Mes chers collègues, je souhaiterais vous rappeler la genèse de l'article 17 ter.
La loi du 11 mai 1998 a permis de délivrer une carte de séjour temporaire à un étranger lorsque son « état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ». La décision d'admission au séjour est prise par le préfet après avis du médecin de l'ARS compétente ou, à Paris, du médecin chef de la préfecture de police.
Les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire accordée en raison de l'état de santé faisaient l'objet d'une interprétation du Conseil d'État, selon laquelle « la circonstance que [le requérant] serait originaire d'une région éloignée des structures médicales appropriées et qu'il aurait des difficultés financières à assumer la charge du traitement de sa maladie [dans son pays d'origine] est, en tout état de cause, sans incidence sur l'existence de soins appropriés à sa pathologie dans son pays d'origine ». Le juge administratif vérifiait donc l'existence ou non de soins appropriés à la pathologie dans le pays d'origine.
Cette position rejoignait d'ailleurs celle de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a validé l'expulsion d'une ressortissante ougandaise séropositive du Royaume-Uni vers son pays d'origine, estimant que « l'article 3 ne fait pas obligation à l'État contractant de pallier lesdites disparités [socio-économiques entre les pays] en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire ».
Les conditions de mise en oeuvre de cette disposition ont été profondément modifiées par un revirement jurisprudentiel du Conseil d'État dans deux décisions du 7 avril 2010, par lesquelles la Haute juridiction estime que la condition d'accès « effectif » aux soins exige que l'administration vérifie que, si un tel traitement existe, il soit accessible à la généralité de la population « eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement ».
Cette interprétation, ma foi fort généreuse, fait peser une obligation déraisonnable sur le système de santé français, ouvrant un droit au séjour potentiel à tout étranger ressortissant d'un pays ne bénéficiant pas d'un système d'assurance sociale comparable au nôtre. Le présent article vise donc à mieux encadrer les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire accordée en raison de l'état de santé, en reprenant dans la loi l'interprétation initiale de cette disposition par le Conseil d'État.