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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 30 septembre 2010 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Article 6, amendement 159

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le ministre, l'article 6 de votre projet constitue à l'évidence une innovation qui inquiète à bien des égards.

Elle inquiète parce qu'elle banalise le principe de la limitation de la liberté d'aller et venir des personnes, ce qui est un comble au moment où l'on favorise la circulation des biens. La Commission nationale consultative des droits de l'homme, autorité administrative indépendante à qui la loi a confié un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l'homme, a parlé, à propos de ces zones d'attente, d'une banalisation de la privation de liberté. Cette qualification résulte d'une absence de précision de votre part.

Cette innovation inquiète aussi à cause de son imprécision, qui fait douter de son caractère de stricte nécessité. En effet, aucun élément sur la création ou sur les conditions de fonctionnement de ces zones n'est donné, ce qui paraît d'ailleurs en contradiction avec la nécessité d'une détermination préalable des lieux et des conditions matérielles de rétention des personnes arrêtées. Des précisions permettraient aussi de limiter le risque, qui a été rappelé tout à l'heure, de décision arbitraire ou de retenue dans des conditions ne garantissant pas la dignité des personnes. Je me permets de rappeler à cet égard qu'au mois d'août dernier le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe s'est à nouveau inquiété de la situation des centres de rétention de notre pays qui, selon lui, continue de susciter des réserves. En pratique, c'est l'administration préfectorale ou la police qui déterminera cette zone.

L'innovation introduite par l'article 6 inquiète également car elle pourrait aboutir à limiter l'exercice effectif des droits des personnes retenues et, notamment, celui du droit d'asile. L'absence de limitations claires des zones d'attente pourrait restreindre l'exercice du droit d'asile puisque des demandeurs pourraient être à la fois assujettis, en tout lieu déclaré zone d'attente, à la procédure d'asile à la frontière, véritable filtre pour l'accès ultérieur à la procédure d'asile sur le territoire. Donc l'absence de garanties apportées à l'exercice de ce droit dans le cadre de ces zones créées en fonction des seuls besoins de police paraît de nature à mettre en cause la constitutionnalité et la compatibilité de la mesure avec les conventions internationales telles qu'elles sont interprétées par le juge.

L'innovation introduite par l'article 6 inquiète enfin parce qu'elle oublie et même gomme totalement le sort des enfants et mineurs potentiellement concernés.

Le dispositif s'appliquant aux mineurs isolés étrangers, ceux-ci pourront, eux aussi, être enfermés dans les zones d'attente. Une telle privation de liberté est inadaptée aux mineurs et aux enfants. Or ce point ne fait l'objet d'aucune mention dans le projet, alors que la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que la situation d'extrême vulnérabilité doit être déterminante et prévaloir sur la qualité d'étranger en séjour illégal.

Dans le courrier qu'il vous a adressé en août dernier, monsieur le ministre, le commissaire au droit de l'homme du Conseil de l'Europe vous a rappelé que la place d'un enfant n'est pas en rétention. Il a ajouté qu'il appartenait à l'État de trouver des solutions appropriées pour organiser le retour d'une famille d'étrangers sans recourir à la privation de liberté.

La détermination d'un représentant des droits des mineurs concernés aurait donc pu être envisagée. Elle aurait permis de prévenir des situations contraires au droit et préjudiciables à la dignité des personnes. Tel n'est pas le cas et je ne peux que le regretter.

C'est la raison pour laquelle nous avions demandé la suppression de cet article. S'il n'y avait pas eu de suspension de séance, ce serait chose faite. Il est regrettable qu'il n'ait pas été supprimé.

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