La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (nos 1628, 1793, 1700).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures cinquante-deux pour le groupe UMP, huit heures six pour le groupe SRC, quatre heures vingt-neuf pour le groupe GDR, trois heures trente et une pour le groupe NC, cinquante minutes pour les non inscrits.
Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement 1628%2C1793%2C1700/220-">220 à l'article 4.
La parole est à M. Michel Issindou, pour soutenir l'amendement n° 220 .
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, tout ce qui touche à la portabilité et la transférabilité du droit individuel à la formation est plutôt une des rares bonnes mesures de ce projet de loi, et nous l'approuvons. Elle permet de ne pas se retrouver démuni quand on change d'emploi.
L'article 4 propose d'ajouter une section 6 dans le chapitre III du titre II du livre III de la sixième partie du code du travail. Par cet amendement, nous proposons plutôt de modifier la section 5.
Dans l'accord interprofessionnel du 5 décembre 2003, les partenaires sociaux ont souhaité consacrer le DIF comme un droit attaché à la personne ; ainsi que M. Vercamer l'a dit ce matin, c'est vraiment un droit personnel, qu'il doit être possible de transférer. Cela a été confirmé dans l'accord du 11 janvier 2008 relatif à la modernisation du marché du travail ; et pour garantir le maintien de l'accès à certains droits liés au contrat de travail, les partenaires sociaux ont développé et mis en place un mécanisme de portabilité – ce qui nous va également très bien.
L'article 4 rend ce mécanisme effectif. Nous souhaitons qu'il soit confirmé véritablement que les salariés qui perdent leur emploi – sauf pour une faute lourde, ce qui est tout de même assez exceptionnel – éviteront une rupture de tout ou partie du bénéfice de leurs droits entre le moment où il est mis fin au contrat de travail et celui où ils retrouvent un emploi. Nous souhaitons que durant cette période, les droits qu'ils ont acquis dans l'entreprise qu'ils quittent puissent être utilisés.
Nous n'avons donc pas de divergence de fond. Nous voulons simplement nous assurer de l'efficacité maximum de cette transférabilité et de cette portabilité – termes barbares, mais qui ont ici tout leur sens.
La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
La commission l'a rejeté. Le texte de l'article 4 est la transcription de l'accord national interprofessionnel, que nous avons entendu respecter. Au demeurant, j'ai du mal à comprendre le but de cet amendement : si j'ai bien compris, il s'agirait de fusionner le régime actuel de transférabilité du DIF en cas de licenciement et la nouvelle portabilité. En fait, dans le texte que vous nous proposez, monsieur Issindou, vous reprenez, au début, le principe de transférabilité en cas de licenciement, mais en supprimant les dispositions qui précisément l'organisent… Autrement dit, la transférabilité devient inopérante. L'objectif est sans doute louable, mais votre rédaction ne permet pas vraiment de clarifier les choses.
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons, d'autant que les partenaires sociaux continuent à négocier sur le CIF et le DIF. Je pense qu'il faut donc respecter l'équilibre qu'ils ont trouvé.
Le sujet est complexe, surtout en début d'après-midi... L'amendement n° 220 répondait en fait à une remarque que le rapporteur lui-même a faite dans son rapport : nous avons une section 5 qui organise la transférabilité et une section 6 qui organise la portabilité, ce qui devient un peu compliqué. Notre collègue Cherpion soulignait, avec la rigueur qui lui est coutumière, que certains auront du mal à savoir s'ils relèvent de la section 5 ou de la section 6… D'où cette proposition, qui résulte d'un travail juridique très abouti sans trahir aucunement l'accord conclu entre les partenaires sociaux. Il s'agit de rapprocher les deux dispositifs de transférabilité et de portabilité du DIF afin d'en faire un seul dispositif. Nous n'allons pas engager un long débat sur ce point, mais j'invite tout de même le secrétaire d'État et ses services à regarder les choses de près. Si nous voulons être efficace, évitons de construire une usine à gaz.
Cet amendement est bien rédigé. Il aurait mérité d'être regardé de près. Il est totalement en accord avec les partenaires sociaux.
(L'amendement n° 220 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 94 .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
J'ai bon espoir que mon amendement recueillera un avis favorable de la part du Gouvernement et de la commission. Nous avons tous en mémoire, monsieur le rapporteur, votre propos introductif, au début de l'examen de ce texte : vous nous avez appelé à sortir des positionnements habituels et à songer à l'intérêt des gens pour qui cette loi est faite.
Or, précisément, cet amendement vise à servir l'intérêt de ces personnes, c'est-à-dire les ouvriers, notamment ceux qui ont le plus faible niveau de qualification, et qui sont souvent les salariés précaires et les salariés à temps partiel. Le droit à formation étant proportionnel au temps de travail ou à l'ancienneté, le bénéfice réel pour ces salariés est très faible. C'est pourquoi nous proposons de leur garantir un droit minimum de dix heures de formation par an. Ce n'est pas extraordinaire, mais cela peut au moins permettre un réel cheminement vers une qualification, ce qu'on ne saurait espérer avec seulement deux ou trois heures, ou même une demi-journée de formation ici ou là.
Ce minimum de dix heures permettrait d'ouvrir de réelles perspectives pour les salariés les plus éloignés de la formation et de la qualification. Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'État, que vous serez sensible à cet amendement.
La commission a rejeté cet amendement. La disposition qu'il propose n'était pas prévue dans l'accord national interprofessionnel. Ajoutons que le DIF est en cours de déploiement : moins de 5 % des salariés ont fait valoir ce droit en 2007.
En outre, le coût pourrait être très élevé, comme l'a relevé la Cour des comptes. Cela pourrait absorber une partie importante des fonds existants, alors que les entreprises ont déjà le plus grand mal à provisionner. Dans le contexte actuel, mieux vaut laisser le DIF se déployer, sans alourdir davantage la barque.
Enfin, l'extension du DIF aux salariés en CDD est prévue, ce qui constitue déjà une première réponse à cet amendement.
Je suis évidemment sensible à la démarche de M. Lecoq, qui s'inscrit d'ailleurs dans un débat que nous avons eu en commission avec son collègue Roland Muzeau.
Je tiens à rappeler que, grâce à des amendements émanant de différents bancs de l'hémicycle, relevés par la presse qui y a vu une avancée, nous avons permis que les ruptures de contrat à durée déterminée soient également concernées par les dispositions de ce texte – et l'un de ces amendements émanait de votre groupe, monsieur Lecoq. Celui-là, en revanche, je suis désolé de vous le dire, va un tout petit peu au-delà de ce que je me sens capable de faire par rapport à l'équilibre, y compris financier, négocié par les partenaires sociaux. Ils ont réussi à trouver un point d'équilibre sur la transférabilité du DIF ; gardons-nous de l'altérer trop fortement. Votre amendement va un peu au-delà de ce que suppose le respect de l'accord qu'ils ont signé.
Cela dit, je tiens à souligner les avancées que vous avez permis de réaliser.
Je soutiens cet amendement que je regrette de ne pas avoir déposé moi-même.
Je suis très surpris de la réponse du rapporteur, qui non seulement ne répond pas à l'amendement, mais remet en cause la portabilité du DIF, qu'il juge coûteuse. . Mieux vaut faire attention aux arguments que l'on utilise !
Alors que d'autres amendements alourdissent le texte, celui-ci est au contraire une simplification : dès lors que vous êtes un salarié à temps partiel, vous avez droit à un minimum de dix heures de formation. Cela ne génère pas de coût supplémentaire, ou alors un coût vraiment minime. Cette proposition simplifie, et donc crédibilise, ce dispositif pour ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les salariés à temps partiel.
(L'amendement n° 94 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 44 deuxième rectification.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination, conséquence de l'adoption des amendements de M. Muzeau et de M. Vercamer.
Ce n'est pas tout à fait un simple amendement de coordination, puisqu'il a un impact non négligeable sur la portabilité du DIF – ce qui va d'ailleurs dans le sens du débat que nous avons eu, puisqu'il étend la portabilité du DIF aux salariés en contrat à durée déterminée suite à une rupture du contrat de travail.
Cette disposition ne figurait pas dans l'accord ; c'est une initiative parlementaire et elle me paraît intéressante. Je laisse vivre le débat au sein de l'hémicycle et je m'en remets à la sagesse de la représentation nationale.
(L'amendement n° 44 deuxième rectification est adopté.)
Ce sont trois amendements presque formels, puisqu'ils visent à modifier le code du travail.
Après de longues discussions, qui ont abouti à l'accord intervenu au mois de janvier, les partenaires sociaux ont décidé d'apporter quelques modifications sur la portabilité du DIF. L'accord ayant été réalisé au niveau des partenaires sociaux, qui sont les premiers concernés, nous ne pouvons que l'intégrer dans la législation du code du travail. C'est la raison pour laquelle je propose de passer le texte de l'accord interprofessionnel en lieu et place de l'ancien article du code du travail.
L'amendement n° 30 et très intéressant : nous devons concentrer l'utilisation du DIF sur des mesures de formation de VAE et éviter leur dispersion. L'ajout proposé est utile dans la mesure où nous permettra d'éviter certaines utilisations louches du DIF qui donnent lieu en ce moment à des démarches commerciales plus ou moins équitables à l'encontre des salariés. C'est donc une très bonne disposition.
Le Gouvernement est en revanche défavorable aux amendements nos 28 et 29 . Exiger un cofinancement aboutirait dans de nombreux cas à interdire l'utilisation effective du DIF. Je me permets donc de demander à M. Goasguen de bien vouloir retirer les amendements nos 28 et 29 .
Le projet de loi prévoit que l'entreprise qui relève d'une branche professionnelle doit obligatoirement solliciter son OPCA de branche pour financer le système, alors même qu'elle peut avoir, par choix, confié tout ou partie de la gestion de son plan de formation à un autre OPCA.
Le plan de formation de l'entreprise est par principe un outil dont celle-ci dispose librement, au regard de sa spécificité, de sa stratégie économique propre. En conséquence, ce n'est pas le seul OPCA dont relève l'entreprise – logique sectorielle – qui doit intervenir dans le système de transférabilité du DIF, mais l'OPCA choisi par l'entreprise – logique transversale – pour sa prestation de services et l'appui à la gestion du plan de formation.
C'est pourquoi je propose, dans l'amendement n° 39 , que la formation réalisée au titre du DIF, lorsqu'elle se déroule pendant la durée de la prise en charge par le régime d'assurance chômage, soit financée par l'organisme collecteur paritaire désigné par l'entreprise et, dans l'amendement n° 40 , qu'elle soit financée par l'OPCA désigné par la nouvelle entreprise lorsque le bénéficiaire a entre-temps intégré une nouvelle entreprise. Cette approche a le double avantage d'articuler de façon cohérente logique interprofessionnelle et logique sectorielle et d'optimiser les ressources disponibles pour financer le système.
La commission a repoussé ces deux amendements. Nous y reviendrons plus tard, avec M. Tardy qui a déposé d'autres amendements sur le même sujet.
En l'espèce, seuls sont visés les OPCA de professionnalisation : ce sont eux qui financent les DIF prioritaires, ce sont eux qui financeront la portabilité. Il n'y a pas de liberté de choix par rapport à l'OPCA. Nous reviendrons sur la partie plan de formation dans d'autres articles.
C'est un peu technique, mais je ferai un rappel pour que tout le monde ait en tête le système.
Grosso modo, pour ce qui est de la partie professionnalisation, la règle est qu'il n'y a qu'un seul OPCA de référence. Sur la partie plan de formation, il peut y avoir un OPCA, deux OPCA, trois OPCA ou aucun OPCA du tout. Ouvrir la possibilité de choisir un des OPCA du plan de formation créerait bien plus de complexité dans la lisibilité du dispositif. Tenons-nous en au point stable, simple, lisible, autrement dit à l'OPCA sur la professionnalisation. C'est pourquoi je demande à M. Tardy de bien vouloir retirer ses amendements.
Je suis saisi d'un amendement n° 6 , portant article additionnel après l'article 4.
La parole est à M. Gérard Cherpion.
Depuis sa création en 2004, le DIF monte en puissance très lentement : moins de 5% des salariés ont demandé à en bénéficier en 2007. De ce fait, les entreprises ont accumulé vis-à-vis de leurs salariés des créances au titre du DIF sans que celles-ci aient été provisionnées comptablement et fiscalement. L'ampleur des enjeux financiers exige que ces questions soient expertisées. C'est pourquoi propose que le Gouvernement remette un rapport au Parlement avant le 1er janvier 2011.
D'instinct, je ne suis pas très favorable à la multiplication des rapports, d'autant que le Conseil national de la comptabilité a déjà rendu un avis sur ce sujet. Cela étant, je comprends la préoccupation de M. le rapporteur de disposer d'un suivi de la montée en puissance du DIF. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
(L'amendement n° 6 est adopté.)
Sur l'article 5, je suis saisi d'un amendement n° 97 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
En fusionnant les articles L. 6321-2 à L. 6321-5 en un article unique, l'article 5 du projet de loi supprime les dispositions afférentes aux modalités de mise en oeuvre de l'action de formation contenue dans l'article L. 6321-3 qui stipule que toute action de formation liée à l'évolution des emplois ou participant au maintien dans l'emploi du salarié doit être mise en oeuvre sur le temps de travail.
Si nous nous félicitons que les dérogations à ce principe disparaissent avec l'abrogation des articles précités, il semble logique de bien mentionner que l'action de formation « constitue un temps de travail effectif », afin d'éviter tout risque d'interprétation et de dérive conditionnant l'accès à une formation à sa mise en oeuvre hors du temps de travail conventionnel : les entreprises bénéficieraient dès lors des avantages de la formation de leurs salariés, sans avoir à en supporter les inconvénients, qui pèseraient sur le seul salarié. Une telle situation ne serait pas acceptable. Nous proposons donc de réintroduire la disposition selon laquelle la formation est mise en oeuvre sur le temps de travail.
Cet amendement a été repoussé par la commission, car il est satisfait. Dès lors que le texte précise bien que les heures de formation constituent un temps de travail effectif, toutes les règles relatives aux heures travaillées s'appliquent : rémunération, majoration éventuelle si cela amène à faire des heures supplémentaires, temps de repos, repos hebdomadaire, etc. Cela figure explicitement dans le projet.
Je comprends parfaitement votre préoccupation : cela altère-t-il les équilibres à l'intérieur du temps de travail ? Ou est-ce hors temps de travail ? Cela ne change rien à l'équilibre précédent. Nous avons simplifié en regroupant deux catégories. Mais il n'y a aucun changement.
Je me permets de vous demander de retirer votre amendement, madame Amiable. Il m'aura au moins permis de vous apporter quelques explications.
Sur l'article 6, je suis saisi d'un amendement n° 99 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
L'article 5 que nous venons de voter transposait l'accord du 7 janvier 2009 en simplifiant la catégorisation des actions de formation.
L'article 3 de l'accord national interprofessionnel proposait effectivement une fusion des actions d'adaptation au poste de travail et de celles qui correspondent à des actions liées à l'évolution, au maintien dans l'emploi dans l'entreprise, qu'elles soient réalisées pendant le temps de travail et rémunérées au taux normal.
Nous déplorons toutefois qu'au détour de cette simplification, l'idée générale de maintien « dans l'emploi » ait été abandonnée au profit du maintien « dans l'entreprise » , ce qui nous semble un peu contradictoire avec la notion de portabilité du droit individuel à la formation introduite par le projet de loi.» C'est également en décalage avec notre souhait d'engager la construction d'un système de sécurité d'emploi de formation et de créer un nouveau statut du travail salarié.
L'article 6 quant à lui ne ménage qu'une possibilité pour les organismes de financer tout ou partie des frais liés à la réalisation d'une formation. Conformément à ce qu'ont souhaité les partenaires sociaux pour ce qui touche au développement des compétences, nous estimons que la prise en charge des formations en dehors du temps de travail doit être automatique et intégrale. Aussi notre amendement n° 99 propose-t-il de substituer, à la première phrase de l'alinéa 4 de l'article 6, les mots : « peut assurer », le mot : « assure ». Cela permettra, dès lors que le salarié en fait la demande, que la prise en charge de cette formation par l'organisme soit assurée en totalité.
Avis défavorable. Pour l'heure, les financements des demandes de CIF ne sont pas de droit. Les OPACIF peuvent refuser de les prendre en charge lorsque les demandes ne peuvent être toutes satisfaites, conformément à l'article L. 6322-18 du code du travail. La même règle s'appliquera aux formations hors temps de travail.
Avis défavorable. La règle est que l'employeur ne peut pas refuser un CIF. En revanche, il est bon que l'OPACIF puisse définir des priorités : ainsi, il n'est pas forcément prioritaire qu'un cadre de trente ans parte sur un CIF. Mais si un salarié de plus de quarante-cinq ans le demande, il faut pouvoir le financer tout de suite. L'automaticité interdirait de gérer les priorités des publics qui en ont le plus besoin.
(L'amendement n° 99 n'est pas adopté.)
(L'article 6 est adopté.)
L'article 7 transcrit dans le code du travail deux mesures décidées par les partenaires sociaux : le bilan d'étape professionnel et le passeport formation.
Pour intéressante que soit la démarche, elle n'est pas sans poser plusieurs problèmes.
Une discussion sur le fond s'était établie au sein des partenaires sociaux. Alors qu'il existe des bilans de compétences bien organisés et qui se développent, on propose là un bilan sous forme d'entretien réalisé avec l'employeur. D'où la crainte, que je partage, d'aboutir à un entretien évaluant non les compétences, mais les incompétences ou, en tout cas les « non-compétences ». La discussion avec le salarié peut tourner court et se réduire à la présentation d'une liste des compétences qui lui manquent ou des tâches qu'il ne parvient pas à remplir.
Mais le problème est plus profond encore, puisqu'une partie des syndicats a refusé de signer l'avenant sur la GPEC, utilisant, pour la première fois, la nouvelle procédure d'opposition, ce qui nous a amenés à prévoir une modification du texte, en indiquant que cela devait être rediscuté. Il faut donc laisser le temps aux syndicats de rediscuter.
Je crains que le bilan d'étape professionnel ne tourne à l'entretien de carrière – et parfois tourne mal. Mais, au-delà, je m'interroge sur la nécessité de transposer dans la loi des procédures et des outils de gestion de ressources humaines tels que ce bilan, le passeport formation, la multiplication des entretiens professionnels. Je ne remets pas en cause leur intérêt, mais cela ne doit-il pas rester du domaine de la négociation collective, des accords de branche, plutôt que de figurer dans la loi ? C'est ainsi qu'on est amené, au fil des lois, à toujours plus préciser, à compliquer les choses, à développer une forme d'obésité législative.
J'appelle aussi l'attention des collègues qui s'inquiètent de la sécurisation ou de la judiciarisation du droit du travail. Certes, on apporte des soutiens aux salariés, mais ne risque-t-on pas de voir conflits d'ordre juridique se multiplier ? Le salarié pourra s'appuyer sur les textes pour dénoncer, dans le cadre de ses relations avec l'employeur, le non-respect de toute cette série d'entretiens et l'invoquer en justice.
La formation professionnelle pose des questions sur la responsabilité de l'employeur, ses obligations en termes de maintien et de développement des capacités et des compétences de ses salariés. D'un point de juridique, il sera très compliqué de déterminer si les entretiens prévus ont bien eu lieu, s'ils se sont déroulés dans de bonnes conditions ou de dénoncer un éventuel manque d'intérêt de la part de l'employeur à l'égard du salarié quant au maintien de son employabilité.
J'ai bien conscience d'être à front renversé sur cette question, mais je souhaite appeler l'attention de nos collègues de la majorité. Nous devons, en effet, nous interroger sur la nécessité de transcrire de telles précisions dans la loi. Mieux vaudrait peut-être laisser aux branches le soin de d'organiser des entretiens. Mais surtout, le passeport formation, il me fait immanquablement penser – peut-être est-ce un vieux réflexe de ma part – au retour du livret ouvrier.
Une fois inscrit dans la loi, rien n'empêchera ensuite le législateur de complexifier petit à petit le dispositif et de créer des obligations de plus en plus nombreuses. Ne pourrait-on pas, plutôt, laisser se développer le portefeuille de compétences, lancé avec plus ou moins de succès en France, mais qui a été une réussite dans d'autres pays ? Avec un tel dispositif, le salarié est pleinement propriétaire des données met dans le portefeuille.
Voter aujourd'hui un passeport formation est plutôt sympathique, mais demain, rien n'empêche – et on a déjà commencé à le faire en adoptant une série d'amendements en commission – de l'assortir de toutes sortes d'obligations. Aujourd'hui, c'est le passeport formation, demain, cela sera une sorte de carte Vitale.
J'invite donc, avec une certaine solennité, mes collègues à faire montre de prudence sur ce point. Nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 7, non par manque d'intérêt pour le travail mené par les partenaires sociaux, mais parce que cet aspect ne nous paraît pas devoir relever de la loi. Mieux vaudrait laisser vivre ces dispositifs et laisser la place à l'inventivité et à la créativité.
Puis-je considérer, monsieur Gille, que vous venez de défendre l'amendement n° 173 de suppression de l'article 7 ?
La commission a rejeté l'amendement n° 173 . Pour ce qui est du bilan d'étape professionnel, l'opposition manifestée par trois syndicats ne porte pas sur le principe acté par l'accord national interprofessionnel de janvier 2008, mais sur un avenant relatif à ses modalités de mise en oeuvre.
L'amendement adopté en commission qui renvoie ces modalités et non le principe du bilan d'étape à une négociation interprofessionnelle répond à cette contestation.
Je comprends l'attitude de M. Gille mais je rappelle tout de même que les partenaires sociaux ont débattu et qu'ils sont favorables au bilan d'étape professionnel. Il est même prévu qu'un accord national interprofessionnel étendu détermine les conditions d'application du bilan d'étape, avec un verrou, puisque celui-ci ne pourra être étendu sans négociation préalable.
Alors que les partenaires sociaux ont fait preuve d'une attitude constructive et ont adhéré au bilan d'étape professionnel et au passeport formation, vous déposez des amendements de suppression… J'avoue ne pas comprendre même avec la métaphore du livret ouvrier : ce n'est pas vers l'arrière qu'il faut regarder, mais vers l'avant. Des pays comme la Suède ont depuis longtemps mis en oeuvre les passeports formation. Alors que du MEDEF à la CGT, tout le monde avance…
… vous ne trouvez rien d'autre à proposer que des amendements de suppression en invoquant le livret ouvrier qui remonte au XIXe siècle ! Franchement, j'ai du mal à suivre !
(L'amendement n° 173 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 174 .
La parole est à M. Jean-René Marsac.
J'ai bien entendu la remarque de M. le secrétaire d'État sur le livret ouvrier, il n'empêche que le passeport formation est un objet relativement mal identifié. Qui le remplit ? Pour quel usage ? L'alinéa 7 indique seulement qu'il est mis à disposition de toute personne un modèle de passeport orientation et formation. Comment ce passeport s'articule-t-il avec la production d'un curriculum vitae ? Quel usage en sera-t-il fait au moment des entretiens d'embauche ? Autant de questions qui mériteraient débat. C'est pourquoi nous proposons de supprimer la mention de ce passeport formation, cette notion n'ayant pas été suffisamment approfondie.
