J'ai le privilège d'avoir participé à trois discussions d'une loi de bioéthique sur ce sujet. Vous soutenez, monsieur le ministre, qu'il ne faut pas revenir sur 1994 et 2004. En 1994, en deuxième lecture, l'Assemblée s'est partagée sur cette question à voix égales et l'amendement n'a pas été adopté ; en 2004, il a été voté en première lecture mais pas en deuxième lecture ; en 2011, il a été voté en commission : nous verrons tout à l'heure s'il est voté dans l'hémicycle.
Il faut savoir écouter les arguments avancés par les uns et les autres, et l'intérêt de l'enfant, mis en avant par le ministre, est un vrai sujet. Il n'empêche que nous nous trouvons dans le cas où il s'agit d'implanter un embryon – et non un spermatozoïde ou un ovocyte, comme le croient certains qui pensent que l'enjeu est simplement de congeler du sperme pour pouvoir faire des enfants longtemps après – conçu dans un projet parental. Comme l'ont dit Alain Claeys, Martine Aurillac ou encore Jean-Sébastien Vialatte ou Olivier Jardé, qui ont soutenu cet amendement en commission, il ne reste que trois solutions si cet article est supprimé. La première solution, c'est la destruction de l'embryon, effective au bout de cinq ans. La seconde solution, c'est d'autoriser la recherche sur cet embryon.
La troisième solution, sans doute la pire pour une maman, consiste à donner l'embryon à un couple receveur.
Vous pensez sûrement à l'intérêt de l'enfant, mais essayez d'imaginer la douleur de la mère lorsque l'embryon conçu sera donné à un autre couple. Elle n'aura pas pu mener à bien le projet parental qu'elle avait entamé avec un conjoint décédé dans des circonstances exceptionnelles. Son projet n'était pourtant pas virtuel : l'embryon devait être implanté peut-être quelques jours seulement après le décès.
Les cas seront peu nombreux. Il y en aura sûrement moins que d'enfants nés après le décès de leur père au cours de la grossesse. La situation de ces enfants, nés immédiatement après la mort de leur père, est sans doute difficile. Elle est exactement la même que celle dont nous débattons.