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Séance en hémicycle du 10 février 2011 à 22h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bioéthique
  • cellule
  • cellules souches
  • couple
  • don
  • dérogation
  • embryon
  • interdiction
  • procréation

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique (nos 2911, 3111).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de deux heures et trente-neuf minutes pour le groupe UMP, dont cinquante-huit amendements restent en discussion ; de cinq heures et vingt-cinq minutes pour le groupe SRC, dont seize amendements restent en discussion ; de deux heures et cinquante-sept minutes pour le groupe GDR, dont quatorze amendements restent en discussion ; de trois heures et seize minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont cinq amendements restent en discussion ; et de seize minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 15 à l'article 19 A.

Mes chers collègues, 180 amendements ont été déposés sur le texte. Après la discussion de quelque 75 amendements, il en reste beaucoup plus que la moitié. Une séance est prévue demain matin. Nous ferons peut-être une pause vers minuit pour voir ensemble comment conduire la suite de nos travaux.

Discussion des articles

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le rythme s'accélère ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 19 A, je suis saisi de deux amendements, nos 15 et 164 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour défendre l'amendement n° 15 .

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Le don de spermatozoïdes n'est aujourd'hui permis qu'aux hommes ayant déjà un enfant. À l'instar de l'ouverture du don d'ovocytes aux femmes sans enfants que nous avons votée tout à l'heure, je vous propose d'ouvrir le don, de spermatozoïdes aux hommes n'ayant jamais procréé afin d'améliorer le don, qui fait défaut en France. Je cite un chiffre : l'an dernier, il n'y avait que trois donneurs de sperme pour tout le département des Bouches-du-Rhône. La situation est donc difficile. Même si la recherche pour combattre l'infertilité masculine a été poussée très loin, il reste tout de même important de favoriser le don. C'est la raison pour laquelle j'ai cosigné cet amendement avec mes collègues Vialatte, Jardé, Domergue et Poletti.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Madame Boyer, puis-je considérer que vous avez défendu en même temps l'amendement n° 164  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est àM. Jean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

En raison de la spécificité du don d'ovocytes, que nous avons rappelée lors de la séance précédente, je suis défavorable à ces amendements. Il n'y a pas de parallélisme entre le retrait et la conservation des gamètes chez les hommes et chez les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Tributaire de sa précédente position sur un sujet voisin, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je comprends la position de M. le rapporteur, mais aujourd'hui, avec les progrès scientifiques que nous connaissons, l'objection et la crainte de voir apparaître un risque pathologique ou de malversation identifié sans procréation préalable a disparu. Dès lors je ne vois pas où est le problème dans le fait qu'un donneur qui n'a pas encore eu d'enfant puisse donner son sperme.

Même s'il est plus facile de donner son sperme que de donner ses ovules, on assiste néanmoins à une pénurie de sperme qui est dramatique. L'an dernier, trois donneurs dans les Bouches-du-Rhône, douze pour toute la région PACA, et moins de cent sur toute la France ! Sachant qu'avec un éjaculat on peut procéder à dix inséminations, il faut vraiment solliciter les donneurs.

(L'amendement n° 15 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi par M. le rapporteur d'un amendement n° 8 , de coordination

(L'amendement n° 8 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi par M. le rapporteur d'un amendement n° 9 , de précision.

(L'amendement n° 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 19 A, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 19 B, je suis saisi par M. le rapporteur d'un amendement n° 10 , de coordination.

(L'amendement n° 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 19 B, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Xavier Breton, premier inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Monsieur le président, cette intervention me permettra d'évoquer mes différents amendements et d'aller plus vite lors de leur présentation.

Mes chers collègues, cet article va, je l'espère, nous donner l'occasion de définir très clairement l'objectif de diminution du stock d'embryons surnuméraires. Nous savons que ce stock traduit l'impasse éthique dans laquelle se trouvent les couples engagés dans une assistance médicale à la procréation. Nous savons également qu'il attise la convoitise de la recherche, notamment pharmaceutique. En commission spéciale, nous avons adopté des amendements tendant à inscrire dans la loi un objectif de limitation en donnant les moyens d'atteindre ce résultat. Ce seraient de réelles avancées que nous allons, je l'espère, concrétiser.

Avec cet article, nous allons également débattre de l'inscription dans la loi d'une nouvelle technique : la vitrification ovocytaire. Certains collègues sont particulièrement impatients à ce sujet, mais différentes auditions auxquelles notre mission d'information a procédé nous appellent à une réflexion approfondie avant toute reconnaissance précipitée de cette technique. Je vais citer des extraits du compte rendu de trois auditions.

La première est celle de Jacques Testard, le 12 janvier dernier : « Il faut, me semble-t-il, anticiper les problèmes éthiques que peuvent soulever les nouvelles techniques et s'interroger, à chaque feu vert donné sur le plan législatif ou réglementaire, sur ce à quoi il peut conduire. Prenons l'exemple de la congélation des ovocytes : cette technique n'a aucune chance d'améliorer le taux de réussite de l'AMP – bien au contraire – par rapport à la congélation des embryons. Elle permettra en revanche la multiplication des dons d'ovocytes, plus ou moins contrôlés, le développement de grossesses chez des femmes ménopausées et, plus grave, rendra possible la création d'embryons clandestins, échappant à tout contrôle. En effet, les gamètes ne sont pas individuellement répertoriés et ne font pas l'objet de la même traçabilité rigoureuse que les embryons. “Il existe des parades”, me rétorquera-t-on. Sans doute, mais il conviendrait d'y réfléchir avant d'autoriser la technique. »

Je vais maintenant citer le docteur Pierre Boyer qui, bien que promoteur de cette technique, faisait remarquer devant la mission d'information, le 10 juin 2009, qu'« il faut toutefois être conscient que certaines dérives sont à craindre. Le développement de la vitrification pourrait ainsi relancer des programmes de transfert nucléaire ou bien stimuler la demande de conservation des ovocytes dans la perspective d'une utilisation ultérieure sans indication médicale ».

Dernier exemple : l'audition de Mme Jacqueline Mandelbaum, chef de service d'histologie et de biologie de la reproduction, responsable du CECOS de l'hôpital Tenon, à Paris, et membre du Comité consultatif national d'éthique ; voici ce qu'elle nous disait le 11 février 2009 : « La vitrification est une technique de congélation ultrarapide des ovocytes, qui semble la plus propre à préserver l'ovocyte. Elle ne saurait être cependant une alternative à la production d'embryons surnuméraires. […] La congélation d'ovocytes permet de conserver des ovocytes non fécondés afin de les utiliser en cas d'échec d'une première tentative. Si on ne met en fécondation qu'un seul ovocyte, le taux de succès risque d'être extrêmement faible. Si on en insémine deux ou trois, il va y avoir des embryons surnuméraires, qu'il faudra congeler à leur tour pour éviter le risque de grossesses multiples. […] De plus, la question se pose du sort des ovocytes congelés : faudra-t-il les garder, et si oui jusqu'à quand ? [Cette technique ] a en outre le défaut d'introduire une inégalité dans le couple : pourquoi ne pas conserver également les spermatozoïdes ? ». Elle concluait : « Quoi qu'il en soit, je ne vois pas dans la congélation d'ovocytes une alternative à la congélation d'embryons. »

Ce sont des propos de scientifiques qui nous invitent à la prudence en la matière. Nous verrons s'ils sont suivis lors de l'examen de nos amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vuilque

Monsieur Breton, je vous rappelle que d'autres personnes auditionnées n'étaient pas du tout sur la même longueur d'onde que celles que vous avez citées, notamment le professeur Friedman, qui avait demandé une évaluation de cette nouvelle technique de la vitrification. Mais sa demande a été bloquée car le Conseil d'État, se fondant d'ailleurs sur la loi bioéthique existante, a considéré qu'une telle évaluation relèverait de la recherche sur l'embryon. En France, nous avons donc perdu un temps très précieux dans le domaine de la congélation de l'embryon. C'est faire un mauvais procès à la recherche. Nous avons besoin que cette technique soit autorisée en France pour pouvoir d'abord l'évaluer avant de l'utiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je veux évoquer le docteur Boyer – je n'ai aucun lien de parenté avec lui – car je l'ai rencontré à plusieurs reprises à Marseille puisqu'il a travaillé avec le docteur Touram. Leur équipe fait partie des quelque quarante équipes françaises que j'avais auditionnées à l'Assemblée au sujet de la conservation d'embryons. Il figure parmi les personnes qui se sont avérées d'ardents défenseurs de la congélation rapide des ovocytes. Lui et le docteur Touram ont même déposé des demandes d'évaluation de cette innovation technique auprès de l'AFSSAPS et de l'ABM, ayant été bloqués dans leurs recherches et dans l'évolution de leurs travaux du fait de l'interprétation particulièrement discutable des lois de bioéthique par le Conseil d'État en mai 2009. Le docteur Boyer a certes évoqué les difficultés de cette technique mais, avec nombres d'autres médecins que j'ai auditionnés, il est tout à fait pour cette technique, il plaide et travaille pour qu'elle puisse être utilisée en France. Il ne faut pas interpréter ses propos dans le sens d'une interdiction, bien au contraire : lui et ses collègues sont pour, monsieur Breton.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 53 .

La parole est à M. Xavier Breton.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

C'est un amendement de cohérence car il n'est juridiquement pas du tout solide de prévoir dans la loi que la liste des procédés biologiques utilisés en AMP – y compris la vitrification des ovocytes – sera fixée par arrêté, tout en ajoutant que c'est le Conseil d'État qui précisera les critères d'inscription dans ladite liste. La loi ne définit pas les critères. Ce serait faire preuve de sagesse juridique que d'adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Défavorable. Je rappelle qu'aujourd'hui le seul moyen de diminuer le nombre d'embryons surnuméraires, c'est la vitrification des ovocytes. L'amendement va donc à l'encontre de l'objectif que nous visons.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

(L'amendement n° 53 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Nous le retirons, monsieur le président.

(L'amendement n° 185 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 14 .

La parole est à M. Xavier Breton.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

L'alinéa 3 de l'article 19 prévoit qu'un décret en Conseil d'État doit préciser les modalités et les critères d'inscription sur la liste pour les procédés susceptibles d'être d'utilisés dans le cadre de l'AMP. Il est précisé que ces critères « portent notamment sur le respect des principes de la bioéthique prévus dans les articles 16 à 16-8 du code civil ». Outre le respect de ces principes, les autres critères prévus sont d'ordre scientifique, qu'il s'agisse de l'efficacité du procédé, de sa reproductibilité ou de la sécurité de son utilisation pour la femme ou pour l'enfant à naître.

Mais il est dommage que ne soient pas aussi mentionnés les impacts potentiels d'un procédé d'AMP sur la société.

On sait en effet que les procédés biologiques utilisés par l'AMP ne sont pas neutres pour la société. Dans son étude, le Conseil d'État écrit : « L'assistance médicale à la procréation met en cause nos conceptions de la famille et de la société. La rupture qu'entraînent les techniques de procréation artificielle tant sur le plan scientifique qu'anthropologique est telle que le législateur les a encadrées par des règles strictes. » Ce n'est pas moi qui le dis, mais le Conseil d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Les conséquences peuvent en effet être importantes sur la psychologie des parents et des enfants, sur l'évolution du cadre familial, et plus largement sur le fonctionnement de la société. Il est donc de notre devoir d'essayer dans toute la mesure du possible d'anticiper ces conséquences.

Or nous subissons actuellement de fortes pressions pour reconnaître sans aucune étude préalable approfondie – elles ont peut-être tardé à venir, j'en conviens – la vitrification des ovocytes. Avons-nous mesuré les conséquences possibles de cette nouvelle technique sur notre société ?

Si elle est validée, cette nouvelle technique débordera inéluctablement et très rapidement du cadre actuellement fixé par la loi. Là encore, ce n'est pas mon avis mais celui des scientifiques que j'ai cités tout à l'heure.

Ne va-t-elle pas être une nouvelle étape dans l'expression et la formalisation d'un prétendu droit à l'enfant ? Soyons responsables et essayons d'anticiper ces débordements pour ne pas nous retrouver dans quelques années, voire dans quelques mois, dépassés et confrontés à de nouvelles impasses éthiques.

Cet amendement propose donc, très sagement, que les impacts potentiels sur la société soient étudiés avant toute autorisation de nouveaux procédés d'assistance médicale à la procréation.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable. Ce n'est pas du niveau de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

À quoi servons-nous, dans ce cas ?

(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 55 .

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Cet amendement, qui a fait l'objet d'un long débat en commission, a été retravaillé.

Il a pour objectif d'inciter à ce que la liste des procédés biologiques utilisés en AMP, fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'Agence de biomédecine, et le décret en Conseil d'État qui fixe les modalités et les critères d'inscription des procédés biologiques sur cette liste, soient pris dans les meilleurs délais.

Il est donc demandé à l'Agence de biomédecine de remettre au ministre de la santé, dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, un rapport précisant la liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation ainsi que les modalités et les critères d'inscription des procédés sur cette liste.

Pourquoi ai-je déposé cet amendement ? Afin d'inciter le Gouvernement à prendre rapidement les décrets. Rappelons que cette liste a mis des années à être publiée et qu'elle a fait perdre des chances à des femmes françaises suivies en France d'avoir accès à ces procédés qui ont été testés à l'étranger avec succès. Plus de 1 000 bébés sont nés grâce à ces techniques, telle la congélation rapide des ovocytes, qui ont fait la preuve de leur innocuité.

C'est la raison pour laquelle je me permets d'insister pour la publication rapide de cette liste. Puisqu'on ne peut pas fixer de délai, on m'a demandé de procéder de cette façon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Défavorable. Le but de Valérie Boyer est d'inciter le Gouvernement à lui répondre qu'il prendra le plus rapidement possible les arrêtés. J'attends cette réponse pour que notre collègue puisse éventuellement retirer son amendement.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Si c'est un engagement que souhaite Mme la députée, je suis prêt à le prendre. Vous souhaitez que les textes, notamment le décret, soient publiés rapidement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Dans ce cas, je suis prêt à m'y engager. Vous n'êtes pas obligée de me croire sur parole, mais chaque fois que j'ai eu des textes à appliquer, j'ai toujours veillé à ce que cela se fasse dans les meilleurs délais. Je peux donc m'engager sur un délai de quelques mois. On m'indique un délai de six à sept mois, et je pense qu'il peut s'agir d'un maximum.

Je suis prêt à m'engager dans ce sens. Si vous décidez de maintenir votre amendement malgré tout, je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Monsieur le ministre, vous savez que vous avez toute ma confiance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

On ne le répétera pas à Jean-François Copé !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Néanmoins, j'ai déposé cet amendement et nous avons eu un très long débat en commission, car force est de constater que cette liste n'a pas été publiée malgré les engagements qui avaient été précédemment pris. Beaucoup de personnes se sont retrouvées dans une impasse.

On m'a dit qu'il n'était pas possible de rédiger le texte d'application au moment de la publication de la loi ; on m'a dit qu'il n'était pas possible non plus de fixer une date. C'est la raison pour laquelle je demande un délai.

Si je puis me permettre, sans vouloir outrepasser la bienséance, il me semble que six à sept mois, c'est beaucoup pour les personnes qui attendent depuis si longtemps. Je crois que l'engagement devrait porter sur un délai plus court, d'autant que nous attendons cette liste depuis vraiment très longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Même si j'ai confiance, je vais le maintenir. C'est un signal important.

(L'amendement n° 55 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 160 .

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Vous me trouverez un peu obsessionnelle, mais je crois qu'il vaut mieux prendre toutes les précautions pour que la technique de congélation ultrarapide des ovocytes soit autorisée. Je sais que c'est le cas, mais cela va encore mieux en le disant.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Non, je le maintiens.

(L'amendement n° 160 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Tous les députés ont le même poids, il a été adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 186 .

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

L'amendement est retiré, monsieur le président.

(L'amendement n° 186 est retiré.)

(L'article 19, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 20.

La parole est à M. Patrick Bloche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Si je n'intervenais pas à ce stade de la discussion, je serais ultérieurement dans l'impossibilité d'évoquer la position de notre groupe sur l'ouverture de l'assistance médicalisée à la procréation aux femmes, sans conditions de situation de couple ou d'infertilité.

Nous avions déposé deux amendements qui ont été examinés en commission, mais ils ont subi le couperet de l'article 40 et n'ont pas survécu jusqu'à l'examen en séance, si j'ose dire.

En m'inscrivant sur l'article 20, au nom de mon groupe, je voulais affirmer notre volonté d'élargir les conditions d'accès à l'AMP.

La société évolue et cet accès élargi existe déjà dans des pays proches du nôtre sur les plans tant culturel que géographique : la Belgique, le Danemark, l'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Il nous semble donc que l'heure est venue de revoir les conditions d'accès à l'AMP.

Actuellement, l'AMP est ouverte aux couples mariés ou aux couples stables justifiant de deux ans de vie commune. Cette révision des lois bioéthiques va permettre de faire bouger le curseur en ce qui concerne les couples hétérosexuels. Nous considérons que l'AMP doit aussi être accessible à toute femme, stérile ou non, qu'elle soit célibataire, en couple avec un homme ou en couple avec une autre femme.

L'infertilité ne saurait être le seul critère d'accès à l'AMP. Actuellement, une femme célibataire de plus de vingt-huit ans peut demander un agrément en vue de l'adoption d'un enfant, auprès du conseil général dont elle dépend. Une femme seule peut donc adopter, mais pas avoir accès à l'AMP. Pour dépasser cette incohérence juridique, nous souhaitons que notre droit évolue.

Dès 2004, nous avons affirmé notre volonté d'ouvrir l'adoption aux couples homosexuels. De la même façon, nous voulons permettre aux couples de femmes homosexuelles d'accéder à l'AMP. Nous le disons très nettement, ouvertement : il s'agit pour nous d'inscrire dans notre droit une reconnaissance supplémentaire de l'homoparentalité.

Nous considérons que la situation de couple ou d'infertilité des femmes seules ne doit pas être prise en compte comme critère d'accès à l'AMP. Dans notre société, rappelons-le, un foyer sur cinq est une famille monoparentale, le plus souvent constituée autour de la mère.

Sur les bancs situés à droite de cet hémicycle, il a été dit que la procréation ne pourrait être que le fruit d'une rencontre entre un homme et une femme. De notre point de vue, cette notion est trop limitée, et dépassée, dans une société où des femmes seules ou en couple souhaitent donner la vie et élever des enfants qu'elles ont elles-mêmes conçus.

Voilà les raisons pour lesquelles nous aurions souhaité que nos deux amendements suscitent un vrai débat dans l'hémicycle sur l'ouverture de l'AMP aux femmes quelle que soit leur situation de couple ou d'infertilité.

L'article 40 ayant frappé nos deux amendements, j'ai profité de l'article 20 pour rappeler notre position et espérer qu'un prochain rendez-vous législatif permettra à notre pays de faire ce grand pas en avant qui, en fait, ne serait qu'un alignement sur les pratiques de pays proches de nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nauche

Je voudrais juste compléter l'intervention de Patrick Bloche. L'AMP est certes un sujet scientifique et médical, mais elle est aussi devenue un sujet sociétal. On ne peut se limiter à son seul aspect de traitement médical palliatif – et non curatif, je le rappelle – de l'infertilité.

La société s'interroge désormais plus largement sur le droit à fonder une famille, c'est-à-dire sur la légitimité d'un projet parental. C'est l'évolution de l'AMP qui a créé ce débat : inexistant lorsque la technique était uniquement endogène, il a émergé quand a été fait usage du don d'une tierce personne.

L'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'homme reconnaît à chacun le droit de fonder une famille. Il ne s'agit pas de valider un quelconque désir d'enfant mais bien de valider la constitution d'un projet parental, le droit à fonder une famille.

Monsieur le ministre, lors du débat en commission, vous avez dit que nous n'avions pas à nous aligner sur les pratiques de tourisme médical. J'en suis d'accord, mais cela ne suffit à balayer le débat d'un revers de main, même si l'accès aux techniques de l'AMP pour toutes les femmes qui en ont les moyens financiers est possible dans des pays très voisins du nôtre.

Le problème fondamental est bien celui du statut de l'assistance médicale à la procréation. Doit-elle rester médicale dans ses indications, c'est-à-dire réservée au seul traitement palliatif de l'infertilité ? Au contraire, tout en restant bien sûr médicale dans sa réalisation et ses techniques, avec un encadrement éthique et une logique non mercantile, doit-elle avoir des indications à la fois médicales et sociétales permettant l'exercice réel du droit à un projet parental ?

En l'état actuel des possibilités matérielles autorisées et non remises en cause, j'ai la conviction que nous devons offrir cette possibilité à toutes les femmes qui ont ce projet parental, qu'elles soient célibataires, en couple avec un homme ou en couple avec une femme.

C'était l'objet de l'un des amendements que nous avions déposés et qui a été rejeté en application de l'article 40, comme l'a expliqué Patrick Bloche.

Peut-être cette question sera-t-elle considérée par nombre d'entre nous comme prématurée ou comme hors sujet. Cependant, nous n'échapperons pas à la réalité. Cette question naît de la prise en compte conjuguée des droits de l'homme, de l'évolution scientifique et technique et de la demande sociétale.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je serai bref, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parce que tout a été dit par mes collègues Bloche et Nauche. Je confirme simplement que la position des députés écologistes, au nom desquels je m'exprime, est la même. J'avais moi-même déposé un amendement qui allait dans ce sens et qui a été jugé irrecevable au titre de l'article 40.

Nous pensons qu'il faut sortir de la logique de lutte médicale contre l'infertilité pour nous ouvrir à celle de fertilité sociale et apporter un certain nombre de réponses à ce qui existe déjà et que, de toute façon, vous ne pourrez pas empêcher. Plutôt que de pratiquer la politique de l'autruche et du laisser-faire, puisqu'il existe déjà ce qu'on appelle les « AMP Thalys » entre la France et la Belgique, il vaudrait mieux légiférer, encadrer et permettre à des couples homosexuels, pour dire les choses comme elles sont, à ceux qui ont choisi d'avoir la même orientation sexuelle, de pouvoir fonder une famille. L'évolution des mentalités va beaucoup plus vite que celle de la représentation politique puisqu'on constate aujourd'hui qu'une majorité de Français est d'accord avec l'idée que l'on puisse constituer des familles homoparentales.

Si on l'accepte du point de vue de l'adoption – la société l'a agréé même si le droit ne l'accepte toujours pas, sinon de manière un peu hypocrite en acceptant l'adoption d'un enfant par une personne seule –, on doit pouvoir l'étendre à l'assistance médicale à la procréation pour des femmes seules et donc pour pouvoir élever des enfants lorsqu'on a choisi la même orientation sexuelle.

Tel était l'objet des amendements que nous avions déposés. Nous tenions à le dire avant l'examen des amendements sur l'article 20 pour que ce soit noté dans les grimoires de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Je veux défendre la notion médicale de l'aide médicale à la procréation.

Dans une société, les désirs et les insatisfactions peuvent être infinis et doivent être réglés par des réformes sociétales si le Parlement, le peuple français, le juge utile.

Par ailleurs, il existe une logique médicale qui consiste à corriger des pathologies et à compenser des anomalies ou des handicaps.

Les états généraux de la bioéthique disent deux choses en apparence contradictoires, qui donnent des satisfactions et des insatisfactions de part et d'autre de cet hémicycle : ils se sont exprimés pour le mariage des couples homosexuels et contre l'aide médicale à la procréation en dehors d'une pathologie et d'une référence à une stérilité sociale.

Cette logique a au moins l'avantage de la clarté. Elle a conduit votre rapporteur à supprimer dans le texte les notions de mariage, de PACS et de concubinage et la référence à un délai de deux ans. Selon moi, sur le plan de la société, le concubinage n'est pas la même chose que le PACS et le PACS n'est pas la même chose que le mariage. Mais, sur le plan médical, le médecin qui a en face de lui un couple stérile se trouve devant une volonté commune de procréer dans un contexte d'incapacité médicale à le faire.

En disant cela, j'ai bien conscience de ne donner satisfaction ni au côté gauche de cet hémicycle, ni au côté droit, puisque mon ami Le Fur a déposé un amendement tendant à rétablir le délai de deux ans et à hiérarchiser le mariage, le PACS et le concubinage. Mais la logique que je défends me paraît lisible et explicable.

Nous débattons d'une loi de bioéthique, non d'une loi de modification de la santé.

Je sais bien qu'elle est irriguée par deux courants forts – l'un lié à la demande sociétale et l'autre à l'innovation médicale – qui, tous deux, nous interrogent sur nos valeurs communes et réclament de nous cohérence, rigueur, et une définition claire de ce qui entre dans cette loi et de ce qui n'y entre pas.

C'est la raison pour laquelle je considère que c'est à l'infertilité médicale que doit répondre l'aide médicale à la procréation.

C'est aussi pour cette raison que j'ai supprimé la référence à un délai minimum de vie commune pour prétendre à cette aide. Le concubinage est défini dans le code civil comme une union stable. Si, sur le plan social et sociétal, je fais parfaitement la distinction entre celui-ci, le PACS et le mariage, sur le plan médical cette distinction ne vaut plus puisqu'un médecin constate une anomalie, un handicap ou une pathologie.

Je voulais m'expliquer à ce sujet avant l'examen des amendements. Je voulais qu'on comprenne bien la démarche que nous avons suivie et qui a été celle des citoyens réunis dans le cadre des états généraux de la bioéthique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 104 .

La parole est à M. Philippe Gosselin.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je répondrai brièvement à l'argumentation du rapporteur, qu'on retrouve très fréquemment dans ce débat, consistant à opposer en permanence le médical et le social. Cette argumentation ne tient pas une minute : à partir du moment où on a introduit la notion de fécondation in vitro par tiers donneur,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

…on a renoncé à se situer uniquement dans le cadre biologique de la reproduction à partir d'un couple constitué d'un homme et d'une femme. On a introduit un élément social et fait un choix social.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Par conséquent, refuser à des couples homosexuels ou des personnes seules de pouvoir bénéficier de l'aide médicale à la procréation est également un choix social et politique.

Ne vous cachez pas, monsieur le rapporteur, derrière le médical pour, en fait, entériner un choix de société que vous faites et que plusieurs de vos collègues, d'ailleurs, assument parfaitement.

Plusieurs députés du groupe UMP. Totalement et sans souci !

(L'amendement n° 104 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 56 .

La parole est à M. Xavier Breton.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Par cet amendement, nous souhaitons rétablir le texte prévu par la loi du 6 août 2004.

Dans l'intérêt de l'enfant, un projet parental nécessite de la stabilité. Le mariage, institution fondée sur l'engagement entre un homme et une femme, est également un acte fondateur de filiation. Il paraît donc le plus à même d'apporter cette stabilité.

À défaut de mariage, l'exigence d'une vie commune stable d'au moins deux ans est raisonnable. Ce délai présente également l'intérêt de s'assurer de l'infécondité du couple.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Cet amendement tend à rétablir la rédaction de la loi de 2004. Or, compte tenu de l'évolution, imposer un délai de deux ans aux couples non mariés me semble très long.

Est-ce le délai de deux ans qui vous pose un problème, monsieur Breton, ou la question du statut ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Si c'est les deux, je ne puis donner un avis favorable. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous aurions préféré que vous donniez un avis défavorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur Breton, il faudrait quand même regarder la réalité de la société. Vous n'êtes pas obligé de la regarder à travers le filtre de vos convictions qui, en l'occurrence, vous aveuglent ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Aujourd'hui, plus de la moitié des enfants naissent hors mariage. Cela contredit complètement votre baratin sur le mariage. Si, comme vous le prétendez, celui-ci induit la naissance des enfants, on devrait annuler le mariage des couples infertiles.

Arrêtez de nous asséner votre conception judéo-chrétienne du mariage.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous vivons dans une société laïque et nous sommes, dans cet hémicycle, en train de fonder la loi. Celle-ci ne s'inspire pas des religions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Le mariage est dans le code civil avant d'être dans la Bible !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La loi s'inspire de la société. Elle fixe un cadre. Le mariage n'est qu'un contrat passé entre deux personnes qui ont choisi de vivre ensemble. Cela n'a rien à voir avec les conceptions qu'on peut en avoir dans l'église, dans la synagogue ou dans la mosquée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

(L'amendement n° 56 n'est pas adopté.)

(L'article 20 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de trois amendements de suppression, nos 215, 57 et 93.

La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 215 .

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Cet amendement tend à supprimer l'article 20 bis relatif au transfert d'embryons post mortem. C'est un sujet que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer. J'estime que la légalisation du transfert d'embryons post mortem remet en cause les fondements qui ont présidé au choix des critères d'accès à l'AMP depuis 1994.

Je le dis clairement : ce n'est pas du tout la même chose de naître orphelin en raison d'un accident de la vie que d'avoir été conçu orphelin.

Je comprends l'émotion que certains cas ont pu susciter. Mais cette possibilité serait en contradiction avec les choix qui ont été faits.

De plus, elle aurait des conséquences patrimoniales qu'il est très difficile d'appréhender dans leur ensemble et aboutirait à doter l'embryon de droits spécifiques en matière de succession.

Enfin, ce ne serait pas du tout la même chose pour l'enfant plus tard. C'est un aspect qui me semble mériter d'être pris en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Xavier Breton, pour défendre l'amendement n° 57 .

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Les cas dans lesquels la question du transfert d'embryons post mortem peut se poser sont rares mais douloureux. Cependant, en tant que législateurs, il nous semble important de distinguer entre les circonstances dramatiques de la vie qui font d'un enfant un orphelin et le fait de créer volontairement et délibérément cette situation.

Par ailleurs, si l'on autorise la femme à poursuivre le projet du couple, que devons-nous faire pour l'homme qui devient veuf ? Comment pourrait-on refuser à l'homme dont la femme décède de ne pas bénéficier du même droit que celui qui serait accordé à la femme dont le mari décède ? En fait, cela conduirait à accepter la gestation pour autrui.

Comme on le voit, accepter le transfert d'embryons post mortem pose des problèmes importants. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 20 bis, adopté en commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour défendre l'amendement n° 93 .

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Si on peut comprendre la douleur des femmes qui sont touchées par un tel drame, les raisons invoquées par M. le ministre me paraissent tout à fait évidentes.

Selon le dispositif adopté en commission, l'enfant naîtrait entre quinze et vingt-sept mois après le décès du père. Il deviendrait alors un substitut symbolique du père disparu et porterait une charge psychologique très importante.

Par ailleurs, cela pose juridiquement des problèmes de filiation compliqués et porterait atteinte au droit de la famille. Ce serait une révolution de notre droit.

Poser comme limites à la procréation les limites de la vie me semble donc raisonnable.

C'est pourquoi, comme le propose le Gouvernement, il me paraît nécessaire de revenir sur le dispositif adopté en commission et donc de maintenir l'interdiction du transfert d'embryons post mortem.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Pour ce qui me concerne, j'ai été, en commission, extrêmement hésitant et me suis efforcé de trouver une formule permettant d'éviter les dérives et conservant au dispositif son caractère exceptionnel ; je ne l'ai pas trouvée.

En effet, les cas où l'implantation de l'embryon est imminente mais où le père disparaît constituent des situations quasiment identiques à celle où une femme enceinte voit mourir le père de son futur enfant. Et je n'arrive pas à définir juridiquement cette situation, où surviendrait la mort brutale, imprévisible, inopinée du père, plongeant la femme dans un double deuil, celui du conjoint et celui du projet parental qu'ils avaient fait ensemble.

Martine Aurillac et Alain Claeys le diront mieux que moi : il est insupportable de devoir dire à cette femme qu'elle n'a pas le droit de recueillir l'embryon issu de l'homme qu'elle aimait et qu'elle doit soit le détruire, soit en faire don à un autre couple. Je regrette donc d'être contraint de donner un avis défavorable, mais je ne vois pas comment éviter l'hypothèse pour le moins morbide où un homme se sachant proche de la mort envisagerait de « léguer » un embryon à sa partenaire vouée à lui survivre. Nous ne serions plus là dans le contexte d'une mort brutale mais dans un projet parental différé, bien éloigné des objectifs et du respect de l'éthique que nous défendons.

N'ayant pu trouver les garde-fous à de telles dérives, je donne à titre personnel un avis défavorable, tout en rappelant que la commission s'est prononcée favorablement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur le rapporteur, tout ce que vous avez dit est extrêmement clair, mais pourriez-vous préciser à quoi vous donnez un avis défavorable ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je rappelle en effet que nous discutons du texte de la commission.

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Monsieur le ministre, cet amendement avait été longuement discuté en première lecture, en 2002 ; il avait été largement adopté sur tous les bancs. Nous nous étions beaucoup interrogés, à l'époque, et je vous demande de ne pas user de l'argument successoral, brandi par tous les cabinets ministériels.

De quoi s'agit-il ? D'apporter, dans des cas extrêmement rares, une solution à une femme se trouvant dans une situation épouvantable. Jean Leonetti a rappelé l'état actuel de la législation : lorsqu'un couple est dans un projet parental, avec un embryon constitué, mais que l'homme meurt brutalement, la femme n'a d'autre alternative que la destruction de l'embryon ou sa remise à un tiers, soit un choix impossible. C'est le rôle du législateur d'offrir à l'équipe médicale et à cette femme la possibilité d'une autre solution. C'est de leur dialogue singulier que naîtra éventuellement la décision d'implanter cet embryon.

Nous avions, à l'époque, beaucoup réfléchi, car nous mesurions toutes les difficultés entourant une telle décision : le contexte de deuil, le risque de décider sous le coup de l'émotion, le délai de validité de la procédure. La rédaction retenue en 2002 essayait d'encadrer le mieux possible le transfert post mortem. Dès lors que la loi n'est plus révisée que tous les cinq ans, le législateur doit dès aujourd'hui permettre ces transferts, sans pour autant les rendre automatiques.

J'entends ceux qui disent que l'on va faire naître un orphelin, mais c'est un argument un peu facile car une femme enceinte qui perd son mari dans un accident de voiture fait, elle aussi, naître un orphelin.

J'ai beaucoup réfléchi à cette question en 2002 ; nous y sommes revenus en deuxième lecture en 2004 et je regrette que nous ayons supprimé la possibilité de ces transferts post mortem sans apporter aucune autre solution. J'insiste donc pour que la représentation nationale légalise aujourd'hui le transfert post mortem.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Claeys, ne cédons pas à la facilité : je vous l'ai dit tout à l'heure, l'aspect patrimonial n'est pas primordial.

Je comprends votre empathie mais j'ai une simple question : quel est l'intérêt de l'enfant ? Nous avons toutes les peines du monde à mesurer quelles seront les conséquences pour l'enfant porté par une femme ayant assumé seule le projet parental. Vous parlez de dialogue singulier et je respecte votre position, mais je place au-dessus de tout l'intérêt de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Je comprends les réserves et l'opposition du ministre comme l'inquiétude du rapporteur. Cette question sensible et grave dépasse fort heureusement les clivages politiques et concerne plus particulièrement les femmes.

Il s'agit de permettre le transfert d'embryon après le décès du père, dès lors que celui-ci avait donné son consentement et qu'un processus de transfert correspondant à un véritable projet parental dans le cadre d'une AMP était donc largement entamé.

Légiférer en la matière est certes difficile, mais je considère que, si le projet de transfert était manifestement en voie d'exécution au moment du décès et si, encore une fois, le père avait donné son consentement préalable, il doit pouvoir être mené à terme, s'agissant d'un parcours entamé souvent depuis longtemps, semé d'on sait combien d'obstacles et dont l'espoir se trouve anéanti par cet accident.

Une telle possibilité, qui ne concerne que des cas extrêmement rares, me paraît recevable. C'est pour cela que j'avais proposé, avec le président Claeys, un amendement en ce sens à la commission spéciale. Le Comité national d'éthique et l'Académie de médecine ont, je vous le rappelle, toujours soutenu cette légalisation.

Bien sûr, il faut des garde-fous qui encadrent cette disposition. J'ai donc proposé dans mon amendement que cette poursuite du projet parental ne puisse se faire que dans un délai compris entre six et dix-huit mois : six mois pour éviter une décision hâtive dictée par l'émotion ; dix-huit mois parce que cela ne constitue pas un délai excessif, compte tenu du temps qu'il faut pour mener à bien ce projet, le consentement du père de son vivant étant, je le répète, indispensable ainsi que l'avis de l'agence de biomédecine.

Cet amendement, monsieur le ministre, emporte bien entendu des conséquences juridiques en matière de filiation et de succession ; elles sont prévues par mon amendement.

Cette grossesse « posthume » est respectueuse du choix de la mère, seule juge de sa volonté de maternité. Elle évite également la sélection par l'argent, rien n'empêchant aujourd'hui une femme, si elle en a les moyens, de mener son projet parental à l'étranger.

On m'objectera qu'il est souhaitable qu'un enfant soit élevé par ses deux parents. C'est vrai, mais l'enfant le mieux accueilli court toujours le risque d'être orphelin ou victime d'un divorce conflictuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Les circonstances dans lesquelles va naître et grandir cet enfant désiré par un père, que sa femme aura aimé au point d'assumer seule l'éducation de l'enfant qu'elle a voulu de lui sont à bien des égards meilleures que celles d'un enfant né de père inconnu ou dont le père a abandonné la mère à peine enceinte, ou encore d'un enfant que se disputent des parents divorcés. De surcroît, nous savons tous que rien n'empêche une femme célibataire de concevoir ou d'adopter seule un enfant, autant de situations réelles que la société la plus totalitaire ne saurait interdire.

Faut-il enfin rappeler, comme l'a fait le président Claeys, qu'à l'heure actuelle une femme dans cette situation rarissime n'a que le choix cruel entre, d'une part, la destruction de l'embryon ou, paradoxalement, l'offre à un autre couple si notre loi est votée en l'état et, d'autre part, le don à la recherche, souffrance supplémentaire qui s'apparente, me semble-t-il, à un deuxième deuil. Quant à l'embryon, n'est-il pas préférable de lui permettre de vivre avec sa mère, qui a aimé son père au point d'accepter de l'élever seul ?

Pour l'ensemble de ces motifs, je souhaite très vivement que l'Assemblée ne conserve pas d'interdiction pour ce type de cas exceptionnels et qu'elle rejette l'amendement de suppression. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

J'ai le privilège d'avoir participé à trois discussions d'une loi de bioéthique sur ce sujet. Vous soutenez, monsieur le ministre, qu'il ne faut pas revenir sur 1994 et 2004. En 1994, en deuxième lecture, l'Assemblée s'est partagée sur cette question à voix égales et l'amendement n'a pas été adopté ; en 2004, il a été voté en première lecture mais pas en deuxième lecture ; en 2011, il a été voté en commission : nous verrons tout à l'heure s'il est voté dans l'hémicycle.

Il faut savoir écouter les arguments avancés par les uns et les autres, et l'intérêt de l'enfant, mis en avant par le ministre, est un vrai sujet. Il n'empêche que nous nous trouvons dans le cas où il s'agit d'implanter un embryon – et non un spermatozoïde ou un ovocyte, comme le croient certains qui pensent que l'enjeu est simplement de congeler du sperme pour pouvoir faire des enfants longtemps après – conçu dans un projet parental. Comme l'ont dit Alain Claeys, Martine Aurillac ou encore Jean-Sébastien Vialatte ou Olivier Jardé, qui ont soutenu cet amendement en commission, il ne reste que trois solutions si cet article est supprimé. La première solution, c'est la destruction de l'embryon, effective au bout de cinq ans. La seconde solution, c'est d'autoriser la recherche sur cet embryon.

La troisième solution, sans doute la pire pour une maman, consiste à donner l'embryon à un couple receveur.

Vous pensez sûrement à l'intérêt de l'enfant, mais essayez d'imaginer la douleur de la mère lorsque l'embryon conçu sera donné à un autre couple. Elle n'aura pas pu mener à bien le projet parental qu'elle avait entamé avec un conjoint décédé dans des circonstances exceptionnelles. Son projet n'était pourtant pas virtuel : l'embryon devait être implanté peut-être quelques jours seulement après le décès.

Les cas seront peu nombreux. Il y en aura sûrement moins que d'enfants nés après le décès de leur père au cours de la grossesse. La situation de ces enfants, nés immédiatement après la mort de leur père, est sans doute difficile. Elle est exactement la même que celle dont nous débattons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Chers collègues, je ne comprends pas votre position : selon les arguments que vous développez habituellement, le « point zéro » est dépassé, vous devriez donc vous opposer à la destruction de l'embryon.

L'argument patrimonial ne tient pas car, comme Mme Aurillac l'a rappelé, l'article 20 bis règle le problème.

Le Parlement s'honorerait à ne pas reprendre le jeu de yoyo qui fut le sien en 1994 et en 2004. L'article a été adopté en commission spéciale à une très large majorité ; j'espère que nous le confirmerons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Sur un sujet tel que la bioéthique, je ne m'exprime pas au nom d'une appartenance à un mouvement ou à une majorité politique. En fait, au cours de ce débat, nous nous appuyons tous sur nos convictions les plus profondes : c'est compliqué ; c'est même parfois déchirant.

L'amendement présenté par le Gouvernement vise à maintenir la législation en l'état en supprimant l'article adopté par notre commission spéciale.

Un événement de la vie que nul ne maîtrise doit-il interrompre un projet parental qui visait à faire naître un enfant, à l'élever, à lui permettre de grandir, de s'épanouir et de rejoindre notre société ? Les amendements de suppression plaident pour l'interruption, et j'entends tous les arguments concernant les droits de l'enfant. Pourtant, aujourd'hui, la science et la vie nous ont permis de dépasser les aléas rencontrés – les surmonter est d'ailleurs sans doute le fait même de l'homme.

Nos situations personnelles ne doivent à aucun moment interférer dans notre activité de législateur puisque nous faisons la loi pour l'ensemble de la société. Nous pouvons toutefois donner des exemples.

Parce qu'il était médecin, le père de ma mère est décédé quelques jours seulement après la conception de cette dernière. En 1942, il avait choisi de rejoindre l'Algérie frappée par une épidémie de typhus ; à l'époque, les antibiotiques n'existaient pas encore. Il est mort avant même de savoir qu'il attendait un enfant. Cet exemple compte pour moi mais il ne doit pas influencer le législateur ; il montre seulement que, à quelques jours près, la vie et le projet parental peuvent basculer en fonction d'événements fortuits ou volontaires.

L'essentiel est donc que la « volonté » du couple soit bien réelle, même lorsqu'il se fait assister pour enfanter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

On me rétorque que l'enfant en question n'aura pas de père. Il arrive que la vie impose ces circonstances sans même qu'il y ait eu assistance médicale. Il arrive aussi, malheureusement, que cela ait des conséquences, y compris psychologiques, sur les enfants concernés – et je sais de quoi je parle. Peut-on pour autant affirmer, dès lors que la volonté du père et de la mère était claire, que la femme qui le désire n'a plus le droit – car nous faisons le droit – de « prolonger » cette volonté. Pour notre part, avons-nous le droit d'interdire par la loi ce que la nature n'interdit pas ? Avons-nous le droit d'interdire ce que la nature interdit parfois ?

Le droit doit protéger le plus faible, qui peut se trouver dans cette situation accidentellement ou volontairement. Certes, l'enfant a des droits, mais la nature le prive souvent de ses droits. Lorsque la volonté parentale est affirmée et que le projet parental existe, je ne crois pas que le droit que nous disons ici doive venir s'interposer ; il faut simplement que nous laissions le choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je crois que, parce que nous avons soupesé tous les éléments du débat, nous pouvons maintenant introduire le choix dont vient de parler M. Lagarde. Il devra s'effectuer dans un cadre précis.

Je comprends les craintes exprimées par le rapporteur concernant les dérives possibles, notamment celles liées aux projets morbides. Cependant, la rédaction de l'article, tel qu'il a été adopté par la commission spéciale, encadre sérieusement le transfert d'embryon post mortem. Des délais sont prévus – au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès –, et l'autorisation de l'agence de la biomédecine est requise.

Il faut aussi insister sur le fait que la création d'un embryon demande un délai de trois ans. Le projet doit donc avoir existé sur le long terme.

Le transfert d'embryon post mortem ne peut avoir lieu que dans des conditions très précises. Je me demande s'il ne serait pas judicieux d'ajouter le mot « brutal » après le mot « décès », à la première phrase de l'alinéa 4. Il s'agirait d'un garde-fou supplémentaire qui répondrait à certaines des préoccupations exprimées par M. le rapporteur.

En ajoutant cette petite précision, il me semble que nous pouvons adopter l'article 20 bis. Au final, il ne concerne que des situations exceptionnelles, même si nous ne pouvons pas les négliger. Je vous rappelle aussi que, en tout état de cause, l'agence de la biomédecine exercera son contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Je souhaite savoir si, aujourd'hui, l'agence de la biomédecine a souvent l'occasion de donner des autorisations dans des situations relevant de la même logique.

Nous savons qu'elle peut autoriser ou refuser des projets de recherche. Elle est saisie sur des projets comme celui mené à bien récemment par le professeur Frydman. Toutefois, dans le cas qui nous intéresse, il revient à l'agence d'autoriser un projet concernant l'embryon qu'elle accompagne vers la naissance. Il me semble qu'il s'agit pour elle d'un champ de compétence très nouveau. J'estime que des questions peuvent donc se poser quant à sa légitimité en la matière.

Je veux aussi rappeler, à ce stade de nos débats, qu'il peut y avoir des différences entre la volonté et la réalité.

En demandant la suppression de l'article 20 bis, nous ne souhaitons pas interdire, nous voulons plutôt éviter que le législateur autorise une forme de parentalité nouvelle. On mesure bien le dessein de certains.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Il consiste, en utilisant toutes les circonstances techniques possibles, à multiplier les formes de parentalité dans des conditions qui ne paraissent pas souhaitables. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je dois vous avouer que cela fait bien longtemps que je n'ai pas été aussi partagé au cours d'un débat, aussi conscient de la responsabilité que nous allons prendre, de notre responsabilité de législateur. Certes, en termes statistiques, les cas sur lesquels nous nous prononçons sont mineurs. Mais il ne s'agit pas de statistiques. M. Le Déaut l'a dit, le point zéro est dépassé, au moins pour un certain nombre d'entre nous : l'embryon existe. Dès lors quelle est l'alternative ? Ou bien la recherche puis la destruction, ou bien une vie, compliquée, mais qui est la vie. Face à une telle alternative, mon raisonnement me conduit toujours à choisir le moindre mal pour ce qui, selon moi, est une personne humaine. Encore une fois, le point zéro est dépassé.

Ce qui m'arrête, ce sont les six mois. Pardonnez-moi, Martine Aurillac, j'eusse préféré un an. Car – et peut-être d'autres que moi, ici, ont-ils connu cette expérience – lorsque l'on vit un deuil, on recherche tout ce qui rappelle le défunt : des lieux, des choses, des relations. Aussi, je comprends bien le désir extraordinaire d'enfant qui se manifeste, comme pour recréer l'être perdu. Mais je considère qu'il faut au moins un an pour que le travail de deuil, comme on dit maintenant, puisse se faire.

Pour toutes ces raisons, je vous avoue que je ne sais pas encore quel sera mon vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Nous sommes nombreux à nous être mobilisés sur ce sujet extrêmement difficile, habités, comme vient de le dire M. Le Fur, par une interrogation permanente. Pour ma part, j'ai évolué sur cette question. En 2004, je n'étais pas favorable à un tel dispositif, car j'estimais qu'il privilégiait en effet le désir de retrouver « la vie comme avant », si je puis dire. Mais il s'agit de cas exceptionnels et ce texte, qui a fait l'objet d'un long travail, permet à la femme à la fois d'éviter de céder à l'émotion pendant la période de deuil et, après dix-huit mois, de tourner la page et d'avoir un autre projet de vie.

