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Intervention de Martine Billard

Réunion du 5 octobre 2010 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 17 ter

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

En tant que membre du groupe d'études sur le sida de notre assemblée, je voudrais d'abord rappeler que 6000 personnes meurent chaque jour dans le monde de cette maladie. Face à ce chiffre, les quelques personnes admises à venir se faire soigner en France ne représentent même pas une goutte d'eau.

Le rapporteur a proposé qu'elles ne puissent bénéficier d'un traitement que si celui-ci n'existe pas dans leur pays. Le Gouvernement, dans sa grande bonté, propose par amendement de ne le permettre que si ce traitement est indisponible.

Même s'il y a eu de grands progrès partout dans le traitement, 60 % des personnes qui vivent avec le virus n'ont toujours pas accès aux soins. Les médicaments disponibles dans les pays pauvres sont exclusivement des médicaments de première génération, très toxiques, à l'efficacité provisoire ; de toute façon, qu'ils soient disponibles ne signifie pas que les malades y ont vraiment accès.

Dans un arrêt du 7 avril 2010, le Conseil d'État, invoquant une loi de 1998, a estimé qu'il fallait tenir compte des coûts du traitement ou de l'absence de prise en charge adaptée qui empêcherait le malade d'y accéder effectivement. C'est cet arrêt que vous cherchez à contourner. Dans sa séance du 16 septembre 2010, le Conseil national du sida a estimé « devoir alerter le législateur sur le caractère très préjudiciable de l'évolution législative envisagée, dont l'impact affecterait profondément le droit des personnes concernées, mais également la santé publique et la maîtrise des dépenses de santé. »

Le Gouvernement propose de remplacer le mot « inexistence » par le mot « indisponibilité », mais quelle est la différence ? Veut-on parler de la disponibilité par rapport au nombre de malades que compte le pays ? Pense-t-on à l'accessibilité quelle que soit la distance entre le malade et le lieu du pays où il peut trouver un traitement ? L'accessibilité, certes, mais en fonction de quels revenus ?

Un traitement peut très bien être accessible uniquement sur certains points d'un territoire – généralement la capitale –, et pour le seul usage des élites des pays concernés, mais, dans ce cas, monsieur le ministre, votre proposition est tout simplement cynique.

En fait, l'amendement vise tout simplement à vous permettre de retrouver une virginité après l'émoi exprimé à l'énoncé de la proposition du rapporteur, tant par les associations de malades du sida que par le Conseil national du sida. Vous faites mine d'avoir entendu les protestations et de reculer, mais ce recul est totalement fictif. La situation reste la même quel que soit le mot retenu : « inexistence » ou « indisponibilité ». Demain, vous pourrez refuser aux malades qui se trouvent actuellement en France un renouvellement de leur titre de séjour, vous pourrez même opposer un refus à une première demande. Vous pourrez toujours les renvoyer dans leur pays au motif que des médicaments y sont disponibles. Et, effectivement, ils le seront, mais seulement pour ceux qui ont les moyens de les payer et pour ceux qui habitent la capitale.

Monsieur le ministre, votre amendement ne constitue donc absolument pas une amélioration par rapport au texte défendu par le rapporteur. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un recul par rapport au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, actuellement en vigueur. C'est surtout un gigantesque recul par rapport à la décision du Conseil d'État du 7 avril 2010.

C'est, entre autres, pour cette raison que cette question a ému le Conseil national du sida et le groupe d'études sur le sida de l'Assemblée nationale, saisi par le Conseil national et par les associations de malades.

Évidemment, la démonstration que je viens de faire pour le sida vaut pour les autres maladies graves. En conséquence, monsieur le ministre, je vous demande de revenir sur l'article 17 ter, introduit dans le projet de loi par le rapporteur, et sur votre propre amendement.

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