La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatre heures treize minutes pour le groupe UMP, dont 170 amendements restent en discussion ; cinq heures quarante-sept minutes pour le groupe SRC, dont 185 amendements restent en discussion ; deux heures cinquante-quatre minutes pour le groupe GDR, dont 107 amendements restent en discussion ; quatre heures six minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont 25 amendements restent en discussion, et trente et une minutes pour les députés non inscrits.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 3 ter.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'article 3 ter vise à porter à trois ans les délais fixés par le code civil pour la mise en oeuvre de la procédure de retrait de nationalité, de manière à permettre à l'administration de s'assurer plus efficacement du respect par les accédants à la nationalité française des conditions légales et des conditions de moralité requises par la loi.
L'article 27, alinéa 2, du code civil donne au Gouvernement la possibilité de rapporter dans certains cas, limitativement énumérés, les décrets de naturalisation ou de réintégration. Un tel décret peut être rapporté sur avis conforme du Conseil d'État, dans les douze mois suivant sa publication pour défaut de conditions légales ou les vingt-quatre mois suivant la découverte d'une infraction, selon les cas. Cette décision est rétroactive. L'intéressé et éventuellement les enfants qui ont bénéficié de l'effet collectif sont censés n'avoir jamais été Français. Cette possibilité est destinée à permettre à l'administration de rattraper une erreur importante ou de revenir sur une décision qui semble a posteriori infondée.
Le Conseil d'État a précisé que, pour justifier une mesure de retrait, une erreur ou une fraude ne suffit pas. En l'espèce, il faut encore que cette erreur ou cette fraude ait entaché l'appréciation qui a pu être portée au moment de conférer la nationalité. Ainsi, deux cas de figure sont actuellement prévus par le code civil.
Premièrement, lorsque le demandeur ne remplit pas les conditions légales et que sa demande aurait pu être déclarée irrecevable. Ont été admis à ce titre des retraits dus à une condamnation pénale postérieure au décret pour des faits antérieurs à celui-ci. Dans le cas du défaut de résidence en France, du fait de la présence d'un conjoint à l'étranger ou du fait d'une résidence à l'étranger depuis plus d'un an, alors que l'intéressé soutient que le motif de cette présence est l'exécution d'un contrat de travail. la décision peut-être rapportée dans le délai d'un an.
Deuxièmement, lorsque la décision de l'autorité publique a été obtenue par mensonge ou par fraude. Cette disposition s'applique dans de nombreux cas, notamment lorsque le demandeur a omis de mentionner certains éléments de sa situation personnelle, comme l'existence d'enfants ou d'un conjoint dans son pays d'origine ou lorsqu'il a produit un faux livret de famille. Le décret peut, dans cette seconde hypothèse, être rapporté dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude.
Entre 2001 et 2009, le Conseil d'État a été saisi chaque année en moyenne de 31 demandes d'avis conforme sur un retrait de décret de naturalisation ou de réintégration. De 2009 jusqu'à la fin du premier semestre 2010, 51 dossiers lui ont été soumis. Parmi ceux-ci, un seul avis de rejet a été émis. Deux avis conformes ont été émis pour défaut des conditions légales prévues à l'article 21-16 du code civil – il s'agit de personnes ayant quitté la France à la date de leur naturalisation –, un avis conforme pour défaut des conditions légales prévues à l'article 21-23 du code civil, à savoir défaut de bonnes moeurs avec méconnaissance de la législation du travail. Enfin, 47 avis conformes ont été donnés pour des situations de mensonge ou de fraude. Tous étaient motivés par la dissimulation de la situation matrimoniale ou familiale des postulants, qui aurait fait obstacle à une naturalisation à raison des exigences de l'article 21-16 du code civil : il s'agit de la fixation en France du centre des intérêts du postulant. Deux d'entre eux étaient également motivés par une situation de bigamie, constitutive d'un défaut d'assimilation au sens de l'article 21-24 du code civil.
Je suis saisi d'un amendement n° 177 , visant à supprimer l'article 3 ter.
La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 177 .
La parole est à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 177 n'est pas adopté.)
Cet amendement est assez simple. Il vise à allonger la durée durant laquelle il est possible de prononcer le retrait de nationalité. Deux principes peuvent être invoqués pour le défendre.
Premièrement, le temps ne doit pas donner raison à la fraude. Nous luttons en France dans beaucoup de domaines contre la fraude. Il ne suffit pas qu'un individu cache la fraude suffisamment longtemps pour que celle-ci soit entièrement exonérée.
Deuxièmement, et c'est l'idée essentielle, quelqu'un qui a acquis la nationalité française par fraude doit voir supprimer sa nationalité dès lors que la fraude est découverte, même si c'est longtemps après. Je vais citer un exemple pris en Suisse, grande démocratie et démocratie exemplaire, à laquelle nous devons nous référer le plus souvent possible.
Le 25 mai 2010, le tribunal administratif fédéral a condamné un Turc qui avait obtenu la nationalité suisse par mariage à rendre son passeport helvétique, parce qu'il entretenait parallèlement une relation maritale dans son pays d'origine. L'homme a été marié pendant vingt-six ans avec une Suissesse, dont il a eu une fille, mais il menait une double vie : il se rendait quatre fois par an en Turquie où il rendait visite à une compatriote avec qui il a eu deux enfants.
En 2003, il avait obtenu la naturalisation par mariage. C'est donc pendant sept ans, jusqu'en 2010, qu'il est parvenu à cacher la fraude. Pour ma part, je vous propose simplement de faire passer le délai de retrait de nationalité à cinq ans.
J'ai cité le cas de la Suisse pour vous faire voyager un peu, mais un problème analogue s'est récemment posé pour une Nîmoise, qui s'est aperçue que son mari était polygame au Maroc depuis six ans.
Comme beaucoup d'entre vous, j'ai reçu, dans ma permanence, des personnes qui souhaitaient obtenir une aide en vue de se faire régulariser. Un jour, quelle ne fut pas ma surprise devant la demande d'un homme qui voulait que je l'aide à faire repartir sa femme dans son pays d'origine. Situation incongrue s'il en est ! Je ne pouvais évidemment rien faire pour accéder à sa demande. Dans ce cas, il ne s'agissait pas d'une naturalisation, mais d'un regroupement familial. Cette dame était venue épouser ce monsieur pour, en fait, aller vivre avec un deuxième homme, ce qui était évidemment très désagréable pour le mari. Force est de constater que ce genre de situation existe.
Quoi qu'il en soit, les fraudes ne peuvent légitimer l'accès à la nationalité française. Il ne faudrait pas que des durées trop courtes pour la mise en oeuvre d'une mesure de retrait aboutissent, en fait, à récompenser la fraude. Plus une fraude serait habile, plus elle aurait de chances d'être validée car on ne pourrait plus en annuler les effets. C'est la raison pour laquelle j'estime qu'un délai de deux ans est manifestement insuffisant. Je propose de faire passer le délai de trois ans adopté par la commission – encore insuffisant à mes yeux – à cinq ans. Cela étant, je sais que le Gouvernement va m'expliquer pourquoi il souhaite, lui, revenir à deux ans !
Nous allons le savoir tout de suite. Vous avez la parole, monsieur le ministre, pour présenter l'amendement n° 149 du Gouvernement.
Dans le code civil, les délais sont actuellement d'un an pour le défaut de conditions légales et de deux ans pour la fraude. Au départ, la commission des lois avait opté pour trois ans dans les deux cas. Tout en comprenant ses préoccupations, il me semble que passer d'un an à trois ans pour le défaut de conditions légales serait excessif, notamment pour des raisons de stabilité juridique. En revanche, passer de deux à trois ans paraît approprié pour les cas de fraude, dont M. Vanneste vient de citer des exemples.
Le Gouvernement a donc choisi de porter les délais d'un à deux ans pour le défaut de conditions légales et de deux à trois ans pour les fraudes. Nous ne souhaitons pas aller jusqu'à cinq ans, comme le propose M. Vanneste, car il y aurait un vrai risque constitutionnel.
Ne soyez pas trop impatient, monsieur Vanneste. Nous avons tout le temps !
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
La commission des lois a émis un avis favorable à l'amendement n° 149 du Gouvernement. L'avis sur l'amendement n° 38 est par conséquent défavorable.
La commission avait jugé utile d'harmoniser les délais permettant le retrait de la nationalité. Cependant, étant donné la nature différente des deux cas de figure concernés, à savoir le défaut des conditions légales requises d'une part et la fraude d'autre part, le code civil prévoit un délai plus court pour les naturalisations faites sans respecter totalement les prescriptions légales. La raison réside dans la volonté de ne pas fragiliser la sécurité juridique du changement d'état des intéressés lorsque les erreurs liées à leur naturalisation sont imputables à l'administration. À cet égard, un délai de cinq ans, comme le propose M. Vanneste, serait certainement excessif, même si j'ai écouté avec intérêt l'exposé des cas concrets qu'il a eu à affronter dans sa circonscription.
Pour sa part, le Gouvernement souhaite que la différenciation actuelle entre cas de fraudes et défaut de conditions légales subsiste. Dès lors que le délai ouvert en cas de fraude est allongé d'un an, il paraît cohérent de prévoir une prorogation identique pour le délai permettant à l'administration de s'assurer que les conditions légales requises par la naturalisation ont bien été respectées.
Je pense avoir posé le problème et avoir montré que, dans certains cas, la durée était insuffisante. Je reconnais que mon amendement ne tenait pas compte des deux cas de figure envisagés. Compte tenu des explications qui viennent d'être données, je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement.
(L'amendement n° 38 est retiré.)
(L'amendement n° 149 est adopté.)
(L'article 3 ter, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 78 tendant à la suppression de l'article.
La parole est à M. Noël Mamère.
En demandant la suppression de l'article 4, nous persistons dans la logique qui est la nôtre depuis le début des débats.
Une fois de plus, il s'agit d'allonger le délai d'acquisition de la nationalité pour les conjoints de ressortissants français. Une fois de plus, vous proposez de durcir davantage la condition de migrant. Lorsqu'on est marié à un ressortissant français, on doit pouvoir acquérir la nationalité française le plus vite possible.
(L'amendement n° 178 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 4 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 284 .
La parole est à M. Daniel Goldberg.
Avec cet amendement, nous revenons à un débat que nous avons eu avec M. le ministre il y a environ un an et demi sur le délit de solidarité. Des engagements avaient alors été pris par le ministre.
Un flou juridique permet aujourd'hui, en vertu des articles L. 622-1 à L. 622-4 du CESEDA – délit d'aide au séjour notamment d'un conjoint étranger en situation irrégulière –, de prendre des sanctions administratives contre les demandes d'acquisition de la nationalité, de naturalisation ou de réintégration.
Je me souviens que le ministre avait répondu que cette situation, réglée pour les poursuites pénales, devait l'être également pour ce qui concerne les décisions administratives.
J'ai sous les yeux une lettre signée par M. le directeur de cabinet au nom du ministre, rappelant que j'avais appelé l'attention sur la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par Mme X et m'indiquant qu'il avait été procédé à un nouvel examen de sa situation. Toutefois, aucun élément n'avait permis de modifier la décision prise d'ajournement d'un an. En effet, l'intéressée avait aidé au séjour irrégulier de son conjoint pendant six ans de 2001 à 2007, méconnaissant ainsi la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France.
La question est simple. De telles sanctions administratives pourront-elles continuer à être prises à l'encontre d'un conjoint qui aide sa femme ou son mari en situation irrégulière ?
Avis défavorable. Cet amendement conduirait à rendre plus difficile pour l'administration de déclarer irrecevables, d'ajourner ou de rejeter à exonérer les demandes d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret de ceux qui, par aide directe ou indirecte, facilitent ou tentent de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France.
Au regard de l'objectif de maîtrise des flux migratoires et d'incitation des étrangers à respecter la législation sur l'entrée et le séjour, cet amendement ne me semble pas concevable.
Même avis que la commission.
Je me permets d'insister sur une incohérence dans la mesure où, à l'article L. 622-4, figure l'absence de poursuites pénales. Je demande que, pour régler le cas des conjoints, les décisions administratives aillent dans le même sens.
(L'amendement n° 284 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 42 .
La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
Cet amendement vise à lutter plus efficacement contre les mariages blancs.
Les maires, toutes appartenances politiques confondues, sont confrontés à un véritable vide juridique en ce domaine. Un maire qui a de fortes suspicions sur la sincérité d'un mariage – célébré dans le seul but de faire obtenir des droits à l'un des conjoints –, mais qui ne peut prouver qu'il s'agit d'un mariage frauduleux, est contraint de prononcer le mariage en vertu du droit au mariage. Cet amendement ne remet nullement en cause ce droit.
Dans un tel cas, le maire demande une enquête auprès du procureur de la République afin de s'assurer de la réalité du consentement des futurs époux.
Enquête-t-on aussi pour les Français qui le sont depuis des générations ?
Pour toutes sortes de raisons, l'enquête n'est, en général, pas satisfaisante. Il ne s'agit pas d'une véritable enquête de police menée par le procureur de la République pour vérifier si l'un des époux ou les deux ne sont pas dans des situations illégales.
Le maire est donc en quelque sorte obligé de prononcer un mariage vraisemblablement frauduleux. Soit, en prononçant le mariage, il se rend complice d'une infraction – contribuant à des filières d'immigration clandestine par exemple –, soit, s'il ne le prononce pas, il peut être traîné devant les juridictions. J'ai dans ma circonscription l'exemple d'un sénateur-maire d'une petite commune qui n'a pas voulu célébrer un mariage, l'un des conjoints étant sous le coup d'une expulsion pour séjour irrégulier et pour avoir commis un certain nombre d'infractions. Ce maire s'est vu traduire en référé devant le tribunal de grande instance pour que le mariage soit prononcé. Fait assez cocasse : l'expulsion a été suivie d'effet et, au moment où la décision de justice obligeant le maire à prononcer le mariage a été rendue, l'étranger en question était à des milliers de kilomètres. Le maire s'est quasiment vu dans l'obligation d'aller chercher lui-même l'étranger en Afrique du nord pour respecter la décision de justice !
Je signale simplement qu'il y a un vide juridique, cher collègue. De nombreux maires, quelles que soient leurs opinions politiques, se retrouvent dans une impasse.
L'amendement demande ni plus ni moins que l'on accentue l'enquête de gendarmerie ou de police menée sous la direction du procureur de la République. Il n'est pas question de remettre en cause ni l'enquête, ni le mariage. Il s'agit de donner la possibilité aux maires de surseoir à la célébration du mariage…
…le temps que l'enquête se déroule réellement. Il n'y a aucune atteinte au droit de mariage ni au mariage en lui-même.
En revanche, l'enquête doit être menée, ce qui nécessite un peu de temps. Il faut autoriser le maire à surseoir.
Faites preuve d'un peu d'honnêteté, chers collègues de l'opposition. Vous savez fort bien que de nombreux élus se retrouvent dans des situations intenables. Je vous invite à essayer de faire abstraction de votre idéologie. Tenez compte de la réalité concrète et faites en sorte de permettre qu'une véritable enquête soit diligentée, dont le seul but est, tout simplement, de découvrir la vérité d'une situation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai été très attentif aux arguments de Jean-Paul Garraud qui, avec Claude Greff, a déposé une série d'amendements relatifs à la répression des mariages insincères, appelés mariages gris.
Nous répondrons favorablement à ces amendements. Mais, malheureusement, je suis obligé d'émettre un avis défavorable à cet amendement n° 42 .
De toute évidence, indépendamment de l'intérêt de son objet, cet amendement est anticonstitutionnel.
En 2003, le Parlement avait adopté des dispositions quasi identiques. Dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires de gauche, avait censuré ces dispositions.
En premier lieu, elles étaient « de nature à dissuader les intéressés de se marier » et portaient ainsi atteinte au principe constitutionnel de liberté du mariage : considérant n° 96.
En second lieu, « le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé », selon le considérant n° 94.
En tout état de cause, le droit existant traite déjà de ce type d'unions frauduleuses. Ainsi, l'article L. 623-1 du CESEDA sanctionne pénalement d'une amende de 15 000 euros et de cinq ans d'emprisonnement les personnes qui organisent, contractent ou tentent de contracter un mariage aux fins de protéger l'un des membres du couple d'une reconduite à la frontière ou de lui permettre d'acquérir la nationalité française. De même, la rédaction actuelle de l'article 175-2 du code civil permet une saisine du procureur de la République lorsque l'officier d'état civil doute de la validité du mariage, aux fins d'enquête et, le cas échéant, d'opposition.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à cet amendement, qui est de toute évidence anticonstitutionnel. Mais vous serez plus chanceux, monsieur Garraud, lorsque nous examinerons les amendements suivants, relatifs aux mariages dits « gris ».
Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur.
Cela étant, Jean-Paul Garraud a le mérite de poser une véritable question. Il faut le faire très clairement, avec l'esprit de nuance requis, comme nous l'avons rappelé ensemble hier.
Le Gouvernement, l'État n'a pas à se prononcer sur les mariages mixtes, qui unissent un Français ou une Française à une étrangère ou un étranger – et dont je rappelle qu'ils constituent un tiers des mariages. Néanmoins, nous sommes confrontés à une augmentation du nombre de mariages de complaisance. C'est une réalité qu'il ne faut pas éluder. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Garraud, nous avons entrepris, avec le ministère de la justice, un travail qui devra aboutir avant l'examen du texte au Sénat et que nous pourrons réétudier ensemble en deuxième lecture.
Pour le reste, je confirme qu'en l'état, cet amendement serait probablement jugé non constitutionnel, parce qu'il opère une confusion entre procédure civile et procédure pénale, parce que les délais qu'il propose seraient probablement considérés comme excessifs et parce qu'il conduirait à réprimer plus sévèrement les mariages frauduleux lorsqu'ils sont contractés par des ressortissants étrangers que lorsqu'ils le sont par des Français.
Nous pouvons travailler sur ce terrain. Les mariages blancs, les mariages de complaisance sont une réalité, contre laquelle il nous faut lutter. Mais tentons de trouver ensemble un autre fondement à votre démarche au cours des semaines à venir.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur Garraud, faute de quoi j'émettrais un avis défavorable – mais je ne doute pas que vous accepterez.
Cette question n'a cessé de préoccuper l'Assemblée nationale au cours des dernières années : à propos de chaque projet de loi sur l'immigration, nous avons reparlé des mariages.
Je crois honnêtement que les dispositifs existants ont été considérablement durcis et que nous disposons de toute une palette de mesures permettant de lutter contre les mariages de complaisance.
Ce que l'on nous propose maintenant, c'est tout simplement que le maire puisse refuser le mariage…
… parce qu'il aurait un doute – sur quel fondement, on n'en sait rien : à cause de ce qu'il a vu ? Pourtant, le maire peut déjà saisir le procureur à des fins d'enquête.
Tout cela n'est pas tolérable. Nous savons pertinemment, monsieur Garraud, que, dans certaines mairies, les Français qui voudront se marier avec des étrangers ne pourront tout simplement plus le faire. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
On les connaît, ces maires ! Certains siègent ici, d'ailleurs. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Depuis le début de la discussion, on voit bien la position de chacun, à la manière dont il s'exprime !
Plusieurs députés du groupe UMP. Il ne s'agit que de surseoir !
Deuxièmement, on constate une diminution importante du nombre d'acquisitions de la nationalité française par mariage. J'aimerais que le rapporteur le confirme. Cela prouve que les mesures adoptées ont des conséquences tout à fait concrètes.
Restons-en donc là au lieu d'inventer de nouvelles mesures qui ne font que dissuader les gens de se marier : le ministre a raison de dire que les mariages mixtes sont plutôt une richesse.
Dans ma circonscription, des Français mariés à un étranger ou à une étrangère ont beaucoup de mal à le ou la faire venir sur le territoire national. Je suis témoin de situations intenables, inextricables, très contestables d'un point de vue humain.
Voilà pourquoi je m'oppose avec la dernière énergie aux propositions de M. Garraud.
Monsieur Caresche, je sais que vous vouliez m'être agréable, mais je n'ai pas dit que les mariages mixtes étaient plutôt une richesse. Je ne me suis pas exprimé quant au fond.
J'ai dit que l'État n'avait pas à juger qui aime qui…
… et j'ai simplement constaté qu'un tiers des mariages contractés par nos concitoyens sont des mariages mixtes. C'est un fait ; à chacun de l'apprécier comme il l'entend.
Par ailleurs, 80 % des mariages annulés sont mixtes. Ces deux chiffres vous permettent de vous faire une idée.
Les chiffres que j'ai cités témoignent d'une difficulté, que nous devons traiter de manière nuancée et mesurée, mais sans déni. Parmi les mariages mixtes, il y a bien une minorité, certes, mais une minorité réelle et plutôt croissante de mariages de complaisance. C'est tout ce que j'ai voulu dire.
Cher monsieur Mariani, citer le Conseil constitutionnel ne suffit pas. Nous sommes le législateur et, à un moment donné, nous devons prendre nos responsabilités. N'oublions pas que le Conseil constitutionnel peut aussi changer d'avis.
Je le dis avec force, car j'ai toujours contesté cette interprétation de la Constitution. Je refuse pour ma part de me retrancher derrière une décision du Conseil, qui peut être diversement interprétée.
C'est notamment le cas de celle que vous avez lue. En effet, si le Conseil constitutionnel garantit le droit sacré du mariage, celui-ci n'est pas violé par le présent amendement…
… puisqu'il ne s'agit que de surseoir à l'union. En outre, monsieur Caresche, ce n'est pas le maire qui surseoit,…
…mais le procureur de la République. C'est écrit noir sur blanc ! Il ne s'agit donc pas du cas de figure qu'a évoqué notre rapporteur, et encore moins de celui que vous avez vous-même mentionné.
C'est une question de bon sens. On sait très bien que ces mariages existent, même si, je vous l'accorde, ils ne sont pas légion, et étant entendu que nous ne sommes pas là pour juger de la volonté de chacun de se marier – dès lors qu'elle est sincère. Je rappelle que l'officier d'état civil ne fait que constater la volonté des futurs époux, au nom de laquelle il les unit par les liens du mariage.
Je suis intimement convaincu que cet amendement n'est contraire ni à la Constitution ni aux conventions internationales que nous avons signées. Voilà pourquoi je le voterai.
Trois remarques. Tout d'abord, le ministre nous donne des chiffres qui sont censés frapper les esprits : 80 % des mariages annulés sont, dit-il, des mariages mixtes.
Je m'interroge sur les 20 % restants, qui sont donc des annulations de mariages franco-français.
Il est assez logique que les annulations concernent surtout des mariages mixtes.
Pourquoi ?
Et alors ?
Eh bien, s'il y a des fraudes, elles concernent évidemment davantage les mariages mixtes que les mariages franco-français.
Voilà qui est intéressant !
Je ne vois d'ailleurs pas bien ce qui justifierait les annulations de mariages franco-français.
En outre, vous parlez de 80 %, mais sur combien d'annulations ? Les annulations de mariages sont un phénomène mineur ; il ne doit pas y en avoir des mille et des cents chaque année.
Deuxièmement, j'ai été maire pendant quatorze ans avant de passer la main – car je n'ai pas été battu ! Et, comme à tout officier d'état civil, les lois existantes me permettaient de faire le nécessaire lorsque mes services de l'état civil faisaient état d'un doute : le procureur de la République était saisi et pouvait mener une enquête, à la suite de laquelle le mariage pouvait être ou non célébré. Et c'est toujours le cas.
Il faudra que l'on m'explique ce qui peut constituer un critère objectif pour juger de la sincérité d'un mariage.
On peut aussi douter de la sincérité de certains mariages entre Français ! Ce ne sont pas tous des mariages d'amour ; il y a aussi des mariages de raison !
Enfin, Thierry Mariani a continué de jouer le rôle de gardien du temple qui lui est imparti dans la distribution que j'évoquais hier, et ce matin encore. On voit pourtant bien comment cette loi pourrait être prolongée par la suivante.
Du reste, il a eu deux mots malheureux – c'est le cas de le dire – à l'intention de notre collègue Garraud : il a déclaré qu'il devait « malheureusement » émettre un avis défavorable à son amendement, mais que M. Garraud serait « plus chanceux » par la suite, ce qui veut bien dire que c'est une malchance que de devoir repousser l'amendement.
Et Thierry Mariani de se réfugier, en effet, derrière le Conseil constitutionnel, comme s'il était convaincu du bien-fondé de l'amendement et prêt à l'approuver, n'était le Conseil constitutionnel.
Il me semblait bien aussi…
Christophe Caresche a eu raison de le dire, les lois existantes sont déjà assez dures avec les étrangers qui souhaitent épouser des Français, et elles jettent suffisamment de soupçons sur eux.
C'est au demeurant l'objectif que vous poursuivez dans ce texte de loi, notamment dans cet article, et en particulier dans cet amendement : continuer de faire planer le soupçon sur tout mariage entre un Français ou une Française et un étranger ou une étrangère. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il a raison ! C'est insupportable ! Laissez les gens se marier, ils en ont le droit !
M. le ministre a évoqué une augmentation du nombre de mariages de complaisance au cours des dernières années.
Et dans le mariage Bettencourt, il n'y avait pas une histoire d'argent ? Ce n'était pas un mariage d'amour ! (Sourires.)
Une histoire d'amour avec Mitterrand, peut-être ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)
Afin d'éclairer nos débats, j'aimerais que le ministre nous indique le nombre de condamnations prononcées pour mariages de complaisance, qui précisera la courbe ascendante sur laquelle il s'est fondé pour approuver plusieurs amendements, devenus depuis autant d'articles de cette loi.
Je ne veux pas reprendre la démonstration de Patrick Braouezec, mais lorsque vous indiquez que 80 % des annulations de mariages concernent des unions mixtes, pourquoi ne pas préciser également la proportion de mariages franco-français qui aboutissent à des divorces ?
En réalité, vous voulez faire peser un soupçon permanent sur les étrangers et sur les Français qui sont liés à des étrangers au point de les épouser. C'est ainsi que vous empoisonnez la vie de centaines de couples et de milliers de familles de ce pays ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Je l'ai dit en défendant la motion de rejet préalable : malheur à celui qui aime un étranger ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, malheur à celui qui aime un étranger ! Car pour lui, aujourd'hui, vivre tranquillement en famille dans ce pays relève de la performance. Le conjoint étranger doit chaque année renouveler son titre de séjour.
Il lui faut chaque année aller faire la queue à la préfecture en se faisant relayer pendant des jours et des jours, alors même qu'il est l'époux ou l'épouse d'un citoyen français, et il lui faut attendre jusqu'à quatre ans pour commencer à espérer être Français à son tour.
Vous jetez en permanence la suspicion sur ces couples qui ont le malheur d'être des couples mixtes. Or la société française est pleine de couples mixtes et ce mouvement ne s'arrêtera pas. Il ne constitue pas une menace, bien au contraire car il permet à notre pays de battre au rythme du reste du monde. N'en ayez pas peur !
En 2003, les mesures que vous aviez prises sous prétexte de lutter contre les mariages frauduleux …
… ont été invalidées par le Conseil constitutionnel. Une circulaire du ministère de l'intérieur est venue préciser les indices qui, dans les enquêtes préalables au mariage, permettent éventuellement de détecter des unions frauduleuses. Mais cela ne vous suffit pas !
Et si Christophe Caresche évoque le risque de voir des maires suspendre systématiquement certains mariages, c'est que nous avons eu l'exemple de dérapages commis pendant le débat sur l'identité nationale. Je vous rappelle les propos tenus par un petit maire à la faveur d'une réunion organisée dans la ville de Maurras.
Eh bien celui-là, celui qui a parlé d' « invasion », il est tout petit, monsieur Myard !
Bien sûr, il n'y a que des maires de France.
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Garraud ?
J'aimerais que nous redescendions sur terre et que nous parlions de la réalité de cet amendement, lequel ne remet aucunement en cause la liberté du mariage,…
…pas plus qu'il ne fait le procès des mariages mixtes.
Cet amendement dit simplement qu'en cas de suspicion de mariage de complaisance – et nous connaissons tous des maires confrontés à ce problème –,…
…le procureur de la République, saisi par le maire, pourrait surseoir à la célébration pour diligenter une enquête digne de ce nom car, en réalité – nous le savons tous mais vous ne voulez pas l'admettre –, il n'y a pas actuellement de véritable enquête sur le terrain. Nous souhaitons simplement que de véritables enquêtes puissent être menées à la demande des autorités judiciaires pour que la vérité soit dite.
Je ne vois pas ce qu'il y a d'incompréhensible ou d'affreux à ce que la vérité soit dite dans ce domaine comme dans d'autres.
Je ne pense pas que puisse se poser le même problème qu'en 2003 : cet amendement n'est pas inconstitutionnel, il ne constitue en rien une atteinte à la liberté du mariage.
Monsieur le ministre, j'entends bien vos arguments. Il y aura la lecture au Sénat, une deuxième lecture dans notre assemblée. Toutefois, il s'agit d'un sujet très important pour nos maires, quels qu'ils soient, et je souhaiterais que cet amendement soit soumis au vote, quitte à revenir sur ses dispositions en deuxième lecture.
Si l'amendement est maintenu, il sera effectivement mis aux voix. Et je persiste à dire que ses motifs sont très proches de ceux qui sous-tendaient les dispositions votées en 2003.
Avec le sourire, je dirai à Mme Mazetier, que j'ai connue mieux inspirée, qu'elle qui accuse cette majorité de faire en permanence le procès des mariages mixtes devrait savoir qu'elle a sous ses yeux un ministre et un rapporteur qui sont des exemples types de mariage mixte.
Je n'ai pas fait allusion à vos situations personnelles volontairement !
J'aimerais que nous allions jusqu'au bout du débat. Quel est le problème soulevé à chaque projet de loi sur l'immigration ? Tout simplement la possibilité d'acquérir la nationalité française par mariage. À ce propos, j'aimerais citer quelques chiffres : le nombre de personnes ayant acquis la nationalité française par mariage était de 29 276 en 2006, d'un peu plus de 30 000 en 2007 et de 16 000 en 2008 et en 2009. Ces statistiques montrent très clairement que les mesures que vous avez prises ont entraîné une chute importante du nombre d'acquisitions de la nationalité par mariage, qui a été réduit de moitié.
Bien sûr que si, puisque vous avez allongé les délais entre le mariage et l'acquisition de la nationalité.
Que voulez-vous de plus ? Réduire encore ces chiffres ?
Toujours est-il que vous ne pouvez nier que ces mesures ont eu un impact significatif.
À ce stade de notre discussion, personne n'a répondu à la question des nouveaux critères objectifs de suspicion qui seraient établis au-delà de ceux qui existent déjà.
Vous dites que la disposition prévue permettrait de donner du temps au procureur de la République pour mener une enquête.
Je rejoins ce que disait Thierry Mariani quand il soulignait que les dispositions législatives actuelles sont suffisamment claires.
Par ailleurs, je regrette que le vote de cet amendement nous place dans la même situation que tout à l'heure, lorsque nous avons quitté ces bancs pour vous laisser face à vos contradictions au moment du vote d'un amendement inconstitutionnel.
Je ne sais quoi faire. J'ai bien envie de vous laisser de nouveau devant vos contradictions, mais je suis sûr que le ministre demandera une suspension de séance pour tenter de vous ramener à la raison. Avouez que nous sommes dans un rôle qui n'est pas très confortable – en tout cas, c'est ainsi que je le vis –...
…car il nous oblige à jouer les arbitres pour faire en sorte que la loi soit la moins mauvaise possible par rapport à la surenchère à laquelle certains d'entre vous se livrent.
J'irai dans le même sens que M. Braouezec. Nous sommes dans une situation quelque peu paradoxale puisque nous voici, sur les bancs de gauche, condamnés à aider le Gouvernement et le rapporteur à lutter contre les plus ultras de leur majorité.
Nous pourrions pratiquer la politique de Ponce Pilate et nous en aller au moment du vote pour vous laisser vous débrouiller entre vous.
Sauf que l'amendement de M. Garraud n'a rien d'anodin. Notre devoir républicain nous impose de protéger ceux qui veulent accéder à la nationalité. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
En conséquence, nous assumerons nos responsabilités en aidant le Gouvernement et le rapporteur, non « à l'insu de notre plein gré », mais parce que nous avons la volonté politique de casser la spirale du refus de l'autre que vous êtes en train de mettre en place. C'est la raison pour laquelle nous participerons à ce vote.
Ceux qui ne connaîtraient pas la situation française seraient surpris d'entendre nos débats. Je rappelle que la France a le taux de mariages mixtes le plus élevé en Europe ; un sur trois, ce qui est une proportion très élevée.
Madame Mazetier, je n'ai pas ici tous les éléments nécessaires pour vous répondre, mais je vous indique qu'une étude de la Chancellerie a montré que près de 8 % des mariages mixtes étaient des mariages de complaisance. Et je répète que 80 % – 83 % exactement – des décisions d'annulation ont concerné des mariages mixtes.
Vous pouvez en tirer les conclusions que vous voulez. J'estime que c'est éclairant.
Quant à M. Braouezec, je me demande comment il peut affirmer que les textes existants permettaient à ses services de l'alerter en tant que maire en cas de suspicion et dire dans la phrase suivante qu'il ne comprend pas ce qui fonde la suspicion. Sur quoi vous alertaient donc vos services ? Sur rien ? Soyez cohérent.
Ils se fondaient très probablement sur l'article L. 623-1 du CESEDA aux termes duquel « le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». La base objective que vous recherchez est là : il s'agit tout bonnement de la loi. Et vos services l'ont à bon droit appliquée.
Je suggérerai enfin à M. Garraud de ne pas tomber dans le piège un peu grossier qui lui a été tendu. Nous pouvons faire un travail intelligent ensemble parce que nous partageons la conviction que si le mariage mixte n'a pas à être remis en cause, le mariage de complaisance doit être pourchassé. C'est pourquoi je lui demande à nouveau de retirer son amendement.
Monsieur le ministre, nous pouvons travailler ensemble quel que soit le résultat du vote, puisqu'il y aura deux lectures.
Je maintiens ma position et souhaite que cet amendement important soit mis aux voix. Je n'entends pas céder à toutes les manipulations de l'opposition.
Le résultat n'est pas clair, monsieur le président. Il faudrait procéder par assis-debout !
Monsieur Myard, faites donc, comme toujours, confiance à la présidence.
L'article 5 prévoit de conditionner le renouvellement des titres de séjour par le respect des clauses du contrat d'accueil et d'intégration, ouvrant ainsi la voie à un nombre infini de cas de non-renouvellement.
Nous ne nous situons plus ici dans le cadre de l'acquisition de la nationalité française, mais dans celui du droit de séjour et du renouvellement des titres de séjour de personnes qui rejoignent notre pays pour une durée plus ou moins longue : je le dis à l'intention de certains de nos collègues qui ont tendance à tout mélanger.
Nous sommes totalement opposés à ces conditions extraordinairement vagues. Aussi avons-nous déposé à l'article 5 un amendement qui vise à faire du CAI un réel contrat qui engage les deux parties, c'est-à-dire tant la personne qui le signe que la France, ce qui n'est pas le cas actuellement. Nous proposons que le droit à l'apprentissage du français soit effectif et qu'on se donne enfin les moyens de permettre à ceux qui nous rejoignent d'approfondir leur connaissance de notre langue. Voilà ce qui devrait figurer dans le contrat d'accueil et d'intégration.
Avec l'article 5, vous ouvrez une fois de plus le champ à l'arbitraire pour justifier le non-renouvellement des titres de séjour. Nous souhaitons qu'il soit mis fin à la précarité du séjour dans notre pays, car elle empêche les personnes qui nous rejoignent de construire réellement un projet migratoire dans la durée, en leur interdisant par exemple de contracter un emprunt ou de signer un bail de longue durée.
Nous nous opposons donc à cet article.
Monsieur le rapporteur, je comprends mieux votre empressement à trouver l'un des signataires. (Sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
(L'amendement n° 258 est adopté.)
Le I de l'article 5 du projet de loi modifie l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour préciser au regard de quels critères le respect des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration souscrit par l'étranger doit être évalué. Sont ainsi précisées les conditions du respect des valeurs fondamentales de la République ainsi que des différents engagements formalisés par ce contrat.
La session d'information sur la vie en France est distincte de la formation civique, qui est mentionnée également dans ce même article 5. Elle n'est de plus nullement obligatoire puisqu'elle permet aux signataires du CAI qui en auraient réellement besoin de mieux connaître les aspects pratiques de la vie en France, notamment les démarches de la vie quotidienne et l'accès aux services publics. Certains signataires du CAI ne participent donc pas à cette session. Les mots « le cas échéant » permettent de tenir compte de ces situations.
Favorable.
(L'amendement n° 33 est adopté sans opposition.)
Défavorable.
(L'amendement n° 259 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 386 rectifié .
Nous souhaitons que le CAI engage les deux parties, c'est-à-dire le signataire du contrat mais aussi l'État, et que les modalités d'organisation des formations linguistiques tiennent compte des obligations des signataires du contrat, comme l'exercice d'un travail ou l'entretien des personnes à charge. Il faut en effet éviter de pointer un refus d'intégration au motif qu'une personne serait empêchée de suivre une session qui aurait lieu pendant sa journée de travail.
Le deuxième objet de cet amendement est de permettre aux étrangers vivant en France et souhaitant pleinement s'intégrer d'avoir une meilleure pratique et une meilleure maîtrise de la langue française. Pour ce faire, encore faut-il que les pouvoirs publics mettent en place des formations de qualité et en quantité suffisante.
Avis défavorable.
L'OFII consacre déjà des moyens très importants à la formation des étrangers primo-arrivants. En 2008, 22 000 personnes ont pu bénéficier de formations linguistiques à la charge de l'opérateur. Lui assigner une obligation de moyens, c'est exposer sa responsabilité juridique pour la formation de tout étranger primo-arrivant alors que l'État s'engage déjà, par son intermédiaire, à délivrer une formation de base gratuite.
En outre, exiger de l'OFII qu'il adapte ses structures et ses modules aux contraintes des publics auxquels il délivre gratuitement ces formations n'est pas très raisonnable. Ce serait imputer à l'opérateur des charges supplémentaires et générer un surcoût pour les finances publiques ou pour ceux qui s'acquittent des taxes OFII à l'occasion de la délivrance des premiers titres de séjour.
Pour mémoire, le coût de la formation d'un étranger en CAI avoisine 2 000 euros, ce qui n'est pas négligeable – je vous laisse calculer ce que cela représente si 22 000 personnes en bénéficient dans une année.
De même, il n'apparaît pas souhaitable de conférer aux étrangers primo-arrivants un droit spécifique à la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue, qui est financée par les employeurs.
Sur la forme, la détermination des publics bénéficiaires de la formation professionnelle n'incombe pas à la loi, mais aux accords de branche, dans le cadre de financements directs par les organismes collectifs paritaires agréés, ou aux accords interprofessionnels, pour ce qui est des financements par l'intermédiaire du fonds de sécurisation des parcours professionnels.
Sur le fond, au-delà de la formation linguistique initiale des primo-arrivants par l'OFII, les étrangers ne se trouvent pas, par principe, exclus d'une formation professionnelle continue qui aurait pour but de les familiariser davantage avec la langue française. Cela dit, cette formation ne peut intervenir en leur qualité d'étranger, mais plutôt du fait qu'ils appartiennent effectivement à la population active.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les raisons qui viennent d'être exposées par le rapporteur.
(L'amendement n° 386 rectifié n'est pas adopté.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 393 .
Chacun sait maintenant que l'obtention d'une carte de séjour revient à effectuer un véritable parcours du combattant puisqu'il faut satisfaire aux exigences du contrat d'accueil et suivre les formations requises. On se demande donc pourquoi il faudrait refaire le même parcours du combattant lors du renouvellement de la carte de séjour, sauf à vouloir signifier à l'étranger qu'il ne sera jamais tranquille. Finalement, on le met en situation de fragilisation et de précarité quant à sa présence sur le sol français.
Dès lors qu'il a déjà franchi une première fois les étapes de ce parcours du combattant, il serait naturel que sa carte de séjour soit renouvelée sans qu'il soit obligé de repasser par la case départ, sauf en cas de manquements.
L'article L. 314-2 du CESEDA dispose : « Lorsque le code le prévoit, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française. »
Afin d'aider l'autorité préfectorale dans sa mission d'appréciation de cette intégration, le texte identifie les critères au regard desquels elle doit forger sa décision.
Une certaine ambiguïté vient du fait que le deuxième alinéa du même article L. 314-2 du CESEDA ajoute, s'agissant explicitement de l'appréciation de la condition d'intégration, que l'autorité administrative doit tenir compte de la souscription et du respect, par l'étranger, des engagements figurant dans le CAI.
Cette rédaction se heurte également à une difficulté pratique, liée au fait que l'examen de la délivrance d'une première carte de résident ne peut s'effectuer au regard de la seule observation des stipulations d'un CAI conclu bien antérieurement et généralisé à l'ensemble du territoire métropolitain depuis quelques années seulement. En l'état actuel, force est de reconnaître que bien peu des demandeurs remplissent la condition posée au deuxième alinéa de l'article L. 314-2 du CESEDA.
Tirant la conséquence de ces constats, la disposition que cet amendement vise à supprimer fait de la souscription et du respect des engagements pris dans le cadre du CAI un critère parmi d'autres de la condition d'intégration requise pour l'obtention d'une carte de résident.
Ainsi, mon cher collègue, supprimer cet alinéa ne serait certainement pas à l'avantage des étrangers dont la carte de résident doit être renouvelée.
Avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Monsieur Braouezec, vous ne pouvez pas, d'un côté, , comme vous l'avez fait hier soir, refuser de parler d'assimilation au bénéfice de l'intégration et, de l'autre, vous étonner que l'administration vérifie la bonne intégration de l'étranger.
Cet article me pose problème et l'amendement de M. Braouezec qui parle de parcours du combattant me donne envie d'intervenir.
Monsieur le ministre, je ne sais pas si c'est par amitié, mais je vous écris de plus en plus, et d'ailleurs, vous me répondez assez rapidement.
Il y a un ou deux ans, je vous écrivais une fois par mois. Maintenant, il m'arrive de le faire deux à trois fois par semaine en raison de cette avalanche de textes législatifs qui durcissent l'entrée des étrangers en France, l'obtention de la première carte de séjour et son renouvellement, et que les agents finissent par ne plus très bien savoir appliquer.
Je vais vous citer deux cas, mais je pourrais en énumérer une vingtaine. Certains ont été résolus, d'autres non.
Un jeune homme, issu d'un pays d'Europe n'appartenant pas à l'Union européenne, est venu en France en 2000 pour faire des études de musique. Il bénéficiait d'une bourse de l'État français tellement il était doué. Ce monsieur s'est installé en France, parle français, est reconnu, joue dans des orchestres symphoniques et est talentueux. Il se marie, puis divorce – ce sont des choses qui arrivent à n'importe quel couple de « bons français », pour reprendre des propos tenus hier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il a dû quitter le territoire français pour rupture de vie privée et familiale – la définition de la vie privée devient de plus en plus compliquée. Je suis intervenue, et il a réussi à obtenir une carte de séjour d'un an. Mais que va-t-il se passer dans les mois qui viennent quand il va devoir procéder au renouvellement de sa carte de séjour ? Je vous rappelle qu'il vit en France depuis 2000, qu'il n'a plus d'attaches dans son pays et qu'il a eu un enfant ici.
Il a fallu un concert de soutien de très grands musiciens de ce pays pour qu'il obtienne cette carte de séjour d'un an.
Le deuxième cas que je veux évoquer concerne un jeune homme issu d'un pays un peu plus lointain et né en France en 1988. Il a un titre républicain d'identité et est titulaire d'un bac professionnel, ce qui signifie qu'il parle le français. Il a quitté la France pendant dix ans pour des raisons familiales mais est revenu. Toute sa famille est en France, sauf une soeur qui est restée dans son pays. Il remplit donc les conditions du contrat d'accueil et d'intégration. Mais il a été obligé de quitter le territoire français pour rupture de vie privée et familiale.
Voilà un an que le dossier est en souffrance et je n'ai toujours pas obtenu de réponse. Ce jeune homme vit dans une grande incertitude alors qu'il est né en France.
Je tiens les deux courriers à votre disposition, monsieur le ministre, ainsi qu'une quinzaine d'autres qu'on m'a transmis au cours des seuls six derniers mois.
Christophe Caresche vient de le souligner : nous nous trouvons dans une situation ubuesque. Plus personne ne s'y retrouve dans cette avalanche de textes, si bien que nous finissons par « fabriquer » des personnes en situation irrégulière, même quand elles sont nées en France, même quand on les a fait venir. C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Les deux exemples mentionnés par notre collègue montrent bien à quelle rigidité nous nous heurtons de la part de l'administration, et vous-mêmes, chers collègues de la majorité, avez sans doute des dizaines de cas similaires à traiter.
On ne devrait pas nourrir de suspicion a priori.
Ce texte considère qu'on est a priori sinon coupable, du moins suspect.
À quoi vise le présent alinéa sinon à rendre encore plus précaire la situation d'un étranger qui a déjà dû réaliser un vrai parcours du combattant et qui, pour une raison ou pour une autre, ne dispose d'une carte valable qu'un an ?
Danièle Hoffman-Rispal a eu raison de rappeler qu'un très grand nombre de ceux dont nous parlons sont devenus des sans-papiers à cause de vos réformes législatives successives.
Grotesque ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Non, ce n'est pas grotesque puisque c'est vrai, et vous le savez très bien, monsieur le ministre. Vous-même avez d'ailleurs dénoncé cette situation – je ne reprendrai pas les propos de M. Ayrault – dans une autre vie, et à juste titre, comme nous le faisons, nous, aujourd'hui. Les lois Pasqua et les lois Debré ont multiplié les sans-papiers, à l'instar des lois Sarkozy, au point que des gens qui pourraient vivre correctement dans ce pays et en toute tranquillité, se retrouvent menacés d'expulsion.
(L'amendement n° 393 n'est pas adopté.)
(L'article 5, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Pascale Crozon, pour soutenir l'amendement n° 384 rectifié , portant article additionnel après l'article 5.
Cet amendement concerne le parrainage républicain et trouve son origine dans celui présenté en commission des lois par le premier questeur, signé par un certain nombre d'entre vous mais rejeté par la commission en vertu de l'article 40 de la Constitution. Nous l'avons repris sous une autre forme.
Nous souhaitons que le principe d'égalité soit respecté par tous les maires et que le parrainage républicain soit codifié dans la loi. Tous les maires pourront ainsi procéder à cette cérémonie sans difficulté, la reconnaissance de ce parrainage nous paraissant importante.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement lui-même, même si elle en partage l'intention. La commission donnera du reste un avis favorable à l'amendement de Richard Mallié, que nous préférons au vôtre, chère collègue, dans la mesure où vous employez un vocabulaire religieux alors que la cérémonie en question est civile. Le mot « baptême » revêt une connotation religieuse évidente, alors que le mot « parrainage » a une connotation civile. J'espère donc que vous nous rejoindrez pour voter l'amendement du premier questeur.
Pas du tout, nous procédons bien à des baptêmes républicains dans les mairies !
Même avis.
L'exposé des motifs de l'amendement précise bien que le baptême républicain a été instauré le 8 juin 1794 et qu'il s'agit de l'appellation originelle. Il n'est du reste pas question de baptême religieux dans le texte de l'amendement.
Il serait dommage de ne pas voter cet amendement alors que nous avons longuement évoqué la fameuse charte des droits et devoirs du citoyen français qui sera donnée aux personnes naturalisées, certains imaginant même qu'on la remette à l'ensemble de nos concitoyens. J'avais moi-même proposé un amendement visant à intégrer le préambule de la Constitution de la Ve République ou bien ladite charte dans les livrets de mariage.
La logique de l'amendement participe en tout cas du pacte républicain que, j'espère, nous défendons tous.
Je suis très favorable au parrainage républicain et, il y a quelques années, j'avais déposé sur le bureau de l'Assemblée une proposition de loi sur la question. Je ne peux cependant pas admettre le terme « baptême ». Je préside à de tels parrainages en tant que maire.
J'en profite pour vous rappeler, madame Mazetier, qu'il n'y a pas de « petits maires » mais seulement des maires élus au suffrage universel. Je trouve par conséquent votre expression inacceptable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez là commis une belle bévue qui vous sera imputée au compte du suffrage universel.
Quand j'organise des parrainages républicains, j'insiste sur le fait que je ne suis ni curé, ni prêtre, ni rabbin, ni imam, mais officier d'état civil.
Le parrainage républicain est une possibilité offerte à ceux qui souhaitent en bénéficier. Il reflète la notion de fraternité : des adultes peuvent s'occuper d'un enfant qui n'est pas le leur en cas de défaillance des parents, et pas seulement pour lui offrir des cadeaux à Noël.
(L'amendement n° 384 rectifié n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 404 .
Défendu.
(L'amendement n° 404 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 387 de Mme Mazetier et 394 de M. Braouezec. Tous deux sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Il s'agit de diviser par deux les taxes applicables aux titres de séjour acquittées par les étrangers. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques. L'un des amendements précédents du groupe SRC, que nous avons rejeté, visait à faire peser deux fois plus de charges sur l'OFII ; si nous votions ceux-ci, nous disposerions de deux fois moins de recettes. No comment !
Venant de champions des niches fiscales, l'argument ne manque pas de piquant !
« No comment » n'est pas français, monsieur Mariani. Vous n'auriez pas votre diplôme ! (Sourires.)
M. Mariani voulait dire : pas de commentaire ; le compte rendu le rendra parfaitement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
Après l'article 5
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 509 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Notre ami premier questeur, Richard Mallié, étant retenu pour une mission à l'étranger, il m'a demandé de soutenir cet amendement, ce que je fais d'autant plus volontiers que j'en suis le deuxième signataire. Cet amendement rejoint d'ailleurs le vôtre, chers collègues du groupe socialiste, à un ou deux mots près.
Depuis 1794, le parrainage républicain est destiné à faire entrer l'enfant ou l'adulte dans la communauté républicaine et donc à le faire adhérer de manière symbolique aux valeurs républicaines. Le parrain était celui qui accueillait le nouveau membre de la communauté et l'accompagnait ensuite dans sa vie de citoyen.
Aujourd'hui, la notion de parrainage a connu une évolution et se décline sous de nouvelles formes : parrainage d'enfants étrangers, parrainage culturel, parrainage scolaire ou encore parrainage professionnel.
Tandis que, dans les années 1970, plusieurs circulaires ont eu pour objet de promouvoir et développer le parrainage associatif, le parrainage républicain n'a, à ce jour, aucune reconnaissance légale, et ce malgré un engouement croissant en France depuis quelques années, dans des mairies de gauche ou de droite.
Instauré par un décret du 20 prairial an II, c'est-à-dire du 8 juin 1794, le parrainage républicain n'a plus eu de consécration normative depuis la IIIe République. Il n'était en effet prévu par aucun texte législatif. Les maires ne sont donc pas tenus de le célébrer, et s'ils le font, les certificats ou documents délivrés pour l'occasion, ainsi que la tenue d'un registre officieux, ne présentent aucune valeur juridique.
Alors que le parrainage associatif fait aujourd'hui l'objet d'une reconnaissance institutionnelle, le silence des textes sur le parrainage républicain interpelle. Cette situation entraîne un certain nombre de conséquences : aucun cérémonial n'est prévu, et comme les parrainages ne font pas l'objet d'un enregistrement obligatoire, aucune statistique n'est disponible. De plus, quelques maires refusent de célébrer un parrainage républicain alors que d'autres se prêtent à la cérémonie, ce qui remet en cause le principe même d'égalité.
C'est pourquoi il convient aujourd'hui de codifier le parrainage républicain dans la loi.
Il semble tout d'abord important d'instaurer un cérémonial républicain autour du drapeau tricolore, de La Marseillaise et de la charte des droits et devoirs du citoyen français.
Il faut ensuite reconnaître une place aux personnes qui font le choix de s'engager moralement aux côtés du filleul. Au-delà des parents ou alliés de l'enfant, le code civil offre d'ores et déjà au juge la possibilité d'appeler, pour faire partie du conseil de famille, « des amis, des voisins ou toutes autres personnes qui lui semblent pouvoir s'intéresser à l'enfant ». Dès lors que le parrainage républicain reçoit une reconnaissance législative, ce que nous pouvons faire à travers cet amendement, les parrain et marraine de l'enfant doivent pouvoir être membres du conseil de famille. De même, en cas de décès des parents ou de déchéance de leur autorité parentale, le juge des tutelles doit être amené à prendre en considération le rôle des marraine et parrain civils. Il est tout aussi légitime de laisser aux parents la liberté de désigner, s'ils le souhaitent, le parrain ou la marraine comme tuteur de leur enfant.
Au moment du chacun pour soi, l'institutionnalisation d'un lien symbolique entre les Français et la République est riche de sens. Au nom de la fraternité, l'une des valeurs fondamentales de la Constitution, nous pouvons, par cet amendement, apporter une réponse républicaine.
Ils sont purement rédactionnels. La commission est favorable à l'amendement comme aux deux sous-amendements.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et les sous-amendements ?
En commission, le Gouvernement avait émis un certain nombre de craintes quant aux conséquences des cérémonies sur l'état civil. Mais les sous-amendements du rapporteur améliorent la rédaction de l'amendement. Sous réserve de leur adoption, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Je m'interroge sur la portée de cet amendement visant à instituer le parrainage républicain, et ce pour plusieurs raisons.
Quelle force juridique aura l'engagement du parrain et de la marraine. Leur sera-t-il opposable, par exemple, en cas de décès des parents ? Seront-ils tenus d'assurer l'éducation de leur filleul ? Puisque le terme de parrainage est utilisé, en quoi consiste-t-il concrètement ? Il me semble que nous avons besoin d'éléments d'information.
Mais nous devons aussi nous interroger sur la dimension républicaine qu'aurait cette cérémonie. L'exposé sommaire de l'amendement indique que, depuis 1794, « le parrainage républicain est destiné à faire entrer l'enfant ou l'adulte dans la communauté républicaine ».
Nous pouvons tout d'abord nous demander si une telle entrée dans la « communauté républicaine », si celle-ci devait exister, doit rester une option, une faculté laissée à l'appréciation de chacun, ou si elle ne doit pas être une obligation.
Mais je voudrais aussi m'interroger sur le terme de « communauté républicaine ». Qu'est-ce que la communauté républicaine ? Nous connaissons la République. Nous connaissons la nation. Nous connaissons le peuple. Nous ne connaissons pas la communauté républicaine.
C'est pourquoi, personnellement, je voterai contre cet amendement.
Je suis très réservé sur cet amendement, et ce pour plusieurs raisons.
En tant que maire, il m'arrive, pour respecter les opinions de chacun, de célébrer des parrainages républicains. Néanmoins, je ne connais pas la définition juridique d'un parrain ou d'une marraine. Ces mots ont aussi, et avant toute chose, un sens religieux.
Je suis heureux que le terme de « baptême » n'ait pas été retenu dans la rédaction de cet amendement, parce que l'immersion par l'eau, étymologiquement, renvoie à une autre métaphysique.
Le conseil de famille intervient dans d'autres textes législatifs, en particulier ceux concernant les hospitalisations sous contrainte. Ce terme ne me semble pas clairement défini. Et comme vient de le dire excellemment mon collègue Breton, que se passe-t-il en cas de décès des deux parents, alors que la loi a déjà organisé et ordonné la désignation des ascendants majeurs ou des descendants majeurs ? C'est également le cas du texte sur les hospitalisations sous contrainte.
Enfin, je ne sais pas non plus ce qu'est la communauté républicaine. Je connais la nation, je connais l'État, je connais la République, mais je ne sais pas ce qu'est cette communauté républicaine.
Je ne vois donc pas l'intérêt d'inscrire ce texte dans la loi. Il me semblerait plus sage de conserver le vocable de parrainage républicain et de faire en sorte que celles et ceux qui souhaitent célébrer cette cérémonie à la mairie puissent le faire, et que les officiers d'état civil que sont les maires puissent répondre aux demandes des familles. Mais je ne vois vraiment pas l'intérêt de ce texte, qui me semble extrêmement hasardeux.
Nous voterons cet amendement, qui est en fait à peu près le même que celui que nous avons défendu tout à l'heure.
Je ne vais pas répondre à mes collègues. Je pense que le rapporteur le fera. Je note toutefois qu'un décret en Conseil d'État sera pris. Il fixera un certain nombre de modalités, et apportera peut-être des réponses aux questions qui viennent d'être posées.
Je pense que cet amendement est une bonne réponse républicaine. Et surtout, il apportera une réponse juridique que nous n'avons pas aujourd'hui.
J'ajoute qu'il y a de moins de moins de mariages. De plus en plus d'enfants ont des parents pacsés, ou ni mariés ni pacsés. Cette réponse républicaine est peut-être adéquate pour eux.
Il m'a été donné tout à l'heure de dire pourquoi j'étais favorable à cet amendement, que j'ai cosigné. J'avais d'ailleurs déposé une proposition de loi allant dans le même sens.
Premièrement, cet amendement ouvre une possibilité, et rien d'autre. Elle est laissée au choix de nos concitoyens.
Deuxièmement, la devise de la République étant « Liberté, Égalité, Fraternité », je ne vois pas pourquoi on empêcherait un homme, une femme, de parrainer un filleul selon un rite civil. Cela s'est déjà fait dans le passé, et je crois que nous pouvons reprendre cette pratique.
Au moment où nous communiquons avec la planète entière par internet, lorsque l'on voit deux adultes manifester la volonté de parrainer un enfant, je trouve que c'est quand même une démarche qui mérite intérêt.
Il va de soi que la possibilité ainsi ouverte doit être assez souple. C'est le cas dans cet amendement. Il faut une certaine liberté, mais il faut aussi donner à cet acte une certaine solennité. Je ne vois pas pourquoi nous n'ouvririons pas cette possibilité. J'approuve donc sans réserve la création du parrainage républicain.
S'agissant des questions relatives à la filiation, je rappelle que, en cas de décès des parents, que ceux-ci aient été mariés, pacsés ou ni mariés ni pacsés, la loi prévoit toujours les conditions dans lesquelles sont désignés les adultes qui sont censés prendre en charge l'enfant.
Les cérémonies de parrainage, je le répète, existent déjà. J'attire l'attention de mes collègues sur le fait qu'un tel texte introduirait une confusion. Ou alors, il faudra légiférer pour dire si, en cas de décès des parents, les parrain et marraine ont, hiérarchiquement, un rang supérieur qui les appellerait à se substituer aux parents. On entre ainsi, monsieur Myard, dans un engrenage que je redoute terriblement, en particulier pour les décisions qui seront prises en cas de décès des parents.
Heureusement, le texte impose l'accord des deux parents. Pour ma part, j'ai rencontré le cas d'une demande de parrainage formulée par une mère séparée du père, lequel n'était pas d'accord avec cette demande et voulait intenter une action en justice. Celle-ci n'a pas abouti, car cette cérémonie n'est pas un sacrement au sens religieux du terme et n'est pas inscrite dans nos lois sur la filiation.
Je ne vois donc pas l'intérêt d'inscrire, par cet amendement, cette cérémonie dans la loi. Certes, c'est une belle cérémonie, qui est déjà pratiquée, mais j'en redoute les conséquences à terme pour les enfants.
Personnellement, j'ai signé cet amendement, et je vais continuer d'honorer ma signature.
Il y a quarante ans, alors que j'étais jeune maire, pratiquement aucune demande de parrainage républicain n'était formulée, mais on en voit affluer depuis dix ou quinze ans. Nous avons donc ouvert un registre, mais rien n'est codifié. L'initiative de M. Mallié, visant à créer une espèce de cadre de juridique, me paraissait donc heureuse.
Certains pensent que cela va entraîner quelques problèmes, mais, à mes yeux, le parrainage républicain ne vaut pas transmission d'autorité et n'affecte pas les règles qui prévalent en matière de filiation lorsque le père ou la mère disparaît.
Ce n'en est pas moins une cérémonie à laquelle tiennent certaines familles qui ne veulent pas du baptême religieux, et cela me semble une façon intéressante pour les uns et pour les autres d'établir un parrainage.
En vous en remettant, monsieur le ministre, à la sagesse de notre assemblée, vous interrogez chacun de nous individuellement.
Je comprends bien l'intention dont procède cet amendement, et je la partage assez. Cependant, le parrainage républicain existe déjà.
Certes, il n'y a pas de texte législatif, mais je crains vraiment que l'on ne crée davantage de problèmes en légiférant sur cette question que l'on en résoudra.
De deux choses l'une : soit le parrain et la marraine ne sont comptables de rien, mais c'est déjà le cas ; soit le parrainage les engage de manière plus contraignante, mais l'on s'avance alors sur la voie de conflits en matière de filiation, avec les grands-parents, avec les frères et soeurs, etc.
L'ajout d'une telle disposition à la loi me paraît préoccupante : elle présente plus d'inconvénients que d'avantages. Pour ne rien vous cacher, je ne voterai ni pour ni contre, je m'abstiendrai, mais je veux attirer l'attention de l'Assemblée sur les conséquences possibles de l'adoption d'un tel amendement.
Si l'on poursuit ces raisonnements, demandons-nous quel est le statut des témoins des mariages civils. Je ne sais pas, pour ma part, ce que sont, y compris dans le cadre religieux, un parrain et une marraine, mais, je le répète, la loi a déjà prévu qui devrait, le cas échéant, se substituer aux parents.
Je redoute vraiment des décisions susceptibles de créer la confusion et le désordre dans les familles, et qui seront très compliquées à gérer pour les magistrats.
Je comprends très bien la volonté qui sous-tend cet amendement, et je partage le désir de donner un statut aux parrainages républicains que, les uns et les autres, nous célébrons dans nos municipalités respectives. Je ne comprends pas, en revanche, pourquoi cette possibilité est réservée aux citoyens français.
Nos communes organisent effectivement des parrainages républicains pour tous leurs citoyens, y compris les étrangers.
Votre proposition de donner un cadre régulier à une cérémonie qui existe déjà est donc extrêmement restrictive, d'autant que la présence d'un tel amendement dans le cadre de la discussion de ce projet de loi n'a de sens que si les dispositions qu'il tend à instaurer peuvent s'appliquer à toute la population, étrangers compris.
On peut certes essayer de se faire des noeuds au cerveau, on peut adopter la formule de L'Os à moelle – « je suis pour ce qui est contre et contre ce qui est pour » – mais soyez simples ! N'allez pas chercher midi à quatorze heures !
L'acte du parrainage républicain a vraiment une symbolique, et nous ouvrons officiellement la possibilité de l'accomplir officiellement, et qu'une trace en soit conservée. Il est bien évident que c'est ouvert à tout le monde, on ne demandera pas aux personnes concernées si elles sont françaises ou non. Je ne comprends d'ailleurs pas ces questions pour la bonne et simple raison que, lorsqu'on se marie et dès lors que l'on est en situation régulière, il s'agit d'un acte symbolique.
Je suis donc intimement convaincu que cet amendement va dans le bon sens. Il faut cesser de tergiverser. Il répond à une demande réelle et correspond à une réalité qui a cours dans nos mairies, même si certains s'y refusent au motif qu'ils ne sont pas curés ; pour ma part, je n'ai pas le sentiment d'être un prêtre.
Le parrainage républicain est porteur de valeurs républicaines fondamentales. Pourquoi donc la République ne les reprendrait-elle pas à son compte ?
À mes collègues qui s'interrogent sur les possibles conséquences de l'adoption de l'amendement déposé par M. Mallié et présenté par M. Mariani, je veux signaler que notre amendement évitait les conséquences redoutées par M. Dhuicq. Il comportait tout ce que vous souhaitiez pour garantir l'égalité des parents qui souhaitent un parrainage républicain et qui sont aujourd'hui soumis à la bonne volonté des maires. Il n'établissait aucun lien avec un registre qui confèrerait des responsabilités particulières au parrain ou à la marraine et qui serait susceptible d'entraîner, en cas de décès des parents, des confusions en matière de filiation. Enfin, il n'établissait aucune distinction entre citoyens français et autres habitants des communes.
Un peu rapidement, je peux le comprendre, vous avez repoussé l'amendement n° 384 rectifié . Vous pouvez cependant le reprendre pour rectifier l'amendement de Richard Mallié. Cela satisferait ceux qui ont formulé des remarques, sécuriserait le dispositif et donnerait enfin, dans ce pays, droit au parrainage républicain à toute personne qui en fait la demande.
Je reviens sur la notion de communauté républicaine.
On peut comprendre le caractère altruiste du parrainage et en faire un argument de vente en faveur de l'institution de cette cérémonie. Cependant, il procède d'une conception ayant eu cours en une période sombre de notre histoire, sous la Révolution. L'exposé sommaire renvoie effectivement au décret du 20 prairial an II, 8 juin 1794 ; les enfants étaient alors placés sous la tutelle d'un État, d'une république. Telle n'est pas notre conception, il faut le dire très clairement. (« Chouan ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Que l'on envisage des opérations de parrainage relevant de l'altruisme et que l'on définisse clairement les engagements des parrains et des marraines, d'accord. Quant à l'aspect symbolique, qui fait toute la portée de ce texte, il relève d'une conception de la République qui est différente selon la lecture que l'on a de notre histoire. Pour ma part, je n'en fais pas la même.
Je me rappelle les propos tenus par M. le ministre au début de ce débat : d'un côté, une majorité unie avait une vision très claire de la nationalité et de ses conditions d'acquisition, des valeurs de la République ; de l'autre, nous, qui n'avions aucune idée précise sur tout cela. Plus ce débat avance, plus les rôles ainsi définis sont inversés.
Peut-être cette confusion s'explique-t-elle, monsieur le ministre, par le fait que ceux que vous avez à votre gauche lorsque vous parlez face à l'hémicycle se retrouvent à votre droite lorsque vous êtes assis au banc des ministres, et inversement, mais écoutez bien ce qui se dit. Écoutez notamment les propos de M. Breton ; je n'y souscris absolument pas mais la parole de M. Breton est respectable.
Nous n'avons pas encore abordé la transposition des directives européennes qui devait être le coeur de ce débat mais, sur tous les sujets – le droit du sol, la manière de concevoir les départements d'outre-mer, l'acquisition de la nationalité avec ou sans consentement –, nous avons face à nous une majorité profondément divisée, et vous nous demandez, à chaque étape, d'arbitrer vos divisions.
Comme mes collègues, je pensais que la formulation de l'amendement permettrait une certaine harmonisation. Elle est en fait beaucoup plus restrictive : un enfant né en France de parents étrangers ne pourra effectivement pas bénéficier de ce dispositif, car le texte évoque « un enfant mineur, ayant la nationalité française ». Vous mettez donc en place un dispositif tout à fait restrictif.
Une solution de sagesse, en faveur de laquelle se dessine une majorité allant bien au-delà de vos rangs, consisterait à retenir un parrainage républicain ouvert à tous les citoyens vivant sur notre sol, soit, grosso modo, la proposition qu'avait formulée M. Mallié en commission, qui n'avait alors pas pu être retenue.
D'après les propos tenus par M. Mariani à propos de notre amendement, j'avais imaginé que l'amendement n° 43 était identique, et j'avais donc seulement consulté son exposé sommaire. J'y ai lu ceci : « Aujourd'hui, la notion de parrainage a connu une évolution et se décline sous de nouvelles formes : parrainage d'enfants étrangers, parrainage culturel, parrainage scolaire ou encore parrainage professionnel. » Je n'avais donc pas du tout envisagé que le parrainage que tend à instaurer l'amendement n° 43 fût exclusivement réservé à des parents français et à des enfants nés sur le territoire français.
Je voudrais dire à notre collègue Goldberg que nous ne sommes pas divisés. En revanche, nous sommes certainement moins idéologues, peut-être plus réfléchis, plus philosophes.
L'autonomie dont nous faisons preuve peut donc conduire chacun d'entre nous à avoir des idées forcément différentes.
Cela dit, sans parler de nos conceptions philosophiques respectives, la rédaction de l'amendement peut entraîner une certaine insécurité.
Dans la phrase « tout citoyen français peut demander au maire de sa commune de résidence de célébrer son parrainage républicain », l'expression « tout citoyen » suppose-t-elle une demande des deux parents ou bien d'un seul ? Cet amendement semble avoir été rédigé dans la précipitation et être lourd d'ennuis futurs pour les maires - et nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à l'être.
« Le conseil de famille peut désigner ce tuteur parmi les parrain et marraine civils. » Avons-nous besoin d'inscrire dans la loi qui le conseil de famille peut désigner comme tuteur ? Cela n'a rien à faire là.
J'encourage donc mes collègues à voter contre cet amendement. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M'étant déjà beaucoup exprimé, je serai bref.
L'histoire de France est complexe, et 1794 n'est pas une date anodine. Elle relie à la fois les colonnes infernales et ceux qui, sculptés dans le marbre sur les murs de notre assemblée, payèrent de leur vie les idéaux de liberté. J'ai toujours une pensée pour eux. Je ne crois pas que la République ait intérêt à singer ce contre quoi elle s'est parfois dressée pour se construire.
Les termes de « parrain » et de « marraine » ne sont pas anodins. Je souhaite qu'on laisse la liberté aux maires de recevoir les personnes qui veulent effectuer un parrainage républicain, car elles doivent avoir le droit de le faire. Mais je vous conjure de ne pas adopter un texte qui posera des problèmes très complexes tant aux maires qu'en matière de droit de la famille.
Pour répondre d'abord à M. Goldberg, comme l'a souligné notre collègue Michel Raison, ce n'est pas un sujet « politique clivant ». Chacun de nous, au sein de la majorité, peut avoir une opinion différente, cela ne nous empêche pas de soutenir globalement le texte. Si, à chaque fois, la gauche est monolithique, la droite, au contraire, exprime les opinions les plus diverses (Rires sur les bancs du groupe SRC)…
…dans la plus totale harmonie.
Madame Mazetier, l'amendement que vous avez cosigné sur le parrainage ne concernait, lui aussi, que les Français.
Je le lis : « Tout citoyen français peut demander à l'officier d'état civil (…) ». Votre amendement ne concerne que les citoyens français.
Relisez le texte de votre amendement et dites-moi à quel endroit vous proposez cette mesure pour les étrangers ! C'est un point, au moins, que les deux textes de nos amendements avaient en commun.
Le Gouvernement s'en est remis à la sagesse. Richard Mallié n'étant pas parmi nous, je défends son amendement et, en tant que rapporteur, j'émets un avis favorable. Cela ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité. C'est simplement un acte civil, facultatif, comme l'a rappelé Jacques Myard, et, ainsi que l'a indiqué notre collègue Proriol, cet acte existant déjà, autant lui donner un cadre. Enfin, quels sont les droits et les devoirs des parrains ? En cas de décès des parents de l'enfant, le juge des tutelles a la faculté de les nommer comme tout autre membre du conseil de famille. Bref, c'est une faculté et il faut une décision judiciaire.
Cet article fait partie des petites améliorations que vous avez tenté d'introduire dans ce texte pour faire passer toutes les mauvaises mesures que vous proposez. En effet, on peut voir dans l'article 5 bis une mesure positive, puisqu'il vise à introduire la lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité dans le rapport de gestion des entreprises. C'est une mesure dont nous souhaitions l'instauration dans la proposition de loi que nous avions présentée l'année dernière, qui prévoyait un plan de lutte contre la discrimination. Nous pourrions donc nous estimer satisfaits.
Toutefois, je constate que cette mesure est un peu isolée. En effet, vous vous souciez de la lutte contre les discriminations et de la promotion de la diversité dans les grandes entreprises, mais pas ailleurs. Cette mesure isolée, dans un texte où l'on parle principalement de zones d'attente, de rétention et des moyens d'empêcher les étrangers de venir en France, ne me semble pas être à sa place. Je le regrette, car lorsque nous avions débattu de la loi Hortefeux, nous avions eu à peu près le même problème. Dans cette loi, tout aussi régressive en matière de droits des étrangers, vous aviez tenté d'introduire un coin de ciel bleu en affirmant vouloir lutter contre la discrimination.
Dans le présent texte, vous faites exactement la même chose : vous nous présentez une conception de la société française où, si l'on se plaint d'être victime d'une discrimination, c'est que l'on a quelque chose à voir avec les étrangers. Or je rappelle que peuvent se plaindre de la discrimination en raison de leur apparence physique des gens qui n'ont jamais été étrangers. C'est ce que le Conseil constitutionnel a rappelé lorsque nous lui avons soumis la loi Hortefeux, qu'il a d'ailleurs censurée.
Par ailleurs, si l'on se plaint d'être victime d'une discrimination, ce peut être pour des raisons de religion, de sexe ou d'orientation sexuelle : on se demande alors ce que vient faire cette mention dans une loi sur l'intégration.
Sur le fond, je serais plutôt d'accord avec cet article, bien qu'il ne me semble pas nécessaire de lutter contre les discriminations et pour la promotion de la diversité uniquement dans les grandes entreprises ; il faut le faire partout. La manière dont vous présentez cette disposition est à contresens. Vous n'arrivez pas à comprendre que la discrimination et la diversité ne concernent pas les seuls étrangers, mais l'ensemble de la société française. Tant que vous ne l'aurez pas compris, nous ne pourrons pas être d'accord sur ce type de mesure, introduite subrepticement dans un texte où elle n'a rien à faire. Ce que nous attendons, c'est un véritable programme de lutte contre la discrimination. Une étude assez approfondie, menée l'an dernier par la commission des affaires sociales, sous la houlette de M. Méhaignerie, aboutissait à de nombreuses propositions. Las, tout cela est resté lettre morte !
M. Yazid Sabeg était censé nous présenter une proposition de loi sur les discriminations. Nous attendons toujours ce plan, qui est utile et urgent. Mais, de grâce, cessez d'introduire de petites mesures ne visant que les grandes sociétés, dans un texte où elles n'ont rien à faire !
La chute de votre intervention, madame Pau-Langevin, est surprenante. Au début, vous nous reprochiez l'absence de mesures sur l'intégration et sur la lutte contre la discrimination. Mais lorsque nous en proposons une, vous dites qu'elle n'a rien à voir avec ce texte. Or le projet de loi s'intitule bien « Immigration, intégration et nationalité ». Il est donc tout à fait opportun de discuter de ces sujets.
Votre intervention me permet de préciser le cadre des mesures que nous proposons. La lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité sont des éléments de notre politique d'intégration. La République doit tenir la promesse d'égalité qu'elle adresse à tous ceux qu'elle accueille sur son sol. Elle doit passer d'une égalité de principe à une égalité réelle des chances, et c'est ce que le Président de la République a demandé au Gouvernement de mettre en oeuvre. C'est l'objectif de cet article, qui oblige les grandes entreprises de notre pays à rendre compte des actions qu'elles conduisent en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité.
L'article 5 bis est complémentaire des actions que nous avons engagées, je pense notamment à la mise en place du label Diversité en partenariat avec l'Afnor – l'association française de normalisation. Je porte à votre connaissance que plus de 300 entreprises ont déjà obtenu ce label ou l'obtiendront avant la fin de cette année, ce qui concernera plus de 7 100 salariés, soit une augmentation importante. En outre, plusieurs grands ministères ou plus généralement des établissements publics seront aussi labellisés dans les prochains mois.
Par ailleurs, je vous informe de la conclusion d'accords de partenariats pour accompagner les étrangers en situation légale dans leur parcours professionnel avec Pôle emploi et avec les branches professionnelles.
Comme vous pouvez le constater, le spectre est large. Nous essayons, en matière d'intégration, de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité, de jouer sur toute la palette des possibles.
Nous avons décidé de financer l'accompagnement des PME vers le label Diversité, car nous nous sommes aperçus – c'était l'une de vos suggestions – que, autant les grandes entreprises pouvaient entrer facilement dans le label Diversité, autant les petites et moyennes entreprises pouvaient rencontrer des difficultés. Le bilan de compétences professionnelles est désormais généralisé à tous les immigrés primo-arrivants. Ce n'est pas rien ; cela veut dire que, désormais, nous essayons, dès leur arrivée sur le territoire français, d'aider les étrangers et de les accompagner dans leur recherche d'emploi. Il ne s'agit donc pas d'une mesure cosmétique ; elle fait, au contraire, partie d'un plan d'ensemble.
Monsieur le ministre, nous pourrions nous retrouver sur un point de votre explication. Vous dites que votre amendement n'est pas une mesure cosmétique et qu'il s'agit d'un plan d'ensemble. Nous avons sans doute l'esprit malveillant, mais à nos yeux, cette mesure est cosmétique, car nous ne savons pas de quel ministère ou de quelle personnalité – ministre, commissaire, haut-commissaire – relève la lutte contre les discriminations.
Vous abordez ce sujet. C'est très bien ! Cela étant, M. Sabeg, dont il a été question tout à l'heure, avait été nommé en ce sens, Martin Hirsch, en son temps, voulait, lui aussi, s'en occuper. Aujourd'hui, Marc-Philipppe Daubresse dit que cela fait partie de ses prérogatives. Enfin, il y a un an et demi, lorsque nous avions déposé, avec mes collègues du groupe SRC, une proposition de loi très concrète proposant des mesures de lutte contre les discriminations, Fadela Amara, en se tournant vers nos collègues de la majorité, avait demandé de ne pas voter notre texte, puisqu'un plan d'ensemble de lutte contre les discriminations allait venir en discussion. Selon elle, nous n'avions pas à nous inquiéter !
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande qui engage aujourd'hui, dans votre équipe gouvernementale, sans oublier ses associés – je pense à M. Sabeg –, la lutte contre les discriminations, sujet sur lequel nous pourrions, du moins je l'espère, nous retrouver.
Le point sur lequel nous sommes en désaccord, souligné par Mme Pau-Langevin, c'est que la lutte contre les discriminations ne doit pas avoir pour seul objectif d'aider les étrangers. Je reprends vos propres mots : la lutte contre les discriminations, c'est l'égalité pour tous ceux que la République accueille sur son sol. Certes, monsieur le ministre, mais il faut aussi l'égalité pour tous les Français qui peuvent se sentir discriminés, pour des raisons diverses et variées – George Pau-langevin en a citées plusieurs.
Nous nous demandons à quel titre l'amendement gouvernemental adopté en commission et devenu l'article 5 bis figure dans ce texte qui ne traite pas des discriminations dont peuvent être victimes tous les citoyens Français vivant sur notre sol depuis de nombreuses générations. Notre conception est que la lutte contre les discriminations n'est pas réservée aux seules personnes étrangères résidant sur notre sol.
Cela m'amène à la défense de l'amendement n° 514 , si M. le président m'y autorise.
Afin que votre amendement, tel qu'il a été adopté en commission, ne reste pas un voeu pieux, nous demandons, dans notre amendement n° 514 , que des sanctions soient appliquées aux entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations, c'est-à-dire inscrire dans leur rapport social et environnemental un chapitre sur la lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité. Nous voulons savoir qui contrôlera les entreprises, lesquelles, bien sûr, ne peuvent le faire elles-mêmes, et connaître le périmètre exact concerné par la lutte contre les discriminations.
Dans notre amendement, nous avons prévu, pour renforcer la mesure que vous proposez, des processus internes aux entreprises qui prévoient les sanctions. Que se passe-t-il si l'entreprise ne fait pas ce que vous avez voulu introduire dans la loi ? Il y a là des items sur lesquels nous pourrions nous rejoindre. Si les entreprises elles-mêmes ne prennent pas cela en charge, les comités d'entreprise pourraient le faire. Nous aimerions également savoir quelle institution publique pourrait prendre en charge le rôle de veille concernant les établissements dont nous parlons. Si nous tombons d'accord sur ce point, ce sera au moins une bonne chose.
C'est trop facile !
(L'amendement n° 514 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 5 bis est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels après l'article 5 bis.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l'amendement n° 534 .
Nous traitons toujours, avec cet amendement, de la façon de lutter contre les discriminations. Je suis, je dois le dire, quelque peu surpris que nous soyons les seuls à présenter cet amendement. En effet, dans un communiqué du 11 août émanant du ministère de l'immigration, on pouvait lire : « Un amendement au projet de loi sur l'immigration, qui sera présenté fin septembre à l'Assemblée nationale, devrait contenir une nouveauté préconisée depuis plusieurs années dans divers rapports : l'interdiction de la discrimination liée au lieu d'habitation dans l'accès à l'emploi. » Le dépôt d'un tel amendement lors de l'examen de ce texte en commission semblait plutôt positif.
Or dans l'ensemble des items valant discrimination – l'âge, l'orientation sexuelle, l'origine réelle ou supposée, la religion réelle ou supposée – un facteur a été oublié, et je le dis très honnêtement, par vous comme par nous : celui du lieu de résidence. On le sait, dans notre pays, des discriminations sont liées au lieu de résidence. Quel que soit le patronyme, le prénom ou l'âge, indiquer un certain code postal sur un curriculum vitae peut-être un facteur de discrimination. Plusieurs enquêtes l'ont d'ailleurs très bien prouvé, tout comme un rapport que vous avez vous-même commandé, monsieur le ministre, et qui a fait l'objet de votre communication. Le Centre d'études de l'emploi vient de rendre publics les résultats d'un testing qui prouve que la discrimination à l'embauche existe dans ce pays. Je suis donc assez surpris que vous ne soyez pas allé au bout du processus. En effet, nous aurions été favorables à un tel amendement, tout en insistant sur le fait que la lutte contre les discriminations ne se limite pas aux seuls étrangers, mais concerne également les citoyens français. Peut-être pouvons-nous nous retrouver ici, en séance, avec nos collègues de la majorité qui nous ont fait comprendre, lors de discussions diverses et variées dans certains médias ou ici même à l'Assemblée, qu'ils étaient nombreux à vouloir débattre et à reconnaître le domicile de la personne comme facteur de discrimination.
Ainsi, par cet amendement n° 534 , nous avons voulu pointer la question des discriminations à l'embauche, mais également celles liées aux services. Vous savez qu'un certain nombre de services ne sont pas rendus dans certaines zones. Un service médical, dont je tairai le nom, et certaines compagnies de taxis refusent ainsi parfois de s'y rendre.
Cet amendement sort incontestablement de l'objet du projet de loi qui, je vous le rappelle, traite de l'immigration et de l'intégration. Il relève davantage de la politique de la ville et de la lutte contre les discriminations.
Les populations des quartiers, si elles ont parfois des origines étrangères, ne se résument pas forcément à des populations immigrées.
En outre, cette question fait l'objet d'une divergence de vue politique sur les modalités les plus à même de remplir l'objectif que tout le monde partage, à savoir développer et humaniser les quartiers. L'opposition propose une sanction ; la majorité privilégie, quant à elle, l'action et met en oeuvre le plan Espoir banlieues.
Même avis que le rapporteur, monsieur le président.
L'explication du rapporteur est en totale contradiction avec ce que nous a dit le ministre tout à l'heure.
Je conçois que le ministre refuse de répondre à chacune de nos interpellations parce qu'il doit considérer que notre parole n'a pas de valeur dans ce lieu de la République. Je tiens à la disposition de chacun de mes collègues l'amendement qu'il se préparait à déposer et les déclarations faites à ce moment. Si vous ne pouvez pas tous vous mettre d'accord, essayez au moins de le faire entre vous deux !
(L'amendement n° 534 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 40 .
La parole est à M. Christian Vanneste.
Notre collègue Claude Goasguen a mis, ce matin, l'accent sur les difficultés que nous avons, en France, à bien prendre conscience des problèmes que pose l'immigration, et ce en raison de l'absence d'outil nécessaire pour appréhender la question.
Il a évoqué la création d'un registre national qui permettrait effectivement de porter un regard lucide sur ces situations et sans doute de mieux répondre aux problèmes sociaux posés par l'ensemble de la population.
Notre pays ressemble à un médecin qui refuserait, lorsqu'il examine un patient, de recourir au thermomètre, à l'IRM ou au scanner. Un livre récemment paru, signé Michèle Tribalat, a un titre extrêmement révélateur : Les yeux grands fermés. Je pense que nous devons ouvrir les yeux. J'ai conscience, mes chers collègues, des problèmes particuliers que soulève cette question dans notre pays. Tout à l'heure, notre collègue Breton a fait allusion à une période de l'histoire. Il est vrai – et c'est un peu dans notre culture – que notre regard sur le présent est souvent éclairé par les ombres du passé.
Il en va de même du parrainage, dont nous venons de discuter. On aurait, en effet, pu considérer que le parrainage remontait à l'époque précédant Thermidor, alors qu'était instituée la religion de l'Être suprême et que l'État pourchassait les prêtres. Je me suis dit en moi-même, tout en votant contre cet amendement, que l'époque n'est plus du tout la même et que le parrainage républicain ne se conçoit plus ainsi.
De la même façon, peut-on comparer la situation de la France d'aujourd'hui à celle qu'elle a malheureusement connue lorsqu'une partie de son territoire était occupée par l'armée d'un État totalitaire ? Je ne le crois pas. Je pense que l'on peut raisonner différemment en portant sur ce point un regard attentif et républicain.
Lorsque je me suis rendu en Suède avec un collègue socialiste, René Dosière, afin de rédiger un rapport, j'ai été convaincu que le registre national était une bonne chose. Lors de l'échange que nous avons eu avec l'ambassadeur de France en Suède, j'ai en effet pris conscience de son efficacité en Suède. Un numéro personnel est attribué à chaque résident suédois, lequel permet – et j'appelle votre attention sur ce point – d'assurer une protection sociale particulièrement efficace. Regardons rapidement ce qui se passe en Europe. Le registre national existe en Allemagne et aux Pays-Bas. En 1983, il a été institué en Belgique, pays dont ma circonscription est voisine, et y produit les meilleurs effets. Je rappelle d'ailleurs qu'il existe d'une certaine manière déjà dans les départements français d'Alsace et de Moselle puisque, là aussi, on n'est pas revenu sur les dispositions qui existaient avant 1918.
Je ne souhaite pas éveiller chez vous un quelconque soupçon, mais je voudrais que nous en discutions sérieusement. Je n'ai donc pas proposé, par cet amendement, l'instauration d'un registre national. Je demande simplement s'il est bon pour la France d'instituer un tel registre. Ouvrons au moins le débat et, s'il faut le clore d'une manière négative, je suivrai cet avis. Je suggère donc simplement qu'avant le 31 décembre 2011, soit remis par le Gouvernement au Parlement un rapport dressant un tableau général de cette problématique avec ses aspects positifs, ses risques et les conséquences heureuses que nous pourrions en tirer. Nous nous reverrons alors à cette date pour prendre une décision. Ce qui est sûr, c'est que si nous n'ouvrons pas un tel débat, nous continuerons à regarder la France avec des lunettes noires, ce qui est, passez-moi l'expression, un peu bête.
Ne voyez aucune mauvaise intention de ma part. Peut-être un tel outil n'existera-t-il jamais. Donnons-nous toutefois au moins la possibilité d'en parler entre nous, là où les décisions doivent être prises, c'est-à-dire au Parlement.
La commission n'a pas accepté cet amendement. Toutefois, je suis, à titre personnel, tout à fait favorable à ce genre de rapport. J'ai posé, lors de la précédente mandature, une série de questions au ministère des affaires européennes, demandant que l'on m'indique, par pays, à quoi servait ce registre et quels étaient ses avantages. Je vous invite d'ailleurs à prendre connaissance des réponses de la vingtaine de pays qui ont répondu.
Je rejoins les propos de notre collègue Claude Goasguen, notre instrument statistique démographique est de plus en plus calamiteux. Ce n'est pas un problème de gauche ou de droite.
Je crois hélas que c'est un héritage constant !
Cet instrument est très efficace pour lutter contre la fraude.
Je dirai, avant que certains ne le soulignent, que nous souffrons, dans cet hémicycle et dans ce pays, de deux pesanteurs dès que l'on aborde un tel sujet : soit la période coloniale et la culpabilité, soit une période sombre de notre histoire. Mais ce n'est pas parce que certains procédés ont été utilisés de manière inadmissible à une époque qu'il faut les interdire pour l'éternité. De plus, je le répète, ce système fonctionne bien dans toute une série de pays européens.
Ce qui me gêne dans l'amendement, c'est qu'on le présente dans une loi sur l'immigration, au risque de prêter le flanc à des critiques pas forcément bienveillantes en provenance de la gauche de l'hémicycle.
Plusieurs députés des groupes SRC et GDR. On n'a rien dit !
Vous allez nous faire croire que les critiques de la gauche sont inhibitrices !
J'ai entendu M. Braouezec murmurer !
Peut-être le Gouvernement pourrait-il néanmoins satisfaire M. Christian Vanneste en prenant l'engagement qu'une réflexion approfondie, associant le Haut Conseil à l'intégration et le ministère de l'intérieur, sera menée sur ce sujet. J'ajoute même que la gauche et la droite pourraient être associées à cette étude. En effet, ce dossier n'est absolument pas polémique. De plus, depuis des années, nous sommes quasiment le seul pays européen à nous priver de cet instrument, ce qui est vraiment stupide.
Je partage la conclusion du rapporteur. L'opportunité d'un registre national de la population peut être discutée. En revanche, je ne pense pas qu'il faille l'inscrire dans un texte portant sur l'immigration. Nous voyons bien instantanément, et le rapporteur l'a, à juste titre, senti, à quelles caricatures cela pourrait donner lieu.
Non seulement, un tel registre ne concerne qu'accessoirement les questions de l'immigration, de l'intégration et de la nationalité, mais il relève davantage du ministère de l'économie et éventuellement du ministère de l'intérieur qui pourraient en discuter au cours d'un travail interministériel. C'est, de plus, une véritable révolution, vous l'avez vous-même souligné, si on le compare à notre système de recensement de la population, lequel a suscité des critiques. Il convient d'en apprécier les avantages, les inconvénients et le coût qui peut être extrêmement élevé.
J'ai entendu la suggestion conciliatrice du rapporteur qui a proposé de vous associer avec plusieurs ministères à une réflexion préalable sur cette opportunité. Je m'engage à la favoriser.
Je vous suggère, en conséquence, de retirer votre amendement. À défaut, j'y serai défavorable.
J'insiste auprès de mes collègues sur la nécessité qu'il y a pour nous, de gauche comme de droite, à disposer des informations nécessaires pour pouvoir légiférer, et pas seulement sur l'immigration.
Nous sommes le seul pays en Europe à ne pas disposer d'un registre de population communale. L'histoire explique cette situation. Mais durant la guerre, les gens ont été déportés de France, qui n'avait pas de registre, comme des Pays-Bas, qui en avaient un. Je comprends parfaitement ce rappel, mais la question n'est plus là. Il ne s'agit pas d'un acte politique, il s'agit de rassembler la documentation massive dont nous avons besoin pour gérer les problèmes liés à la situation de la population française. Il est quand même difficile de conserver notre système de recensement, qui fait rire toute la planète ! Procéder au compte-gouttes en recensant chaque année un dixième de la population, moins ceux qui ne répondent pas, faire un récapitulatif tous les dix ans pour s'apercevoir qu'il comporte un million d'erreurs – sur la seule population française – cela ne peut pas continuer.
Il est vrai qu'un registre serait coûteux, vrai aussi que la question dépend du ministère de l'intérieur.
De l'intérieur, qui a la tutelle des collectivités locales, et de Bercy car cela va coûter cher. Mais très franchement, on ne peut pas continuer, hypocritement, à prétendre légiférer sans savoir.
Savoir n'est pas dangereux ; au contraire, s'agissant de l'immigration, cela permettrait de dégonfler les rumeurs qui enflent – comme autrefois la fameuse rumeur d'Orléans – et ont empoisonné le débat sur l'immigration et la nationalité. Il faut en sortir. Pour ma part, je préfère la transparence, je préfère savoir que de dépendre de bruits sans fondement. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite que vous poussiez ce dossier auprès du ministre de l'intérieur et de celui de l'économie le plus rapidement possible.
Cette question fait l'objet d'une des premières recommandations du rapport Mazeaud.
Ce rapport déplore très clairement les insuffisances de la statistique, en liaison d'ailleurs avec les phénomènes migratoires. Il recommande en conséquence que la loi crée de tels registres. À titre personnel – je n'engage que moi – je suis ouvert à cette perspective. Il faut progresser, avec, bien entendu, des garanties très fortes. Créer une mission, pourquoi pas ; mais il faut vraiment essayer d'aboutir et de régler cette question.
Je partage une partie des préoccupations de M. Goasguen et de M. Caresche. Il est vrai que notre mode de recensement – au-delà de la qualité de français ou d'étranger –, est quelque peu moyenâgeux. Il existe beaucoup d'incertitudes sur la composition réelle de la population dans nos communes. Je n'ai donc rien, a priori, contre la modernisation des méthodes de travail sur les populations.
Mais, et ici je rejoins le rapporteur et le ministre, ce n'est vraiment pas le moment de le faire. Et ce ne serait pas interpréter les choses, mais faire un simple constat que de dire qu'on est plus attentif aux questions de population à partir du moment où il s'agit des immigrés. La connaissance des populations ne se limite pas à savoir qui est français et qui est étranger.
Là où je diffère un peu de M. Goasguen, c'est quand il considère que, dans certaines périodes dramatiques, qu'un pays ait établi un fichier et un autre pas n'a pas changé grand-chose au sort cruel des populations qui étaient visées. Cela devait quand même être plus facile là où il y avait des fichiers. Comme plusieurs orateurs l'ont fait observer, l'Europe est de nouveau confrontée à la montée des périls, du moins dans certains pays. Je ne veux faire injure à personne : je suis certains que tous ici nous sommes républicains et que nul ne souhaite utiliser ces fichiers à d'autres fins que celles pour lesquelles ils seraient prévus. Mais rien ne nous dit que, ici comme ailleurs, certains partis, d'extrême droite, osons dire le mot, ne les utiliseraient pas à d'autres fins.
Dans cette réflexion, à laquelle je suis prêt à participer, il faut aussi envisager cet aspect et la façon de maîtriser l'utilisation de tels fichiers.
Je voudrais faire plusieurs réflexions, si vous le permettez, monsieur le président.
En premier lieu, quand on expose les craintes que l'on a à propos de régimes dangereux, j'aimerais qu'on se souvienne qu'ils n'étaient pas tous d'extrême droite. Certains étaient aussi d'extrême gauche.
Non, le goulag, ce n'est pas l'extrême gauche, c'est une dérive totalitaire.
C'est un simple rappel, monsieur Braouezec. Je suis sûr que vous ne l'aviez pas oublié.
Cela dit, encore une fois, je ne demande pas que l'on crée un registre, en raison même des dangers éventuels. Ce que je demande, c'est qu'on fasse une étude sur la faisabilité et les conséquences d'un tel registre. Cette demande, nous pouvons la partager. Puisqu'il y a un problème de connaissance de la population, essayons de voir dans quelle mesure on peut établir un tel registre.
Pour le ministre, il serait préférable que je retire mon amendement.
Un président de la République s'était, dit-on, rendu célèbre par cette formule : les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent. Monsieur le ministre, malgré toute la confiance que j'ai dans le responsable politique que vous êtes, je ne voudrais pas faire partie de cette catégorie. (Sourires.)
Je pourrais donc demander un vote, de portée d'ailleurs limitée puisqu'il exprimerait une intention et ne se traduirait pas par une décision législative. Mais je souhaiterais que vous vous engagiez beaucoup plus formellement à ce qu'il y ait une étude, confiée à un parlementaire par exemple, choisi parmi les plus motivés,…
…sans doute à quelques parlementaires, un de la majorité et un de l'opposition. On travaille très bien ensemble, j'en ai l'expérience.
Ils feraient donc ce rapport. Mais je n'aimerais pas qu'on dise : « on va en parler un jour ».
Vous pouvez très bien demander vous-même que ce rapport soit fait, monsieur le ministre, dans la mesure – je remercie M. Caresche de l'avoir rappelé – où le rapport Mazeaud concernait justement le problème de l'immigration. Donc, je vous demande simplement, monsieur le ministre, pour être sûr que je peux retirer mon amendement, un engagement beaucoup plus ferme.
Sans m'immiscer dans les débats, je rappelle que la formule « les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent » est, à l'origine, de Balzac.
La parole est à M. le ministre.
Je m'incline devant tant de culture, monsieur le président.
Monsieur Vanneste, je m'engage à faire la demande à mes collègues concernés et à faire preuve de la plus grande force de conviction pour que vous ayez le grand plaisir de travailler avec M. Caresche (Rires.)
Je ne peux faire plus à ce stade.
Je suis désolé de ne pouvoir partager l'apparent consensus mou qui se fait jour entre la droite et la gauche. Nous avons déjà débattu ici de la question des fichiers et elle a occasionné beaucoup de manifestations. Dois-je rappeler ce qu'est le fichier STIC et les dégâts collatéraux qu'il entraîne ? les combats que nous avons menés pour que le fichier Edwige disparaisse ? Nous pourrions encore parler du fichier Judex et d'autres. Notre société n'est plus celle du XIXe et du XXe siècle, mais la société du numérique. Nous avons aujourd'hui à notre disposition des outils informatiques extrêmement performants, ce qui rend extrêmement facile de croiser les fichiers et de savoir beaucoup de choses sur chacun d'entre nous. Aussi, chaque fois que j'entends le mot « fichier », je ne sors pas mon révolver, mais je me dis qu'il y a danger.
On peut entendre les arguments de M. Goasguen sur le plan administratif ou juridique, mais du point de vue politique et s'agissant du contrôle sur la population, quelle qu'elle soit, cela me paraît dangereux. Déjà, grâce à nos portables et à nos diverses cartes magnétiques, il est très facile de savoir qui nous sommes, quelles sont nos maladies et ainsi d'agir dans notre cadre professionnel, ce qui peut conduire à des excès terribles.
Nous sommes dans une société de surveillance. Accepter une étude sur un éventuel fichier destiné à explorer la réalité française, c'est une idée dont je me méfie comme de la peste. J'aurais voté contre l'amendement de M. Vanneste et je ne suis pas du tout favorable à ce qu'il y ait une mission, même avec un député de droite et un député de gauche, sur cette question. Nous croulons sous les fichiers, nous ne sommes que trop dans une société de surveillance, arrêtons là.
Ceux qui s'intéressent un peu au « progrès » de la science savent qu'en France, aux Japon, aux États-Unis, en Suède et bien d'autres endroits, des gens investissent beaucoup d'argent sur ce qu'on appelle la convergence entre nanotechnologies, biotechnologies, sciences cognitives et techniques d'information et de communication. C'est ce qu'on appelle le « transhumanisme », la « singularité évolutionnaire », « l'homme augmenté ». Voulez-vous vous inscrire dans une logique qu'a très bien décrite un auteur trop oublié, Günther Anders, qui a écrit sur Auschwitz, sur Hiroshima, sur L'obsolescence de l'homme ainsi que sur ce qu'il a appelé « la honte prométhéenne » ? Méfions-nous de tous ceux qui se prennent pour des Prométhée au petit pied et qui nous promettent de toujours nous contrôler.
Monsieur Vanneste, mettez fin à cet insoutenable suspense sur le sort de votre amendement.
Les propos un peu délirants que l'on vient d'entendre me pousseraient à le maintenir. Mais je résiste à cette tentation. Monsieur le ministre Besson, je tiens compte de votre engagement.
Je profite d'ailleurs de la présence de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui a une vision panoramique des rapports entre le Parlement et l'ensemble des ministères, et que l'on interpelle parfois pour rappeler à certains ministres qu'ils doivent répondre à nos questions écrites, pour m'adresser aussi à lui. Je demande à tous deux de faire en sorte qu'il soit donné suite à ma proposition de réaliser une étude – qui pourra être menée par deux parlementaires – sur l'instauration d'un registre national. La plupart d'entre nous sommes d'accord sur l'intérêt du problème, même si nous ne le sommes pas forcément sur sa solution. Je retire l'amendement.
(L'amendement n° 40 est retiré.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à M. Étienne Pinte.
J'ai déposé un amendement de suppression de cet article relatif à la zone d'attente. La notion est attachée à la zone d'accès réservée dans les ports, les aéroports et les gares ouvertes au trafic international hors Schengen.
L'article 6 a été créé à la suite de l'arrivée de 123 personnes d'origine kurde, apatrides puisque ne bénéficiant pas de la nationalité syrienne bien que venant de Syrie. Apparues sur une route de Corse, ces personnes ont été conduites dans un gymnase de la ville de Bonifacio où elles sont restées sous la garde des gendarmes pendant plusieurs heures, avant d'être transférées vers des centres de rétention en France métropolitaine. Les juges de la liberté et de la détention saisis quelques jours plus tard ont libéré l'ensemble de ces personnes, considérant qu'elles avaient été illégalement privées de liberté.
La notion de « groupe d'étrangers » a été précisée par un amendement de notre rapporteur : il s'agit d'un groupe d'au moins dix étrangers. Nous sommes malheureusement loin du « nombre exceptionnellement élevé d'étrangers » prévu par la directive « retour ». J'y reviendrai.
L'article, confusément, crée une indistinction entre la zone d'attente et le territoire puisqu'il permet de ramener en zone d'attente, en deçà du contrôle aux frontières, des personnes qui sont déjà entrées, certes irrégulièrement, sur le territoire national.
Or, selon qu'une personne est entrée irrégulièrement sur le territoire national ou qu'elle est placée en zone d'attente, ses droits diffèrent.
En présence d'une demande d'asile, en zone d'attente, les personnes peuvent être privées de liberté le temps de l'examen de leur demande par le ministre de l'immigration. Si leur demande est rejetée, elles peuvent être renvoyées dans leurs pays de provenance ou d'origine sous réserve d'un recours suspensif dans le délai de quarante-huit heures auprès du tribunal administratif – en l'occurrence celui de Paris puisque c'est, en général, de la zone d'attente de Roissy que relèvent ces personnes –, sans qu'elles puissent déposer une demande d'asile auprès de l'OFPRA.
Si elles se trouvent, au contraire, sur le territoire français, elles peuvent déposer une demande d'asile auprès de l'OFPRA. En l'absence de demande d'asile, si elles sont replacées en zone d'attente, il peut leur être notifié un refus d'entrée, exécutoire d'office sauf si la personne demande à bénéficier d'un jour franc, mais sans possibilité d'un recours suspensif. Si l'on considère qu'elles sont entrées irrégulièrement, il est possible de leur notifier une mesure d'éloignement qui, elle, en revanche, peut faire l'objet d'un recours suspensif devant le tribunal administratif.
J'ai deux questions à poser à M. le ministre. En ce qui concerne le cas qui nous préoccupe, celui des 123 Kurdes arrivés sur le territoire corse, ces personnes ont été dispersées dans plusieurs centres de rétention en métropole. Pourquoi ne pas les avoir regroupées, soit à Marseille soit à Nice, ce qui aurait rendu leur défense plus facile ? La présence d'interprètes était en effet requise et, de même, il aurait été plus simple, sur le plan judiciaire, de les traiter individuellement mais regroupées sur un même site.
Ensuite, pourquoi un groupe d'au moins dix étrangers ? Pourquoi pas neuf, quinze ou vingt ? La directive « retour » parle d'un « nombre exceptionnellement élevé d'étrangers ». Je souhaiterais des précisions de la part du Gouvernement pour savoir à partir de quel seuil un nombre peut être considéré comme « exceptionnellement élevé », car cela me paraît assez subjectif.
Nous, par exemple, nous sommes en nombre exceptionnellement élevé. (Sourires.)
Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai déposé un amendement de suppression de l'article. Je pense que nous pourrions traiter ce type d'événement assez extraordinaire – c'est la première fois que cela s'est produit – de façon plus simple, plus raisonnable, moins coûteuse et davantage protectrice des libertés individuelles des personnes considérées.
Je souhaite rappeler à M. Pinte le contexte dans lequel nous nous trouvons et qu'il n'a que partiellement retraduit.
Les choses sont simples. La France n'est pas en première ligne pour l'immigration clandestine en provenance de la Méditerranée ; elle est, si je puis dire, en second rideau. Les quatre pays en première ligne sont l'Italie, la Grèce, Malte et Chypre. Toutefois, il peut arriver que les filières de l'émigration clandestine, qui sont de plus en plus organisées, structurées, créatives et imaginatives dans leurs modes d'action, testent la capacité d'entrer de groupes relativement importants dans des conditions exceptionnelles.
C'est ce qui s'est passé dans l'épisode que vous venez de retracer, sur une plage proche de Bonifacio, où 123 Kurdes syriens ont été acheminés par un yacht au départ de la Turquie. Je le précise parce que l'enquête l'a prouvé et que les présumés coupables ont été mis en examen. La Turquie a collaboré dans de bonnes conditions avec nos services de police.
La preuve a été apportée à cette occasion que notre législation était inadaptée à ce type de cas, et ce pour des raisons que vous avez vous-même rappelées. C'était un vendredi après-midi, les personnes retrouvées sur la plage ont été acheminées vers un gymnase. Si le procureur avait voulu respecter exactement notre procédure, il aurait dû placer ces personnes en garde à vue ; c'est cette décision seule qui aurait été validée par le juge des libertés et de la détention. Comment pouvait-il prononcer la garde à vue en respectant toutes les contraintes de la procédure : présence d'interprètes dans toutes les langues susceptibles d'être utilisées, présence d'avocats et de médecins, confidentialité des discussions ? Il était matériellement impossible de réunir toutes les conditions.
Nous savions que les procédures seraient cassées, et je n'ai rien dit là-contre, vous l'aurez relevé. J'ai même fait remarquer que c'est à bon droit que le juge des libertés et de la détention a relâché ces personnes, à la suite de notre décision de les placer, pour de pures raisons matérielles, dans des centres de rétention administrative ; nous n'avions pas, dans ces conditions, scrupuleusement respecté la procédure.
Certains d'entre eux ont demandé l'asile à la France et leurs dossiers sont en cours d'examen. D'autres sont entrés librement dans l'espace Schengen et ont quitté le territoire français ; parmi ces derniers, un certain nombre ont été retrouvés dans des pays où ils avaient déjà déposé une demande d'asile, qui avait été déboutée, et ont été reconduits par ces pays.
Du point de vue de la filière mafieuse d'émigration clandestine qui a mené cette opération, le test est plutôt réussi ! La preuve est faite que l'on peut acheminer 123 personnes sur une plage corse et entrer librement dans l'espace Schengen.
C'est ce que nous voulons éviter, tout en respectant scrupuleusement nos procédures et la demande d'asile.
Quant à la zone d'attente, j'ai eu l'occasion d'en discuter hier avec les députés socialistes qui m'avaient interpellé à ce sujet, ce n'est pas une zone de non-droit. C'est une zone où l'étranger qui arrive en situation irrégulière a le droit de s'expliquer. Il peut consulter un avocat, un certain nombre de garanties lui sont assurées. Il ne s'agit pas de réduire en quoi que ce soit les protections auxquelles a droit l'étranger, mais simplement de considérer que, puisqu'il est entré en un lieu inhabituel du territoire, nous devons transporter, provisoirement, quatre jours au maximum, le bénéfice de la zone d'attente. Ni plus ni moins. Nous ne changeons rien à la loi ; nous nous adaptons à des situations qui sont exceptionnelles et qui ont vocation à le rester.
Par ailleurs, dix personnes sur un périmètre de moins de dix kilomètres, c'est la précision qu'ont souhaité apporter le rapporteur et la commission, ne sachant trop si le préfet ne pourrait être tenté de créer une zone d'attente temporaire au cas où trois, quatre ou cinq étrangers étaient trouvés en un lieu inhabituel du territoire. Pour bien montrer qu'il ne s'agit pas de cela, votre rapporteur a jugé opportun – et il a bien fait – de préciser que le nombre devait être supérieur ou égal à dix. En cela, nous respectons scrupuleusement la directive 200438 que vous avez rappelée.
J'ajoute que ces dispositions figurent dans la législation de la plupart des pays européens. Bien évidemment, ceux qui sont en première ligne l'ont fait depuis longtemps. La France n'a été qu'exceptionnellement confrontée à ce genre de situation ; la dernière fois, avant l'épisode de Bonifacio, remonte à dix ou onze ans, c'était à Fréjus.
Il n'y a pas de crainte à avoir : nous respectons scrupuleusement les droits des étrangers en situation irrégulière, d'une part, et des demandeurs d'asile potentiels, d'autre part. Mais nous transportons la zone d'attente là où nous trouvons des étrangers arrivant de façon inopinée et groupée.
Cette prise de parole me permettra de répondre par avance aux amendements de suppression. Nous avons bien vu à Bonifacio, en janvier, que la procédure d'éloignement de droit commun était inadaptée.
Par ailleurs, si j'ai fixé un nombre, monsieur Pinte, c'est à la demande des associations elles-mêmes : lors des auditions du mois de juillet, elles m'ont expliqué qu'un groupe pouvait être constitué à partir de deux personnes. J'ai prévu dix personnes, ce qui correspond à une barque. On peut toujours discuter pour savoir s'il faut retenir une grande ou une petite barque, mais le fait de prévoir un nombre est plutôt protecteur.
Merci de me donner la parole, monsieur le président. Je considère que l'amendement n° 160 est défendu.
Permettez-moi, d'abord, de donner la parole aux autres orateurs inscrits sur l'article.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Comme cela a été rappelé par mes collègues, cet article permet de créer une zone d'attente en n'importe quel point du territoire dès qu'un groupe d'étrangers y met le pied sans être passé par un point de contrôle frontalier.
J'ai bien compris les explications du ministre mais, juridiquement, cette disposition continue de m'interpeller. Comment peut-on être physiquement sur le territoire français mais ne pas y être juridiquement ? On est sur le territoire de la République ou on ne l'est pas.
Les étrangers qui se présentent à un point de contrôle frontalier peuvent être placés en zone d'attente justement parce qu'ils ne sont pas encore physiquement entrés sur le territoire français. Cet article me paraît juridiquement très aventureux et très mal bordé.
J'en propose donc la suppression vu l'absence de toute visibilité sur sa solidité constitutionnelle et sur ses implications.
La parole est à M. Apeleto Albert Likuvalu, pour défendre l'amendement n° 121 . (Murmures sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Allez-y, ne vous laissez pas impressionner, monsieur Likuvalu ! (Sourires.)
Je rappelle que cet article constitue une mesure autonome, qui n'est pas dictée par la transposition d'une quelconque directive. Il y a dans le dispositif proposé des aspects dangereux : premièrement, la notion de groupe, même après l'intervention du rapporteur, n'est pas clairement définie ; deuxièmement, les articles relatifs à la zone d'attente sont particulièrement confus et créent une indistinction entre la zone d'attente et les territoires.
De telles dispositions auraient pour conséquence concrète une réduction importante du droit des personnes. La création de la zone d'attente conduirait notamment à rendre moins effectif le droit d'asile, ce qui serait contraire à la jurisprudence constitutionnelle – voir la décision n° 93-325 du 13 août 1993.
Quel est l'avis de la commission sur les cinq amendements identiques ? (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le rapporteur a déjà donné son avis sur les amendements de suppression, monsieur le président !
Certes, j'ai déjà donné mon avis par avance (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), mais le fait que je le confirme vous intéressera, mes chers collègues. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) L'histoire nous a montré que certains faits récents rendaient nécessaire cet article. Le ministre a évoqué ce qui s'est passé à Bonifacio en janvier, et on a vu les événements survenus dans d'autres pays. Même si le dispositif européen Frontex est en train de monter en charge et, je l'espère, permettra de limiter le nombre de ces opérations maritimes, une telle disposition peut se révéler à l'avenir indispensable.
Je répète aussi, pour ceux de nos collègues qui ne l'ont pas compris, que dix est un nombre nécessaire pour limiter l'incertitude – pour ce qui concerne notre groupe, je crois que nous venons de le dépasser ! (Rires.) Les associations m'avaient fait remarquer à juste titre que deux personnes auraient été en nombre suffisant pour former un groupe au regard de l'article.
Le Gouvernement est, lui aussi, défavorable. Pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur les propos que j'ai tenus, je précise que je n'ai pas suggéré que la directive imposait une obligation de transposition en ce domaine. J'ai seulement indiqué que le dispositif proposé par le Gouvernement est totalement compatible avec la directive 200438.
Monsieur le ministre, je demande une précision concernant le statut juridique de ces 123 Kurdes. Le Président de la République à l'époque, vous-même ensuite, avez déclaré que si le droit d'asile leur était refusé – ou si bien sûr ils ne l'avaient pas demandé –, ils seraient renvoyé dans le pays d'où ils venaient, la Syrie. Mais comme vous devez le savoir, les Kurdes de Syrie n'ont pas la nationalité syrienne.
Ils n'ont pas de nationalité et devraient donc être considérés comme des apatrides. Qu'en est-il ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer qu'en créant ces zones d'attente itinérantes, l'avantage pour l'administration ne sera pas de pouvoir prononcer un refus d'admission au titre de l'asile si la demande est considérée comme manifestement irrecevable, après un bref entretien avec l'OFPRA et le plus souvent en moins de quatre-vingt-seize heures, c'est-à-dire avant le passage devant le JLD. Il est important de le savoir.
Monsieur Pinte, je vais vérifier avec mes services la situation exacte des 123 Kurdes concernés parce que je ne veux pas affirmer ici des choses dont je ne suis pas scrupuleusement certain. Vous aurez toutes les précisions requises, mais je rappelle que ce que nous proposons dépasse largement cette affaire puisque nous en tirons les leçons pour adapter la législation.
Monsieur Tardy, je redis qu'il s'agit de créer la zone d'attente avec tous ses droits et toutes ses applications, ni plus ni moins.
Qui demande la parole ? (Vives Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, j'ai bien entendu mes collèguesÉtienne Pinte etLionel Tardy. Aussi, je demande une suspension de dix minutes pour réunir notre groupe. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Article 6
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
Je suis saisi d'un amendement n° 159 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Si vous le permettez, monsieur le président, je parlerai plus généralement des articles 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12, parce qu'ils créent ces zones d'attente qualifiées par le ministre de « temporaires » alors que le texte qu'il nous propose n'en borne pas la durée de vie.
Ces zones d'attente qualifiées aussi de « sacs à dos » ou de « portables » sont constituées par la seule constatation de la présence, dans n'importe quel point du territoire français, de personnes en situation irrégulière.
Souvent, le ministre a tendance à nous rappeler que les zones d'attente et les centres de rétention administrative ont été créées par les socialistes quand ils étaient aux responsabilités.
Je préfère le redire alors que nous débattons des zones d'attente : elles ont été créées en 1992 par un ministre socialiste parce que, effectivement, il n'y avait pas de cadre légal au maintien à la frontière des étrangers.
Les zones d'attente ont été prévues dans les ports et aéroports pour créer du droit et de la règle là où il n'y en avait pas, et protéger ainsi les libertés individuelles.
Par ailleurs, à l'époque, leur création avait été précédée d'un long dialogue et de nombreux échanges avec les associations de défense des droits des demandeurs d'asile et des étrangers.
Paul Quilès, l'auteur de cette mesure, a tenu à le préciser.
Les zones d'attente dites « temporaires » par le ministre et qui sont prévues par ces articles n'ont rien à voir avec le cadre protecteur et créateur de droits de la loi de 1992. C'est même tout l'inverse.
Dans les trois directives transposées dans ce projet de loi, rien n'amène à créer ces zones d'attente portables, strictement rien. Au contraire, dans la directive « retour », l'article 18 prévoit que seules les situations exceptionnelles concernant l'arrivée d'un nombre exceptionnellement élevé de personnes peuvent justifier des mesures dérogatoires au droit commun.
Non contents de ne pas transposer l'esprit et la lettre de la directive « retour » dans des tas d'autres domaines, vous proposez un dispositif de zones d'attente dites temporaires qui contrevient absolument à l'article 18 de la directive en question. Nous le démontrerons lors de l'examen de chacun des articles du projet.
L'amendement n° 159 propose de revenir à l'esprit de la directive « retour » et de rédiger ainsi l'alinéa 2 : « Lorsqu'un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, les dispositions prévues aux articles L. 811-1 à L. 811-8 s'appliquent. »
C'est un dispositif d'urgence, adapté aux afflux d'étrangers en situation irrégulière et déjà prévu par la loi dans la transposition d'une directive que n'aime pas du tout M. le ministre : la directive « protection temporaire ».
L'objectif de cette directive – d'ores et déjà transposée dans notre droit – est précisément de donner des droits et d'offrir une protection aux personnes qui fuient une situation de danger comme celle qui prévalait dans les Balkans, il y a quelques années, lorsque ce dispositif a été élaboré.
Vous voyez que les ressources actuelles du droit européen et du droit français sont multiples. Vous auriez pu les utiliser pour accueillir ces Kurdes syriens qui fuyaient des persécutions d'une autre manière que celle que vous avez employée, les traitant comme une menace, les enfermant, les privant de liberté, bafouant leurs droits.
La directive de 2001 a pour but d'assurer une protection temporaire aux personnes déplacées dans le cadre de conflits de grande ampleur, du type de celui de l'ex-Yougoslavie.
Pour prendre un exemple clair : les 123 Kurdes d'origine syrienne ne correspondent donc pas aux critères fixés par la directive.
Celle-ci se réfère à des personnes « déplacées dans le cadre d'un conflit de grande ampleur », momentané, etc.
Cette procédure doit être mise en oeuvre par la Commission européenne en cas de phénomène de déplacement d'ampleur européenne pesant sur l'ensemble des pays de l'Union.
Ce n'est pas l'objet évoqué par cet amendement, qui a donc été rejeté par la commission.
Chez Molière c'est : le poumon, le poumon, le poumon ! Avec vous, madame Mazetier, c'est : la protection temporaire, la directive protection temporaire, etc.
Cela fait bien la cinquième fois que je vous explique – comme vient de le faire le rapporteur – que cela n'a strictement rien à voir.
Cette directive suppose un conflit, des déplacements massifs, une mise en oeuvre par la Commission européenne, un accord des États membres, etc.
Cela n'a strictement rien à voir avec le cas de figure évoqué tout à l'heure par Étienne Pinte et que nous essayons de traiter.
Par ailleurs, personne ne conteste le fait que la création des zones d'attente ait été un progrès, offrant une protection nouvelle aux étrangers en situation irrégulière. Nul n'en disconvient. Nous vous proposons simplement d'adapter ce dispositif aux situations exceptionnelles que nous pouvons rencontrer.
Quant à la durée maximale d'existence d'une zone d'attente temporaire, elle est fixée à vingt jours : quatre-vingt-seize heures pour la demande d'asile éventuelle, plus deux fois huit jours avec accord du juge des libertés et de la détention.
Je crois donc qu'il n'y a pas lieu d'avoir les craintes que vous avez exprimées.
Monsieur le ministre, je pense qu'il est inutile de caricaturer les propos qui ont été tenus par notre collègue Sandrine Mazetier, dans la mesure où elle a fait référence à la directive « retour ».
Mais non, ce n'est pas la directive « retour » !
Il est particulièrement incongru que nous soyons obligés de nous y référer, alors que nous l'avions à l'époque qualifiée de « directive de la honte », pour dire que votre texte va beaucoup plus loin dans la dureté.
La question vous a été très judicieusement posée tout à l'heure par notre collègue Étienne Pinte : la directive « retour » n'a jamais fait état de dix personnes mais d'arrivages massifs.
Or vous nous proposez des zones d'attentes dites ad hoc – ou « sacs à dos » ou « portables », comme vous voudrez – au motif qu'en 2010 sont arrivés 120 Kurdes de Syrie sur les côtes de la Méditerranée.
Or, en dix ans, il n'y a eu que deux arrivages massifs de plus de cent personnes. Vous justifiez donc la modification de la loi et de l'accueil des étrangers et, en particulier, des demandeurs d'asile, par deux événements survenus en dix ans.
Quand vous vous exprimez, monsieur le ministre, j'ai l'impression d'entendre M. le ministre de l'intérieur nous jurer ses grands dieux qu'il n'y a pas d'écoutes téléphoniques illégales alors même que sont révélées un certain nombre d'informations et que sont publiés des documents classés confidentiel défense au motif que la sûreté nationale serait atteinte par la circulation de rumeurs sur le couple présidentiel ou sur l'affaire Bettencourt. Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles.
Par ces dispositions, vous fragilisez les demandeurs d'asile. De plus, comme la mise en place de ces zones d'attente demandera un délai, le demandeur d'asile ne sera pas considéré, pendant ce délai, comme étant sur le territoire français, et ne pourra donc pas bénéficier des droits propres à sa condition de demandeur d'asile. La création de vos zones d'attente n'est conforme – et vous le savez – ni au droit européen, notamment aux accords de Schengen, ni à l'idée que nous nous faisons des droits auxquels peut prétendre un demandeur d'asile.
Voilà pourquoi, tout comme Mme Mazetier et sans doute M. Braouezec dans un instant, je prends la parole pour dénoncer cet article et ceux qui le suivent.
Vous avez l'art de banaliser l'inacceptable. Vous nous présentez la création de zones d'attente comme tout à fait naturelle. Le maître mot du Président de la République et de son gouvernement est le pragmatisme, c'est-à-dire l'adaptation aux situations nouvelles. Mais la situation n'a pas changé.
Vous avez, d'ailleurs, travesti les chiffres, monsieur le ministre, en présentant la France comme le pays qui accueille le plus grand nombre de demandeurs d'asile. Non ! La France est un des pays qui reçoivent le plus de demandes d'asile mais le pourcentage d'acceptation de celles-ci – 31 % – est loin derrière celui des États-Unis et du Canada – 51 % – ou encore de l'Allemagne. Vous n'avez donc pas lieu de vous glorifier en la matière. La France n'accueille pas tout le monde, il y a beaucoup de refus.
Quand on ajoute à cela le parcours du combattant que représente l'acquisition de la nationalité ou l'obtention d'une carte de séjour, on voit que le périmètre se réduit fortement pour tous ceux qui veulent vivre dans notre pays, y compris pour les demandeurs d'asile dont les droits ont pourtant été codifiés par les conventions internationales.
Ces zones d'attente ad hoc doivent être condamnées et c'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression des articles 6 à 12. Elles ne sont pas conformes à celles qui existent aujourd'hui dans les gares et les aéroports internationaux, où les demandeurs d'asile bénéficient d'un certain nombre de soutiens. Un autre effet de la création des zones d'attente ad hoc sera d'ailleurs d'éloigner ces gens qui ne parlent pas français et sont dans le désarroi des associations qui peuvent leur apporter un soutien et leur permettre d'arguer de leur bon droit.
Vous n'avez pas répondu à la question d'Étienne Pinte, monsieur le ministre. Mais peut-être avez-vous mis à profit la suspension de séance pour vous renseigner auprès de votre cabinet et de vos services. Que sont devenus les Kurdes de Syrie ? Vous savez que le statut de Kurde n'est pas reconnu en Syrie, ni même dans les trois autres pays où ils sont présents et où ils vivent beaucoup d'humiliations, de répressions et d'atteintes à leurs libertés. C'est pourquoi il serait intéressant de savoir si le droit d'asile leur a enfin été accordé.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que voter contre l'article 6 et ceux qui le suivent concernant les zones d'attente.
Monsieur le ministre, vous avez l'air, ce qui est tout à fait votre droit, de trouver fastidieux de répéter toujours les mêmes réponses. Mais, comme vos réponses ne nous satisfont pas, vous nous permettrez d'insister et de revenir sur les articles 6 à 12, qui, selon nous, ne devraient pas figurer dans cette loi.
Ces articles ne correspondent à aucun impératif de transposition d'une quelconque directive européenne. Comme plusieurs d'entre nous l'ont souligné, ils font suite à l'arrivée en Corse de 123 migrants. Or les juges de la liberté et de la détention, saisis quelques jours plus tard, avaient libéré l'ensemble de ces personnes, considérant qu'elles avaient été privées illégalement de liberté.
Il faut rappeler que la notion de zone d'attente est attachée à la zone d'accès réservé dans les ports, aéroports et gares ouvertes au trafic international hors Schengen. Or cet article et les suivants créent une distinction entre la zone d'attente et le territoire sur une distance de dix kilomètres de la frontière puisqu'il permet de ramener en zone d'attente, en deçà du contrôle frontière, des personnes qui sont déjà entrées, même de manière irrégulière, sur le territoire. Une personne entrée irrégulièrement sur le territoire et celle placée en zone d'attente n'ont pourtant pas les mêmes droits. Vous remettez cela en question.
Le texte remanié par la commission des lois fait état de l'arrivée simultanée d'au moins dix personnes dans un périmètre de dix kilomètres de la frontière, ces personnes pouvant être ensemble ou éparpillées dans cette zone. Le nombre de dix ne correspond manifestement pas à la notion d'afflux massif dans des circonstances exceptionnelles figurant dans la directive. Il pourrait d'ailleurs s'appliquer couramment dans les aéroports et dans les ports. On peut considérer, par exemple, que onze personnes voyageant indépendamment et se trouvant en situation irrégulière soient considérées comme étant collectivement arrivées sur le territoire. Vous ne manquerez pas d'ailleurs de l'interpréter ainsi.
Cela pourrait avoir des conséquences sur le droit d'asile puisque les règles sont différentes.
En zone d'attente, les personnes peuvent être privées de liberté le temps de l'examen du caractère manifestement infondé de leur demande d'asile par le ministère de l'immigration. Si leur demande est rejetée, elles peuvent être renvoyées dans leur pays de provenance ou d'origine, sous réserve d'un recours suspensif de quarante-huit heures auprès du tribunal administratif de Paris, sans qu'elles puissent déposer une demande d'asile auprès de l'OFPRA.
Si elles se trouvent sur le territoire français – et vous apprécierez la nuance –, elles peuvent déposer une demande d'asile auprès de la préfecture puis de l'OFPRA, qui examine sur le fond leur demande d'asile sous le contrôle de la Cour nationale du droit d'asile, en étant admises à séjourner provisoirement et en étant logées dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile.
Comme on le voit, l'adoption d'une telle disposition conduirait, quoique vous le niiez, à rendre moins effectif le droit d'asile, ce qui est contraire à la jurisprudence constitutionnelle.
Il en va de même pour les personnes qui ne sollicitent pas l'asile. Si on les replace en zone d'attente, il peut leur être notifié un refus d'entrée exécutoire d'office, à moins que la personne ne demande à bénéficier d'un jour franc, mais elle n'aura pas la possibilité d'un recours suspensif.
Si on considère qu'elles sont entrées irrégulièrement, il est possible de leur notifier une mesure d'éloignement, laquelle peut faire l'objet d'un recours suspensif et urgent devant le tribunal administratif.
Il faut, de plus, souligner que les populations que vous visez sont souvent les plus vulnérables : enfants, personnes âgées ou personnes de santé précaire. Maintenir des enfants en zone d'attente est un traitement inhumain et dégradant, au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La réforme que vous proposez ne ferait qu'aggraver les traumatismes psychologiques de la retenue en zone d'attente de ces enfants.
Comme on le voit, la possibilité d'étendre la zone d'attente de façon élastique a pour conséquence de réduire également les droits des personnes sollicitant une entrée au séjour et est contraire à la directive 2008115CE, dite directive retour.
Monsieur le ministre, l'article 6 de votre projet constitue à l'évidence une innovation qui inquiète à bien des égards.
Elle inquiète parce qu'elle banalise le principe de la limitation de la liberté d'aller et venir des personnes, ce qui est un comble au moment où l'on favorise la circulation des biens. La Commission nationale consultative des droits de l'homme, autorité administrative indépendante à qui la loi a confié un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l'homme, a parlé, à propos de ces zones d'attente, d'une banalisation de la privation de liberté. Cette qualification résulte d'une absence de précision de votre part.
Cette innovation inquiète aussi à cause de son imprécision, qui fait douter de son caractère de stricte nécessité. En effet, aucun élément sur la création ou sur les conditions de fonctionnement de ces zones n'est donné, ce qui paraît d'ailleurs en contradiction avec la nécessité d'une détermination préalable des lieux et des conditions matérielles de rétention des personnes arrêtées. Des précisions permettraient aussi de limiter le risque, qui a été rappelé tout à l'heure, de décision arbitraire ou de retenue dans des conditions ne garantissant pas la dignité des personnes. Je me permets de rappeler à cet égard qu'au mois d'août dernier le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe s'est à nouveau inquiété de la situation des centres de rétention de notre pays qui, selon lui, continue de susciter des réserves. En pratique, c'est l'administration préfectorale ou la police qui déterminera cette zone.
L'innovation introduite par l'article 6 inquiète également car elle pourrait aboutir à limiter l'exercice effectif des droits des personnes retenues et, notamment, celui du droit d'asile. L'absence de limitations claires des zones d'attente pourrait restreindre l'exercice du droit d'asile puisque des demandeurs pourraient être à la fois assujettis, en tout lieu déclaré zone d'attente, à la procédure d'asile à la frontière, véritable filtre pour l'accès ultérieur à la procédure d'asile sur le territoire. Donc l'absence de garanties apportées à l'exercice de ce droit dans le cadre de ces zones créées en fonction des seuls besoins de police paraît de nature à mettre en cause la constitutionnalité et la compatibilité de la mesure avec les conventions internationales telles qu'elles sont interprétées par le juge.
L'innovation introduite par l'article 6 inquiète enfin parce qu'elle oublie et même gomme totalement le sort des enfants et mineurs potentiellement concernés.
Le dispositif s'appliquant aux mineurs isolés étrangers, ceux-ci pourront, eux aussi, être enfermés dans les zones d'attente. Une telle privation de liberté est inadaptée aux mineurs et aux enfants. Or ce point ne fait l'objet d'aucune mention dans le projet, alors que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que la situation d'extrême vulnérabilité doit être déterminante et prévaloir sur la qualité d'étranger en séjour illégal.
Dans le courrier qu'il vous a adressé en août dernier, monsieur le ministre, le commissaire au droit de l'homme du Conseil de l'Europe vous a rappelé que la place d'un enfant n'est pas en rétention. Il a ajouté qu'il appartenait à l'État de trouver des solutions appropriées pour organiser le retour d'une famille d'étrangers sans recourir à la privation de liberté.
La détermination d'un représentant des droits des mineurs concernés aurait donc pu être envisagée. Elle aurait permis de prévenir des situations contraires au droit et préjudiciables à la dignité des personnes. Tel n'est pas le cas et je ne peux que le regretter.
C'est la raison pour laquelle nous avions demandé la suppression de cet article. S'il n'y avait pas eu de suspension de séance, ce serait chose faite. Il est regrettable qu'il n'ait pas été supprimé.
Les associations trouvaient que la définition du « groupe d'étrangers » était trop imprécise. Notre rapporteur a donc proposé que ce groupe soit composé d'au moins dix personnes : il est important de noter que cette proposition est de sa seule responsabilité et n'est nullement celle des associations. Il me semble en tout cas que le chiffre de dix nous éloigne de la directive « retour », qui parle de la présence « d'un nombre exceptionnellement élevé d'étrangers ».
Bien des choses ont été dites et je voudrais, à mon tour, apporter plusieurs précisions.
Pour répondre à M. Pinte, je donnerai d'abord les informations suivantes sur les 123 migrants de Bonifacio : soixante-seize d'entre eux ont demandé l'asile ; trente-deux ne l'ont pas demandé et ont bénéficié temporairement de l'hébergement d'urgence ; quinze, au minimum, ont quitté le territoire français, certains ayant été aperçus en Allemagne ou au Danemark – en la circonstance, la France n'a été pour eux qu'une zone de transit ; et deux ont obtenu des titres de séjour puisque, sur la base de la circulaire que j'ai signée le 5 février, ils ont coopéré avec la police et permis de découvrir les réseaux mafieux qui les avaient transportés jusqu'en Corse.
Je voudrais également rassurer Patrick Braouezec : je ne trouve pas fastidieux de répondre aux députés.
Le problème, c'est que, quand Mme Mazetier répète six fois de suite en quelques jours le même argument, me recommandant d'utiliser la directive « protection temporaire », que chaque fois je lui explique pourquoi ce n'est pas possible et que jamais elle ne me dit que je me trompe et que je pourrais appliquer cette directive pour telle ou telle raison, j'ai l'impression qu'on tourne un peu en rond. Pour le reste, je répondrai autant que vous le souhaitez à toutes vos questions.
Je voudrais simplement indiquer de nouveau que les zones d'attente n'ont rien à voir avec la directive « retour ». La protection de nos frontières relève de la convention de Schengen, qui précise qu'il revient à chaque État d'assurer le contrôle de ses frontières. C'est dans ce cadre qu'a été adoptée la loi de 1992, dite loi Quilès, qui a créé les zones d'attente. Je vous signale par ailleurs que la loi prévoit que ces zones sont ouvertes aux associations qui assistent les personnes dans l'exercice de leurs droits, et que j'ai agréé cette année plus de dix associations pour ce faire.
Je voudrais rappeler ce qu'est le cadre défini par le droit pour que nous parlions tous de la même chose. Peut-être serai-je un peu long, mais ces précisions auront été données une fois pour toutes et je n'interviendrai pas, ensuite, sur les autres amendements.
L'éloignement des étrangers sur le territoire français, ce n'est pas la même chose que le renvoi, à la frontière, des étrangers non admis sur le territoire. C'est pourquoi les règles de l'entrée sur le territoire sont différentes et distinctes des règles du séjour et, par conséquent, de l'éloignement.
D'autre part, la directive « retour » concerne les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d'un État membre, c'est-à-dire ceux qui ont déjà franchi la frontière et qui sont déjà présents sur le territoire : c'est l'article 2 de la directive. Les décisions de refus d'entrée concernent des personnes arrivant à la frontière, qu'elle soit terrestre, maritime ou aérienne. Il s'agit d'une espèce de « stop » à la frontière, pour employer un terme sans doute impropre mais parlant. Ces personnes sont bloquées à la frontière. En cas de décision de refus d'entrée, la personne est placée en zone d'attente.
Les États membres ne sont pas du tout obligés d'appliquer la directive « retour » aux décisions de refus d'entrée : c'est l'article 2 de la directive. On applique seulement le règlement européen appelé Code frontières Schengen, qui énonce toutes les règles à respecter pour franchir une frontière Schengen et qui ne contient aucune disposition telle que l'article 18.
L'article 18 de la directive « retour » porte sur l'hypothèse d'un nombre exceptionnellement élevé de personnes étrangères devant être éloignées sous le coup d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière – APRF – ou d'une obligation de quitter le territoire français – OQTF –, qui saturent les centres de rétention administrative. Il ne porte que sur cette hypothèse de saturation momentanée des CRA d'un État membre. Il n'y a donc pas lieu de lire les dispositions de l'article 6 en lien avec la directive « retour ». L'article 6 du projet de loi vise seulement à une adaptation des critères en cas de situation exceptionnelle, ce que j'ai essayé d'expliquer tout à l'heure, pour créer une zone d'attente.
Je veux rassurer tous les députés qui se sont exprimés. Cet article ne modifie aucune des garanties dont bénéficie l'étranger arrêté à la frontière, notamment le droit de déposer une demande d'asile et de voir un agent de l'OFPRA, de voir un médecin et d'entrer en contact avec son consulat.
…M. le ministre ne l'est pas dans les explications de son refus de mettre en oeuvre la directive « protection temporaire ». La première fois que je lui en ai parlé, à propos des Afghans, il m'a expliqué qu'il n'y avait pas, sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord, d'afflux massif justifiant de mettre en place les dispositions de la directive « protection temporaire », d'ores et déjà transposée dans notre droit. À présent, il invoque d'autres motifs. Bref, il a toujours une bonne raison de constater qu'il est urgent de ne rien faire et de ne pas appliquer des dispositions qui sont parfaitement applicables.
Vous avez cité l'article 2 de la directive « retour », monsieur le ministre. Permettez-moi de lire son deuxième considérant, qui définit l'esprit dans lequel elle a été rédigée : « Le Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004 a recommandé la mise en place d'une politique efficace d'éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes, afin que les personnes concernées soient rapatriées d'une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité. » Le dispositif des zones d'attente ad hoc, tel que vous le mettrez en place si ce projet de loi est adopté en l'état, bafoue le respect des droits fondamentaux de ces personnes.
Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit ma collègue Marietta Karamanli, à laquelle vous n'avez pas eu l'élégance de répondre. Manifestement, vous avez quelque difficulté à répondre aux députées socialistes.
Au moins, soyez précis. Vous citez l'article 2 de la directive « retour » : mais pourquoi ne citez-vous pas son article 18, qui conditionne l'adoption de mesures dérogatoires au droit commun par un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers et par une situation exceptionnelle ? Les zones d'attente, telles que vous les créez, c'est partout, tout le temps, et même la précision du rapporteur sur la notion de groupe est une astuce. En effet, le groupe dont la présence est constatée n'est pas du tout regroupé, puisqu'il s'agit de constater la présence de personnes sur le territoire français – et non pas en zone d'attente. Il suffit qu'on trouve dix personnes dans une zone de dix kilomètres carrés pour que s'applique le dispositif des zones d'attente dites temporaires. Cela veut dire que, partout sur le territoire français, nous vivrons sous ce régime dérogatoire et très précis de la loi de 1992, et que les garanties de droit fondamentales prévues dans les considérants de la directive « retour » ne seront pas respectées.
(L'amendement n° 159 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 161 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Il est défendu.
(L'amendement n° 161 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Tous les amendements à l'article 6 qui visaient à rétablir le caractère exceptionnel de la mesure ont été repoussés par le Gouvernement, ce qui prouve bien que les zones d'attente ad hoc n'ont aucun caractère exceptionnel et ne sont pas du tout faites pour affronter des situations exceptionnelles, comme celle des Kurdes de Bonifacio.
L'article 7 est un exemple de la réduction de droits qui, au-delà des articles 6 à 12, caractérise tout ce texte. Par peur de voir des étrangers relâchés par les tribunaux, la notification de leurs droits n'ayant pas été faite correctement, l'article 7 diffère indéfiniment cette notification. Je tiens à rappeler qu'il peut y avoir, parmi ces étrangers, des personnes vulnérables qui pourraient formuler des demandes d'asile. En multipliant les conditions qui permettent de ne pas notifier les droits, vous donnez un nouvel exemple de recul des droits.
Avec mes collègues Françoise Hostalier et Jean Dionis du Séjour, nous avons proposé de supprimer l'article 7, car nous estimons que la notification des droits des personnes privées de liberté est une garantie essentielle, au coeur du contrôle du juge de la liberté individuelle. En prévoyant que cette notification se fera dans les « meilleurs délais » possibles, sans autre précision, l'article 7 vise à rendre régulières des privations de liberté de plusieurs heures hors de tout cadre juridique.
Comme l'a souligné Étienne Pinte, cet article permet de différer la notification de leurs droits aux personnes placées en détention ou en zone d'attente. Pour moi, la notification des droits doit se faire au moment de la privation de liberté. C'est un principe évident dont il ne faut pas dévier. De plus, le délai pour notifier les droits n'est pas précisé, puisqu'il est seulement question des « meilleurs délais ». L'exercice des droits fondamentaux n'a pas à s'adapter aux contraintes de l'administration. Si, parfois, dans des cas réellement exceptionnels, on peut avoir une tolérance, il me paraît hors de question d'inscrire cette tolérance dans la loi, sous peine de la voir devenir systématique. C'est au juge de déterminer si, pour chaque cas d'espèce, les droits fondamentaux de l'étranger ont été respectés. C'est pourquoi, comme mon collègue Pinte, je propose la suppression de l'article 7.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 164 .
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 180 .
À vous écouter, monsieur le ministre, ce texte ne changerait rien au droit. Or nos collègues Étienne Pinte et Lionel Tardy viennent de rappeler que le diable se niche souvent dans le détail des mots. Il y a effectivement une grosse différence entre « immédiatement », qui laisse un temps très court, et « dans les meilleurs délais », qui me font penser au mot de Fernand Raynaud à propos du fût du canon – « un certain temps ». « Dans les meilleurs délais » comme « un certain temps », on ne sait pas trop ce que c'est. J'ai bien écouté votre démonstration. Vous nous assurez que les droits sont garantis de la même façon dans ce projet de loi. Je crois le contraire, et avec cette simple nuance le droit des étrangers qui arrivent sur notre territoire de manière irrégulière ne sera pas respecté comme il l'était en vertu de la loi précédente.
L'exigence d'une notification « dans les meilleurs délais » n'est pas une nouveauté dans un projet de loi. Cette notion avait été introduite par un amendement, dont j'étais l'auteur, adopté en 2003,…
…mais malheureusement peu pris en compte par les juges.
Il s'agissait de mettre à la charge de l'administration une obligation de moyens et non de résultat. Je vais prendre un exemple concret. Si cinquante étrangers arrivent en même temps à la frontière, il est évident que le cinquantième recevra la notification de ses droits plusieurs heures après le premier, car l'administration ne peut pas réquisitionner autant de fonctionnaires de police et d'interprètes que d'étrangers pour notifier immédiatement les droits.
Dans ces conditions qui relèvent d'une situation objective sur laquelle l'administration n'a aucune prise et qui seront vérifiées par le juge, je ne vois pas en quoi cette disposition est choquante.
Avis défavorable.
Tous les amendements qui viennent d'être défendus sont fondés sur l'idée que le Gouvernement et la majorité voudraient absolument ne pas respecter le droit des étrangers en situation irrégulière, pouvoir les reconduire à la frontière sans procédure et ne jamais respecter le droit d'asile qui relève pourtant de la tradition républicaine. Ce n'est pas du tout notre état d'esprit.
Pour être complet, je vais reprendre l'exemple, que je citais tout à l'heure, de Bonifacio. Les étrangers étaient pour l'essentiel, voire pour la totalité d'entre eux, a priori des Kurdes. Il n'y a qu'un interprète kurde en Corse. De plus, il s'est récusé, il n'a pas voulu par crainte de représailles coopérer avec les services de l'État. Il a fallu acheminer, un vendredi après-midi, en Corse, au moins une vingtaine d'interprètes parlant kurde et toutes les autres langues susceptibles d'être utilisées. Le texte propose donc qu'en cas de situation exceptionnelle la notification soit faite dans « les meilleurs délais » possibles. Vous comprendrez, dans ces conditions, que l'on ne puisse chiffrer dans le texte, le nombre d'heures nécessaires.
Ce sont ces situations que vise ce texte. Cessez de nous faire des procès d'intention.
Monsieur le ministre, je comprends votre argumentation. Vous avez cité l'exemple très exceptionnel de Bonifacio. Souvent, dans les projets de loi, on ajoute des dispositions qui n'ont rien à y faire. S'il s'agit de mesures très exceptionnelles, pourquoi faire figurer cela dans la loi et ne pas laisser le juge se déterminer pour chaque cas ?
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 164 .
L'expression « dans les meilleurs délais possibles » date de 2003. Ce n'est donc pas une innovation. En 2003, les obligations de l'administration avaient été assouplies pour la notification des droits.
Vous allez là encore un petit peu plus loin dans la couverture d'irrégularités commises par l'administration. Et ce n'est absolument pas réservé à des situations exceptionnelles, vous avez refusé de prévoir cela dans le texte. Ce sera le régime commun applicable tous les jours, toute l'année, dans tous les aéroports, les ports et un peu partout où seront créées des zones d'attente temporaires. Vous retardez indéfiniment la notification des droits des personnes. Nous ne défendons pas seulement le droit des personnes en situation irrégulière, mais une certaine idée du droit, de la justice, et le respect de la règle, qui est valable pour tout le monde.
(Les amendements identiques nos 47 , 70 et 164 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 165 .
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
L'amendement n° 165 peut permettre au Gouvernement de démontrer sa bonne foi. Il suffit, monsieur le ministre, que vous acceptiez notre amendement qui vise à substituer à l'alinéa 2 de l'article 7 au mot : « important », les mots : « exceptionnellement élevé ». Vous nous avez décrit une situation tout à fait exceptionnelle. Il faudrait que cela soit mentionné dans le texte. Il s'agit de conditionner les dispositions dérogatoires que vous vous apprêtez à prendre par le fait qu'il y ait un nombre exceptionnellement élevé de personnes à qui il faut notifier leurs droits dans les meilleurs délais possibles.
(L'amendement n° 165 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 6 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
C'est tout à fait autre chose, il s'agit de compléter l'alinéa 2 en ajoutant une autre notion.
Nous sommes au début du processus qui vise à limiter le contrôle du juge judiciaire et on retrouve cela dans d'autres articles. C'est le premier exemple du système de purge des nullités que vous souhaitez mettre en place s'agissant des étrangers.
On fait des étrangers des justiciables de seconde zone. C'est la seule procédure civile où il y ait privation de liberté. On plaque sur eux une procédure civile, alors que la défense de leurs droits et les moyens qui doivent y être affectés mériteraient que l'on respecte tous les arguments qui peuvent être avancés par la défense au fur et à mesure de la procédure.
La prolongation du maintien en zone d'attente n'est qu'une faculté. Le juge doit pouvoir apprécier la situation de l'intéressé. Le juge judiciaire peut apprécier le caractère manifestement infondé d'une demande d'asile pour prolonger la privation de liberté.
L'alinéa 4 de l'article 9 vise à revenir sur une jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui considère que le maintien en zone d'attente n'est qu'une faculté, l'étranger présentant des garanties de représentation pouvant exécuter le refus d'entrer dont il fait l'objet sans être privé de liberté.
Les articles 8 à 12 du projet sont inutiles, à moins de réduire encore les possibilités pour des personnes qui cherchent la protection de leur vie, la sauvegarde de leur intégrité, de trouver refuge auprès de grandes démocraties comme les nôtres.
Mes collègues Françoise Hostalier, Nicole Ameline, Jean Dionis du Séjour et moi-même proposons de supprimer l'article 8.
Cet article vise en effet à déclarer irrecevable d'office tout moyen d'irrégularité soulevé après la première audience, à moins que ladite irrégularité ne soit postérieure à l'audience.
Ces dispositions marquent à l'évidence une défiance à l'égard des juges judiciaires qui, constatant qu'une irrégularité manifeste violant les droits de l'étranger aurait été commise, devraient néanmoins feindre de ne pas la voir et s'interdire de la constater pour ordonner la mise en liberté sur ce fondement, pour la seule raison que cette irrégularité n'aurait pas été invoquée dès le premier passage devant le juge.
Les avocats, ayant connaissance de la procédure judiciaire très peu de temps avant les audiences, sont fréquemment conduits à soulever en appel des moyens de nullité.
Cet article va à contre-courant des règles fixées par le code de procédure civile et de la jurisprudence qui en découle.
L'article 561 du CPC définit l'objet de l'appel : « L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit, à nouveau, statué en fait et en droit. »
L'article 563 du code de procédure civile précise : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code affirme le principe : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »
Dans un arrêt de principe du 1er juillet 2009, la Cour de cassation vient de préciser la définition du périmètre de la notion d'exception, notamment de procédure : « Mais attendu qu'ayant relevé que le moyen concernait l'exercice effectif des droits de l'étranger dont le juge devait s'assurer, de sorte qu'il ne constituait pas une exception de procédure au sens de l'article 74 du code de procédure civile, le premier président en a justement déduit que, bien que n'ayant pas été soulevé devant le juge des libertés et de la détention, il convenait d'y répondre ; que le moyen n'est pas fondé. »
Ces dispositions réduisent incontestablement le droit à un recours effectif. Elles pourraient être considérées comme contraires à l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Cet article organise une purge des irrégularités en imposant de les soulever dès la première audience. Si ce n'est pas le cas, il est par la suite impossible de le faire.
Nous savons que beaucoup de procédures sont annulées pour irrégularités, notamment lors des arrestations. C'est un point clef pour les administrations qui rendra plus difficile les annulations pour vice de forme. Cette disposition est à mon avis particulièrement grave car la première audience doit actuellement avoir lieu dans les quarante-huit heures. La personne placée en rétention n'est pas vraiment en mesure de préparer efficacement sa défense, en raison de la barrière de la langue, d'une méconnaissance du droit et de conditions matérielles et psychologiques souvent difficiles. L'avocat, qui prend souvent connaissance du dossier une heure avant l'audience, n'a pas le temps d'approfondir le dossier et d'obtenir des informations qui permettraient de détecter une erreur de procédure. On s'aperçoit bien souvent après coup que les droits n'ont pas été notifiés ou que le contrôle du titre de séjour, qui a provoqué l'arrestation, n'était pas régulier.
On peut être pour ou contre cela, mais je pense que l'on peut parfois limiter certains droits constitutionnels, quand il s'agit de les concilier avec d'autres constitutionnellement protégés. Mais dans ce cas, je ne vois pas quel droit constitutionnel est mis en avant pour justifier cette limitation des droits de la défense et l'atteinte au droit à un procès équitable. On risque, une fois encore, sur ce point, la censure du Conseil constitutionnel.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l'amendement n° 166 .
L'amendement est défendu, compte tenu de mon intervention sur l'article 8.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 181 .
Je souscris aux propos de Mme Mazetier, lors de son intervention sur l'article et je propose comme MM. Pinte et Tardy la suppression de l'article 8.
Cet article traduit votre défiance envers les juges judiciaires et, en l'adoptant, vous prenez le risque – tant pis pour vous – de vous faire censurer par le Conseil constitutionnel. Au-delà des questions de morale évoquées à l'instant par notre collègue Jean-Pierre Brard dans sa courte intervention, cet article est également contraire à l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, pour ce qui me concerne, cela me gênerait beaucoup.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements identiques ?
Les articles 8 à 12 sont des articles clés.
Il est indispensable de sécuriser et de clarifier les procédures devant les juges des libertés et de la détention, les JLD. Le flou actuel débouche sur des distorsions inexplicables et à mon sens inadmissibles selon les juges, distorsions difficilement compréhensibles pour les services qui appliquent les procédures et qui ne savent pas selon quels critères elles seront appréciées.
Conformément au rapport Mazeaud, les articles 8 à 12 visent à mieux encadrer les pratiques des JLD, souvent fort différentes, afin de sécuriser les procédures parfois annulées pour des raisons que ne comprennent ni les services de police ni les services de gendarmerie, complètement démoralisés par les motifs inventés par certains JLD pour annuler des décisions.
L'article 8 est indispensable car il précise que la seconde prolongation de la rétention a pour unique but de vérifier que la demande de prolongation présentée par l'administration est justifiée. En revanche, il n'y a pas lieu à l'occasion de cette deuxième audience de revenir sur d'éventuelles irrégularités de la procédure ayant conduit à placer l'étranger en zone d'attente.
Une fois que le JLD a accepté la prolongation une première fois, les procédures réalisées auparavant ne doivent désormais plus pouvoir être contestées à l'occasion d'une audience postérieure dont l'objet est alors seulement de se prononcer sur la nécessité de décider une nouvelle durée de maintien en zone d'attente.
Je vous renvoie à la page quarante-sept du rapport, qui soulève quelques questions. À ma connaissance, c'est la première fois que l'on dispose d'un tableau sur l'évolution du taux de rejet des demandes de prolongation, c'est-à-dire de libération des personnes.
Certes, mais je croyais pour ma part que la justice était rendue de manière équitable sur l'ensemble du territoire. Bien sûr, il ne me viendrait pas à l'esprit de critiquer les juges, certains ont l'épiderme sensible. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Écoutez les chiffres, chers collègues ! Le tableau de la page quarante-sept indique les taux de libération entre 2007 et 2009 pour chaque tribunal de grande instance. Entre 2007 et 2009, on est à 22 % en moyenne. Cela signifie qu'au plan national, les décisions sont à peu près identiques, mais tout change ensuite au plan local d'un siège à l'autre. Une personne sans-papiers a huit fois plus de chances d'être libérée à Nanterre, Nîmes ou Bobigny...
Je vous laisse la responsabilité de la comparaison !
Les taux de libération devant les JLD sont pour 2009 de 4,7 % à Lyon, 6,8 % à Marseille et 7,2 % à Nice. En revanche, ils sont de 41,8 % à Nîmes, de 43,9 % à Nanterre et de 50,5 % à Bobigny.
Je me dis que certaines associations pourraient établir un Guide Michelin du sans-papiers ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Pourquoi pas le Gault et Millau ou le Guide du routard, qui serait plus approprié !
De tels chiffres donnent en effet le sentiment que la justice n'est pas rendue de la même manière !
Cela ne vous plaît pas mais, avec de telles distorsions, il y a de quoi se poser des questions.
L'article 8 relatif à la purge des nullités est tout à fait justifié au regard d'un tel tableau. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le Gouvernement est également défavorable aux différents amendements. Je souhaite rassurer les différents orateurs, et en premier lieu M. Braouezec. L'article 8 relatif à la purge des nullités a été directement inspiré par les travaux de la commission Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, ce qui devrait vous rassurer, monsieur Braouezec.
Avec cet article, il s'agit de dire qu'une irrégularité de procédure ne peut être évoquée à l'occasion de la deuxième demande de prolongation devant le JLD si elle ne l'a pas été lors de la première demande de prolongation. Concrètement, cela signifie que si une personne estimant avoir été interpellée lors d'un contrôle irrégulier, par exemple un contrôle non autorisé par le procureur, n'en fait pas mention lors de la première instance devant le JLD, mais s'en souvient lors de la seconde, elle ne peut l'évoquer lors de la seconde. En revanche, rassurez-vous, les irrégularités de fond peuvent être invoquées à tout moment en première prolongation comme en seconde, en première instance comme en appel. Il n'y a donc aucune remise en cause du droit des étrangers.
Bien sûr. L'appel n'est pas supprimé, contrairement à ce que disait M. Pinte tout à l'heure.
Tout à fait.
La lecture du tableau de la page quarante-sept du rapport devrait donner des regrets à M. le ministre : les tribunaux de Bastia et d'Ajaccio sont largement en deçà de la moyenne nationale.
Il n'était pas nécessaire de créer des dispositions dérogatoires au droit commun.
Le rapporteur a exprimé très clairement ce que le Gouvernement ne veut pas dire tout haut, à savoir que l'on veut éloigner le juge parce que le juge des libertés et de la détention dérange.
Thierry Mariani l'a exprimé clairement.
Je voudrais faire remarquer que l'on pourrait tirer d'autres conclusions de ce fameux tableau et notamment se dire qu'il y a des endroits où l'administration commet énormément d'irrégularités. À Bastia et à Ajaccio, les procédures sont respectées. À la lecture de ce tableau, je m'interroge également sur la pression qui pèse sur les policiers et les gendarmes dans un certain nombre de départements. La politique du chiffre les conduit à aller toujours plus vite et, ce faisant, à respecter toujours moins les garanties procédurales et les droits élémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour ma part, j'ai fait une tout autre lecture de ce rapport, monsieur Mariani.
Les commentaires du rapporteur sur l'évolution du taux de rejet des demandes de prolongation sont effarants. Il est très rare que l'on mette en cause le travail des juges dans l'enceinte parlementaire. Vous seriez le premier à vous énerver, monsieur Mariani, si un juge disait que la loi est mal faite par les députés.
S'il y a des erreurs de procédure et des fautes procédurales très nombreuses à Bobigny, c'est parce que la police, sous la pression de la politique du chiffre, …
…commet en effet des erreurs de procédure. M. Goasgen est avocat, il sait reconnaître un mauvais procès-verbal. Un avocat, qui connaît ces matières très complexes, arrive à faire annuler les procédures par le JLD car il n'est en effet pas normal de mettre des personnes en rétention dans ces conditions.
Bravo aux forces de police de Marseille et de Lyon qui font bien leur travail, mais je vous assure que dans la région parisienne les avocats disent tous que ce n'est ni fait ni à faire et qu'il y a presque une annulation sur deux à Bobigny en raison de la très forte pression exercée sur les forces de police par les services de M. Hortefeux et de M. Besson pour qu'elles fassent du chiffre.
Il était tout à fait indispensable de mettre de l'ordre dans la séquence des recours. Faire d'abord intervenir le juge administratif, qui va juger de la validité des actes administratifs, puis le JLD, me paraît être de la bonne justice. J'aurais même souhaité aller plus loin, mais il semble que cela pose un problème constitutionnel. J'ai toujours pensé qu'il faudrait un bloc de compétences pour le jugement des entrées illégales sur le territoire.
Il est bien dommage que l'on ne puisse y arriver car les doubles juridictions créent des malentendus et font que les services de police se prennent les pieds dans le tapis.
M. Goasguen n'est pas seulement avocat, il a aussi été recteur, ce qui signifie qu'il sait compter et pas seulement en pourcentage, mais en valeur absolue. Peut-être pourrait-il confronter ses connaissances avec celles de M. Mariani pour avoir une vision plus objective ? Se contenter de comparer des valeurs en pourcentage relève de l'arnaque car on ne parle pas des mêmes réalités !
Comparer le nombre de comparutions à Bobigny et à Nantes par exemple ou à Orléans en valeur absolue est complètement différent. On n'est pas sur la même planète du point de vue de la question de l'immigration et vous le savez bien.
Je vous ai dit, avant-hier, comment cela se passe dans les juridictions : « bonjour, quinze jours » ; et quand on vous le confirme vingt fois, trente fois, à plusieurs semaines d'écart, ce ne sont pas des affirmations personnelles, mais le reflet d'une réalité. Pour ceux qui n'en sont pas convaincus, je les invite à m'accompagner au centre de rétention de Vincennes ou au dépôt de la préfecture de police de Paris afin de parfaire leurs connaissances et que leurs opinions ne se fondent pas sur des a priori idéologiques.
Vous nous avez déjà dit cela il y a deux jours.
Comme l'efficacité de mon propos n'est pas prouvée par les réactions du rapporteur, je pense qu'il faut le répéter.
Utiliser des pourcentages relève de l'arnaque. Vous voulez noyer votre chien, vous l'accusez d'avoir la rage.
Vous vous en prenez aux magistrats qui en ont – si vous me passez l'expression – ras la casquette. Et je suis certain que les magistrats de Bobigny qui liront le Journal officiel seront d'accord avec moi !
Madame Mazetier, monsieur Blisko, ce ne sont pas les JLD qui me dérangent, mais les distorsions. J'y reviendrai pour répondre à M. Brard. Quand on constate de telles distorsions d'un tribunal de grande instance à l'autre, de l'ordre de un pour neuf, on a lieu de se poser des questions !
Je croyais que la justice était rendue de la même manière et que les chances étaient les mêmes sur tout le territoire.
Monsieur Brard, je n'ai pas choisi n'importe quelle ville : j'ai pris les exemples de Lyon, Marseille et Nice d'une part, et de Nanterre, Bobigny et Nîmes d'autre part, plutôt que ceux de Meaux ou Charleville-Mézières – cela dit avec tout le respect dû à notre président de groupe ! En d'autres termes, j'ai choisi six TGI très importants.
J'étais étonné que vous n'en parliez pas ! Vous êtes constant dans vos obsessions !
Ce n'est pas une obsession. C'est plutôt vous qui avez des obsessions !
On ne peut enfin que s'interroger sur la manière dont les décisions évoluent en deux ou trois ans, laquelle s'explique souvent par un simple changement du tableau des effectifs.
Prenons l'exemple de Nîmes, que je ne choisis pas au hasard : ce TGI désespère les forces de police, car on y fait preuve d'une inventivité particulière pour trouver des raisons de remettre en cause leur travail. Le taux de libération y était de 11 % en 2007, de 30 % en 2008 et de 41 % en 2009 ! Qu'est-ce à dire ? Que les policiers sont devenus quatre fois plus mauvais ? (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Ou que les magistrats sont devenus quatre fois meilleurs ?
Ils ont trouvé des arguments ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, M. le président a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant que l'ordre du jour est ainsi modifié : les séances prévues demain, vendredi 1er octobre, sont supprimées ; l'Assemblée poursuivra mardi 5 octobre après-midi, après les questions au Gouvernement, la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
Monsieur le président, pouvez-vous nous confirmer que la séance de ce soir sera levée à minuit ?
Je vous le confirme ; c'est obligatoire, puisque ce sera la fin de la session extraordinaire.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma