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Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 10 février 2011 à 22h00
Bioéthique — Après l'article 22 quater, amendement 200

Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé :

Vous provoquer ? Je me demande qui est le plus provocateur !

Pour en revenir à l'amendement défendu par M. Blisko, je dois dire que sa manière de traiter le sujet entraîne de nouvelles incertitudes. Vous souhaitez qu'on vous réponde sur le fond, et nous allons le faire. Vous souhaitez un débat sur cette question, pour faire valoir vos thèses : c'est votre droit, mais permettez au Gouvernement de ne pas entrer dans ce débat, car nous ne voulons pas nous situer sur la même position que vous. C'est aussi simple que cela. On a le droit d'accepter les divergences et les différences.

Vous le savez, la GPA est prohibée en France. Pour contourner cette interdiction, certains ressortissants français se rendent à l'étranger. C'est un fait. Pour autant, doit-on, lorsqu'ils reviennent en France, régulariser la situation qui découle du contournement de la loi ? Permettez-moi, monsieur Blisko, de reprendre certains points. Ces enfants ne sont pas des apatrides et ne sont pas non plus privés d'état civil ou de filiation du fait de l'absence de transcription de l'acte civil étranger. D'autre part, la validité des actes d'état civil étranger et le lien de filiation qui en résulte ne sont pas contestés. L'acte de naissance étranger peut être valablement produit en France, aucun texte n'imposant qu'il ait été transcrit sur les registres du service central de l'état civil. Que ce soit pour l'inscription à l'école, pour l'accès de ces enfants aux soins ou pour le bénéfice des allocations familiales, il n'y a pas de difficultés. C'est la réalité des choses. Les parents ne sont donc pas placés dans la situation de précarité juridique décrite par les signataires de l'amendement. C'est la réalité du droit.

Sur le fond, je suis défavorable à l'amendement pour au moins trois raisons.

D'abord, une intervention du législateur ne serait pas opportune, alors que des affaires de cette nature sont pendantes devant la Cour de cassation et que celle-ci doit, dès le mois de mars – ce n'est pas dans un siècle – préciser sa jurisprudence à cet égard en se prononçant solennellement sur les conditions de la transcription de l'acte de naissance étranger eu égard à l'ordre public français. Vous voulez vous positionner alors que le droit est mouvant. Je ne pense pas que cela apportera davantage de sécurisation juridique.

Je voudrais ensuite vous faire observer qu'en envisageant les situations dans lesquelles la GPA est encadrée par le droit étranger, et plus particulièrement celles où le juge étranger a rendu sa décision, l'amendement ne permettrait de régler qu'un nombre très restreint de situations. Je pense qu'il s'appliquerait de façon assez générale aux situations résultant de GPA intervenues aux États-Unis, mais que, dans la majorité des cas, il n'y aurait pas de solution. Je songe notamment à des pays dans lesquels ce cadre légal n'existe pas, comme l'Inde. On aboutirait en définitive à un curieux paradoxe : alors que vous souhaitez la sécurisation, l'intervention du législateur conduirait à une inégalité de traitement des enfants potentiellement concernés. Il interviendrait pourtant au nom de l'intérêt de l'enfant, dont il a été question tout à l'heure et que, d'une certaine façon, vous nous reprochiez d'invoquer.

Enfin, s'il était adopté en l'état, l'amendement exclurait, en présence d'une décision de justice étrangère, tout contrôle de conformité de la décision à l'ordre juridique français. Nous serions amenés à reconnaître des GPA intervenues grâce à des contrats rémunérant les mères porteuses, des GPA réalisées au bénéfice de personnes hors d'âge de procréer et des GPA de confort – sans vouloir établir de lien avec les pratiques de telle ou telle vedette vivant dans certaine ville spécialisée dans le cinéma.

Nous devrions également assurer la transcription de l'acte étranger, quand bien même celui-ci fait état de deux mères ou de deux pères pour l'enfant. Vous savez que ce n'est pas non plus notre conception.

En définitive, s'il était adopté, votre amendement serait de nature à vider complètement de sa substance la prohibition de la GPA en France. Autant de raisons qui justifient que je n'y sois pas favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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