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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 16 juillet 2009 à 15h00
Formation professionnelle tout au long de la vie — Après l'article 13 octies, amendement 12

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Ce sujet est important. Il a d'ailleurs beaucoup occupé la commission Hirsch. Je sens pour ma part, dans cet amendement, la volonté d'emballer les choses, de couper l'herbe sous le pied au collègue – même s'il n'a pas été rédigé par le secrétaire d'État. Plus sérieusement, j'ai l'impression que cet amendement est un simple glissement du dispositif d'État. Il s'agit de confier au préfet le rôle qui est actuellement celui de l'inspecteur d'académie.

Mais il faudrait tout de même, avant de faire cela, se pencher sur la question du délai de carence. Normalement, pour tout jeune sorti du système scolaire, l'éducation nationale a une sorte de « droit de suite » pendant un an, à tel point que cela a abouti à deux choses contradictoires. En effet, cela a suscité la mise en place de la mission générale d'insertion, mais cela a aussi créé un hiatus, une sorte de no man's land entre l'éducation nationale et les missions locales, certains considérant que celles-ci ne pouvaient accueillir un jeune que plus d'un an après sa sortie du système scolaire.

Or, ce n'est pas vrai. Le délai de carence porte sur une responsabilité de l'éducation nationale – une sorte de service après-vente, pour parler trivialement –, qu'elle a beaucoup de mal à assumer. En effet, lorsque un jeune est sorti du système scolaire – en lui faisant parfois un bras d'honneur, métaphorique ou réel – et qu'il reçoit, deux mois plus tard, une lettre de son ancien chef d'établissement lui demandant de bien vouloir donner de ses nouvelles, il n'a pas tendance à se précipiter pour répondre…

C'est à partir de là qu'a été mise en place la mission générale d'insertion, mais, je suis désolé de le dire, le Gouvernement l'a massacrée. Elle fonctionnait pourtant bien, par exemple dans mon département. Elle suivait des jeunes et il y avait un accord entre elle et la mission locale : si le jeune était pris en charge par la MGI, celle-ci en informait la mission locale ; sinon, l'éducation nationale informait celle-ci directement. Cela marchait très bien, et cela marche de moins en moins bien, parce que les crédits de la MGI fondent comme neige au soleil. Ce désengagement de l'État est d'ailleurs un peu vicieux, car il avait fait financer la MGI par des crédits du Fonds social européen. Au début, c'était habile. Mais, au bout d'un certain temps, les fonctionnaires européens ont observé, à juste titre, que les crédits du FSE servaient à financer un dispositif pérenne. Ainsi, les emplois, souvent contractuels, qui étaient liés à ce dispositif ont disparu, et la situation, déjà difficile, s'est aggravée.

Quant aux écoles de la deuxième chance, c'est un excellent dispositif, mais leur objectif n'est pas de traiter les décrocheurs à la sortie de l'école. Elles s'adressent à un autre public, un peu plus âgé. Nous aurons ce débat, puisque vous proposez de les ouvrir aux jeunes de seize à dix-huit ans. Leur public, en fait, est un public qui, pour dire les choses trivialement une fois encore, a connu la « galère » et a compris, au terme d'une longue maturation psychologique, qu'il ne s'en sortirait pas sans reprendre tout à partir de zéro. Il y a, pour ce public, un dispositif qui fonctionne. Nous y reviendrons.

Vous dites à un jeune qui vient de sortir du système scolaire : « Tu as raté l'école de la première chance ; voilà l'école de la deuxième chance. » Cela ne marchera pas. C'est une fausse réponse, une réponse facile mais qui ne fonctionnera pas.

Ce qu'il faut, c'est avoir une approche différente, ne pas faire de fixation sur le moment de la sortie du système scolaire. Or, actuellement, tout le système français est bâti autour de cette donnée. Toute votre vie, vous êtes marqué par le moment fatidique où vous êtes sorti de cette voie royale qu'est l'éducation nationale. Cela vous marque à jamais. Cela vous marque positivement si vous avez fini brillamment, par les grandes écoles et l'ENA. Mais si vous avez dérapé parce qu'il y a eu un problème dans votre vie ou parce que vous n'étiez pas excellent, vous avez beaucoup de mal à reprendre. C'est cela, l'enjeu qui aurait dû être au coeur de notre loi : le droit à la formation initiale différée. Il faut arrêter de faire tout un drame de cette sortie du système scolaire. Tout le monde s'inquiète, à commencer par les parents, qui se disent que leur enfant est parti sur l'autoroute de l'éducation nationale et se demandent quand il va partir dans le décor. C'est de cette logique-là qu'il faut sortir, et c'est la formation professionnelle qui devrait apporter des réponses, sur le modèle nordique : celui qui est sorti du système scolaire doit pouvoir y rentrer le plus rapidement possible, et ne pas être doublement sanctionné par sa sortie du système.

Je m'exprime avec un peu d'énergie et d'enthousiasme parce que je crois que nous sommes là au coeur du sujet. Et je ne suis pas sûr, encore une fois, que nous résoudrons le problème en déplaçant le traitement de cette question, c'est-à-dire en le confiant au préfet plutôt qu'à l'inspecteur d'académie. Je propose, cela ne vous surprendra pas, un interlocuteur unique. Pourquoi pas les missions locales ?

En tout cas, il faudrait vraiment que vous nous disiez quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne l'année de carence et la MGI.

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