Monsieur Mariton, je n'accepte pas que vous laissiez entendre, comme vous l'avez fait à la fin de votre intervention, que cela permettrait, par la bande, à une femme seule d'avoir un projet d'enfant. Le sujet est trop grave pour que l'on utilise ce type d'argument.

Par ailleurs, une fois la sérénité retrouvée, il me semble que, compte tenu du projet de vie et du projet parental qu'avait le couple, cet enfant pourra naître et vivre dans un climat satisfaisant. Après tout, beaucoup d'entre nous ont une vie compliquée. C'est pourquoi je voterai contre l'amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

Article 20 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est reprise.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 215 , 57 et 93 .

(Les amendements identiques nos 215 , 57 et 93 ne sont pas adoptés.)

(L'article 20 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 162 .

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Il s'agit d'un amendement de cohérence qui vise à informer les couples sur le devenir de leurs ovocytes, comme cela se fait pour les embryons.

Puisque la technique de congélation utlra-rapide des ovocytes vient d'être autorisée, il est nécessaire de prévoir explicitement dans cet article, au même titre que pour la conservation des embryons, un consentement par écrit du couple sur la possibilité de conserver leurs ovocytes dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

(L'amendement n° 162 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 187 .

La parole est à M. Alain Claeys.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis défavorable.

(L'amendement n° 187 n'est pas adopté.)

(L'article 21 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'article 21 bis ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets aux voix.

(L'article 21 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Philippe Vuilque, inscrit sur l'article 22.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vuilque

Le quatrième alinéa de l'article 22, qui n'existait pas dans le texte initial, est arrivé en commission sous la forme d'un amendement de Jean-Sébastien Vialatte – un amendement surprenant qui précise que « les ovocytes fécondés sont alors limités à trois ». Si la disposition proposée part d'une bonne intention – la volonté de limiter les embryons surnuméraires –, la limitation qu'elle instaure pose un certain nombre de problèmes.

Elle n'est en outre pas justifiée, puisque déjà satisfaite par l'article 19, alinéa 6 : « La mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L'Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus. » Bien entendu, que ce soient l'Agence de la biomédecine ou les praticiens, personne n'a intérêt à avoir un trop grand nombre d'embryons surnuméraires.

Pourquoi l'amendement de M. Vialatte retient-il précisément le nombre de trois ovocytes fécondés, et pas celui de quatre, cinq ou six ? Ce choix opéré sans justification me paraît manquer de cohérence. Lorsque nous avons adopté cet amendement en commission spéciale, les praticiens qui l'ont appris en ont été très étonnés, et une pétition contre cette disposition a immédiatement commencé à circuler.

Dans un amendement qu'il va présenter prochainement, notre rapporteur souhaite relier directement ce nombre au procédé de congélation ultra-rapide des ovocytes. Cette proposition me paraît elle aussi illogique : pourquoi faudrait-il limiter le nombre d'ovocytes fécondés à trois en cas de recours à la technique de vitrification, et pas lorsque d'autres techniques sont mises en oeuvre ? Par ailleurs, cela signifie que si, après avoir fécondé trois ovocytes sur les quatre disponibles au départ, il en reste un, il est nécessaire de recommencer tout le processus quand la fécondation ne prend pas.

Les Italiens, qui avaient adopté cette disposition, ont fait marche arrière après s'être aperçus qu'elle n'était pas utile et, surtout, qu'elle diminuait les chances des femmes d'obtenir un enfant.

Je crois qu'il faut laisser travailler les praticiens et ne pas mettre une limitation au nombre d'ovocytes fécondés. J'aurais donc souhaité, monsieur le ministre, que le Gouvernement dépose un amendement de suppression, conformément au souhait exprimé par la plupart des professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 213 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Sur la base des expériences allemande et italienne, certains de nos collègues, notamment Jean-Sébastien Vialatte, ont proposé de limiter à trois le nombre d'ovocytes fécondés, en pensant à la congélation ultra-rapide des ovocytes.

Les contacts que j'ai eus depuis montrent que cette solution n'est pas acceptable en l'état actuel de la science en France et serait, à mes yeux, gravement pénalisante pour l'ensemble de nos chercheurs. J'ai donc demandé que l'on examine la situation en Allemagne et en Italie, où la limitation à trois ovocytes fécondés a été adoptée.

En Allemagne, les ovocytes recueillis sont tous mis en fécondation. Cependant, les Allemands n'appellent pas cela des embryons, mais des zygotes, et attendent le sixième jour pour en décongeler trois et les féconder. Pour notre part, nous utilisons le terme « embryon » de la première division cellulaire au stade foetal. Sans contester la terminologie utilisée en Allemagne, les trois embryons sont implantés et, en cas d'échec, on en prend trois autres dans le stock existant. On a tellement entendu dire qu'en Allemagne ils ne fécondaient qu'un seul ovocyte et n'implantaient qu'un seul embryon qu'on a fini par le croire – moi-même, j'ai accrédité cette version à un moment donné. Pourtant, la réalité est tout autre : les Allemands décongèlent trois embryons au sixième jour et les implantent tous les trois, sur un total d'une douzaine.

En Italie, en 2009, la loi dite « loi 40 », qui définit le nombre d'embryons, affirme que l'on ne doit pas créer un nombre d'embryons « supérieur à celui qui est strictement nécessaire à un transfert unique et simultané, nombre qui, en tout état de cause, ne peut excéder trois ». Peu de temps après le vote de cette loi, celle-ci a été frappée d'inconstitutionnalité, pour des raisons complexes que je n'évoquerai pas.

Dans le contexte où l'on se trouve, on pourrait imaginer de limiter à trois si l'on utilisait uniquement la vitrification et si l'on décongelait simultanément trois ovocytes et trois spermatozoïdes, puis encore trois ovocytes et trois spermatozoïdes, jusqu'à obtenir un résultat satisfaisant pour la procédure.

Il me semble légitime de supprimer le nombre restrictif de trois, vu le temps nécessaire à la France pour se mettre en situation de pratiquer la vitrification des ovocytes dans l'ensemble des centres. Cette voie semble en effet la plus prometteuse. En même temps, je rappelle que, dans notre texte, nous avons à plusieurs reprises rappelé que nous voulions diminuer le nombre d'embryons ; que nous demandons un rapport annuel sur le nombre d'embryons surnuméraires ; que nous souhaitons que soient privilégiées les méthodes qui limitent le nombre d'embryons. Enfin, nous avons voté ensemble, ici même, en faveur de la vitrification des ovocytes, qui entraîne une diminution du nombre d'embryons.

Je vous propose donc un amendement qui vise à atteindre pleinement l'objectif louable sur lequel nous avons insisté au cours de nos débats, qui est de diminuer le nombre d'embryons surnuméraires. La raison en est simple : le dilemme que Martine Aurillac a évoqué tout à l'heure avec Alain Claeys se pose aussi à la femme lorsqu'on lui demande, une fois qu'elle n'a plus de projet parental, ce qu'elle veut que l'on fasse des embryons. Il n'est pas étonnant que la majorité des couples ne réponde pas. En effet, il est très difficile de dire qu'ils doivent être détruits, donnés à la recherche ou implantés pour un autre couple.

Dans ce contexte, il me semble que l'objectif tendant à limiter le nombre d'embryons, que l'on croie au ciel ou que l'on n'y croie pas, est un objectif louable. La procédure que je vous propose et qui, en dehors du nombre, s'inspire de la loi italienne, permettrait de dire qu'on ne crée que le nombre d'embryons strictement nécessaire à la réussite de la procréation.

Je sais bien que ce n'est pas là l'objectif restrictif et quantifié qu'un certain nombre souhaitaient, mais je crois vous avoir montré qu'une telle chose n'existe pas en Europe. Ce que nous prenions pour une restriction à un embryon en concernait en réalité trois. De plus, à moins de refuser, en deçà du sixième jour, de désigner comme tel l'embryon, en considérant qu'il peut être détruit, et d'estimer qu'à partir du sixième jour il s'agit bien d'un embryon et qu'il doit être protégé – ce n'est là la conception de personne ici –, il me semble que le plus raisonnable est d'adopter cet amendement en renonçant au nombre de trois.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Si j'ai bien compris, monsieur le rapporteur, vous nous avez présenté un autre amendement que celui que j'ai appelé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Il s'agit donc de l'amendement n° 220 .

Je vais suspendre nos travaux quelques minutes pour laisser au service de la séance le temps de le tirer et de le distribuer.

Article 22

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure cinq, est reprise après quelques instants.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est reprise.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 220  ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Pour répondre à la question de M. Vuilque, qui demandait pourquoi nous n'avions pas déposé d'amendement sur cette question, je dirai que nous savions qu'il y avait à la fois la possibilité que le rapporteur nous propose une nouvelle rédaction et l'amendement n° 169 de Mme Boyer auquel, pour ne rien vous cacher, monsieur Vuilque, j'étais assez tenté de donner un avis favorable.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

À partir du moment où le rapporteur nous a soumis ce nouvel amendement, je pense que chacun se ralliera à sa position, qui me semble présenter le bon équilibre.

Si vous voulez que je fasse un petit retour en arrière et que je vous dise tout, je comprends bien le souci, qui était le nôtre également, de ne pas constituer un stock trop important d'embryons surnuméraires. En effet, nous souhaitons en limiter le nombre et nous comptons aussi sur la technique de congélation ultrarapide des ovocytes, qui permet de conserver les gamètes féminins.

Vous aviez décidé de limiter à trois. Je dois dire que cette position suscitait forcément un certain nombre de doutes. Tout d'abord, il ne faut pas surestimer la performance de la technique de congélation ultrarapide. Si elle est bien meilleure que la congélation lente, et même si elle suscite beaucoup d'espoirs – j'entends tout ce qui est dit à cet égard –, elle est encore loin de donner des résultats que l'on pourrait qualifier d'excellents. Ensuite, elle n'est pas encore en mesure, selon moi, de garantir que tout ovocyte – je dis bien tout ovocyte – conservé puisse être inséminé avec succès et qu'il aboutisse à la constitution d'un embryon implantable.

J'ai eu l'occasion de m'entretenir à plusieurs reprises de ce sujet avec René Frydman notamment. Il me disait qu'après l'Italie, dont il a été question, l'Allemagne était elle aussi en train d'opérer un retour en arrière. Voilà pourquoi il nous fallait une autre rédaction apportant des garanties à chacun. Celle qui est proposée par l'amendement de Jean Leonetti me semble apporter le bon équilibre.

Sans entrer dans d'autres considérations, je signale que certains chercheurs me disaient encore cette semaine, à propos notamment du bébé du double espoir, que trois embryons n'auraient pas suffi : il y en avait sept ! Encore une fois, on nous dit qu'un seul est autorisé en Allemagne et en Italie, mais ce n'est pas vrai : on se réfère à une situation antérieure. Si l'on veut bien regarder ce qui s'est passé à l'étranger, on est obligé de constater le mouvement inverse qui s'est opéré en Italie comme en Allemagne.

Voilà pourquoi, dans ces conditions, il fallait trouver un nouvel équilibre. C'est ce que propose Jean Leonetti à travers son amendement ; c'est pourquoi le Gouvernement s'y rallie et vous demande de lui réserver une suite favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

J'avais déposé deux amendements, dont l'un visait à porter à six le nombre, car cela me semblait mieux que trois, mais c'était vraiment la mort dans l'âme ! Le second, surtout, tendait à la suppression du nombre car je pense qu'il faut laisser aux biologistes et aux gynécologues-obstétriciens le soin d'apprécier le nombre d'ovocytes à inséminer, en fonction de la technique choisie lors de la FIV, tout en leur demandant de poursuivre l'objectif de réduction du nombre d'embryons congelés, puisqu'ils ont la possibilité de congeler les ovocytes.

En revanche, j'avoue que, si je souscris à l'idée générale – je comprends tout à fait les arguments qui viennent d'être brillamment développés par M. le ministre et par le rapporteur –, je ne vois pas bien la différence entre la rédaction de mon amendement n° 169 et celle proposée par le rapporteur de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Elle est pourtant importante : il y est question de la réussite de l'opération !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Je suis assez convaincu par ce qu'a dit M. le ministre, et la rédaction de l'amendement n° 220 est bien meilleure que tout ce qu'on nous a présenté, à l'exception évidemment de l'amendement n° 169 de Mme Boyer.

Très clairement, l'objectif est de ne pas avoir trop d'embryons congelés, mais on ne sait pas encore comment y arriver. Il est vrai que la technique de vitrification, c'est-à-dire de congélation très rapide d'ovocytes, non seulement n'est pas tout à fait au point, mais en plus n'est pas maîtrisée par tous les centres en France. On va donc avoir immédiatement des divergences entre les centres. Dans certains, on devra faire plus d'embryons, dans d'autres on en fera moins.

En outre, je pense honnêtement qu'étant donné les difficultés de cette pratique qu'est la fécondation in vitro, il faut quand même laisser un tout petit peu de latitude aux médecins et aux biologistes. C'est suffisamment compliqué pour que la loi n'entre pas en plus dans le détail en précisant s'il doit d'agir de trois ou de quatre ovocytes !

Personne ne crée des dizaines d'ovocytes pour le plaisir ! Une dizaine, c'est déjà assez exceptionnel, contrairement à ce qui est raconté ici et là. Il se trouve que la stimulation ovarienne est quelque chose qui est difficile à réguler, mais à partir du moment où l'on a un certain nombre d'ovocytes fécondés, on entre dans un stade où l'on réduit le nombre. On a d'ailleurs beaucoup moins d'ovocytes fécondés qu'à une certaine époque, justement parce qu'on a affiné les pratiques.

Il me semble donc que la rédaction qui nous est proposée est prudente. Je remercie également notre rapporteur d'avoir décrit avec une grande véracité ce qui se passe vraiment en Italie et en Allemagne. Or la vérité, c'est que ces pays, qui s'étaient engagés dans la voie d'une limitation, sont aujourd'hui en train de revenir en arrière, parce qu'il n'est pas possible de réguler à ce point-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Si j'ai bien compris, l'amendement n° 220 remplace l'amendement n° 213 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je me rallierai sans doute à cet amendement, mais je voudrais faire une observation.

J'ai bien entendu les arguments qui ont permis à notre rapporteur d'évoluer. Mais, si je comprends la technique, monsieur le rapporteur, j'essaye aussi de comprendre le droit. Or on lit, dans l'amendement n° 220  : « ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l'assistance médicale à la procréation ». Cela signifie donc en réalité, comme vient de le dire M. Blisko, qu'on laisse une marge de manoeuvre ; mais de plus celle-ci est sans limite car il n'y a pas de base de référence, et cela d'autant moins qu'on ne maîtrise pas la technique.

Je tiens à vous le dire, monsieur le rapporteur : je préférais l'amendement n° 213 . Je crains non pas qu'on ait trop d'embryons congelés, mais que, lorsque l'on procède au transfert – comme il est indiqué ici assez inélégamment, mais c'est ainsi que nous devons légiférer – pour garantir « ce qui est strictement nécessaire à la réussite », on soit précisément obligé de garantir la réussite.

Cette rédaction me fait craindre – excusez-moi de vous le dire – une certaine tendance inflationniste qui pourrait conduire à autre chose, dont les parents ne veulent pas forcément, c'est-à-dire à la multi-réussite excessive du transfert.

J'aurais donc préféré l'amendement n° 213 car, après tout, il y a possibilité, même si c'est une épreuve difficile – je peux en témoigner – de recommencer là où, quand vous avez fait un transfert donnant lieu à des naissances multiples, il est impossible de revenir en arrière.

(L'amendement n° 220 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

En conséquence, les amendements nos 169 et 168 tombent.

Je suis saisi d'un amendement n° 58 rectifié .

La parole est à M. Xavier Breton.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

La réglementation en vigueur précise que, lorsque le couple consent à une assistance médicale à la procréation, il peut lui être proposé « dans le même temps » – et cette précision est importante – de consentir à ce que certains de ses embryons fassent l'objet d'une recherche.

Le problème se situe dans la simultanéité des consentements. En effet, cette disposition contrevient à l'interdiction légale de la création d'embryons à des fins de recherche, puisque dès la conception des embryons la finalité de la recherche est exprimée.

C'est pourquoi nous vous proposons logiquement que le consentement à ce que les embryons fassent l'objet d'une recherche ne puisse être recueilli qu'après le succès de l'assistance médicale à la procréation.

(L'amendement n° 58 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 22, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 22.

Les amendements nos 16 rectifié et 171 peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l'amendement n° 16 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je voudrais signaler qu'il y a une erreur dans le texte de cet amendement. Le mieux est donc peut-être de le corriger tout de suite. Au lieu des mots : « l'Agence de la biomédecine », il faut lire : « l'Agence régionale de santé ». C'est une coquille.

Cet amendement vise à autoriser la pratique du don d'ovocytes aux centres privés, qui réalisent actuellement près de 60 % de l'AMP en France.

Dans certaines régions de France, les CHU ayant reçu l'autorisation n'ont réalisé aucun prélèvement depuis 2004 pour don d'ovocytes, alors que la demande est en constante évolution.

Selon un récent rapport de l'Agence de la biomédecine, chargée d'assurer la promotion du don de gamètes, « la demande de don d'ovocytes en France n'est pas satisfaite. Une enquête nationale menée par l'ABM en 2005 a dénombré plus de 1 300 couples en attente d'ovocytes. Environ 400 nouveaux couples ont besoin chaque année d'un don d'ovocytes ». Il en résulte, comme nous l'avons souligné tout à l'heure, que les couples peuvent attendre de deux à cinq ans un don d'ovocytes, alors même que les chances de succès s'amenuisent avec l'âge de la demandeuse.

Il serait donc logique d'autoriser la pratique du don d'ovocytes aux centres privés. En effet, la pénurie d'ovocytes explique que de nombreux couples se rendent à l'étranger pour bénéficier d'un don de gamètes – nous en avons largement parlé – sans aucune des garanties données aux patientes françaises quant à la qualité des ovocytes, contrairement à ce qui devrait se passer, et qui se passe en France dans le cadre des lois de bioéthique.

De plus, à l'étranger, les ovocytes sont souvent vendus, et beaucoup de couples n'ont pas les moyens de payer 7 000 euros ce qui devrait être un don.

Il est donc important d'autoriser les centres privés agréés par l'Agence régionale de santé à pratiquer cette technique.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

La mission parlementaire avait, à la suite de l'audition de Pierre Jouannet, considéré qu'une telle mesure constituerait une rupture majeure dans la pratique de don des éléments du corps humain qui a toujours prévalu dans notre pays.

Cela risquerait en outre de soumettre cette activité aux lois du marché.

(L'amendement n° 16 , deuxième rectification, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l'amendement n° 171 .

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je suis un peu surprise de ce vote, car il me semble qu'il est contraire à l'esprit de la loi Hôpital, patients, santé, territoires.

Il y a en France une pénurie de dons d'ovocytes, essentiellement due à l'absence de donneuses et à l'interdiction de la congélation ultra-rapide des ovocytes – technique dont nous venons tout juste de voter l'autorisation.

Le recrutement de donneuses pourrait être largement amélioré en autorisant la pratique du don d'ovocytes par les centres d'AMP privés, qui réalisent actuellement, j'y insiste, près de 60 % de l'AMP en France.

L'Assemblée vient de voter l'autorisation de la technique de congélation ultra-rapide des ovocytes : ce sont les centres d'assistance à la procréation, dont la grande majorité est aujourd'hui privée, qui auront l'opportunité de prélever des ovocytes, de les congeler et donc de les conserver.

Il est donc normal et cohérent de leur permettre de procéder, au même titre que les CECOS, aux activités cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation relatives aux gamètes en vue de don. C'est ce que propose cet amendement.

(L'amendement n° 171 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 172 rectifié .

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Dans le même esprit que les précédents, cet amendement vise à autoriser les centres privés d'assistance médicale à la procréation à recueillir et à conserver les gamètes issus de dons.

J'insiste sur le fait que le caractère privé des établissements ne remet pas en cause l'application de la législation qui encadre le prélèvement, la conservation ou le don de gamètes à titre gratuit. En revanche, il permettra d'accroître très significativement le nombre de gamètes conservés et devrait permettre aux équipes médicales de répondre à la demande de dons, ce qui n'est actuellement pas le cas.

L'Agence de biomédecine est chargée de coordonner le don de gamètes en France, tout comme elle le fait pour le don d'organes. Cela pourrait s'appliquer à tous les établissements, quel que soit leur statut.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Avis défavorable, pour des questions de rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

On peut encore rectifier la rédaction.

(L'amendement n° 172 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 170 .

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Il est défendu.

(L'amendement n° 170 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 59 .

La parole est à M. Dominique Souchet.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

L'infertilité progresse en France, et cette question très préoccupante intéresse le législateur. La représentation nationale, et non seulement l'Agence de la biomédecine, doit donc disposer des éléments d'analyse pertinents pour expliquer les causes de cette augmentation. Nous pourrons ainsi nous prononcer sur une politique de prévention appropriée.

L'assistance médicale à la procréation vise à traiter les conséquences de l'infertilité ; préoccupons-nous aussi du traitement de ses causes.

Je propose donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la prévention de l'infertilité, dans un délai d'un an après la promulgation de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

L'amendement est satisfait, car l'ABM remettra désormais un rapport qui sera discuté par l'Assemblée nationale chaque année.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je ne sais pas si M. le député sera satisfait, mais son amendement l'est. Avis défavorable.

(L'amendement n° 59 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'article 22 bis ne fait l'objet d'aucun amendement.

(L'article 22 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de trois amendements rédactionnels de M. le rapporteur, nos 11, 12 et 13, auxquels le Gouvernement est favorable.

(Les amendements nos 11 , 12 et 13 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'article 22 quater ne fait l'objet d'aucun amendement.

(L'article 22 quater est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements, nos 132 rectifié et 121 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Noël Mamère, pour présenter l'amendement n° 132 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Quoique sans illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement, je tenais à le présenter. Il s'agit de la gestation pour autrui.

Le débat, vous le savez, a été relancé par un arrêt de la Cour de cassation en date du 17 décembre 2008. La gestation pour autrui avait été interdite dans notre pays par un arrêt de l'assemblée plénière de cette même Cour, en 1991.

Les progrès de l'assistance médicale à la procréation permettent de mener à bien la gestation pour autrui ; un certain nombre de pays – Grande-Bretagne, Suède, Israël, Canada, États-Unis – l'autorisent désormais.

Durant les dernières années, nous avons vu des familles aller à l'étranger, notamment aux États-Unis, pour bénéficier de la gestation pour autrui ; notre mission parlementaire a eu l'occasion de les entendre.

Les enfants nés de ces gestations pour autrui se trouvent d'ailleurs dans une situation juridique très particulière : mes collègues du parti socialiste et nous-mêmes avons déposé des amendements destinés à les faire sortir de l'insécurité juridique.

L'amendement qui vous est proposé ici vise à tenir compte d'une réalité que, de toute façon, nous ne pourrons pas empêcher.

Dans les circonstances actuelles, le risque existe de s'arrêter à l'idée que la gestation pour autrui conduit à une forme de marchandisation du corps, comme c'est le cas notamment dans des pays pauvres, où les mères porteuses bénéficient d'une contrepartie en argent à cette gestation.

Nos collègues du Sénat ont déposé une proposition de loi qui vise à légaliser la gestation pour autrui en la régulant, c'est-à-dire en supprimant le risque de la marchandisation ; la mère porteuse serait indemnisée par la sécurité sociale.

L'amendement que j'avais initialement proposé était identique à cette proposition de loi, mais il a été jugé irrecevable au titre de l'article 40, puisqu'il engageait de nouvelles dépenses.

La gestation pour autrui n'a pas, je le sais bien, été intégrée à la discussion de la révision des lois de bioéthique. Des barrières ont été dressées : ces interdits concernent la gestation pour autrui, mais aussi le droit à mourir dans la dignité – les amendements que nous avons déposé ont été victimes de la réserve et ne seront examinés qu'à la fin de notre discussion.

J'ai déjà dit, avec d'autres, ce que je pensais de ce périmètre trop limité, qui laisse de côté des sujets aussi importants que les neurosciences et les nanotechnologies.

Ces problèmes finiront pas nous tomber dessus : une fois encore, le législateur sera condamné au suivisme ; de plus en plus en retard sur l'évolution des sciences et de la médecine, la loi ne pourra plus réguler ni canaliser. L'État de droit ne jouera plus son rôle pleinement.

C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que nous consacrions une partie de notre discussion à la gestation pour autrui. Je m'attends aux réponses qui vont tomber, puisqu'elles ont déjà été données lors des réunions de la commission spéciale.

Mais nous ne pouvons pas, je crois, faire l'économie de cette question dans un débat sur la révision des lois de bioéthique. La gestation pour autrui est au coeur du sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Brindeau

J'ai bien conscience de défendre ici une position minoritaire au sein du groupe Nouveau Centre. J'ai néanmoins souhaité le faire car, comme Noël Mamère, j'estime que, puisque nous sommes réunis pour débattre de l'ensemble des questions bioéthiques adressées à notre société, la question de la gestation pour autrui doit être débattue en séance publique.

Nous l'avons fait pour d'autres sujets, tout aussi sensibles et touchant autant à la conception de la vie, de la personne humaine et de l'amour, et mettant également en cause des techniques médicales qui permettent d'apporter une part de bonheur à des personnes qui en sont privées.

Face à ce cas de conscience, j'ai rencontré, comme d'autres ici, des personnes qui ont eu recours à la gestation pour autrui. Elles ne l'ont pas choisie ! Je pense par exemple à une jeune femme qui a perdu son enfant et qui, victime d'une erreur médicale, peut continuer à produire des ovocytes mais ne peut plus porter d'enfant. Son mari est parfaitement fertile. Le couple, qui a pourtant la volonté acharnée de fonder un foyer, une famille, n'a pas d'autre recours – à moins d'envisager l'adoption, qui n'est pas du tout la même façon d'aborder le projet parental, surtout pour un premier enfant – que de partir à l'étranger et d'avoir recours à la gestation pour autrui, dans les conditions qui ont été décrites.

Il faut noter que l'enfant qui naîtra alors n'a, à ce jour, aucune existence juridique : ce sera l'objet d'un autre amendement.

Mon amendement limite strictement la gestation pour autrui à la possibilité, pour une femme, de porter l'embryon conçu avec les gamètes d'un couple infertile, par le biais de l'assistance médicale à la procréation. En aucun cas, il ne peut s'agir de procréation pour autrui : la femme qui porte l'embryon ne participe pas à la conception.

Nous sommes bien dans un acte complémentaire, qui peut s'apparenter, à un moment donné, à une AMP, et c'est sous ce seul angle que j'ai souhaité aborder la question.

Mon amendement est donc un peu plus restrictif que celui de notre collègue Noël Mamère puisque je propose que la gestation pour autrui ne puisse concerner qu'un couple dont les deux personnes peuvent donner leurs gamètes.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Il me semble extrêmement important que nous puissions, ce soir, en 2011, débattre de la gestation pour autrui et, à ce titre, je remercie mes collègues Mamère et Brindeau d'avoir déposé ces amendements.

Il faudra sans doute encore du temps – malheureusement pour les couples qui ont déjà eu recours à ces techniques à l'étranger et pour ceux qui aimeraient y avoir accès en France dès maintenant – pour que ces techniques soient autorisées par la loi française, mais je pense que ce temps viendra parce que cette évolution est nécessaire et souhaitable.

Le périmètre de l'amendement de mon collègue Mamère est très clair, il s'agit bien, comme l'a fait le Sénat dans sa proposition de loi, d'encadrer la gestation pour autrui, pour éviter d'éventuelles dérives liées à une marchandisation possible de ces techniques. C'est en les encadrant, en les légalisant, ici, en France, que nous éviterons aux couples d'avoir recours, contre rémunération, à des structures étrangères.

Encadrer est le meilleur moyen d'éviter la marchandisation. La marchandisation n'est pas consubstantielle à la gestation pour autrui.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Et c'est là le point le plus important de mon argumentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

La loi devrait permettre à des femmes de faire le don d'une maternité à des couples qui ne peuvent pas conduire une grossesse à son terme. Le don est l'un des actes les plus nobles que nous puissions envisager, il serait tout à fait exemplaire dans le domaine de la maternité. Parce que la grossesse, on ne l'entend pas beaucoup dans le débat sur la gestation pour autrui, c'est aussi un plaisir pour la femme qui porte l'enfant. Pour une femme qui porterait l'enfant d'un autre couple, ce serait également un plaisir et même un double plaisir parce qu'elle offrirait une maternité à un couple qui, pour des raisons physiologiques, une malformation de l'utérus ou autres, ne peut pas porter d'enfant.

Enfin, dans les débats sur la gestation pour autrui s'exprime souvent la tentation de considérer les femmes qui sont prêtes à faire don de leur possibilité de mener à bien une grossesse comme des enfants irresponsables qui ne seraient pas capables d'envisager pleinement et entièrement leur consentement à cette méthode pour aider autrui. Je crois que de nombreuses femmes, aujourd'hui, seraient tout à fait capables de faire ce choix, en adultes responsables. Ce serait considérer les femmes comme des êtres responsables de leur offrir cette possibilité du don.

Encore une fois, ce n'est pas parce qu'il existe des dérives dans certains pays que cela doit nous interdire de légaliser, en France, pour réguler une technique qui permet à des adultes responsables et consentants d'accomplir l'un des actes les plus nobles de l'humanité, le don.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

C'est le principe lui-même qui est la dérive !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Il s'agit d'une question qui est aussi ancienne que l'humanité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Cette question n'a pas été inventée avec les progrès techniques et médicaux. C'est une question ancienne, qui recueillera une approbation à l'avenir, je n'ai aucun doute. La question est de savoir si la société française est prête à faire cette avancée aujourd'hui ou si elle entend différer cette évolution.

C'est, disais-je, une préoccupation ancienne puisque l'Ancien testament fait déjà référence à une mère porteuse, Hagar, qui portait un enfant pour Sarah, avec le spectre de l'utilisation par une femme d'une classe socio-économique favorisée de sa servante qui devenait la mère porteuse. Déjà à cette époque existait la préoccupation de savoir comment encadrer la gestation pour autrui.

Il est vrai qu'aujourd'hui le sujet divise chaque famille de pensée, et même les premières concernées, c'est-à-dire les femmes, et notamment celles qui mènent un combat féminin, voire féministe. Certaines mettent en avant le risque de marchandisation quand d'autres, au contraire, mettent en avant la nécessité de disposer, pour chacune d'elles, de leur propre destin et de leur libre choix. Et au sein d'une même famille de pensée, on entend des arguments qui plaident pour et des arguments qui plaident contre.

Évidemment, il faut d'emblée écarter la crainte d'une demande d'un droit à l'enfant, de même qu'il faut écarter l'idée de pouvoir utiliser cette technique sans aucun encadrement dans une liberté totale et sans des conditions strictes de contrôle.

Cependant, je ne peux pas être indifférent à la situation de certaines femmes, par exemple nées sans utérus ou en tout cas sans utérus fonctionnel, comme à celle de cette génération de femmes devenues stériles à cause de la prise de Distilbène alors que les autres pays avaient interdit ce produit. Ces femmes revendiquent une solution alors même qu'elles ont été abîmées à cause d'un déficit de prise en charge de la santé publique dans notre pays.

Enfin, je voudrais évoquer les femmes qui ont recours à cette technique à l'étranger. Ne nous voilons pas la face, elles sont chaque année plus nombreuses. Il faut se préoccuper de savoir quelle est, juridiquement, la filiation que l'on peut établir pour ces enfants lorsqu'ils reviennent en France afin qu'ils ne soient pas pénalisés par des excès idéologiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Sur de tels sujets, nous sommes partagés, entre ceux qui vivent de certitudes et ceux qui doutent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je propose qu'on avance autrement.

Je veux d'abord remercier les auteurs des amendements de permettre ce débat. Je ne suis pas sûr qu'à la faveur d'un débat parlementaire se déroulant à zéro heure quarante du matin, les deux amendements, pour lesquels les auteurs ont évidemment travaillé, exploré, recherché ce qu'ils pensaient être le mieux puissent trouver une réalité. En tout état de cause, je ne comprends pas qu'on puisse nous rétorquer, comme le font la commission et le Gouvernement, qu'il n'y a pas de débat. Il y a un débat, même s'il est encore plus compliqué que tous les autres.

Nous avons tous inscrit en nous, intellectuellement, culturellement, que l'être porté par la mère est l'enfant de cette mère, et nous sommes en train de dire que ce ne sera pas son enfant. Cette idée me heurte, je l'avoue. À partir de là, certains préfèrent qu'on évacue le problème.

Mais il est une chose qui me heurte encore plus, c'est que ce que nous interdisons en France – même si ce n'est pas parce que c'est autorisé à l'extérieur que c'est bien – se pratique à l'étranger, se pratique avec des femmes françaises qui vont à l'étranger se faire rémunérer, se pratique à l'étranger avec des couples français qui utilisent des personnes étrangères pour bénéficier de la gestation pour autrui. Ce n'est pas parce que nous fermerions le débat ici que la pratique n'existerait pas.

Je veux faire un parallèle, pas une comparaison. Lorsque dans cet hémicycle, il y a de cela bientôt trente-cinq ans, s'est tenu le débat sur l'avortement, l'exact inverse de ce dont nous parlons actuellement, certaines personnes considéraient qu'il était impossible d'en parler et d'autres pensaient que, malheureusement, le débat était de fait dans la société. À l'époque, l'avortement était sûr et pratiqué pour ceux qui avaient les moyens, dangereux et pratiqué cependant pour ceux qui n'avaient pas les moyens.

Trente-cinq ans après, si on ne peut pas considérer qu'il soit idéal que l'avortement existe, si on ne peut pas considérer que ce ne soit pas toujours un traumatisme pour une femme, on peut néanmoins admettre qu'on a trouvé un équilibre qui permet, quand malheureusement cette décision est prise par un couple ou, le plus souvent, par une femme, que cela se fasse dans des conditions sécurisées.

Dans le cas qui nous préoccupe, c'est pire. Non seulement ceux qui ont les moyens peuvent aller le faire à l'étranger, mais des femmes qui recherchent la marchandisation du corps que nous redoutons vont aussi le faire à l'étranger.

Monsieur le président, si je ne peux pas trancher entre ces deux amendements maintenant, je souhaite lancer un appel à la présidence de l'Assemblée nationale ainsi qu'au Gouvernement. Je pense qu'on ne peut pas éliminer le débat, on ne peut pas dire que cette pratique n'existe pas, on ne peut pas laisser des couples aller à l'étranger bénéficier de la gestation pour autrui, on ne peut pas laisser des femmes aller à l'étranger vendre leur capacité à porter un enfant pour d'autres, et il me semble nécessaire que notre assemblée, comme le Sénat, puisse travailler collectivement, à travers une mission par exemple, et puisse étudier les pratiques existantes, les dérives qu'elles entraînent et les dangers pour notre société. En tout état de cause, dire qu'il n'y a pas de débat ne me paraît pas responsable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Il faut reconnaître qu'une évolution a eu lieu autour de nous et parce que nous vivons dans un monde ouvert, on le dit souvent sur ces bancs, nous avons besoin de regarder comment cela se passe ailleurs. Conserver nos principes mais ne pas nier les réalités, voilà qui me paraîtrait un travail parlementaire sérieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Quelques mots pour exprimer la position du groupe UMP.

Je voudrais d'abord répondre à M. Lagarde que ce n'est pas à l'occasion de deux amendements que le débat s'ouvre ce soir. Il y a eu tout un travail préparatoire. La mission d'information sur la révision des lois de bioéthique a procédé à 110 auditions sur des sujets divers et variés, dont une partie, je parle sous le contrôle de son président, Alain Claeys, a été consacrée à la problématique de la GPA. Ce n'est donc pas nouveau. Il appartiendra au président de l'Assemblée de voir si votre proposition peut être reprise, mais ce travail préparatoire, ce travail de doute que vous appelez de vos voeux, a été fait très récemment. Et puis il y a eu les états généraux de la bioéthique, qui ont également permis à nos concitoyens de participer au débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

La GPA, c'est d'abord un contrat, soit intrafamilial, soit extrafamilial. Et l'objet du contrat, la formule n'est pas de moi, ce n'est pas un tas de cellules mais bien un enfant, juridiquement une personne. Cela revient obligatoirement à marchandiser le corps de la femme.

La GPA remet en cause les principes mêmes de ces lois de bioéthique : la non-patrimonialité du corps humain, l'anonymat et la gratuité du don. Et puis, bien sûr, la GPA c'est obligatoirement le fractionnement de la parentalité.

Je pourrais citer beaucoup d'autres raisons qui nous incitent à être opposés à la GPA. Celle-ci pose notamment des problèmes éthiques majeurs dans la mesure où elle fait de la femme une sorte d'outil vivant, un instrument de production. Cette location d'un ventre, d'un utérus est, pour moi et de nombreux collègues députés, une nouvelle forme d'esclavagisme moderne. En outre, la GPA intrafamiliale, c'est la remise en cause de l'ordre décent des générations.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

« L'ordre décent des générations » ! C'est quoi, ça ?

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Je finirai par un autre point qui me semble essentiel. L'enfant existe avant de naître. Nul n'ignore aujourd'hui l'aspect psychique de la grossesse et tous les pédopsychiatres s'accordent pour reconnaître qu'il y a une relation extrêmement intime entre la mère et l'enfant qu'elle porte dans son ventre. Comme le disait une personne que nous avons auditionnée : « Je tremble à l'idée d'une grossesse sans attachement ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Il était important, même à cette heure tardive, que nous ayons cette discussion. Il eût été inconcevable, au moment où nous révisons les lois de bioéthique, que le débat ait lieu partout dans la société et que nous ne l'abordions pas dans cet hémicycle. Il fallait des amendements, et je remercie les collègues qui les ont déposés, pour que notre échange puisse avoir lieu.

D'abord, je suis surpris que l'on puisse qualifier de barbarie notre volonté d'ouvrir la voie à une légalisation fortement encadrée de la GPA. Je rappelle à nos collègues que l'interdiction de la GPA résulte d'un arrêt de la Cour de cassation de 1991 et n'a été consacrée dans la loi qu'en 1994, c'est-à-dire il y a une bonne quinzaine d'années. Je ne pense pas que nous soyons passés, en 1994, de la barbarie à la civilisation en ce domaine.

Par ailleurs, personne ne peut le nier, la GPA fait aujourd'hui l'objet d'une demande sociale forte correspondant à une évolution sans précédent des modèles et cadres parentaux. La Haute assemblée a d'ailleurs été amenée à déposer, venant tant des rangs de la majorité que de ceux de l'opposition, une proposition de loi dont le seul inconvénient, de mon point de vue, est de limiter l'accès à la GPA aux couples de sexe différent, créant par là même une discrimination.

Cela dit, quelle que soit notre opinion à l'égard de la GPA, une chose au moins nous réunit : nous sommes tous contre l'instrumentalisation, contre la marchandisation du corps de la femme.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Mais nous n'en tirons pas les mêmes conséquences !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

J'ai l'intime conviction que nous divergeons essentiellement sur les moyens de l'éviter. Certains – ils se sont déjà exprimés dans cet hémicycle et auparavant au sein de la commission spéciale et de la mission d'information – considèrent que la seule solution pour empêcher l'instrumentalisation du corps de la femme est de maintenir la prohibition actuelle. D'autres – et nous demandons à être respectés pour les positions que nous prenons – considèrent, parce que nous vivons dans un monde ouvert et que certains pays culturellement et géographiquement proches du nôtre tolèrent la GPA, l'autorisent même, que si nous voulons empêcher toute marchandisation, la seule régulation possible passe par une légalisation fortement encadrée, ne serait-ce que pour éviter les discriminations dues à l'argent. En effet, nous ne pouvons fermer les yeux sur le fait que certains couples français vont dans ces pays pour avoir accès à la GPA. Comme toute prohibition, cela comporte inévitablement des risques.

Avec cet amendement, nous avons voulu non seulement ouvrir le débat, mais poser le cadre de ce qui pourrait être à terme – nous le souhaitons – une légalisation encadrée, avec des conditions pour la gestatrice et des conditions pour les parents d'intention. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je voudrais simplement dire que lorsque nous parlons de légalisation encadrée, nous posons parallèlement le principe de la gratuité du don, qui doit être réaffirmé. Pour éviter la marchandisation, il faut évidemment que la gestation pour autrui ne soit en aucun cas une activité rémunératrice. Et si un jour la GPA est légalisée, il faudra compenser le coût de la grossesse par l'équivalent d'un congé maternité.

Il était nécessaire que nous ayons ce débat. Il faut tenir compte du fait, comme nous l'avons d'ailleurs fait dans d'autres situations, qu'il existe une éthique du don, que la gestation pour autrui peut être une pratique altruiste si elle est fondée sur le consentement comme nous le souhaitons.

Je défendrai tout à l'heure un amendement, que nous avons été nombreux à présenter, relatif à l'inscription à l'état civil en France pour établir la filiation des enfants nés à l'étranger par GPA. Je rappelle que ce débat c'est aussi celui de l'intérêt des enfants nés par GPA à l'étranger qui vivent dans notre pays et sont aujourd'hui des orphelins de l'état civil, privés de toute filiation. Où est l'intérêt de l'enfant quand on maintient de telles discriminations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Je m'exprimerai sur l'amendement n° 200 si vous le permettez, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Pour la défense de cet amendement nous avons entendu des arguments tout à fait louables relatifs notamment au désespoir de certaines femmes, de couples qui aspirent très légitimement à créer une famille, à un projet parental. Je suis néanmoins surprise que, face à une légitime revendication et à des problèmes fondamentaux, l'on veuille apporter une réponse terriblement technique en oubliant que ce serait instrumentaliser totalement des femmes en se servant de leur utérus pour créer un projet de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je ne serai pas très longue car je crois que Laurence Dumont veut aussi intervenir, mais je reprendrai l'expression d'Axel Kahn : la mère de l'enfant c'est la femme qui accouche. Nous connaissons en effet la force des liens qui existent entre le foetus et la femme qui porte un enfant neuf mois. Nous connaissons aussi la force des liens qui unissent la femme qui porte un enfant et la fratrie – puisqu'il est entendu que les femmes qui pourraient être mères porteuses doivent avoir une fratrie – et nous savons que ce type de proposition entraînerait inévitablement une marchandisation. Le débat reste ouvert, mais il ne faut pas perdre de vue l'instrumentalisation, la marchandisation du corps de la femme qu'entraînerait inévitablement la légalisation de la GPA. Je peux comprendre qu'une telle proposition soit inspirée par la générosité, mais je suis contre cette pratique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

…car elle pose un problème éthique qui devrait être pris en considération non seulement au niveau français, mais aussi au niveau européen, voire au niveau international. Nous sommes en effet dans une logique de transgression qui est la non-prise en compte de la dignité de la personne humaine, de la femme en l'occurrence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Brindeau

Je dirai trois choses en réponse aux arguments qui ont été développés.

D'abord, je n'aime pas bien les expressions excessives et définitives, parce qu'elles n'améliorent pas forcément la qualité de l'argumentation. Je n'aime pas la notion d'esclavage des ventres, parce que la personne concernée doit exprimer sa volonté. Il est vrai que c'est un contrat, mais faire ce don relève de la volonté expresse de la femme. On ne peut donc parler d'esclavage, car c'est un mot qui a un sens bien précis dans l'histoire de notre peuple et de notre civilisation.

Ensuite, pour répondre à l'argument relatif à la problèmatique intrafamiliale, je dirai que je ne conçois la GPA que si elle est limitée à un cadre extrafamilial. En aucun cas elle ne doit pouvoir être proposée de mère à fille pour respecter précisément l'argument de la chaîne de descendance.

Enfin, la marchandisation, nous l'entretenons avec notre refus d'envisager une légalisation. Comme l'a rappelé Jean-Christophe Lagarde, elle se traduit de deux manières. Les couples riches peuvent aller à l'étranger pour faire aboutir leur projet parental et les couples pauvres restent sur notre sol national. Quant aux femmes, certaines n'ont pas d'autre moyen pour survivre que de recourir à ce type de marché à l'étranger. C'est en totale contradiction avec les valeurs que nous défendons, notamment avec le respect de la femme et des droits fondamentaux de l'humain.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Très bien !

(L'amendement n° 132 rectifié n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 121 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Mes chers collègues, chacun a le droit de prendre la parole et je n'ai aucunement l'intention de vous en priver, mais je vous signale que, si vous refaites la discussion générale à chaque amendement, nous ne pourrons pas terminer l'examen du texte cette nuit.

Cette remarque ne vise nullement M. Blisko, qui a renoncé à parler tout à l'heure et qui a maintenant la parole pour soutenir l'amendement n° 200 .

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

En effet, monsieur le président, je suis allé au-devant de vos désirs en renonçant à parler sur les articles additionnels de principe, d'excellents collègues ayant dit tout ce qu'il y avait à en dire.

Avec l'amendement n° 200 , nous souhaitons attirer l'attention sur les quelques centaines d'enfants nés à l'étranger de parents français dans le cadre de GPA régulières, organisées légalement dans un certain nombre de pays, d'États américains ou de provinces canadiennes. Alors qu'en droit américain, par exemple, ces enfants sont reconnus comme ceux du couple qui les élève, ce n'est pas le cas en France, en raison de divers arrêts de la Cour de cassation : ainsi, leur situation administrative au regard de la filiation est ubuesque. Mais ce n'est pas simplement leur état civil qui fait l'objet de controverses : pour couronner le tout, on refuse d'accorder certains droits sociaux à la mère française. On me dit que, demain, certaines caisses envisagent même de supprimer les allocations familiales quand il y a deux enfants.

Tout au long de leur scolarité et de leurs études, ces enfants vont se heurter à des difficultés, par exemple lorsqu'ils voudront passer un concours administratif, puisqu'ils ne sont pas citoyens de l'Union européenne. Leur mère et leur père ne disposant pas de l'autorité parentale – puisque les arrêts de la Cour de cassation considèrent qu'il n'y a pas de filiation maternelle et paternelle –, cela pose bien des problèmes pour les sorties scolaires ou la communication des bulletins de notes. Jusqu'à présent, ces cas sont passés relativement inaperçus, mais leur nombre est désormais tel – ils seraient un peu moins de 1 000, en tout cas plusieurs centaines – que nous avons le devoir de régulariser leur situation.

Sans entrer dans le détail de l'amendement n° 200 , mais pressentant que vous allez vous opposer à son adoption, je vous demanderai simplement, monsieur le ministre, de penser qu'il y a et qu'il y aura de plus en plus d'enfants dans cette situation, car toutes ces difficultés n'empêcheront pas les couples de se rendre à l'étranger. Je vois, sur internet, que les demandes d'informations se multiplient, que les gens veulent savoir où et comment pratiquer une GPA, que plusieurs centaines de personnes participent aux colloques ou aux journées organisées par les associations, où des professeurs de droit, venus de pays voisins de l'Union européenne, expliquent comment cela se passe chez eux : la France paraît particulièrement figée et retardataire.

Dans le cas, hélas fort probable, où vous seriez défavorable à cet amendement, je vous demande donc de bien vouloir constituer un groupe de travail pour réfléchir à la manière d'améliorer la situation administrative de ces enfants.

Enfin, je voudrais revenir à ce qu'a dit M. Lagarde. Vous l'avez remarqué, ce sujet nous divise tous : il divise non seulement les socialistes, mais aussi nos collègues de la majorité, les psychiatres, les psychologues, les médecins et les équipes médicales qui pratiquent la fécondation in vitro. Ne faisons pas supporter nos divisions, nos doutes, nos interrogations par des enfants qui sont parfaitement heureux dans leur famille, mais qui rencontrent trop de difficultés administratives et réglementaires.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

C'est la deuxième fois qu' à propos d'un amendement le rapporteur et le Gouvernement se contentent de dire « défavorable ». C'est leur droit, mais nous espérions que le Gouvernement s'exprimerait, par la voix du ministre qui le représente, sur la gestation pour autrui. Or, tandis que des voix contradictoires se sont fait entendre, à gauche comme à droite de l'hémicycle, le Gouvernement est le muet du sérail.

L'amendement que vient de défendre Serge Blisko n'est qu'un appel à résoudre la situation d'enfants de parents français et nés à l'étranger par gestation pour autrui. On ne peut pas concevoir que l'intérêt de l'enfant soit à deux vitesses : vous l'invoquez à tout propos pour justifier telle ou telle disposition ou pour refuser tel ou tel amendement mais, dès que cela vous arrange, vous l'enfouissez au fond de votre poche. Comment peut-on laisser sans filiation des enfants nés à l'étranger et qui viennent en France, comment peut-on refuser que leur état civil soit transcrit sur les registres français ? C'est scandaleux. Quoi qu'on puisse penser de la gestation pour autrui, qu'on soit pour la légalisation encadrée ou pour le maintien de l'interdiction, on devrait avoir, comme un réflexe, un minimum d'humanité et faire tomber ces discriminations d'un autre âge.

Monsieur le ministre, répondez au moins à l'amendement qu'a défendu Serge Blisko. Vous ne pouvez pas dire, sans autre précision, que vous y êtes défavorable. Sinon, gardez-vous d'invoquer encore, dans ce débat, l'intérêt supérieur de l'enfant !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous sommes, en effet, dans une grande contradiction. Je peux comprendre que vous soyez opposé à la gestation pour autrui, monsieur le ministre. Mais pourquoi refuser d'en finir avec l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent ces enfants ? Des gestations pour autrui, il y en aura d'autres : elles se feront à l'étranger, sans contrôle, contrairement à ce que proposait notre amendement. Ces enfants, qui seront de plus en plus nombreux, resteront toujours dans une grande insécurité juridique.

Depuis le début de notre débat, en effet, chaque fois que nous abordons un problème, chaque fois que naît une polémique entre nous sur les solutions à y apporter, vous nous répétez que c'est l'intérêt de l'enfant qui prime. Patrick Bloche le disait à l'instant : si c'est l'intérêt de l'enfant qui prime, il faut sortir l'enfant de l'insécurité juridique.

Mais vous pensez qu'en réglant le problème de la reconnaissance de l'enfant et, par conséquent, de la validité de la paternité et de la maternité de ses parents, vous ouvrez la porte à la reconnaissance de la gestation pour autrui. Vous avez déjà fait le même coup pour les familles homosexuelles, dans une grande opération à la Ponce Pilate, en autorisant l'adoption pour une seule personne tout en sachant pertinemment que la personne qui adopte vit avec une autre personne de même sexe. Si l'un des deux meurt avant la majorité de l'enfant, celui-ci se trouve lui aussi dans une grande insécurité juridique, puisqu'il n'a plus de relation filiale reconnue par l'état civil. Ce que nous demandons est naturel, cohérent par rapport à notre volonté commune de préserver d'abord le droit de l'enfant. Soyez cohérent avec vous-même : puisque vous invoquez systématiquement l'intérêt de l'enfant, acceptez que celui-ci soit sorti de son insécurité juridique.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur Bloche, vous aimez lancer de belles expressions, comme « muet du sérail » : si vous aviez été présent durant tout le débat, vous auriez pu dire – ce qui aurait été plus sérieux – que je n'ai pas du tout été muet sur la question. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

J'ai été tout aussi présent que vous. J'étais là hier soir, et ne vous ai pas vu !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le ministre, vous renouez avec vos penchants sarkozystes !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous vous êtes contenté d'approximations, monsieur Bloche : permettez-moi de remettre les pendules à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Quelles pendules ? Vous n'avez rien répondu !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je n'ai pas souvenir de vous avoir interrompu. Cela ne sert à rien de s'énerver. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous voulez débattre ? Je suis prêt à le faire. Ce n'est pas parce qu'il n'a pas les mêmes opinions que vous que le Gouvernement ne s'est pas exprimé sur la GPA. J'en ai parlé à différentes reprises, devant la commission spéciale ou à cette tribune. Je n'ai pas la même position que vous : c'est mon droit. Toujours est-il que nous n'avons pas été muets sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ce n'est pas sur la GPA que nous voulions connaître votre avis, mais sur le sort des enfants !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous parlez d'incertitude juridique.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je ne sais pas si c'est l'heure tardive qui vous incite à rebondir sur chaque phrase. Si vous voulez que l'on s'écoute, je suis partant.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il ne faut pas nous provoquer ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous provoquer ? Je me demande qui est le plus provocateur !

Pour en revenir à l'amendement défendu par M. Blisko, je dois dire que sa manière de traiter le sujet entraîne de nouvelles incertitudes. Vous souhaitez qu'on vous réponde sur le fond, et nous allons le faire. Vous souhaitez un débat sur cette question, pour faire valoir vos thèses : c'est votre droit, mais permettez au Gouvernement de ne pas entrer dans ce débat, car nous ne voulons pas nous situer sur la même position que vous. C'est aussi simple que cela. On a le droit d'accepter les divergences et les différences.

Vous le savez, la GPA est prohibée en France. Pour contourner cette interdiction, certains ressortissants français se rendent à l'étranger. C'est un fait. Pour autant, doit-on, lorsqu'ils reviennent en France, régulariser la situation qui découle du contournement de la loi ? Permettez-moi, monsieur Blisko, de reprendre certains points. Ces enfants ne sont pas des apatrides et ne sont pas non plus privés d'état civil ou de filiation du fait de l'absence de transcription de l'acte civil étranger. D'autre part, la validité des actes d'état civil étranger et le lien de filiation qui en résulte ne sont pas contestés. L'acte de naissance étranger peut être valablement produit en France, aucun texte n'imposant qu'il ait été transcrit sur les registres du service central de l'état civil. Que ce soit pour l'inscription à l'école, pour l'accès de ces enfants aux soins ou pour le bénéfice des allocations familiales, il n'y a pas de difficultés. C'est la réalité des choses. Les parents ne sont donc pas placés dans la situation de précarité juridique décrite par les signataires de l'amendement. C'est la réalité du droit.

Sur le fond, je suis défavorable à l'amendement pour au moins trois raisons.

D'abord, une intervention du législateur ne serait pas opportune, alors que des affaires de cette nature sont pendantes devant la Cour de cassation et que celle-ci doit, dès le mois de mars – ce n'est pas dans un siècle – préciser sa jurisprudence à cet égard en se prononçant solennellement sur les conditions de la transcription de l'acte de naissance étranger eu égard à l'ordre public français. Vous voulez vous positionner alors que le droit est mouvant. Je ne pense pas que cela apportera davantage de sécurisation juridique.

Je voudrais ensuite vous faire observer qu'en envisageant les situations dans lesquelles la GPA est encadrée par le droit étranger, et plus particulièrement celles où le juge étranger a rendu sa décision, l'amendement ne permettrait de régler qu'un nombre très restreint de situations. Je pense qu'il s'appliquerait de façon assez générale aux situations résultant de GPA intervenues aux États-Unis, mais que, dans la majorité des cas, il n'y aurait pas de solution. Je songe notamment à des pays dans lesquels ce cadre légal n'existe pas, comme l'Inde. On aboutirait en définitive à un curieux paradoxe : alors que vous souhaitez la sécurisation, l'intervention du législateur conduirait à une inégalité de traitement des enfants potentiellement concernés. Il interviendrait pourtant au nom de l'intérêt de l'enfant, dont il a été question tout à l'heure et que, d'une certaine façon, vous nous reprochiez d'invoquer.

Enfin, s'il était adopté en l'état, l'amendement exclurait, en présence d'une décision de justice étrangère, tout contrôle de conformité de la décision à l'ordre juridique français. Nous serions amenés à reconnaître des GPA intervenues grâce à des contrats rémunérant les mères porteuses, des GPA réalisées au bénéfice de personnes hors d'âge de procréer et des GPA de confort – sans vouloir établir de lien avec les pratiques de telle ou telle vedette vivant dans certaine ville spécialisée dans le cinéma.

Nous devrions également assurer la transcription de l'acte étranger, quand bien même celui-ci fait état de deux mères ou de deux pères pour l'enfant. Vous savez que ce n'est pas non plus notre conception.

En définitive, s'il était adopté, votre amendement serait de nature à vider complètement de sa substance la prohibition de la GPA en France. Autant de raisons qui justifient que je n'y sois pas favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Jusqu'à présent, monsieur le ministre, le débat était calme. Vous n'avez donc pas besoin de faire de la provocation…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et de retrouver vos vieux penchants sarkozystes lorsque vous êtes interpellé. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Dois-je rappeler, puisque vous voulez aller sur ce terrain, que nous ne vous avons pas beaucoup vu en commission spéciale, où vous aviez délégué votre secrétaire d'État ? Nous aurions préféré, du reste, avoir en face de nous quelqu'un qui connaissait son dossier et qui n'aurait pas ânonné les notes qui lui étaient préparées par son administration.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Arrêtez, c'est insupportable !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

D'ailleurs, que venez-vous de faire ? Vous venez de lire une note qui vous a été préparée par je ne sais quel haut fonctionnaire de la chancellerie (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP) pour nous donner des arguments qui se résumaient en cette conclusion : « Accepter votre amendement, ce serait remettre en cause la prohibition de la gestation pour autrui. »

Il n'y a pas d'autre argument que celui-là ; tout le reste n'est qu'arguties juridiques. Oui, c'est vrai, le droit est en mouvement ! Oui, c'est vrai, ce n'est pas le législateur, c'est le juge qui fixe le droit. Cependant, notre rôle et notre devoir comme constructeurs de l'État de droit est aussi de poser des verrous pour que le droit soit moins mouvant et puisse être plus sûrement interprété par le juge. L'amendement présenté par Serge Blisko, qui permet au juge de mieux interpréter la loi, est donc tout à fait recevable.

Tous les arguments juridiques que vous nous avez présentés peuvent sans doute être entendus, ils sont sans doute très sérieux et très bien structurés. Ils ne remettent cependant pas en cause l'amendement que nous avons proposé. Ils ne dénient pas non plus la situation de précarité juridique objective dans laquelle se trouve l'enfant. Vous refusez notre amendement parce que vous ne voulez pas ouvrir la moindre porte à la gestation pour autrui.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous avez très peur que sortir l'enfant de cette insécurité juridique ne soit la porte ouverte à la gestation pour autrui. Eh bien, cette insécurité se perpétuera.

Vous avez employé un mot qui m'a particulièrement choqué. Vous avez dit – je ne sais pas si j'ai bien entendu, il est un peu tard –, à propos des familles qui vont à l'étranger, que c'était « infect ». Je n'ai pas très bien compris.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je crois que vous avez mal entendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ah, « c'est un fait » ! Sans doute me faut-il, à cette heure-ci et à mon âge, recourir à des spécialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je vous prie de m'excuser, monsieur le ministre, si j'avais mal entendu. Toujours est-il que la réalité est ainsi : en ne voulant rien faire, vous continuez à laisser des familles partir à l'étranger. Ce faisant, vous favorisez la marchandisation du corps.

(L'amendement n° 200 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il est défendu, de même que le suivant.

(L'amendement n° 137 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 138 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 188 , portant article additionnel avant l'article 23.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Cet amendement très important tend à insérer un article ainsi rédigé : « Les recherches sur les cellules souches embryonnaires peuvent être autorisées lorsqu'elles sont susceptibles de permettre une innovation thérapeutique. »

Il s'agit de permettre la recherche à tous les stades de la vie, y compris au stade embryonnaire. Actuellement, on peut soigner une personne à tous les âges de la vie, sauf à l'état d'embryon. Or certaines techniques, par exemple de congélation, permettent d'améliorer le taux de réussite de la fécondation in vitro. Elles devraient réduire le nombre d'embryons surnuméraires.

Aucune raison – René Frydman a insisté sur ce point lors de son audition en commission – ne justifie que l'on ne puisse pas faire de l'innovation thérapeutique, c'est-à-dire améliorer les conditions de la fécondation in vitro, alors que l'on peut soigner à tous les âges de la vie.

Il s'agit donc d'un amendement de bon sens. Je crois que la recherche sur les cellules souches embryonnaires est essentielle. L'argument, invoqué par certains de nos collègues, selon lequel il suffirait de reprogrammer des cellules adultes pour en faire des cellules embryonnaires est un mauvais argument. En effet, lorsqu'on reprogramme une cellule adulte, on n'a absolument pas l'assurance que le développement de cette cellule va repartir depuis le stade initial du développement d'une cellule souche. Un certain nombre d'éléments ne sont-ils pas déjà inscrits dans la mécanique et l'horloge biologique de cette cellule ?

L'innovation thérapeutique est essentielle. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous souhaitons l'adoption de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

L'innovation thérapeutique est indispensable pour étudier à la fois l'évolution de l'embryon et celle des cellules souches.

La disposition que tend à insérer l'amendement est ainsi rédigée : « Les recherches sur les cellules souches embryonnaires peuvent être autorisées. » Vous le savez, une partie de cet hémicycle est favorable à une autorisation encadrée, l'autre à une interdiction assortie de dérogations. Comme vous avez retenu la notion d'autorisation, monsieur Le Déaut, alors que l'on peut difficilement – nous l'avons évoqué tout à l'heure à propos des études allemandes – distinguer cellule souche embryonnaire et embryon, il nous est difficile de satisfaire votre amendement.

Cependant, il ne faut pas bloquer les possibilités de soigner un embryon comme toute personne humaine en devenir le mérite. Aussi notre amendement n° 78 a-t-il pour objet de réintroduire un régime juridique d'étude, qui figurait antérieurement dans la loi. Cela permettra à la fois de respecter l'intégrité de l'embryon, de ne pas faire des « essais d'homme », pour reprendre l'expression de Jean-François Mattei, et de traiter l'embryon s'il présente une anomalie. La dignité de l'embryon est donc respectée, ainsi que le devoir de le soigner.

Malheureusement, si je comprends bien l'intérêt de l'innovation thérapeutique, le régime d'autorisation que vous proposez, qui porte strictement sur les cellules souches embryonnaires, ne me paraît pas pouvoir recueillir un avis favorable de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

J'aimerais, monsieur le rapporteur, que vous m'apportiez une précision. Nous allons trancher dans quelques minutes entre interdiction avec dérogations et autorisation encadrée. Je me place quelques instants dans le régime que vous privilégiez, celui d'une interdiction assortie de dérogations. Accepteriez-vous, dans ce cadre, que des innovations thérapeutiques au profit de l'embryon donnent lieu à des dérogations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Si nous ne jouons pas sur les mots et que vous lisez bien l'amendement n° 78 , vous verrez qu'il répond à cette demande, monsieur le président de la commission spéciale. Soigner l'embryon n'est pas interdit, et l'on peut imaginer qu'un jour les anomalies dépistées pourront être traitées. On ne peut donc pas barrer le chemin à cette perspective.

Pour autant, ouvrir la possibilité d'études, dans le respect de la dignité de la personne humaine en devenir, en vue de soigner, n'a rien à voir avec le fait d'autoriser la recherche sur des cellules souches embryonnaires pour simplement permettre une innovation thérapeutique. J'ai tenté – très honnêtement, je crois, et je m'en suis ouvert à chacun – d'envisager un double régime : d'interdiction avec dérogations pour l'embryon, d'autorisation pour les cellules souches embryonnaires, et j'ai constaté que ce n'était tenable ni juridiquement ni éthiquement, pour la raison que nous avons évoquée tout à l'heure : un embryon, au départ, c'est une cellule. Distinguer le stade où la cellule souche embryonnaire pourrait être l'objet d'une recherche autorisée et le stade où elle ne pourrait plus l'être revient à définir le moment où la cellule passe du totipotent au multipotent. Cet effort de définition me paraît à la fois impossible et vain.

Il vaut mieux avoir un régime d'interdiction aux objectifs simples.

Pour l'embryon destiné à naître, pas d'« essais d'homme » mais le souhait de dépister les anomalies et de les soigner, de réparer l'embryon ; des dérogations au profit d'une recherche encadrée strictement visant des objectifs purement médicaux qui ne peuvent être atteints par des méthodes « similaires », terme plus restrictif que « comparables ».

Quant aux cellules souches embryonnaires, on ne peut définir un régime qui leur soit propre. La cellule étant, comme le disait Axel Kahn, partie d'un tout qui serait l'embryon, il est également difficile de séparer sémantiquement, si j'ose dire, l'un de l'autre. Par conséquent, le même régime d'interdiction avec dérogations doit s'appliquer.

Le régime d'interdiction figure déjà dans le code civil, à l'article 16, qui protège la vie dès sa conception. Il figure aussi dans la loi Veil, dont on ne peut dire qu'elle soit une loi extrêmement restrictive et que personne ne conteste aujourd'hui. Affirmer que l'on protège la vie de personnes humaines en devenir tout en s'autorisant, par dérogation, un certain nombre de recherches et études dans l'intérêt médical, dans l'intérêt général, pour l'humanité, est donc conforme à notre droit. Cela répond au besoin des chercheurs de ne pas être bridés dans leurs recherches tout en protégeant, comme on le doit et comme le code civil le prévoit, la vie dès sa conception.

C'est pourquoi le système d'interdiction avec dérogations me paraît équilibré. Il ne gêne pas la recherche en tant que telle. Je vous rappelle les propos tenus par M. Peschanski dans le cadre de la mission d'information sur la révision de la bioéthique : « Vous m'avez demandé si les dispositions de la loi de 2004 nous avaient gênés. Peut-être vous surprendrai-je en vous disant que non. » Quant à M. Menasché, il déclarait devant notre commission spéciale : « La loi de bioéthique de 2004 ne nous a pas empêchés de travailler. […] Elle ne nous a pas pénalisés. »

Cela signifie que le maintien du régime actuel, conforme aux principes de notre droit, ne pénaliserait pas la recherche. L'interdiction a plus qu'une valeur symbolique, tandis que la dérogation permet la recherche dans notre pays.

Il n'y a qu'un point sur lequel un régime d'autorisation présenterait un intérêt. M. Menasché nous a indiqué que cela permettrait un développement commercial et industriel plus important. Je ne pense pas que le développement commercial et industriel soit un enjeu de notre débat éthique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Alain Claeys, président de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Je ne peux pas dire que nous arrivons à la fin du débat, mais tout ce que nous venons d'entendre le résume bien.

Ce que j'avais affirmé dès mon intervention liminaire a été démontré tout au long de la discussion. Le système d'interdiction avec dérogations que la commission a retenu n'a pas le même sens ni le même contenu pour tous. Ce n'est pas une critique, et je ne veux pas déformer les propos des uns et des autres, mais c'est bien le constat qui ressort de vos échanges.

Certains d'entre vous, dont je respecte parfaitement la position, ont tenté tout au long du débat, ce qui est normal au regard de ce qu'ils défendent, de limiter au maximum la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Et lorsque nous avons abordé l'assistance médicale à la procréation, ils ont essayé par leurs amendements, même s'ils disent le contraire, d'en limiter la portée et le développement. En disant cela, je ne tombe pas dans la simplification, je reflète une réalité importante de notre assemblée, et je le dis en tant que président de la commission spéciale : pour vous, l'interdiction avec dérogations, c'est le moindre mal.

Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous avez fait preuve d'une honnêteté intellectuelle totale et vous avez cherché toutes les solutions possibles. Un week-end, j'ai même cru que vous aviez trouvé la bonne ! Malheureusement, ces déclarations – j'ignore si elles étaient exactes – ont été éphémères et je le regrette profondément.

Cela étant, quand vous dites que l'interdiction avec dérogations protège l'embryon, vous savez bien que c'est faux. Car pour ce qui est des cellules souches embryonnaires prélevés sur des embryons surnuméraires, la transgression a lieu avant. La transgression, c'est l'existence même de ces embryons surnuméraires voués à la destruction. Pardonnez-moi d'employer cette expression, mais cet argument est une « habileté » de votre part pour donner des garanties à vos collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Car, sur le fond, vous êtes favorable aux recherches sur les cellules souches embryonnaires. Et je suis convaincu, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas loin de penser la même chose…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ah bon !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Puisque l'on ne renouvellera plus ces lois tous les cinq ans, pourquoi voulez-vous rester dans l'ambiguïté pendant des années ? Nous partageons les mêmes valeurs : nous souhaitons le respect absolu de l'identité de la personne humaine ; nous respectons la volonté de non-marchandisation du vivant. Mais nous sommes, les uns et les autres, incapables de savoir quels seront demain les progrès de la recherche. Ainsi sommes-nous incapables, cette nuit, de dire si, dans dix ans, ce sont les cellules souches adultes, les cellules souches embryonnaires ou les cellules souches adultes reprogrammées qui seront la bonne solution. D'ici là, on aura encore inventé quelque chose !

Aujourd'hui, la société nous demande de garantir la recherche de façon claire et de rester fermes sur nos valeurs éthiques. En disant oui à la recherche telle qu'elle est encadrée par l'Agence de la biomédecine, nous sommes dans la clarté la plus absolue.

Pour montrer l'ambiguïté de la position de certains d'entre vous, j'évoquerai la liberté de conscience que vous souhaitez donner aux chercheurs. Je n'ai pas vraiment compris l'argument selon lequel il faudrait avoir, dans un laboratoire, la liberté de conscience pour ne pas faire de recherches sur les cellules souches embryonnaires. Qu'est-ce que cela signifie sur le fond ?

Je vous le dis franchement, j'aurais préféré – mais ce n'est peut-être pas possible pour vous – qu'il ressorte de cette assemblée une sensibilité clairement hostile aux recherches sur les cellules souches embryonnaires. Cela aurait eu le mérite d'être clair, d'éviter des majorités parfois difficiles, de clarifier le débat.

Si vous l'emportez, nous sortirons de cette discussion avec une énorme ambiguïté. Et je vous l'assure, même si les protocoles de recherche proposés ont été en grande majorité acceptés par l'Agence de biomédecine, cette ambiguïté ne sera favorable ni à la recherche ni aux malades qui attendent un traitement.

Enfin, monsieur le ministre, il y a quelque chose qui me gêne profondément, c'est que l'on puisse dire à des chercheurs, alors que nous légiférons, qu'il y aurait des recherches plus ou moins éthiques. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) En tant que législateur, cela me pose problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Si c'est le cas, mon cher collègue, il ne faut pas transiger : il faut dire non à toutes les recherches sur les cellules souches embryonnaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

C'est un débat tout à fait respectable, que nous n'avons pas eu en 2004. Si telle est la réalité, je le répète, il faut dire non aux recherches sur les cellules souches embryonnaires. Ce ne serait pas une exception ! Au lendemain de son élection, Barack Obama a signé un décret permettant le financement public de ces recherches qui étaient interdites dans un grand nombre d'États.

La pire des situations est celle dans laquelle nous nous mettons, autrement dit une interdiction avec dérogations qui « arrange » une partie de cet hémicycle. Au final, personne n'est satisfait.

Pour conclure, je dirai que nous devons la clarté à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Monsieur le président de la commission, vous avez fait référence à ce qui peut apparaître comme une ambiguïté ou une volte-face.

Avec Gaëtan Gorce, j'ai exploré à fond l'exception d'euthanasie. Au final, je n'ai pas décidé que c'était une bonne solution. L'honnêteté intellectuelle, c'est explorer les pistes sans a priori, déterminer leurs avantages et leurs inconvénients, puis prendre une décision. Car la bioéthique, c'est aussi du pragmatisme ; c'est aussi dire à la fin du débat, même après un doute collectif, ce qui est permis et ce qui est interdit.

Je ne doute pas un instant que nous ayons des valeurs communes. Toutefois, je vous le demande : l'interdiction serait-elle la même chose que l'autorisation ?

Je cite le rapport de décembre 2008 de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : « Inscrire le principe de dignité dans le préambule dans la mesure où il affirme la valeur inaliénable de la personne humaine pourrait poser des problèmes au regard de la loi bioéthique. Si la notion de dignité renvoie à celle de la protection de la vie, comment fera-t-on pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires aujourd'hui autorisée en France ? »

Lorsque vous dites cela, vous introduisez, vous aussi, une forme d'ambiguïté et même de contradiction. Si la dignité humaine figurait dans le préambule de la Constitution, on ne pourrait plus travailler avec une autorisation sur les cellules souches embryonnaires.

Cela prouve que si nous voulons, ensemble – ce dont je suis sûr –, respecter la dignité humaine, qu'elle soit inscrite ou non dans le préambule, nous devons interdire la recherche sur les cellules souches embryonnaires et sur les embryons, tout en conservant, par dérogation, la possibilité de continuer les recherches. J'ajoute – je l'ai montré tout à l'heure – que ceux qui sont les plus acharnés à demander l'autorisation totale de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires avouent que le système antérieur, comme celui que nous allons pérenniser aujourd'hui, ne les a pas pénalisés.

La loi a force de symbole et le fait de dire que l'on interdit quelque chose a une valeur symbolique. Mais au-delà, elle est en conformité avec l'idée que nous nous faisons de la dignité humaine et de la facilitation de la recherche médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

En réalité, cela fait une demi-heure que nous discutons de l'article 23 !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je ne l'ai pas encore appelé.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Défavorable.

Croyez-en mon expérience, monsieur le président Claeys, quand les avis sont très opposés, cela veut dire que la position médiane, ou d'équilibre, n'est pas la plus mauvaise, à condition toutefois que cet équilibre permette d'avancer. J'estime que la position française depuis 2004 a permis d'avancer et je mets quiconque au défi de démontrer que nous avons pris du retard.

Concernant l'amendement n° 188 et l'élargissement de la finalité des recherches aux avancées thérapeutiques, je puis vous dire que le régime actuel permet de mener des recherches afin d'améliorer les techniques d'AMP. Pas autant que certains le souhaiteraient, certes, mais il permet de le faire.

L'article 19, que nous avons déjà examiné, permet aussi à l'Agence de la biomédecine d'autoriser les adaptations des procédés d'AMP. Des adaptations sont également possibles pour améliorer les techniques d'AMP, y compris en matière de fécondation. J'estime qu'il n'y a pas lieu de prévoir de dispositions supplémentaires.

Dans l'argumentation que vous avez développée, monsieur Claeys, un point m'a marqué, que j'ai voulu vérifier. En fin de compte, si nous adoptions votre amendement, nous serions en contradiction avec un principe essentiel, que je place au-dessus de la priorité que vous invoquez, celui qui figure à l'article L. 2151-5 du code de la santé publique : « Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. » S'il y a recherche, il ne peut pas y avoir transfert. Ce que vous proposez, monsieur Claeys, est en contradiction avec cet alinéa qui, pour moi, est d'une importance juridique supérieure.

Par ailleurs, comme l'a dit Jean Leonetti, dont je reprendrai seulement cette partie de l'argumentation, ce que vous proposez est finalement une voie parallèle par rapport aux principes que nous avons édictés.

Pour ces différentes raisons, je ne peux pas être d'accord avec vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

En même temps que de cet amendement, nous discutons plus généralement du choix entre deux possibilités. En réalité, il y en a quatre : l'interdiction totale que certains souhaitent peut-être ; l'autorisation totalement libre, sans aucune réserve, qui nous paraît également déraisonnable ; puis les deux solutions entre lesquelles nous hésitons : soit l'interdiction avec dérogations, soit l'autorisation encadrée évitant toute dérive.

Avec une expérience de sept ans dans notre pays, de dix à quinze ans dans d'autres, nous savons exactement où il faut mettre les garde-fous pour se garantir de toute dérive. Nous sommes donc dans une situation tout à fait unique et difficile à comprendre et à pérenniser. Que, pendant sept ans, nous ayons dit qu'il nous fallait un certain recul pour choisir entre l'acceptation et le refus, cela pouvait apparaître comme une situation transitoire permettant cette réflexion. Au bout de sept ans, il est difficile de soutenir que l'on n'a pas pu se faire une idée et que l'on ne sait pas s'il faut autoriser ou interdire.

Par ailleurs, ceux d'entre nous qui mettent le plus en avant la nécessité de conférer une dignité humaine à l'embryon dès les premières phases de son développement doivent admettre que la première étape serait d'attribuer à cet embryon les mêmes prérogatives qu'aux autres êtres humains,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

…de l'état foetal jusqu'à la mort, donc de permettre la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Vous invoquez la dignité humaine uniquement quand cela vous arrange ! C'est à géométrie variable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Lorsqu'on prélève des cellules souches à des fins de recherche, on le fait à partir d'embryons détruits après qu'ils ont été congelés, ce qui est tout à fait comparable à un prélèvement de tissus sur un adulte, un nouveau-né, un foetus décédés, tissus qui seront utilisés dans le cadre de la recherche thérapeutique. Pourquoi l'embryon devrait-il échapper à cette chaîne humaine, du début de la conception jusqu'à la mort ? Aucun maillon ne doit échapper à cette reconnaissance. Il ne s'agit pas d'ailleurs que de recherche fondamentale, c'est aussi de la recherche appliquée. C'est, enfin, une innovation thérapeutique au bénéfice de l'embryon. Nous traitons, dès aujourd'hui, des foetus au stade suivant immédiatement la fin de la vie embryonnaire. Demain, nous aurons à traiter des embryons et il serait déraisonnable de les priver des solutions thérapeutiques qui peuvent leur être offertes.

Enfin, cette recherche sur les embryons dès le premier stade est bien évidemment nécessaire pour permettre – ce qui est souhaité par nombre d'entre nous – la diminution du nombre parfois excessif d'embryons surnuméraires, puisque ce n'est qu'en étudiant l'embryogenèse initiale que l'on pourra rendre plus efficaces les fécondations in vitro et, donc, éviter cette production d'embryons cinquante à cent fois supérieure en nombre à ce qui est utilisé à des fins de procréation.

Les avis qui ont été donnés ne sont pas minces. Ainsi, le Conseil consultatif national d'éthique y est favorable, tout comme le Conseil d'État et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques. En définitive, tout le monde nous incite à franchir enfin ce petit pas qui nous ferait sortir d'une interdiction avec dérogations, nous permettant d'avoir une attitude claire – ni ambiguë ni hypocrite – qui nous aide à progresser.

Nous ne devons pas nous prononcer sur de fausses notions. Il ne faut pas faire un choix sans avoir eu un éclairage opportun. Or j'entends véhiculer de fausses notions. Il n'est pas vrai que la recherche ou ses applications sont les mêmes avec des cellules souches embryonnaires, avec des cellules souches adultes ou encore avec des cellules iPS. Seul le mot « cellules souches » leur est commun mais, biologiquement, il s'agit de cellules aux propriétés très différentes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

…et seule la cellule souche embryonnaire a des capacités infinies d'auto-renouvellement et des possibilités totales de différenciation. Ce n'est qu'en étudiant la biologie cellulaire et moléculaire de ces cellules que l'on pourra obtenir des réponses à nombre de questions. Il n'est pas possible d'y échapper. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Agence de la biomédecine a donné une autorisation à la plupart des dossiers qui lui ont été soumis.

Il est faux d'affirmer que ces recherches ne sont pas fructueuses, sauf à penser que les chercheurs soient fous. À Bethesda, lieu qui, dans le monde, compte le plus grand nombre d'équipes de recherche, la moitié des centaines et des centaines de laboratoires de biologie travaillent sur des cellules souches et tous obtiennent des résultats mondialement reconnus qui ont fait grandement avancer la connaissance.

Il est vrai que l'on ne peut pas dire cela en France parce que notre législation a freiné la recherche. Il n'est, en conséquence, pas vrai non plus de dire que nous n'avons pas pris de retard. Ce retard a été évalué par une chercheuse internationale qui travaille à l'hôpital Necker : Mme le professeur Marina Cavazzana, qui a développé les premières thérapies géniques sur les enfants atteints de déficits immunitaires congénitaux. Elle estime que la recherche dans notre pays est en retard de dix à quinze ans et que, si la législation actuelle est maintenue, ce retard passera à vingt-cinq ans. C'est la raison pour laquelle elle va d'ailleurs probablement quitter notre pays comme beaucoup d'autres chercheurs qui sont, aujourd'hui, installés à l'étranger. Nous ne pouvons donc pas nous appuyer sur les déclarations des chercheurs qui sont restés en France, mais sur ceux qui font de la recherche sur les cellules souches et qui ont dû s'expatrier pour avoir des conditions de travail opportunes. Ils sont les seuls à pouvoir nous dire quel est le niveau de déficit de notre législation. Le retard que nous accumulons va, passé un certain seuil, se révéler insurmontable. Nous devons avoir conscience de ces vérités au moment où nous allons nous prononcer sur cet amendement.

Enfin, il me paraîtrait opportun de ne pas exprimer en permanence un tel niveau de défiance vis-à-vis de la communauté des chercheurs. Il ne faut plus diaboliser le progrès, la recherche scientifique, la recherche biologique et la recherche médicale. Comme toute recherche, la recherche biologique et médicale peut, bien évidemment, apporter le meilleur ou le pire, mais nous avons la possibilité de l'encadrer et de n'en obtenir que le meilleur. En revanche, nous adresserions un message extrêmement négatif à toute la communauté des chercheurs en biologie et en médecine si nous maintenions l'interdiction avec dérogations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer. Je vous demanderai donc, mes chers collègues, d'être concis, ce qui n'empêche pas de dire beaucoup.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je vais essayer, monsieur le président !

M. le ministre a souligné que, lorsque deux positions sont aussi contraires, rechercher un équilibre n'est pas mauvais. Le groupe Nouveau Centre, par nature, trouve ce raisonnement tout à fait pertinent. (Sourires.)

Il nous semble que le texte issu de la commission est bien équilibré. À ceux qui craindraient des débordements, je veux rappeler qu'il pose des verrous pour prévenir les élargissements excessifs, comme ceux qu'autoriserait l'amendement n° 188 , contre lequel nous voterons.

Ces recherches ne seront autorisées que si elles sont susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs et s'il n'est pas possible, en l'état des connaissances scientifiques, de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons.

La recherche faisant l'objet d'une dérogation devra également être scientifiquement pertinente. Le président de la commission a expliqué qu'il peut se poser un problème non d'éthique, mais de pertinence a minima. On peut en effet se demander si la recherche est judicieuse, essentiellement quand la dérogation est sollicitée par certains groupes privés.

Enfin, et ce point n'a pas été abordé jusqu'à présent dans le débat, je citerai l'alinéa 11 de l'article 23 : « Dans le cas où le couple consent à ce que ses embryons surnuméraires fassent l'objet d'une recherche, il est informé de la nature des recherches projetées afin de lui permettre de donner un consentement libre et éclairé. »

Ainsi, aucune recherche ne pourra avoir lieu si elle ne présente pas d'intérêt scientifique et s'il est possible d'aboutir autrement aux mêmes progrès médicaux. Nos débats ont permis d'affirmer que la cellule souche de l'embryon, résultat d'un projet parental, devait être respectée. Il me semble que le texte de la commission est parvenu à un équilibre. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas souhaité intervenir sur l'article 23. En effet, si l'amendement n° 188 est adopté, la suite n'aurait, par définition, plus d'objet. Je comprends que certains souhaitent une ouverture très large, ayant pour seul objet l'innovation thérapeutique, mais je ne crois pas qu'elle est un but en soi. Les termes « progrès médicaux majeurs » me semblent plus opportuns. D'autres, en revanche, ont une position radicalement opposée et proposent carrément de tout interdire, d'où le retard de notre pays.

J'ajouterai une dernière observation sur l'échange très intéressant entre les deux personnes qui ont sans doute le plus travaillé sur ces sujets dans l'hémicycle : le président de la commission et le rapporteur. Vous avez, monsieur le président, interpellé notre rapporteur sur la nécessité de pouvoir soigner un embryon. Soigner et rechercher sont deux notions très différentes. Comme l'a rappelé M. le ministre, quand on recherche, il n'y a plus de possibilité de transfert, et je pense que l'article L. 2151-5 de la loi de 2004 cité par M. Xavier Bertrand est essentiel. En revanche, la recherche peut aussi servir, demain, parce qu'elle aura permis un progrès scientifique, un progrès médical majeur, à soigner les embryons et l'on ne doit pas, naturellement, l'interdire.

(L'amendement n° 188 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 23, de nombreux orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Hervé Mariton.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Le débat qui vient de se dérouler a largement ouvert la discussion. Ceux d'entre nous qui s'interrogent à propos des conditions de la recherche sur l'embryon ne sont pas nécessairement des adversaires de la science et du progrès. Je tenais à le rappeler à M. Touraine. Ce n'est pas parce que nous nous interrogeons que nous sommes allergiques ou étrangers à ces démarches.

Le propos du président Claeys, qui a conseillé de cliver davantage, est un extraordinaire procès, une très vive critique de la loi de 2004. Il déplore également la rédaction qui nous est proposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Je pense, comme l'a parfaitement expliqué le ministre, que l'équilibre de ce texte et les progrès accomplis tiennent pour une bonne part aux propos qui ont été tenus, y compris de ce côté de l'hémicycle, sur la question des soins à l'embryon. En somme, la loi de 2004 – et c'est souvent le cas dans notre droit – ne considère l'embryon ni tout à fait comme une personne ni comme une chose. Notre collègue Le Déaut estime que les soins doivent pouvoir être dispensés à la personne dès le stade de l'embryon et à tout âge de la vie. Mais est-il cohérent de parler de « soins à la personne » alors que l'on va parfois jusqu'à tuer l'embryon ? S'agissant d'une personne, on ne se donne pas le droit, en tout cas depuis l'abolition de la peine de mort, de tuer.

Nous avons constaté dans ce débat combien il était difficile de qualifier l'embryon. J'assume, pour ma part, cette difficulté. Je n'ai pas, par exemple, cosigné l'amendement de Jean-Marc Nesme sur l'interdiction totale de la recherche sur l'embryon et les cellules souches. Le texte qui nous est proposé réalise un équilibre pertinent dans le respect du raisonnement de base que chacun connaît, mais qu'il convient de répéter à ce stade, y compris pour répondre à M. Touraine : oui, en France et c'est heureux, après quelques errements à la fin du XVIIIe siècle, la recherche est libre, sauf pour cette entité très particulière qu'est l'embryon. Nous avons donc là une exception au principe. Et puis, parce que l'évolution de la science peut le justifier, de même que notre curiosité et l'intérêt de l'homme, nous assumons maintenant une exception à l'exception.

Cette architecture me va très bien, pour autant, et le président de la commission a eu le mérite de mettre les points sur les i, que l'on n'assiste pas à une partie de dupes et que l'on assure un vrai équilibre, ce qui suppose des précisions, celle qui font l'objet de nos amendements. L'encadrement de la dérogation est quelque chose d'important. Si on ne sait pas ce que dérogation veut dire, il y a le risque que ce soit non de l'habileté mais de la duperie, et nous ne l'imaginons pas.

La mise en avant dans nos discussions et nos amendements de la recherche de méthodes alternatives est aussi un élément fondamental. De même, dès lors que nous sortons du contexte d'une loi appelant sa propre révision, l'évaluation, avec un compte rendu à la nation, est une étape encore plus importante qu'elle ne l'était jusqu'à présent.

Parce que nous sommes dans une démarche humaine et scientifique et une démarche de conviction, nous assumons un cadre stable, celui d'une loi qui n'appelle pas sa propre révision, mais avec un principe politique clair : liberté de la recherche, exception pour l'embryon, et dérogation à l'exception, pour autant que nous sachions exactement ce que nous allons voter.

S'il y a une sincérité politique et une honnêteté intellectuelle dans nos délibérations, de la part du Gouvernement et de ceux, l'Agence de biomédecine ou d'autres, qui, demain, auront à mettre en oeuvre ce que nous aurons voté et que le pouvoir réglementaire aura précisé, nous pouvons faire un tel choix. La confiance dans le projet que nous soumet le Gouvernement doit être justifiée, nourrie, éclairée par les précisions que nous apporterons au cadre proposé. Ceux pour qui interdiction avec dérogations ou autorisation encadrée, c'est la même chose, ont tort, nous devons en être bien conscients. Ce que nous voulons voter, c'est une interdiction avec dérogations, en sachant parfaitement ce que peuvent être les dérogations, et non une autorisation encadrée qui ne serait pas avouée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Je crois revenir à mes études sur Pascal, mais c'est très vieux, quand j'entends cette casuistique : il y a liberté de la recherche, exception pour l'embryon, et exception à l'exception. Ce n'est pas vraiment clair.

Plusieurs députés du groupe UMP. Si !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Chez moi, quand quelque chose est interdit, c'est interdit ; quand c'est autorisé, c'est autorisé. Si c'est interdit avec des dérogations et qu'il y a cinquante-huit dérogations sur soixante-quatre demandes, ce qui est le cas aujourd'hui, cela mériterait d'être autorisé.

Comme l'a souligné le ministre, nous avons des avis opposés. Il y a clivage.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

C'est la première fois. En 1994 et 2004, il n'y avait pas de clivage entre la droite et la gauche à ce sujet. S'il y en a un aujourd'hui, c'est parce que le Gouvernement a choisi un équilibre qui, selon moi, est mauvais pour les chercheurs. Néanmoins, mieux vaut un mauvais équilibre qu'une absence totale de consensus parce qu'il faut trouver au bout du compte une solution pour les chercheurs, même si je pense que ce n'est pas la bonne.

Votre argument, monsieur le ministre, c'est que vous placez le principe posé par l'article 2151-5 du code de la santé publique au-dessus de tous les autres : « Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. » Or il y a des exceptions. Que je sache, lorsqu'on procède à un diagnostic préimplantatoire, on fait une recherche sur une ou deux cellules d'un embryon pour voir s'il y a une anomalie génétique avant de l'implanter. Il y a donc déjà une exception à cet article que vous mettez au-dessus de tous les autres.

Comme le clivage est fort, nous ne serons sans doute pas entendus mais, ainsi que l'a souligné Alain Claeys avec une grande clarté, nous aurions à l'évidence préféré que vous assumiez vos divergences, car je suis sûr que vous n'avez pas tous la même position en approuvant cet équilibre.

Il y a un point sur lequel je suis en désaccord total avec le rapporteur et avec le ministre : je pense que la situation est pire qu'en 2004. En 2004, on interdisait la recherche sur l'embryon. Aujourd'hui, dans tous les paragraphes où il est question de l'embryon, vous y ajoutez les cellules souches embryonnaires, ce qui signifie que des lignées de cellules préexistantes sur lesquelles on effectue déjà des recherches dans nos laboratoires seront soumises au même statut que l'embryon. Je n'ai pas fait une analyse juridique des conséquences, mais j'appelle votre attention sur ce point.

On ne peut pas dire qu'une cellule souche embryonnaire, ce soit l'embryon. Une cellule souche embryonnaire prélevée du cordon ombilical, ce n'est pas un embryon. Les cellules souches reproduites en laboratoire et qui sont en lignée n'ont pas été prélevées sur un embryon. Or vous avez mis sous le même régime cellules souches embryonnaires et embryons. Globalement, pour des raisons que vous n'avez sans doute pas bien vues, et nous n'avons en tout cas pas la même appréhension de ces questions, ce sera pire qu'en 2004 pour la recherche.

Troisième point sur lequel je voulais insister, et c'est un point majeur, pour quelle raison éthique peut-on dire que l'on n'a pas le droit de faire de la recherche sur les premiers instants de la vie ? Pourquoi peut-on en faire à tous les autres stades avec, bien sûr, un encadrement, la loi Huriet-Sérusclat de 1988 ? Pourquoi a-t-on le droit d'en faire après prélèvement de cellules sur des cadavres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Parce que le prélèvement est fait sur des cadavres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Sûrement pas au nom de la dignité ! Pourquoi n'aurait-on pas le droit de chercher à comprendre les premiers instants de la vie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Parce que les embryons ne sont pas des cadavres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Pourquoi n'aurait-on pas le droit de chercher à comprendre pourquoi des cellules indifférenciées, totipotentes puis pluripotentes se différencient à un moment donné ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

On a le droit de chercher à comprendre, mais pas n'importe comment !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Pourquoi n'est-il pas possible avec ce texte de s'intéresser à la première cellule, sauf pour des exceptions ? Parce qu'il y a une idéologie sous-jacente, et je regrette personnellement que nous n'ayons pas dépassé ces différences pour essayer de voir comment nous pourrions arriver à traiter la question au niveau de la bioéthique.

Enfin, il est faux de dire que les chercheurs s'accommodent du régime actuel. Jean-Louis Touraine vient de citer Mme Cavazzana et vous avez sans doute mal entendu René Frydman quand il était chez nous. S'il est quelque chose que les chercheurs détestent, ce sont les règles sinusoïdales en matière de droit et d'autorisation, les règles mouvantes, et quand on a entendu certains propos, quand on a entendu par exemple Hervé Mariton faire étalage de casuistique, on ne peut pas dire que l'horizon soit très clair. Je ne sais pas s'il a fait preuve d'habileté, comme le rapporteur, mais on ne peut pas dire que ce soit un signal fort envoyé aux jeunes de ce pays qui veulent s'engager dans des recherches pourtant majeures.

Personnellement, et ce sera ma conclusion, je ne pense pas que ce soit une transgression de prélever une cellule sur un embryon de seize ou trente-deux cellules pour essayer de comprendre les mécanismes de la vie, quand il n'y a plus de projet parental et qu'il est voué à la destruction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nauche

Nous avions l'occasion de passer de la suspicion à la confiance. En 2004, le régime de l'interdiction de 1994 a été atténué par le régime de la dérogation, qui a permis des recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, sur des embryons surnuméraires qui ne sont plus porteurs d'un projet parental et dont la vocation est d'être détruits. Il fallait achever cette évolution et, après un recul de quelques années, passer au régime plus clair, moins hypocrite peut-être, d'une autorisation encadrée.

Le principe de base doit bien sûr être l'interdiction de la création d'embryons spécifiques à la recherche, mais l'objectif des recherches sur les embryons surnuméraires et donc les conditions de l'autorisation devraient être tournés vers les progrès scientifiques ou médicaux majeurs, et surtout fondés sur des motifs d'intérêt général dont font partie les recherches fondamentales, essentielles non pour des progrès thérapeutiques immédiats possibles mais pour des progrès ultérieurs, concernant aussi bien les causes de stérilité que les échecs de procréation médicalement assistée ou les anomalies de développement de l'embryon.

Quant aux cellules embryonnaires, source de bien des espoirs mais aussi de désillusions thérapeutiques à court terme, il me semble illusoire de fonder les espoirs de la recherche sur les seules cellules souches adultes ou cellules IPS. La complémentarité est nécessaire, dans une rigueur scientifique bien comprise, et des études doivent pouvoir être menées à la fois sur des modèles animaux, des cellules embryonnaires et des cellules adultes reprogrammées.

En conclusion, notre réflexion, à l'aune du caractère laïque de notre République, aurait dû nous permettre de passer d'un régime dérogatoire à une interdiction à un régime d'autorisation normé par les règles législatives éthiques et encadré par l'Agence de la biomédecine. Cela aurait permis de donner un signe clair à nos chercheurs, un signe de confiance, mais aussi une perspective de durée pour les équipes médicales et pour ceux qui sont en début de carrière.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Arrivés à ce stade du débat, nous allons essayer de faire simple, monsieur Mariton.

Si je comprends bien, la destruction d'embryons porteurs d'une maladie génétique ou surnuméraires est autorisée, alors que l'utilisation des cellules souches prélevées sur ces mêmes embryons est discutée. Selon moi, pourtant, la recherche sur les cellules souches ne porte pas atteinte à la dignité humaine, pour deux raisons principales.

La première, c'est que la recherche est une valeur et est souhaitable en tant que telle.

La seconde – Jean-Yves Le Déaut l'a bien expliqué –, c'est que la médecine n'a progressé qu'en faisant de la recherche, portant sur tous les âges de la vie humaine. Vous qui voulez considérer l'embryon comme une personne, ou quasi, comment pouvez-vous défendre l'idée que la recherche est possible à tous les âges de la vie humaine sauf sur l'embryon ?

Bien sûr, cette recherche sur les cellules souches doit être encadrée, au moins sur deux points : en veillant à ce qu'elle n'ait lieu que sur des embryons surnuméraires quand il n'y a plus de projet parental et en s'assurant qu'il n'y ait pas de création d'embryons à visées de recherche.

Dès lors, monsieur Mariton, je souhaite vous poser une dernière question, pour vous inviter à vous interroger – je m'interroge du reste moi-même. Je reprendrai pour cela les paroles d'Axel Kahn, que nous avons entendu en commission. « C'est aux députés de nous dire quelle est leur vision de l'homme », nous a-t-il indiqué. Et dans un quotidien, avant-hier, je crois, il posait la question suivante : « Vaut-il mieux laisser l'embryon dans un congélateur, le détruire purement et simplement, ou bien mener des recherches dont on espère une forme de solidarité : aider des couples stériles, éviter les troubles du développement du foetus, traiter des maladies ? »

Je n'arrive pas à comprendre votre point de vue. En quoi la conservation de l'embryon puis, à terme, sa destruction témoignent-elles, selon vous, d'un plus grand respect de sa singularité que la possibilité de son utilisation à des fins médicales ? Mes chers collègues, je vous le dis très sincèrement, quelle qu'ait été la qualité de ce débat, je ne trouve pas dans vos propos de réponse à cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'article 23, concernant les recherches sur les embryons et les cellules souches, est au coeur de ce texte. Je vous informe que je voterai contre, sauf si des modifications substantielles y sont apportées par voie d'amendement.

Vous avez raison, monsieur le président Claeys : la transgression ne commence pas au moment de la recherche sur l'embryon. Elle commence en amont, à partir de l'instant où nous produisons des embryons qui, pour bon nombre d'entre eux, n'aboutiront pas à un projet parental et que nous conservons malgré tout. C'est pour cette raison que, lors du débat sur la procréation médicale assistée, nous avons souhaité restreindre le nombre d'embryons créés et utilisés à trois.

Nous étions parvenus à un compromis, monsieur le rapporteur, lors du débat en commission, et ce compromis a été en quelque sorte rompu tout à l'heure. Il était pour nous important.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Du fait de cette rupture, nous ne tarissons pas la source de création constante d'embryons.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Si le sujet majeur est celui du stock, là, nous poursuivons le flux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Le débat, entendons-nous, porterait sur le choix entre l'interdiction avec dérogations et l'autorisation encadrée. J'avoue qu'au début, bien naïf, j'étais plutôt rassuré, monsieur le rapporteur, par le mot « interdiction », mais, hélas, je suis de plus en plus convaincu que ce prétendu débat de fond est en quelque sorte orchestré et que ce n'est pas le vrai débat. C'est une habileté, le moyen d'affirmer un principe pour mieux y déroger. L'affirmation d'un principe n'est que le masque dont on s'affuble pour organiser la dérogation. Les situations sont donc analogues dans les deux cas.

Le but qui doit être poursuivi, monsieur le rapporteur, n'est pas de rassurer les uns et les autres. Nous avons parfois le sentiment que vous souhaitez rassurer les chercheurs, mais cela ne changera rien. De même, vous voulez rassurer l'aile que certains qualifieront je ne sais trop comment…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Vous les rassurez avec l'interdiction. J'ai le sentiment que le couple interdiction-dérogations est une anesthésie pour cathos ! (Sourires.)

Nous n'acceptons pas cette logique. Nous considérons que le vrai débat n'est pas là. Le vrai débat, c'est : soit l'embryon est un être humain en devenir et, dans ce cas, la recherche avec destruction n'est pas licite, sauf peut-être dans quelques cas exceptionnels très précis, soit il ne s'agit pas d'un être humain et, à ce moment, la logique peut être celle de l'autorisation. C'est ça, l'alternative, et non pas ce qui nous est présenté.

L'alternative que vous posez, celle de l'interdiction avec dérogations, je la compare au gruyère, où il y a plus de trous que de fromage !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

C'est hélas ce que vous nous proposez. Je suis plutôt partisan de l'emmental, qui a peu de trous. Pardonnez-moi cette comparaison alimentaire, mais elle me semble très parlante.

Certains affirment que nous n'avons pas le choix et qu'il faut mener des recherches sur l'embryon. Ce raisonnement était pertinent en 2004 : nous n'avions pas le choix effectivement car, à l'époque, Tanaka et d'autres n'avaient pas encore obtenu les résultats qui ont été connus en 2006. Désormais, d'autres types de recherches, sur des cellules adultes reprogrammées, sont de l'ordre du possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous ne sommes donc plus dans la situation de 2004. Il existe à présent des alternatives qui ne posent pas les mêmes problèmes éthiques.

En commission, le président Claeys a affirmé que, si la recherche était possible sur les cellules adultes, c'est que des recherches sur l'embryon avaient été menées au préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Non ! C'est parce que nous avons abouti à une impasse dans les recherches sur l'embryon qu'il a fallu trouver autre chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je ne suis pas un chercheur éminent comme vous, monsieur Le Déaut, mais je ne suis pas le seul à le dire.

Pourquoi poursuivre la recherche sur les cellules embryonnaires ? Je ne sais pas mais je crains que derrière ne soient certains gros intérêts. « Seule la bannière du marché », a récemment écrit Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Lejeune – on peut aimer ou non, c'est le raisonnement qui compte – « celle de la fécondation in vitro et l'industrie du médicament rallient les promoteurs de la recherche sur l'embryon. » Voilà des réalités dont il faudrait nous démontrer qu'elles sont fausses ! « Pour améliorer les performances de la procréation assistée comme pour tester la toxicité de nouveaux produits », il faut disposer d'embryons. Démontrez-nous le contraire ! À ce jour, je n'ai pas entendu une telle démonstration.

Je suis plus surpris encore par un élément qui n'a jamais été cité dans le débat. J'ai en effet relevé un paradoxe tout à fait étonnant qui me laisse plus que perplexe. Au moment où nous posons la question des dérogations accordées pour la recherche sur l'embryon, l'Europe a adopté, le 20 septembre 2010, une directive 2010-63 UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, qui interdit la recherche sur les embryons des grands primates. Je vous invite à en prendre connaissance et je vous en lis un extrait : « Il convient que la présente directive relative à l'interdiction de la recherche sur l'embryon des grands primates s'applique aussi aux formes foetales des mammifères. […] Il est démontré scientifiquement que des procédures appliquées à des formes embryonnaires et foetales à un stade de développement plus précoce peuvent occasionner de la douleur, de la souffrance, de l'angoisse ou un dommage durable. »

Quelle situation extraordinairement paradoxale où l'Europe régit la recherche sur les embryons des grands primates et les protège donc – je n'ai pas d'opinion à ce sujet – au moment où nous-mêmes ouvrons d'autres perspectives à la recherche sur l'embryon humain ! Il faudra m'expliquer cette contradiction, que je juge impressionnante, révélatrice d'une révolution anthropologique, d'une inversion totale des valeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Aujourd'hui, il nous faut aller au fond des choses. Je crains des évolutions de mots. Avant 2004, nous affirmions que des dérogations ne pourraient être possibles que pour un champ thérapeutique. Nous substituons à présent au mot « thérapeutique » le mot « médical ». J'y vois une ouverture excessive : auparavant il était permis de déroger pour guérir, désormais il sera permis de déroger pour connaître.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'attends vos explications et y serai très attentif.

Je me méfie également des fameux tests de toxicité. En bombardant l'embryon de produits tests, on ne prétend pas apprendre à guérir mais vendre un produit dont on sera sûr qu'il ne sera pas toxique pour ses utilisateurs, c'est-à-dire que l'on se donne un cobaye par définition gratuit et consentant. Attention à ce type de dérive ! N'y a-t-il pas derrière non seulement des enjeux financiers mais aussi une posture idéologique ?

Quelque chose nous rassemble : le respect de la dignité de l'être humain et sa non-marchandisation. Croyez-vous que l'octroi de dérogations pour la recherche sur l'embryon soit de nature à respecter la dignité de l'être humain ? Peut-être peut-on imaginer certaines dérogations, mais à la condition, comme l'ont rappelé mes collègues, à l'instar de M. Mariton, qu'elles soient plus strictement encadrées.

Nous savons que des alternatives existent aujourd'hui à la recherche sur l'embryon : celles sur le cordon embryonnaire et sur les cellules souches adultes reprogrammées. Ces alternatives ne posent pas les mêmes problèmes éthiques que la recherche sur l'embryon. Ne manquons pas l'occasion de réorienter nos recherches dans un sens plus humain.

En observant le régime d'interdiction avec dérogations multiples que vous nous proposez, je vous avoue mon insatisfaction. Je demande à être contredit, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

À ce stade, au vu des interventions en commission, je crains que ne soit en jeu le respect dû à la personne humaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

La loi de 2004 a instauré un système d'interdiction avec dérogations. Force est de constater, plus de six ans plus tard, qu'aucun résultat scientifique pertinent n'a été atteint,…

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

…ou bien montrez-nous-en un ! En outre, des méthodes alternatives ont été découvertes, tant pour les perspectives d'application thérapeutique, avec les cellules souches adultes et celles issues du cordon ombilical, que pour la recherche pharmaceutique, avec les cellules souches pluripotentes induites, dites IPS.

Il est permis de s'interroger sur l'origine des pressions qui s'exercent pour que nous allions vers un régime d'autorisation ou pour que nous élargissions, comme le propose ce texte, les dérogations. Les préoccupations éthiques en sont en réalité bien éloignées.

Permettez-moi de renvoyer à deux auditions que nous avons conduites. D'abord celle de Philippe Menasché le 1er décembre dernier. Après avoir souligné que la loi de bioéthique de 2004 n'avait pas empêché les chercheurs de travailler et ne les avait pas pénalisés, il ajoutait : « Je suis en revanche très déçu – je ne suis pas le seul – que notre pays persiste dans la voie d'un régime dérogatoire. Si cela pouvait se justifier en 2004, ce n'est plus possible aujourd'hui. Non que cela entrave nos recherches : nous les avons conduites sous ce régime et pourrions donc continuer de le faire. En revanche, ce dispositif, que nul ne comprend hors de l'Hexagone, nuit gravement à l'image de notre pays et le rend moins attractif auprès des industriels, qui commencent maintenant à réfléchir en termes d'indications élargies. » Vous voyez que les préoccupations éthiques sont bien loin de la justification à l'appui de la demande de M. Menasché.

Je souhaite également citer Arnold Munnich, auditionné le 19 janvier : « L'essor des connaissances retirées des recherches sur les IPS va nous affranchir de la nécessité de travailler sur des cellules souches embryonnaires. » Ce à quoi le président Claeys, qui réagissait toujours à des interrogations de ce type, a indiqué : « Beaucoup des chercheurs que nous avons auditionnés nous ont dit le contraire. » Réponse de M. Munnich : « Parce qu'ils défendent des points de vue d'une autre nature que strictement scientifique. »

Je crois que ces réponses, apportées par des personnes dont la qualité scientifique n'est pas douteuse, nous éclairent sur le fait qu'il s'agit de préoccupations non pas éthiques mais financières et industrielles.

Par ailleurs, je note qu'il y a débat pour choisir entre l'interdiction, avec des dérogations qui seraient un peu plus larges, et des autorisations qui seraient encadrées. Je tiens à dire qu'il y a d'autres alternatives, notamment la position de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, une institution respectée et respectable de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Voici ce que cette institution écrit sur son site : « L'UNAF désapprouve les dispositions relatives à la recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires contenues dans le présent projet de loi. En effet, selon l'UNAF, le principe de l'interdiction doit être absolu puisque de nouvelles techniques apparaissent et rendent de moins en moins utiles les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines. L'UNAF considère que le régime dérogatoire sous conditions n'a plus lieu d'être. » Vous voyez que ma position n'est pas du tout marginale puisqu'elle est partagée officiellement par l'Union nationale des associations familiales.

Je termine en évoquant une question à laquelle je reviendrai avec l'amendement n° 49  : la loi de 2004 a ouvert une possibilité de dérogation lorsque les recherches ne doivent pas « pouvoir être poursuivies par une méthode d'efficacité comparable » ; or le projet de loi remplace ce critère de méthode alternative d'efficacité comparable par le critère de l'impossibilité « de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons ». Nous nous interrogeons sur les conséquences induites par une telle modification. Au cours des débats en commission, vous nous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que la nouvelle rédaction serait plus restrictive.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Ainsi avez-vous écrit dans votre rapport : « Les recherches liées au screening à visée pharmaceutique se heurteraient à cette deuxième condition [le nouveau critère], puisqu'elles peuvent être menées à partir de cellules IPS, et ne pourraient pas recevoir d'autorisations de l'ABM. » Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, confirmez-vous cette position ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'espère, mes chers collègues, que nous irons un peu plus vite pour l'examen des amendements.

Monsieur Breton, puis-je considérer que l'amendement n° 45 a été défendu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 45 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l'amendement n° 22 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je vais donner mon opinion sur l'article 23 à cette occasion, monsieur le président.

Nous sommes à un moment important du débat puisque cet article concerne les embryons et la recherche, activité essentielle pour l'humanité. J'ai entendu des avis différents parmi les députés, mais aussi parmi les chercheurs. Certains d'entre eux disent que la recherche française a pris du retard, et d'autres disent le contraire, considérant que la législation actuelle qui interdit la recherche sur l'embryon tout en l'autorisant dans le cadre de dérogations ne constitue pas un frein aux travaux de recherche. Il y a un constat de différences d'appréciation. Mais pourquoi continuer à interdire sans empêcher ? Parce que personne, pas même dans cet hémicycle, n'ose dire : « La recherche doit être interdite. »

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

On vient de mettre aux voix mon amendement, madame Fraysse ! Il faut suivre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Il y a donc au moins un de nos collègues qui pense qu'il faut absolument interdire cette recherche… Je n'imaginais pas que ce soit encore possible en 2011 ! Mais vous avez bien sûr le droit d'avoir cette opinion.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

C'est aussi celle de l'UNAF ! Je l'assume totalement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je pense que l'immense majorité des membres de cette assemblée et, au-delà, des citoyens de ce pays considèrent que la recherche est une impérieuse nécessité quand elle a une finalité médicale, y compris dans l'intérêt de l'embryon lui-même et dans la perspective des soins à lui apporter. C'est donc une impérieuse nécessité de ne pas l'interdire.

C'est la raison pour laquelle, après sept ans d'expériences sous un régime d'interdiction-dérogations, il faut avoir le courage de sortir de cette ambiguïté qui confine à une certaine hypocrisie, d'autant que les recherches, soumises à autorisation et strictement encadrées, concerneraient – faut-il le répéter ? – des embryons qui ne font plus l'objet d'un projet parental et qui ne seront donc pas implantés, des embryons voués à la destruction. Autoriser la recherche sur l'embryon dans ces conditions, ce n'est pas lui manquer de respect, mais, au contraire, tenter d'améliorer la connaissance pour augmenter les chances d'un développement harmonieux des embryons vers la personne humaine.

Enfin, même si cet argument est plus secondaire, j'ajoute que le maintien dans la loi d'une interdiction de la recherche sur l'embryon est un message négatif qui, outre le risque de retarder la recherche, donne de nous une image fermée, rétrograde, ringarde, indigne d'un grand pays comme la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

C'est pourquoi notre amendement propose de modifier la loi pour passer du régime de l'interdiction-dérogations au régime de l'autorisation strictement encadrée, ce qui permettrait à la fois de garantir la recherche tout en restant bien sûr fermes sur des positions éthiques qui, elles, je l'espère, sont complètement partagées par nous tous.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous demande d'avoir le courage de la clarté et de bien mesurer l'ambiguïté de la position du Gouvernement – les débats de ce soir le confirment –, une position soi-disant équilibrée pour tenir compte des différentes sensibilités alors qu'en réalité elle ne satisfait personne. M. Le Fur a lui-même qualifié la rédaction actuelle d'« anesthésie pour cathos ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Vous n'en êtes donc pas satisfait, et nous non plus. Il faut sortir de cette ambiguïté. À cette fin, mes chers collègues, vous pourriez voter avantageusement notre amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n° 22 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Ces amendements proposant l'interdiction totale, l'avis est défavorable.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

(Les amendements identiques nos 44 rectifié et 189 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 197 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 43 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 78 de M. Leonetti, qui a la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Il s'agit de rétablir les études prévues dans la loi de 2004 car, tout en évitant les innovations thérapeutiques sur l'embryon destiné à naître, il faut tout de même permettre de soigner l'embryon si on a les connaissances suffisantes pour le faire.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Sagesse.

(L'amendement n° 78 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 198 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Dominique Souchet, pour défendre l'amendement n° 52 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Je défendrai par là même l'amendement n° 207 , car ces deux amendements visent à mettre fin à une dérogation qui ne se justifie plus. En effet, lorsque la loi de 2004 l'avait prévue, c'était avant la découverte des IPS, intervenue en 2006. Cette découverte majeure doit nous inciter à faire évoluer le dispositif existant, non pas dans le sens d'un élargissement de la dérogation, mais dans celui de la disparition de sa justification. La pérennisation de la dérogation et son élargissement nous semblent intervenir à contretemps, alors que la recherche sur l'embryon n'a ouvert aucune véritable perspective thérapeutique…

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Adam

Comment peut-on oser dire une chose pareille ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

…et que, en revanche, les méthodes alternatives offrent des perspectives d'application thérapeutique, avec les cellules souches adultes et celles issues du cordon, et des perspectives pour la recherche thérapeutique, avec les cellules souches pluripotentes induites, les IPS.

On entend dire que l'on a besoin des deux types de recherche, que ce seraient deux démarches complémentaires, comme si les cellules embryonnaires n'avaient aucune spécificité. Mais un tel amalgame n'est pas justifié scientifiquement et s'avère éthiquement dangereux parce qu'il ouvre la voie à la banalisation et à l'indifférenciation, tend à assimiler de manière permanente des cellules embryonnaires à un matériau de laboratoire comme un autre et à faire perdre de vue que l'embryon doit être protégé par la loi au nom de la dignité humaine. D'où ces amendements de suppression de plusieurs alinéas.

(L'amendement n° 52 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'amendement n° 211 de la commission spéciale est rédactionnel et de cohérence.

(L'amendement n° 211 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Je répète que dans les autorisations de recherche, le critère des progrès thérapeutiques majeurs – proposé par l'amendement – est moins restrictif que celui des progrès médicaux majeurs prévu dans le projet de loi. L'avis est donc défavorable car nous voulons protéger l'embryon.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

(L'amendement n° 46 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 190 , présenté par M. Claeys.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Défendu.

(L'amendement n° 190 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 49 .

La parole est à M. Xavier Breton.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

La défense de cet amendement me permettra de revenir à une question que j'ai posée lors de mon intervention sur l'article.

Nous proposons, dans la première phrase de l'alinéa 4, de remplacer la notion d'impossibilité de mener une recherche similaire par celle d'impossibilité de parvenir au résultat escompté par le biais d'une recherche.

Il y a eu un changement sémantique. Nous voulons avoir la confirmation de l'interprétation donnée dans le rapport : « Les recherches liées au screening à visée pharmaceutique se heurteraient dès lors à cette deuxième condition, puisqu'elles peuvent être menées à partir de cellules iPS, et ne pourraient pas recevoir d'autorisations de l'ABM. »

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

(L'amendement n° 49 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Défendu, de même que l'amendement n° 47 .

(L'amendement n° 214 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 47 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Défendu !

(L'amendement n° 209 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Je crains que cet amendement ne viole la directive européenne sur l'expérimentation animale qui oblige à réduire le recours à cette expérimentation. Nous ne pouvons pas ajouter de façon systématique des recours supplémentaires aux recherches sur l'animal si nous voulons respecter nos engagements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Avis défavorable. Je rappelle, en particulier à Marc Le Fur, qu'il s'agit d'expérimentations de même type que les transformations génétiques des plantes et que ce sont des animaux destinés à naître dans le cadre d'un élevage productif.

Ne nous étonnons pas qu'il y ait cette restriction que l'on pourrait penser plus sévère pour les animaux que pour les hommes. Ce n'est absolument pas de même nature, mais je suis sûr que vous aviez noté la différence.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

La commission est donc favorable à ce prérequis de l'expérimentation animale, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

L'idée de cet amendement vient de Jacques Testart qui a suggéré d'inscrire dans la loi l'obligation de réaliser d'abord les expérimentations sur l'embryon animal.

Je le cite : « Si le législateur prend au sérieux la dignité de l'embryon humain, partout réaffirmée, la loi devrait exiger que des expérimentations préalables sur l'embryon animal aient conduit à des avancées indiscutables, avant de passer à des expérimentations sur l'embryon humain. Sinon, je comprends mal ce qu'on entend par dignité. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Effectivement, cela a été exploré. Nous avons constaté que, dans l'immense majorité des cas, une expérimentation animale avait précédé l'expérimentation humaine. C'est le cas pour toute personne humaine et aussi pour l'embryon.

En revanche, certaines études sont spécifiques : on ne va étudier la trisomie chez l'animal ; à un moment donné, il va falloir faire une étude destinée à dépister, à prévenir et à soigner. Un passage obligatoire systématique par l'expérimentation animale empêcherait la réalisation de telles études spécifiques qui sont menées dans l'intérêt de l'embryon et de la recherche médicale.

C'est la raison pour laquelle il vaut mieux se garder la possibilité de faire des études sur l'embryon humain plutôt que sur l'embryon animal, dans des cas très spécifiques, même si leur nombre est infime.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Dans ces conditions, nous pourrions peut-être rectifier l'amendement, en indiquant « sauf cas de force majeure » ou « sauf cas d'impossibilité scientifique démontrée ». Cela permettrait d'affirmer le principe sur lequel nous nous rejoignons, tout en prévoyant ces exceptions qui peuvent exister.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Il est trop tard pour modifier l'amendement, je suis désolé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Vous aurez une deuxième lecture.

(L'amendement n° 48 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'amendement n° 207 est tombé.

Je suis saisi d'un amendement n° 208 .

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Défendu.

(L'amendement n° 208 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Défendu, de même que le suivant.

(L'amendement n° 194 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 195 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 50 .

La parole est à M. Dominique Souchet.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

Cet amendement de suppression vise à garantir la liberté du couple donneur. Son droit de rétractation doit être préservé et ne peut pas être remis en cause par la loi. Même si cette rétractation complique le travail de la recherche, les donneurs doivent pouvoir à tout moment exercer leur responsabilité éthique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Défavorable. Il ne serait pas raisonnable de prévoir que la recherche peut être interrompue à chaque instant par ceux qui ont donné leur autorisation. Cela empêcherait toute continuité dans ce type de recherche.

(L'amendement n° 50 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 196 .

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Nous avons le sentiment d'être dans un équilibre très instable. Tout à l'heure, j'expliquais que notre rapporteur avait retenu un amendement à titre d'anesthésie. Et comme je l'ai dit, c'est pire qu'en 2004. Pour donner des gages, vous avez rajouté à l'embryon les cellules souches embryonnaires. Dans l'exposé sommaire de l'amendement n° 44 rectifié , il était même indiqué que ces cellules « proviennent de la destruction d'un embryon ». Vous auriez dû aller plus loin encore. Vous détruisez effectivement les embryons surnuméraires, mais c'est la loi. Vous auriez dû supprimer cette obligation et imposer celle d'utiliser la totalité des embryons surnuméraires.

C'est terrible ! Il est près de trois heures du matin, mais certains éléments nous font dire que le point de rupture sera bientôt atteint.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Il n'y a pas d'ambiguïté ; je parle à Marc Le Fur comme à Jean-Yves Le Déaut. Nous avons bien dit qu'il était impossible de distinguer les cellules souches embryonnaires des embryons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Les tentatives de réflexion que j'ai faites à ce sujet n'aboutissaient pas à une solution satisfaisante. À Marc Le Fur qui demande ce qu'est une dérogation, je lui réponds : en voilà une, bien sensible et bien claire.

À M. Le Déaut, je n'ai pas caché que l'interdiction avec dérogations portait à la fois sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires parce que je ne voyais pas comment distinguer l'un des autres, en particulier au cours des premières heures de la vie. Il n'y a aucune ambiguïté de ma part. Effectivement, l'interdiction est globale avec des dérogations.

Cher Marc Le Fur, l'objectif n'est pas d'anesthésier qui que ce soit, mais de dire clairement que nous souhaitons favoriser la recherche médicale tout en veillant au respect de la dignité due à l'embryon humain. Je pense que c'est conciliable. De ce côté-ci de l'hémicycle, il n'a jamais été dit qu'il fallait autoriser la recherche en sacrifiant la dignité humaine. De ce côté-là, il n'a jamais été demandé d'imposer une interdiction totale – en tout cas je l'espère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Si, avec l'amendement n° 45  !

(L'amendement n° 196 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi par la commission spéciale d'un amendement de cohérence, n° 212, auquel le Gouvernement est favorable.

(L'amendement n° 212 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Xavier Breton, pour défendre l'amendement n° 51 .

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Reprenant l'une des propositions de la mission d'information, cet amendement propose que les décisions rendues par l'Agence de la biomédecine soient motivées. Il est important que soient motivées non seulement les décisions de rejet mais aussi les décisions d'acceptation.

(L'amendement n° 51 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 75 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'amendement n° 192 est tombé.

Je mets aux voix l'article 23…

Ah, pardon, monsieur le ministre, je n'avais pas vu que vous aviez levé la main. Vous avez la parole.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je souhaite préciser quelques points avant que le rapporteur et le président de la commission ne prennent la parole.

Je comprends qu'il y ait des débats sur l'article 23. C'est pourquoi je veux préciser en quoi sa nouvelle rédaction, après l'adoption d'amendements auxquels le Gouvernement a donné un avis favorable, apporte des garanties supplémentaires.

L'accent a été mis sur des critères plus opérationnels et plus clairs qu'avant et notamment en ce qui concerne les objectifs de recherche, ce qui est un élément indispensable.

Je tiens à redire ma conviction : je considère que nous sommes parvenus à un équilibre plus satisfaisant qu'auparavant et que les amendements adoptés nous permettent de renforcer la logique de cet article, qui n'est pas seulement celle du Gouvernement mais aussi, à mon avis, celle d'une majorité.

Article 23

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 11 février à trois heures, est reprise à trois heures vingt-cinq.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Même avis.

(L'amendement n° 193 n'est pas adopté.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. On l'a déjà voté !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Non, l'article 23 n'a pas été voté ! Le ministre m'a demandé la parole au moment de la mise aux voix.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Vous aviez déjà lancé la procédure de vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Et c'est maintenant le président de la commission spéciale qui souhaite intervenir.

Je vous en prie, monsieur Claeys.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Chacun mesure ici l'importance de l'article 23, comme chacun l'a mesuré lors de son examen en commission. Il faut que nous prenions, en conscience, nos responsabilités, car il ne s'agit pas de n'importe quel article ni de n'importe quelle loi.

Je regrette la suspension de séance, mais elle était de droit, et je regrette, en tant que président de la commission spéciale, que la délibération collective n'ait pas permis de dégager naturellement des majorités ou des minorités.

Je voulais simplement vous dire, par souci de transparence, quelle sera notre attitude. Nous voterons contre l'article 23, et ce pour une raison simple : nous pensons que la proposition que nous défendons, à savoir l'autorisation de la recherche sur les embryons surnuméraires, encadrée par l'Agence de biomédecine, est aujourd'hui la meilleure solution. Elle constituerait véritablement une avancée pour le pays et pour la recherche.

Monsieur le ministre, j'ai compris que vous aviez besoin de régler certains points au sein de votre majorité. Je peux le comprendre – cela arrive également au sein de l'opposition. Toutefois le texte que nous allons voter s'appliquera au pays tout entier et de façon permanente dans le temps ; il revêt une grande importance et touche à un sujet essentiel sur lequel, partout dans le monde, des chercheurs et des équipes se mobilisent. Même à quatre heures du matin, il faut donc que nous restions très clairs.

Sans aucun esprit polémique, je vous le dis calmement : une position claire ne peut pas être l'addition d'une interdiction, voulue par certains, et d'une dérogation, souhaitée par d'autres. C'est bien le coeur du problème que vous rencontrez, car chacun ne donne pas le même contenu à l'interdiction et à la dérogation. Depuis mardi, thème après thème, amendement après amendement, nous faisons le même constat : vous recherchez un équilibre introuvable. C'est votre responsabilité.

Ne cherchez rien d'autre dans notre vote. Dès le début du débat, nous avons voulu adopter des positions claires et transparentes ; pour notre part, je crois que nous y sommes en grande partie parvenus.

Je souhaite que nous puissions maintenant nous prononcer sur l'article 23.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Chacun sent bien que le vote de l'article 23 constitue un moment particulier. Nous parvenons au terme de nos échanges, qui furent parfois vifs. Nous avons tous eu le souci de faire du mieux possible, quelles que soient les logiques, diverses mais respectables, que nous défendions.

Personnellement, j'avais cosigné l'amendement n° 45 , qui visait à interdire la recherche sur l'embryon, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches. Il correspondait à la logique qui est la mienne. Vous l'avez parfois dénoncée ; elle me paraît elle aussi respectable, et elle est à l'aune de la dignité que j'accorde à l'embryon.

Cela dit, je suis aussi pragmatique. J'ai conscience qu'en interdisant totalement la recherche en France, nous courrions le risque de nous isoler.

J'ai noté qu'un certain nombre d'engagements ont été pris, sur la limitation des embryons surnuméraires, sur certaines techniques… J'espère vivement qu'ils figureront bien dans la loi et qu'ils trouveront ensuite une traduction concrète. Par ailleurs, l'adoption des amendements nos 49 et 43 constitue, à mon sens, une avancée. J'ajoute que le passage du « thérapeutique » au « médical » rétrécit le champ de la recherche sur l'embryon, et que les recherches liées au screening à visée pharmaceutique n'auront sans doute pas lieu – en tout cas, je le souhaite.

Finalement, si je vote l'article 23… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Nous n'avions pas voté. Madame Dumont, je trouve curieux votre manie de pousser les gens à se contredire. Vous l'avez déjà montré ce matin : vous ne pouvez pas comprendre que l'on puisse évoluer au cours du débat…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Elles témoigneront des propos de Mme Dumont ce matin, et de son dogmatisme.

Comme un certain nombre de mes collègues, je pourrais donc être amené à voter l'article 23. Une évolution personnelle et la prise en compte d'un certain nombre de demandes justifient cette position. Pour reprendre une expression déjà employée : l'article 23 est un moindre mal.

Certes, il ne reprend pas la solution que j'avais vraiment souhaitée ; il ne me satisfait pas à cent pour cent. Toutefois, entre le risque d'une interdiction totale de la recherche et celui d'une autorisation définitive, c'est par pragmatisme, même si certains estiment que ce n'est pas très courageux, que je choisirai le moindre mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Pour ma part, je n'ai jamais été favorable à l'interdiction absolue de la recherche. Je constate cependant qu'en commission spéciale puis dans l'hémicycle, nous sommes parvenus, au fil des débats, à imposer des conditions plus strictes pour ce qui concerne l'article 23, ainsi que pour d'autres dispositions du projet de loi.

Cette évolution est essentielle : elle permettra d'interpréter précisément le sens de « l'interdiction avec dérogation » que nous avons choisie. La langue française à un sens : le mot principal de cette expression, c'est « interdiction ».

Par rapport à l'histoire des lois de bioéthique et par rapport au projet de loi déposé par le Gouvernement et à nos discussions initiales, nos débats, les amendements que nous venons d'adopter et notre vote sur l'article 23 témoignent d'une véritable exigence de notre assemblée en faveur d'une limitation nettement plus stricte des dérogations. Voilà le sens de notre vote. Il appartiendra ensuite au Gouvernement de mettre en oeuvre les dispositions que nous aurons adoptées. Nous appartenons à la majorité, nous lui faisons donc confiance.

L'article 23 ne peut pas être isolé de l'ensemble du projet de loi. Au sein de la majorité, un certain nombre d'entre nous ont affirmé, dans la diversité de leurs convictions, la volonté d'être à la hauteur de leurs responsabilités pour faire une bonne loi de bioéthique. Ils l'ont fait en assumant, en exprimant et en traduisant dans le projet de loi et dans les amendements qu'ils ont défendus, leur vision de la société et leur vision de la bioéthique.

Sans doute y a-t-il eu des clivages au sein de notre assemblée – peut être plus que certains ne l'auraient souhaité –, et même au sein de la majorité, néanmoins nous avons été quelques-uns à considérer que ce projet de loi n'était pas un texte technique, mais qu'il portait notre vision de la société.

Nous avons réussi à construire une dynamique du débat en faisant voter des amendements – des positions ont pu évoluer, même à gauche – ; nous avons réussi à faire passer le message. Nous avons fait en sorte que ce nouveau texte, peut-être un peu moins consensuel que les lois de bioéthique précédentes, rende compte plus clairement de notre vision de la société. À plusieurs reprises au cours du débat, Marc Le Fur s'est référé au personnalisme. Je crois que le mot est juste, il rend bien compte d'une conviction forte au sein de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Je constate que Marc Le Fur, qui était tout à l'heure sous anesthésie catholique, se trouve maintenant en salle de réveil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Le compromis auquel nous parvenons au terme de l'examen de ce projet de loi est pire que celui de 2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Il est pire. Je dirais même, sans faire de polémique, que la majorité a été prise en otage par une minorité. Si l'ensemble des députés avaient été présents, nous ne serions pas parvenus au même point d'équilibre que celui qui se dégage ce soir. Une forme d'activisme aboutit donc à un mauvais texte que nous ne voterons pas.

Cela dit, vous êtes majoritaires. Vous avez fait les comptes, nous aussi. Si vous votez unanimement un texte censé tous vous satisfaire, il deviendra la loi ; nous n'y pouvons rien. Si il y a échec ce soir, c'est aussi vous qui en serez responsables, parce que vous êtes les plus nombreux.

Nous aurions dû nous écouter davantage. Malheureusement l'idéologie a pris le pas sur la discussion. Ce texte n'est pas bon. À mon sens, il ne correspond pas à la société du xxie siècle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Vous avez refusé que les chercheurs travaillent sur les cellules souches embryonnaires, et même sur les lignées de cellules souches préexistantes. Pour vous, la totalité de ce qui est ou a été embryonnaire relève d'un interdit. Nous ne partageons pas cette vision de la société, et nous ne voterons pas l'article 23. S'il n'était pas adopté, ce serait une preuve de votre division.

(L'article 23, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 199 , présenté par M. Claeys.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Il est défendu.

(L'amendement n° 199 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Monsieur le président, pourriez-vous nous donner les résultats du vote sur l'article 23, en précisant le nombre de voix pour et contre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'ai informé l'Assemblée de l'adoption de l'article…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous avons compté : il y avait seize voix contre seize !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je rappelle que le président de séance a le droit de voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Madame Dumont, vous n'allez pas m'apprendre à présider : le président de séance ne lève jamais la main. Il prend en compte sa voix s'il souhaite participer au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

On ne sait donc pas s'il vote ni s'il vote pour ou contre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, pour différentes raisons, je n'ai pas participé au débat, préférant laisser aux spécialistes le soin d'intervenir. En revanche, ce soir, j'ai assisté aux discussions et participé aux votes et j'ai pu observer la façon dont se sont déroulées les opérations sur l'article 23. S'agissant du deuxième vote sur cet article, vous êtes arrivés à une conclusion qui est contestée. Soit. Vous êtes président de séance.

Néanmoins, je souhaite que le compte rendu fasse état du fait qu'avant la suspension de séance, alors que nous avions voté une première fois sur l'article 23,…

Plusieurs député du groupe UMP. Vous aviez voté, pas nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

… vous n'avez pas proclamé le résultat. Le ministre vous a fait signe rapidement pour vous demander une suspension de séance, qui a coupé court à la difficulté que vous aviez pressentie au moment où nous avions levé la main. Encore une fois, le vote sur l'article 23 avait été ouvert et effectué ; vous auriez dû proclamer le résultat avant d'accorder cette suspension de séance au ministre.

Nous avons donc voté deux fois sur le même article. La première fois, celui-ci aurait probablement dû être rejeté ; la seconde fois, vous nous dites que vous avez compté et qu'il est adopté. C'est un peu fâcheux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Mallot, vous êtes un parlementaire trop expérimenté,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

…pour ignorer le fonctionnement de cette maison. Lorsque l'on veut savoir exactement qui vote pour et qui vote contre, on demande un scrutin public.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nous avons voté deux fois et, deux fois, notre vote a été refusé. Vous trichez, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Il en a toujours été ainsi. Lorsque le vote se fait à main levée, on ne peut pas savoir qui a voté pour et qui a voté contre ; c'est comme cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 24 bis, je suis saisi d'un amendement n° 219 du Gouvernement.

(L'amendement n° 219 , accepté par la commission, est adopté.)

(L'article 24 bis, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 82 rectifié portant article additionnel avant l'article 24 ter.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi relative à l'organisation du débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société, qui n'a jamais été examinée par le Sénat. Cet amendement vise à inclure les dispositions de ce texte dans le présent projet de loi.

(L'amendement n° 82 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 24 ter, je suis saisi d'un amendement n° 83 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 83 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 24 ter, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 24 quater, je suis saisi d'un amendement n° 84 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Rédactionnel, de même que le suivant.

(L'amendement n° 84 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'amendement n° 85 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 23 .

La parole est à M. Xavier Breton.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Cet amendement a pour objet d'inclure, dans le rapport annuel remis au Parlement par l'Agence de biomédecine, un bilan sur l'obligation de favoriser les recherches alternatives à celles sur l'embryon et conformes à l'éthique. La commission spéciale a adopté un amendement qui fixe pour objectif le développement de ce type de recherche. Il s'agit d'évaluer concrètement la manière dont nous entendons y parvenir.

(L'amendement n° 23 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 24 quater, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Blisko

Malgré l'heure tardive, je veux dire, en un mot, combien l'article 24 quinquies est inopportun. Il étend en effet la clause de conscience aux chercheurs, ingénieurs, techniciens, auxiliaires de recherche, médecins et auxiliaires médicaux, qui peuvent ainsi refuser de participer aux recherches menées dans leur laboratoire sur les embryons ou les cellules souches.

Il faut être raisonnable et sérieux. Si la clause de conscience, qui figure dans le code de la santé publique, a été introduite au moment de la légalisation de l'IVG, elle est ici étendue à de nombreuses catégories de fonctionnaires, de sorte qu'elle risque, demain, de rendre inopérant le travail de recherche.

Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait qu'en droit administratif, la clause de conscience est limitée, excepté pour les ordres auxquels il est conseillé de désobéir – et encore, depuis peu. On ne saurait en effet accepter que les clauses de conscience se multiplient. Sinon, chacun ferait ce qu'il veut, et la fonction publique disparaîtrait. Imaginez que, demain, un enfant rentre de l'école et explique que sa professeure de SVT a refusé d'enseigner la théorie de l'évolution parce qu'elle s'en tient à la théorie créationniste !

Si la clause de conscience est autorisée par la loi – que ce soit par dérogation, comme cela semble être le cas en l'espèce, ou par autorisation simple –, il n'est pas question qu'elle puisse avoir pour conséquence de déstabiliser des équipes de recherche. Une fois que l'on a accepté son statut d'agent public, on effectue le travail qui nous est demandé.

L'article 24 quinquies me paraît donc extrêmement dangereux ; il met à mal les principes de notre République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Touraine

Je souhaiterais que l'on instaure une forme de réciprocité, c'est-à-dire que l'on prévoie une clause de conscience pour ceux qui jugent indispensable, sur le plan éthique, de conduire des recherches sur les cellules souches.

Si, dans un laboratoire dont le directeur obtient l'autorisation de mener ce type de recherche, des ingénieurs peuvent invoquer la clause de conscience pour ne pas y participer, je demande qu'à l'inverse, les personnels qui estiment ces recherches nécessaires puissent également invoquer la clause de conscience si le directeur de leur laboratoire refuse de les mener.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Touraine, il aurait fallu que vous déposiez un amendement.

(L'article 24 quinquies est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 24 sexies, je suis saisi d'un amendement n° 86 de M. Leonetti.

(L'amendement n° 86 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 24 sexies, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 24 portant article additionnel après l'article 24 sexies.

La parole est à M. Xavier Breton.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Nous souhaitons étoffer et diversifier la composition du conseil d'orientation de l'Agence de biomédecine, pour que n'y siègent pas uniquement des experts scientifiques. Nous savons que des philosophes font partie de ce conseil, mais nous souhaiterions aller un peu plus loin. Tel est l'objet des amendements nos 24 et 25 , que je me propose de défendre en même temps, si vous en êtes d'accord, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

En réalité, nous avions déposé trois amendements à ce sujet. Par l'amendement n° 24 , nous proposons de renforcer la présence des parlementaires au sein du conseil d'orientation, en portant leur nombre de un député et un sénateur à trois députés et trois sénateurs.

L'amendement n° 25 prévoit que toutes les disciplines susceptibles d'être concernées soient représentées. Outre des philosophes, il serait en effet intéressant que des sociologues et des anthropologues, notamment, puissent apporter leur éclairage lors des délibérations de ce conseil d'orientation.

Quant au troisième amendement, il a été rejeté au titre de l'article 40, mais je le mentionne pour mémoire, car il s'inscrivait dans la même logique. Il prévoyait en effet qu'à l'instar de ce qui s'est fait pour les états généraux de la bioéthique, dix personnes représentatives de la société civile siègent, après avoir été formées, au conseil d'orientation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 24 et 25  ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Favorable à l'amendement n° 24 et défavorable à l'amendement n° 25 , car la liste des spécialistes ne peut pas être limitative.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

S'agissant de la représentation parlementaire, il est d'usage que le Gouvernement s'en remette à la sagesse des assemblées.

J'ai souhaité que des parlementaires siègent dans chacune des agences sanitaires. Cela me paraît très important. Toutefois, il m'a été dit, dans certaines de ces agences, que les parlementaires qui avaient été désignés…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est vous qui l'avez dit ! Je tiens donc à vous mettre en garde : si vous prévoyez qu'un grand nombre de parlementaires siègent au conseil d'orientation et qu'ils ne s'y rendent pas, le contre-message sera terrible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Il est important que des parlementaires siègent dans ces instances. Mais, lorsqu'une agence ou un haut conseil tiennent deux séances par mois pour examiner les dossiers, ce n'est pas compatible avec leur travail parlementaire. En revanche, ils ont tout leur rôle au sein de conseils d'orientation qui établissent des bilans ou des évaluations des différentes agences sanitaires, par exemple.

Il faut trouver un mode de travail qui n'oblige pas les parlementaires à assister à la totalité des séances, un bon nombre de celles-ci étant de pure gestion.

(L'amendement n° 24 est adopté.)

(L'amendement n° 25 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 27 .

La parole est à M. Hervé Mariton.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Dans la mesure où nous ne serons plus sous le régime du moratoire, il est prévu un dispositif de bilan, de compte rendu, de débat, s'appliquant une fois par an.

L'amendement n° 27 a pour objet d'assurer une vigilance constante de notre assemblée sur l'enjeu de la bioéthique, par la mise en place d'une délégation permanente. S'agissant d'un sujet important, ayant donné lieu à une forte mobilisation du Parlement, il est également important que l'Assemblée suive ce sujet continûment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Défavorable, car la mesure proposée pourrait faire doublon avec l'OPECST – dont font partie nos collègues Jean-Sébastien Vialatte et Alain Claeys –, qui effectue un excellent travail.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Sagesse.

(L'amendement n° 27 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 89 , rédactionnel, de M. Leonetti.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Favorable.

(L'amendement n° 89 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 218 , de coordination, de la commission spéciale.

(L'amendement n° 218 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 87 , de coordination, de M. Leonetti.

(L'amendement n° 87 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 25, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 88 , de coordination, de M. Leonetti.

(L'amendement n° 88 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 26, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les articles 27 à 33 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 27 à 33, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Dominique Souchet, pour une explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Souchet

L'enjeu de la révision des lois de bioéthique consiste à rechercher le bon équilibre entre les aspirations de la science et le respect de la dignité humaine. Y sommes-nous parvenus ? Pour ma part, je ne le crois pas.

Certes, sur une série de points, nos débats ont permis des avancées par rapport au projet initial. Je me réjouis de l'adoption de certains amendements que j'avais proposés ou cosignés, allant dans le sens d'un plus grand respect de la personne humaine, qu'il s'agisse de la limitation du nombre d'embryons surnuméraires, du non-systématisme des dépistages, ou de l'information qui pourra être délivrée aux couples en cas de diagnostic sur l'embryon d'une anomalie potentiellement responsable d'une maladie génétique. La possibilité pour ces couples d'entrer en contact avec des associations de parents d'enfants handicapés les aidera à faire un choix libre et éclairé.

Je pense également à mon amendement relatif à la recherche sur la trisomie 21. Il est indispensable que le Gouvernement dégage des pistes de financement public pour conforter les recherches prometteuses entreprises par les fondations privées, afin de rééquilibrer la politique actuelle, qui privilégie trop exclusivement le financement public du dépistage. Le Gouvernement s'y est engagé, ce dont je me réjouis.

Reste la question centrale de la recherche sur l'embryon humain. La pérennisation du régime contradictoire d'interdiction-autorisation et l'élargissement de son champ en dépit du développement important des méthodes alternatives intervenu depuis 2004, ne nous paraissent pas acceptables. Cette orientation méconnaît la portée de la découverte des cellules reprogrammées, qui a radicalement changé la donne : il n'y a plus aujourd'hui de justification scientifique à la poursuite de l'expérimentation sur l'embryon humain. Dès lors, pourquoi vouloir à tout prix maintenir, pérenniser, rendre permanente une transgression qui, en 2004, n'avait été acceptée et encadrée que du fait de l'inexistence de méthodes alternatives ? Elle avait alors un caractère clairement expérimental et provisoire. Or, la leçon de l'expérience est claire : la recherche embryonnaire n'a pas débouché sur des perspectives thérapeutiques, alors que les méthodes alternatives sont pleines de promesses. Cet acharnement à vouloir maintenir l'embryon humain comme objet de recherches, sans réelle nécessité scientifique, amène nécessairement à s'interroger sur les intérêts financiers qui pourraient être en jeu derrière cette obstination.

En définitive, certains disent que le projet de loi aurait pu être encore plus transgressif et que la recherche du moindre mal doit nous guider. Je considère pour ma part que la recherche du moindre mal, qui n'est pas un mauvais principe en soi, ne peut pas conduire à accepter la pérennisation de transgressions qui portent fondamentalement atteinte à l'intégrité de la personne humaine. C'est pourquoi je ne voterai pas cette loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi auraient lieu le mardi 15 février après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, mardi 15 février à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote des groupes et vote, par scrutin public, sur le projet de loi relatif à la bioéthique ;

Discussion de la proposition de loi relative au prix du livre numérique ;

Discussion de la proposition de loi relative au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées ;

Deuxième lecture du projet de loi organique et du projet de loi relatifs au Défenseur des droits ;

La séance est levée.

(La séance est levée à quatre heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma