Je propose qu'on avance autrement.
Je veux d'abord remercier les auteurs des amendements de permettre ce débat. Je ne suis pas sûr qu'à la faveur d'un débat parlementaire se déroulant à zéro heure quarante du matin, les deux amendements, pour lesquels les auteurs ont évidemment travaillé, exploré, recherché ce qu'ils pensaient être le mieux puissent trouver une réalité. En tout état de cause, je ne comprends pas qu'on puisse nous rétorquer, comme le font la commission et le Gouvernement, qu'il n'y a pas de débat. Il y a un débat, même s'il est encore plus compliqué que tous les autres.
Nous avons tous inscrit en nous, intellectuellement, culturellement, que l'être porté par la mère est l'enfant de cette mère, et nous sommes en train de dire que ce ne sera pas son enfant. Cette idée me heurte, je l'avoue. À partir de là, certains préfèrent qu'on évacue le problème.
Mais il est une chose qui me heurte encore plus, c'est que ce que nous interdisons en France – même si ce n'est pas parce que c'est autorisé à l'extérieur que c'est bien – se pratique à l'étranger, se pratique avec des femmes françaises qui vont à l'étranger se faire rémunérer, se pratique à l'étranger avec des couples français qui utilisent des personnes étrangères pour bénéficier de la gestation pour autrui. Ce n'est pas parce que nous fermerions le débat ici que la pratique n'existerait pas.
Je veux faire un parallèle, pas une comparaison. Lorsque dans cet hémicycle, il y a de cela bientôt trente-cinq ans, s'est tenu le débat sur l'avortement, l'exact inverse de ce dont nous parlons actuellement, certaines personnes considéraient qu'il était impossible d'en parler et d'autres pensaient que, malheureusement, le débat était de fait dans la société. À l'époque, l'avortement était sûr et pratiqué pour ceux qui avaient les moyens, dangereux et pratiqué cependant pour ceux qui n'avaient pas les moyens.
Trente-cinq ans après, si on ne peut pas considérer qu'il soit idéal que l'avortement existe, si on ne peut pas considérer que ce ne soit pas toujours un traumatisme pour une femme, on peut néanmoins admettre qu'on a trouvé un équilibre qui permet, quand malheureusement cette décision est prise par un couple ou, le plus souvent, par une femme, que cela se fasse dans des conditions sécurisées.
Dans le cas qui nous préoccupe, c'est pire. Non seulement ceux qui ont les moyens peuvent aller le faire à l'étranger, mais des femmes qui recherchent la marchandisation du corps que nous redoutons vont aussi le faire à l'étranger.
Monsieur le président, si je ne peux pas trancher entre ces deux amendements maintenant, je souhaite lancer un appel à la présidence de l'Assemblée nationale ainsi qu'au Gouvernement. Je pense qu'on ne peut pas éliminer le débat, on ne peut pas dire que cette pratique n'existe pas, on ne peut pas laisser des couples aller à l'étranger bénéficier de la gestation pour autrui, on ne peut pas laisser des femmes aller à l'étranger vendre leur capacité à porter un enfant pour d'autres, et il me semble nécessaire que notre assemblée, comme le Sénat, puisse travailler collectivement, à travers une mission par exemple, et puisse étudier les pratiques existantes, les dérives qu'elles entraînent et les dangers pour notre société. En tout état de cause, dire qu'il n'y a pas de débat ne me paraît pas responsable.