Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 5 octobre 2010 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 17 a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

J'espère que le Gouvernement acceptera de répondre à nos interventions sur l'article 17 A. Avec un autre article concernant l'abus de droit, il introduit en effet des dispositions qui visent à alléger les conditions auxquelles des mesures d'éloignement peuvent être prises à l'encontre de ressortissants européens. Et l'on voit évidemment qui est visé à travers ces articles.

Personne ici ne dit que la question est facile. L'arrivée massive de populations venant de pays comme la Roumanie et la Bulgarie pose un certain nombre de problèmes. Il ne s'agit pas de considérer qu'il n'y a pas de difficultés. Mais la manière dont le Gouvernement traite ces questions, la manière dont il l'a fait cet été, par des mesures d'expulsion expéditives, qui font l'objet d'interrogations de la part de la Commission européenne, la manière dont le Gouvernement décide, unilatéralement, de renforcer la législation concernant les ressortissants européens, alors même que la Commission européenne entame une procédure pour défaut de transposition de la directive « libre circulation », tout cela n'est pas acceptable.

Il est très difficile de comprendre comment le Gouvernement peut nous proposer d'adopter des mesures manifestement contraires aux demandes de la Commission au sujet de la directive « libre circulation », alors que la France est menacée d'une action devant la Cour de justice des communautés européennes.

C'est la première question que nous posons : pour essayer d'avancer sur ce dossier, ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, attendre que les explications avec la Commission aient lieu, pas seulement sur les dispositions que vous nous proposez aujourd'hui, mais aussi sur celles qui ont été transposées hier, et d'une manière que la Commission européenne conteste ? Il me semble qu'il serait de bonne méthode que le Gouvernement retire cet article, que l'on remette à plat la transposition de la directive « libre circulation », et que l'on discute sereinement de ces problèmes.

Je rappelle que la Commission reproche au Gouvernement français de ne pas avoir transposé de manière convenable la directive « libre circulation ». Nous avons déjà eu cette discussion, monsieur le ministre, et vous nous avez expliqué qu'il s'agit d'une différence d'approches juridiques entre l'administration française et la Commission européenne. Pour parler clairement, la Commission considère que les dispositions de la directive doivent être transcrites pour ainsi dire mot à mot dans le droit français, alors que l'administration française considère que, dès lors qu'elles sont déjà intégrées dans d'autres articles, dans d'autres parties de notre législation, il n'est pas nécessaire de le faire.

Comment expliquer, monsieur le ministre, que le ministre de l'intérieur et son directeur de cabinet aient pu prendre une circulaire manifestement contraire à la directive « libre circulation », sinon par le fait que les éléments de cette directive n'avaient pas été transposés de manière exhaustive dans le droit français ? Si la transposition avait été faite de manière complète, peut-être cette circulaire n'aurait-elle pas existé.

On voit bien que, comme M. Pinte vient de l'expliquer, sur la manière dont les expulsions doivent être menées, sur les garanties procédurales qui doivent être données aux personnes expulsées, sur l'interprétation de la « charge déraisonnable » pesant sur le système social d'un pays – qui est l'objet de cet article 17 A –, les interprétations différent. C'est pourquoi nous considérons que ce que vous proposez aujourd'hui n'est pas acceptable.

Nous reviendrons un peu plus loin sur la question de l'abus de droit. M. Pinte a cité l'article de la directive. Je citerai, pour ma part, son considérant 16. On peut y lire que « les bénéficiaires du droit de séjour ne devraient pas faire l'objet de mesures d'éloignement aussi longtemps qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil ». C'est la disposition que vous nous proposez d'adopter dans l'article 17 A. Mais, dans la phrase suivante du même considérant 16, il est écrit : « En conséquence, une mesure d'éloignement ne peut pas être la conséquence automatique du recours à l'assistance sociale. » Il est clair que, dans la directive, il y a pour le moins une ambivalence. Si elle contient des dispositions qui vont dans le sens que vous nous proposez, elle en contient d'autres qui montrent que ces dispositions doivent être mesurées et proportionnées. Nous ne sentons pas ces nuances dans le texte que vous nous proposez.

vous avez même alourdi ces dispositions, qui étaient auparavant contenues dans des textes réglementaires et qui vont maintenant figurer dans la loi. En effet, vous y avez ajouté l'hébergement d'urgence. Celui-ci sera désormais englobé dans ce que l'on doit entendre par « le système d'assistance sociale ». Or je rappelle que les personnes visées par ce texte sont présentes sur notre territoire pour un séjour d'une durée théorique inférieure à trois mois. Je voudrais donc que vous nous expliquiez comment la prise en charge de ces personnes peut constituer une « charge déraisonnable » alors qu'elles sont là pour un séjour de moins de trois mois, ce qui est très court. Vous savez bien que, après trois mois, dès lors qu'elles n'auraient pas de titre de séjour, elles seraient susceptibles d'être éloignées du territoire. Vous alourdissez donc cette disposition dans un contexte qui, manifestement, ne justifie pas qu'elle le soit.

Mais je voudrais que nous allions plus loin dans le débat. Car, au-delà des données techniques et des interprétations juridiques, il me semble clair qu'un certain nombre d'élus de la majorité considèrent – et c'est peut-être aussi la position du Gouvernement, même si elle n'est pas explicitement formulée – que l'Europe a été trop loin en matière de libre circulation. J'ai le sentiment qu'un certain nombre d'entre vous veulent revenir sur le principe de libre circulation…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion