offre davantage de souplesse. Les fixer dans la loi figerait les différents critères pour longtemps.
Même avis.
(L'amendement n° 537 n'est pas adopté.)
Monsieur le président, je viens de demander le décompte des temps de parole restants pour les groupes et on me fait savoir qu'il est impossible de me le donner. Cela m'inquiète beaucoup.
Jusqu'à présent, nous pouvions être informés assez rapidement.
Je suis saisi d'un amendement n° 536 .
Défendu.
(L'amendement n° 536 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 18 est adopté.)
L'article 19 s'intéresse au cas des mineurs étrangers confiés à l'aide sociale à l'enfance. C'est un sujet important et je veux rendre hommage aux associations qui accueillent les mineurs dans des foyers. Elles accomplissent un travail remarquable pour les réinsérer, pour leur apprendre le français et pour les aider à trouver leur voie dans notre pays.
La disposition contenue dans cet article peut sembler plutôt positive puisqu'il est question d'instaurer une possible régularisation, donc d'accorder un titre de séjour, à condition que le mineur soit inscrit dans une formation professionnelle.
Mais, comme je l'ai déjà signalé, cela risque de ne pas répondre à la situation réelle de ces mineurs. S'ils sont pris en charge vers seize ans, ils doivent suivre d'abord, en général, une formation pour apprendre le français, avant de pouvoir s'inscrire dans des formations qualifiantes. Quand ils demanderont leur titre de séjour à dix-huit ans, ils ne seront pas inscrits depuis six mois dans une formation qualifiante, c'est évident.
La proposition me semble donc tout à fait maladroite – et c'est une litote ! Si l'on veut aider à la régularisation de la situation de ces mineurs, il ne faut pas prévoir des conditions qui ne permettront pas à la majorité d'entre eux d'obtenir la régularisation à leur majorité. Cela va compliquer significativement la tâche des services de l'aide sociale à l'enfance, qui ont déjà beaucoup de mal à essayer de régler ces situations dans un sens humainement acceptable.
Défavorable. Les aménagements proposés vont trop loin car ils ouvrent un droit au séjour de plein droit et assouplissent considérablement les critères permettant d'apprécier si l'intéressé se place dans une démarche de formation professionnelle propre à préparer son avenir.
Quand Mme Pau-Langevin a annoncé qu'elle voulait « rendre hommage », j'ai cru un instant qu'elle allait ajouter : « au Gouvernement et à la majorité » et dire enfin quelque chose de positif sur le texte. Mais non ! Elle a parlé d'une évolution « qui peut sembler plutôt positive ». Au diable l'avarice ! Dites clairement que la France, qui est déjà très généreuse, le sera encore plus !
En revanche, comme vient de le dire M. le rapporteur, l'amendement de M. Braouezec supprimerait le caractère exceptionnel de l'admission au séjour. Surtout, il mettrait un terme au caractère objectif de la formation. Il faut bien qu'il y ait une qualification professionnelle. Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 503 n'est pas adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 504 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 540 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Vous n'avez pas totalement répondu à la question que j'ai soulevée, monsieur le ministre, et j'aimerais obtenir de vous une explication un peu plus claire. Pour pouvoir justifier d'une formation professionnelle qualifiante avant dix-huit ans, encore faut-il avoir pu s'y inscrire et, de surcroît, on exige que le mineur l'ait suivie depuis six mois. Vous ne m'avez pas dit ce qu'il faudrait faire pour avoir l'autorisation de travail nécessaire pour s'inscrire dans une formation avant dix-huit ans. C'est le fondement de cet amendement.
Nos collègues proposent de raccourcir à trois mois la durée de la formation. Cela ne me semble pas de nature à permettre de juger de l'effectivité de la formation. Avis défavorable.
(L'amendement n° 540 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défavorable. Une telle précision nous semble inutile, voire contreproductive dans la mesure où l'autorité administrative vérifiera nécessairement chaque dossier de manière individuelle sur la base d'une instruction minutieuse qui ne se résumera pas à un entretien oral d'une heure ou deux avec l'intéressé, mais comportera aussi des pièces produites par les formateurs, les structures de prise en charge, etc.
Défavorable également.
Je suis saisi d'un amendement n° 505 , visant à supprimer l'article 20.
La parole est à M. Patrick Braouezec.
Cet article entérine la disparition du droit à mener une vie familiale normale. Même lorsqu'ils sont en situation irrégulière en France, les étrangers conjoints de Français devraient pouvoir obtenir la régularisation de leur séjour sur le fondement de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au droit au respect de la vie familiale. Au lieu de cela, les préfectures vont leur demander de retourner dans leur pays d'origine pour chercher un visa.
Défavorable. À la différence du droit en vigueur avant l'adoption de la loi de juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, aucune condition de séjour régulier et d'entrée régulière sur le territoire n'est exigée des conjoints de Français lorsqu'ils sollicitent le bénéfice d'une carte de résident. Il y a là une incohérence avec les objectifs que le législateur poursuivait en 2006.
Autre illustration de cette incohérence, toutes les autres hypothèses de délivrance de la carte de résident après une certaine durée de séjour en France, prévues par l'article L. 314-9 du CESEDA, prévoient explicitement une condition de régularité de l'entrée et du séjour des personnes concernées.
Pour toutes ces raisons, l'article 20 du projet de loi vise opportunément à restaurer la condition de séjour régulier pour la délivrance de plein droit de la carte de résident aux conjoints de Français mariés depuis au moins trois ans.
Défavorable.
C'est très important, car le fait que nous n'ayons rien précisé sur la résidence des conjoints a conduit les tribunaux à avoir des avis divergents. La cour administrative de Versailles a notamment décidé que la résidence conjointe n'était pas nécessaire.
En outre, un accord signé préalablement est source de difficultés entre la France et la Tunisie. Au moins cet article permettra-t-il de régler définitivement ce genre de contentieux en allant dans le bon sens, c'est-à-dire en évitant certains mariages frauduleux.
(L'amendement n° 505 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 376 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Nous venons encore, par la voix de M. Goasguen, d'entendre parler de mariages frauduleux. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Il s'agit de mariages de Français avec des étrangers.
Exactement ! Bientôt, on ne pourra plus se marier avec une personne qui aura le malheur d'être étrangère tellement il sera compliqué d'obtenir une carte de résident pour elle ! Comme je le disais dans mon propos introductif, malheur à celui qui tombe amoureux de quelqu'un qui n'a pas la nationalité française !
Cela n'a rien à voir ! Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! Vous dormez pendant le débat !
Depuis que vous êtes aux responsabilités, chers collègues, vous avez repoussé à trois ans de mariage le délai requis avant de pouvoir obtenir une carte de résident. Les conditions posées sont déjà les suivantes : être marié depuis trois ans, n'avoir pas cessé la communauté de vie pendant cette période et, au cas où le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. Il faut donc déjà trois ans pour obtenir une carte de résident. Je ne vois pas ce que la régularité de l'entrée sur le territoire a à voir avec la possibilité de mener enfin une vie familiale normale. L'article 20 contredit ce droit élémentaire et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Avant de demander l'avis de la commission, je vais répondre à la question de M. Braouezec. Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de deux heures douze pour le groupe UMP, deux heures quarante-deux pour le groupe SRC, une heure trente-cinq pour le groupe GDR, trois heures cinquante-neuf pour le groupe Nouveau Centre et vingt-trois minutes pour les députés non inscrits.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 376 ?
Défavorable. En l'état actuel, l'article L. 314-9 du CESEDA dispose que la carte de résident peut être délivrée à « l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. »
Ces conditions sont cohérentes avec l'allongement, en parallèle, de la durée de vie commune exigée préalablement à la demande d'acquisition de la nationalité française : quatre ans en France et cinq ans quand il s'agit d'un mariage à l'étranger. Le droit en vigueur, s'agissant des conjoints de Français, vise à éviter les fraudes et les mariages de complaisance dits « blancs ». L'assouplissement proposé serait un mauvais signal alors que, du fait des lois que nous avons votées, la situation semble désormais s'améliorer.
Défavorable.
Je veux simplement dire à Mme Mazetier qu'il arrive que des mariages soient frauduleux. C'est même la raison pour laquelle le procureur de la République a des pouvoirs en ce domaine. Les mariages frauduleux, ça existe ! Nous n'avons rien inventé !
(L'amendement n° 376 n'est pas adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 543 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 20 est adopté.)
Il s'agit d'un problème qui a été posé au ministre de la défense. En effet, la Légion étrangère accueille des personnes qui participent souvent aux opérations extérieures et prennent de grands risques, mais qui n'ont pas de titre de séjour. Ces personnes ont souvent une carte d'identité qui n'est pas valable et elles ne peuvent pas avoir de vie civile puisqu'elles n'ont pas de papiers lorsqu'elles sortent en permission.
Puisque le ministre de la défense a expliqué que la question relevait du ministre de l'immigration, il me semble que c'est le moment de demander à celui-ci, ainsi qu'à la majorité, de permettre à ces hommes d'avoir une vie normale en France à partir du moment où ils sont prêts à risquer leur vie pour notre pays.
Par ailleurs, lorsque les soldats quittent la Légion, pour obtenir le droit de séjourner sur notre territoire et pour faire une demande d'accès à la nationalité française, ils doivent obtenir un certificat de bonne conduite. C'est une sorte d'épée de Damoclès. Je pense, quant à moi, que si des fautes ont été commises, elles doivent être sanctionnées par l'autorité militaire. Le refus d'attribution du certificat de bonne conduite créerait une sorte de double peine. Malheureusement, nous avons rencontré beaucoup de ces soldats devenus civils dans des situations terribles, faisant la manche dans le métro. La carte de séjour est le minimum que nous leur devons.
J'ai bien écouté Mme Lebranchu. Il se trouve que ma circonscription héberge le 1er régiment étranger de cavalerie. En outre, la première loi que j'ai présentée dans cette enceinte était relative à l'acquisition de la nationalité pour les légionnaires blessés au combat. C'est donc une question qui me tient à coeur.
Pour autant, force est de reconnaître que les conditions posées par l'article L. 314-11 du CESEDA à l'égard des légionnaires ne sont pas particulièrement contestables. La carte de résident leur est attribuée lorsqu'ils comptent au moins trois ans de service dans l'armée française et qu'ils sont titulaires du certificat de bonne conduite. En devenant agents de l'État français, les étrangers qui s'engagent dans la légion étrangère se voient immédiatement délivrer par l'autorité militaire une carte d'identité militaire. Cette carte d'identité militaire leur permet de justifier à tout moment, à toute autorité compétente, de leur séjour régulier sur le territoire national.
L'attribution immédiate et systématique d'un titre de séjour serait préjudiciable à la légion étrangère dans la mesure où il est à craindre que se présenteraient à l'engagement des individus essentiellement motivés par l'obtention, dans des délais extrêmement brefs, d'un titre de séjour, notamment pour appuyer des demandes de regroupement familial. Dans la Légion, 20 % des engagés quittent les rangs dans les deux premières années. La durée de service requise s'explique par la nécessité de ne pas susciter des engagements d'opportunité motivés uniquement par la régularisation du séjour.
Quant au certificat de bonne conduite, il s'agit d'un gage de moralité et d'application dans l'engagement des légionnaires au service de la nation. En conséquence, prévoir une délivrance lors de la seule signature du premier contrat d'engagement définitif serait sans doute contre-productif pour la qualité des recrutements de la Légion, et pour nos armées.
Le président de la commission de la défense, M. Guy Teissier, est bloqué par un autre débat, mais il tient à vous faire savoir qu'il est également défavorable à ces deux amendements.
Enfin, compte tenu des attaches régionales de la Légion étrangère dans ma circonscription, ainsi que dans le coeur de la plupart des parlementaires, je me suis permis d'en contacter le commandement. Il m'a clairement fait savoir qu'il était également défavorable à ces deux amendements et m'a autorisé à en faire état. Je reconnais les bonnes intentions de ces amendements, mais leur application aurait des conséquences indésirables.
Le rapporteur s'est parfaitement exprimé et a bien exposé les arguments pour lesquels, en dépit d'une générosité apparente, ces amendements doivent être rejetés.
Afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté, sachez, madame Lebranchu, que la position que j'exprime est partagée par le ministre de la défense.
Il s'agit ici de soldats non nationaux qui servent le pays. Ils ne s'engagent pas nécessairement pour obtenir à terme la nationalité française, ni pour rester sur le territoire national.
Rappelons que le cadre peut être lui-même thérapeutique. Des traits de caractère et de comportement qui ne sont pas forcément adaptés à une vie civile peuvent justement être canalisés et utilisés dans l'intérêt des forces armées pour constituer une troupe d'élite au combat. Ces gens sont soumis à une autorité militaire extrêmement forte, certains ne peuvent pas supporter ce cadre très contraignant par rapport aux autres corps de l'armée française.
Je rejoins néanmoins les arguments du rapporteur. Abstraction faite de la générosité de la démarche, que je ne conteste pas, adopter un tel amendement créerait une situation extrêmement difficile à gérer pour ce corps d'élite : 20 % de ceux qui ne supportent pas le cadre pourraient se retrouver de facto dans la vie civile, et cette situation ne serait pas forcément compatible avec la sécurité.
Nous avons tous, bien entendu, reçu les remarques de la Légion étrangère qui, dans sa grande sagesse, veut absolument maintenir ses soldats sous une férule que je suis prêt à admettre.
Permettez-moi néanmoins de remarquer que l'individu qui passe deux ans au sein de la Légion étrangère a un certain mérite. Il suffit de connaître un peu le règlement de ce corps pour savoir que ce n'est pas si simple. On a tendance à régulariser facilement dans ce pays des gens qui ne passent même pas deux ans sur le territoire ; nous pourrions estimer que quelqu'un qui a subi pendant deux ans la férule de la Légion étrangère a tout de même certains mérites à faire valoir.
Mais l'amendement propose six mois !
Que la carte de séjour ne soit pas distribuée tout de suite, certes, mais il y a des limites. Quelqu'un qui passe deux ou trois ans dans la Légion étrangère doit bien avoir envie de s'établir en France. On a beau me dire que le légionnaire ne rêve que d'une chose, c'est de repartir chez lui, en général, s'il incorpore la Légion, c'est que probablement il a des problèmes dans son pays d'origine.
Je vous signale également que l'acquisition de la nationalité n'est pas automatique. Comment peut-on expliquer que quelqu'un qui a servi cinq ans dans la Légion étrangère, qui a été au feu en Afghanistan et ailleurs, n'ait pas la nationalité française de droit ? Parce que l'on jugerait que sa conduite n'a pas été suffisamment bonne ? C'est une plaisanterie ! Quelqu'un qui a été au feu pendant cinq ans sous le drapeau français ne mériterait pas la nationalité française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.) Alors que l'on donne la nationalité française à des gens beaucoup moins méritants ? Je veux bien que la défense ait ses propres règles, mais il faudra un jour ou l'autre examiner tout cela de près.
Je suis prêt à entendre que ce n'est pas l'objet de ce débat, que la carte de séjour serait accordée trop tôt, mais il y a quand même un minimum. Je m'étais battu il y a quinze ans, avec Thierry Mariani, pour que l'acquisition de la nationalité soit automatique. J'ai entendu l'état-major de la Légion étrangère dire que c'était une récompense que l'on souhaitait attribuer au terme des cinq ans : sois sage et tu auras la nationalité française. Je ne suis pas d'accord ! Quelqu'un qui se bat pendant cinq ans sous le drapeau français mérite éminemment d'être Français, avec sa famille, et de vivre en France.
Nous avons déposé deux amendements, j'espère que nous serons plus chanceux sur le second.
J'ai entendu les arguments de l'encadrement militaire en faisant ce travail, et je les comprends. Lorsque j'ai été reçue par le ministre de la défense et l'encadrement militaire, ma demande ne les avait pas choqués, en particulier le fait qu'au bout d'un certain temps, avec un engagement définitif, on puisse au moins avoir une carte de résident. Tous les arguments avaient alors été examinés. Il peut effectivement y avoir des personnes qui craquent. Jusqu'ici, chaque personne entrant dans la Légion étrangère était obligée de prendre une fausse identité qui s'appelait l'identité militaire. C'était obligatoire. De ce fait, ces personnes ne pouvaient avoir accès ni à un compte bancaire, ni à la location d'un appartement, ni au mariage, puisque vous savez que c'est également interdit.
Ce problème était considéré comme insurmontable mais, et vous l'avez peut-être appris, on vient enfin de permettre aux légionnaires de garder leur identité. C'est un premier pas, ils ont maintenant le droit de garder leurs propres papiers.
L'attribution de la carte de résident et la suppression de l'exigence du certificat de bonne conduite sont des points extrêmement importants. Lorsqu'un soldat sort aujourd'hui de la Légion sans certificat de bonne conduite, par exemple parce qu'il a participé à une rixe à la sortie d'un bar un soir de retour d'OPEX – c'est le dernier cas que l'on m'a exposé –, cela relève du droit commun. On ne peut pas lui dire, pour un fait qui requiert simplement un rappel à la loi, que ses cinq ans de service en situation de danger ne compensent pas ce fait qui lui a fait perdre le certificat de bonne conduite.
Ce légionnaire qui s'en va, ou celui qui a craqué, que lui reste-t-il si on ne lui donne pas le droit de séjourner en France avec des papiers en règle ? Je ne parle même pas de nationalité, moi, monsieur Goasguen ! Que se passe-t-il alors ? Il s'agit de soldats extrêmement entraînés, qui savent servir, et s'ils n'ont pas la possibilité de se reconvertir dans le civil, on sait très bien ce qu'ils deviendront. On sait très bien qui va les embaucher. Nous pleurons tous sur un certain nombre de mercenaires qui ont été entraînés pendant plusieurs années en France, mais à force de vouloir ériger en principe ce besoin de discipline, on fournit les troupes de la criminalité organisée et des mercenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cela doit susciter la réflexion de la représentation nationale. Certains gradés sont venus rencontrer avec nous ceux qui traînent dans les métros et qui nous ont fait état de ces propositions de recrutement. Nous devons être sages, et si nous n'avons pas fait droit à la demande légitime de M. Goasguen d'aller jusqu'à la nationalité automatique au bout de cinq années de service – cela viendra au cours du XXIe siècle – nous devons au moins avoir un raisonnement pragmatique et nous poser enfin des questions sur ce qu'est un homme, sa dignité, et sur ce qu'est le droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je comprends bien les arguments du commandement militaire, mais je suis quand même sensible à l'engagement dans la Légion étrangère. Ce sont des hommes qui viennent de tous azimuts et qui font le choix de servir le drapeau tricolore.
Même si l'on peut mettre un délai, et ne pas appliquer la mesure dès la signature, il me semble que bien qu'il y ait un petit peu de casse, et des gens qui n'arrivent pas à tenir, par rapport à la pratique usuelle, et nous qui demandons sans cesse des régularisations, je crois que nous pouvons faire droit à un légionnaire de rester chez nous, car je suis convaincu qu'il a, chevillée au corps, la volonté de servir la France.
La parole est à M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Je trouve cet amendement très particulier. La Légion étrangère a été instituée par le roi Louis-Philippe par un décret qui venait donner une enveloppe juridique à un concept très ancien : des soldats étrangers au service de la France.
Il est vrai que ces étrangers devaient initialement servir hors de l'hexagone. Ils servaient donc en Afrique. Au fil du temps, des milliers de soldats étrangers sont venus servir la France, et l'ont fait avec honneur et fidélité. Je ne vois pas en vertu de quel principe ou de quel droit ce qui a fonctionné depuis des années et qui a fait l'honneur de la France sur des terrains de bataille où peu d'armées auraient résisté, devrait aujourd'hui changer pour faire bénéficier les légionnaires d'une clause dérogatoire à leur statut initial.
Vous parliez de l'homme, mais qui nie que, sous le képi blanc, il y ait un homme ? Personne ! Pensez-vous qu'ils seraient plus hommes s'ils avaient la nationalité française ?
Pensez-vous que c'est bien d'être sans-papiers quand on a servi la France ?
Permettez-moi de vous dire que c'est mal connaître ce corps d'élite qu'est la Légion étrangère. C'est un corps très particulier, très spécifique, où une cinquantaine de nationalités se croisent, où des gens de toutes confessions, de toutes couleurs, parlant des langues différentes, se retrouvent. Et si c'est moins vrai aujourd'hui – nous n'en sommes plus à La Bandera de Pierre Mac Orlan –, il n'en reste pas moins que ce sont quelquefois des gens qui ont des comptes à régler avec leur vie passée.
Pour le commandement, le fait d'obtenir la nationalité…
Je le sais bien, mais cela ne change rien, car ensuite on demandera la nationalité.
Si vous assistiez de temps en temps aux commémorations, notamment de la bataille de Camerone, vous pourriez voir que l'on distribue des certificats aux légionnaires, sur volontariat. Cela s'accompagne d'ailleurs d'un très beau cérémonial, pour bien leur expliquer qu'ils passent d'une identité à une autre. Cela devrait d'ailleurs peut-être se faire dans d'autres lieux et pour d'autres personnes.
Il faut laisser au commandement la liberté d'accorder ces dérogations. Les gens qui viennent en France servent à titre étranger, ils viennent ici et sont fils de France non par le sang reçu, mais par le sang versé.
J'ignorais que le président Teissier était présent ; alors, j'ai cru nécessaire de venir en tant que membre de la commission de la défense en écoutant les débats. Je crois que cet amendement est une fausse bonne idée.
Vous avez raison de vouloir être généreux. Mais, connaissant un peu les légionnaires pour avoir été avec eux en Afghanistan, je peux affirmer qu'ils ne cherchent pas du tout la nationalité française.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. On ne parle pas de nationalité !
Le problème est le même avec les Français qui, lorsqu'ils entrent dans la Légion, perdent la nationalité française. Ils se voient alors attribuer une nationalité d'emprunt : canadienne, luxembourgeoise, belge, par exemple. Adopter une telle disposition serait catastrophique pour la Légion étrangère.
Chacun ici, quel que soit le banc où il siège, reconnaît, je crois, l'utilité de la Légion étrangère, sa valeur et la valeur des hommes qui la servent. Voilà au moins un point qui recueille le consensus, dans un débat qui en a beaucoup manqué.
L'amendement n° 380 vise à donner un titre de séjour à un étranger dès son engagement dans la Légion étrangère.
S'agissant de l'amendement n° 381 , je vous indique que le certificat de bonne conduite est attribué par l'autorité militaire. Il me semble quelque peu paradoxal qu'un texte sur l'immigration se préoccupe de cette question.
Enfin, comme l'a dit le président de la commission de la défense, la Légion étrangère est une institution qui a son histoire ainsi que ses spécificités. Très franchement, je préfère suivre l'avis du commandement de la Légion étrangère dans ce dossier car j'estime qu'il est plus qualifié pour savoir quel est l'intérêt du fonctionnement de ce corps.
Avis défavorable sur les deux amendements.
J'ajoute que je suis, depuis 1993, député d'une circonscription qui compte un régiment de la Légion étrangère qui s'est illustré sur tous les théâtres d'opération, et que je fréquente assidûment, comme tous mes collègues dont la circonscription abrite un régiment de la Légion, les associations d'anciens de la Légion. Or aucun légionnaire n'est jamais venu me voir pour un problème de titre de séjour. Certains anciens légionnaires ont rencontré des problèmes sociaux parce qu'ils avaient perdu leurs repères après avoir quitté ce corps, et nous avons essayé de les aider avec les associations d'anciens légionnaires, mais c'est tout.
Le président de la commission de la défense parle de la nationalité. Or mes deux amendements ne portent en aucun cas sur la nationalité. L'amendement n° 380 vise à permettre au légionnaire d'obtenir une carte de séjour. Pour le moment, il dispose d'une carte d'identité militaire sur laquelle figure – c'est une décision que vient de prendre le commandement militaire – soit sa propre identité, soit une identité déclarée.
Monsieur le rapporteur, je connais bien la Légion, y compris du point de vue familial. J'ai une très grande admiration pour ce corps car, à la maison, on se taisait devant les premiers postes de télévision quand la Légion étrangère défilait.
Je connais le cas d'un candidat légionnaire blessé à l'entraînement qui a dû renoncer à son engagement définitif. La solution qui s'offrait à lui était de retourner dans son pays. Or chacun s'accordera à reconnaître qu'il n'était peut-être pas chez nous par hasard. J'ai rencontré également des légionnaires victimes d'accidents pendant l'entraînement n'ayant pas obtenu leur engagement définitif qui sont aujourd'hui soignés par la France alors qu'ils sont en situation irrégulière.
Cependant, dans les amendements que je propose, je m'en tiens aux légionnaires qui ont obtenu leur engagement définitif. Je trouverais normal que, quand ils sortent – et vous savez, monsieur le président de la commission de la défense, qu'ils sortent peu et dans des conditions bien particulières –, ils aient une carte de séjour. Vous me répondez négativement, et je sens bien que vous êtes arc-bouté contre ma proposition.
Par ailleurs, vous savez que certains légionnaires sortent, après des années, y compris avec des blessures, sans pour autant bénéficier d'un certificat de bonne conduite, et vous connaissez, comme moi, les effets qu'entraîne l'absence de ce certificat. Quand quelqu'un a fait tout son temps, c'est qu'il a combattu. Il n'a peut-être pas été parfait tous les jours mais il a été un combattant. Or, comme le prévoit le CESEDA, sans certificat de bonne conduite, il ne peut pas déposer, en préfecture, de demande de carte de séjour. Il me paraît anormal que quelqu'un qui s'est battu pour nous, qui a peut-être été blessé, puisse se retrouver en situation irrégulière. Voilà pourquoi nous devons légiférer.
En outre, j'y insiste, il faut savoir que ces anciens légionnaires, qui sont de bons combattants et qui n'ont aucune possibilité de rester en France, risquent d'être recrutés ailleurs, à des fins qui ne donnent pas satisfaction à la représentation nationale, puisqu'ils peuvent devenir mercenaires ou être embauchés pour effectuer des opérations encore plus délicates.
J'en appelle, non à la compassion, mais à la raison et au droit.
J'estime que, sous nos drapeaux, les légionnaires doivent avoir une carte de séjour et, à la sortie, une carte de résident. Je n'ai même pas, parce que je connaissais les oppositions, monsieur le président de la commission de la défense, osé demander la nationalité, même si je crois profondément qu'ils y auraient droit.
Monsieur le président, je vous prie de m'excuser d'allonger de quelques minutes les débats, mais je dois apporter quelques précisions.
Je ne reviendrai pas sur l'amendement n° 380 , le rapporteur ayant indiqué pourquoi il n'est pas possible d'accorder, au terme de six mois, une carte de résident de dix ans.
S'agissant de l'amendement n° 381 , je rappelle à Mme Lebranchu que les dispositions du CESEDA sont particulièrement favorables à l'étranger servant dans la Légion étrangère, puisqu'une carte de résident lui est délivrée de plein droit au titre de la reconnaissance pour services rendus, à l'issue de ses trois premières années.
La prise en compte du certificat de bonne conduite a tout son sens s'agissant de la délivrance de plein droit d'une carte de résident à un étranger ayant servi dans la Légion. Le certificat de bonne conduite est un élément essentiel d'appréciation des services rendus lors de l'engagement.
Je précise surtout que 3 à 5 % des refus annuels de certificats de bonne conduite peuvent faire l'objet d'un contentieux administratif. Le refus de certificat de bonne conduite ne ferme pas la voie à l'obtention d'un titre de séjour par les voies ordinaires.
Enfin, les anciens légionnaires qui ne seraient pas titulaires du certificat de bonne conduite ou qui auraient quitté la Légion étrangère en cours de contrat peuvent obtenir une carte de résident sans que leur soit opposée la production du certificat lorsqu'ils peuvent justifier de leur statut d'ancien combattant ayant servi dans une unité combattante de l'armée française.
Il y a là, je crois, matière à rassurer Mme Lebranchu. Aussi paraît-il inopportun de supprimer le certificat de bonne conduite, qui est la contrepartie de l'octroi de plein droit du titre de séjour au légionnaire.
M. Goasguen a indiqué qu'on pourrait peut-être s'interroger davantage un jour sur l'accès à la nationalité. Je lui rappelle que les mesures en vigueur sont déjà très généreuses puisque l'article 21-19 du code civil précise que « peut être naturalisé sans condition de stage...
Vous avez raison, il y a un élément d'appréciation, ce n'est pas automatique.
« Peut-être naturalisé sans condition de stage, disais-je, l'étranger qui a effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée française ou qui, en tant de guerre, a contracté un engagement volontaire dans les armées français ou alliées ; l'étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou celui dont la naturalisation présente pour la France un intérêt exceptionnel.
J'avais moi-même évoqué cet article en demandant l'accélération de l'intégration.
Concernant les étrangers blessés que vient d'évoquer Mme Lebranchu, l'article 21-14-1 du code civil précise : « La nationalité française est conférée par décret, sur proposition du ministre de la défense, à tout étranger engagé dans les armées françaises qui a été blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel et qui en fait la demande. »
Vous le voyez, les dispositions législatives sont déjà très généreuses, même si on peut encore les améliorer.
(L'amendement n° 380 n'est pas adopté.)
Monsieur le président, je demande la parole avant que vous ne mettiez aux voix l'amendement n° 381 .
Monsieur le ministre, ce que vous dites sur la Légion étrangère est bien. Nous avons réussi à obtenir, non sans mal, que l'étranger blessé ou mort au combat puisse avoir la nationalité française, ne serait-ce que pour ses descendants.
Effectivement, monsieur Mariani.
Quand, d'un côté, les gens qui sont reconnus scientifiquement peuvent être, à titre exceptionnel, naturalisés en deux ans - et même avant si un ministre le décide, tous les ministres ayant en réalité la possibilité de naturaliser à leur gré pratiquement qui ils veulent - et quand, de l'autre côté, quelqu'un qui a servi cinq ans au feu dans la Légion étrangère est quasiment obligé de supplier pour avoir la nationalité française, je trouve cela cocasse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Tant mieux ! Qu'elle continue !
Lorsque la Légion étrangère a été créée, la France n'était pas une terre d'immigration, contrairement à ce qu'elle est aujourd'hui.
Quelqu'un qui a servi pendant cinq ans dans la Légion étrangère rencontre plus de difficultés à être régularisé que n'importe quelle personne qui vient de l'étranger. Soyons sérieux : si vous croyez que c'est le commandement de la Légion étrangère qui doit décider, par un certificat de bonne conduite, si le légionnaire peut être naturalisé, alors vous donnez une piètre image du service de l'armée à la française !
Je rappelle que tous les pays avaient des services étrangers avant 1789.
M. Goasguen n'a pas bien compris mes propos. J'ai indiqué que la base législative existante nous permet de faire déjà beaucoup.
Non, le ministre chargé de la nationalité que je suis n'a pas la possibilité – et il m'arrive de le regretter – de naturaliser qui il veut, comme il le veut et en l'absence de critères.
Dans un article précédent que vous avez voté, le ministre des affaires étrangères peut proposer la naturalisation accélérée d'une personne qui a contribué au rayonnement de la France. Le ministre de la défense peut le faire pour des personnes qui ont servi la France, ses intérêts et combattu pour elle – à cet égard j'ai rappelé quelle était la base législative.
Si vous votez le présent projet de loi, le ministre chargé de l'intégration pourra le faire sur une base limitée que vous avez vous-mêmes souhaité encadrer, pour des personnes qui ont particulièrement contribué au rayonnement de notre pays et dont l'intégration a été exceptionnellement réussie. Pour le moment, le ministre en charge de ces compétences n'a pas de pouvoir discrétionnaire – je n'ose pas dire « malheureusement », monsieur Goasguen, parce que vous n'aimez pas les adverbes.
N'étant pas parvenue à vous convaincre d'adopter l'amendement n° 380 , j'aurai peut-être plus de chance avec l'amendement n° 381 . Le commandement de la Légion explique très bien, et M. Teissier le sait, qu'entre 3 et 5 % des légionnaires se voient refuser l'attribution du certificat de bonne conduite pour des faits qui relèvent non pas de la qualité du service et de l'aptitude au combat mais d'erreurs de comportement qui pourraient éventuellement relever des juridictions civiles. C'est le cas, par exemple, de quelqu'un qui aurait commis de graves excès de vitesse.
Vous avez beau défendre le commandement, monsieur le président de la commission de la défense, il reste anormal qu'il conserve le pouvoir de faciliter ou non l'accès à la carte de résident qui permet de se reconvertir après plusieurs années passées dans la Légion, et chacun sait combien cette reconversion peut se révéler difficile.
Nonobstant cet argument qui ne vous touche pas, je suis choquée – et pourtant j'adore le football – qu'on accorde aussi facilement et presque immédiatement une carte de résident à un étranger qui vient jouer dans l'équipe de Saint-Pol-de-Léon – équipe du reste formidable.
Une telle différence n'est pas normale entre qui sait jouer au football et qui a passé des années sous les drapeaux en risquant ça vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Suite du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma