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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 10 février 2011 à 22h00
Bioéthique — Article 22, amendement 213

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale :

Sur la base des expériences allemande et italienne, certains de nos collègues, notamment Jean-Sébastien Vialatte, ont proposé de limiter à trois le nombre d'ovocytes fécondés, en pensant à la congélation ultra-rapide des ovocytes.

Les contacts que j'ai eus depuis montrent que cette solution n'est pas acceptable en l'état actuel de la science en France et serait, à mes yeux, gravement pénalisante pour l'ensemble de nos chercheurs. J'ai donc demandé que l'on examine la situation en Allemagne et en Italie, où la limitation à trois ovocytes fécondés a été adoptée.

En Allemagne, les ovocytes recueillis sont tous mis en fécondation. Cependant, les Allemands n'appellent pas cela des embryons, mais des zygotes, et attendent le sixième jour pour en décongeler trois et les féconder. Pour notre part, nous utilisons le terme « embryon » de la première division cellulaire au stade foetal. Sans contester la terminologie utilisée en Allemagne, les trois embryons sont implantés et, en cas d'échec, on en prend trois autres dans le stock existant. On a tellement entendu dire qu'en Allemagne ils ne fécondaient qu'un seul ovocyte et n'implantaient qu'un seul embryon qu'on a fini par le croire – moi-même, j'ai accrédité cette version à un moment donné. Pourtant, la réalité est tout autre : les Allemands décongèlent trois embryons au sixième jour et les implantent tous les trois, sur un total d'une douzaine.

En Italie, en 2009, la loi dite « loi 40 », qui définit le nombre d'embryons, affirme que l'on ne doit pas créer un nombre d'embryons « supérieur à celui qui est strictement nécessaire à un transfert unique et simultané, nombre qui, en tout état de cause, ne peut excéder trois ». Peu de temps après le vote de cette loi, celle-ci a été frappée d'inconstitutionnalité, pour des raisons complexes que je n'évoquerai pas.

Dans le contexte où l'on se trouve, on pourrait imaginer de limiter à trois si l'on utilisait uniquement la vitrification et si l'on décongelait simultanément trois ovocytes et trois spermatozoïdes, puis encore trois ovocytes et trois spermatozoïdes, jusqu'à obtenir un résultat satisfaisant pour la procédure.

Il me semble légitime de supprimer le nombre restrictif de trois, vu le temps nécessaire à la France pour se mettre en situation de pratiquer la vitrification des ovocytes dans l'ensemble des centres. Cette voie semble en effet la plus prometteuse. En même temps, je rappelle que, dans notre texte, nous avons à plusieurs reprises rappelé que nous voulions diminuer le nombre d'embryons ; que nous demandons un rapport annuel sur le nombre d'embryons surnuméraires ; que nous souhaitons que soient privilégiées les méthodes qui limitent le nombre d'embryons. Enfin, nous avons voté ensemble, ici même, en faveur de la vitrification des ovocytes, qui entraîne une diminution du nombre d'embryons.

Je vous propose donc un amendement qui vise à atteindre pleinement l'objectif louable sur lequel nous avons insisté au cours de nos débats, qui est de diminuer le nombre d'embryons surnuméraires. La raison en est simple : le dilemme que Martine Aurillac a évoqué tout à l'heure avec Alain Claeys se pose aussi à la femme lorsqu'on lui demande, une fois qu'elle n'a plus de projet parental, ce qu'elle veut que l'on fasse des embryons. Il n'est pas étonnant que la majorité des couples ne réponde pas. En effet, il est très difficile de dire qu'ils doivent être détruits, donnés à la recherche ou implantés pour un autre couple.

Dans ce contexte, il me semble que l'objectif tendant à limiter le nombre d'embryons, que l'on croie au ciel ou que l'on n'y croie pas, est un objectif louable. La procédure que je vous propose et qui, en dehors du nombre, s'inspire de la loi italienne, permettrait de dire qu'on ne crée que le nombre d'embryons strictement nécessaire à la réussite de la procréation.

Je sais bien que ce n'est pas là l'objectif restrictif et quantifié qu'un certain nombre souhaitaient, mais je crois vous avoir montré qu'une telle chose n'existe pas en Europe. Ce que nous prenions pour une restriction à un embryon en concernait en réalité trois. De plus, à moins de refuser, en deçà du sixième jour, de désigner comme tel l'embryon, en considérant qu'il peut être détruit, et d'estimer qu'à partir du sixième jour il s'agit bien d'un embryon et qu'il doit être protégé – ce n'est là la conception de personne ici –, il me semble que le plus raisonnable est d'adopter cet amendement en renonçant au nombre de trois.

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