Avis défavorable. Le passeport formation repose sur le volontariat et il est personnel.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 174 n'est pas adopté.)
Amendement de coordination suite à l'adoption par la commission des affaires sociales de l'amendement de M. Vercamer créant un passeport « orientation et formation ».
(L'amendement n° 7 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 101 .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
Lors de mon intervention dans la discussion générale, j'ai déclaré que votre loi n'était pas à la hauteur de vos déclarations. Vous avez repoussé les dix heures minimum de formation ; j'ose espérer que cet amendement-là retiendra votre attention, monsieur le secrétaire d'État !
Vous n'avez eu de cesse de répéter – une bonne vingtaine de fois – que les partenaires sociaux se sont mis d'accord. Soit. Les entreprises de plus de cinquante salariés, au demeurant bien représentés par les organisations syndicales, sont d'accord. Mais qu'en est-il des petites entreprises de moins de cinquante salariés ? On y trouve fort peu d'organisations syndicales, et pour cause !
Sitôt qu'un salarié ose y constituer un syndicat, ses relations avec l'employeur se compliquent et son avenir devient pour le moins incertain. Notre amendement vise à intégrer les entreprises de moins de cinquante salariés. Leurs salariés ne sont souvent pas informés de leurs droits à la formation parce qu'il n'y souvent même pas de comité d'entreprise.
Si vous étiez prêt à accepter l'amendement suivant, monsieur le secrétaire d'État, faites d'une pierre deux coups en celui-là aussi !
Avis favorable également. Je tiens à souligner les contributions décidément importantes de votre groupe à ce texte, monsieur Lecoq. Je salue également celles de M. Vercamer sur l'accord national interprofessionnel et sur la formation initiale, avec le passeport formation.
(L'amendement n° 101 est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est rédactionnel.
(L'amendement n° 8 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Amendement de précision.
(L'amendement n° 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Il s'agit également d'un amendement de précision. Tous les emplois n'impliquent pas un contrat de contrat de travail, c'est le cas des agents de la fonction publique ou des stagiaires. Cette restriction doit donc être supprimée.
(L'amendement n° 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Avant de passer au vote sur l'article 7, je souhaite conclure notre débat. Nous avons voté les articles 4, 5 et 6, mais nous nous abstiendrons sur le bilan d'étape professionnel et le passeport formation.
Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le secrétaire d'État, que tous les syndicats sont d'accord sur ce sujet : il y a un débat, au demeurant intéressant. Tel qu'il est rédigé, l'article 7 est plutôt sympathique et ne porte pas à grande conséquence dans la mesure où il crée l'obligation de mettre à disposition un passeport formation. En revanche, il suffira d'un tout petit amendement pour obliger le salarié à le remplir : nous basculerions alors dans tout autre chose. C'est sur ce point que je souhaitais insister.
Pour ma part, je maintiens que le bilan d'étape professionnel et le passeport formation devraient relever non du domaine de la loi, mais de la négociation collective entre partenaires sociaux. Une fois de plus, nous sommes dans l'obésité législative, et qui plus est en prenant un risque pour les salariés !
J'ai du mal à comprendre les propos de notre collègue Jean-Patrick Gille.
Sûrement parce que vous êtes un peu archaïque et que vous n'acceptez pas les changements.
Le passeport formation représente une réelle avancée. En tant que président d'une maison de l'emploi, je m'en rends compte tous les jours. Combien de fois faut-il mettre en place des dispositifs pour aider les gens à constituer leur CV parce qu'ils ne savent pas faire ni quoi mettre dedans ?
Ce sera pratiquement un CV – il suffira d'y ajouter l'expérience et l'état-civil – qui retracera une grande partie du parcours professionnel, notamment la validation des acquis de l'expérience. C'est une avancée phénoménale pour tous ceux qui ne savent pas remplir un CV.
Il n'y a pas d'avancée puisque vous le faites déjà !
(L'article 7, amendé, est adopté.)
Préalablement, il convient de rappeler que, depuis de très nombreuses années, notre pays enregistre de mauvais résultats en matière d'emploi des seniors. Avec un taux d'emploi de 37,8 % pour les 55-64 ans, la France est en dessous de la moyenne européenne qui se situe autour de 46 % et surtout très loin de la barre des 50 % fixée pour 2010 par les instances communautaires.
Comme vous l'avez souligné récemment, monsieur le secrétaire d'État, lors des secondes assises parlementaires que j'ai organisé sur le thème de l'emploi des seniors, cette piètre performance trouve en partie son origine dans une approche culturelle des ressources humaines qui veut qu'après cinquante ans, l'essentiel de la vie professionnelle soit considéré comme étant derrière le salarié. À partir de cet âge, les chances d'accéder à la formation professionnelle sont divisées par deux. Comment, dans ces conditions, peut-on reprocher aux salariés seniors une certaine forme de démotivation au travail ?
Il est grand temps de mettre un point d'arrêt à ce gâchis humain, à ce gaspillage de compétences et de savoir-faire. Aussi, est-il primordial de changer les mentalités afin de passer d'une culture de la retraite précoce à une culture du vieillissement actif.
Afin d'opérer cette mutation, une politique volontariste a été mise place par les pouvoirs publics dans le cadre du PLFSS 2009. Parmi les mesures prises, je rappellerai brièvement l'assouplissement du cumul emploi retraite, la fin des âges couperets, la surcote, le développement du tutorat qui vous est cher, monsieur le secrétaire d'État, la pénalité de 1 % sur la masse salariale appliquée aux entreprises d'au moins de cinquante salariés qui ne disposeraient pas d'un plan d'action pour l'emploi des seniors au 1er janvier prochain.
Pour compléter ces dispositions, nous devons désormais développer l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie et, notamment, à quarante-cinq ans.
L'article 7 bis, dans la suite logique de l'article 7, concourt à cet objectif. Ce texte prévoit que les salariés, dans l'année qui suit leur quarante-cinquième anniversaire soient obligatoirement informés de leurs droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, un bilan de compétence ou à une action de professionnalisation.
Aujourd'hui par nécessité ou par choix, plus personne ne consacre sa carrière à un seul métier. Afin de préserver son employabilité face aux mutations économiques et techniques, il est nécessaire pour un salarié de faire le point sur ses compétences, ses atouts, ses acquis ainsi que ses aspirations. Il convient ensuite d'identifier les formations qualifiantes éventuellement nécessaires. Quarante-cinq ans me paraît être le moment le plus approprié pour mener cette réflexion. C'est une période où il faut donner une nouvelle dimension à sa carrière, mais également un âge où il devient parfois difficile de préserver son emploi compte tenu de la nécessité de s'adapter aux évolutions de postes.
Donner à quarante-cinq ans, lors d'un entretien professionnel entre l'employeur et le salarié, la possibilité de réaliser un bilan, ce serait offrir un outil supplémentaire capable d'apporter une véritable aide à l'employé pour la suite de son activité au sein ou à l'extérieur de son entreprise. L'organisation de cet entretien sera obligatoire pour toutes les entreprises de plus de cinquante salariés. Il est important que les employés de PME ne soient pas exclus du dispositif. Ils doivent avoir les mêmes droits d'optimiser leur employabilité que les salariés des grands groupes.
Je tiens à souligner que la réalisation d'un bilan, qu'il soit d'étape, professionnel ou de compétence, conservera un caractère optionnel. Le salarié restera libre de son choix. Celui-ci peut ne pas en ressentir le besoin ou même l'envie.
Durant les travaux en commission des affaires sociales, notre collègue Muzeau a posé le cas de la confidentialité du bilan d'étape professionnel. Pour ma part, je souhaitais qu'il demeure la propriété du salarié mais paradoxalement, et ce fut pour moi une surprise, certains syndicats s'y sont opposés : ainsi, la CFDT estime que le bilan doit être communiqué à l'employeur afin de responsabiliser ce dernier et lui permettre de donner suite aux constats établis par le bilan. Reste que le salarié pourra tout de même s'appuyer sur les conclusions de son bilan en cas de mobilité externe.
Mes chers collègues, c'est en préparant activement la seconde partie de carrière que nous lutterons, je le crois, efficacement contre le chômage qui frappe les seniors.
En d'autres termes, ce que nous allons permettre aux salariés qui se situent à un âge charnière, c'est d'anticiper et non plus de subir la suite de leur vie professionnelle, ce qui est d'autant plus vrai en temps de crise.
En maintenant les seniors dans l'emploi, nous entendons aussi favoriser une gestion équilibrée des âges au sein des entreprises. Je reste persuadé que la mixité générationnelle comme la mixité sociale est positive pour leur développement et leur compétitivité.
Pour conclure, je tiens à remercier particulièrement Laurent Wauquiez pour son engagement très actif en faveur de la création de ce bilan et de l'entretien professionnel. Merci à vous, monsieur le secrétaire d'État, de m'avoir toujours encouragé pour que ce dispositif prenne corps, notamment grâce aux articles 7 et 7 bis. Ce dernier est du reste la transcription intégrale de mon amendement adopté le 1er juillet dernier par la commission des affaires sociales. Que soient également remerciés le président Méhaignerie et le rapporteur, Gérard Cherpion, ainsi que Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis, pour m'avoir apporté leur appui enthousiaste, qui s'est révélé déterminant dans l'adoption de cet amendement.
Je voterai en faveur de cet article qui permettra, je crois, de redonner aux salariés seniors toutes les chances de réussir un deuxième parcours professionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je suis saisi d'un amendement n° 102 .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
Monsieur le secrétaire d'État, moi aussi, j'aimerais pouvoir vous remercier avec autant d'enthousiasme mais, malheureusement, vous ne réservez pas le même sort à nos amendements.
Cela commence : nous en avons déjà retenu beaucoup !
C'est vrai, et puisque vous avez si bien commencé, je vous invite à poursuivre dans cette voie.
Cet article 7 bis, issu d'un amendement de notre collègue, propose de compléter de manière intéressante le code du travail pour faire en sorte que l'employeur « organise pour chacun de ses salariés, dans l'année qui suit leur quarante-cinquième anniversaire, un entretien professionnel au cours duquel il informe le salarié de ses droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnelle, à un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation ».
Toutefois, comme Roland Muzeau en commission, nous nous interrogeons sérieusement sur les garanties que les salariés auront quant à la confidentialité des données et l'utilisation des résultats, quand ils risquent de jouer en leur défaveur.
Qui plus est, l'article 7 ne soumet pas la mise en place d'un bilan d'étape professionnel à des conditions particulières : tout salarié peut bénéficier à sa demande, tous les cinq ans, d'un tel bilan et l'employeur doit déterminer ses besoins et objectifs de professionnalisation au regard tant des évolutions attendues de l'entreprise que de ses projets professionnels. Nous nous étonnons dès lors que, dans l'article 7 bis, des conditions particulières viennent restreindre le bénéfice de l'entretien aux seuls salariés des entreprises et groupes d'entreprises de plus de cinquante salariés.
Notre amendement vise donc à supprimer les mots : « Dans les entreprises et les groupes d'entreprises au sens de l'article L. 2 331-1 employant au moins cinquante salariés » afin de permettre à tous les salariés, y compris ceux des petites entreprises, de bénéficier de cette disposition.
La commission a repoussé cet amendement.
D'une part, il convient d'introduire progressivement ces nouvelles obligations pour les entreprises en prenant en compte la situation des PME où la diffusion effective des nouvelles obligations est plus lente. Il est donc de bonne pratique de commencer par les entreprises de taille plus importante.
D'autre part, l'on sait que les relations sociales ne sont pas forcément les mêmes dans les PME que dans les grandes entreprises. Les contacts étant beaucoup plus directs dans les petites entreprises, l'organisation systématique d'entretiens y paraît moins impérative. En outre, rien n'indique que les pratiques de mise à l'écart systématique des seniors, malheureusement constatés dans certaines grandes entreprises, existent également dans les PME où les choses sont gérées au cas par cas.
J'aimerais tout d'abord saluer le travail accompli par Jacques Kossowski qui s'investit de façon constante en faveur du travail des seniors depuis maintenant une dizaine d'années. Il est parvenu à susciter une mobilisation de tous les acteurs sur ce sujet, qui constitue un véritable scandale dans notre pays, crise ou pas.
Cela se traduit de façon très matérielle dans l'accès à la formation : quand un salarié passe le cap des cinquante ans, ses chances d'accéder à une formation sont diminuées par deux. Si l'on veut modifier cette situation, il faut obliger les entreprises et les employeurs à prendre conscience du fait que lorsqu'on franchit la barre des quarante-cinq ans ou des cinquante ans, on n'a pas sa carrière professionnelle derrière soi : il en reste une grande partie devant soi – encore dix à quinze ans – qu'il faut préparer et gérer. Cette disposition, qui peut paraître mineure, constitue un apport décisif qui contribuera à faire prendre conscience de cette réalité.
Je suis heureux que ce projet de loi ait permis à Jacques Kossowski d'intégrer cette mesure, comme j'en avais pris l'engagement auprès de lui. Cet article est l'aboutissement d'un travail parlementaire constant et je mesure ce que cela peut représenter pour lui. Gageons que ces quelques lignes auront un fort effet de levier sur l'emploi des seniors. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quant à l'amendement n° 102 , nous y sommes défavorables.
(L'amendement n° 102 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 175 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Je réitère mes réticences sur l'inscription dans la loi du bilan d'étape professionnel. Nous avons voté en faveur de l'amendement de notre collègue Kossowski, mais je ne suis pas sûr qu'il y ait de quoi s'extasier. Qu'un salarié de plus de quarante-cinq ans se voit invité par son employeur à un entretien destiné à l'informer qu'il a le droit à un bilan d'étape professionnel, lui-même mené par l'employeur, c'est un petit quelque chose, mais pas vraiment l'avancée sociale du siècle…
M. Kossowski a posé la question de confidentialité. Mais il faut savoir que le problème ne se pose pas à l'égard de l'employeur pour le bilan d'étape professionnel puisque c'est l'employeur lui-même qui le mène. Il s'agit donc sans doute de la confidentialité à l'égard de personnes extérieures à l'entreprise.
La véritable avancée sociale, ce serait l'obligation pour les entreprises de financer, sur les fonds de la formation professionnelle, un bilan de compétences pour tout salarié de plus quarante-cinq ans ou de cinquante ans. L'inscription dans la loi de cette mesure simple et compréhensible par l'ensemble des salariés serait, elle, pleinement justifiée.
Mon hostilité à la présente mesure, que vous sentez bien, vient de ma crainte que le développement du bilan d'étape professionnel ne vienne remettre en cause le travail accompli à travers le bilan de compétences qui, lui, reste la propriété du salarié comme support de la gestion de sa carrière.
Cela n'a rien d'archaïque, monsieur Vercamer. Je pense même que c'est plutôt moi qui fais preuve de modernisme.
Défavorable, monsieur le président, compte tenu du rejet préalable des amendements visant à supprimer le bilan d'étape professionnel.
Je suis saisi d'un amendement n° 104 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Cet amendement propose, en toute logique, d'étendre à la mise en oeuvre du passeport formation l'obligation triennale qui porte sur les priorités, les objectifs et les moyens de la formation professionnelle des salariés.
Favorable, sous réserve d'une rectification visant à intégrer la modification intervenue à la suite de l'adoption de l'amendement de M. Vercamer à l'article 7. Il faudrait écrire : « la mise en oeuvre du passeport orientation et formation » au lieu de « la mise en oeuvre du passeport formation ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement tel qu'il vient d'être rectifié ?
Favorable.
(L'amendement n° 104 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
(L'article 8, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 13 du Gouvernement, portant article additionnel après l'article 8.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Cet amendement porte sur le décrochage scolaire, dont nous avons déjà débattu. Il correspond à un engagement pris par le Président de la République lors de son discours devant le Congrès.
Le système actuel ne permet pas aux écoles de la deuxième chance de répondre complètement aux situations de décrochage scolaire, notamment pour les jeunes entre seize et dix-huit ans. Or tous ceux qui s'occupent de missions locales ou qui s'investissent sur le terrain savent que si l'on ne prend pas immédiatement en charge un jeune qui décroche, si on ne lui apporte pas très rapidement de l'aide pour l'aider à rebondir et à trouver des solutions, le temps fait des ravages irrémédiables.
Cet amendement a pour but d'étendre le bénéfice de l'établissement public d'insertion de la défense et des écoles de la deuxième chance à l'ensemble des jeunes de seize à vingt-cinq ans, afin de combler le trou entre seize ans et dix-huit ans.
Favorable. Cet amendement vient combler la lacune de l'actuel système, qui excluait les jeunes de seize à dix-huit ans.
(L'amendement n° 13 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 77 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Cet amendement vise à assurer la prise en compte par le rapport prévu à l'article 8 bis des enjeux de formation professionnelle internationale et transfrontalières propres à l'outre-mer.
Les régions et collectivités d'outre-mer s'insèrent dans un contexte international. Une frontière ténue, la mer, nous sépare d'autres pays : la Guadeloupe est ainsi à dix minutes d'Antigua et de l'île de La Dominique. Nous nous retrouvons à recevoir énormément de migrants.
Certes, la formation des migrants, pas plus que celle des prisonniers, des illettrés et analphabètes ne relèvent pas des compétences dévolues aux régions. Mais nous ne pouvons ignorer cette réalité internationale. Il faut en tenir compte pour améliorer la formation en outre-mer.
Je rappelle tout d'abord que cet article est le fruit d'un amendement de M. Vercamer. Il sera particulièrement utile s'agissant des travailleurs transfrontaliers, question sur laquelle il a beaucoup travaillé.
S'agissant de l'amendement n° 77 , le Gouvernement y est favorable.
(L'amendement n° 77 est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 76 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 76 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
(L'article 8 bis, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°71 , portant article additionnel après l'article 8 bis.
La parole est à M. Victorin Lurel.
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 71 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 176 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Nous en arrivons au fameux article 9 qui consacre la création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, dont nous allons longuement débattre car il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet.
L'amendement n° 176 tend à substituer à l'alinéa 4 quatre nouveaux alinéas afin de conforter les missions de ce nouveau fonds, qui n'est autre en réalité que le fonds unique de péréquation rénové. Tant qu'à créer un nouveau fonds pour remplacer le fonds unique de péréquation, ne lui enlevons pas les missions que celui-ci exerçait – et pas si mal, après tout…
La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable. Sur le fond, il est satisfait en particulier par le dernier alinéa de l'article 9 : le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels reprendra la mission de péréquation qu'exerce actuellement le fonds unique de péréquation. Par ailleurs, ce dernier sera automatiquement agréé comme FPSPP à la date de publication de la présente loi, afin d'assurer la continuité des actions en cours. Sur la forme, adopter cet amendement reviendrait à inscrire dans la loi une mesure de transition non pérenne, qui n'a pas vocation à être codifiée.
Avis défavorable. Il ne faut pas que le souci de péréquation nuise au financement des mesures destinées aux publics prioritaires, auxquelles le fonds doit se consacrer avant tout.
(L'amendement n° 176 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 177 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Un problème qui se pose parfois au niveau national est, dans les outre-mer, accentué comme par un effet de loupe. On crée un fonds national de sécurisation des parcours professionnels, financé par prélèvement sur les fonds des OPCA. Les entreprises des DOM ont obligation de cotiser à un OPCA interprofessionnel. En Guadeloupe – et la situation est semblable, j'imagine, à la Martinique, à la Réunion et en Guyane – il y en a quatre : l'OPCALIA pour le MEDEF, l'AGEFOS PME pour la CGPME, le FAFSEA pour l'agriculture et l'AREF-BTP. Mais pour ce qui est de la gestion paritaire, les syndicats représentatifs qui existent sur place ne sont pas reconnus comme tels au niveau national. C'est le cas de l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe, syndicat majoritaire, et même la CGTG, CGT Guadeloupe, n'est pas une branche de la CGT de l'hexagone. Donc, la participation financière locale ne se traduit pas par une participation à une gestion paritaire. J'aborderai ensuite un problème du même ordre, celui des excédents financiers des OPCA, qui sont repris par le fonds national. Par ailleurs, pour Pôle emploi, comme auparavant pour les ASSEDIC, 80 % des fonds reviennent au niveau national, sans aucune certitude de retour local, alors que le secteur de la formation est sinistré, en particulier en ce qui concerne les publics les plus fragiles. Il y a là une inégalité, disons plus pudiquement une asymétrie qu'il faut corriger. Comment le faire ? Notre amendement propose une solution, mais peut-être avez-vous une meilleure formule à laquelle nous pourrions nous associer.
La commission a repoussé cet amendement. Nous abordons ici un débat que nous reprendrons à diverses occasions, sur la situation de ce qui est hors du champ de l'accord national interprofessionnel et sur les intérêts particuliers. Sauf à modifier les règles qui régissent actuellement le dialogue social, un accord de ce type ne peut être signé que par les huit organisations d'employeurs et de salariés reconnues comme représentatives au plan national et interprofessionnel.
Défavorable.
(L'amendement n° 177 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 144 .
La parole est à Mme Monique Iborra.
On a souligné ce matin combien il était nécessaire de rapprocher les acteurs et de travailler en équipe.
Le nouveau FPSPP a vocation à financer le actions de qualification et de requalification en faveur des salariés, comme l'organisme auquel il succède, mais également en faveur des demandeurs d'emploi, ce qui est une compétence nouvelle donnée aux partenaires sociaux. Cependant, la loi de décentralisation de 2004 donnait compétence aux régions pour la formation des demandeurs d'emploi, et elles la conservent. Dans un souci de travail collectif, nous demandons par notre amendement n° 144 que les régions soient associées à la définition des orientations générales et à la gestion du fonds, dont la création est en soi une bonne chose.
C'est d'autant plus nécessaire que la procédure actuelle, du niveau national vers le niveau local, est extrêmement lourde. Ainsi les crédits attendus n'arriveront qu'en 2010. Entreprises et salariés en pâtissent. De ce fait, bon nombre de régions ont mis en place les fonds de sécurisation par convention avec les partenaires sociaux, qui y sont très favorables, et avec l'État. La mesure que nous proposons paraît donc de bon sens.
Mesure de bon sens en effet : elle est déjà prévue à l'alinéa 34 qui ouvre la possibilité de conventions entre le fonds les conseils régionaux. Mais imposer de telles conventions poserait problème si la conséquence en était d'interdire au fonds d'intervenir dans les régions avec lesquelles il n'aurait pas signé de convention.
Avis défavorable, car l'amendement est effectivement satisfait par l'alinéa 34 qui prévoit les modalités de telles conventions
(L'amendement n° 144 n'est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 18 rectifié et 179 rectifié .
La parole est à M. Dominique Tian pour défendre l'amendement n° 18 rectifié .
Plus une entreprise est petite, moins ses salariés bénéficient de la formation
Globalement, les petites entreprises paient pour former les salariés des grandes. Notre amendement n° 18 rectifié tend à supprimer l'alinéa 7 qui institue une ponction supplémentaire sur les très petites entreprises en les faisant participer au financement du FPSPP, ce qui me paraît assez injuste.
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour défendre l'amendement n° 179 rectifié .
Notre amendement n° 179 rectifié est identique. Depuis le début du débat, on nous dit qu'il faut rééquilibrer le financement des fonds. Une bonne manière de commencer est de ne pas soumettre les entreprises de moins de dix salariés à ce nouveau prélèvement.
La commission a rejeté ces amendements. Contrairement à ce qu'affirment les auteurs de l'amendement n° 18 rectifié dans l'exposé des motifs, le prélèvement en faveur du FPSPP n'est pas « une ponction supplémentaire » sur les entreprises. Il s'impute sur l'obligation légale de participation à l'effort de formation. Il s'agit ici d'un nouveau mécanisme de redistribution des fonds des OPCA à niveau constant de prélèvement sur les entreprises. En fait, le prélèvement pour alimenter le FPSPP sera plus faible sur les sommes versées par les TPE que sur celles versées par les autres entreprises : en effet, ce prélèvement de 13 % au maximum s'effectuera sur un versement aux OPCA qui, pour les entreprises de moins de dix salariés, se fait au taux de 0,55 % de la masse salariale tandis que ce taux est de 1,6 % de la masse salariale pour les autres entreprises.
S'il est vrai qu'il y a des inégalités importantes dans l'accès à la formation selon la taille des entreprises, les TPE bénéficient assez largement de la mutualisation du financement, du moins au titre des contrats de professionnalisation. En 2006, elles n'ont fourni que 7 % des ressources des OPCA professionnalisation et ont bénéficié de 27 % de leurs dépenses.
M. Tian le sait, je suis très attaché au soutien aux PME-TPE et nous nous sommes battus, dans ce ministère, pour obtenir la mise en place d'un dispositif simple y favorisant l'embauche, et qui a très bien fonctionné, en exonérant de charge l'embauche dans les entreprises de moins de dix salariés.
Dans ce cas, comme l'a très bien expliqué le rapporteur, il ne s'agit nullement d'une ponction supplémentaire pour les TPE. Il y a simplement mutualisation des versements au profit du FNSPP dans le cadre de la participation déjà consentie par les employeurs à l'effort de formation. En revanche, et c'est là notre objectif, nous allons bien faire retourner l'argent vers la formation dans les entreprises de moins de dix salariés et de moins de cinquante salariés, en « sanctuarisant » ces crédits grâce aux précisions apportées par le rapporteur pour avis, Jean-Paul Anciaux. Comme je l'ai dit lors du débat en commission, adopter cet amendement aboutirait à faire cotiser moins les PME-TPE tout en leur donnant davantage. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire. Nous voulons effectivement leur donner plus, et nous leur accordons des crédits plus importants pour la formation, mais l'équité et même le simple souci d'équilibre commandent de le faire sans modifier leurs cotisations. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
Je suis d'accord avec le secrétaire d'État sur ce point. La loi vise à permettre au plus grand nombre d'accéder à la formation professionnelle : il faut chercher à accompagner au mieux les très petites entreprises afin qu'elles ouvrent largement les possibilités de formation pour leurs salariés, mais cela ne passe pas forcément par une diminution de cotisations. Tel était le sens des amendements que nous avons essayé de faire adopter sur les articles précédents.
La loi est de caractère universel et doit profiter au plus grand nombre. L'artisanat, pour faire sa promotion, s'est targué de constituer la première entreprise de France. L'artisanat, ce sont pour l'essentiel des entreprises de moins de dix salariés. C'est là qu'il faut faire porter l'effort. Que, à cotisation constante, ces entreprises aient un droit de tirage supplémentaire sur la formation professionnelle va dans le bon sens. Nous pensons même qu'il faudrait oeuvrer à ce que ce droit de tirage soit encore plus important, car ce sont leurs salariés qui ont le plus besoin de formation.
Les deux arguments du rapporteur me paraissent faux.
Il n'y a pas de prélèvement supplémentaire, fait-il d'abord valoir. Effectivement, il n'y en a pas sur les entreprises de moins de dix salariés. Mais pour les autres, si elles satisfaisaient à leur obligation légale de participation à l'effort de formation non pas en versant une contribution à un OPCA mais en dépensant elles-mêmes des sommes équivalentes, comment va-t-on leur faire payer les 13 % destinés au FPSPP par prélèvement sur les versements aux OPCA ? Forcément en les soumettant à une nouvelle cotisation, de 13 %, sur une assiette d'au moins 0,9 % de la masse salariale.
Quant à l'avantage dont bénéficieraient les entreprises de moins de dix salariés, la situation est en réalité l'inverse de ce que vous prétendez. Les soumettre à un prélèvement de 13 % sur leur cotisation à l'OPCA de 0,55 % de la masse salariale, c'est leur demander un effort beaucoup plus grand qu'aux plus grandes entreprises, qu'on soumet au même prélèvement de 13 %, mais sur une contribution à l'OPCA de 1,6 % de leur masse salariale, alors que votre objectif serait, dites-vous, de procéder à un rééquilibrage. Bien sûr, en valeur absolue, elles contribuent moins puisqu'elles versent moins, globalement, au titre de la formation. Mais en pourcentage, le prélèvement sur les petites entreprises est finalement plus important que sur les grandes.
(Les amendements identiques nos 18 rectifié et 179 rectifié ne sont pas adoptés.)
L'article 9 du projet de loi institue une contribution au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, une cotisation professionnelle est déjà imputée sur le plan de formation et la professionnalisation. Perçue par le comité de coordination et de concertation de l'apprentissage du BTP, elle finance la formation initiale, notamment l'apprentissage, très développé dans ce secteur d'activité qui accueille près de 90 000 apprentis.
Or, pour fixer l'assiette de la contribution au FPSPP, nous devrions tenir compte des contributions déjà existantes et des obligations légales qui s'imposent à certains secteurs d'activité dans le domaine du financement de la formation professionnelle. En effet, des taxes spécifiques imputables sur l'obligation légale au financement de la formation continue existent également dans les secteurs de la réparation automobile et des transports.
Ainsi, dans le BTP, l'obligation légale en matière de formation continue est de 1,38 % pour le secteur des travaux publics et de 1,30 % pour celui du bâtiment, compte tenu de l'existence d'une cotisation professionnelle fixée par la loi à 0,22 % pour les travaux publics et 0,30 % pour le bâtiment.
Il résulte de ces deux éléments que l'assiette de calcul de la contribution au FPSPP doit être basée sur l'obligation de 1,38 % ou de 1,30 % et non de 1,6 %.
Si cette assiette n'était pas ainsi limitée aux seuls financements destinés à la formation professionnelle continue, il en résulterait une majoration de près de 20 % du prélèvement par le FPSPP, l'assiette étant supérieure aux sommes réellement affectées à la formation professionnelle continue et surtout une inégalité entre le secteur du BTP et les autres secteurs d'activité.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons par cet amendement n° 2 de permettre aux secteurs du BTP ainsi qu'à ceux de la réparation automobile et des transports de déduire les cotisations et taxes spécifiques instituées par le législateur de l'assiette de calcul de leur contribution au FPSPP.
C'est vrai, le CCCA-BTP a fourni un travail très intéressant et de gros efforts dans le domaine de l'insertion.
Un certain nombre de secteurs ont des taux spécifiques d'obligation : ainsi les entreprises d'intérim avec un taux de 2 % de la masse salariale au lieu de 1,6 ou les employeurs intermittents du spectacle. Les régimes légaux ou conventionnels peuvent prévoir des cotisations dérogatoires dans le cadre du 1,6. Ainsi, les employeurs de journalistes, de pigistes, les secteurs du bâtiment de travaux publics, de la réparation automobile sont en dessous. Cependant, le prélèvement prévu de 5 à 13% doit être calculé pour tous sur la base de 1,6 % de la masse salariale dans un souci d'égalité.
La logique du fonds est bien celle d'une mutualisation globale. La participation de tous se fait sur les mêmes bases. Avis défavorable.
La réponse du rapporteur était très détaillée mais je précise que la réparation automobile est également concernée.
Plusieurs députés UMP. Cela a été dit.
Pardonnez-moi.
C'est vrai, les secteurs que vous visez, monsieur Verchère, investissent dans l'apprentissage, mais si l'on ouvre la porte, beaucoup d'autres voudront s'y engouffrer aussi, à commencer par l'UIMM qui consacre des sommes importantes à l'apprentissage. Le risque serait alors grand de siphonner la totalité de ce fonds dont la finalité est tout de même de rétablir l'équilibre.
Cela étant, ils bénéficient tout de même des systèmes de péréquation et de mutualisation à hauteur de 30 millions d'euros, ce qui compense largement leur investissement dans l'apprentissage.
Enfin, et ce dernier argument suffira peut-être à vous convaincre, je m'engage à ce que l'on réfléchisse avec eux à l'affectation des sommes pour bien compenser leurs investissements et éviter qu'ils ne se démobilisent.
Pour toutes ces raisons, je me permets de vous demander de retirer votre amendement, monsieur le député.
Je suis saisi d'un amendement n°180 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Tout notre groupe a cosigné cet amendement.
Dans les régions d'outre-mer, comme la Guyane, la Guadeloupe, la Réunion, les surplus de recettes sur dépenses des OPCA résultant des collectes locales s'avèrent particulièrement élevés du fait de la difficulté de pouvoir mobiliser ces fonds dans un tissu économique composé majoritairement de TPE. Ils vont donc abonder le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels de manière non négligeable. Or celui-ci est mobilisé en fonction des axes nationaux d'une politique de l'emploi qui n'est pas adaptée aux réalités locales. C'est vrai chez nous comme dans n'importe quelle région de l'Hexagone. Il me vient à l'esprit la notion de « subsidiarité ». Le mieux placé pour agir agit, en l'espèce il s'agirait plutôt des régions, des entreprises, des centres de formation.
Il risque d'y avoir au final peu de « retour » pour l'économie guyanaise alors que les besoins en matière de formation sont gigantesques. A Pointe-à-Pitre, mais ce fut également le cas à Fort-de-France, Cayenne ou Saint-Denis de la Réunion, les gens, comme on dit en créole, ont déboulé dans les rues pour réclamer un plan Marshall de la formation. Quelles certitudes avons-nous que les collectes réalisées sur le plan local resteront, au moins en partie, au niveau local ? Je n'aime pas la formule « à titre dérogatoire », mais j'apprécierais que des précautions fussent prises en la matière.
J'exhorte le Gouvernement et la représentation nationale à bien réfléchir. La situation s'est quelque peu apaisée suite à la signature le 4 mars dernier d'un accord général prévoyant un plan Marshall de la formation pour que ces fonds soient effectivement redéployés en faveur de la formation avec un supplément de l'État central. Je ne retrouve pas de telles certitudes ici, d'où notre amendement n° 180 .
Peut-on considérer que vous venez également de défendre l'amendement de repli n° 181 ?
La commission a rejeté cet amendement pour la même position de principe sur les règles dérogatoires.
(L'amendement n° 180 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°181 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Je serai bref mais je voudrais saisir l'occasion, après l'échange courtois que j'ai eu ce matin avec M. le secrétaire d'État, de revenir sur la situation en Guadeloupe.
J'ai les chiffres, et je vous ferai parvenir, monsieur le secrétaire d'État, un bilan détaillé et précis car vous vous êtes même trompé sur les recettes. Elles s'élèvent à 33,9 millions pour 2008, et non 32 millions. Quant aux dépenses en faveur de la formation professionnelle et de l'apprentissage, elles s'élèvent, au titre de la même année, à 35,4 millions. Je pourrais vous citer les chiffres depuis 2001 pour que vous vous rendiez compte des progrès réalisés même si des difficultés subsistent.
Les chiffres que vous avez cités ce matin, prétendument donnés par mes services, ne sont pas les bons, mais nous savons que la situation est très délicate, aussi avons-nous demandé à tout reprendre avec les services de l'État, les ministères, le Parlement. Nous travaillons dans un bon esprit, sans polémique.
Nous allons créer en Guadeloupe, par habilitation, un établissement public à caractère administratif qui aura vocation à devenir un service public unique de la formation. Je m'épuise à vous dire que nous pourrions demain revoir et corriger votre texte. Vous allez me rétorquer que nous aurions torts de nous en priver, puisque nous y sommes habilités, sauf que je n'ai pas envie de perdre du temps à établir une règle différente alors qu'elle pourrait être gravée dans le marbre de votre texte.
Pour cette raison proposons-nous que le surplus des recettes sur dépenses des OPCA résultant des collectes locales viennent abonder les recettes de cet établissement public à caractère administratif. Je rappelle qu'en Guadeloupe, 78% de ces recettes sont revenues au niveau national. Elles pourraient bénéficier aux huit à dix mille jeunes sortis sans qualification ni diplôme de l'éducation nationale.
Les chiffres que je vous ai indiqués ce matin, Monsieur Lurel, sont ceux de 2007. Ce sont les derniers dont nous disposons.
Au-delà des chiffres, nous réfléchissons à la manière de vous accompagner et de développer l'offre de formation en Guadeloupe qui en a fort besoin. Mes services et moi-même sommes à votre disposition. Avis défavorable.
(L'amendement n° 181 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 182 vise à ce que la participation des employeurs au FPSPP, précisée à l'alinéa 10 de l'article, ne dépasse pas les 13%, le plancher des 5% étant supprimé. Il s'agit là de reprendre les termes de l'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009.
Avis défavorable, car le plancher des 5% était déjà fixé pour la remontée des fonds au fonds unique de péréquation.
Même avis. Ne soyons pas hypocrites. Si l'on abaisse à zéro le pourcentage plancher, le risque est grand que les partenaires sociaux choisissent de verser zéro… Si l'on créé un fonds, autant s'assurer qu'il soit abondé un minimum !
(L'amendement n° 182 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°183 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Notre amendement concerne encore et toujours cet interminable article 9 – on n'en finit plus de lire tous ses alinéas, peut-être eût-il été préférable d'en faire plusieurs articles. Il s'agit de remplacer, à la première phrase de l'alinéa 10, le terme « proposition », qui me semble bien faible, par « la base d'une décision ».
Ces fonds ont toujours été l'affaire des syndicats. L'État, malheureusement, veut s'en mêler. C'est là l'un des principaux défauts de ce texte, que nous avons dénoncé lors de la discussion générale. L'État aura la mainmise sur ce fonds, mais qu'au moins l'on respecte les syndicats et que ce fonds fonctionne sur la base de leurs décisions et non de leurs propositions.
Le fonds, qui existait déjà sous la forme du FUC, était très bien géré par les organisations paritaires, et l'État s'honorerait à se départir de sa défiance à leur égard.
La commission a rejeté cet amendement car l'expression « sur proposition » est la plus correcte juridiquement et signifie bien que le Gouvernement ne pourra pas retenir un autre taux que celui proposé par les partenaires sociaux.
Même avis. Cette formule serait contraire à l'article 21 de la Constitution relatif à l'autonomie du pouvoir règlementaire.
(L'amendement n° 183 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 184 .
La parole est à M. Jean-René Marsac.
Puisque vous maintenez le mot « proposition », mon amendement vise à ce que la proposition émane de l'ensemble des organisations d'employeurs représentatives au niveau national et non seulement de celles qui relèvent du champ de l'ANI.
Défavorable, même si je comprends l'intention des auteurs de l'amendement, qui soulèvent un véritable problème.
Il existe en effet 1,9 million salariés d'organismes de droit privé à but non lucratif, dont 1 million de salariés des professions libérales et 700 000 salariés des professions agricoles. Est-il normal que les employeurs de ces salariés, qui contribueront au fonds, n'aient pas voix au chapitre pour la fixation de ces ressources ?
Cela dit, la commission a déjà amélioré le texte sur ce point en prévoyant que le hors champ sera consulté sur le taux du prélèvement au profit du fonds, ce que le texte initial ne prévoyait pas.
Aller plus loin en adoptant cet amendement mettrait en cause tout le système actuel des relations sociales puisqu'il aurait pour effet d'autoriser des organisations qui ne sont pas interprofessionnelles à adhérer formellement à un accord interprofessionnel et à en négocier un autre, ce qui brouillerait la distinction entre l'interprofession et la branche.
Par définition, les organisations qui ne sont pas reconnues comme interprofessionnelles ne peuvent signer un accord interprofessionnel ou même tirer des droits d'une adhésion à cet accord. Or c'est ce à quoi aboutirait l'amendement n° 184 en leur donnant le droit de négocier avec les organisations interprofessionnelles le pourcentage annuel du prélèvement.
Défavorable.
La différente représentativité est un vrai problème, que l'on ne saurait traiter dans un projet de loi dont ce n'est pas l'objet. De plus, le texte prévoit que tout ce que recouvre le hors champ puisse être associé à trois niveaux : fixation du taux, affection des ressources et possibilité de conventionnement avec le fonds. Le bon équilibre est donc assuré.
(L'amendement n° 184 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 185 .
La parole est à Mme Monique Iborra.
Cet amendement de précision vise à insérer, à la dernière phrase de l'alinéa 11, après le mot : « appliqués », les mots « par voie réglementaire de façon à ce que les versements destinés à la professionnalisation ne soient pas asséchés, afin de maintenir un équilibre de financement », car cet équilibre nous paraît important.
Je comprends l'intention de Mme Iborra comme celle de M. Issindou. Du reste, la commission des affaires économiques avait accepté un amendement que j'avais proposé, qui figeait la répartition à 50-50 entre la professionnalisation et le plan de formation.
Les discussions qui ont ensuite eu lieu avec la commission des affaires sociales ont permis de retenir la proposition du Gouvernement, selon laquelle il convient de faire confiance puis d'évaluer les résultats de la répartition, avant de procéder, le cas échéant, par décret, pour éviter l'assèchement du financement de la professionnalisation.
La commission des affaires économiques a donc émis un avis défavorable à cet amendement.
C'est beaucoup plus qu'un simple amendement de précision…
Je rappellerai que la formation a deux sources : les plans de formation et la professionnalisation. Comme cette dernière est la plus efficace au regard de l'emploi et que nous souhaitons mettre celui-ci au coeur de la logique de la formation professionnelle, nous voulons éviter que la constitution du fonds se fasse exclusivement en asséchant les fonds les plus utiles.
Cela étant, nous faisons confiance a priori aux partenaires sociaux, comme l'a souligné le rapporteur pour avis, M. Anciaux. Toutefois, nous gardons une petite arme, permettant, le cas échéant, par décret, de s'assurer qu'ils veilleront bien à assurer l'équilibre entre les deux sources de la formation.
Nous avons déjà eu ce débat en commission. C'est pourquoi, compte tenu des explications que j'ai données, je me permets de demander à Mme Iborra de bien vouloir retirer son amendement.
Mais ce n'est pas dans nos habitudes !
(L'amendement n° 185 n'est pas adopté.)
Cet amendement a déjà fait l'objet d'un long débat en commission, avant d'être finalement accusé de complexifier le dispositif…
Je tiens à rappeler que le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels dispose de ressources provenant d'une contribution des entreprises. En effet, le projet de loi prévoit que la ressource du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ne soit pas calculée sur les excédents des OPCA ou sur une partie de leur collecte, mais soit bien une contribution égale à un pourcentage sur les obligations légales des entreprises – il était important de le souligner.
Cette contribution au fonds de sécurisation sera recouvrée par les OPACIF pour la part qui leur revient et par les OPCA pour le principal au titre de la participation des entreprises.
Cette contribution pourra être variable chaque année sans excéder 13 % du montant total des obligations, comme l'a indiqué le rapporteur Gérard Cherpion.
Toutefois, la méthode de calcul pose un problème. La contribution dans le champ des OPCA est égale à un pourcentage des obligations légales de participation des entreprises à la formation professionnelle au titre de la professionnalisation et du plan de formation. Or cette assiette de calcul peut entraîner un risque de renforcement des obligations captives des OPCA de branche sur le plan de formation. Aujourd'hui, la liberté de choix du montant des versements au titre du plan de formation et de l'OPCA retenu pour gérer ce montant risque d'être remise en cause par la volonté de l'OPCA de branche de gérer obligatoirement la contribution appelée au titre du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Cet amendement vise donc à préserver cette liberté : l'OPCA librement choisi par l'entreprise doit pouvoir appeler et reverser les sommes destinées au financement du fonds paritaire de sécurisation des parcours. Ainsi, l'appel contributif au titre du fonds de sécurisation ne pourra pas être utilisé pour obliger une collecte par les branches professionnelles sur l'intégralité du plan de formation.
Je comprends la philosophie de cet amendement qui a été rejeté par la commission.
Il est plus aisé de passer, pour la collecte, par les OPACIF et par les OPCA de professionnalisation dans la mesure où chaque entreprise a obligatoirement un OPCA de professionnalisation et un seul, alors que de nombreuses entreprises ont plusieurs OPCA correspondant aux plans de formation de l'entreprise.
Il serait compliqué d'avoir un OPCA de branche, d'un côté, et un OPCA interprofessionnel, de l'autre, dans le cadre du plan de formation. Le système s'en trouverait complexifié.
Je connais le souci de M. Tardy de toujours prévoir des dispositifs simples et opérationnels. Or, pour les raisons qu'il a lui-même mentionnées, son amendement aurait exactement l'effet inverse. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement considère que celui-ci n'emprunte pas la bonne voie.
(L'amendement n° 41 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 46 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Je suis saisi d'un amendement n° 186 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Je suis saisi d'un amendement n° 187 .
La parole est à M. Régis Juanico.
Cet amendement vise à préciser l'alinéa 18 de l'article 9, qui traite de l'affectation des ressources financières du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels en fonction notamment des publics.
Ces publics sont constitués, pour la plupart, de salariés peu qualifiés ou de demandeurs d'emploi. Cet amendement a pour objet de mettre en tête de la liste des publics énumérés les « demandeurs d'emploi ayant besoin d'une formation pour favoriser leur retour à l'emploi » qui, dans la période actuelle de chômage massif, constituent pour nous la priorité des priorités.
Défavorable.
Pour commencer, la liste n'indique pas un ordre de priorité. De plus, l'ANI a fourni un important effort en décidant d'affecter une part des fonds qu'il gère à des demandeurs d'emploi – c'est une nouveauté que les fonds de la formation professionnelle aillent vers les demandeurs d'emploi.
Enfin, la commission a enrichi le texte à mon initiative en adoptant différentes mesures destinées à faciliter l'accès des jeunes à l'emploi. L'adoption de l'amendement n° 187 pourrait braquer certains partenaires sociaux qui feraient valoir, à juste titre, que les premiers bénéficiaires doivent être les salariés des entreprises.
Défavorable pour les mêmes raisons.
(L'amendement n° 187 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 81 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
La notion de petites et moyennes entreprises est beaucoup trop vague, et ce, d'autant que les critères ne sont pas les mêmes en France et dans le droit européen. Il convient donc de prendre la référence de la recommandation de la Commission, du 3 avril 1996, et de fixer le critère de moins de 250 salariés.
Défavorable. La précision que vise à introduire l'amendement n° 81 n'est pas adéquate du fait que la définition communautaire de la PME comprend également des critères financiers – le chiffre d'affaires ne doit pas excéder 50 millions d'euros et le bilan 43 millions – ainsi que des critères d'autonomie du capital.
Le Gouvernement rejoint l'argumentation du rapporteur.
Je suis saisi d'un amendement n° 201 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 201 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 79 .
La parole est à Mme Monique Iborra.
Nous avons cru comprendre qu'un des piliers du projet de loi était la lutte contre les inégalités. Or, en matière de formation et de parcours professionnels, une des principales inégalités concerne les femmes. C'est la raison pour laquelle cet amendement prévoit que les ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels contribuent à la mise en oeuvre de plans d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Défavorable.
Il n'est pas souhaitable, en effet, de dresser une liste d'utilisation particulière possible des moyens du fonds en sus de la liste, très large, des publics bénéficiaires, laquelle comprend notamment les salariés à temps partiel, ce qui devrait favoriser l'accès des femmes à la formation, puisque le temps partiel concerne en premier lieu les femmes.
Enfin, si je ne nie pas l'existence des discriminations aux dépens des femmes, je ne suis pas certain que la formation professionnelle soit le domaine où elles sont les plus criantes.
Défavorable : le fonds s'adresse, et heureusement, aux femmes comme aux hommes.
(L'amendement n° 79 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 86 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Cet amendement vise à insérer, à l'alinéa 32, après le mot « fonds », les mots : « paritaire spécifiquement consacré aux salariés fragilisés et aux demandeurs d'emploi ».
Pour redondante qu'elle soit– sans doute est ce que vous nous répondrez–, cette précision nous paraît nécessaire afin d'écarter toute tentation de consacrer le fonds à autre chose qu'à aider ce public, à la destination duquel il a été créé. Autant le préciser chaque fois qu'on le peut !
Défavorable. Le fonds paritaire tout doit à la fois reprendre les missions existantes de péréquation de l'ancien fonds unique de péréquation – des amendements ultérieurs réintroduiront du reste la mention explicite de cette mission de péréquation – et assumer la nouvelle mission de financement des interventions prioritaires.
Alors qu'on veut simplifier et fluidifier, évitons la création de deux fonds différents de mutualisation au deuxième degré.
Défavorable.
(L'amendement n° 86 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 21 .
La parole est à M. Dominique Tian.
Le mode de gouvernance du fonds de paritaire de sécurisation des parcours professionnels prévu dans le projet de loi exclut malheureusement les professions libérales des instances paritaires. Il est dommage de priver ce fonds de l'expertise de l'UNAPL en matière de développement de la formation, notamment dans les TPE.
Afin d'éviter de tels écueils, il est nécessaire que l'UNAPL participe à la gouvernance de ce fonds.
Défavorable, même si nous pouvons trouver précédemment une trace du même argumentaire. La réforme de 2008 de la représentativité des syndicats de salariés implique la fixation de nouvelles règles de représentativité patronale à l'horizon 2013 et 2014. Pour l'interprofession, il n'est pas raisonnable de demander au Gouvernement de préempter, par un décret pris pour un cas particulier, un débat qui doit être celui des partenaires sociaux et du Parlement. Fixer la liste des représentants par décret reviendrait à méconnaître nos compétences.
Puisque nous avons eu auparavant ce débat sur la représentativité syndicale, je renvoie aux arguments déjà présentés, à moins que Dominique Tian ne souhaite aller plus loin.
Je suis saisi d'un amendement n° 96 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
S'agissant de l'affectation des ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, l'alinéa 32 dispose qu'elle est déterminée par un accord des partenaires sociaux signataires de l'ANI. Or d'autres organisations d'employeurs sont d'ores et déjà en train de négocier leur rattachement à l'ANI. Il nous semblerait donc nécessaire qu'elles puissent aussi participer à cet accord et pas seulement, comme le prévoit l'amendement du rapporteur accepté en commission, consultées dans les conditions prévues par le décret. Devenant signataires de l'ANI, il paraît juste qu'elles participent de plein droit à l'accord en question.
Même avis.
(L'amendement n° 96 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 31 .
La parole est à M. Dominique Tian.
Il est défendu.
(L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 115 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Nous voudrions laisser la gestion de ce fonds aux partenaires sociaux, aussi demandons-nous la suppression des alinéas 33 à 35.
Défavorable dans la mesure où cet amendement remet en cause l'équilibre de la gouvernance du fonds.
(L'amendement n° 115 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 117 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Il est défendu.
(L'amendement n° 117 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 122 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Il est défendu.
(L'amendement n° 122 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 125 .
La parole est à Mme Monique Iborra.
Nous souhaitons que la convention-cadre signée entre l'État et les partenaires sociaux sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels indique quelle peut être la participation de l'État au financement des actions de formation professionnelle en faveur des publics visés.
Ce n'est pas que nous nous méfions de la nature de la participation de l'État, mais compte tenu de la manière dont se sont déroulés la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC et le financement de Pôle emploi, nous pensons préférable que l'État dise clairement quelle sera sa participation.
Défavorable. J'ai le sentiment que cet amendement tente de contourner l'article 40.
Le sentiment du rapporteur est intéressant... Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je trouve ces réponses un peu légères alors que nous sommes au coeur du débat. Du reste, nous avons présenté d'autres amendements qui ont été rejetés au titre de l'article 40.
Pour vous, l'affaire semble bouclée : on prévoit un fonds paritaire un peu compliqué à monter, on organise l'affectation de ses ressources et, tout soudain – et là est la trahison de l'ANI, les partenaires sociaux imaginant qu'ils géreraient le fonds après l'avoir mis en place –, arrive le gentil partenaire État qui explique comment gérer le fonds : d'abord la signature d'une convention-cadre, puis un éventuel abondement du fond.
Si l'État veut participer, il faut qu'il indique le montant qu'il entend affecter au fonds, qui est, quand même, un prélèvement sur les fonds mutualisés gérés par les partenaires sociaux. Or le texte semble signifier que l'État ne les considère pas comme responsables : puisque le système de formation fonctionne mal, il va les prendre par la main pour y remédier. Nous vous demandons, dès lors, d'indiquer au moins qu'il va l'abonder.
Mais, plus loin, est indiqué que si les partenaires sociaux ne sont pas d'accord pour signer cette convention-cadre, les affaires seront réglées par décret. Il ne s'agit plus, ici, de les prendre par la main mais de prendre carrément la main sur le fonds. Voilà ce que nous ne cessons de dénoncer depuis hier, et c'est sur point que vous devez apporter des précisions et même des garanties aux partenaires sociaux. En effet, c'est à cet endroit précis du texte qu'est en train de se réaliser le petit hold-up que nous craignions.
Je souhaite répondre à Jean-Patrick Gille par respect pour ses arguments. L'ANI prévoit bien une convention-cadre. Je ne conteste pas que nous l'ayons élargie, que nous ayons quelque peu changé son fonctionnement, mais elle était bien prévue.
Ensuite, il existe entre nous une vraie différence en matière de philosophie politique. Nous ne menons pas là une discussion d'épiciers. L'État a tout de même vocation à servir l'intérêt général, ce que le républicain que vous êtes n'ignore pas. Ce n'est pas parce que j'ai mis cent euros sur la table que j'ai le droit de participer à la discussion.
De la même manière que pour l'assurance chômage, la vocation de l'État, traduisant l'équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif, est de tirer la République vers le haut grâce à une vision sous-tendue par l'intérêt général. Nous devons donc tous tenir à cette vision républicaine de l'État. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 125 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 136 .
La parole est à Mme Monique Iborra.
Si l'on vous entend bien, monsieur le secrétaire d'État, l'État dit ce qu'il faut faire et les autres paient. Voilà une étrange conception de la République !
Le présent amendement entend régler un problème que vous ne voulez pas résoudre à cause d'un préjugé politique, pour ne pas dire politicien. Nous vous demandons donc encore – et nous persisterons au cours du débat – de veiller à ce que les actions du fonds de parcours professionnel et celles des régions soient complémentaires et non concurrentes pour éviter les gabegies de l'État républicain, puisque l'on compte deux financements pour une même compétence.
Cet amendement a été rejeté par la commission puisque rendre obligatoire une convention entre le fonds paritaire et chaque région pourrait créer un vide juridique en cas de non-conclusion d'une telle convention. Le fonds ne pourrait dès lors plus financer les formations dans les régions concernées.
Défavorable. J'ajouterai que l'alinéa 34 répond à la question.
Vous nous accusez, malgré nos convictions républicaines, de nourrir un sentiment de défiance vis-à-vis de l'État. Je pourrais vous faire le reproche inverse et vous accuser de défiance vis-à-vis des partenaires sociaux. Comme me le faisait remarquer Régis Juanico, la gestion du fonds ne peut plus être considérée comme paritaire.
Je vous rappelle, du reste, que vous avez eu cette tentation – d'où notre soupçon –, en voulant transformer l'ANI en fonds national de sécurisation des parcours professionnels. Mais c'eût été rendre plutôt visible la mainmise de l'État. Une réunion en urgence a même eu lieu dans votre bureau, à la demande de l'ensemble des signataires.
Pas dans mon bureau !
Au sein de votre ministère, si vous voulez.
Tous les signataires étaient en colère, qu'il s'agisse des représentants du MEDEF ou de ceux de la CGT, et avaient tenu à vous signifier que vous alliez trop loin.
Comme je vous l'ai dit en commission, j'ai bien lu et bien entendu qu'à chaque fois vous preniez bien soin de dire : « fonds paritaire » en insistant sur le mot « paritaire ». Sauf que le fonds n'est plus paritaire – vous devriez dire qu'il est tripartite. Nous vous proposons même, par cet amendement, qu'il soit quadripartite puisqu'il faut, selon vous, coordonner l'ensemble des participants et des partenaires de la formation : l'État, les régions et les partenaires sociaux.
Nous retrouverions l'esprit qui a présidé à la commission Ferracci. Il y a eu un moment de grâce puisque nous avons perçu, alors, une possibilité d'atteindre un équilibre avec l'ensemble des acteurs : partenaires sociaux, régions, État. Et, tandis que nous nous félicitons tous du rapport Ferracci, sur les huit propositions qu'il comporte, une seule est reprise.
Nous nous trouvons donc à un moment de vérité. Il s'agit de savoir comment ce fonds va fonctionner, quelle sera la part des partenaires sociaux, quel sera le rôle de l'État et comment vont être associées les régions dont chacun s'accorde à penser qu'elles constituent le lieu pertinent de la meilleure gestion possible du fonds.
Vous devez donc nous apporter une réponse précise sur le fonctionnement du fonds.
(L'amendement n° 136 n'est pas adopté.)
Nous poursuivons un débat primordial. Cet amendement vise à supprimer, à l'alinéa 34, les mots : « Cette convention détermine le cadre dans lequel ». Ce texte, à la suite de textes de loi précédents comme celui qui a créé le Pôle emploi après la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, remet en cause le paritarisme sur le fondement duquel fonctionnent certains organismes.
Nous voyons mal l'utilité de la convention-cadre prévue par le projet. Jean-Patrick Gille parle de fonds tripartite plutôt que de fonds paritaire, mais ce ne serait le cas que si l'État abondait ce fonds grâce à un financement supplémentaire – or tel ne sera pas le cas. Nous avons donc l'impression qu'en sus d'une remise en cause des compétences de la région et donc de la décentralisation, la convention-cadre vise une reprise en main des partenaires sociaux et des organismes où l'on fait vivre le paritarisme. Du reste, la convention-cadre viendrait chapeauter des conventions déjà en vigueur qui lient les fonds, les partenaires sociaux, les régions et Pôle emploi.
Nous voyons trop bien l'utilité pour vous d'introduire cette convention-cadre et nous y percevons une menace lourde sur les organismes paritaires.
Cet amendement a été rejeté par la commission, car il remet en cause l'équilibre de la gouvernance du fonds. Il est légitime que l'État ait son mot à dire sur les interventions qu'il cofinancera en vertu de l'alinéa 33 et qui, en ce qui concerne notamment les demandeurs d'emploi, sont au coeur de la politique de l'emploi qui relève de sa compétence.
Monsieur Gille, on a l'impression que vous êtes dans l'ère du soupçon.
Je vais dès lors m'employer à éliminer ce soupçon très néfaste pour l'avenir du roman, en vous donnant deux illustrations simples.
D'abord, ce type de système existe déjà. À l'heure où nous parlons, un fonds, réglé par une convention-cadre définie par l'État, fonctionne très bien : il s'agit du FUP, le fonds d'urgence que les partenaires sociaux ont accepté d'eux-mêmes de mettre en place selon un mécanisme qui sera exactement celui du fonds de sécurisation des parcours professionnels.
Ensuite, selon vous, tous les acteurs ne financent pas le fonds, comme l'État qui se permet néanmoins un droit de regard sur son fonctionnement. Pourtant, en sens inverse, le fonds d'investissement social est cogéré par l'État et par les partenaires sociaux qui y affectent très peu d'argent tandis que l'État le finance de façon substantielle. J'accepte sans réserve de me soumettre régulièrement à une discussion avec les partenaires sociaux afin de mesurer l'intérêt de tel ou tel dispositif.
Nous ne suivons pas la logique selon laquelle l'État ne pourrait intervenir que dans la proportion du montant de son financement. Nous tâchons de construire une vision commune qui se nourrit de la connaissance du terrain des partenaires sociaux et de la vision d'ensemble de l'État et de sa volonté de s'assurer que toutes les personnes soient correctement représentées – c'est sa vocation. Je pense notamment au problème classique dit des insiders et des outsiders : il faut que les demandeurs d'emploi ne soient pas oubliés, et veiller à les associer correctement au dispositif.
La gestion du fonds sera bien paritaire, mais une fois que les partenaires sociaux auront fixé leurs priorités, l'État sera dans son rôle en s'assurant que les règles conventionnelles et légales sont respectées dans le fonctionnement concret du fonds. En effet, on a fait de nombreuses réformes de la formation professionnelle qui, trop souvent, n'ont pas été appliquées parce que l'on n'avait pas pris la peine de s'assurer que ce qui avait été voté aurait du sens sur le terrain. Prévoir une clause de vérification et de bouclage ne me semble donc pas inutile.
S'agissant de l'association des régions au dispositif, il n'y a aucun souci : il y aura bien évidemment une déclinaison possible avec elles en fonction de la contractualisation prévue à l'alinéa 34, dans le respect de leur autonomie. Leur association avec le FPSPP sera susceptible de produire un effet de levier important. Ainsi, dans le cas d'étudiants en sciences humaines qui arrêtent avant la licence et se trouvent ensuite en difficulté, si la région constate qu'existent des débouchés dans le secteur de la banque et de l'assurance, le fonds pourra décider de mettre en place des actions de formation qui leur seront dédiées. Dans certaines régions, les besoins en formation sont plus importants que dans d'autres : monsieur Juanico, je pense à la vôtre, la région Rhône-Alpes, où existent des débouchés importants dans ces secteurs ; si elle souhaite participer au dispositif en l'abondant ou même en prenant l'initiative des actions de formation, le fonds passera une convention avec elle. À l'inverse, si la région Limousin estime que le nombre d'étudiants en sciences humaines ne nécessite pas de s'associer à cette démarche, son autonomie en la matière perdurera.
Ainsi, nous parviendrons à articuler une gouvernance qui respecte à la fois la marge d'autonomie des régions et, au niveau national, une bonne gestion entre partenaires sociaux et État. La preuve, c'est que cela marche déjà.
Je suis tout à fait d'accord avec ce que le secrétaire d'État vient de formuler. J'ai été, au cours de ma carrière ministérielle, deux fois en charge de la formation professionnelle, et les propos tenus par M. Wauquiez devant la commission m'ont paru très justes : il faut se garder des illusions lyriques. Ce qu'il vient de dire me semble à la fois simple et essentiel. Je rappelle que, depuis quinze ans, nous avons adopté huit ou dix réformes de la formation professionnelle, qui n'ont jamais été appliquées. Il faut donc, pour que l'application soit effective, maintenir l'intégralité du rôle de l'État. S'il n'est pas là pour impulser la politique de l'emploi et son complément, la politique de la formation professionnelle, l'expérience montre que rien ne se passe. De fait, rien ne s'est passé et rien ne se passera.
Toute la difficulté de la réforme de la formation professionnelle, c'est que nous sommes en présence de deux logiques : la logique des régions – c'est leur compétence de droit commun depuis la loi de janvier 1983 – et celle de l'accord entre les partenaires sociaux. Nous n'avons jamais su bien régler l'articulation entre ces deux logiques. Dans le cadre actuel, une telle articulation ne peut se faire que par l'intervention de l'État. Si on supprime la convention-cadre prévue à cet article, l'on en revient à la situation de très grand désordre qui prévaut aujourd'hui. La conséquence en serait l'inertie et l'absence de réforme que nous souhaitons.
Son intervention était juste : sans l'État, il n'y aurait pas de formation professionnelle. Il a évoqué son expérience et a parfaitement exprimé ce que Laurent Wauquiez n'arrive pas à nous dire depuis le début, à savoir que l'État veut revenir dans le jeu. Cette volonté de revenir à une vision centralisatrice de la formation n'est pas scandaleuse. On voit bien que Pôle emploi a été bâti au terme d'une fusion ; et le dernier élément de la fusée serait constitué par le nouveau dispositif de la formation professionnelle. C'est un choix que nous dénonçons. Monsieur le secrétaire d'État, vous niez un tel choix en prétendant que vous voulez préserver les régions. Mais nous ne le croyons plus parce que tout montre que, pour vous, comme vient de le dire M. Soisson, on ne peut pas faire une bonne formation professionnelle sans l'État. Nous, nous affirmons qu'elle peut exister sans l'État. Celui-ci a d'autres missions. Ainsi, vous avez, en matière d'emploi, beaucoup à faire, et malheureusement encore plus que d'habitude en raison de la crise.
Certes, monsieur Anciaux, mais les partenaires sociaux sont capables de faire de la formation en se répartissant les tâches. Quant aux régions, elles n'ont pas démérité en la matière. À moins que d'être presque toutes à gauche aujourd'hui leur ôte tout mérite...
Ce n'est pas impossible ! (Sourires.)
En tout cas, elles accomplissent un travail tout à fait correct. Laissez-les aller jusqu'au bout de la décentralisation de 2004. Je rappelle que c'est l'État lui-même qui avait souhaité la décentralisation de la formation professionnelle. Vous pouvez faire un autre choix et revenir sur les lois de décentralisation en disant que, dorénavant, c'est l'État qui sera chargé de la formation professionnelle. Mais vous nous laissez au milieu du gué en installant au centre du dispositif un partenaire, l'État, qui était jusqu'ici plutôt discret.
Mais vous allez le remettre au premier plan, monsieur Anciaux.
Quant au copilotage, il m'inquiète beaucoup. Je ne dis pas que la notion de chefs de file est géniale, mais, au moins, il y a un semblant de pilotage. Alors que l'on sait ce que valent les copilotages. Nous en avons tous fait l'expérience sur le terrain. M. Méhaignerie, ce matin, nous expliquait avec quelles difficultés il était parvenu à réunir, au bout de quatre mois et demi, les partenaires alors qu'il fallait aller très vite. Si vous y ajoutez l'État…
Vous aurez peut-être de la cohérence, mais l'excès de cohérence finit par devenir ingérable. Aujourd'hui, la France s'organise dans le cadre de la décentralisation, où les compétences en matière de formation professionnelle sont clairement établies. Personne, les partenaires sociaux en particulier, ne contestait le rôle des régions.
En outre, je rappelle que le Conseil national de la formation professionnelle n'a pas donné un avis favorable sur la création du fonds, vraisemblablement parce qu'il redoute que l'État n'aille au bout de sa logique : en cas de désaccord entre partenaires, celui-ci tranchera par décret. Ce sera lui le vrai patron. Si c'est votre souhait, monsieur le secrétaire d'État, dont acte, vous disposez de la majorité pour le faire. Mais il est inutile de tourner autour du pot en nous faisant croire à une concertation harmonieuse dans le meilleur des mondes possibles. Ce n'est pas ainsi que cela se passe. M. Soisson nous en a donné une parfaite illustration, et je l'en remercie à nouveau.
Article 9
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures trente.)
La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion de l'amendement n° 135 , la parole est à Mme Monique Iborra.
M. Soisson, dont l'expérience n'est pas négligeable, indiquait que l'emploi et la formation – et j'ajouterai le développement local et économique – doivent avancer ensemble. Alors que l'emploi est de sa compétence, l'État s'est désengagé du financement des formations des demandeurs d'emploi depuis des années. Il faut le reconnaître très simplement, et nous en avons fait la démonstration chiffrée hier. Cette réalité prouvable, il serait malhonnête de la contester.
L'État a-t-il eu raison ou pas ? C'était le choix des Gouvernements précédents, dont certains membres appartiennent au Gouvernement actuel.
Il faut que l'État soit présent, et que la loi de décentralisation de 2004 – qui n'est pas abrogée – fasse des régions les chefs de file. Il n'est pas question pour nous de ne pas travailler avec l'État, comme il n'est pas question de ne pas travailler avec tous les acteurs, y compris l'ensemble des collectivités.
La politique de l'emploi est essentielle ; n'en écartons pas les collectivités, notamment celles qui ont des compétences sur le sujet, pour des raisons que l'on peut deviner, mais qui sont incompréhensibles au regard de l'efficacité. Les régions travaillent en bonne entente avec l'État et Pôle emploi ; mais qu'avez-vous fait de l'État ? Est-ce nous qui avons mis en place la RGPP ? Est-ce nous qui démantelons les services de l'État dans les régions ? Certainement pas : c'est vous, ce qui ne vous empêche pas, dans le même temps, de réclamer une présence importante de l'État sur le terrain, alors que ses services n'en ont plus les moyens. Le décalage entre, d'une part, une administration centrale qui, sous la pression politique du ministère, laisse entendre qu'elle peut tout régler, et, d'autre part, les possibilités qui existent au niveau local ne laisse pas d'inquiéter quant à l'efficacité du système. Ce matin vous déclariez, monsieur le secrétaire d'État, qu'il était dans l'intérêt des régions que l'État soit présent ; je vous réponds qu'il est dans l'intérêt de l'État que les régions jouent tout leur rôle.
Enfin, vous voulez une convention-cadre. Nous n'avons pas besoin du diktat de l'État pour choisir quelles conventions mettre en place ! Nous ne vous avons pas attendu pour les signer et en assurer une concrétisation efficace ! Nous devons, en revanche, en rendre compte à l'État : j'en suis d'accord. Mais laissez les acteurs locaux s'organiser en fonction des besoins des territoires, besoins que nous sommes mieux à même que vous d'identifier.
J'en appelle donc au bon sens et à l'efficacité : je vous en prie, monsieur le secrétaire d'État, ne faites pas de ce projet de loi un objectif politicien.
Je n'évoquerai pas la longue expérience de Jean-Pierre Soisson, par ailleurs incontestable, mais le rôle de l'État dans une situation grave.
Monsieur le secrétaire d'État, dans les conflits au sein des entreprises Nortel et New Fabris, vous avez pris parti contre les salariés qui, plongés dans le désespoir, en sont réduits aux dernières extrémités. Les salariés de New Fabrice ont été reçus ce matin par la direction de Renault, qui les a traités avec une arrogance invraisemblable. Comme Peugeot, Renault réduit à la faillite des entreprises en n'achetant plus les pièces que celles-ci produisent, et ose dire à leurs salariés que leurs demandes ne sont pas de son ressort.
Bien que ces affameurs – qui ont nom, par exemple, Carlos Ghosn – réduisent ces salariés au désespoir, ce ne sont pas eux que vous désignez comme coupables ; tout au contraire, vous mettez les salariés en garde, vous attaquant ainsi aux effets et non aux causes. Pendant l'été, le Gouvernement restera-t-il aussi passif qu'il l'a été jusqu'à présent ? Ou peut-être continuera-t-il de beurrer la tartine des privilégiés tout en versant quelques larmes de crocodile devant la détresse de ceux qui ont perdu leur travail ? Il arrive que le mari et la femme travaillent dans la même entreprise ; outre qu'ils sont évidemment privés de vacances, ils ne savent pas de quoi demain sera fait. Vos propos pour mettre en garde des salariés qui ne font que défendre leur dignité et le droit de vivre de leur travail ne sont pas convenables.
Votre intervention, monsieur Brard, n'a rien à voir avec un rappel au règlement.
Il ne peut en tout état de cause, je vous le rappelle, excéder deux minutes : vous avez donc dépassé votre temps de parole.
Une intervention sans rapport avec le texte vous a mis en cause, monsieur le secrétaire d'État ; vous avez la parole pour y répondre.
Je ne me suis pas senti mis en cause, monsieur le président. Je pense d'ailleurs que vous vous retrouverez dans ce que je vais dire, monsieur Brard. Ma crainte est que, lors des conflits sociaux, la priorité soit donnée à l'obtention de primes ; au reste, les syndicats eux aussi s'inquiètent de cette dérive qui consiste à abdiquer le combat pour la sauvegarde de l'emploi ou une reconversion rapide au profit de l'obsession de la prime.
Vous connaissez très bien les réalités du terrain, et vous savez que la prime peut avoir des conséquences familiales ou sociales catastrophiques : cagnotte illusoire, elle peut permettre d'acheter le silence de personnes qui, au bout d'un an ou un an et demi, lorsqu'elle est asséchée, se retrouvent au bord du trottoir. Ces personnes ont alors les plus grandes difficultés du monde à retrouver un emploi.
Voilà tout l'objet de ma vigilance ; mon intervention de ce matin, je le répète solennellement, n'avait pas d'autre but. Je me méfie de ce miroir aux alouettes que sont les primes, quand elles occultent la priorité qui doit être donnée à l'emploi.
Je veux également répondre à Mme Iborra. Je le dis avec tout le respect dû à votre engagement d'élue régionale, madame la députée : nous sommes ici dans l'enceinte de la représentation nationale. Que vous disiez « nous » pour donner l'impression que vous n'êtes là que pour vous faire l'écho des régions, cela me choque.
Vous êtes d'abord des députés, et représentez à ce titre l'intérêt national. À l'issue de la discussion générale, j'avais en ce sens formulé le souhait que l'on évite tout jeu de rôle qui se résumerait à un affrontement entre les régions et l'État.
Peut-être, mais la plupart de vos interventions portent quand même sur ce thème.
Toutes les dispositions au service des demandeurs d'emploi et des salariés ne soulèvent, en tout cas, que peu de débats ; les principaux points de divergence relèvent des postures que j'évoquais.
Je le répète : ce texte n'est aucunement centralisateur ; il se contente de créer un fonds géré avec les partenaires sociaux – sur le modèle de ce qui existe déjà –, comme eux-mêmes l'ont prévu dans leur accord-cadre. Ce fonds, les régions pourront le décliner au plan territorial en s'y associant. Chacune d'entre elles pourra signer un programme régional de développement de la formation professionnelle : l'une de vos revendications, qui consistait à associer cette dernière à la vision de l'éducation nationale, s'en trouvera satisfaite.
Pour le reste, comme certains d'entre vous l'ont relevé, les évolutions sont suffisamment sensibles – qu'il s'agisse du droit à la formation, de l'accompagnement avec les cours du soir ou de la reconversion –…
…pour mériter des débats qui ne soient pas uniquement focalisés sur les régions.
Nous ne pouvons, monsieur le secrétaire d'État, accepter vos propos, tout courtois qu'ils soient. Vous récusez une élue nationale au motif qu'elle évoque une réalité régionale. Mais cette logique vous conduirait à récuser beaucoup d'élus détenteurs d'un mandat local, à commencer par vous, qui êtes maire du Puy-en-Velay ! C'est riches de notre expérience locale que nous pouvons améliorer les textes : c'est ce que Mme Iborra s'efforce de faire avec son ardeur, sa passion et ses connaissances approfondies du terrain.
Par ailleurs, assumons clairement nos différences. Vous avez déclaré vouloir remettre l'État en piste ; un ancien ministre, lui, a assumé très clairement ces différences philosophiques – on n'ose plus dire idéologiques. Vous et vos amis pensez, monsieur le secrétaire d'État, que l'intérêt général ne peut jamais être défendu à l'échelon local, et que du dialogue entre les partenaires sociaux ne peut émerger l'intérêt supérieur de l'État républicain. Dans votre conception, la défense de l'intérêt général passe par une forte présence de l'État ; c'est toute notre différence : parce que nous croyons à la décentralisation, nous estimons que l'intérêt général peut être très bien défendu au niveau local, que les régions peuvent avoir une conception de l'intérêt supérieur de la nation.
La décentralisation doit, selon nous, obéir à une logique de subsidiarité – d'autres y verraient une approche un peu plus fédérale. Curieusement, c'est votre conception libérale que vous piétinez !
Nous assumons, nous, nos positions. Nous disons très calmement que votre texte est insuffisant et qu'il manque de souffle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis saisi d'un amendement n° 22 .
La parole est à M. Dominique Tian.
Défavorable : l'amendement est satisfait, l'alinéa 34 de l'article permettant déjà les conventions entre le fonds et les organisations représentatives des branches.
(L'amendement n° 22 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 57 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 57 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 137 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Cet amendement participe de la même logique : je ne relancerai pas le débat que nous venons d'avoir. Nous pensons qu'il faut supprimer l'alinéa 35 de l'article, car la mise en place d'un tel comité ne relève pas du domaine législatif : il est évident que les signataires de la convention-cadre le mettront en place, comme c'est toujours le cas dans la pratique.
Défavorable. Inscrire le principe du suivi dans la loi montrera l'importance attachée par le Parlement à une politique qui mobilisera tout de même 900 millions d'euros par an.
(L'amendement n° 137 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Certes, monsieur le président, mais un repli en bon ordre ! (Sourires.)
M. le secrétaire d'État et moi nous sommes envoyés à la figure, si je puis dire, nos défiances respectives : on peut en conclure un diagnostic de soupçon ! (Sourires.) Comme le suggérait M. Soisson, il faut trouver un meilleur arrangement ; pour ce faire, justement, levons les soupçons.
Notre amendement est bien minime : il consiste à proposer d'associer au comité de suivi un représentant des régions et un autre de Pôle emploi. Vous me répondrez que ces derniers ne participent ni à l'organisation ni au financement ; mais ils sont tout de même fortement intéressés par le comité. Il serait donc bien qu'ils siègent, non dans l'instance décisionnaire du fonds, mais dans le comité de suivi : cette disposition, dont je conviens qu'elle est assez mineure, permettrait d'introduire un peu de liant et de lever certains soupçons, au bénéfice de l'efficacité.
Défavorable. Le comité de suivi doit être constitué par les signataires de la convention-cadre, à savoir l'État et les gestionnaires du fonds.
Défavorable également.
Je suis contre cet amendement. Chers collègues socialistes, vous ne pouvez pas faire intervenir les régions, via l'Association des régions de France, dans le comité de suivi ! Cela réduit à néant votre propre argumentation : pourquoi vouloir introduire les régions, qui ne participent pas aux négociations, dans ce comité ? Un peu de logique ! Si vous prétendez défendre les régions, ayez au moins la grandeur de cette tâche !
Je suis saisi d'un amendement n° 142 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Je ne comprends pas l'énervement de M. Soisson, qui avait été beaucoup plus pertinent la première fois.
Je ne peux pas vous faire plaisir chaque fois ! Ce n'est pas ma conception de l'intérêt général !
C'est vrai, vous ne pouvez pas toujours être aussi bon !
Avec l'amendement n° 142 , nous sommes encore dans une démarche de repli – mais pas de retraite. Ici, l'État reprend véritablement son rôle, puisque c'est lui qui aura le dernier mot. Le texte stipule qu'un décret en Conseil d'État déterminera les conditions d'application de la section concernant la convention-cadre. Nous souhaitons préciser que cela se fera « après consultation des partenaires sociaux ». Cela nous semble bien naturel, dans la mesure où il s'agit d'un fonds paritaire. Je ne doute pas que, en acceptant cet amendement, vous allez faire preuve d'ouverture, car, pour l'instant, vous n'avez pas eu beaucoup de gestes en notre direction, ce qui augure bien mal de notre vote final.
Cet amendement a été rejeté par la commission, car il est satisfait par l'article L. 6123-1 du code du travail. Le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie doit être consulté sur tout projet de texte réglementaire dans son champ de compétence. Or ce conseil comprend douze représentants des partenaires sociaux.
L'idée était bonne, mais elle a déjà été réalisée et l'amendement est donc satisfait.
(L'amendement n° 142 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 146 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Monsieur le secrétaire d'État, voici la dernière occasion de faire preuve de bonne volonté : ne la laissez pas passer.
C'est un vrai tour de passe-passe. On commence par créer le fonds. L'État s'invite pour, dit-il, travailler la main dans la main avec les partenaires et verser éventuellement un peu d'argent – sans prendre aucun engagement à cet égard –, et tout cela devrait bien fonctionner. Pour finir, on énumère ce que comportera le décret et, dans un 7°, on brandit la menace : si la convention-cadre n'est pas signée, c'est l'État qui réglera et régentera tout. Le tour est joué ! Il suffira que les partenaires sociaux ne s'entendent pas pour que l'État décide de l'utilisation des 900 millions d'euros.
J'imagine que vous allez me dire – comme vous l'avez fait en commission – qu'il faut bien trouver une solution et savoir ce que l'on fera des fonds s'il n'y a pas d'accord. Mais ces fonds n'appartiennent-ils pas aux partenaires sociaux ? Il suffirait de le rappeler. Ou, plutôt, il n'est même pas utile de l'écrire, puisque, comme vous vous plaisez à le répéter à l'envi, il s'agit d'un fonds paritaire : ce n'est donc pas à l'État de régler les choses en cas de problème. C'est cela qui provoque nos réticences et celles des partenaires sociaux, car, vous avez beau dire que tout est pour le mieux, ils n'ont pas voté, au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, la transcription dans la loi de ce qu'ils avaient pensé et organisé sur ce point.
Vous expliquez par ailleurs que cette disposition existe déjà pour le fonds unique de péréquation – car je ne doute pas que vous allez ressortir cet argument. Mais, dans le cas du FUP, les partenaires sociaux ont vraiment une grande autonomie. C'est d'ailleurs pourquoi la CFDT elle-même nous enjoint de dire que la partie de refinancement des contrats de professionnalisation de ce fonds paritaire ne doit pas être du ressort de l'État, mais demeurer de la responsabilité des partenaires sociaux. Là aussi, vous le voyez, vous vous êtes attiré le soupçon, la défiance, la méfiance. Annoncer que, si les partenaires sociaux ne signent pas la convention-cadre, c'est l'État qui gérera tout, cela ne contribue pas à créer le climat de confiance que nous appelons tous de nos voeux.
Il est nécessaire de disposer d'un système supplétif en l'absence d'accord des partenaires sociaux. Du reste, cette disposition existe non seulement pour le FUP, comme vous venez de le rappeler, mais également pour l'assurance chômage. Le même système est en vigueur pour les autres dispositifs gérés par les partenaires sociaux. C'est une règle de précaution traditionnelle qui n'a pas du tout pour objet de déposséder les partenaires sociaux. En cas de non-signature au niveau de l'assurance chômage, c'est l'État qui décide. Il faut respecter le parallélisme des formes et la logique.
Il faut en effet prendre en compte l'argument juridique selon lequel, en droit, on ne peut pas laisser une situation de gestion de fonds sans prévoir l'absence d'accord. Vous pouvez reprendre toute la jurisprudence du Conseil d'État : il est impossible de faire autrement. On doit donc prévoir une issue dans le cas où il n'y aurait pas d'accord.
Cependant, permettez-moi d'exprimer ma surprise. Nous avons eu tout à l'heure un débat sur le plan de formation et la partie professionnalisation, et vous avez soutenu un amendement assez musclé proposant que, dans la mise en place et la constitution du fonds, les partenaires sociaux n'aient pas une totale liberté d'action et que le financement ne soit pas uniquement assis sur la partie plan de formation. Le raisonnement que vous avez appliqué pour rédiger cet amendement ne vaudrait-il plus à présent ? Sur le modèle de l'amendement de Gérard Cherpion, notre texte prévoit une disposition pourtant beaucoup moins contraignante, fondée sur le principe de la confiance : nous laissons faire les partenaires sociaux et nous déclinons ensuite leur accord dans une convention-cadre. C'est seulement dans le cas où ils n'arriveraient pas à s'entendre que l'État interviendrait.
(L'amendement n° 146 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 147 .
La parole est à M. Michel Issindou.
M. le secrétaire d'État décrit une situation quasi angélique où tout le monde s'entendra, où l'État n'interviendra que très peu. Nous craignons que ce ne soit pas vraiment le cas. Pardonnez-nous d'insister, mais nous sentons bien qu'il y a là quelque chose d'important : du reste, vous ne lâchez rien, ce qui prouve que vous avez des idées très arrêtées.
Nous proposons de compléter l'alinéa 47 par les mots : « géré par les signataires de l'accord visé au premier alinéa de l'article L. 6332-18. » Je suppose que, fidèle à son habitude, le rapporteur nous dira, avec un grand sourire – ce qui est plus agréable –, que c'est déjà prévu par ailleurs. Cet ajout n'alourdira guère la phrase, qui n'est pas très longue. Nous poursuivons toujours le même but : préciser que ce sont les partenaires sociaux qui gèrent ce fonds unique et que ce sont eux seuls qui devraient le faire, car il s'agit de leur argent. Les 900 millions sont l'argent des salariés et des employeurs. L'État ne veut pas y mettre d'argent – tout en laissant entendre qu'il pourra le faire plus tard. S'il n'ajoute pas un centime, ce sont ceux qui apportent l'argent qui doivent être les patrons et les derniers consultés. Celui qui paie décide, c'est une question de cohérence.
Je vais décevoir notre collègue, mais cela n'est pas traité par ailleurs. L'alinéa 47 traite de la situation où le fonds n'a pu être agréé, soit faute d'accord des partenaires sociaux, soit faute d'un accord conforme à la loi. Dans cette situation, le compte unique qui serait créé ne peut, par définition, être géré par les partenaires sociaux, puisqu'ils ne se sont pas mis d'accord sur le fond.
(L'amendement n° 147 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 16 rectifié .
La parole est à M. Dominique Tian.
Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels n'est pas créé ex nihilo, mais est issu d'une transformation de l'actuel fonds unique de péréquation : cela doit être précisé sans ambiguïté.
M. Tian a tout à fait raison. Il faut en effet acter que le fonds n'est pas créé ex nihilo, mais qu'il est issu d'une transformation.
Avis favorable à cet amendement très utile.
(L'amendement n° 16 rectifié est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 107 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels n'a pas vocation à se substituer à Pôle emploi pour financer et mettre en oeuvre les actions nouvelles de qualification ou de requalification dont pourront bénéficier les demandeurs d'emploi. Nous avons d'ailleurs déjà dénoncé, dans la discussion générale, la logique qui consisterait à organiser la sécurisation du chômage plutôt que celle de l'emploi. C'est aussi ce qu'ont fait valoir des représentants syndicaux, car c'est cette logique qui permet d'exonérer certains patrons de leur responsabilité en ce qui concerne certains licenciements massifs, d'autant plus scandaleux que la plupart de ces entreprises réalisent des profits, versent des dividendes ou reçoivent des aides publiques de l'État. Nous proposons donc que ce soit uniquement Pôle emploi qui finance les dispositifs de qualification ou de requalification.
La commission a repoussé cet amendement. La préparation opérationnelle à l'emploi sera gérée par Pôle emploi, dont le conseil d'administration devra préciser les règles d'éligibilité. Dans la mesure où cette formation sera coûteuse, puisqu'elle pourra durer 400 heures, il est bien évident qu'elle ne sera envisagée qu'en vue d'emplois durables.
(L'amendement n° 107 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 152 .
La parole est à M. Jean-René Marsac.
Il est essentiel que le demandeur d'emploi soit volontaire pour intégrer le dispositif. D'une part, partir contraint à une formation est le meilleur moyen d'échouer. D'autre part, la systématisation du POE risque de créer un appel d'air vers des métiers en tension vers lesquels les demandeurs d'emploi ne souhaitent pas aller pour des raisons bien souvent légitimes, liées à de mauvaises conditions de travail ou à de faibles rémunérations.
, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Pôle emploi élabore avec chaque demandeur d'emploi un projet personnalisé d'accès à l'emploi, le PPAE, qui détermine les types d'emploi qui sont recherchés, les actions d'accompagnement que Pôle emploi devra mettre en place. L'article L. 5412-1 du code du travail sanctionne par la radiation de la liste des demandeurs d'emploi le refus de suivre une formation, si celle-ci s'inscrit dans le PPAE. C'est cette règle de droit commun qui devra s'appliquer.
Par ailleurs, étant donné le coût que représenteront ces formations de 400 heures, je vois mal Pôle emploi les imposer à des personnes qui n'en voudraient pas et ne s'y investiraient pas.
Avis défavorable, pour les raisons qu'a évoquées le rapporteur.
Je profite du fait que, sauf erreur de ma part, cet amendement est le dernier qui sera défendu à l'article 9 pour rappeler les ajouts au texte qui ont été faits en commission. Certains sont dus au groupe SRC : deux amendements de M. Issindou ont ainsi permis d'améliorer la préparation opérationnelle à l'emploi. De même, un amendement de M. Vercamer sera très précieux, car il permettra de faire de la formation pour les contrats aidés. Je tenais à le rappeler, car les débats en commission lissent tout le travail de concertation que les parlementaires font en amont : il faut toutefois leur rendre hommage.
Surtout vous, j'imagine ! (Sourires.)
La mention de l'adjectif « volontaire » est fidèle au texte même de l'accord national interprofessionnel. Il s'agit de faire le lien – pas encore évoqué, mais qui aura son importance – avec l'offre raisonnable d'emploi, que vous avez adoptée voici un an et que nous n'avons pas votée.
Or, l'adjectif « volontaire » signifie bien que l'on n'impose pas le dispositif en question dans le cadre de l'offre raisonnable d'emploi.
Les choses sont claires : la multiplication de ces propositions de formation entraînera le réveil de ce qui était encore en sommeil au sein de Pôle emploi. Je vois d'ici la circulaire qui visera à activer l'offre raisonnable d'emploi qui, à son tour, activera les statistiques !
D'autre part, le texte de l'accord national interprofessionnel allait bien plus loin s'agissant de la préparation opérationnelle à l'emploi, puisqu'il proposait une signature avec l'entreprise censée embaucher à l'issue de la formation. Tout cela a disparu ; nous allons revenir aux formations d'approche classique, telles qu'elles étaient dispensées.
Enfin, je m'interroge sur un point : le texte indique que les formations retenues doivent correspondre à un besoin des branches, mais aussi à un besoin identifié. Ce n'était pas tout à fait là le sujet de l'ANI : quoi qu'il en soit, cela interdit à un demandeur d'emploi de répondre à une offre identifiée qu'il pourrait satisfaire, même si elle ne correspond pas forcément à un métier en tension. On se prive de cette possibilité en incluant les branches professionnelles et les demandes individualisées. Au contraire, l'esprit de la décision qu'avaient prise les partenaires sociaux privilégie plutôt une approche ouvrant au demandeur d'emploi la possibilité de repérer lui-même – d'où l'importance du volontariat – une formation qui lui permettrait de décrocher un emploi clairement identifié. Il lui suffirait pour cela de se rendre à Pôle emploi, au besoin avec un représentant de l'entreprise, pour formaliser ce processus dans une convention qui, hélas, n'existe plus dans le texte que vous nous proposez.
(L'amendement n° 152 n'est pas adopté.)
(L'article 9, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'amendements portant articles additionnels après l'article 9.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 192 .
Cet amendement important du Gouvernement vise à prolonger les dispositions destinées à assurer – comme nous l'évoquions à l'instant avec M. Brard – la reconversion des salariés licenciés dans des entreprises de moins de mille salariés.
Vous connaissez le dispositif concerné : le contrat de transition professionnelle, ou CTP. Les partenaires sociaux et le Gouvernement ont mené un effort conjoint – bel exemple de travail en commun – sur ce dispositif qui, à l'origine, était, reconnaissons-le, une proposition de la CGT. Son but était double : d'une part, dans les territoires les plus rudement frappés par la crise, le CTP permet un accompagnement immédiat comportant une indemnisation portée à un an pour les salariés licenciés et, d'autre part, il assure un accompagnement fléché à hauteur d'un conseiller au plus pour trente personnes licenciées. Ce dispositif nous permet d'atteindre de vrais taux de reclassement et d'offrir un espoir véritable, surtout dans les territoires confrontés aux plus grandes difficultés – je pense par exemple au Valenciennois, à Sochaux et Montbéliard, aux Vosges ou encore au Havre. Le CTP offre à ces territoires en crise la meilleure planche de salut pour rebondir.
Or force est de constater, grâce à l'expérimentation, que la limite prévue par la loi ne permet pas aujourd'hui au CTP de couvrir l'ensemble des territoires frappés par la crise, dont nous connaissons l'ampleur. C'est pourquoi, conformément aux engagements pris par le Président de la République devant les partenaires sociaux, le présent amendement vise à augmenter de vingt et un à quarante le nombre de bassins d'emploi où le CTP peut être appliqué.
Dans le même temps, nous avons travaillé – j'y tiens beaucoup – à l'amélioration de la convention de reclassement personnalisé, la CRP. Il ne suffit pas en effet de ne s'occuper que des territoires les plus en crise, et de négliger les territoires dans lesquels il n'existe sans doute pas un important abcès de fixation, mais où certaines personnes sont tout de même licenciées et ont besoin de temps. À cet égard, grâce à l'action des partenaires sociaux, nous avons amélioré l'indemnisation liée à la CRP accessible à tous, en portant son montant à 80 % du salaire brut et sa durée à douze mois.
En clair, nous sommes en train de créer un véritable droit au rebond pour les salariés licenciés. Il concerne tous les salariés licenciés dans les entreprises de moins de mille personnes, et le dispositif est plus soutenu encore dans les territoires où l'espoir de retrouver un emploi est plus ténu. C'est une mesure essentielle qui répond à deux objectifs : donner du temps, d'abord, car, les salariés en ont besoin pour se reconvertir et rebondir sur un nouveau métier, et une indemnisation leur permet précisément de ne pas avoir le couteau sous la gorge. D'autre part, il s'agit d'un véritable accompagnement personnalisé qui mobilise l'ensemble des outils de la formation.
Dans cette crise si dure, je suis frappé par l'espoir que représente le fait que, là où les CTP ont été mis en place et là où les salariés licenciés ont pu bénéficier d'une CRP, le taux de reclassement – malgré la crise ! – reste de l'ordre de six ou sept salariés sur dix, dans un délai compris entre six mois et un an. Voilà qui montre – et c'est aussi le sens de ce texte – que si l'on refuse une politique de l'emploi passive, qui se contente de laisser filer le temps quand un salarié du textile ne retrouve pas de travail dans son secteur au point, à terme, de devenir chômeur de longue durée et de ne plus pouvoir retourner à l'emploi, et que si l'on se bat pour élaborer un dispositif de formation professionnelle qui permet d'accompagner les reconversions, du textile à la logistique, par exemple, ou de la vente à distance aux centres d'appel, alors l'espoir renaît, même dans cette période difficile. Ces débats sont beaucoup plus intéressants que ceux qui visent à déterminer qui pilote quoi dans une usine à gaz administrative. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Avis favorable. À titre personnel, connaissant bien les effets bénéfiques du CTP dans les Vosges, comme vous à Vitré, monsieur le président de la commission, je peux mesurer l'efficacité de ce dispositif.
Le CTP est sans doute un bon outil de sécurisation des parcours professionnels. À l'expérience, monsieur le secrétaire d'État, deux problèmes se posent toutefois. D'une part, le rapprochement de la CRP et du CTP était important, car le CTP est bien adapté à l'industrie et aux programmes collectifs de licenciement ; il pourrait néanmoins devenir dangereux s'il était étendu à tous les cas.
D'autre part, nous constatons un phénomène surprenant dans les bassins d'emploi qui bénéficient du CTP : il est strictement réservé aux entreprises employant moins de mille salariés en Europe.
C'est très important !
Compte tenu du nombre actuel d'entreprises de dimension européenne, et sachant que, dans tel ou tel bassin d'emploi, de nombreuses entreprises autrefois familiales appartiennent aujourd'hui à des groupes, l'exclusion des entreprises ayant plus de mille salariés en Europe est-elle toujours justifiée ? Nous peinons, sur le terrain, à expliquer cette distinction de part et d'autre du seuil de mille emplois, qui commande l'inclusion ou l'exclusion du dispositif. Quel est votre avis sur ces deux points, monsieur le secrétaire d'État ?
Je me félicite de cet amendement du Gouvernement. Lors d'une question au Gouvernement, j'avais demandé à M. Wauquiez la généralisation du contrat de transition professionnelle.
Je le remercie d'avoir accepté, avant l'adoption du texte de loi, son extension au bassin d'emploi de l'Auxerrois, et je lui exprime la reconnaissance de tous les élus de mon département.
Néanmoins, le problème souligné par le président de la commission se pose en effet. J'avais cru comprendre de l'intervention du Président de la République devant le Congrès que tous les salariés, que leur entreprise emploie plus ou moins de mille personnes, pourraient bénéficier du CTP. Je prendrai pour exemple la crise majeure de l'emploi suscitée dans l'Auxerrois par la fermeture de deux entreprises – une entreprise d'Amora Maille et une autre d'Exide, fabricant de batteries. Ces deux entreprises dépendent de groupes employant plus de mille salariés en Europe, qui, à ce titre, ne peuvent pas bénéficier du CTP. Or il me semblait que le Président de la République prônait une généralisation du CTP – bien que j'accepte les réserves de M. Méhaignerie en fonction des secteurs d'application. Je comprends que l'extension du dispositif à quarante bassins d'emploi est un progrès, mais j'estime que ce progrès ne sera décisif que lorsque sera levée la barrière du nombre de salariés et que seront éligibles les entreprises employant plus de mille salariés en Europe.
Peut-être M. Soisson a-t-il réveillé ses propres souvenirs de ministre d'ouverture, au point qu'il a rejoint nos positions, puisque nous sommes d'accord pour généraliser le CTP – et c'est bien sympathique. Nous soutiendrons donc cet amendement, qui ouvre la voie à une généralisation tranquille – sans doute d'ailleurs une montée en puissance est-elle une bonne chose, car elle permettra de mesurer les effets du dispositif. Quarante bassins d'emploi représentent environ 10 % de l'ensemble des bassins d'emploi. Nous aimerions disposer de quelques explications sur les critères objectifs qui commandent la sélection : vous en avez indiqué certains mais, puisque le dispositif est en plein essor, il serait bon que soient expliquées en toute transparence les règles d'éligibilité.
Vous avez, monsieur le secrétaire d'État, tenté une petite pique pour nous renvoyer à notre mécano. Je vous la retourne : M. Méhaignerie et le Président de la République lui-même ont évoqué la question du rapprochement de la CRP et du CTP. Même si les choses ne sont pas aussi simples, on a parfois l'impression que la CRP relève des partenaires sociaux tandis que le CTP relève de l'État. La même logique s'impose à tous. Pouvez-vous, dès lors, nous indiquer quelles sont les voies du rapprochement ?
Contrairement aux orateurs précédents, je suis plutôt favorable au statu quo s'agissant du seuil de mille salariés, car il existe un risque d'effet d'aubaine : certains grands groupes, qui peuvent profiter d'une restructuration due à la crise pour y mêler sans scrupules des licenciements d'ordre financier ou boursier, auront d'autant moins de scrupules à le faire que les salariés licenciés, au fond, ne seront pas si malheureux, estimeront-ils, puisque la collectivité publique les prendra en charge. Si je suis favorable au CTP, j'ai pourtant toujours dit qu'il fallait surveiller ce risque d'effet d'aubaine, parce que les grands groupes – ceux de plus de mille salariés – dont on parle beaucoup car ils sont très médiatisés, ont les moyens d'assumer de telles décisions, comme cela a été dit à propos des primes. En l'état actuel des choses, il est donc légitime de concentrer le dispositif sur les plus petites entreprises, qui emploient moins de mille salariés. Nous envisageons sa généralisation en fonction des territoires. À ce titre, je me félicite de voir la proposition de loi que nous avons soumise à cette Assemblée gagner du terrain !
Cet amendement va dans le bon sens, monsieur le secrétaire d'État. Nous avons eu l'occasion d'aborder ce sujet lors des événements qui ont marqué l'usine Renault de Sandouville, que vous étiez venu visiter avec le Président de la République – occasion à laquelle s'était posée la question de l'élargissement du CTP à d'autres sites.
Aujourd'hui, les CTP sont encore définis en fonction des territoires. Peut-être faudrait-il travailler davantage autour de thématiques.
On pourrait par exemple distinguer entre industrie et commerce. Or, pour l'instant, seule la difficulté de retrouver un emploi sur le territoire est prise en compte : ce n'est pas forcément judicieux.
Peut-être faudrait-il élargir le champ des CTP à cette autre dimension. Parfois, les seuls emplois industriels dans une région sont des sous-traitants automobiles. Tous les autres emplois relèvent du domaine touristique ou tertiaire et il n'y a pas un emploi industriel à 200 kilomètres à la ronde. Dans un tel cas de figure, les salariés de l'unique entreprise de la région ne seraient pas concernés par le CTP, bien qu'étant les premiers à en avoir besoin, dans le cadre d'une mutation d'emploi.
S'agissant des entreprises de plus de mille salariés, je partage le sentiment de notre collègue, il ne faut pas non plus leur donner une prime à la délocalisation d'emplois ! Vous en avez discuté tout à l'heure avec Jean-Pierre Brard et on en a parlé à la télévision, dans le secteur automobile, par exemple, les donneurs d'ordre que sont les grandes entreprises, comme Renault, proposent à leurs sous-traitants ou à leurs équipementiers de délocaliser les productions à l'étranger. Faut-il vraiment leur donner une prime à la délocalisation, autrement dit abonder dans le sens d'un comportement voyou ?
J'espère que nous partageons tous ce sentiment dans l'hémicycle.
En outre, il faut, en toutes circonstances, prendre en considération ce que reçoit le salarié. Il y a d'abord toutes les procédures administratives et, au final, un salarié qui se retrouve dans une situation difficile. Vous l'avez dit tout à l'heure, vous préférez que les salariés se battent pour l'emploi plutôt que pour la prime. Si nous sommes d'accord sur ce point, c'est la situation du salarié et son avenir qui doivent nous guider pour ce qui est du CTP.
Vous n'avez accepté qu'un petit nombre de nos amendements, mais nous allons vous montrer que le vôtre nous plaît beaucoup ! Vous pouvez le constater, nous ne sommes pas rancuniers, car, malgré toutes les misères que vous nous avez fait subir cet après-midi (Sourires), nous approuvons ce que vous proposez. Le CTP est une bonne mesure. J'espère que vous arriverez à la généraliser, car je vous sais soucieux de l'égalité républicaine ; or les bassins d'emploi privilégiés – désormais au nombre de quarante – seront mieux traités que tous les autres, lesquels sont fort nombreux.
C'est une bonne mesure, qui va dans le sens de la flexisécurité. Pierre Morange a présidé la mission d'information sur ce sujet. Il s'agit de sécuriser financièrement les gens qui perdent leur emploi et de leur trouver immédiatement une formation professionnelle. Pour autant, cela ne va pas régler tous les problèmes d'emploi dans notre pays, car à l'évidence, nous manquons d'emplois. Selon vous, monsieur le secrétaire d'État, près de 60 % des bénéficiaires du dispositif retrouvent un emploi durable dans l'année qui suit leur entrée en CTP. C'est un bon chiffre et il faut aller au bout de cette belle expérience.
Cela étant, vous n'étiez pas obligé de nous lancer une pique à la fin de votre intervention, en nous disant que, de notre côté, nous avions passé beaucoup de temps à parler d'une usine à gaz administrative ! Nous avions le droit de faire part de nos observations sur l'article 9. De votre côté, monsieur le secrétaire d'État, vous aviez le droit de dire que cette mesure est une belle mesure. Dont acte ! Nous vous accordons volontiers qu'il s'agit d'un bel amendement.
J'aimerais livrer quelques éléments de réflexion au débat : le CTP doit-il bénéficier aux entreprises de plus de mille salariés ?
Nous devons prendre garde, car l'objectif du CTP est le suivant – et l'on retrouve ici la philosophie qui sous-tend le projet de loi sur la formation : il ne faut pas que le salarié licencié ait droit à un accompagnement de luxe, ou non, selon la taille de l'entreprise dans laquelle il travaille. Les entreprises de moins de mille salariés n'ont pas les moyens d'organiser véritablement la reconversion et le reclassement. Dans ce cadre, la solidarité nationale doit s'exercer, mais elle ne doit pas exonérer les grands groupes, qui ont la possibilité de financer correctement un reclassement. Il existe de nombreux exemples, partout en France, et le risque est évident. Les grands groupes doivent assumer leurs devoirs et ne pas laisser derrière eux une terre brûlée.
Pierre Méhaignerie et Jean-Pierre Soisson ont raison sur un point : l'arbitraire du seuil. Ne peut-on se donner une marge de souplesse ? Ainsi, un groupe de 1 500 salariés, laminé par la crise, peut avoir une trésorerie complètement à plat et se trouver dans l'impossibilité d'offrir des conditions de reclassement satisfaisantes à ses salariés. Dans ce cas, je suis assez favorable à donner de la souplesse.
Mais, comme M. Gille et M. Lecoq, je ne veux en aucun cas que le CTP soit une aubaine pour l'entreprise pour se défausser de ses responsabilités en matière de reclassement de ses salariés.
Enfin, lorsqu'une entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire, quelle que soit sa taille, les salariés peuvent entrer dans le cadre du CTP : le dispositif a été appliqué pour la Camif ou Heuliez, par exemple.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de l'ouverture que vous venez de faire…
…en faveur des entreprises qui emploient plus de mille salariés. Quelle forme législative une telle possibilité peut-elle prendre dans la rédaction ? Votre déclaration, en figurant au Journal officiel, fera foi, mais j'aimerais que vous puissiez modifier la rédaction de l'amendement n° 192 en y inscrivant cette possibilité. Ce que vous venez de dire est important, puisqu'il s'agit de savoir comment nous pourrons élargir à certaines entreprises et à leurs salariés, dans telle ou telle circonstance ou face à telle ou telle difficulté, le contrat de transition professionnelle. Il y a certes des cas à la marge – c'est toute la difficulté des seuils –, comme les entreprises de mille ou 1 100 salariés. Mais l'examen au cas par cas, en fonction du bassin d'emploi et des salariés, mérite l'attention de l'Assemblée et une rédaction législative.
(L'amendement n° 192 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 87 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Il s'agit d'un amendement facétieux qu'apprécie beaucoup M. le secrétaire d'État ! Puisque nous avons réglé la question de la représentativité des organisations de salariés, il serait temps de s'occuper de celle des organisations d'employeurs, puisque nous parlons beaucoup des partenaires sociaux. Nous pourrions fixer un délai de deux ans pour régler cette question.
Défavorable.
Comme M. Gille l'a reconnu, l'amendement est facétieux. J'en profite pour signaler à M. Issindou que nous avons tout de même accepté vingt-quatre amendements déposés par le groupe SRC.
(L'amendement n° 87 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 82 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Lorsqu'un salarié est désigné pour participer à un jury d'examen ou de validation des acquis de l'expérience, il convient de prévoir un délai de prévenance du salarié qui pourrait être d'au moins quarante-huit heures.
Favorable.
(L'amendement n° 82 est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 83 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Il convient de ne pas retenir la notion de « maintien de rémunération » pour les professions indépendantes et libérales. Le système, s'agissant de professions non salariées, pourrait se révéler trop compliqué. En revanche, il serait plus simple, comme pour les conseillers prud'hommes employeurs, de retenir une indemnité forfaitaire.
C'est une excellente précision.
(L'amendement n° 83 est adopté.)
Je constate que le vote est également acquis à l'unanimité.
(L'article 10, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 89 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Il est défendu.
(L'amendement n° 89 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 63 .
La parole est à Mme Françoise Branget.
Les partenaires sociaux de différentes branches ont pu se doter d'outils propres visant à la qualification professionnelle des salariés, en dehors des certificats de qualification professionnelle. Ces dispositifs sont recensés sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi de la branche professionnelle.
Les dispositions légales précédentes prenaient en compte les outils créés dans ce cadre. Cette reconnaissance du dialogue social au sein des branches n'est pas reprise dans la nouvelle rédaction de la loi. L'amendement tend à le rétablir.
Défavorable.
Cet amendement revient au texte initial de l'article L. 6314-1 du code du travail, que le projet de loi a pour but de modifier précisément sur ce point, afin de consacrer les certificats de qualification professionnelle établis par les commissions paritaires nationales de l'emploi et des branches professionnelles.
Défavorable.
L'adoption de cet amendement aboutirait à supprimer la primeur que nous souhaitons donner aux formations professionnalisantes. Or le but est d'éviter les formations fourre-tout, sans contenu qualifiant. En affaiblissant la notion de CQP – le certificat de qualification professionnelle –, vous allez à l'encontre du but recherché.
Même si j'identifie parfaitement certaines revendications portées par cet amendement, j'estime qu'il faut en rester aux formations professionnalisantes.
(L'amendement n° 63 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 215 .
La parole est à M. Francis Vercamer.
Cet amendement vise à déterminer la qualité des formations professionnelles dispensées. Des certifications existent dans les branches, qui ne sont malheureusement pas reconnues par d'autres branches. Elles ne servent donc que dans la branche où la certification est acquise. En cas de difficulté, le salarié qui change de métier n'a pas de formation reconnue dans une branche différente, ce qui pose un véritable problème de continuité de la formation, et donc de formation professionnelle continue.
C'est pourquoi nous proposons que les certificats de qualification professionnelle soient inscrits par la commission paritaire nationale de l'emploi, après avis de la commission nationale de la certification professionnelle.
Défavorable. Cela étant, la commission acceptera l'amendement suivant de M. Vercamer.
L'amendement n° 215 a pour effet de faire figurer au répertoire national des certifications professionnelles tous les certificats de qualification professionnelle. Or il est important de préserver le libre choix des branches de faire figurer ou non les CQP qu'elles créent au répertoire national. Le projet de loi vise à préserver la diversité des qualifications auxquelles peuvent prétendre les stagiaires de la formation professionnelle, aux termes de l'article L. 6314-1, qualifications enregistrées dans le répertoire national des certifications, mais aussi reconnues dans les classifications de conventions collectives nationales de branche ou figurant sur la liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi ou d'une branche professionnelle.
Défavorable.
Comme l'a dit le rapporteur, nous serons mieux disposés à l'égard de l'amendement suivant déposé par M. Vercamer.
Je suis saisi d'un amendement n° 42 deuxième rectification.
La parole est à M. Lionel Tardy.
Cet amendement propose de prendre en compte, outre les certifications liées à un métier, les certifications transversales, comme par exemple la compétence en matière de transmission des compétences et de tutorat, qui ne serait pas prise en compte, alors qu'elle est extrêmement utile.
Il semble donc nécessaire de compléter les dispositions positives déjà prises par cet article, en apportant une reconnaissance officielle à la certification professionnelle de compétences transversales.
La commission a repoussé cet amendement. Mais à titre personnel, et compte tenu de la modification de la rédaction, j'y suis favorable.
Favorable.
Cet amendement de Lionel Tardy est très intéressant. Il reflète sa bonne connaissance des dispositifs de formation, car les CQP ont certes leur utilité, mais ils nous enferment dans des raisonnements un peu statiques en termes de métiers.
Je reprends un exemple dont on a beaucoup parlé au cours des dernières semaines : celui des tuteurs. Aujourd'hui, faire une formation en tant que tuteur n'est pas valorisé au registre des inscriptions. Par le biais de cet amendement, il sera possible de valoriser ces compétences transférables. Cela contribuera à donner plus de souplesse à notre appareil de formation et aidera aux reconversions.
(L'amendement n° 42 deuxième rectification est adopté.)
Je constate, là encore, que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 216 , deuxième rectification.
La parole est à M. Francis Vercamer.
Je tiens tout d'abord à préciser que j'ai retiré mon précédent amendement au profit de celui de M. Tardy, bien qu'il n'ait pas tout à fait la même signification.
Lorsque l'on crée une certification, une période d'expérimentation de trois ans est nécessaire. Or, les trois promotions qui ont servi à l'expérimentation – des cobayes, en quelque sorte – n'obtiennent pas le diplôme puisque la certification n'est arrivée qu'a posteriori.
Cet amendement vise donc à ce que ces trois promotions puissent se prévaloir de l'inscription de cette certification au répertoire national des certifications professionnelles.
(L'amendement n° 216 deuxième rectification, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
(L'article 11, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 52 , portant article additionnel après l'article 11.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Je propose, au nom de l'égalité de concurrence et de traitement, de faire bénéficier de dispositions analogues les titres de la filière artisanale, véritables outils de qualification et d'insertion professionnelle, notamment en termes de conditions de prise en charge financière des jurys de validation des acquis de l'expérience pour les certificats de qualification professionnelle.
(L'amendement n° 52 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 47 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Cet amendement de précision clarifie la situation de l'auto-entrepreneur qui embauche un apprenti.
(L'amendement n° 47 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Sur l'article 12, je suis saisi d'un amendement n° 139 rectifié .
Peut-être pourriez-vous, monsieur Tian, présenter également votre amendement n° 138 ?
Volontiers, monsieur le président.
Comme chacun sait, les contrats d'alternance sont plébiscités par les jeunes. Il semble toutefois que, dans le texte qui nous est proposé, ces contrats s'étendent sur vingt-quatre mois maximum, alors que la plupart des formations permettant de passer un diplôme nécessitent une durée supérieure, pouvant aller jusqu'à trente-six mois. Je propose donc de modifier le texte en ce sens.
L'alternance est, me semble-t-il, la grande oubliée de ce projet.
La commission a repoussé ces deux amendements.
Cette possibilité existe déjà à titre dérogatoire. Elle est subordonnée à la conclusion d'un accord collectif et correspond à l'équilibre que les partenaires sociaux ont trouvé dans l'accord du 7 janvier 2009.
Nous avons eu ce débat avec M. Tian en commission. Comme nous l'avons alors expliqué, une telle disposition, même si le raisonnement sur lequel elle repose est intéressant, peut être source de difficultés. Nous avons intérêt à conserver un élément de négociation, afin de s'assurer que les organismes de formation n'allongent pas inutilement la durée. Il y a un équilibre à préserver.
(Les amendements nos 139 rectifié et 138 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 100 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Il est défendu.
(L'amendement n° 100 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 12 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 14 rectifié , portant article additionnel après l'article 13.
La parole est à M. Yves Albarello.
Toujours dans le but de rendre plus performante qu'elle ne l'est la formation professionnelle des jeunes, cet amendement vise à réaffecter la surtaxe d'apprentissage versée par les entreprises de plus de 250 salariés au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage.
Ces moyens supplémentaires seront mobilisés dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre l'État et les régions pour le développement et la modernisation de l'apprentissage.
Favorable. Cet amendement contribue très utilement au développement de l'apprentissage.
M. Albarello, qui connaît bien ces questions, propose un amendement intéressant, qui permettra d'exercer un effet de levier pour le développement de l'apprentissage et de l'insertion des jeunes.
(L'amendement n° 14 rectifié est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 70 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Favorable. Cet amendement permet de ramener de trois à deux mois les périodes nécessaires pour l'indemnisation d'un stage. Il s'inscrit dans le prolongement de la proposition de loi de M. Poisson.
C'est un amendement important, qui correspond à des débats que nous avons souvent eus, notamment lors de l'examen de la proposition de loi de plusieurs députés du groupe UMP tendant à favoriser la création et le maintien de l'emploi et à rémunérer les stagiaires dès le deuxième mois. Cela évite ainsi le prolongement indéfini de stages, forme d'exploitation trop souvent constatée par le passé. C'était, de plus, un engagement du Président de la République.
(L'amendement n° 70 est adopté.)
Sur l'article 13 bis, je suis saisi d'un amendement n° 103 .
La parole est à M. Jean-René Marsac.
Nous venons de préciser que la convention d'objectifs concernait aussi les régions. Je pense donc qu'il serait utile de le préciser clairement à l'alinéa 1, en écrivant que l'État ou les régions peuvent conclure des conventions d'objectifs sur le développement de la formation des jeunes par l'alternance. Compte tenu du champ de compétences des conseils régionaux, cela paraît évident.
Rien n'empêche les régions, naturellement, de conclure des conventions avec des entreprises ou des branches professionnelles. Le présent dispositif vise toutefois à mettre en place une politique nationale d'emploi des jeunes. En cas d'échec de la voie contractuelle, un texte législatif contraignant sera envisagé. Le dispositif doit donc être mis en oeuvre par l'État.
Avis défavorable, donc.
Défavorable également.
Le rapporteur a fait une série de propositions intéressantes en faveur des jeunes, ce dont nous nous félicitons. La commission Hirsch, après la mission Sabeg, a longuement réfléchi à ces questions. Je tiens toutefois à insister sur le caractère expérimental de ces actions, qui permettront de progresser sur la notion de quota de jeunes en alternance.
Je reviens d'un mot sur l'amendement Poisson, qui relance la discussion que nous avions eue lors de l'examen de la proposition de loi. J'avais alors interpellé M. le secrétaire d'État sur la difficulté posée aux écoles de travailleurs sociaux par la gratification des stages de trois mois ; il en sera de même, bien entendu, quand il s'agira de rémunérer les stages de deux mois. Votre prédécesseur, M. Bertrand, avait pris des engagements, mais nous attendons toujours qu'une solution soit trouvée. Les jeunes effectuent souvent des stages assez longs dans des associations qui ne disposent pas de moyens suffisants pour leur donner une gratification. Du fait de la longueur des stages exigés dans leurs cursus, il s'agit, pour ces étudiants, d'une sorte de formation en alternance. Or, l'an passé, ils ont rencontré de grandes difficultés pour trouver un stage, les associations ne disposant pas de moyens suffisants pour les rémunérer.
Nous devons nous tourner vers ceux qui subventionnent ces associations. Il s'agit souvent de collectivités locales, qui font valoir que cela a pour effet d'augmenter le prix de journée, lequel est généralement fixé par l'État. Seuls, donc, les services du ministère peuvent nous permettre de nous en sortir, d'autant qu'il y a eu un mouvement assez important, bien que larvé du fait de la dispersion géographique. Cette situation a pesé, l'an dernier, sur la réussite aux examens de nombreux élèves, et n'est toujours pas réglée.
Qui doit payer ? Les conseils généraux considèrent que ce n'est pas à eux de le faire. L'État, quant à lui, n'a pas vraiment apporté de réponse. Les formations sanitaires et sociales incombant aux régions dans le cadre du plan régional de développement des formations, celles-ci veulent bénéficier de rallonges de l'État.
Vous m'aviez fait, monsieur le secrétaire d'État, une belle déclaration selon laquelle les collectivités locales n'avaient qu'à payer, et aviez ajouté que vous-même, en tant que maire, n'hésiteriez pas à payer un stage à une personne. Je vous avais répondu que ce n'était pas la question, car les collectivités, lorsqu'elles sont elles-mêmes employeurs, sont exonérées de cette gratification. En revanche, les nombreuses associations qui gèrent des établissements sociaux se trouvent fort dépourvues et ne savent pas si elles peuvent répercuter cette dépense sur le prix de journée.
Le plus simple serait sans doute d'accorder une rallonge aux organismes de formation. Reste à trouver le circuit financier permettant un tel abondement. Les sommes en jeu ne sont pas énormes, mais nous avons été vivement interpellés sur cette question qui fragilise tout notre dispositif social au-delà de la formation elle-même, laquelle n'est pas reconnue comme une formation en alternance proprement dite, mais repose fortement sur la pédagogie de l'alternance dans la mesure où la validation du cursus est souvent tributaire de celle d'un stage assez long.
Les jeunes qui doivent obligatoirement effectuer des stages dans le cadre de leur cursus, et ce quelle que soit leur formation, doivent faire face à une situation difficile.
La gratification répond à une juste revendication des jeunes, qui, lorsqu'ils effectuent un stage en entreprise, travaillent et sont productifs. Il leur semble donc légitime de toucher une gratification. Ces stages donnant lieu à gratification, les entreprises, voire les collectivités locales, même si certaines en sont exonérées, emploient de moins en moins de jeunes dans ce cadre. Votre ministère doit, en conséquence, se rapprocher des services de M. Hirsch pour résoudre ce problème. Dans mes permanences de maire et de député, j'ai de plus en plus de demandes de jeunes qui ne trouvent pas de stage pour leur cursus universitaire.
(L'amendement n° 103 n'est pas adopté.)
L'amendement vise à reconnaître et à valoriser la mission de proximité et de conseil des chambres des métiers et de l'artisanat pour les entreprises inscrites au répertoire des métiers. Les chambres sont en effet engagées depuis plusieurs années dans une démarche active auprès des entreprises, tant au niveau national qu'à travers les projets de mobilité des apprentis, afin d'augmenter le nombre des contrats d'apprentissage nécessaires au maintien et au développement des compétences dans les entreprises artisanales.
Le sous-amendement vise à clarifier l'amendement et à renforcer sa cohérence avec la rédaction de l'article.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Elle a repoussé l'un et l'autre, pour une raison de forme.
La question est de savoir quelles missions sont visées. S'il s'agit, comme il est dit dans l'exposé sommaire, du conseil aux PME, ce n'est pas précisé dans l'article.
Le sous-amendement ne règle pas le problème. Les chambres des métiers signeraient-elles des conventions à la place de l'État avec les entreprises ou à la place des entreprises avec l'État ?
Je suis saisi d'un amendement n° 105 tendant à supprimer l'article 13 quater.
La parole est à Mme Monique Iborra.
Vous voyez que je peux parler d'autre chose que des régions, monsieur le secrétaire d'État ! D'une manière générale, quand on est conscient de ses responsabilités en tant que député, il vaut tout de même mieux parler de ce qu'on connaît bien.
Ce n'est pas ce que vous faisiez !
Sinon, c'est la technocratie qui prend le pas et l'on n'est plus dans la démocratie représentative.
L'article 13 quater prévoit que l'État peut conclure directement des conventions d'objectifs avec les entreprises d'intérim. Par souci de cohérence, et pour introduire un peu de décentralisation, c'est à Pôle emploi que devrait revenir ce rôle dans le cadre de ses missions de service public.
L'amendement a été repoussé par la commission.
En fait, Pôle emploi le fait déjà. Ce qu'il faut, c'est que des conventions puissent être signées directement par le préfet dans la mesure où une partie de l'offre d'emplois – plus de la moitié de l'offre réelle – est aujourd'hui cachée. Essayons, par tous les moyens et à titre expérimental, de la faire émerger et de la mettre à disposition des demandeurs d'emploi.
Défavorable. C'est un dispositif introduit par un amendement du rapporteur en commission. Il faut le laisser vivre.
J'ai un doute et une interrogation.
Si j'ai bien compris, et alors que vous avez tout misé sur Pôle emploi, il s'agit aujourd'hui d'essayer de faire mieux en demandant au préfet – à titre heureusement expérimental – de mobiliser les organismes privés de placement ! On imagine ce qui va se passer. Le préfet va réunir tout le monde et essayer de trouver quelques organismes – sur la qualité desquels on peut s'interroger – puis tout le monde va partir sur le terrain sabre au clair, à la recherche des offres d'emploi.
Le Gouvernement a déjà tenté quelque chose du même ordre avec le contrat d'autonomie. C'était le même principe, mais il y avait une sorte de contrat-type sur la base duquel on pouvait négocier avec des entreprises. Force est de constater que cela n'a pas marché ; cela a même été perçu sur le terrain, comme je l'ai souligné à plusieurs reprises, comme un signe de défiance à l'égard à la fois de Pôle emploi et, surtout – puisqu'il s'agissait des jeunes –, des missions locales. Dans un deuxième temps, ce n'est plus le préfet mais la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle qui a convoqué tout le monde, en tapant du poing sur la table et en disant qu'il fallait que ça marche, sans quoi on changerait le préfet ! Même si l'intention de départ n'était pas mauvaise, on ne peut pas dire qu'on ait vu l'État dans ce qu'il a de meilleur...
Je suis donc réticent envers ce dispositif qui suscitera plus de pagaille que de réussite, en ce qu'il créera, sur le terrain, une sorte de dichotomie entre Pôle emploi et les missions locales, d'une part, qui essaient de faire leur travail même si ce n'est pas toujours parfait, et le préfet qui sera soumis à une obligation de résultats, d'autre part. Il y aura donc des mouvements de menton et des coups de poing sur la table – je m'arrêterai là pour ne pas me mettre à dos le corps préfectoral. (Sourires.) Je ne suis pas sûr que cela puisse fonctionner jusqu'au bout, et ce doute m'inciterait plutôt à ne pas suivre le rapporteur sur cet article, même si nous l'avons suivi sur les autres points.
J'en viens à mon interrogation. Est-ce que le dispositif ne rejoint pas l'idée, qu'on entend défendre ces temps-ci, d'utiliser les entreprises d'intérim, dont l'activité est en forte baisse – proche de 40 % – au détriment, d'ailleurs, des jeunes, qui en sont les premières victimes ? Mobiliser ces entreprises privées pour une mission publique est une idée que je ne rejette pas a priori, mais qui demande à être discutée. Nous aurions donc besoin d'explications sur ce point.
Face à la crise à laquelle nous sommes confrontés, il faut faire feu de tout bois, mais il ne faut pas pour autant lancer dans la précipitation des dispositifs qui causeront plus de désordre qu'ils n'apporteront de résultats.
Il s'ensuivra, en outre, une sorte de suspicion, comme celle à laquelle ont donné lieu les contrats d'autonomie. Les nouveaux partenaires qui découvrent le terrain se tourneront vers les municipalités pour leur expliquer qu'ils ont été missionnés et leur demander la mise à disposition d'un local ; si elles accèdent à cette demande, les partenaires plus « institutionnels » ne manqueront pas de le leur reprocher.
Je pense que nous pourrions faire l'économie d'un tel dispositif.
(L'amendement n° 105 n'est pas adopté.)
(Mme Danièle Hoffman-Rispal remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Je suis saisie d'un amendement n° 106 .
La parole est à M. Michel Issindou.
Il est défendu.
(L'amendement n° 106 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 13 quater est adopté.)
À l'article 13 septies, je suis saisie d'un amendement n° 11 .
La parole est à M. le rapporteur.
Favorable, et je tiens à saluer au passage le travail réalisé par le rapporteur sur les mesures de formation en faveur des jeunes.
(L'amendement n° 11 est adopté.)
(L'article 13 septies, amendé, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 12 deuxième rectification, tendant à insérer un article additionnel après l'article 13 octies.
La parole est à M. le rapporteur.
L'objectif est d'aider les élèves qui « décrochent » du système scolaire. Quelque 16 % des jeunes, soit 120 000 par an, quittent celui-ci sans diplôme. Il s'agit de mettre en place un suivi de ces jeunes, afin qu'ils restent le moins longtemps possible dans des zones d'ombre où ils ne seront pas pris en charge.
Nous ne pouvons évidemment que saluer la volonté du rapporteur de mettre en place des dispositifs permettant de lutter contre le « décrochage » scolaire, lequel est une vraie préoccupation et une réalité dont je ne sais pas si elle est grandissante mais qui est en tout cas très importante. Vous parlez de 120 000 jeunes. Certaines estimations vont au-delà : ce seraient, au total, 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans formation.
Une moitié d'entre eux décrochent vraiment, les autres pourraient être récupérés à condition que l'on intervienne relativement vite. Ils ne sont donc pas tous éloignés radicalement du système de formation.
Mais, si nous vous rejoignons sur le constat et sur la nécessité d'agir, l'amendement nous paraît terriblement administratif : il s'agit, en gros, de faire des registres, de communiquer des adresses et des numéros de téléphone, sans se préoccuper vraiment de savoir ce qui sera mis en place.
Puisque vous avez finalement décidé d'inclure dans ce texte des mesures en faveur des jeunes, vous auriez pu être plus ambitieux à l'égard des « décrocheurs ». Je ne dis pas que ce qui nous est proposé soit nocif : je dis que ce n'est absolument pas à la hauteur de l'enjeu.
Nous avons eu l'occasion de discuter ici du nécessaire renforcement des écoles de la deuxième chance ou de dispositifs de ce type. Chacun sait qu'on ne réintègre pas les « décrocheurs » en se contentant de leur proposer de revenir dans un cursus classique, comme si leur décrochage était un phénomène totalement inopiné ou conjoncturel. Il faut donc faire d'autres propositions.
Nous en avons fait il y a plusieurs semaines, avant que le Président de la République ne parle de mesures pour les jeunes.
Une partie de ces jeunes sont tout près de raccrocher, mais ils ont sans doute besoin d'une pédagogie et de structures différentes, du type de celles des écoles de la deuxième chance – même si l'on a un peu trop tendance à en faire la solution à tout alors qu'elles sont très ciblées sur certains publics.
Quant à ceux qui sont plus éloignés, il est probable que l'argument financier est devenu progressivement un élément important. Lorsque un jeune est resté pendant un certain temps hors de tout cursus scolaire ou cursus de formation, on sait très bien qu'il aura du mal à se réadapter, ne serait-ce qu'aux contraintes que cela suppose, sans parler du risque de perte financière si tant est qu'il ait pu s'intégrer dans un dispositif lui permettant de vivre un peu mieux.
Nous avions mis en avant l'idée d'un contrat aidé spécifique avec formation obligatoire, ainsi que celle d'une allocation destinée aux jeunes ayant décroché et leur permettant de se raccrocher à une formation, la reprise d'un cursus scolaire paraissant plus difficile.
D'autres pistes peuvent évidemment être proposées, mais se contenter d'un dispositif administratif nous paraît très en deçà des besoins et des difficultés des jeunes.
Si Mme Touraine a des propositions à faire, nous sommes volontiers preneurs !
Vous auriez pu déposer un sous-amendement.
Comme vous le savez puisque vous êtes très impliquée dans l'accompagnement des jeunes, le problème, aujourd'hui, c'est que les jeunes en question décrochent sans que personne le sache. Nous avons les outils – missions locales, formations d'apprentissage, contrats « pro », Établissement public d'insertion de la défense, écoles de la deuxième chance –, mais ces jeunes quittent le système scolaire dans un silence assourdissant, sans que l'éducation nationale ni le service public de l'emploi s'en préoccupent.
J'avais d'ailleurs très tôt dénoncé cette situation – je pense que vous vous en souvenez – en montrant que le scandale de notre système d'éducation nationale tenait justement à ces décrochages silencieux, qui ne troublent le confort intellectuel de personne, de sorte que personne ne s'occupe de ces jeunes au moment où ils décrochent. Nous savons pourtant que, six mois ou un an après, il est trop tard.
Ce dispositif est donc un point de départ nécessaire. Il ne s'agit pas seulement de créer un fichier. Plutôt que de nous en tenir à cette sorte de « droit de suite » purement hypothétique, aujourd'hui en vigueur dans l'éducation nationale, où l'on considère que personne ne peut, pendant un an, s'occuper d'un jeune décrocheur car il va, par miracle, reprendre tout seul le chemin de l'école – ce qui est, selon les statistiques, totalement faux –, nous proposons que, grâce au fichier qui sera constitué, ce jeune soit immédiatement pris en charge et se voie proposer des solutions alternatives.
Il ne s'agit pas d'une usine à gaz administrative que nous aurions conçue dans nos bureaux, mais d'un dispositif qui a déjà été expérimenté sur le terrain, notamment en région PACA, avec de très bons résultats. Nous allons pouvoir le systématiser. Dès qu'un jeune décrochera, il sera possible de lui présenter tout de suite des propositions alternatives afin d'éviter qu'il passe des années « en sous-marin ».
Si vous avez des idées de dispositifs complémentaires à proposer, nous les acceptons volontiers : toutes les idées sont bonnes à prendre en cette période !
Vous ne nous avez pas convaincus, monsieur le secrétaire d'État. S'il est bien une « usine à gaz administrative », c'est le dispositif créé par cet amendement.
La mission générale d'insertion est déjà normalement en charge de ces élèves-là. Avec les moyens en nette diminution qu'on lui accorde aujourd'hui, il n'est pas étonnant qu'elle soit en difficulté.
L'important est de prévenir les décrochages – ce qui suppose, en premier lieu, de ne pas supprimer de postes dans l'éducation nationale, comme vous le faites, mais, au contraire, de renforcer l'école et d'aider l'éducation nationale à empêcher les jeunes de décrocher.
Il fallait que cela soit dit.
En outre, monsieur le secrétaire d'État, si vous étiez conseiller général,…
Je peux essayer d'y remédier ! (Sourires.)
…vous ne pourriez pas dire que l'apprentissage sert aux décrocheurs. C'est une hérésie que d'affirmer une telle chose.
Ce n'est pas que j'ai dit !
C'est exactement ce que vous avez dit. Comment voulez-vous que nous attirions les jeunes vers l'apprentissage si vous en faites le symbole d'une situation d'échec ?
Je vous assure que c'est ce que vous avez dit ; en tout cas, c'est ce que j'ai compris. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Sortez les décrocheurs de l'apprentissage ! Ceux qui choisissent aujourd'hui cette voie – en grande partie, d'ailleurs, grâce à l'action des régions – ne le font pas parce qu'ils ont échoué, mais parce qu'ils veulent s'engager dans l'enseignement professionnel. C'est totalement différent.
Je ne voulais pas voter cet amendement, mais j'ai entendu l'opposition,et elle me désole. (Rires sur les bancs des groupes UMP et NC.) Je trouvais que l'amendement a un caractère un peu administratif, technocratique. Toutefois, après avoir écouté les uns et les autres, je me résignerai à le voter,…
…car M. le secrétaire d'État a été plus convaincant que Mme Iborra. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Mme Iborra a fondamentalement raison : c'est bien au niveau scolaire que tout se joue. Ce qu'il faut éviter, c'est que ces jeunes décrochent, et c'est pour cela que des dispositifs sont mis en place un peu partout. Il faut que l'éducation nationale – rapprochez-vous de votre collègue, monsieur le secrétaire d'État – fasse en sorte qu'ils ne décrochent pas. C'est peut-être plus facile à dire qu'à faire, mais c'est comme cela que nous éviterons les pires ennuis.
Quand ils attrapent la grippe, c'est la faute de la ministre de la santé ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
S'ils décrochent, c'est la faute du ministre de l'éducation nationale. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes UMP et NC.) C'est parce que l'on n'a pas su les repérer dans le système scolaire tel qu'il est.
Or, une fois qu'ils sont sortis, il est extrêmement difficile, comme cela a été dit, de les faire revenir. Les repérer, les recenser, essayer de les amener vers les missions locales : pourquoi pas ? Mais il faut aussi prendre les choses plus en amont, si l'on veut réussir.
Ne nous racontons pas d'histoires : nous connaissons les décrocheurs. Chacun dans sa commune les connaît ; je peux les identifier parfaitement dans la mienne. Les enseignants les connaissent et les signalent aux assistantes sociales, il y a des circuits. Pour autant, les solutions n'existent pas actuellement.
Vous aurez du mal à amener ces jeunes vers les filières d'apprentissage s'ils n'ont pas envie d'avancer, s'il leur manque les fondamentaux de l'écriture et du calcul, et vous aurez de nouveau des échecs. Vous les aurez effectivement repérés, mais ce n'est pas pour autant que vous les amènerez à une qualification.
Renforçons plutôt l'école, en ciblant les moyens sur ces jeunes-là, et nous obtiendrons sans doute de bien meilleurs résultats.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
Je reprends la question de M. le secrétaire d'État : « Avez-vous des propositions ? » Je crois que c'est la bonne question, étant entendu que l'éducation nationale a atteint ses limites pour de nombreux jeunes.
Connaissant bien l'enseignement agricole, je sais comment nous y avons réussi : grâce à un enseignement technique regroupant à la fois des enseignants à temps complet et des professionnels du terrain. Les maisons familiales rurales ont été un excellent exemple d'intégration et de résultats.
Monsieur le secrétaire d'État, il y a deux pistes. La première, qui dépend à la fois des régions et de l'État, ce sont les écoles de la deuxième chance. L'État a décidé de financer le tiers. Il reste à trouver les deux autres tiers et c'est, dans certaines régions, très difficile.
La deuxième piste, c'est l'apprentissage industriel. Tout à l'heure, j'ai vu que Mme Branget était mécontente du retrait de l'amendement de M. Verchère. Elle tenait à saluer le dynamisme du secteur du bâtiment et des travaux publics.
Je reconnais que ce dynamisme a été très fort. Il y a quatre ou cinq ans, je crois, nous avons eu un débat sur l'apprentissage avec M. Laurent Hénart. Le résultat a été exceptionnel. De nombreuses sections de centres de formation d'apprentis dans le secteur du BTP sont aujourd'hui complètes. Les métiers de ce secteur ont été reconsidérés, en raison des salaires, bien sûr, mais pas seulement : en Ille-et-Vilaine, nous avons regroupé les CFA et nous les avons appelés « facultés des métiers » ; c'est important en termes de considération.
À côté de l'apprentissage artisanal, qui a été une réussite, l'apprentissage industriel aujourd'hui se développe. Au moment où certains industriels sont prêts à ouvrir des centres de formation d'apprentis interentreprises, je m'inquiète du blocage causé par le défaut de reconnaissance de ces centres de formation d'apprentis par les régions.
Il y a bien sûr la question du financement, mais certaines régions invoquent le fait que les lycées professionnels ne sont pas complets pour refuser de créer un centre de formation d'apprentis dans le secteur industriel. Certains jeunes sont pourtant mieux adaptés aux CFA qu'à la formation complète tout au long de l'année dispensée dans les lycées professionnels.
Nous pourrions, après ce qu'a fait M. Laurent Hénart lorsqu'il était secrétaire d'État et ce que peut faire M. Laurent Wauquiez, franchir une seconde étape, portant sur le financement des écoles de la deuxième chance et sur l'acceptation par les régions de centres de formation d'apprentis lorsque des industriels se regroupent en vue de constituer des CFA interentreprises.
C'est sur ces deux points qu'un véritable progrès est possible. Nous avons besoin de réponses concrètes, et ce sera aussi une réponse à l'amendement de M. Verchère.
Je souhaite réagir sur deux points.
Tout d'abord, je m'étonne que nos collègues de l'opposition disent que le recensement des jeunes en difficulté serait une mesure insuffisante. Nous avons beaucoup parlé de la nécessité de l'accompagnement. Comment voulez-vous que l'on accompagne des jeunes sans les connaître ou en ne les connaissant qu'indirectement ? Le dispositif proposé est le point d'entrée qui permettra de mettre en place cet accompagnement par le biais des dispositifs existants, comme l'a rappelé M. Wauquiez.
Je m'étonne également que Mme Iborra demande pourquoi nous proposons aux jeunes en situation d'échec l'apprentissage alors que celui-ci est choisi volontairement. Je m'en étonne parce que l'apprentissage est ouvert à tout le monde et que l'alternance est absolument essentielle pour des jeunes rencontrant des difficultés dans le système scolaire classique. L'apprentissage permet d'alterner, sous différentes formes, l'école et le monde du travail. Il fait partie des outils qui doivent être proposés, en particulier à ces jeunes qui sortent du système scolaire sans aucune formation.
Ce sujet est important. Il a d'ailleurs beaucoup occupé la commission Hirsch. Je sens pour ma part, dans cet amendement, la volonté d'emballer les choses, de couper l'herbe sous le pied au collègue – même s'il n'a pas été rédigé par le secrétaire d'État. Plus sérieusement, j'ai l'impression que cet amendement est un simple glissement du dispositif d'État. Il s'agit de confier au préfet le rôle qui est actuellement celui de l'inspecteur d'académie.
Mais il faudrait tout de même, avant de faire cela, se pencher sur la question du délai de carence. Normalement, pour tout jeune sorti du système scolaire, l'éducation nationale a une sorte de « droit de suite » pendant un an, à tel point que cela a abouti à deux choses contradictoires. En effet, cela a suscité la mise en place de la mission générale d'insertion, mais cela a aussi créé un hiatus, une sorte de no man's land entre l'éducation nationale et les missions locales, certains considérant que celles-ci ne pouvaient accueillir un jeune que plus d'un an après sa sortie du système scolaire.
Or, ce n'est pas vrai. Le délai de carence porte sur une responsabilité de l'éducation nationale – une sorte de service après-vente, pour parler trivialement –, qu'elle a beaucoup de mal à assumer. En effet, lorsque un jeune est sorti du système scolaire – en lui faisant parfois un bras d'honneur, métaphorique ou réel – et qu'il reçoit, deux mois plus tard, une lettre de son ancien chef d'établissement lui demandant de bien vouloir donner de ses nouvelles, il n'a pas tendance à se précipiter pour répondre…
C'est à partir de là qu'a été mise en place la mission générale d'insertion, mais, je suis désolé de le dire, le Gouvernement l'a massacrée. Elle fonctionnait pourtant bien, par exemple dans mon département. Elle suivait des jeunes et il y avait un accord entre elle et la mission locale : si le jeune était pris en charge par la MGI, celle-ci en informait la mission locale ; sinon, l'éducation nationale informait celle-ci directement. Cela marchait très bien, et cela marche de moins en moins bien, parce que les crédits de la MGI fondent comme neige au soleil. Ce désengagement de l'État est d'ailleurs un peu vicieux, car il avait fait financer la MGI par des crédits du Fonds social européen. Au début, c'était habile. Mais, au bout d'un certain temps, les fonctionnaires européens ont observé, à juste titre, que les crédits du FSE servaient à financer un dispositif pérenne. Ainsi, les emplois, souvent contractuels, qui étaient liés à ce dispositif ont disparu, et la situation, déjà difficile, s'est aggravée.
Quant aux écoles de la deuxième chance, c'est un excellent dispositif, mais leur objectif n'est pas de traiter les décrocheurs à la sortie de l'école. Elles s'adressent à un autre public, un peu plus âgé. Nous aurons ce débat, puisque vous proposez de les ouvrir aux jeunes de seize à dix-huit ans. Leur public, en fait, est un public qui, pour dire les choses trivialement une fois encore, a connu la « galère » et a compris, au terme d'une longue maturation psychologique, qu'il ne s'en sortirait pas sans reprendre tout à partir de zéro. Il y a, pour ce public, un dispositif qui fonctionne. Nous y reviendrons.
Vous dites à un jeune qui vient de sortir du système scolaire : « Tu as raté l'école de la première chance ; voilà l'école de la deuxième chance. » Cela ne marchera pas. C'est une fausse réponse, une réponse facile mais qui ne fonctionnera pas.
Ce qu'il faut, c'est avoir une approche différente, ne pas faire de fixation sur le moment de la sortie du système scolaire. Or, actuellement, tout le système français est bâti autour de cette donnée. Toute votre vie, vous êtes marqué par le moment fatidique où vous êtes sorti de cette voie royale qu'est l'éducation nationale. Cela vous marque à jamais. Cela vous marque positivement si vous avez fini brillamment, par les grandes écoles et l'ENA. Mais si vous avez dérapé parce qu'il y a eu un problème dans votre vie ou parce que vous n'étiez pas excellent, vous avez beaucoup de mal à reprendre. C'est cela, l'enjeu qui aurait dû être au coeur de notre loi : le droit à la formation initiale différée. Il faut arrêter de faire tout un drame de cette sortie du système scolaire. Tout le monde s'inquiète, à commencer par les parents, qui se disent que leur enfant est parti sur l'autoroute de l'éducation nationale et se demandent quand il va partir dans le décor. C'est de cette logique-là qu'il faut sortir, et c'est la formation professionnelle qui devrait apporter des réponses, sur le modèle nordique : celui qui est sorti du système scolaire doit pouvoir y rentrer le plus rapidement possible, et ne pas être doublement sanctionné par sa sortie du système.
Je m'exprime avec un peu d'énergie et d'enthousiasme parce que je crois que nous sommes là au coeur du sujet. Et je ne suis pas sûr, encore une fois, que nous résoudrons le problème en déplaçant le traitement de cette question, c'est-à-dire en le confiant au préfet plutôt qu'à l'inspecteur d'académie. Je propose, cela ne vous surprendra pas, un interlocuteur unique. Pourquoi pas les missions locales ?
En tout cas, il faudrait vraiment que vous nous disiez quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne l'année de carence et la MGI.
Je ne reviendrai pas sur ce que vient de dire Jean-Patrick Gille. S'agissant des écoles de la deuxième chance, je voudrais répondre à la question qui a été posée, celle du financement. Certes, l'État veut intervenir à hauteur de 30 %. Mais, d'une part, il faut que les régions apportent leur financement, ce qui est normal puisque la formation professionnelle relève de leurs compétences. Et il faut aussi que les collectivités locales souhaitent créer une école de la deuxième chance.
Les écoles de la deuxième chance sont des initiatives locales, et c'est une des raisons pour lesquelles elles fonctionnent bien. Notre collègue Anciaux n'est pas là, mais il serait content que je fasse allusion aux maisons de l'emploi. Quand on voit le retard pris dans le financement des maisons de l'emploi, on comprend que les collectivités locales se demandent s'il leur faut vraiment participer à ces initiatives.
En ce qui concerne l'apprentissage, en particulier dans l'industrie, faut-il considérer que c'est d'abord la subvention publique qui doit financer les CFA interprofessionnels, ou bien que les industriels doivent participer de manière importante à ce financement ? Aujourd'hui, ils se retournent vers les régions pour leur demander, au motif qu'elles financent l'apprentissage, d'assumer non seulement les dépenses d'investissement, mais aussi les dépenses de fonctionnement. Cela fait peut-être beaucoup, alors que les industriels ont tout de même la possibilité de financer de manière notable leurs CFA.
Oui, madame Guégot, il faut que l'apprentissage, au départ, ne soit pas une voie d'échec, de décrochage. Ces jeunes doivent le commencer au niveau du CAP pour le terminer au niveau supérieur. Ce sont les politiques que nous menons.
Oui, ce sont les politiques que mènent les régions, celles que nous menons tous, collectivement, et l'État aussi, puisque nous avons signé avec lui, paraît-il, un avenant au contrat d'objectifs consacré à l'apprentissage – un avenant dont on attend toujours les données.
Ce qui est important, c'est de favoriser aussi l'apprentissage dans l'enseignement supérieur. C'est ce qui se fait actuellement avec le financement des régions. Si, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens qu'elle vont signer avec l'État, il y a aussi cette possibilité, les régions seront tout à fait parties prenantes.
Cela vous contrarie que je prenne la parole, madame Brunel ? Vous trouvez que c'est un sujet qui ne mérite pas que nous en débattions ?
D'ailleurs, honnêtement, on peut se poser la question suivante. C'est vous qui avez choisi d'introduire dans un texte de loi consacré à la formation professionnelle des dispositions qui n'ont avec ce sujet qu'un lien indirect. J'entends bien qu'un certain nombre des articles qui ont été introduits dans ce texte avaient pour objectif – et nous l'avons d'ailleurs accepté – d'inscrire dans la loi des mesures annoncées par le Président de la République il y a quelques semaines. Mais l'amendement dont nous sommes en train de discuter ouvre des perspectives bien plus importantes, si importantes qu'elles font l'objet de discussions, lesquelles peuvent d'ailleurs être tout à fait apaisées, pour savoir quelle est la meilleure manière de répondre au problème réel que constituent les décrocheurs. Comme l'a souligné Jean-Patrick Gille, c'est là un point qui a notamment fait l'objet de discussions au sein de la commission Hirsch.
Par conséquent, on n'y comprend plus grand-chose. Ce matin, vous avez refusé d'adopter certains de nos amendements au motif qu'ils étaient issus des propositions de la commission Hirsch et qu'il fallait prendre celles-ci dans leur ensemble. Or, voici à présent un amendement qui traite de questions sur lesquelles la commission Hirsch a fait des propositions. Mais là, il n'est plus question de prendre ces propositions dans leur ensemble. On reprend d'ailleurs des propositions qui sont relativement marginales par rapport à toutes celles que l'on pouvait faire.
Madame Guégot, nous sommes bien d'accord sur le fait qu'il faut connaître les personnes concernées. La question est de savoir comment on y arrive le mieux. Nous ne disons pas que la mesure proposée soit indigne ou qu'elle remette en cause je ne sais quel grand principe. Mais on peut tout de même s'interroger sur la pertinence d'une mesure administrative, sur la capacité des établissements concernés à suivre leurs anciens élèves après leur sortie de l'établissement. Je ne suis pas certaine qu'un collège, un lycée, un CFA, un lycée professionnel puisse savoir, au bout de deux ans, qu'un de ses anciens élèves n'est toujours pas entré dans un circuit, et soit capable de communiquer son adresse et son numéro de téléphone. J'ai des doutes à ce sujet.
Il existe une proposition qui permettrait d'imposer des devoirs au jeune, certes, mais surtout aux institutions. Elle consiste à reporter à dix-huit ans l'âge jusqu'auquel on est tenu à une obligation de formation : pas nécessairement une obligation de scolarité, mais de formation. En effet, la grande difficulté survient après seize ans. Jusqu'à seize ans, l'école et les services sociaux arrivent à peu près à suivre les jeunes. Après seize ans, du fait qu'il n'y a plus d'obligation scolaire, les jeunes disparaissent dans la nature et l'on n'arrive plus à les identifier et à les retrouver. Si vous imposez une obligation de formation – je ne dis pas de scolarité, mais de formation – jusqu'à dix-huit ans, les institutions seront elles aussi tenues de se doter de dispositifs de suivi et d'accompagnement.
Ce que je propose là est relativement consensuel parmi les acteurs qui suivent les jeunes en difficulté, et même au-delà. C'est une mesure simple, qui permet de garantir un suivi.
Une autre mesure est possible, même si l'on peut la juger anecdotique. La journée d'appel de préparation à la défense pourrait avoir lieu au cours de l'année du dix-septième, voire du seizième, plutôt que du dix-huitième anniversaire. On se donnerait ainsi les moyens de repérer des jeunes en situation de décrochage.
Certaines mesures simples peuvent donc être mises en oeuvre. D'autres mesures possibles sont plus complexes et supposent davantage de réflexion quant à la façon de les appliquer. L'amendement qui nous est proposé pointe une réelle difficulté, mais je ne suis pas sûre qu'il soit à la hauteur de l'enjeu. C'est notre regret. Pourquoi mettre seulement un doigt dans la porte alors qu'il était possible de construire quelque chose de plus ambitieux ? Ce que vous acceptez pour certaines mesures, vous ne l'acceptez pas pour d'autres. C'est une conception à géométrie variable.
Cet amendement me semble très pertinent et je le soutiendrai. Il ouvre, comme le disait Mme Touraine, des perspectives plus larges, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
M. Méhaignerie évoquait tout à l'heure l'école de la deuxième chance. On a un peu oublié, sans doute involontairement, un autre dispositif : le dispositif « Défense deuxième chance ». La journée de préparation d'appel à la défense peut permettre de repérer les jeunes en difficulté, mais le suivi est un élément très important. Hélas, le dispositif « Défense deuxième chance » n'a pas été accompagné du point de vue financier. Pourtant, il vise à permettre aux jeunes en difficulté de se retrouver dans un environnement qui ne soit pas d'enseignement, mais de formation professionnelle, souvent accompagnée d'un partenariat avec les entreprises. Les crédits à la formation doivent bénéficier aussi à ce dispositif. Monsieur le secrétaire d'État, nous en reparlerons si vous le souhaitez, mais je crois qu'il y a là une piste à ne pas abandonner.
S'agissant de la question, extrêmement importante, de l'emploi des jeunes, on pourrait estimer utile que M. le Haut commissaire à la jeunesse soit présent aux côtés de M. Wauquiez – lequel a évidemment toute sa place dans le débat.
Des travaux ont en effet été menés depuis plusieurs semaines sur cette question, et nous serions heureux d'entendre le Haut commissaire s'exprimer sur les mesures qui figurent dans ce texte.
Je crois qu'il faut, à un moment donné, cesser d'empiler des strates, des dispositifs administratifs supplémentaires, de créer des usines à gaz administratives. Je connais bien, de l'intérieur, l'éducation nationale, et je peux vous dire que le ministère demande quasi quotidiennement aux établissements de remplir des fichiers, de répondre à des enquêtes sur quantité de choses souvent dépourvues d'utilité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il faut savoir se reposer sur les outils existants. L'éducation nationale dispose déjà d'outils permettant de dépister précocement les décrochages. Reste à trouver la meilleure façon de les développer et de les renforcer.
Il me semble que la journée d'appel à la préparation à la défense est un bon outil pour recenser les jeunes en difficulté. Mme Touraine se demandait s'il fallait situer cette journée entre seize et dix sept ans ou entre dix-sept et dix-huit ans. Des tests existent déjà pour dépister l'illettrisme lors de ces journées d'appel à la préparation à la défense, ce qui a permis de montrer qu'entre 10 et 20 % d'une classe d'âge ne sait pas lire. Il existe également des tests portant sur la langue française.
On pourrait envisager de recenser, à l'occasion de cette journée d'appel de préparation à la défense, les jeunes sortis du système scolaire et examiner la façon de les orienter utilement vers les missions locales et les dispositifs existants.
Je ne suis pas sûr que la mise en oeuvre de ce dispositif supplémentaire, coordonné par le préfet qui a bien autre chose à faire, n'aboutira pas à déléguer une tâche supplémentaire aux inspecteurs d'académie, sans que le résultat soit au rendez-vous.
Le débat est très intéressant, et nous avons besoin, pour nous prononcer sur l'amendement, d'une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La suspension est de droit.
Je rappelle à nos collègues que nous avons voté, il y a fort peu de temps, un nouveau règlement qui comporte notamment un temps législatif programmé, à l'intérieur duquel les députés, les groupes peuvent choisir de s'exprimer plus longuement sur tel article ou amendement que sur tel autre. Je souhaite que chacun respecte l'esprit de ce nouveau règlement, sans quoi la tâche de la Présidence sera plus difficile.
Après l'article 13 octies
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
Madame la présidente, les intentions de l'amendement sont bonnes, et nous ne pouvons que saluer la volonté du rapporteur, qui tente de trouver des dispositifs permettant de faire face au décrochage. La discussion a été utile, n'en déplaise à certains, car elle a montré que les choses étaient moins simples que ne le laisse entrevoir l'amendement.
Nous discutons de formation professionnelle avec le secrétaire d'État chargé de l'emploi. Nous ne pouvons malheureusement pas inscrire cette réflexion dans le cadre d'un projet plus vaste en direction des jeunes, puisque le Haut commissaire à la jeunesse est absent.
Par ailleurs, l'amendement proposé fait porter sur l'éducation nationale l'essentiel de la charge du suivi des décrocheurs, sans que l'on sache ce que les services du ministère pensent de la faisabilité du dispositif.
Cet amendement, dont les auteurs sont de bonne foi et de bonne volonté, touche à un équilibre bien plus important que l'on ne pouvait l'imaginer. Le plus sage serait, me semble-t-il, de le mettre de côté afin que la question du décrochage scolaire soit étudiée dans le cadre d'une réflexion plus générale.
Il me paraît inconcevable de réfléchir au décrochage scolaire sans y associer l'éducation nationale. Pour notre part, nous avons évoqué un certain nombre de pistes qui feront peut-être un jour l'objet de propositions de loi, mais si vous maintenez votre amendement en l'état, nous voterons contre, non que nous soyons hostiles à sa philosophie, mais parce que vous abordez le problème du décrochage scolaire par le petit bout de la lorgnette alors qu'il appelle des réponses beaucoup plus amples. Pierre Méhaignerie a fait des suggestions, nous en avons fait d'autres, et les députés de la majorité ont eu, en commission, l'occasion de proposer d'autres perspectives. En tout état de cause, ce serait faire peu de cas de l'importance du sujet que de voter cet amendement.
Si le rapporteur le maintenait, nous aurons le regret de voter contre.
Il ne s'en remettra pas !
(L'amendement n° 12 deuxième rectification est adopté.)
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, premier orateur inscrit sur l'article 13 nonies.
Je suis déçu que ni le rapporteur ni le Gouvernement n'aient répondu sur l'amendement précédent, le débat ayant fait apparaître de nouvelles questions qui auraient, pour le moins, mérité une réponse. Marisol Touraine a, en outre, fait valoir que nous aurions dû entendre le ministre de l'éducation sur l'avenir de la mission générale d'insertion de l'éducation. Le vote de l'amendement n° 12 deuxième rectification implique-t-il sa disparition ? Qu'en est-il du délai de carence ? Nous n'avons pas eu de réponse.
J'en viens à l'article 13 nonies,relatif à l'évaluation et au financement – celui-ci dépendant de celle-là – de l'action des missions locales au profit de l'insertion professionnelle des jeunes.
On ne peut pas laisser dire que le travail des missions locales n'est pas évalué. Elles disposent d'un dispositif statistique – Parcours 3 – qui existe depuis de nombreuses années et qui a été perfectionné. Les conseillers des missions locales renseignent un serveur informatique à chaque fois qu'ils rencontrent les jeunes qu'ils suivent. Ils contribuent au système d'information du réseau des missions locales et assurent un suivi précis des dossiers.
J'ai fait observer que l'ensemble des données étaient stockées, mais qu'elles n'étaient pas restituées. Est-ce la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle qui est en cause ? Toujours est-il que nous n'avons connaissance des chiffres qu'une fois par an, alors que l'on pourrait, au jour le jour, assurer un suivi de la situation, ce qui, en période de crise économique, ne serait pas dépourvu d'intérêt, sachant que les missions locales suivent plus d'un million de jeunes. Nous disposerions ainsi d'indications très précises sur la situation du marché de l'emploi des jeunes, qui se détériore chaque jour davantage.
Nous sommes loin du dispositif expérimental d'il y a vingt ans, qui souffrait d'un certain manque de professionnalisme dans la mesure où il reposait surtout sur le militantisme. Cela étant, le suivi de cohortes n'est pas assuré, mais je reconnais que la tâche n'est pas aisée. Un jeune qui a fréquenté par intermittence une mission locale n'y retourne pas forcément, et donne rarement de ses nouvelles une fois qu'il s'est inséré, considérant que la mission locale a fait son travail.
Certes, des progrès pourraient encore être faits en matière d'évaluation des missions locales, mais on ne peut prétendre que rien n'est fait dans ce domaine.
S'agissant du financement, je rappelle l'existence de la convention pluriannuelle d'objectifs. Les représentants de l'État et les responsables de la mission locale font le point à partir d'une grille permettant d'évaluer le travail accompli par celle-ci. Les régions sont associées à ces réunions puisqu'elles contribuent au financement. Là non plus, on ne peut prétendre que rien n'existe.
Aux termes de l'article 13 nonies, « les résultats obtenus par les missions locales sont évalués en termes d'insertion professionnelle ». Certes, tel est bien leur but ultime, mais les critères d'évaluation – qui existent déjà en partie – doivent tenir compte de la démarche spécifique des missions locales vis-à-vis des jeunes, intégrer l'accueil, le suivi, les prestations en matière d'emploi, de formation, d'accès aux soins ou de logement. La grille d'analyse est forcément complexe.
Quel sera l'impact de l'évaluation sur le financement des missions locales ? J'indique à nos collègues qui l'ignoreraient qu'une part des subventions est liée au résultat d'une évaluation et à la convention pluriannuelle d'objectifs. Faut-il inscrire ce principe dans la loi, ou remettre à plat le financement global des missions locales ? Faut-il soutenir celles qui font un effort particulier, ou celles qui sont confrontées à des difficultés importantes ? Le choix n'est pas simple. L'accueil, par exemple, est largement tributaire de la situation du marché de l'emploi, elle-même très variable selon les bassins d'emploi. Les financements pourraient ainsi être importants en période de crise, mais baisser l'année suivante sans pour autant que les problèmes soient réglés.
Je vous livre, monsieur le secrétaire d'État, cette série d'interrogations avant que nous passions au vote. Dans quelle mesure l'évaluation aura-t-elle un impact sur le financement des missions locales ? Nous attendons votre réponse car nous sentons grandir l'inquiétude au sein des réseaux des missions locales. Ne seriez-vous pas en train de dire que leur financement diminuera progressivement, ce qui est loin d'être souhaitable, surtout en ce moment ?
L'article précise que « les résultats des missions locales sont évalués dans des conditions fixées par convention avec les organismes et les collectivités qui les financent ». La question que je me pose est : de quels « organismes » s'agit-il ?
À ma connaissance, le financement est assuré par l'État et le FSE. Or, depuis quelque temps, la Commission européenne est réticente car elle a bien compris que la France avait contourné les règlements européens pour utiliser le FSE aux fins de financement de structures pérennes. Il y a là une difficulté, car l'État est obligé de compenser la baisse des crédits européens lorsque les régions ne le font pas.
Pour notre part, nous considérons que l'État et les collectivités territoriales doivent travailler ensemble à la mise en oeuvre de l'évaluation et des financements des missions locales. À ceux qui en douteraient, j'indique, une fois de plus, que cela se fait déjà.
Il est normal que les missions locales soient évaluées au même titre que les politiques publiques. S'agissant des contrats d'autonomie, l'État a choisi de les conclure avec des opérateurs externes, ce qui s'est révélé être une erreur. Les résultats de ces contrats montrent bien qu'il ne suffisait pas de contourner les missions locales pour que ce dispositif soit un succès, puisqu'il s'agit au contraire d'un échec.
Au-delà de l'évaluation des missions locales proprement dites, qui, pas plus que Pôle emploi, ne créent d'emplois, mieux vaudrait d'abord évaluer la politique de l'État qu'appliquent les missions locales – car c'est bien de cela qu'il s'agit : les missions locales sont devenues, dans les faits, l'opérateur de l'État.
Que les résultats des missions locales doivent évalués, tout le monde en est d'accord. Cela étant, le texte laisse en suspens la question des critères d'évaluation pour faire varier les financements en fonction des résultats. Dans les territoires les plus touchés par la crise, les résultats des missions locales sont forcément moins bons. Les jeunes qui s'y présentent sont ceux qui cumulent le plus grand nombre de difficultés.
Pour notre part, nous ne voterons pas l'article en l'état.
Je suis saisie d'un amendement n° 108 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
L'État et les collectivités locales, qui sont les financeurs, doivent être associés à l'évaluation des missions locales. Il nous a semblé nécessaire de faire figurer l'État dans le texte.
Vous réintroduisez l'État quand cela vous arrange ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
L'État est à la fois le financeur et, dans une certaine mesure, le demandeur. Cela étant, notre amendement est d'ordre rédactionnel. Il nous a semblé que la formulation « l'État et les collectivités territoriales » était plus précise que « les organismes et collectivités ». Le rapporteur était prêt à accepter notre amendement si nous faisions apparaître la mention « organismes ». Nous y sommes prêts s'il nous précise quels sont ces organismes !
Favorable également, en l'état ! (Sourires.)
(L'amendement n° 108 est adopté.)
(L'article 13 nonies, amendé, est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma