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Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 10 février 2011 à 22h00
Bioéthique — Avant l'article 23, amendement 188

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission spéciale :

Si nous ne jouons pas sur les mots et que vous lisez bien l'amendement n° 78 , vous verrez qu'il répond à cette demande, monsieur le président de la commission spéciale. Soigner l'embryon n'est pas interdit, et l'on peut imaginer qu'un jour les anomalies dépistées pourront être traitées. On ne peut donc pas barrer le chemin à cette perspective.

Pour autant, ouvrir la possibilité d'études, dans le respect de la dignité de la personne humaine en devenir, en vue de soigner, n'a rien à voir avec le fait d'autoriser la recherche sur des cellules souches embryonnaires pour simplement permettre une innovation thérapeutique. J'ai tenté – très honnêtement, je crois, et je m'en suis ouvert à chacun – d'envisager un double régime : d'interdiction avec dérogations pour l'embryon, d'autorisation pour les cellules souches embryonnaires, et j'ai constaté que ce n'était tenable ni juridiquement ni éthiquement, pour la raison que nous avons évoquée tout à l'heure : un embryon, au départ, c'est une cellule. Distinguer le stade où la cellule souche embryonnaire pourrait être l'objet d'une recherche autorisée et le stade où elle ne pourrait plus l'être revient à définir le moment où la cellule passe du totipotent au multipotent. Cet effort de définition me paraît à la fois impossible et vain.

Il vaut mieux avoir un régime d'interdiction aux objectifs simples.

Pour l'embryon destiné à naître, pas d'« essais d'homme » mais le souhait de dépister les anomalies et de les soigner, de réparer l'embryon ; des dérogations au profit d'une recherche encadrée strictement visant des objectifs purement médicaux qui ne peuvent être atteints par des méthodes « similaires », terme plus restrictif que « comparables ».

Quant aux cellules souches embryonnaires, on ne peut définir un régime qui leur soit propre. La cellule étant, comme le disait Axel Kahn, partie d'un tout qui serait l'embryon, il est également difficile de séparer sémantiquement, si j'ose dire, l'un de l'autre. Par conséquent, le même régime d'interdiction avec dérogations doit s'appliquer.

Le régime d'interdiction figure déjà dans le code civil, à l'article 16, qui protège la vie dès sa conception. Il figure aussi dans la loi Veil, dont on ne peut dire qu'elle soit une loi extrêmement restrictive et que personne ne conteste aujourd'hui. Affirmer que l'on protège la vie de personnes humaines en devenir tout en s'autorisant, par dérogation, un certain nombre de recherches et études dans l'intérêt médical, dans l'intérêt général, pour l'humanité, est donc conforme à notre droit. Cela répond au besoin des chercheurs de ne pas être bridés dans leurs recherches tout en protégeant, comme on le doit et comme le code civil le prévoit, la vie dès sa conception.

C'est pourquoi le système d'interdiction avec dérogations me paraît équilibré. Il ne gêne pas la recherche en tant que telle. Je vous rappelle les propos tenus par M. Peschanski dans le cadre de la mission d'information sur la révision de la bioéthique : « Vous m'avez demandé si les dispositions de la loi de 2004 nous avaient gênés. Peut-être vous surprendrai-je en vous disant que non. » Quant à M. Menasché, il déclarait devant notre commission spéciale : « La loi de bioéthique de 2004 ne nous a pas empêchés de travailler. […] Elle ne nous a pas pénalisés. »

Cela signifie que le maintien du régime actuel, conforme aux principes de notre droit, ne pénaliserait pas la recherche. L'interdiction a plus qu'une valeur symbolique, tandis que la dérogation permet la recherche dans notre pays.

Il n'y a qu'un point sur lequel un régime d'autorisation présenterait un intérêt. M. Menasché nous a indiqué que cela permettrait un développement commercial et industriel plus important. Je ne pense pas que le développement commercial et industriel soit un enjeu de notre débat éthique.

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