La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (nos 1549, 1860, 1837, 1838).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures treize minutes pour le groupe UMP, dont soixante-seize amendements restent en discussion, huit heures vingt-sept pour le groupe SRC, dont neuf cent trente et un amendements restent en discussion, quatre heures trente-deux pour le groupe GDR, dont vingt-quatre amendements restent en discussion, trois heures trente-sept pour le groupe Nouveau Centre, dont vingt-six amendements restent en discussion, et quarante-trois minutes pour les députés non-inscrits.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 14 à l'article 9.
Je suis saisi d'un amendement n° 14 .
La parole est à M. Nicolas Forissier.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, mes chers collègues, ces deux amendements visent à préciser un texte qui, sur certains aspects, pourrait, par manque de clarté, créer des problèmes – je pense notamment à deux points qui sont à mon sens trop restrictifs.
L'article 9 du projet de loi prévoit que seuls peuvent être proposés en ligne les « jeux de cercle constituant des jeux de répartition reposant sur le hasard et le savoir-faire dans lesquels le joueur, postérieurement à l'intervention du hasard, décide, en tenant compte de la conduite des autres joueurs, d'une stratégie susceptible de modifier son espérance de gains ». Le texte fait donc bien la distinction entre deux catégories de jeux, les jeux de hasard, qui font l'objet de droits exclusifs – le rapporteur l'a rappelé – et restent soumis au monopole ou sont gérés par les casinos, et les jeux faisant appel au hasard et au savoir-faire des joueurs, qui font l'objet d'un régime d'agrément ; ce sont ces jeux que visent mes amendements.
Deux points méritent à mon sens précision. Le premier a trait à la chronologie. L'alinéa 2 précise que le joueur doit décider de sa stratégie « postérieurement à l'intervention du hasard ». Il s'agit d'une limitation, que l'on peut discuter dans le cas de l'extension de l'ouverture des jeux en ligne au poker. Le rapporteur et plusieurs orateurs, sur différents bancs de l'hémicycle ont rappelé la volonté du Gouvernement en la matière : il n'en reste pas moins que certains jeux mériteraient aujourd'hui d'entrer dans le champ de cette légalisation, dont ils sont pour l'heure exclus.
C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 14 vise à ce que le joueur décide de sa stratégie non pas « postérieurement à » mais « indépendamment du moment de » l'intervention du hasard.
Monsieur le ministre, pourriez-vous, à défaut d'émettre un avis favorable à ce premier amendement, nous donner des engagements, afin d'intégrer à terme – ou si possible tout de suite – des jeux qui n'entrent pas aujourd'hui dans le cadre du projet de loi, par trop restrictif ?
L'amendement n° 15 , quant à lui, concerne les jeux de stratégie et d'adresse qui font appel exclusivement au savoir-faire des joueurs – ceux que les Anglais appellent skill games. Ces jeux n'entrent pas a priori dans le cadre du projet de loi même s'ils sont, de fait, autorisés. Mais l'imprécision, voire le flou juridiques dont ils sont l'objet, notamment en matière de taxation, inquiètent de nombreux opérateurs – je me fais ici l'avocat d'une réalité –, puisque ces jeux de hasard et d'adresse, pour n'être pas explicitement interdits, n'entrent pas nécessairement dans le cadre de l'ouverture des jeux en ligne. Il convient donc, sur ce point également, de préciser le texte.
Ces deux limitations risquent, qui plus est, d'affaiblir le modèle économique des opérateurs des jeux en ligne, alors même que l'offre des jeux autorisés par la loi sera déjà très limitée, par rapport à ce que l'on propose dans les autres pays de l'Union européenne. Ajoutons que notre collègue M. Lamour a, me semble-t-il, souligné dans son rapport que ces skill games présentaient un risque potentiel de dépendance bien moins élevé que les autres jeux en ligne.
Ces deux amendements ne visent donc à modifier ni le fond ni le sens du texte, mais simplement à le préciser. Il serait donc très utile de les adopter – et même, dans le cas de l'amendement n° 15 , tout à fait nécessaire. Quoi qu'il en soit, j'attends vos explications sur le sujet, monsieur le ministre.
Notre collègue Forissier voudra bien au préalable entendre les explications sur rapporteur…
Nous avons évoqué à plusieurs reprises le principe de l'ouverture maîtrisée qui, sur les trois volets, mais plus particulièrement sur celui des jeux de cercle, lie une part d'analyse à une part de hasard, la part de l'analyse devant toutefois être très présente pour que le jeu bénéficie de la dérogation aux interdictions de pratiquer les jeux de cercle. C'est bien ce principe qui a animé le Gouvernement pour autoriser le seul poker en ligne – ce sera précisé dans un décret.
Rappelons qu'il existe trois sortes de jeux de cercle : les jeux de répartition, les jeux de contrepartie et les jeux de hasard pur.
Or votre amendement n° 14 , en modifiant l'alinéa 2 de l'article 9, ouvrirait la possibilité d'autoriser notamment le baccarat, que la jurisprudence range dans les jeux de hasard pur, au même titre que la roulette ou les machines à sous : une telle ouverture n'est pas envisageable.
Dans dix-huit mois, en application de la clause de revoyure, il nous appartiendra de procéder à l'état des lieux de l'application de la loi. Mais pour l'heure, dans le cadre de cette ouverture maîtrisée, qui vise à protéger le joueur, il est hors de question d'autoriser, par le biais de votre amendement n° 14 , la mise en place de jeux en ligne du type machine à sous ou roulette.
Pour ce qui est des skill games, vous affirmez que le projet de loi, de facto, les autorise. C'est faux : ils ne sont pas autorisés puisque tous les jeux sont interdits, sauf ceux qui, par dérogation, sont autorisés. Ces jeux restent interdits dans le périmètre d'ouverture initiale et je vous donne, là encore, rendez-vous dix-huit mois après la promulgation de la loi afin d'examiner s'il convient de le modifier en fonction, d'une part, de ce qu'aura réellement donné la lutte contre l'offre illégale et, d'autre part, de la pratique des différents joueurs sur les sites légaux de jeux en ligne.
Je le répète : l'ouverture est maîtrisée, en particulier en matière de jeux de cercle, en vue d'assurer un équilibre qui, à mon sens, ne doit pas être rompu aujourd'hui.
L'avis du Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
C'est un sujet, il est vrai, compliqué puisqu'il revient à se demander ce qu'on veut autoriser en dehors des jeux sportifs et des jeux de course.
Nous sommes dans le domaine du pari, je le répète, ce qui implique par le fait une dose de hasard. Sinon, c'est de l'expertise pure, et c'est un autre sujet – et du reste, ce n'est pas interdit dans la loi française actuelle : il revient au juge de décider s'il peut faire l'objet d'une mise d'argent ou non. À preuve, aucune fiscalité spécifique n'est prévue en la matière : si c'est une entreprise qui l'organise, elle sera taxée au titre de l'impôt sur les sociétés, s'il c'est un travailleur indépendant, il le sera au titre l'impôt sur le revenu. Ce domaine n'est donc pas considéré comme relevant du jeu.
Par ailleurs, si le Gouvernement a refusé d'englober dans son projet les jeux de hasard pur, c'est qu'il voulait éviter l'addiction. Comme l'a rappelé le rapporteur, nous ne voulons pas des machines à sous : déjà addictives en « dur », elles le sont infiniment plus en ligne. Nous voulons donc totalement interdire sur internet les machines à sous, car elles relèvent du pur hasard.
Le poker quant à lui relève à la fois du hasard, par la main qu'on a reçue, et de la stratégie, puisque le joueur doit faire preuve ensuite de quelque méthode. Ce jeu mêle donc l'expertise au hasard. C'est pourquoi il pourra être joué en ligne sous certaines conditions. Le ministre de l'intérieur prendra un décret fixant la liste des jeux autorisés s'inscrivant dans cette donne : éviter l'addiction et le hasard pur et mêler le hasard et l'expertise. Lorsque c'est seulement une affaire d'expertise, comme dans le cas des dames ou des échecs, le jeu entre dans une catégorie qui n'est pas interdite par loi.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement, je le répète, est défavorable à vos deux amendements.
Je comprends la logique qui préside au refus de l'amendement n° 14 , puisque le but est de maîtriser, comme l'a souligné le rapporteur, l'ouverture des jeux en ligne et donc de la limiter au poker, qui mêle adresse et hasard. J'ai également entendu que le projet de loi prévoit une clause de revoyure, ce qui signifie que dans dix-huit mois et tout en restant dans un cadre maîtrisé, une extension de la loi à certains jeux pourrait être envisagée en fonction des besoins. En revanche, pour ce qui concerne mon amendement n° 15 , qui vise les jeux faisant exclusivement appel à la stratégie et à l'adresse, je sens une contradiction entre les propos, également brillants, du rapporteur et du ministre : vous nous avez dit, monsieur le rapporteur, que ces jeux sont interdits alors que le ministre affirme que, de fait, ils ne le sont pas, puisque, ne faisant pas appel au hasard, ils n'entrent pas dans le champ de la loi.
Or tel est le sens de l'amendement n° 15 : préciser que la loi autorise également les jeux faisant exclusivement appel à l'adresse et à la stratégie. Il s'agit simplement d'apporter une clarification, puisque ces jeux relèvent d'un domaine qui répond à l'éthique que vous avez rappelée, monsieur le rapporteur : celle de l'ouverture maîtrisée. Vous avez du reste vous-même souligné dans votre rapport que ces jeux, même lorsqu'ils font appel à l'argent, présentent des risques de dépendance bien moins importants. Qui plus est, ces jeux existent déjà, et si la loi n'apporte aucune précision à leur sujet, le flou juridique persistera et ils continueront d'être pratiqués, y compris par des sites non domiciliés en France et qui, de ce fait, n'entreront pas dans le cadre légal français, ce qui entraînera des contentieux dont on pourrait fort bien se passer.
Je suis prêt à retirer l'amendement n° 14 , monsieur le président. En, revanche, je persiste de penser que l'amendement n° 15 , qui concerne les jeux d'adresse et de stratégie, est un amendement de précision tout à fait nécessaire. C'est la raison pour laquelle je le maintiens.
Monsieur le député, il n'y a aucune contradiction entre les explications du ministre et les miennes. Nous débattons de l'ouverture à la concurrence et de la régulation du secteur des jeux d'argent en ligne. Le ministre a eu raison de rappeler que les skill games sans mise existent déjà et sont parfaitement autorisés. Je tiens en revanche à répéter qu'aujourd'hui le marché des jeux d'argent et de hasard n'est pas ouvert aux skill games à partir du moment où il y a mise et où l'on peut donc perdre ou gagner de l'argent. Dans le cadre de la clause de revoyure – il ne s'agit pas d'une éventualité mais bien d'une obligation de nous revoir –, nous pourrons effectivement débattre de l'opportunité d'une nouvelle ouverture. Mais pour l'heure, nous avons choisi de réserver uniquement au poker, qui mêle analyse et hasard, la possibilité de l'ouverture en ligne.
(L'amendement n° 14 est retiré.)
(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)
L'objectif est de maîtriser l'ouverture. Or, à croire les spécialistes, il existe, concernant le poker, des logiciels permettant d'organiser des parties entre joueurs de différents pays. Si l'on permet ce genre de chose sans savoir qui est à l'autre bout de la ligne, on a évidemment tout faux… Il est donc impératif de bien préciser que les tables de poker en ligne réuniront des joueurs dont on sera assuré qu'ils remplissent les critères légaux, afin d'empêcher que des mineurs ou des joueurs interdits n'y aient accès et de couper court aux questions d'addiction. D'où mon amendement n° 44 , qui vise à insérer, après l'alinéa 2, l'alinéa suivant : « Seuls sont autorisés les jeux de cercles entre joueurs jouant via des sites d'opérateurs titulaires de l'agrément prévu par l'article 16 », sous le contrôle étroit de l'ARJEL.
Le texte initial prévoyait un prélèvement de 7,5 % sur les mises, ce qui, mécaniquement, pour le poker en ligne, permettait d'écarter les joueurs étrangers – il aurait fallu être suicidaire pour venir s'installer autour d'une table où la fiscalité aurait été aussi lourde… Le texte initial écartait donc tout risque de voir arriver ces gens sur les tables de poker virtuelles : Il faut savoir que le poker en ligne offre une configuration très particulière, qui se résume à deux ou trois grandes plateformes mondiales permettant à des joueurs issus de tous les continents de se rejoindre autour d'une même table, ce qui rend évidemment difficile leur identification. Une fiscalité à 7,5 % des mises était le moyen de régler le problème en amont.
La commission a préféré en rester à un prélèvement sur les mises à hauteur de 2 % plafonné à 1 euro, ce qui rend évidemment les tables de poker en ligne bien plus attractives. Dès lors se pose la question – et M. Myard y répond – de l'arrivée de joueurs étrangers autour de ces tables plus ou moins françaises. Nous devons absolument trouver un moyen de nous protéger ; c'est l'objet des amendements identiques de M. Myard et M. Censi. Mme Fourneyron a rappelé que des logiciels permettaient de substituer un robot à une personne physique ; nous ne pourrons le vérifier qu'à la condition d'identifier le joueur, ce qui suppose qu'il passe par un opérateur agréé.
La commission est donc favorable aux amendements nos 44 et 619 .
Le Gouvernement souscrit à l'excellente argumentation du rapporteur et souhaite donc que les joueurs s'inscrivent sur un site en « .fr ». Cette procédure permettra aux joueurs français de se protéger de joueurs s'inscrivant sur un site en « .com » ou autre. On ne peut concevoir l'existence de tables avec des joueurs sous régulation française et des joueurs qui ne le seraient pas.
Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l'amendement n° 26 , portant article additionnel après l'article 9.
Je saisis l'occasion qui m'est offerte pour revenir sur l'arrêt Santa Casa. Cette décision ne peut être considérée comme un arrêt d'espèce, ainsi qu'on a pu le soutenir, dans la mesure où elle a été rendue dans le cadre d'un renvoi préjudiciel pour interprétation. Un juge national pose une question dans des termes généraux et l'interprétation par la Cour de justice des communautés européennes du traité instituant la communauté européenne doit aider le juge national à trancher son cas d'espèce. Reste que l'interprétation du juge européen va bien au-delà du seul cas d'espèce puisque la Cour possède un véritable pouvoir créateur de droit,…
…son interprétation ayant la même force que la règle interprétée.
La question posée porte uniquement sur l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne, relatif à la libre prestation de services – la Cour écarte la liberté d'établissement et la libre circulation des capitaux. Au point 50 de l'arrêt, après l'évocation d'éléments factuels, il s'agit de savoir si un État peut empêcher un opérateur établi dans un autre État membre de fournir des services analogues sur le territoire national. Autrement dit, la question est de savoir si un État peut imposer une obligation de résidence, faire obstacle à ce qu'un opérateur légalement établi dans un autre État membre vienne proposer ses services sur son territoire par le biais de la libre prestation de services.
Selon la CJCE, interdire à un opérateur établi dans un autre État membre de s'installer sur le territoire national constitue une restriction, mais qui peut éventuellement être tolérée si l'on met en avant des raisons d'intérêt général. Il est par conséquent intéressant d'examiner de près les raisons invoquées par le Portugal dans l'affaire Santa Casa et surtout les raisons retenues par la Cour. Il n'est pas question ici de rappeler les oeuvres sociales de Santa Casa et le contexte portugais puisque, au point 62 de l'arrêt, la Cour rappelle que l'objectif principal de la législation portugaise est la lutte contre la criminalité et la protection des consommateurs de jeux de hasard contre des fraudes commises par les opérateurs. C'est donc exclusivement pour ce motif que la Cour, dans sa conclusion, donne son feu vert au Portugal, considérant que, dans le cadre d'une législation visant à protéger les consommateurs, il est possible de faire obstacle à la libre prestation de services et d'imposer une obligation de résidence.
Comme l'ont dit hier le ministre et notre excellent rapporteur,…
…il est évident que cet arrêt conforte la position française puisque le projet de loi prévoit une obligation de résidence : le serveur doit être installé en France et il faut un correspondant fiscal en France.
En revanche, je pense que nous pouvons aller plus loin que ce que nous avions prévu avant l'arrêt Santa Casa ; aussi l'amendement n° 26 propose-t-il de n'autoriser que les jeux et paris en ligne organisés et gérés par des opérateurs établis en France.
Nous aurons ainsi la certitude de pouvoir contrôler les opérateurs. De surcroît, c'est la France qui bénéficiera des retombées positives d'un tel dispositif en termes fiscaux et d'emplois. Nous devons par conséquent obliger les opérateurs à s'établir en France plutôt que de les autoriser à nous proposer leurs activités de jeux d'argent et de paris depuis Malte, Gibraltar ou ailleurs.
Ainsi, sans aucunement contredire l'esprit du projet de looi, le présent amendement, tirant toutes les conséquences de cet important arrêt de la Cour de justice européenne, entend aller un peu plus loin.
Cet amendement nous donne en effet l'occasion d'évoquer à nouveau l'arrêt Santa Casa qui, tout se référant à l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne et relatif à la libre prestation de services vise explicitement, vous en conviendrez, une institution religieuse d'un type très particulier, fondée en 1500,…
…créant des « jeux sociaux d'État », comme cela est bien spécifié dans un des points de l'arrêt. Les activités en question sont sous-tendues par une conception très poussée de l'intérêt général, puisqu'une partie des recettes est distribuée aux populations handicapées, aux personnes âgées, aux personnes en difficulté, etc., autrement dit, dans le cadre du monopole, par un réel principe de proportionnalité.
Je reconnais que l'arrêt Santa Casa tient compte de la spécificité et du rôle de cette institution religieuse vouée exclusivement à l'intérêt général et dont le chiffre d'affaires chute parfois à cause de la défaillance de l'une de ses recettes, l'Euromillions, faute d'une promotion suffisante.
Quelle est la situation en France ? Le dispositif en vigueur est de nature certes monopolistique, mais avec un développement de l'offre, nous l'avons tous reconnu. Faut-il lier, en application d'un principe de proportionnalité, ce principe de développement de l'offre avec le monopole à l'obligation de résidence de l'opérateur sur le sol français ? Pourquoi pas ? Mais pour l'heure, nous ouvrons le monopole de manière maîtrisée et raisonnée, en permettant à des opérateurs originaires d'autres pays de l'Union européenne d'opérer sur le sol français sur Internet – tout en conservant le monopole du réseau physique à la Française des jeux, aux casinos et au PMU.
Votre amendement, monsieur le député, prévoit l'obligation pour l'opérateur entrant sur le réseau internet d'être établi sur le sol français. La contrainte serait dès lors disproportionnée par rapport au rôle de l'opérateur et au principe de libre prestation de services et rendrait sans doute, de ce fait, le dispositif que vous proposez immédiatement attaquable.
Nous ne restons pas sourds, néanmoins, à votre proposition tant il est vrai qu'il s'agit de savoir ce qui prouve réellement que l'opérateur pourra être contrôlé, voire sanctionné en cas de besoin.
Premièrement, rappelons qu'il n'y a pas d'agrément automatique – l'arrêt Santa Casa le rappelle. L'obtention d'un agrément dans un autre pays de l'Union européenne ne signifie pas qu'on l'obtiendra automatiquement en France. Deuxièmement, le texte prévoit l'obligation d'un référent fiscal sur le sol français. Troisièmement, vous évoquiez fort justement la protection des joueurs et l'obligation pour l'ARJEL de s'assurer de la transparence des transferts et des flux financiers. Ce à quoi il faut ajouter l'obligation d'installer ce qu'on appelle un « frontal » sur le sol français.
Autant d'éléments à même de vous rassurer en matière de transparence, de qualité de l'offre de jeux fournie, sans pour autant obliger l'opérateur à s'installer sur le sol français.
Je suis séduit par l'amendement du rapporteur pour avis, mais il me semble que le texte répond assez largement à ses inquiétudes. Il ne s'agit pas de me lancer dans un débat juridique avec vous, monsieur Fasquelle : il serait de toute façon pour moi perdu d'avance. Les juristes s'opposent par nature…
Pour nous, la vraie question, et vous la posez très précisément, est de savoir si l'ARJEL dispose ou non des moyens de contrôler et éventuellement de sanctionner les sites, et si elle possède les moyens de récupérer la fiscalité due. Nous avons pris des mesures ad hoc. Ainsi, les sites doivent être établis dans un pays de l'Union européenne ou dans un pays de l'Espace économique européen ayant signé une convention d'assistance en vue de lutter contre la fraude – ainsi la convention OCDE sur l'échange d'informations pour lutter contre les paradis fiscaux. De plus, les sites devront faire homologuer leurs logiciels de jeux. Les homologations en question étant utilisées en France, l'ARJEL pourra auditer ces logiciels même lorsqu'ils se situent à l'étranger : j'imagine qu'elle ne se gênera pas pour le faire.
L'ensemble des transactions entre un site et les consommateurs français devra être retracé sur un « frontal », autrement dit un équipement informatique situé en France et accessible à l'ARJEL. L'ensemble des flux entre les joueurs et l'opérateur sera par conséquent tracé, mémorisé et archivé en France. Ces données seront ainsi soumises au contrôle de l'ARJEL et laissées à sa libre disposition.
En outre, les process et les systèmes d'information des sites seront audités par des personnes agréées par l'État. Les informations retracées sur le frontal permettront de vérifier l'assiette des prélèvements obligatoires, faute de quoi nous ne pourrons vérifier si les bons impôts sont payés. Les sites devront avoir un responsable physique vis-à-vis de l'ARJEL et un représentant fiscal en France.
L'ensemble des dispositions prévues par le texte et, me semble-t-il, de façon légitime car elles permettent le respect des mesures que nous prenons, sont adaptées et proportionnées aux objectifs de régulation que nous poursuivons. Le but est de faire respecter un ordre public et social dans notre pays. Nous évaluerons ces dispositions au terme prévu de dix-huit mois évoqué par le rapporteur. Nous nous sommes dotés des moyens suffisants sur le plan juridique et sur le plan technique pour faire en sorte que l'ARJEL dispose des outils de vérification, d'audit et de contrôle adaptés.
L'arrêt Santa Casa, à mon sens, n'a pas tranché ni même abordé la question de l'établissement. Une obligation d'établissement ne se justifierait que si les moyens de contrôle se révélaient insuffisants.
Nous pourrons en débattre au moment de l'évaluation : s'il apparaît que les moyens de contrôle ne sont pas suffisants, il faudra aller plus loin et réclamer un établissement physique stable en France. S'ils le sont, les opérateurs pourront s'établir en France s'ils le souhaitent, mais sans être soumis à une obligation d'établissement stable.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Je reviens un instant sur l'arrêt Santa Casa. Il y a deux niveaux, le niveau national et le niveau européen. La Cour a été claire. Je vous lis le point 62 : « Selon le gouvernement portugais et Santa Casa, l'objectif principal poursuivi par la réglementation nationale est la lutte contre la criminalité, plus spécifiquement la protection des consommateurs de jeux de hasard contre des fraudes commises par les opérateurs. » Il n'est aucunement fait référence au contexte social ni aux buts d'intérêt général poursuivis par Santa Casa.
Plus loin, on lit ceci : « Par ces motifs, la Cour dit pour droit :
« L'article 49 CE ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre, telle que celle en cause au principal, qui interdit à des opérateurs, comme Bwin International Ltd, établis dans d'autres États membres, où ils fournissent légalement des services analogues, de proposer des jeux de hasard par l'internet sur le territoire dudit État membre. »
Autrement dit, un État peut interdire à un opérateur établi dans un autre État membre de proposer ses services sur le territoire national. On en déduit évidemment que s'il veut pouvoir proposer ses services sur le territoire national, il a une obligation de résidence. En tout cas, on peut soit donner le monopole à une institution, auquel cas il faudra – c'est un deuxième débat – avancer des raisons d'intérêt général, comme l'a fait le Gouvernement portugais, soit on n'institue pas de monopole. Pour ma part, contrairement à d'autres, je ne propose pas de rester dans le cadre du monopole, j'admets tout à fait ce que propose le projet de loi. En revanche, je pense que ce texte permet, si on le souhaite, d'imposer une obligation de résidence.
Encore une fois, je pense que l'arrêt Santa Casa conforte ce qui est contenu dans le projet de loi, lequel comporte déjà des éléments qui vont dans le sens d'une obligation de résidence. Je regrette qu'on n'aille pas plus loin. On me dit qu'on verra cela dans deux ans. Il vaut peut-être mieux être plus strict aujourd'hui et se laisser la possibilité d'ouvrir un peu plus à l'avenir, car le chemin inverse sera beaucoup plus difficile. Il vaut peut-être mieux être excessivement prudent pour déverrouiller un peu dans deux ans, plutôt que de faire l'inverse.
Je pense qu'on a là une belle occasion de faire vivre et traduire dans le texte de loi un principe que nous avons retenu hier à travers un amendement de Louis Giscard d'Estaing, à savoir le principe de subsidiarité.
L'amendement déposé par le rapporteur pour avis souligne l'un des aspects du débat que nous avons eu hier et que nous avons à nouveau aujourd'hui : je veux parler de la question de savoir quelle était la solution préférable, y compris au regard du droit européen. Le droit européen nous oblige-t-il à modifier notre législation ? Chacun admet aujourd'hui que ce droit européen pèse, mais qu'il ne nous empêche pas de choisir la législation qui nous convient. Simplement, il exige qu'elle soit cohérente, c'est-à-dire qu'elle réponde bien aux raisons qui la fondent : raisons d'intérêt général, protection contre la criminalité.
D'une certaine façon, ce que vient de dire le rapporteur pour avis alimente mon argumentation. Avec ce texte, vous êtes à mi-chemin et ce faisant, vous risquez d'être pris entre deux feux. En vous ouvrant à la concurrence, vous privez, d'une certaine manière, notre pays des arguments justifiant une réglementation stricte et un monopole, qui protègent mieux le parieur et le consommateur contre les risques de fraude, de criminalité, de blanchiment. Mais en même temps, cette ouverture à la concurrence vous expose au reproche qui consiste à juger les restrictions que vous imposez excessives au regard de la liberté que vous avez commencé à consentir.
Autrement dit, vous êtes pris dans une contradiction : ou bien vous défendez le monopole, vous renforcez le contrôle et la capacité de le faire valoir – c'est d'ailleurs ce que l'arrêt de la Cour exprime ; ou bien, à l'inverse, vous commencez à ouvrir à la liberté, et toutes les restrictions que vous imposerez risquent d'être jugées à l'avenir par la Cour de justice des communautés européennes comme étant exorbitantes au regard des objectifs affichés. Cela ressort assez clairement de ce que dit l'arrêt Santa Casa lorsqu'il explique qu'une législation nationale « n'est propre à garantir la réalisation de l'objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l'atteindre d'une manière cohérente et systématique ». Chaque fois que vous accepterez d'affaiblir votre système de contrôle et de protection, vous vous mettrez en danger ; et chaque fois que voudrez essayer de le renforcer, vous vous exposerez au risque de vous voir reprocher d'être passés à un système d'opérateurs privés. Car la Cour, dans cet arrêt, fait manifestement valoir ses interrogations quant à la capacité des opérateurs privés à lutter efficacement contre la criminalité et le blanchiment.
Une autre orientation était possible – j'ai du reste senti dans l'argumentation de M. Fasquelle une forme de mélancolie, ou de nostalgie par rapport à ce que nous aurions pu imaginer, même si un juriste ne se laisse évidemment pas aller à des sentiments aussi romantiques… Nous aurions pu imaginer un monopole rénové, réorienté par une convention passée entre l'État, le PMU et la Française des Jeux.
Notre collègue Lamour nous dit que Santa Casa mobilise ses fonds non pas pour alimenter le budget de l'État, mais pour soutenir les handicapés, pour favoriser l'innovation sociale, pour faire en sorte que soient soutenues des activités sportives, de l'aide sociale. Quand j'entends cela, je me dis : que ne faisons-nous pas la même chose ici ? Pourquoi ne prenons-nous pas, aujourd'hui, la décision de mettre en place un dispositif qui renforce les financements répondant aux besoins du sport amateur, des handicapés ? Et je pourrais vous dresser une liste de besoins que même le nouvel emprunt ne permettrait pas de satisfaire complètement.
On pourrait souhaiter que ce soit cette évolution-là qui soit choisie. À l'inverse, vous avez choisi de mettre en place des opérateurs privés qui, comme je le rappelle à chaque fois que j'ai l'occasion de m'exprimer sur le sujet, ne sont pas membres d'un club de philanthropes, et qui vont par conséquent tenter de réaliser des bénéfices et des profits sous protection publique, là où, au contraire, c'est sous protection du monopole que nous aurions pu défendre des tâches d'intérêt général.
Je doute que la Commission européenne tarde à mettre en cause le texte que nous sommes en train d'examiner. Renforcez les contraintes, et elle vous reprochera d'être en contradiction avec la liberté que vous mettez en place. Diminuez-les, et on vous reprochera d'avoir abandonné le monopole. Voilà la contradiction dans laquelle vous êtes. Mais le problème, c'est qu'avec cette approche, c'est toute notre législation que vous mettez en contradiction.
Non, je le maintiens, avec beaucoup de conviction. Je voudrais simplement répondre à Gaëtan Gorce qu'il n'y a pas de mélancolie de ma part.
Je ne crois pas au monopole. Le monopole, c'est la situation que nous connaissons aujourd'hui, et qui conduit à laisser se développer une offre illégale sur internet, au plus grand détriment des parieurs, mais aussi de l'État, des collectivités territoriales, ainsi que des filières hippiques, sportives, touristiques, qui peuvent espérer des retombées positives du développement des jeux d'argent. Il n'y a donc pas de mélancolie de ma part ; le monopole est un échec, la situation actuelle le prouve.
Par contre, je pense, et je suis là tout à fait dans l'esprit du projet de loi, tout à fait en phase avec le ministre et le rapporteur, que l'arrêt de la Cour nous permet d'aller un tout petit peu plus loin que ce que nous avions prévu en juillet dernier. C'est l'esprit de mon amendement, que je maintiens.
Il faut se garder de parler de monopole de façon trop théorique. Aujourd'hui, en France, il y a un monopole national. Cela signifie que la décision est prise par l'État français. Un monopole ne signifie pas pour autant l'absence de participation du privé. On ne peut pas dire qu'il n'y a que du monopole public en France. Je le répète, il existe des casinos et des cercles de jeux. La Française des Jeux est une société anonyme partiellement publique, avec des capitaux privés, qui étaient notamment, à l'origine, ceux des émetteurs de la Loterie nationale, et avec du capital possédé par les détaillants et les courtiers.
La décision, par contre, est nationale. Elle n'empêche pas une certaine diversité. Il ne faut pas essayer de faire croire que d'un côté de l'hémicycle, certains défendent l'intérêt général,…
…un intérêt général associé au monopole, tandis que de l'autre côté, d'autres défendraient la libéralisation.
Pour lutter, dans le cadre du modèle français, contre les jeux illégaux, dans certains domaines, notamment celui de la loterie, celui des lotos, celui des courses, qui est d'ailleurs en partie associatif, le monopole fonctionne, en particulier dans la distribution physique. Mais dans le domaine des casinos et des cercles, on le sait depuis longtemps, l'organisation monopolistique seule ne fonctionnerait pas. Ce qui explique qu'il y ait des participations privées.
Sur internet, on peut donc très bien imaginer que la décision d'accréditation, puisqu'elle passe par l'ARJEL, continue à relever du monopole national tout en permettant de gérer sous contrôle un certain nombre d'opérateurs privés. La vraie question, c'est de savoir si ces opérateurs privés doivent être obligatoirement situés en France ou pas. C'est pourquoi j'envisage la question, non pas au regard de l'arrêt Santa Casa – qui nous autoriserait en effet à prendre une telle décision –, non pas au regard de principes généraux ou de doctrine du droit, mais au regard de l'efficacité du contrôle. La vraie question, c'est de savoir si le contrôle serait plus efficace, parce que c'est un devoir que nous impose le monopole national de décision d'autorisation des jeux. Celui-ci ne change pas ; au contraire, il est totalement renforcé dans la mesure ou il n'existait pas sur Internet jusqu'à présent. Mais le contrôle sera-t-il plus efficace sur le sol national, et notamment sur le plan technologique ?
Tout dépendra des sanctions de l'ARJEL. Celle-ci est-elle capable de mettre en oeuvre des sanctions visant des opérateurs qui ont une technologie à l'étranger ? Il faudra avoir des précisions sur ce point. Il est évident qu'un opérateur totalement situé en France pourra beaucoup plus facilement être saisi par la justice. On pourrait craindre – c'est d'ailleurs la seule chose qu'on pourrait craindre, mais il existe des coopérations européennes qui peuvent nous rassurer – qu'un opérateur situé à l'étranger, notamment dans un autre pays européen, décide de sortir de l'accréditation, de se mettre dans l'illégalité et de continuer à organiser des jeux. La vraie question est de savoir ce qu'on fera avec ces gens-là, et quels seront les moyens dont nous disposerons.
Aujourd'hui, nous ne sommes pas rassurés. Dans l'avenir, il faudra s'assurer que nos moyens de contrôle et de sanction seront efficaces, quel que soit l'endroit où se situent les opérateurs.
Merci, monsieur Censi, pour ces explications très claires. Vous parliez de monopole intelligent…
Un monopole intelligent, cela doit ressembler, quelque part, à un marché régulé.
Votre amendement, monsieur Fasquelle, je le prends comme un amendement d'appel, un amendement de référence. Nous nous donnons dix-huit mois. Si tous les verrous que nous avons mis en place nous permettent d'appliquer le mode de régulation qui est le nôtre, alors nous serons dans une situation parfaitement solide. Si ces verrous ne suffisent pas, si nous nous apercevons, dans dix-huit mois, que nous avons du mal à appliquer les règles fiscales, que des opérateurs ou des joueurs français nous échappent, que nous n'arrivons pas à bloquer les transactions financières, que nous n'arrivons pas à trouver le référent fiscal, enfin que sais-je, bref, si nous faisons, après dix-huit mois, une évaluation critique du dispositif, nous serons alors totalement fondés, avec une solidité juridique forte, à réclamer un établissement stable en France, parce que nous ne pourrons pas faire régner notre ordre public et social comme nous l'avons entendu. Auquel cas nous pourrons nous fonder sur l'arrêt Santa Casa.
C'est pour cette raison que je demande, si vous maintenez votre amendement, monsieur le rapporteur pour avis, qu'il ne soit pas adopté. Je pense qu'il fragilise l'ensemble du texte sur le plan juridique. On peut sûrement en débattre, mais je vous dis ce que pensent les juristes que le Gouvernement a consultés : une telle disposition introduit un biais, et donc une fragilisation, et le jeu n'en vaut pas, aujourd'hui, totalement la chandelle. Nous pensons avoir une réponse qui satisfait votre préoccupation. Si nous constatons, dans dix-huit mois, que ce n'est pas le cas, et qu'au fond vous avez raison, nous en viendrons alors à l'établissement stable en France.
Sur le vote de l'amendement n° 26 , je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
…………………………………………………………….
Nous allons maintenant procéder au scrutin.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 14
Contre 28
(L'amendement n° 26 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 45 rectifié .
La parole est à M. Jacques Myard.
Nous avons parlé des mesures de contrôle et de la nécessité, a dit le ministre, pour l'opérateur d'avoir son siège dans l'un des États de l'Union européenne. Mais il faudrait « blinder » un peu plus cette affaire : imaginez qu'on donne l'agrément à un site certes établi dans un de ces États, mais qui serait filiale d'une entreprise basée dans un paradis fiscal. Cela ferait très mauvais effet !
Le Président de la République a dit qu'il n'y avait plus de paradis fiscaux !
C'est pourquoi je propose que, directement ou indirectement, les paradis fiscaux soient évincés de tout bénéfice de licence nationale.
La loi prévoit que seuls peuvent demander un agrément les opérateurs situés soit dans les États membres de l'espace économique, soit dans des États ayant un accord. Vous faites référence à une liste des paradis fiscaux, mais laquelle ? Celle du 30 septembre 2009, que je me suis procuré, est elle-même subdivisée en listes noire, grise, gris pâle, blanche. On ne s'y retrouve pas !
Pas vraiment… Mieux vaut clarifier la situation en parlant uniquement de l'espace économique et des États membres de l'Union. De cette manière, on règle le problème et on satisfait l'obligation de résidence, que préconisaient Daniel Fasquelle et Yves Censi, et qui permet à l'État français, en cas de manquement aux règles de l'agrément, d'avoir à coup sûr les informations nécessaires et de pouvoir agir efficacement et rapidement à l'encontre d'opérateurs indélicats.
J'ai le sentiment que M. Myard a satisfaction. S'agissant des paradis fiscaux, les choses s'éclaircissent. Nous sommes en train de signer des conventions. Nous en avons même signé une avec le Lichtenstein, qui, sitôt qu'elle sera entrée dans le droit interne des deux pays, le fera automatiquement sortir le Lichtenstein de la liste des paradis fiscaux. J'aurais compris que nous ayons eu cette discussion l'année dernière, compte tenu de l'opacité qui régnait encore dans ce domaine. Aujourd'hui, il existe une liste qui évolue au gré des accords internationaux, et la liste des pays dans lesquels on peut implanter un site y fait référence. Je ne vois pas ce que l'on peut dire de plus.
J'ai le sentiment, monsieur le ministre, que vous abondez dans mon sens : vous nous dites remettre de l'ordre, en signant des accords ou en cessant les relations financières avec les pays réfractaires, qui figurent donc toujours sur la liste. Ce que vous nous dites renvoie à l'article 16, donc à la notion de contrôle. Prenons une filiale d'un site installé en Autriche, mais qui est lui-même rattaché à une hydre aux îles Caïmans ou ailleurs. Je voudrais qu'on y regarde à deux fois : le contrôle en droit international économique montrera peut-être une scission entre les deux entités juridiques, mais le contrôle par le biais de l'actionnariat dévoilera un problème. Pour nous préserver, nous devons donc opposer un refus à toute entreprise qui, telle une hydre, aurait une de ses têtes dans les îles Caïmans ou ailleurs.
J'irai dans le sens de notre collègue Jacques Myard en rappelant que très récemment, à l'initiative du président de la commission des finances, un amendement a été voté sur les filiales des établissements bancaires dans les paradis fiscaux. Le Parlement doit être rassuré sur cette question, qui vient d'être évoquée au G 20 de Pittsburgh et qu'on ne peut pas ignorer. Dès lors que nous demandons aux établissements bancaires français de se conformer à une plus grande transparence, il serait utile de nous assurer que ces sociétés, qui sont aujourd'hui dans l'illégalité, n'ont pas de filiales dans les paradis fiscaux. C'est élémentaire pour la suite de nos débats.
J'appuie cet amendement qui me paraît aller dans le bon sens, pas seulement pour ce texte mais pour une réflexion plus globale. On nous a dit qu'il n'y a plus de paradis fiscaux, mais l'on sait que c'est un processus qui est engagé. Un rapport a été rendu par le président de la commission des finances et le rapporteur général, qui se propose de dresser une liste nationale des paradis fiscaux pour nous doter d'éléments de référence. Je propose à l'Assemblée et au Gouvernement d'être en cohérence avec les propositions qui sont faites : l'amendement de M. Myard nous indique une direction à suivre et le rapport qui débouchera sur la liste évoquée nous permettra de mettre en oeuvre la disposition proposée. Je ne peux donc qu'appuyer cette suggestion, qui va dans le sens d'une plus grande protection du parieur, votre préoccupation principale à entendre M. Censi et beaucoup d'entre vous. Reste à le démontrer !
Nous répondons totalement au souhait de Jacques Myard. Mais je veux lui être agréable et ne pas laisser de malentendu en suspens alors que nous poursuivons le même objectif.
L'article 16 parle bien d'opérateurs de jeux en ligne placés sous le contrôle d'une entreprise. Il y a donc bien une notion de contrôle.
Ensuite, ce qui compte, c'est d'avoir la possibilité de faire l'inventaire des joueurs français,…
…donc d'avoir le « frontal », l'équipement qui permet de retracer que l'ensemble des transactions entre le site de jeu et l'opérateur se passe bien en France.
Je veux bien que l'on retienne l'amendement de M. Myard, à condition d'en supprimer « ou son site internet », qui n'a pas de matérialité et auquel nous préférons la notion d'établissement physique et de transaction en France. Toutefois, on peut très bien préciser que nous ne voulons pas que l'entreprise ait juridiquement son siège physique dans un paradis fiscal.
Monsieur le ministre, nous sommes entre nous et personne ne nous écoute (Sourires) : nous avons tout intérêt à afficher clairement ce que nous voulons.
Vous avez vu combien, sur la scène internationale financière, la turpitude sollicitait l'intelligence. Mieux vaut border le texte et avoir un argument supplémentaire dans la loi. Effectivement, un site est très immatériel et on ne sait parfois pas le situer, mais nous avons les moyens de contrôler par des interfaces en France. J'accepte la proposition du Gouvernement qui appuie la thèse de Jacques Myard !
Monsieur le ministre, quelle serait exactement la rectification proposée ?
« L'entreprise ou sa filiale sollicitant l'agrément ne peut avoir son siège dans un État ou un territoire que les instances internationales ont classé dans la liste des paradis fiscaux. » Je propose donc d'enlever « ou son site internet » et d'ajouter « ou un territoire », parce qu'il ne s'agit pas toujours d'États.
Je vous remercie, monsieur le ministre d'avoir pris en compte cette préoccupation, déjà exprimée par Daniel Fasquelle à travers un amendement précédent. Néanmoins, vous ne nous empêcherez pas de considérer que la question de l'implantation des sites internet est aussi un des problèmes traités par ce texte, au même titre que l'arrêt Santa Casa fait explicitement référence au fait que l'opérateur qui avait introduit sa demande devant la Cour de justice européenne n'avait pas physiquement de filiale implantée dans l'État concerné. Certes, on peut dire que ce qui est en question, c'est la localisation du siège, mais ce serait encore mieux si l'activité immatérielle l'était également : n'est-ce pas d'ailleurs l'objet du texte de loi puisque ce dernier traite des opérateurs en ligne ?
On peut toujours épiloguer sur le monde immatériel dans lequel nous vivons ; la vérité c'est qu'on nous demande de légiférer sur le plan national sur des opérateurs en ligne, que nous voudrions agréer à travers l'ARJEL et dont nous voudrions pouvoir contrôler l'activité. C'est une question d'emplois, c'est aussi le seul moyen de s'assurer de la réalité de cette activité. Pour établir des contrôles, il faut pouvoir intervenir dans des zones où il n'est pas nécessaire de demander l'extraterritorialité aux douanes françaises. Il est donc important que nous puissions affirmer dans ce texte que le siège et le site internet sont basés dans un État répondant aux critères de l'OCDE.
Monsieur le ministre, vous vous fondez sur un principe raisonnable et compréhensible : Tout ce qui n'est pas indispensable n'est pas forcément nécessaire… Nous avons tous exprimé la volonté de veiller attentivement l'origine des financements – non seulement pour les paris, mais également pour la constitution des sociétés, comme le rappelait tout à l'heure M. Myard. Il est donc important de disposer de toute la visibilité nécessaire.
Deuxièmement, nous avons rappelé que la législation française, jusqu'à présent, interdisait par principe d'être opérateur de jeux : l'État, une société d'économie mixte comme La Française des Jeux ou les casinos ne le sont que par dérogation. Il serait intéressant, compte tenu de l'importance des circuits de financement et de notre volonté d'échapper totalement aux paradis fiscaux, de poser le principe d'une interdiction totale. Cela ne comporte aucun risque pour l'organisation du marché des jeux en France. Nous pourrons ensuite voir si cela pose des problèmes.
Ce serait de nature non seulement à rendre beaucoup plus efficaces les contrôles, mais aussi, pour soutenir la position de Louis Giscard d'Estaing, à interdire toute forme de présence juridique et physique dans un paradis fiscal. Ce serait aussi envoyer un message reflétant la volonté du Gouvernement et de sa majorité d'aller avec ce texte jusqu'au bout d'un marché totalement contrôlé, régulé, qui ne fonctionne pas sur des bases libérales au sens des directives de la Communauté.
Je note que la question de la localisation du site Internet reste en débat.
La parole est à M. Nicolas Perruchot.
J'aimerais lever un doute. Monsieur le ministre, vous avez proposé la rédaction suivante : « L'entreprise ou sa filiale sollicitant l'agrément ne peut avoir son siège dans un État ou un territoire que les instances internationales ont classé dans la liste des paradis fiscaux. » Si dans l'entreprise, qui peut être un groupe d'entreprises, il existait une instance qui ne solliciterait pas d'agrément, mais qui pourrait faire du portage fiscal dans un paradis fiscal, cela signifierait-il, dès lors, que nous serions censés accepter l'agrément ?
Une rédaction plus précise me semblerait préférable : « L'entreprise sollicitant l'agrément ne peut avoir son siège ou des filiales dans un État ou un territoire que les instances internationales ont classé dans la liste des paradis fiscaux. » Ce serait plus clair. Les opérateurs qui demandent l'agrément ne le feront pas avec des sièges sociaux localisés dans les paradis fiscaux : ce serait un peu crétin, pardonnez-moi l'expression ! En revanche, si l'une des leurs filiale est basée dans les îles Caïmans ou ailleurs et qu'elle n'est pas auteur d'une demande, rien ne leur interdit, avec la rédaction que vous proposez, .
Rappelons que les îles Caïmans sont en train de sortir de la liste des paradis fiscaux – cela leur pose suffisamment de problèmes, me semble-t-il.
Évidemment, on peut rire de tout… Vous n'avez rien fait dans ce domaine…
alors que nous nous sommes engagés dans une démarche au niveau international et que nous prenons de front l'ensemble des paradis fiscaux. Le Président de la République est en tête de ce combat ; nous lançons les contrôles fiscaux nécessaires. Nous ne sommes pas inactifs, c'est le moins que l'on puisse dire : sans aller jusqu'à être d'accord, au moins dites-nous de temps en temps que ce n'est pas mal et que nous allons dans la bonne direction : cela nous ferait plaisir…
Quoi qu'il en soit, épargnez-nous les procès d'intention sur ce sujet et ne mettez pas en cause notre action.
Je veux bien aller plus loin, mais le problème est complexe : si vous étendez l'interdiction aux sites Internet, vous allez vers un établissement stable et vous fragilisez le texte. Comme je l'ai dit à votre rapporteur pour avis, Daniel Fasquelle, nous verrons dans dix-huit mois. En attendant, nous pourrions préciser que l'entreprise, sa filiale ou ses équipements ne peuvent être installés dans des paradis fiscaux, ce qui répondrait à l'ensemble des remarques, tout en laissant au juge une certaine latitude. Et il sera toujours possible au Sénat d'affiner encore sur le plan juridique, s'il en est besoin. Vous devriez me croire, monsieur Gorce.
Difficile, en entendant vos propositions… Nous avons perdu la foi depuis longtemps !
Si je comprends bien, monsieur le ministre, vous proposez de rectifier l'amendement n° 45 rectifié …
Peut-être serait-il bon de suspendre la séance quelques minutes pour affiner la rédaction, monsieur le président.
Article 10
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)
La séance est reprise.
La suspension de séance a été fructueuse et a abouti à une deuxième rectification de l'amendement n° 45 .
Je donne lecture de cet amendement n° 45 , deuxième rectification :
Après l'alinéa 3, insérer l'alinéa suivant :
« L'entreprise sollicitant l'agrément mentionné à l'article 16 ne peut avoir son siège, une filiale ou un équipement dans un État ou un territoire que les instances internationales ont classé dans la liste des paradis fiscaux. »
Tout ce qui concourt à clarifier la situation vis-à-vis des entreprises situées dans les paradis fiscaux me convient. Je souhaite cependant, monsieur le ministre, que vous nous précisiez ce qu'il en est des pays figurant sur la liste grise des paradis fiscaux. S'agit-il de tout ou partie de la liste ?
Le texte initial du Gouvernement avait le mérite d'être très clair : ne pouvaient demander l'agrément que les opérateurs dont le siège social est établi dans un État membre de la communauté européenne, soit dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention. Ce qui incluait la Norvège et l'Islande, mais pas le Lichtenstein ni la Suisse.
Avec cette rédaction, nous ajoutons un second barrage qui permettra d'y voir encore plus clair sur la composition de l'actionnariat des opérateurs qui demanderont un agrément. Mais quelle liste, monsieur le ministre, devons-nous prendre en compte ? Il y en a trois ou quatre…
Il faut mettre en regard les articles 10 et 16. Aux termes de l'article 16, qui n'a pas été modifié, l'opérateur doit être établi dans un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'espace économique européen. Mais s'il a une filiale ou des équipements situés en dehors de la Communauté européenne ou de l'espace économique européen, sur un territoire considéré comme un paradis fiscal, il ne peut solliciter un agrément.
Il faut y voir une deuxième couche de protection en quelque sorte, une sécurité supplémentaire face à un opérateur qui s'organiserait ailleurs à partir de l'Union européenne : si cet ailleurs est un paradis fiscal, on n'en veut pas !
Il existe plusieurs listes de paradis fiscaux. La liste grise est une liste provisoire, temporaire dont les États peuvent sortir dans la mesure où ils ont signé les douze conventions requises. À un moment donné, la liste se stabilisera et constituera la liste noire recensant les paradis fiscaux. Cela étant, tant qu'un pays figure sur la liste grise, il est considéré comme un paradis fiscal, mais il peut en sortir. Ainsi, peu à peu, la liste grise finira par devenir noire et ne regroupera plus que les États qui ne voudront pas en sortir.
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 616 .
La parole est à M. Yves Censi.
Un certain nombre d'opérateurs, tout le monde s'accorde à le reconnaître, exercent illégalement sur le territoire français. Et s'ils se répandent moins désormais en publicité visible en dehors du circuit internet, dans les sites en revanche, on constate un réel activisme et une volonté délibérée de continuer à faire parier les joueurs français bien que cette activité soit interdite et illégale en France. Il n'est jusqu'aux sites de certains grands clubs qui collaborent à la promotion de ces jeux par le biais de vente de maillots de sport à l'effigie de marques très connues. Il y a là une violation manifeste de la loi.
Nous discutons aujourd'hui de l'organisation des jeux sur Internet et un certain nombre d'opérateurs attendent l'autorisation – quoi de plus normal – de pouvoir demander leur accréditation auprès de l'ARJEL. Nous assistons à une très forte offensive en termes d'investissements et de communication – même si celle-ci reste cantonnée sur internet – dans le but de pouvoir bénéficier d'une nette avance au moment où le marché sera ouvert. Au regard des principes républicains, nous ne pouvons accepter cet état de fait.
C'est pourquoi, je propose que l'entreprise qui demande son accréditation auprès de l'ARJEL, décrive son expérience en qualité d'opérateur de jeux en ligne et déclare si elle a, préalablement à sa demande d'agrément, exploité des jeux d'argent et de hasard en France.
Puisqu'il a été un peu difficile d'en savoir plus sur la réalité de son chiffre d'affaires, obligeons l'entreprise à faire une déclaration au moment de sa demande d'accréditation : et dans le cas où elle aurait préalablement à la délivrance de l'agrément exploité des jeux et paris en ligne en France, elle devra préciser le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé au titre desdites activités durant les trois années précédant la demande d'agrément, la dénomination commerciale ou la marque sous laquelle elle a exercé son activité – ce qui est la moindre des choses – durant cette même période, et indiquer le nombre de comptes de joueurs en ligne résidant ou séjournant en France ouverts auprès d'elle et le montant du solde des avoirs de ces comptes.
Lorsque l'ARJEL contrôlera ces entreprises, elle aura également à contrôler l'historique de la société. Pour garantir une transparence complète, il est important d'inscrire cette obligation dans la loi et de ne pas se contenter d'une simple enquête de l'ARJEL et des services fiscaux.
Notez que mon amendement se borne à demander un certain nombre d'informations sur les activités passées de l'entreprise ; on peut très bien imaginer par la suite qu'un décret détaille les éventuelles sanctions – ce que je propose dans le cadre d'un autre amendement. Mais la prudence recommande peut-être d'en discuter préalablement avec le ministère des finances.
Nous avons abordé ce débat à l'occasion de l'examen de l'article 4 bis sur l'autorisation ou non de faire de la publicité en direction de certains publics cibles – les mineurs par exemple.
Les textes interdisent très clairement la publicité sur les paris hippiques, sur les jeux de cercles. Paradoxalement, les paris sportifs ne sont pas concernés, sauf si les juges assimilent le pari sportif à un simple jeu de hasard ; ce qui mettait ces derniers dans une position inconfortable, car ils n'étaient pas en mesure de distinguer la part du hasard dans un pari à cote. La situation est complexe, reconnaissons-le, mais notre devoir de législateur est d'y répondre vite et bien, en tenant compte de la situation actuelle en matière de publicité, en particulier sur Internet.
Quant aux maillots sportifs dont vous parliez, ils sont portés par les joueurs à l'étranger. Permettre à des supporters de les porter à l'occasion de leurs déplacements à l'étranger correspond plus à un geste de soutien à une équipe qu'à un véritable marché publicitaire ou à une pratique de merchandising ou de marchandisage permettant de développer une activité commerciale pour le club.
Venons-en aux comptes de joueurs. Vous souhaitez, monsieur le député, prévoir des sanctions correspondant à chaque situation. Tout l'enjeu de la loi consiste à faire en sorte que l'offre légale soit la plus diversifiée possible afin d'assécher l'offre illégale. Tel est l'objet de ce dispositif, à condition évidemment que l'opérateur n'ait jamais été condamné.·. si tel était le cas l'ARJEL ne pourra l'agréer comme opérateur légal – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, je le rappelle.
Les propositions que vous faites dans votre amendement n° 616 , puis, plus loin, dans votre l'amendement n° 618 à l'article 16, sont à mes yeux contreproductives, notamment les sanctions ou le retrait d'agrément au motif que des comptes auraient pu être ouverts à un moment où la loi n'était pas encore votée.
Cela étant, je souscris à la nécessité de mettre les compteurs à zéro. L'ARJEL aura l'obligation de faire clôturer les comptes s'ils existent, le compte joueur comme celui qui accueille l'argent. Il faudra faire passer, de manière volontaire et non automatique, le compte joueur d'un « .com » ou « .it » à un « .fr »: autant de gestes qui permettront de remettre les compteurs à zéro, mais également de faire comprendre au parieur ou au joueur qu'ils passent de l'illégalité à la légalité. Le projet de loi propose un subtil équilibre entre vos deux amendements, monsieur Censi. Votre amendement n° 616 paraît inadapté à la situation actuelle et contraire à l'objectif poursuivi par le projet de loi : permettre que l'offre illégale fasse rapidement et de manière transparente place à une offre légale pour la protection de l'ensemble des joueurs, dans le domaine des paris hippiques, des paris sportifs ou du poker.
Je souscris aux arguments du rapporteur sur la nécessité de mettre les comptes à zéro.
Vous souhaitez, monsieur Censi, interdire de licence les sites ou les opérateurs qui n'auraient pas respecté le droit préalable.
J'aurais pu, à la limite, à émettre un avis favorable à l'amendement n° 616 : même si ces informations peuvent être difficiles à obtenir d'une entreprise, on pourrait exiger au moment de l'inscription, sur le fondement d'une déclaration, un historique du chiffre d'affaires, que l'ARJEL utiliserait comme elle le souhaite. Mais le problème vient de l'amendement n° 618 , qui tend à suspendre la décision jusqu'à la déclaration, puis à sanctionner les candidats en leur refusant l'agrément.
S'il pourrait donc être intéressant de connaître, au moment de la demande d'agrément, le chiffre d'affaires réalisé en France auprès de joueurs français, je ne peux accepter le dispositif de l'amendement n° 618 , qui, du reste, ne pourrait pas être maintenu très longtemps. Je ne suis donc favorable ni à l'amendement n° 616 , ni à l'amendement n° 618 .
En lui-même, l'amendement n° 616 répond à une exigence de procédure dont on ne peut dire qu'elle soit inhabituelle : lorsque vous louez un appartement, on vous demande vos bulletins de salaire des mois précédents, ainsi que plusieurs documents qui retracent un historique. Dans le domaine dont nous parlons, bien plus sérieux et exigeant, il s'agit simplement de faire préciser le chiffre d'affaires réalisé au titre desdites activités durant les trois années précédant la demande d'agrément, la dénomination commerciale ou la marque sous laquelle elle a exercé son activité durant cette même période, le nombre de comptes de joueurs en ligne résidant ou séjournant en France ouverts auprès d'elle et le montant du solde des avoirs de ces comptes.
Si l'on n'exige pas ces informations des opérateurs qui sollicitent l'agrément, que leur demandera-t-on et sur quel fondement pourra-t-on les contrôler ? Devront-ils seulement promettre qu'ils seront gentils et respectueux de la loi avant de se voir accorder l'agrément ? Sur quoi l'obtention d'un agrément se fonde-t-elle, sinon sur le contrôle d'une réalité ? La réalité future n'existant pas encore, il est logique de s'appuyer sur un historique. Voilà tout ce que je propose par cet amendement. À défaut, par quoi remplacera-t-on les informations demandées ? Sur quoi l'ARJEL se fondera-t-elle pour juger que l'octroi de l'agrément est justifié ?
J'ai en effet évoqué la question des sanctions. Naturellement, l'historique permettra, si d'aventure un problème se posait – mais nous n'en sommes pas là –, de disposer d'informations sur la société en question. Mais c'est la moindre des choses ! C'est ce que l'on demande dans la vie courante à la plupart de nos concitoyens, pour la plupart des actes contractuels qu'ils sollicitent, à un degré parfois extrêmement complexe. Et on ne l'exigerait même pas de sociétés qui demandent à devenir opérateur de jeux ? Les informations sollicitées n'auraient, je le répète, rien d'exceptionnel et me paraissent parfaitement indispensables.
(L'amendement n° 616 n'est pas adopté.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 730 à 738 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Ces amendements visent à garantir que l'instauration des opérateurs de paris en ligne se fera de manière parfaitement régulière.
On le sait, la pratique dite des administrateurs croisés est courante dans les conseils de surveillance et d'administration de nombreuses sociétés. Nos amendements permettront d'éviter que les mêmes personnes siègent au sein des conseils de différentes sociétés d'opérateurs de paris en ligne. Cette interdiction s'applique du reste déjà aux sociétés sportives professionnelles, SAOS ou SASP.
Ainsi garantira-t-on une indépendance totale entre les administrateurs des sociétés d'opérateurs, et, par là, entre ces opérateurs eux-mêmes. On ne pourra donc voir figurer sur les maillots de deux équipes sportives adverses les noms de deux opérateurs de paris en ligne qui auraient les mêmes actionnaires, ce qui ne satisferait guère à l'exigence de régularité du dispositif.
Madame Fourneyron, la disposition à laquelle vous faites référence s'agissant des clubs sportifs n'est plus en vigueur : si la multipropriété est interdite par le code du sport, mais ce n'est plus le cas de l'appartenance à plusieurs conseils d'administration. Il n'y a donc aucune raison de l'étendre au secteur des paris. Avis défavorable.
Même avis.
(Les amendements identiques nos 730 à 738 ne sont pas adoptés.)
(L'article 10, amendé, est adopté.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 1204 à 1212 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Plusieurs députés ont souligné tout à l'heure la nécessité de recourir à tous les moyens de contrôle lors de l'installation des opérateurs de paris en ligne, ainsi que l'importance de l'implantation physique de tous leurs supports matériels de données.
Nous devons donc non seulement interdire leur établissement dans des paradis fiscaux, mais aussi disposer sur le territoire métropolitain de tous les supports matériels et techniques permettant de contrôler le développement de cette activité.
Madame Fourneyron, le frontal déjà établi sur le sol français – et non métropolitain, nous y reviendrons – permet à l'ARJEL de collecter en temps réel toutes les informations sur les flux financiers ou les types de pari générés, garantissant ainsi une véritable sécurité.
Je vous propose donc de retirer vos amendements, qui sont satisfaits par ce système – à défaut de l'être par le dispositif tout entier qui, par nature, puisqu'il s'agit d'internet, peut être établi dans un autre pays de l'Union.
Nous aurions pu choisir de nous inspirer du modèle de l'AMS – équivalent italien de l'ARJEL –, qui centralise toutes les données ; mais il correspond à un dispositif qui collecte également tous les « bandits manchots » sur le territoire – c'était indispensable compte tenu du grand nombre de tricheries. Nous avons fait un autre choix, auquel correspond une autre technologie : l'établissement sur le sol français d'un frontal permettant de recueillir ces informations, et qui offre toute sécurité.
Même avis. Nous en avons déjà longuement parlé. Ces amendements sont satisfaits. Avis négatif.
Il est extrêmement important que l'entreprise qui sollicite l'agrément auprès de l'ARJEL établisse physiquement tous ses supports matériels de données en France métropolitaine.
Le problème est le suivant : comment l'ARJEL contrôlera-t-elle effectivement – j'allais dire « sur pièces » – ces supports s'ils sont dématérialisés à l'extérieur de nos frontières ? Les contrôles seront alors très difficiles, voire impossibles.
(Les amendements identiques nos 1204 à 1212 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 750 à 758 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Aux termes de cet amendement, l'audit des plateformes logiciels utilisées par l'ARJEL est effectué par une société indépendante.
Je ne doute pas que l'ARJEL jouira de nombreuses qualités professionnelles et capacités techniques : au titre de l'article 25, c'est du reste elle qui fixe les caractéristiques techniques des plateformes et logiciels de jeux. Mais le mode de fonctionnement collectif devrait exiger que l'audit de ces dispositifs soit confié à une société indépendante de l'ARJEL.
Si c'est bien de l'audit des logiciels que vous parlez, madame Fourneyron, c'est l'ARJEL qui s'en charge.
Elle en contrôle également la qualité au moyen d'une analyse régulière. Ces amendements sont donc déjà satisfaits par le projet de loi. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
(Les amendements identiques nos 750 à 758 ne sont pas adoptés.)
(L'article 11 est adopté.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 759 à 767 .
La parole est à M. Christian Hutin.
Il s'agit d'insérer après l'article 11 la division suivante : « Chapitre III bis – Lutte contre la fraude et le blanchiment. »
Ces amendements ne mangent pas de pain – même si nous aimerions, en l'espèce, que celui-ci soit particulièrement blanc ! Ils permettraient d'adresser un signal fort de notre volonté de lutter, par ce projet, contre la fraude et le blanchiment. La loi ne contenant rien de spécifique à ce sujet, il semble important d'y inscrire cette précision, surtout s'agissant d'un secteur aussi sensible.
Je me permets d'ajouter que nous parlons depuis le début de cette séance de l'avis motivé de la Commission européenne et de la volonté de revoyure dans dix-huit mois. Ne nous apprêtons-nous pas à voter une loi « à la revoyure » ? Cela pose problème. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, comment le Parlement sera-t-il informé dans dix-huit mois ? Cette loi est-elle définitive ? « Viens manger quand tu veux chez moi, mais je ne sais pas quand tu viendras » ; « viens manger à Bercy quand tu veux, mais je ne sais pas quand »…
Si c'est la revoyure dans dix-huit mois qui s'impose, cela me pose un petit problème. Comme le soulignait hier Gaëtan Gorce, la coopération chère à Jean-François Copé…
…n'a pas marqué ce projet de loi, dont nous aurions pourtant pu discuter bien en amont. Pourquoi voter une loi aujourd'hui, si nous devons y revenir dans dix-huit mois ?
Certes, il faut saluer le fait que, pour une fois, l'Union européenne n'emploie pas un terme technocratique – chez nous, dans le Dunkerquois, on dit « a noste kêe », « à la revoyure » –, mais quelles seront les modalités de cette revoyure dans dix-huit mois pour les parlementaires que nous sommes ?
Monsieur le député, vous avez pu constater que, depuis plusieurs heures, la discussion a permis quelques avancées. Vous avez le droit de ne pas les approuver, mais vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas d'évolution. Vous estimez d'ailleurs, dans le même temps, que les changements sont trop rapides et trop larges.
Une clause de revoyure paraît bel et bien nécessaire, car, dès qu'il s'agit d'internet, il vaut mieux se montrer humble et prudent. Dans dix-huit mois, nous y verrons plus clair sur les dispositifs de prévention et de contrôle. Aujourd'hui, ce texte est équilibré et protecteur : il permet d'ouvrir le marché des jeux en ligne de manière maîtrisée tout en protégeant les monopoles portant sur les jeux en dur. Dans dix-huit mois, divers rapports – celui de l'INSERM sur la prévalence, ceux de l'ARJEL, ceux du CSA et de l'ARPP – nous permettront de faire le point et de déterminer les évolutions nécessaires.
Vous ne pouvez dire qu'il s'agit d'un texte de revoyure, qui ne serait pas ancré dans la réalité. C'est vous, me semble-t-il, qui vivez dans le virtuel. Nous vous proposons de participer de manière positive à cette discussion avant de nous revoir dans dix-huit mois. À cet égard, je rappellerai que c'est sur votre proposition que le délai a été ramené de vingt-quatre à dix-huit mois, ce qui nous permettra de nous réunir plus rapidement.
Quant à votre proposition de mettre en exergue la lutte contre le blanchiment, je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée, comme pour la lutte contre l'addiction.
En ce qui concerne l'amendement lui-même, nous y sommes favorables.
Quant à la revoyure, je vous renvoie à l'article 58, qui prévoit qu'un rapport d'évaluation sera remis au Parlement. Le président de la commission des finances pourra inviter les ministres à s'expliquer devant les députés en commission et, si le besoin s'en fait sentir, le texte pourra évoluer.
(Les amendements identiques nos 759 à 767 sont adoptés.)
Monsieur le président, notre amendement porte sur une question d'ordre financier qui n'est pas directement liée à l'organisation des jeux en ligne, mais qui pose un problème connexe.
Dans son rapport, le rapporteur a fait connaître ses doutes quant à l'obligation du recours à un compte bancaire et quant à l'exclusion des établissements de paiement ou de monnaie électronique légalement autorisés à proposer des services de paiement, en vertu de la réglementation européenne.
La question des paiements a été envisagée sous l'angle du jeu et du contrôle, ce qui est légitime, mais il faut également la considérer du point de vue de l'organisation des organismes financiers afin de ne pas nuire au bon accomplissement d'objectifs antérieurs au projet de loi.
Le projet de loi établit une différenciation de traitement entre établissements financiers, qui risque d'être considérée comme discriminatoire par la Commission européenne car elle serait trop favorable aux établissements de crédit, reproche que nous avons toujours souhaité éviter.
L'objectif de la rédaction initiale était d'exclure, à juste raison, les moyens de paiement n'apportant pas un niveau suffisant de sécurité et de traçabilité des transactions, et de contribuer à mieux lutter contre la fraude et le blanchiment.
Afin d'éviter tout reproche de discrimination tout en intégrant les objectifs du projet de loi en matière de protection des joueurs, prioritaire pour nous tous, et de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent, cet amendement prévoit d'autoriser uniquement les moyens de paiement proposés par les établissements de crédit – banques et établissements de monnaie électronique – et les établissements de paiement légalement établis dans un État membre de la Communauté européenne, car leurs statuts financiers garantissent le respect de la réglementation bancaire, notamment de la réglementation anti-blanchiment.
Le compte du joueur ne pourrait ainsi être crédité que par son titulaire après saisie de ses codes d'accès.
L'ARJEL aurait toutefois le droit de procéder à un examen au cas par cas des moyens de paiement utilisables sur le site de jeu, notamment à l'occasion de la demande d'agrément de l'opérateur, afin de vérifier que ces moyens de paiement ne sont pas de nature à favoriser l'anonymat du parieur, ce qui constitue un élément essentiel à nos yeux.
Les dispositions proposées sont donc destinées à satisfaire les objectifs de protection de l'ordre public que veulent garantir le Gouvernement et le Parlement, dans le respect, d'une part, des règles bancaires françaises et européennes, qui visent à une harmonisation maximale des services de paiement, et, d'autre part, de l'objectif de la directive sur les services de paiement, qui vise à la mise en place d'un marché européen des services de paiement : il ne serait pas souhaitable d'aller à l'encontre de ces dynamiques.
Nous partageons ces objectifs d'identification du joueur et d'identification et de contrôle des flux financiers, dans le dessein de protéger les joueurs, ce qui constitue une priorité pour nous, et de lutter contre le blanchiment.
Cela dit, monsieur le député, je vous propose de retirer votre amendement au profit de l'amendement n° 1352 du Gouvernement, qui, plus en phase avec le droit communautaire, permet de couvrir tout le champ des moyens de paiement. Il s'agit d'identifier au mieux celles et ceux qui pourraient se cacher derrière des comptes anonymes.
Je vous remercie, monsieur Censi, d'avoir pointé du doigt un vrai problème, qui n'est pas uniquement technique mais se rapporte au fonctionnement des organismes financiers. Cela dit, je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement.
L'amendement du Gouvernement, que je n'ai pas eu le temps de lire de manière approfondie, s'attaque en effet aux mêmes problèmes et – à moins que le diable ne se cache dans les détails – me paraît proposer des solutions semblables.
Je retire mon amendement, monsieur le président.
(L'amendement n° 605 est retiré.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 768 à 776 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Nous avons tous à coeur la question des moyens de paiement utilisés par les joueurs à la fois pour leurs paris et pour leurs gains, et nous sommes tous soucieux de trouver une solution à la question de l'anonymat lié aux comptes virtuels, comptes PayPal et autres cartes prépayées, qui ont accompagné le développement du commerce électronique.
Nos amendements poursuivent deux objectifs. Il s'agit d'une part d'établir un suivi des modalités de paiement et une traçabilité des transactions tout en respectant la directive européenne qui assimile ces établissements de paiement électronique aux établissements de crédit.
Il s'agit d'autre part de garantir une régularité du paiement pour l'ensemble des parieurs.
Je comprends, monsieur le rapporteur. Je retire ces amendements.
(Les amendements nos 768 à 776 sont retirés.)
Peut-être certains d'entre vous se souviennent-ils de Deeper Blue, l'ordinateur qui avait battu Garry Kasparov, détenteur du titre de champion du monde d'échecs pendant quinze ans.
Derrière les paris, il doit y avoir des hommes, non des robots, et les calculs statistiques que pourraient faire les plus matheux des parieurs ne doivent pas affronter ceux des machines à calculer. Il s'agit donc, par cet amendement, de s'assurer que tous les joueurs sont bien des personnes physiques.
Nous sommes favorables à cette proposition qui vient compléter le dispositif proposé par Yves Censi et Jacques Myard, visant à limiter les tables de poker aux joueurs inscrits sur des sites ayant obtenu l'agrément.
Certes, il y aura toujours des petits malins, mais cette double protection permettra d'éviter, avec une grande efficacité, qu'un robot ne vienne prendre la place d'une personne physique.
Il s'agit d'un excellent amendement. Pour tout vous dire, nous y avions pensé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous souhaitions en effet inscrire cette disposition dans le règlement de l'ARJEL, mais peut-être vaut-il mieux la faire figurer dans la loi.
Je me suis rattrapé à temps ! (Sourires.)
Cet amendement est utile. Nous avons rappelé que des robots pouvaient en effet participer aux parties.
À ce stade de la discussion, je voulais cependant appeler l'attention du Gouvernement sur un dispositif qu'il faudra peut-être prévoir à terme, après le vote de ce texte.
Dans les parties de poker en ligne, des joueurs professionnels viennent se mêler aux joueurs amateurs. Y aurait-il moyen de distinguer ces catégories de joueurs, comme c'est le cas pour le sport, où amateurs et professionnels ne s'affrontent pas en compétition ?
Il faut savoir que, sur certains sites, des joueurs professionnels jouent sur vingt à vingt-cinq tables en même temps, avec la capacité de compter les cartes beaucoup plus vite qu'un amateur et de multiplier les possibilités de gain.
Il y aurait matière à réflexion, soit dans le cadre de l'ARJEL, soit dans le rapport d'évaluation qui sera remis dans quelques mois. Aujourd'hui, il est en effet impossible de savoir, quand vous prenez part à une partie en ligne, si vous avez en face de vous un professionnel ou un amateur, ce qui biaise le jeu.
S'il n'est pas très facile de savoir qui est professionnel et qui ne l'est pas, on peut penser qu'un débutant ne jouera pas au poker sur une table où les mises sont très importantes.
(Les amendements identiques nos 777 à 785 sont adoptés.)
Avant la loi, nous sommes dans le chaos et l'illégalité. Dès sa promulgation, nous serons dans le monde légal, policé et concurrentiel dans les meilleures conditions possibles. Cet amendement vise à éviter que les opérateurs illégaux profitent des avantages mal acquis dans l'approvisionnement initial des fichiers des joueurs. C'est pour établir une certaine concurrence loyale ab initio, c'est-à-dire lors de la promulgation de la loi, que nous proposons d'imposer la suppression des fichiers de clients constitués illégalement.
Le dispositif que je propose, et qui vient d'être excellemment défendu par M. Myard, n'est pas contradictoire avec la discussion que nous avons eue tout à l'heure à propos des inscriptions et des informations. Il faudra faire attention aux informations qui seront absolument nécessaires.
Avec cet amendement, on remet les pendules à l'heure, afin d'éviter une faille qui serait dommageable pour le modèle, pour les joueurs et pour les nouveaux opérateurs qui entreront sur le marché lorsque la loi sera votée.
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 786 à 794 .
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
Ils sont défendus.
(Les amendements identiques nos 786 à 794 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Cet amendement vise à éviter qu'un joueur qui était inscrit sur un site illégal soit réinscrit automatiquement sur un nouveau site et pris en compte comme un nouveau joueur alors qu'il ne l'est pas. Voilà pourquoi nous demandons qu'il soit inscrit à sa demande expresse, à l'exclusion de toute procédure automatique.
Nous proposons, là encore, de mettre les pendules à l'heure.
Cet amendement, auquel je faisais référence tout à l'heure lors de la discussion que nous avons eue avec M. Censi, a trois objets.
Le premier tient à la mise en conformité du texte avec la directive européenne sur les services de paiement et l'accord sur l'espace économique européen.
Votre commission des finances avait soulevé la question de la discrimination faite aux établissements de paiement et de monnaie électronique. Je vous propose de remplacer les notions de « compte bancaire » et « d'établissement de crédit » par celles de « compte de paiement » et de « prestataire de services de paiement ». Ces notions se réfèrent au code monétaire et financier, modifié pour transposer la directive sur les services de paiement.
Par ailleurs, je vous propose d'étendre le champ aux prestataires de services de paiement des États parties à l'accord sur l'espace économique européen, pour respecter cet accord, sous réserve que ces États aient conclu une convention d'assistance avec la France.
Le deuxième objet de cet amendement tient aux modalités d'approvisionnement du compte joueur. Je m'étais engagé auprès de votre commission à revoir, à l'heure de l'économie numérique, la question des moyens de paiement. Cette question est également soulevée par certains d'entre vous, à travers un amendement de M. Perruchot et de M. de Courson.
La version qui avait été présentée à la commission des finances l'était à titre conservatoire, dans l'attente d'une expertise de la transposition de la directive sur les services de paiement. Là encore, conformément à cette directive, je vous propose d'autoriser tous les moyens de paiement sous deux conditions, compte tenu des risques de fraude et de blanchiment que l'on peut craindre dans ce secteur spécifique des jeux.
La première condition est que le moyen de paiement utilisé soit directement adossé à un compte de paiement ; la seconde est que le chèque soit finalement exclu puisqu'il peut constituer un facteur de fraude supplémentaire et ne peut garantir une traçabilité certaine. Je ne pense d'ailleurs pas que l'exclusion des chèques gêne beaucoup d'internautes qui n'en font pas beaucoup.
L'adossement à un compte de paiement permettra de garantir, d'abord l'identification systématique et au premier euro de son titulaire, ensuite l'absence d'espèces dans le circuit « compte de paiement-compte de joueur-compte de paiement », enfin une traçabilité exhaustive des flux vers ou en provenance de ces comptes, ce qui est un axe majeur d'une lutte pragmatique contre la fraude et le blanchiment.
Le troisième objet de cet amendement tient à la sécurisation renforcée du reversement des avoirs au joueur. C'est bien à ce niveau crucial que se situe le risque de blanchiment.
Le principe d'un compte unique de reversement ouvert au nom du joueur est maintenu. Mais je propose que les reversements ne puissent être opérés que par virement pour assurer une meilleure traçabilité des flux, ce qui élimine le chèque, mais cette exclusion est légitime dans la mesure où, comme je vous l'ai dit, le chèque ne garantit aucune traçabilité certaine. Cela exclut également la carte bancaire, mais, de fait, le reversement des gains par carte bancaire n'est d'ores et déjà pas possible pour certains systèmes de cartes bancaires, par exemple ceux qui ne recréditent pas les comptes au-delà du montant initial payé.
Tels sont les objets de l'amendement que je vous présente au nom du Gouvernement, conformément aux engagements que j'avais pris devant la commission des finances.
Ces objets sont techniques, mais portent sur un élément très important de sécurisation des modes de paiement.
Nous souhaitons une harmonisation européenne des établissements bancaires. Cet amendement apporte un certain nombre de précisions. Ainsi, il établit que « le compte joueur ne peut être crédité que par son titulaire au titre des approvisionnements qu'il réalise » ou « que l'approvisionnement d'un compte joueur par son titulaire ne peut être réalisé que par l'utilisation de moyens de paiement émis par un établissement de crédit ou un établissement de paiement établis dans un État membre de la Communauté européenne », comme la carte bancaire, le virement bancaire, le chèque et la monnaie électronique. Il s'agit de respecter un principe de non-discrimination défini par la Communauté européenne.
Je me demande toutefois si l'amendement que nous avons adopté tout à l'heure ne fait pas tomber le présent amendement.
Je pense que l'amendement de M. Censi est satisfait par l'amendement du Gouvernement.
L'amendement n° 1352 règle la question de PayPal, évoquée par Mme Fourneyron. Ce dispositif de paiement reconnu doit trouver sa place, dès lors que nous avons toujours la capacité d'identifier le compte personnel du joueur et les flux financiers entre le compte personnel et le compte joueur.
Vous laissiez entendre que PayPal était un dispositif totalement anonyme. Il l'est par nature. Mais, pour avoir écouté attentivement leurs représentants – et je vous invite d'ailleurs à faire de même –, je sais qu'ils n'accordent à leur client l'autorisation de verser de l'argent sur le compte joueur d'un opérateur de jeux en ligne que s'ils ont signé un accord avec cet opérateur et après avoir vérifié divers principes de collaboration et de transparence des fonds. Paradoxalement, cela rend plus facile la traçabilité des fonds et permettra à l'ARJEL, si nécessaire, de vérifier quels sont les flux financiers. Elle le fera, par exemple, avec l'aide de Tracfin dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent.
(L'amendement n° 1352 est adopté.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 822 à 830 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Ils sont défendus.
(Les amendements identiques nos 822 à 830 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
L'article 14 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 14 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel n° 121 de M. le rapporteur.
(L'amendement n° 121 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 849 à 857 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Avec l'amendement n° 849 , nous proposons que l'agrément pouvant bénéficier aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne soit délivré par l'ARJEL pour une durée de deux ans, et non de cinq ans, ce qui paraît trop long. Il serait en effet souhaitable de disposer au bout de deux ans de divers éléments d'analyse et d'évaluation, comme l'article 58 le permettra au bout de dix-huit mois pour ce texte, afin de pouvoir, le cas échéant, renouveler l'agrément dans un délai plus bref.
Cinq ans, en particulier pour les nouveaux entrants, c'est une bonne période d'amortissement – je parle pour un opérateur qui répond au cahier des charges présenté par l'ARJEL et qui se comporte correctement pendant ce délai.
De surcroît, vous le savez, une certification, qui sera réactualisée annuellement, permettra à des sociétés indépendantes, dont la liste sera dressée par décret, d'apporter une validation technologique et de contrôler que l'opérateur qui, dans un premier temps, investit, actualise lui-même sa capacité à générer des paris et à vérifier que l'ensemble du dispositif répond bien, encore et toujours, au cahier des charges.
En cas de problème, l'ARJEL pourra infliger des sanctions, suspendre, voire retirer l'agrément délivré pour cinq ans.
Les pouvoirs de contrôle et de sanction de l'ARJEL permettent de maintenir ce délai qui me paraît assez équilibré au regard de l'investissement nécessaire.
Une durée de deux ans serait en effet trop courte. On ne peut pas ouvrir un marché pour un délai inférieur à cinq ans, d'autant plus qu'une clause permettra de rythmer cette durée. Les licences ne sont accordées pour cinq ans qu'à condition que le cahier des charges soit respecté. Dans le cas contraire, l'ARJEL peut les retirer à tout moment.
Le dispositif se tient : cinq ans si le cahier des charges est respecté, clause de revoyure au bout de dix-huit mois et la possibilité de retirer à tout moment l'agrément en cas de non-respect des clauses qui ont conditionné sa délivrance.
(Les amendements identiques nos 849 à 857 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 28 .
La parole est à M. Jean-Jacques Guillet.
Il s'agit d'un amendement de précision et de cohérence, notamment avec le sous-amendement que vient de présenter le Gouvernement à l'amendement n° 45 rectifié de M. Myard et M. Censi, et qui visait non seulement les États, mais également les territoires dépendants ou associés de la Communauté européenne.
L'article 16 ne vise, en son alinéa 3, que les États de la Communauté européenne ou ceux participant à l'espace économique européen, mais pas les territoires, pourtant évoqués à l'alinéa suivant, même s'il ne s'agit que d'une formulation négative. Il serait plus cohérent et plus clair d'intégrer les États dépendants ou associés à l'Union européenne dès le premier alinéa.
Vous avez raison, monsieur Guillet, de parler de cohérence. Nous avons eu l'occasion, avant le débat sur l'amendement n° 28 , de proposer cette double étape. Un opérateur ne pourra s'installer en France qu'à condition, tout d'abord, d'avoir établi son siège social soit dans un État membre de l'Union européenne, soit dans un autre État partie à l'accord sur l'espace économique européen ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Certains pays, comme la Suisse ou le Liechtenstein, ne font pas partie de ce dispositif. Par ailleurs, le siège social de l'opérateur ne doit pas être établi dans un État ou un territoire qui apparaîtrait sur une liste, que l'on appellera pour le moment « liste OCDE », et qui reste encore à « stabiliser », pour reprendre le terme du ministre.
Le dispositif, aujourd'hui stabilisé, permet d'opérer ce double filtrage. Il est important, si l'on veut une ouverture maîtrisée et régulée des jeux en ligne à la concurrence, de nous en tenir là. Dans dix-huit mois, une clause de revoyure – je vois que cela fait sourire nos collègues socialistes – nous permettra de mesurer l'efficacité de ces mesures.
D'après les textes votés, un établissement ne saurait établir son siège dans les îles anglo-normandes, puisqu'elles ne font pas partie de l'espace économique européen ni de l'Union européenne. En revanche, il peut y installer son équipement, si ces îles ne sont pas considérées comme des paradis fiscaux au sens de l'OCDE. Dans le cas contraire, il ne pourrait pas y installer non plus son équipement. Ainsi, les entreprises implantées dans des pays qui ne figurent plus sur la liste des paradis fiscaux peuvent y laisser leur équipement, mais elles ne peuvent pas y avoir leur adresse juridique. Elles peuvent déménager : ce serait d'ailleurs plus simple que d'adapter la loi française.
La directive anti-blanchiment ne s'impose qu'aux États membres de la Communauté européenne ou de l'espace économique européen. Il est évident que nous souhaitons qu'elle s'applique aussi dans le cadre des risques liés à ce type d'activité.
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 858 à 866 .
La parole est à M. Christian Hutin.
Le rapport particulièrement brillant sur les paradis fiscaux rédigé par M. le rapporteur général Gilles Carrez et MM. Didier Migaud, Jean-Pierre Brard, Henri Emmanuelli, Jean-François Mancel et Nicolas Perruchot, fait état d'une nouvelle rédaction, issue de l'article 52 de la loi de finances rectificatives pour 2008 portant sur « l'existence d'une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires ».
Dans ce contexte, l'amendement n° 858 tend à compléter l'alinéa 3 de l'article 16 par les mots suivants : « permettant l'accès aux renseignements bancaires ».
Nous avons déjà eu ce débat. Nous avons à peu près défini, avec ce double filtre, quels étaient les États dans lesquels pouvaient résider les opérateurs qui demandent l'agrément. Le dispositif étant stabilisé, il doit pouvoir être efficace et nous permettre d'obtenir les renseignements nécessaires.
(Les amendements identiques nos 858 à 866 , repoussés pas le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 867 à 875 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Il ne nous semble pas sain que, au nom de la diversification de leur activité et de la rentabilité, des groupes de médias ou de télécommunications puissent prendre des parts ou détenir en totalité des sociétés de paris et de jeux en ligne. L'éthique régissant ce dispositif et cette loi doit être la même que celle de la Française des Jeux qui s'interdisait les paris sur le Tour de France, ou du groupe Canal Plus dont je vous lis un récent communiqué : « Canal plus étant détenteur des principaux droits du football français, son patron estime que sa chaîne risque d'être juge et partie si elle propose aussi une offre de paris en ligne. ». C'est bien ce risque que nous dénonçons. Il ne serait pas satisfaisant que des opérateurs de jeux et de paris en ligne puissent obtenir l'agrément alors que tout ou partie de leur capital est détenu par des groupes de médias ou de télécommunications.
Nous avons déjà parlé, ce matin, de la possibilité pour des groupes de médias d'être eux-mêmes opérateurs. M. Gorce citait le cas d'opérateurs propriétaires de clubs. Aujourd'hui, M6 est majoritaire dans le club de Bordeaux, le groupe Vivendi, au sens large du terme, l'était dans le PSG. À aucun moment il n'y a eu d'interférence entre le cours du jeu, la préparation des équipes, les résultats du PSG et la situation économique et sociale de Vivendi et de Canal Plus.
Nous devons nous fonder sur ces relations transparentes, que j'estime saines, et ne pas nous bloquer. Cette diversification et la présence d'opérateurs français sur notre sol sont une bonne chose. Si nous interdisons aux propriétaires de clubs d'accéder aux terrains de jeux sur internet, nous n'aurons plus, sur le sol français, que des opérateurs étrangers. Ce n'est pas ainsi que nous renforcerons notre dynamisme économique.
Enfin, madame Fourneyron, demandez donc à M. Méheut, patron de Canal Plus, si le fait d'être propriétaire exclusif des droits de la Ligue 1 lui interdit de créer des émissions réservées au pronostic – il s'y prépare –, qui se dérouleront avant, pendant et après le match. En effet, des groupes travaillent sur l'ensemble de ces secteurs, sans pour autant intervenir sur le champ du jeu. Ce qui est interdit, et nous sommes tous d'accord sur ce point, c'est que des acteurs du jeu puissent accéder aux paris. Nous y serons attentifs, l'ensemble du mouvement sportif aussi.
Sur le principe, je ne vois pas en quoi il serait gênant qu'un opérateur de télévision détienne en même temps tout ou partie du capital d'un opérateur de jeux. En cela, je ne vois pas vraiment de conflit d'intérêts. D'ailleurs, je trouve que ce texte réduit les conflits d'intérêts. Prenons l'exemple de la Française des Jeux : elle a une équipe de coureurs cyclistes mais n'organise pas pour autant de paris sportifs sur le Tour de France, alors que la législation actuelle lui permettrait de le faire.
À l'avenir, si vous adoptez ce texte, elle ne pourra pas le faire, puisqu'il est clairement indiqué à l'article 23 : « Il est interdit à tout opérateur de jeux en ligne agréé conformément à l'article 16 de détenir le contrôle au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, directement ou indirectement, d'un organisateur ou d'une partie prenante à une compétition ou manifestation sportive sur laquelle il organise des paris. »
Nous sommes dans une logique très précise où les conflits d'intérêts sont bien définis. On ne peut pas dire qu'il existe a priori un conflit d'intérêts quand un groupe de médias détient une société organisant des paris C'est pourquoi je donne un avis défavorable à ces amendements.
Pardonnez-moi de revenir à la charge sur ce sujet. Si nous étions les seuls à défendre ce point de vue, nous pourrions finir par douter. Néanmoins, il ne suffit pas que le rapporteur s'escrime – c'est bien son talent – à nous convaincre, pour aboutir à ce résultat.
Pourquoi ? Nous observons d'abord que vous avez changé de point de vue, monsieur le rapporteur. Lors des débats en commission, nous avions présenté un premier amendement – sans doute mal formulé et mal écrit – qui posait ce problème de cumul de la détention de droits exclusifs de retransmission avec l'organisation de paris ou le contrôle d'un organisateur et avec la participation dans un club. Vous étiez alors vous-même convenu que ce cumul posait un véritable problème et que, si la rédaction de l'amendement était différente, il serait envisageable de l'adopter.
Vous aviez donc reconnu qu'il y avait un problème ; aujourd'hui vous dites qu'il n'y en a pas et que vous ne voyez pas l'intérêt de poser la question. S'il y a un problème, il faut trouver une réponse. Si notre amendement ne permet pas d'y parvenir, il faut que nous en cherchions une.
Ma seconde observation se fonde sur un élément nouveau : l'un des responsables de l'un des groupes les plus concernés, en l'occurrence Canal Plus, soulève lui-même le problème. Pour le coup, nous ne sommes pas dans le virtuel, mais totalement dans le réel. Si quelqu'un est bien concerné et possède une compétence et un savoir-faire sur le sujet, c'est bien le responsable de Canal Plus, son président, qui dit : il y a un risque et, d'un point de vue éthique, il n'est pas normal que nous puissions avoir le bénéfice de ces différents droits. Par conséquent, aidons-les – lui et ses concurrents – à respecter une meilleure éthique encore : adoptons une disposition qui écarte tout risque.
D'ailleurs, vous ne pouvez pas comparer la situation future avec celle qui prévalait avant quand n'existaient que deux interlocuteurs : un opérateur de télévision et un club. Entre les deux se situe maintenant un organisateur de paris sur lesquels viennent se greffer des enjeux financiers. La donne n'est plus du tout la même. Ce matin, à ma grande surprise, vous m'avez dit que vous ne voyiez pas où était le problème, monsieur le ministre. À l'évidence, il y a un problème et je ne suis plus le seul à le dire : le rapporteur, M. Méheut reconnaissent cette situation.
Reportons-nous à ce qui est devenu la bible de ce débat, si vous me permettez cette expression : l'arrêt Santa Casa du 8 septembre 2009 de la CJCE, auquel tout le monde se réfère depuis hier soir. La disposition 71 de cet arrêt ne vise pas explicitement la question du contrôle du capital, mais en pose une finalement assez voisine sur un sujet à la limite moins sensible que celui que j'évoque. L'arrêt indique en effet : « Par ailleurs, ne saurait être exclue la possibilité qu'un opérateur qui parraine certaines des compétitions sportives sur lesquelles il prend des paris ainsi que certaines des équipes participant à ces compétitions se trouve dans une situation qui lui permette d'influencer directement ou indirectement le résultat de celles-ci et ainsi d'augmenter ses profits. » C'est donc bien la question de l'augmentation du profit.
L'arrêt Santa Casa nous met en garde sur le parrainage, un sujet en retrait par rapport à celui que nous soulevons quant à nous sur le contrôle du capital et la propriété des sociétés concernées. Même lorsqu'il se pose de manière plus marginale, plus périphérique, ce problème est néanmoins soulevé, y compris par les autorités judiciaires européennes.
Je souhaiterais donc que le Gouvernement et le rapporteur prennent en compte ce grave et important problème qui va fausser la concurrence entre les différents opérateurs et créer des situations où les conflits d'intérêts risquent d'être permanents.
Vous souhaitez une clarification ; vous devez aller au bout de cette clarification. Je comprends bien que cela va mettre en colère certains grands groupes qui ont déjà décidé d'investir dans des sociétés de paris. Mais l'intérêt général prévaut face à la pression exercée par ces grands groupes et face aux demandes qu'ils expriment. Nous devons d'abord prendre en compte ce qui va d'abord avoir des conséquences sur notre intérêt public, notre ordre public.
Nous insistons sur cette question parce qu'elle est essentielle, et que la manière dont vous y répondrez – acceptation ou refus du cumul – traduit un état d'esprit. Nous ne sommes pas les seuls à la poser. Nous voudrions être sûrs que cette loi répond bien à l'objectif que vous voulez lui fixer : ne pas trop céder aux opérateurs privés et à des gens qui veulent faire des profits, et donc mettre les protections nécessaires.
Depuis le début de l'après-midi, ceux qui se sont le plus exprimés en la matière sont des députés de votre majorité. Je n'ai pas besoin de les citer, nombre d'entre eux sont encore présents dans l'hémicycle. À plusieurs reprises, ils se sont levés pour demander des garanties supplémentaires. Ils l'ont fait hier à propos des paris à cote fixe ; ils vous ont fait bouger – avec notre soutien – sur les bourses d'échanges ou sur d'autres aspects, telle l'implantation des équipements.
Autrement dit, l'inquiétude existe, et pas seulement dans l'opposition ; elle est partagée sur tous ces bancs. À ce stade, nous touchons à un point éminemment symbolique. J'insiste : nous ne souhaitons pas voir des situations où un même groupe financier pourra contrôler à la fois une équipe, les droits de retransmission d'un match, un opérateur de paris. Je pense que cette situation n'est pas saine.
Nous acceptons de bouger. Depuis ce matin, nous avons approuvé certains amendements proposés par des parlementaires qui ont bien analysé le texte et effectué un travail énorme sur ce type de sujet. Heureusement que l'on peut parler, comme on l'a fait en commission des finances. S'il faut faire évoluer le texte du Gouvernement, faisons-le ! Il n'y a aucun tabou. Le texte est fait pour cela.
Cela étant, ce n'est pas une raison pour le bouleverser, ce qui voudrait dire que l'on se met à douter du modèle proposé. Pour ma part, je ne doute pas de ce modèle que j'estime à la fois sûr et apte à prendre en compte une évolution nécessaire. Nous avons besoin d'un cadre régulé, ce dont nous avons débattu pendant de nombreuses heures depuis hier.
L'inquiétude est naturelle. Nous faisons bouger les choses de façon pour le moins significative, si je m'en réfère aux propos tenus par Jacques Myard à plusieurs reprises. Il s'agit d'une évolution vraiment significative, entre jungle et prohibition, disais-je hier. Comment essayer de réguler tout cela ? Il est normal qu'il y ait de l'inquiétude et logique qu'on se pose des questions : nous ne savons pas comment cela peut se passer puisque nous mettons en place un système nouveau.
Nous allons créer l'Autorité de régulation des jeux en ligne et donner des agréments. Il est assez logique de s'interroger sur la manière dont les choses vont se passer et c'est pourquoi nous avons prévu une clause de revoyure. Nous ne pensons pas avoir la science infuse, et nous n'imaginons pas que tout sera parfait tout de suite, dès le premier jour. Cela n'a jamais été le cas sur aucun marché entrant dans une phase de régulation. Nous nous donnons la possibilité de changer les choses relativement vite. Mais nous sommes dans un état d'esprit à la fois ouvert et vigilant.
Faites aussi attention lorsque vous citez Canal Plus et son président pour montrer que votre inquiétude est partagée. J'ai beaucoup de respect pour cette entreprise, je n'ai aucun contentieux avec ses dirigeants, tout va très bien. Cependant, elle défend ses intérêts, comme tout le monde : elle a décidé de ne pas aller sur ce marché pour un certain nombre de raisons, et elle souhaite que les autres n'y aillent pas non plus. Tous essaient d'instrumentaliser, en fonction de leurs intérêts. Je ne leur jette pas la pierre. Je trouve cela normal de la part de Canal Plus et j'agirais de même si j'étais le président de cette société, compte tenu des choix stratégiques qui sont les siens et que je respecte.
Cela étant, est-ce que nous devons nous laisser instrumentaliser, faire le jeu de l'un par rapport à l'autre ? Vous nous reprochez de céder à la pression. Pour ma part, au contraire, je pense que j'ai gardé suffisamment de distance pour ne pas céder à la pression. Faites attention de ne pas y céder vous-même !
Ce même groupe a créé une société d'organisation d'événements sportifs. Cela ne la dérange pas de diffuser ses événements sur ses propres chaînes.
C'est la chaîne qui a mis en avant le poker et qui diffuse le plus d'émissions consacrées à ce jeu. Ne me dites pas qu'il y a d'un côté une société parfaitement vertueuse, une référence, et de l'autre des sociétés dont on peut penser qu'elles ne le sont pas tellement, au risque de relancer le fameux débat sur la suspicion auquel nous n'avons pas échappé hier. Nous y avons échappé aujourd'hui, ce qui nous permet de débattre sérieusement.
Monsieur Gorce, je voudrais rétablir un peu la vérité. Je vais lire la discussion que nous avons eue sur l'amendement n° 122 , qui faisait effectivement référence à ces possibles conflits d'intérêts.
Vous me disiez : « Afin d'éviter les conflits d'intérêts nous proposons, par cet amendement, que les sociétés détenant une autorisation d'exploitation de canaux de télévision et de radio, ne puissent participer au capital d'un opérateur de jeux et de paris. » C'est bien le sujet, monsieur Gorce ?
Je vous répondais : « Cet amendement me semble excessivement restrictif. Je ne vois pas ce qui interdirait à un diffuseur d'être, d'une façon ou d'une autre, opérateur. Pourquoi, dans ce cas, lui permettre d'acquérir des droits audiovisuels sur les événements sportifs ? » Et je confirmais : « Avis défavorable. » Ne me faites donc pas dire ce que je n'ai pas dit.
En revanche, je m'interrogeais – j'en ai encore fait état hier soir – sur la détention de manière exclusive du droit de diffusion audiovisuelle couplé à cette capacité d'organiser des paris. Or nous avons réglé le problème grâce à l'article 52, qui permet à une fédération sportive de décider elle-même de la destination de ce double droit – sachant que le droit aux paris ne peut pas être exclusif.
Monsieur Gorce, je peux vous assurer que toutes les fédérations sportives ont déjà bien fait la part des choses dans leurs propositions de contrat ou dans les avenants à ces contrats. Elles seront particulièrement vigilantes.
À mon tour, je signale que le champ des paris n'entre pas dans la stratégie de développement de Canal Plus et de Vivendi, comme me l'ont indiqué les responsables de ces entreprises. Évidemment, ils la jouent fine, et vous parlent d'éthique.
C'est vraiment bien joué, mais cela s'appelle de la désinformation, et je vous pensais un peu plus perspicace, monsieur Gorce !
Bref, vous préférez TF1 !
(Les amendements identiques nos 867 à 875 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 1168 à 1176 .
Ils sont défendus.
(Les amendements identiques nos 1168 à 1176 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 1177 à 1185 .
Ils sont également défendus.
(Les amendements identiques nos 1177 à 1185 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 1186 à 1194 , qui sont défendus.
(Les amendements identiques nos 1186 à 1194 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Nous revenons au contrôle des opérateurs qui ont possédé une activité dans le champ illégal et demandent une accréditation à l'ARJEL.
Cet amendement stipule : « Ne peuvent obtenir l'agrément prévu au I que les personnes, autres que celles visées à l'article 57, n'ayant eu aucune activité d'opérateur de jeux ou de paris en ligne à destination de joueurs résidant en France à compter de la promulgation de la présente loi. » Il confirme que, à partir du moment où la loi entre en application, tout opérateur n'ayant pas d'accréditation est considéré comme illégal. J'espère que nous sommes d'accord là-dessus, et cela vaut le coup de l'écrire.
S'agissant des personnes ayant eu auparavant une activité d'opérateurs de jeux ou de paris en ligne à destination de joueurs résidant en France, l'amendement précise : « La décision d'octroi d'agrément est suspendue jusqu'à la fourniture par ceux-ci de la justification de la clôture des comptes de ces joueurs. »
Cet amendement fait suite aux amendements identiques que nous avions déposés Jacques Myard et moi-même. Il apporte une précision d'importance : à partir du moment où un opérateur a développé une activité en violation de la loi, la décision d'octroi d'agrément n'est pas accordée tant qu'il ne fournit pas la justification de la clôture des comptes de ses joueurs.
Le contrôle sur pièces est un point essentiel sans lequel, je le crains, nos souhaits concernant l'offre légale resteront des voeux pieux.
Nous poursuivons la discussion engagée avec l'amendement n° 616 , par lequel, monsieur Censi, vous souhaitiez que les opérateurs fournissent des données afin d'envisager d'éventuelles sanctions.
L'option que vous proposez, bien que différente, n'est pas forcément antinomique avec la nôtre, puisqu'elle revient à n'accorder l'agrément qu'une fois le compte fermé ; le projet de loi, lui, prévoit de rendre légale l'offre de tout opérateur ayant obtenu la première phase d'agrément et fermé un site illégal doté, par exemple, d'une extension « .com » au profit d'une extension « .fr », de sorte que les internautes ayant joué sur le premier puissent ouvrir un nouveau compte sur le second, sans que cette réinitialisation soit automatique. Notre différence d'appréciation tient donc à l'efficacité de la loi, laquelle, selon nous, doit protéger le plus grand nombre de joueurs le plus rapidement possible.
Ma crainte, partagée par beaucoup d'entre nous, est que de trop nombreux sites restent dans l'illégalité et que le présent texte n'atteigne pas ses objectifs de protection des joueurs. Je préfère donc l'option du Gouvernement, car je suis convaincu de son efficacité.
En revanche, si un opérateur manque à son obligation de proposer à un joueur la clôture de son ancien compte au profit d'un nouveau compte sous l'extension « .fr » – compte sur lequel ledit client effectuera un nouveau versement –, l'ARJEL, j'en suis d'accord, doit prononcer une sanction immédiate.
J'ai déjà indiqué à M. Censi que, si l'on pouvait accepter l'un de ses trois amendements sur le sujet, je n'approuvais pas celui dont nous discutons : toute condamnation rendra impossible la délivrance de l'agrément, mais cela relève d'une décision de justice.
J'ajoute que le texte permet, pendant le temps nécessaire à sa promulgation, de geler l'instruction des dossiers d'accréditation des opérateurs qui ne respecteraient pas la nouvelle législation, lesquels s'exposent bien sûr également à une condamnation ultérieure. Le dispositif prévu me semble donc solide.
Nous en sommes à mon troisième amendement sur ce point, le deuxième, monsieur le ministre, ayant en effet été adopté. Il ne s'agit pas de s'en remettre aux juges, mais de définir la procédure la plus claire, la plus équitable et la plus efficace.
J'ai comme vous le respect de la loi. Passe encore, même si c'est douloureux, d'entendre dire qu'il est difficile de poursuivre les opérateurs illégaux et qu'il faut attendre le vote du projet de loi, mais, dès lors que ce sera chose faite, on peut au moins espérer un bon encadrement du système.
L'amendement défend une idée très simple : ne peuvent obtenir l'agrément que les opérateurs qui ne sont pas encore en activité au moment où la loi est promulguée, les autres étant par définition illégaux. Il n'y a pas de zone grise en la matière : ou l'on est dans les clous, ou l'on n'y est pas. Cette disposition s'apparente par ailleurs à n'importe quelle procédure administrative, qui subordonne tout droit à la production préalable de pièces. Le texte prévoit que les comptes doivent être clôturés ; le moyen le plus efficace que je connaisse, notamment pour éviter les tentatives de contourner la procédure, est de fournir une pièce justifiant que les joueurs ont clôturé leur compte. Si vous m'expliquiez le contraire, la cohérence de la procédure m'échapperait.
(L'amendement n° 618 est adopté.)
(L'article 16, amendé, est adopté.)
Sur l'article 17, je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 351 à 359 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Le texte vise à éviter le maintien dans l'illégalité de certains opérateurs ; mais ce n'est pas une raison pour leur dérouler le tapis rouge. Dans cet esprit, nos amendements identiques interdiraient à ces derniers de réutiliser les fichiers de leurs clients, réutilisation qui leur procurerait un avantage concurrentiel sur les opérateurs entrant sur le marché dans le cadre de la législation nouvelle.
La disposition relative à l'actualisation annuelle de la certification, que j'évoquais tout à l'heure, me semble satisfaire cet amendement.
L'amendement est satisfait par la remise à zéro des comptes des joueurs.
Oui : celui-ci ne concerne pas la remise à zéro des comptes, mais l'utilisation des fichiers de joueurs des opérateurs illégaux.
(Les amendements identiques nos 351 à 359 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 360 à 368 .
La parole est à M. Christian Hutin.
Nous avions déposé ces amendements de repli car nous ne pensions pas que l'amendement n° 618 de M. Censi – amendement juste, républicain, tout à fait légitime dans notre enceinte – serait adopté.
Nous sommes tous fort mal à l'aise avec l'idée que des sociétés ou des personnes ayant exercé pendant des années une activité illégale viendront solliciter l'ARJEL dans quelques mois. Loin de se cacher, ces opérateurs ont exercé au vu et au su de tous, faisant de la publicité jusqu'à récemment encore. Depuis deux ans, on trouve ainsi dans notre pays des sociétés, financées par des actionnaires, qui exercent une activité illégale : que faudra-t-il faire, lorsque ces mains pas très propres viendront frapper à la porte de l'ARJEL ? Les laver puis donner l'agrément ? C'est là un problème essentiel.
Lors de la discussion générale, j'ai rappelé que les maires demandaient des références aux sociétés candidates à un marché public : quel entrepreneur en obtiendrait un alors que, depuis deux ou trois ans, il exerce une activité illégale au vu et au su de tous, sans payer d'impôts ?
Bien que mon amendement soit de repli, je le maintiens. Puisque M. Woerth s'est engagé dans la lutte contre la fraude fiscale, demander un rappel fiscal aux sociétés illégales qui solliciteront le sésame de l'agrément serait bien la moindre des choses.
Rien n'empêche les contrôles fiscaux. Avis défavorable.
Les bases sont très simples, monsieur le rapporteur : certaines personnes, qui ont envoyé illégalement de l'argent à l'étranger, trouvent pourtant un arrangement.
Je ne vous comprends pas, monsieur Hutin – mais ce n'est pas la première fois.
L'administration fiscale peut contrôler toute société exerçant en France.
M. le ministre, mon cher collègue, rappelait seulement que les contrôles fiscaux existent, et qu'ils peuvent être diligentés en l'espèce.
(Les amendements identiques nos 360 à 368 ne sont pas adoptés.)
(L'article 17 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement de coordination n° 125, de M. le rapporteur.
(L'amendement n° 125 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 369 à 377 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Cet amendement vise à obliger les opérateurs à faire apparaître sur leur site, avant toute publicité, une fenêtre surgissante destinée aux mineurs afin de les informer qu'il leur est interdit de parier en ligne. La présentation d'une carte d'identité est ainsi exigée à l'entrée des casinos ; l'amendement que je propose, malgré son insuffisance, serait un moyen supplémentaire de protection des mineurs.
Sagesse.
(Les amendements identiques nos 369 à 377 sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement de coordination, n° 123, de M. le rapporteur.
(L'amendement n° 123 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 124, de M. le rapporteur.
(L'amendement n° 124 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 378 à 386 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Défavorable. Nous sommes en effet dans le domaine réglementaire. En outre, nous avons déjà traité de la question des robots.
(Les amendements identiques nos 378 à 386 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 387 à 395 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Cet amendement a pour objectif d'éviter qu'un opérateur de jeux ou de paris en ligne puisse échanger, donner ou vendre son fichier de clients à un autre opérateur.
Défavorable. Madame Fourneyron, pourriez-vous m'expliquer pourquoi un opérateur céderait son fichier à un autre opérateur ? Quel intérêt aurait un opérateur, qui a déjà du mal à constituer son fichier – dans le respect de la CNIL –, à le céder à un autre opérateur de jeux en ligne ?
Il s'agit en l'occurrence d'une liberté commerciale et je ne vois pas ce qui pourrait empêcher cette liberté de s'exercer, sauf d'autres règles, la concurrence ou la CNIL. Nous parlons d'entreprises commerciales et je ne vois pas au nom de quoi nous pourrions les empêcher de faire cela.
M. le ministre parle de la liberté de la concurrence et de l'intérêt général. Mais, pour répondre à M. le rapporteur, j'ai précisément déposé cet amendement pour éviter que deux opérateurs de sites actuellement illégaux ne puissent, par l'achat ou l'échange de leurs fichiers, se regrouper, demain, afin d'être plus concurrentiels sur le marché.
Je m'étonne des propos de M. le ministre. Peut-être que, moi non plus, je n'ai pas bien compris…
Il est interdit à un médecin menant, par exemple, des travaux de recherche, de donner un fichier, voire une simple liste de noms. Or vous considérez qu'un fichier, certes commercial, mais qui n'en est pas moins une liste de noms comportant des renseignements et des coordonnées bancaires, peut être donné à n'importe qui sans aucun contrôle. Je suis interloquée !
(Les amendements identiques nos 387 à 395 ne sont pas adoptés.)
(L'article 18, amendé, est adopté.)
À l'article 19, figure une notion importante, celle de la séparation comptable des activités. L'amendement n° 55 vise à permettre une orthodoxie juridique et opérationnelle plus évidente. Afin d'assurer une concurrence loyale, nous souhaitons que l'exigence de séparation comptable se double, notamment pour les entreprises bénéficiant de droits exclusifs, d'une séparation structurelle entre les activités sur les marchés concurrentiels et celles relatives aux autres activités pour lesquelles elles disposent de droits exclusifs.
Le principe de cette séparation structurelle doit viser l'ensemble des activités pour lesquelles des droits exclusifs subsisteront.
En effet, le Conseil de la concurrence a souligné que seule une véritable séparation des activités était de nature à permettre l'établissement d'une concurrence effective sur les marchés où un acteur bénéficiant de droits exclusifs par ailleurs est actif. Seule une filialisation impliquant une séparation matérielle, comptable, financière et commerciale est de nature à garantir une concurrence effective, et peut notamment garantir que tous les opérateurs présents sur le secteur d'activité ouvert à la concurrence seront perçus d'une façon similaire, que l'entreprise bénéficiant par ailleurs d'un monopole n'utilise pas ce dernier et les données qu'elle collecte dans ce cadre pour adopter des pratiques ayant un effet anticoncurrentiel sur le secteur « ouvert ».
Cet amendement prolonge les débats que nous avons déjà eus sur la position historique des monopoles. Nous souhaitons procéder à une ouverture maîtrisée des jeux en ligne et, dans ce cadre, nous demandons que chacun soit traité sur un pied d'égalité. Au regard de l'histoire française des jeux et compte tenu de notre volonté d'ouverture des paris et des jeux en ligne, il importe que ces activités soient séparées sur un plan juridique. La séparation comptable n'est pas suffisante, eu égard à l'objectif du texte.
Je vois clairement l'objectif à atteindre. Cela étant, la séparation comptable à laquelle vous faites référence sera un choc assez rude pour les deux entités publiques ou privées – je pense notamment au PMU. La séparation de la comptabilité – jeux en dur et jeux sur internet – constituera déjà un effort important. Si vous la doublez de la création d'une filiale aujourd'hui – pourquoi pas dans quelques mois ou dans deux ans ? –, ce sera un effort particulièrement lourd. Les monopoles vont se trouver dans une situation où il leur faudra concentrer leurs forces sur le développement d'une nouvelle offre et répondre à la concurrence – ce qui est l'objet de la loi.
La proposition de séparation des comptes est équilibrée. Il me semble un peu lourd d'obliger les opérateurs détenteurs de droits exclusifs à une filialisation immédiate.
Nous ne pouvons pas mettre en place ce dispositif aujourd'hui. Il faut laisser aux opérateurs historiques le choix de leur organisation. Ils doivent déjà considérablement évoluer : n'allons pas les retarder par des considérations de cette nature.
Du reste, monsieur Perruchot, vous avez en partie satisfaction : le texte prévoit une séparation comptable des opérations et des activités demandées aux deux opérateurs historiques. J'estime que c'est suffisant.
Si nous allions plus loin, ce serait un système de gestion imposée, qui n'est pas nécessaire. Ce qui compte, c'est que les choses soient clairement établies et que l'on sache ce qui revient au nouveau système de paris en ligne et ce qui revient au système de monopole.
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir les amendements nos 396 à 404 .
J'aurais dû vous donner la parole avant le rapporteur et le ministre, ma chère collègue, puisque ces amendements sont en discussion commune. Je vous prie de m'excuser.
Il doit être formellement interdit aux opérateurs de laisser entendre que le gain est automatique. Il faut en outre empêcher que ne surgissent en ligne des messages tels que « Pariez, cliquez, gagnez ».
Permettez-moi d'établir un parallèle avec les machines à sous. Les personnes qui veulent objectivement prévenir l'addiction ont signalé l'existence, sur les machines à sous, de panneaux indiquant, par exemple, que, tel jour, sur telle machine, tant de millions ont été gagnés. À l'inverse, il n'est écrit sur aucune machine que, chaque mois, tant de millions y ont été perdus ! Ce type de message a été stigmatisé, en particulier par les Australiens, qui ont imposé la règle suivante : si un message vante les gains, un message doit, en contrepartie, attirer l'attention sur les pertes.
Monsieur le ministre, je vous demande d'être très attentif à cette demande. Il importe, dans la lutte contre les addictions, de ne pas laisser entendre que le gain est automatique et quasi obligatoire.
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour soutenir les amendements nos 405 à 413 .
C'est au comité consultatif des jeux qu'il reviendra de définir ce qu'est le jeu responsable et de prévoir des restrictions à ce type de slogan. Si vous commencez à dire ce qu'il faut faire à la place du comité consultatif, il sera inutile !
Madame Delaunay, vous avez vous-même rappelé hier soir le rôle primordial du comité consultatif. Je rappelle que c'est l'État qui lui confie le soin de déterminer ce qu'est le jeu responsable. On ne peut pas demander que ce comité indépendant encadre ce type de restriction et, en même temps, lui imposer sa décision.
Monsieur le président, permettez-moi de m'étonner que soient mis en discussion commune des amendements portant sur des sujets aussi différents. Nous allons faire avec, mais cela complique le débat, puisque nous sommes en train de discuter de la publicité faite dans les casinos.
Je reviens à la réponse que le ministre et le rapporteur ont faite à propos de mon amendement n° 55 . Éric Woerth connaît trop bien la comptabilité pour savoir que demander aux opérateurs historiques de filialiser la structuration des jeux en dur et des jeux en ligne ne les retardera en rien. À vrai dire, ce n'est pas très compliqué. À la limite, le fait d'avoir des bilans séparés prendra un peu plus de temps à ces sociétés que le fait de créer à l'origine des structures sociétales différentes.
Je maintiens mon amendement, car il est important de bien séparer les deux dispositions. Le marché doit être aussi transparent que possible, notamment pour tous les acteurs. Avec leur connaissance du marché français et des bases de données assez importantes, les acteurs historiques pourraient mettre en place une filialisation. Ne venez pas me dire que cela retarde une déclaration de société nouvellement créée ! Au contraire, un bilan séparé, une séparation des comptes, des comptes de résultats, une présentation des amortissements représentent un travail important. Éric Woerth connaît trop bien ce sujet pour me donner une réponse qui n'est que partielle.
Je partage votre sentiment, monsieur Perruchot. Soumettre ces amendements à une discussion commune était quelque peu contestable. Remettons un peu d'ordre dans cette discussion en mettant les amendements aux voix.
(L'amendement n° 55 n'est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 396 à 404 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 405 à 413 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 126, de M. le rapporteur.
(L'amendement n° 126 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 42 rectifié .
La parole est à M. Jacques Myard.
Il est clair que les redevances relèvent du pouvoir réglementaire. Il n'en demeure pas moins qu'il serait utile, à ce stade, d'ajouter un alinéa pour acter dans la loi le principe de la redevance. Ce serait un signe fort à l'égard des opérateurs de paris hippiques et cela permettrait d'être certain que lesdits paris seront soumis à redevance. Certes, cela peut être contestable en droit strict, mais il ne serait pas mauvais, ici, d'afficher clairement les choses.
Favorable.
(L'amendement n° 42 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 19, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1062 .
La parole est à M. le rapporteur.
L'opérateur de jeux ou de paris aura l'obligation de clôturer les comptes des joueurs interdits de jeu ou des personnes ayant demandé leur exclusion. En pratique, ce contrôle nécessitera l'interrogation par les opérateurs du fichier des interdits de jeu tenu par le ministère de l'intérieur. Le présent amendement encadre les conditions d'accès à cette liste.
Sagesse.
(L'amendement n° 1062 est adopté.)
Cet amendement tend à imposer à chacun des opérateurs titulaires de l'agrément de consacrer 0,5 % de son chiffre d'affaires à des actions directes de prévention, de soins et de recherche labellisées par le ministère de la santé. Même si plusieurs s'y sont déjà engagés, il y aurait ainsi une égalité de traitement entre tous les opérateurs qui devraient faire face aux mêmes obligations, s'agissant du financement des centres d'addictologie ou des actions de prévention de l'addiction aux jeux.
Lors de la discussion en commission, nous avons déjà largement augmenté le versement à l'INPES, puisque j'ai proposé, par amendement, de le porter de 5 à 10 millions. Cette somme sera consacrée au renforcement du central d'accueil – l'ex-DATIS – et essentiellement à l'alimentation des CSAPA, ces fameux centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie où la personne qui subit les effets du jeu excessif peut réellement être prise en charge par des spécialistes. Cela doit donc permettre de mettre en place un dispositif de prévention et de prise en charge efficace.
Le financement de l'INPES a été relevé en commission à hauteur de 10 millions. Tout ce qui devait être fait l'a été et le texte prévoit toutes les mesures nécessaires. En conséquence, je ne pense pas qu'il faille donner une suite favorable à votre amendement.
(Les amendements identiques nos 450 à 458 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 459 à 467 .
La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Nous faisons ici la même remarque qu'à propos de la publicité interdite dans les médias à destination exclusive des mineurs, lesquels sont très peu nombreux et ne s'adressent qu'à la petite enfance. Il faut supprimer le mot « exclusive », car rares sont les événements exclusivement destinés aux mineurs. La plupart s'adressent aussi bien aux adolescents qu'aux jeunes adultes. Là aussi, une interdiction plus large doit être mise en place.
Nous partageons cet objectif, madame Delaunay. Toutefois, dès que l'on commence à élargir légèrement le champ d'application de la loi, on entre dans une sorte de flou dont on ne sait où il commence et où il finit.
L'exclusivité à destination des mineurs est ce qui convient le mieux. Il suffirait qu'un seul mineur se trouve dans une salle ou assiste à un événement pour que l'interdiction soit la règle. Nous nous mettrions dans l'impossibilité d'encadrer ce dispositif.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de dix minutes.
Article 20
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
La séance est reprise.
(Les amendements identiques nos 459 à 467 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58.
Le groupe socialiste s'étonne, que dis-je, s'émeut de l'absence de Mme la ministre de la santé alors que nous abordons des questions essentielles de santé publique, Michèle Delaunay aura l'occasion d'y revenir tout à l'heure.
Nous avons déjà dû accepter l'idée qu'il n'y ait pas d'étude d'impact. Que ce soit le ministre du budget, malgré ses compétences éminentes ainsi que le montre l'état de nos finances publiques (Sourires), qui représente le Gouvernement alors que nous allons discuter de cette question essentielle du lien entre jeu et addiction, lien qui a été admis à de nombreuses reprises dans cette enceinte, est préoccupant.
Nous préférerions en discuter avec la ministre de la santé, dont c'est la compétence et dont c'est le devoir que d'être dans cet hémicycle.
Le Gouvernement s'organise comme il le veut, tout comme l'Assemblée d'ailleurs, et c'est heureux. Il est représenté par le ministre qui est en charge de ce texte et en est le signataire. Toutes ces questions ont naturellement fait l'objet de concertations interministérielles, ainsi que le veut le travail gouvernemental. Vous avez donc en face de vous un ministre responsable, et j'aurai grand plaisir à répondre aux amendements de Mme Delaunay.
Monsieur le ministre, nous ne doutons pas de votre représentativité ni de vos compétences, mais je me permets de vous signaler que Mme la ministre de la santé vient de lancer, il y a deux jours, une campagne contre l'addiction. Il me semble que, lorsqu'on lance une campagne, il est important de montrer une volonté sincère que celle-ci se traduise concrètement, et je crois que Mme la ministre n'a pas de meilleure occasion de le faire que de venir débattre avec nous de ce texte. Je considère que c'est une nécessité pour que cette campagne soit prise au sérieux.
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 468 à 476 .
La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Nous comprenons mieux la démarche qui est à l'origine de ces amendements que celle sous-jacente aux précédents. Il ne s'agit pas de la présence d'un mineur parmi de nombreux adultes, mais d'un public composé en large majorité de mineurs. L'exposé sommaire fait d'ailleurs référence aux centres de vacances, qui correspondent bien à la spécificité de l'article. J'émets donc un avis favorable.
Malgré les propos désagréables tenus à l'égard du Gouvernement (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR),…
…je suis favorable à l'amendement.
(Les amendements identiques nos 468 à 476 sont adoptés.)
(L'article 20, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement de coordination, n° 127, de M. le rapporteur.
(L'amendement n° 127 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 21 bis, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 129, de M. le rapporteur.
(L'amendement n° 129 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 21 ter, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement de coordination, n° 128, de M. le rapporteur.
(L'amendement n° 128 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 477 à 485 .
La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Si nous avons fait remarquer l'absence de Mme la ministre de la santé, c'est que nous entendons à présent rappeler l'importance du risque addictif présenté par ce texte, ainsi que certaines autres données relatives au problème.
Avant-hier, une députée de la majorité – je crois qu'il s'agissait de Mme Montchamp – a mis en doute la relation entre l'offre et le risque de dépendance. Je suis donc allée vérifier : j'ai consulté les publications québécoises et américaines et j'ai relu aujourd'hui même le précis de M. Guelfi et de M. Lejoyeux. Je confirme que cette proportionnalité est reconnue partout, même si elle ne l'est pas sur le plan strictement épidémiologique – étant donné que les circonstances sont différentes, on ne peut, par exemple, faire de comparaison mathématique entre deux pays.
Chaque fois qu'une décision politique, une déréglementation, comme l'introduction des machines à sous, a favorisé l'offre de jeux, on a constaté une augmentation du nombre de malades. Cela a été en particulier le cas lorsque les casinos se sont rapprochés des villes et lorsque les machines à sous y ont été admises.
Je transmettrai au ministre et aux nombreux députés ici présents qui s'intéressent à ce sujet les données très précises que j'ai recueillies, et qui montrent l'importance de notre responsabilité.
Tous les experts s'inquiètent de la croissance exponentielle des cas de maladie qui accompagnera la légalisation des jeux en ligne. Certains États, notamment des États fédérés américains, se refusent à cette légalisation à cause de cela.
De même, le rapport de l'INSERM, fondé, je vous le rappelle, sur 1 250 publications scientifiques de niveau 1, note expressément que l'addiction au jeu, qui est en soi un jeu de sensation, avec un support chimique, organique à l'instar des drogues chimiques, est complétée par l'addiction à l'écran, et que l'une favorise l'autre.
En troisième lieu, tous les experts s'accordent à dire que la dépendance au jeu s'associe à une consommation excessive d'alcool – pour 50 % des joueurs –, à un tabagisme intense – pour 60 % des joueurs – et à la consommation de marijuana.
Ce sont trois éléments que nous devons constamment avoir à l'esprit. Au moment où notre ministère de la santé prend conscience des effets délétères des risques addictifs, celui-ci ne doit pas être oublié. Une ministre de la santé peut-elle rester indifférente au fait qu'il s'agit d'une maladie nouvelle et évitable ? Cette maladie est nouvelle parce qu'elle est une maladie sociétale, que l'évolution de la société a créée, et que, de ce fait, les politiques ont une responsabilité particulière non seulement dans les soins à y apporter mais aussi dans sa prévention.
Voilà ce que je souhaitais vous rappeler, pour que chaque ligne de ce texte soit lue à l'aune de ce risque, qui peut toucher n'importe qui, à commencer, bien sûr, par les plus vulnérables, ceux qui sont le moins occupés par ailleurs, notamment les chômeurs, de plus en plus nombreux, psychologiquement fragilisés par leur situation.
Je vous demande d'être extrêmement attentifs à nos requêtes, qui n'ont aucun caractère dogmatique et ne se veulent en rien désagréables à l'encontre de qui que ce soit sur ces bancs, encore moins à l'encontre de M. le rapporteur ou de M. le ministre. Je vous adjure de comprendre les motivations de nos demandes.
Nos amendements ont trait à la première promotion commerciale, en particulier à ce très dangereux « premier pari gratuit », qui a pour effet que quelqu'un qui jusqu'alors ne s'intéressait pas au jeu va pouvoir miser et peut-être gagner. S'il gagne, il met bien souvent le doigt dans l'engrenage, recommence ; s'il perd ensuite, il voudra refaire son gain. C'est le processus délétère de l'addiction au jeu, d'autant plus facilement enclenché que la personne n'a pas d'activité ou que sa situation financière et sociale est précaire et qu'elle espère un gain quelconque.
Ces considérations, que je vous soumets avec la plus grande sincérité – vous n'en doutez pas –, sont issues du travail et de l'étude des textes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Avant de parler des amendements, je voudrais dire à Mme Delaunay que nous sommes attentifs à ce que l'ouverture s'accompagne d'une régulation du marché.
Notre priorité, nous vous l'avons dit, est d'ouvrir le marché légal pour protéger le joueur – pour le protéger en particulier d'une situation qu'aujourd'hui personne ne maîtrise. Les mécanismes d'autorégulation, de prise en charge par téléphone ou par un autre réseau physique, sont actuellement inconnus de la quasi-totalité des joueurs qui évoluent sur la Toile. Certes, il existe un certain nombre d'initiatives heureuses, telles que « SOS Joueurs », laquelle reste toutefois d'une dimension très limitée par rapport à l'enjeu. Quant à ADICTEL, qui provient d'une initiative privée…
Je reconnais que le fait d'être lié aux opérateurs n'est pas un gage de performance. C'est bien pourquoi nous avons fait des propositions, dont l'objectif principal est de ramener vers le champ légal ces joueurs qui étaient, pour différentes raisons, dans l'illégalité.
Les opérateurs mettront en place des dispositifs de promotion ; c'est leur liberté commerciale la plus élémentaire. J'ai bien entendu, madame Delaunay, que vous vous inquiétiez d'éventuelles incitations au premier pari ou de bonus à l'inscription. Je rappelle que l'ARJEL aura en charge l'encadrement de la mise en place de ces jeux gratuits et bonus. C'est à cette autorité qu'il revient de déterminer le bon niveau de ces pratiques et de les encadrer strictement. Par la création d'une autorité indépendante, notre dispositif répond à votre inquiétude.
Vous avez également évoqué la première étude de l'INSERM. Le Gouvernement a lancé une seconde étude, dont le champ est beaucoup plus large puisqu'elle porte sur 30 000 joueurs et sur les différents types de jeu. Elle sera rendue dans dix-huit mois environ. Les études que vous avez citées ne sont pas à remettre en cause, mais celle-ci nous permettra de voir de façon beaucoup plus clair comment l'ensemble des parieurs et des joueurs réagissent à ce type de promotion commerciale.
Le dispositif du projet de loi est déjà bien encadré et comporte un certain nombre d'outils d'autorégulation et de prise en charge. Ainsi, nous pourrons immédiatement être à l'écoute des parieurs et des joueurs, dans une perspective de prévention et d'accompagnement.
C'est pourquoi je pense que l'interdiction des bonus ne répond pas à un besoin impérieux. Il s'agit de les encadrer et d'accompagner les personnes concernées. Je suis donc défavorable à l'amendement.
Une remarque préalable, monsieur Gorce, madame Delaunay : le ministère de la santé lance une campagne contre l'addiction qui est, bien entendu, cohérente avec ce projet de loi sur lequel il a été consulté à de multiples reprises, comme d'ailleurs le secrétariat d'État chargé des sports. Les textes sont de plus en plus interministériels car ils ont, de plus en plus souvent, plusieurs facettes, mais il faut bien qu'à un moment donné un ministre en fasse la synthèse. C'est la même chose à l'Assemblée : une commission, en l'occurrence la commission des finances, est saisie au fond. En suivant votre raisonnement, vous pourriez aussi bien dire : pourquoi la commission des finances est-elle compétente ? Tout simplement parce qu'elle fait le travail de synthèse sur ce texte, les rapporteurs pour avis exprimant le point de vue de leur propre commission. Nous, c'est l'interministériel qui nous permet de faire de même. Le projet final est un texte admis, agréé et soutenu par l'ensemble des ministres. C'est le travail gouvernemental classique. Nous allons peut-être revenir là-dessus pendant trente heures, mais je vous répète que ce projet de loi est un texte de régulation, d'ouverture, de maîtrise, et donc de lutte contre l'addiction provoquée par des sites sauvages, des sites non régulés.
S'agissant des amendements, je n'y suis pas favorable car nous avons imposé un taux de retour aux joueurs, qui tient compte des bonus et cadeaux de bienvenue. Ceux-ci sont plafonnés, limités et normés. C'est une façon efficace de limiter les risques que vous évoquez.
Ma collègueMichèle Delaunay l'a fort bien montré : il s'agit d'un vrai choix de société. Nous évoquons parfois ici des situations dramatiques de surendettement liées aux crédits revolving. De même, nous traitons aujourd'hui de mécanismes qui peuvent conduire à des situations sociales extrêmement difficiles, à des cas de surendettement extrêmement lourds à gérer sur le plan humain.
Une fois n'est pas coutume, je fais miens les propos tenus par le président du groupe UMP lors de la mise en place du COJER – le comité pour le jeu responsable et l'encadrement du jeu – : « Le jeu en ligne agit comme une drogue chimique et cause un syndrome d'addiction complet : accélération des mises, augmentation de leur montant, impact sur le cours de la vie, syndrome de sevrage en cas de privation. » Nous sommes d'accord avec lui sur ce point. Mais la première des préventions, c'est de limiter l'offre. Nous ne proposons rien d'autre dans ces amendements : ce qu'il faut, ce n'est pas de la publicité à tout prix, c'est au contraire limiter l'offre.
Or, que proposent actuellement, au titre de la première participation, tous les sites de jeux ou de paris encore illégaux ? Je vais citer quelques exemples pour bien montrer dans quel contexte nous nous trouvons, nous mais aussi et surtout le parieur devant son écran de jeu. Ainsi, BetClick fait cadeau de la première mise si l'on perd, jusqu'à 50 euros ; Unibet offre le montant du premier dépôt à hauteur de 50 euros ; Sportingbet offre 10 euros pour un premier dépôt compris entre 10 et 199 euros, et 100 euros au-delà de 200 euros ; Mybet offre le montant du premier dépôt jusqu'à 50 euros, de même pour Bwin ; Zeturf offre 40 euros de bonus. Je pourrais multiplier les exemples.
Il est très important que nous puissions, grâce à ces amendements, limiter une telle offre publicitaire, limiter cet appât du gain qui mène à l'appât du jeu. Interdire la première participation à un jeu dans de telles conditions nous permettrait au moins d'adopter une formulation moins agressive vis-à-vis de cette conduite addictive, ce qui nous permettrait de faire un choix de société dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le rapporteur m'a demandé de ne pas me substituer au comité consultatif, de ne pas préjuger de ses conclusions. Mais que vient-il de faire d'autre en nous répondant qu'il ne voulait pas retenir le caractère dangereux de ces bonus ? Est-ce à lui de le dire ? N'aurait-il pas été préférable qu'il attende qu'une autorité indépendante des opérateurs de jeux se soit exprimée avant que de faire la loi ? Nous aurions ainsi pu coucher sur le papier le fruit des conclusions de cette autorité.
M. le ministre a évoqué le taux de retour aux joueurs. Mais où que j'aie cherché – j'ai même interrogé, à Marmottan, les experts en addictions –, je n'ai nulle part trouvé la preuve de son influence sur le risque addictif. Je ne pense pas qu'en limitant le taux de retour nous ayons quelque raison que ce soit d'être rassurés.
Pour ces deux raisons, je vous demande encore, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, d'envisager la possibilité d'éviter ces bonus extrêmement attractifs, qui piègent le joueur et l'entraînent dans une escalade délétère. Nous sommes devant le phénomène de l'addiction comme nous étions, il y a quelques années, devant celui du réchauffement climatique. Nous ne commençons qu'à peine à prendre conscience des dégâts planétaires que ce dernier entraîne. Je vais à mon tour citer une personnalité dont je n'ai pas l'habitude de reprendre les propos : « La maison brûle et nous regardons ailleurs », avait dit Jacques Chirac dans un discours célèbre. Aujourd'hui, la situation est la même s'agissant du problème de l'addiction. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Sur le vote des amendements identiques n°s 477 à 485 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
La question dont nous débattons est aussi une question économique, et touche à la protection des consommateurs. Avant d'envisager des règles nouvelles, il faut d'abord faire jouer celles qui existent déjà. C'est en l'occurrence le cas puisque le code de commerce encadre la pratique des prix d'appel en sanctionnant les pratiques de prix abusivement bas. Le ministre a la possibilité, s'il le souhaite – de même qu'un opérateur –, de saisir l'Autorité de la concurrence pour faire sanctionner de telles pratiques. Cela répond aux inquiétudes qui ont été exprimées sur cette forme de promotion commerciale. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
je précise que la sanction des prix abusivement bas s'applique aussi aux services. Une telle disposition pourrait donc être tout à fait efficace dans le cas présent si elle est bien utilisée.
Je suis étonné par la rédaction de l'exposé sommaire car on ne peut qualifier une première participation d'« entrée dans le jeu pathologique ». C'est un oxymore. Un tel raisonnement est excessif car le jeu pathologique n'apparaît qu'au bout d'un certain temps. J'ai déjà joué une fois, deux fois, je ne suis pas devenu joueur pathologique pour autant. La dépendance au jeu est certes un problème…
Madame Delaunay, à force de trop vouloir en faire, vous allez à l'encontre du but recherché. Vous ne pouvez pas dire que l'offre d'un bonus à la première participation va faire tomber le joueur dans la pathologie. Ce n'est pas vrai. Je ne peux donc que refuser ces amendements. Je voterai contre.
Madame Delaunay, je me suis rendu avec vous, il y a quelques jours, à l'hôpital Marmottan ; vous comme moi avons vu, depuis plus d'un an et demi, de nombreux spécialistes de l'addiction. Un psychiatre a signé une tribune dans Le Monde pour critiquer notre texte, mais nous lui avons immédiatement répondu pour lui montrer que la plupart des arguments qu'il exposait avaient déjà été pris en considération, et il l'a volontiers admis. Le texte est très équilibré. Je sais bien que l'on dit cela de tous les projets de loi mais, en l'occurrence, c'est la réalité. Il est ouvert tout en permettant la maîtrise des dérives et la lutte contre le blanchiment, cause de trouble à l'ordre public, mais aussi contre l'addiction, cause de trouble à l'ordre social.
J'ajoute que le professeur Vénisse et le professeur Valleur se sont félicités qu'il y ait enfin un texte, qu'un gouvernement prenne enfin position sur la question de l'addiction au jeu. Ils ont dit que le COJER avait été un bon comité, mais qu'il fallait dorénavant envisager le jeu sous toutes ses formes, sous la responsabilité d'un comité aux compétences plus globales et qui pèserait dans la décision. Ils ont aussi souligné que nombre d'initiatives étaient prises tout au long des cinquante-huit articles qui composent ce projet de loi, et que tout cela était fait sérieusement et sincèrement. De tels propos sont d'autant plus forts qu'ils émanent d'experts dont l'indépendance ne peut être mise en doute.
Je vous donne acte de votre sincérité, qui est égale à la nôtre, mais, sur un sujet tel que l'addiction, on ne peut être ni de droite ni de gauche : personne n'a envie que les gens soient malades. Nous voulons des gens libres. Or l'addiction, c'est le contraire de la liberté. Nous sommes confrontés à des addictions de toute nature : il en est aussi de considérables aux jeux vidéos, qui vont parfois bien au-delà des dépendances aux jeux d'argent, conduisant des jeunes jusqu'au suicide. L'ordinateur, même s'il n'est pas connecté à Internet, peut donc conduire à l'addiction.
On doit se demander, par conséquent, comment laisser accessibles les jeux tout en luttant contre le blanchiment et contre l'addiction. Je pense que nous sommes parvenus à mettre au point un dispositif tout à fait raisonnable et raisonné. Évidemment, s'il apparaît nécessaire d'aller plus loin, nous le ferons.
S'agissant de la limitation de l'offre, elle est inscrite dans notre texte puisque nous établissons l'ouverture maîtrisée. Il n'y a pas de limitation de l'offre dans un système qui n'est encadré par aucune règle ou presque ; nous, nous créons des règles pour limiter l'offre. De plus, la légalité de l'offre étant définie notamment par le critère de l'addiction, le dispositif me semble répondre aux inquiétudes que vous exprimez.
Le comité consultatif des jeux qui va être créé sera subdivisé en sections et rendra des avis sur l'ensemble du fonctionnement des jeux, plus particulièrement sur celui des jeux en ligne. Il aura pour vocation de vérifier si les choses se passent correctement. S'il a une observation à faire sur un élément qui s'avère dangereux, mal traité ou ignoré à tort, il s'exprimera publiquement. Son avis aura donc évidemment un impact fort sur les décisions de l'ARJEL ; quant au Gouvernement, il prendra les décisions qui s'imposent.
Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le ministre, que ce projet de loi est fondé sur la limitation de l'offre. Il repose, au contraire, sur l'ouverture de l'offre à de nouveaux opérateurs, et par conséquent sur l'augmentation du volume de l'offre.
Il n'y en a que 5 000 en langue française, mon cher collègue. L'offre légale, celle qui nous concerne et qui dépend du législateur…
Monsieur Myard, vous faites parfois preuve d'une réelle agressivité quand nous débattons de ce sujet. Essayons d'en discuter calmement. Je le redis, à vous et au ministre : ce projet de loi est fondé sur une augmentation du volume de l'offre.
Une augmentation du volume de l'offre légale.
Ce qui le démontre, et qui du reste vous pose problème, c'est que vous êtes obligés, pour développer l'offre, sans doute légale mais supplémentaire, des opérateurs privés, de développer la publicité et du même coup les risques d'addiction. Ce processus incontestable enferme le texte dans la contradiction puisque, d'un côté, vous prétendez vouloir limiter l'addiction et que, de l'autre, vous êtes contraints d'augmenter l'offre et d'encourager le jeu. Vous êtes dans une situation intenable.
Or nous essayons de vous aider à en sortir. En effet, en interdisant les bonus, nous visons à empêcher des pratiques qui sont en contradiction complète avec l'esprit affiché du texte, à savoir, si on en croit le ministre, la recherche de l'équilibre. C'est précisément en vue d'équilibrer les deux plateaux de la balance qu'il convient d'ajouter au texte des dispositions permettant de mieux protéger le consommateur, comme le refus d'autoriser les promotions commerciales, puisque celles-ci amorcent un processus lourd de dangers pour le consommateur en incitant celui qui hésite encore à commencer de jouer et celui qui a un peu gagné à jouer encore plus.
Si je voulais plaisanter sur un sujet aussi grave, j'ajouterais que votre majorité a décidément un problème avec les bonus et que le ministre du budget a du mal à suivre les instructions qui lui sont données par le Gouvernement en la matière : celui-ci ne s'était-il pas fixé pour règle, depuis des mois, de limiter les bonus ? C'est la raison pour laquelle il convient de limiter fortement ces nouveaux bonus, qui sont tout aussi moralement discutables que les autres.
Je tiens enfin à rappeler, alors que le rapporteur est parti, que nous ne saurions accepter, sur des sujets aussi graves, … (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)
Je vous prie de m'excuser, monsieur le rapporteur, car j'aurais dû le remarquer. Vous savez fort bien que je souhaite d'autant moins me livrer à une attaque personnelle à votre endroit, que je n'ai aucune raison de le faire. Je vous laisse le bénéfice des attaques, me contentant de résister à vos assauts avec les modestes moyens qui sont les miens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je le répète : nous ne saurions accepter que vous nous renvoyiez sans cesse à l'ARJEL, ou alors, cessons d'examiner ces articles et allons directement à ceux qui traitent de l'ARJEL avant d'en revenir à ces questions. Si, en effet, le législateur doit s'en décharger sur l'ARJEL, à quoi riment nos discussions présentes et pourquoi avoir prévu un chapitre sur la lutte contre l'addiction ? L'interdiction des bonus est un point clé qui, à mes yeux, relève de la compétence du législateur.
Votre refus d'intervenir en ce domaine, comme en matière de conflit d'intérêts, et de fixer des règles, suffit à montrer que vous n'avez pas les idées claires ou que vos intentions ne sont pas aussi pures que vous le prétendez.
Monsieur le ministre, comment peut-on affirmer qu'en décidant d'investir dans un système pour 200 millions d'euros de publicité, on ne vise pas à augmenter l'offre et le nombre des joueurs ?
Monsieur Myard, vous avez déformé nos propos. Nous n'avons nullement prétendu, dans l'exposé sommaire, que je viens de relire posément, que la première mise relevait du jeu pathologique mais que, la plupart du temps, le jeu pathologique avait commencé par un bonus, qui a fonctionné comme un premier appât – c'est ce que répondent les joueurs lorsqu'ils sont interrogés.
Mes chers collègues, nous assistons depuis quelques années à une inflation, voire à une extension tous azimuts du concept d'addiction, alors que nous avons en français un mot, la dépendance, laquelle intervient lorsque la liberté de ne pas consommer un produit ou de ne pas tenir un comportement est atteinte.
Nous oublions trop souvent que la dépendance suppose la rencontre entre un produit, une société et une personnalité. Grâce à Dieu, l'immense majorité de nos compatriotes sont capables de gérer ces risques, de maîtriser leur vie quotidienne et de résister à la pression. Du reste, si tel n'était pas le cas, nous ne serions pas des survivants, ce que nous sommes tous.
La meilleure des défenses consiste à avoir, dans notre pays, des citoyens capables d'affronter les difficultés de l'existence, de gérer les risques et de maîtriser les nouvelles réalisations de la technologie. Ces amendements me paraissent donc superfétatoires et, en tant que professionnel qui a eu à soigner des personnes dépendantes, je pense que, loin d'avoir une quelconque utilité, ils ne feront qu'accentuer l'infantilisation de nos compatriotes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
On ne cesse de nous servir l'argument des paris illégaux. Or, comme je l'ai rappelé hier, il était possible d'adopter une loi visant à agir efficacement contre ceux-ci tout en autorisant la Française des jeux et le PMU à conserver le monopole de l'organisation des jeux, ce qui nous aurait permis de continuer de bénéficier des assurances que nous donnent ces grands opérateurs historiques et publics.
Vous avez évoqué l'équilibre du texte, mais ce texte ne peut en aucune façon être équilibré puisque vous levez les barrières de l'offre en ouvrant les jeux à la concurrence des opérateurs privés.
Du reste, ces amendements sont d'autant plus importants que, comme vous nous l'avez expliqué à l'instant, mon cher collègue, la dépendance suppose une rencontre. Il s'agit précisément d'éviter la rencontre avec l'incitation par le biais des bonus et de la publicité.
Si nous voulons lutter contre l'addiction, il convient d'autant plus d'empêcher toutes formes de publicité ou de bonus qu'elles peuvent toucher un public fragile ou jeune.
Je ferai trois remarques.
Madame Buffet, vous avez évoqué le monopole des opérateurs publics : or je me rappelle avoir entendu par le passé fustiger l'État croupier, qui détient le monopole national des jeux en France. Apparemment, aujourd'hui rien n'est plus beau ni plus estimable que cet État croupier.
Vous avez été ministre de la jeunesse et des sports dans le même Gouvernement que celui où Mme Parly a été secrétaire d'État au budget. Une des motivations du lancement de ce jeu, il est vrai contestable, qui s'appelle le Rapido, a été, entre autres, la nécessité d'alimenter le Fonds national pour le développement du sport, et chacun a adhéré à ce projet.
Certes, mais il y a d'un côté les objectifs, qui font consensus, et de l'autre les moyens, sur lesquels, à l'époque, vous n'aviez pas hésité à jeter un voile pudique puisqu'ils consistaient dans le lancement de nouveaux jeux dans les cafés de France, lancement qui a fait l'objet de toute la promotion nécessaire. Or, je le répète, personne à l'époque n'a contesté cette décision, qui représentait pourtant une rupture bien plus importante avec le modèle français que le projet que nous examinons actuellement.
En matière d'addiction, je n'ai pas les compétences médicales de notre collègue. En revanche, je tiens à rappeler que le raisonnement républicain ne saurait admettre le sophisme suivant : si les comportements d'addiction sont la plupart du temps liés à l'attrait de la première mise, alors supprimons la première mise et nous n'assisterons plus à aucun comportement d'addiction. Comme l'a laissé entendre notre collègue, ce n'est pas en appliquant à tous la même solution qu'on résoudra le problème d'un groupe déterminé de personnes dont il convient effectivement de s'occuper. Le principe d'interdiction globale sous le prétexte qu'il représente un danger pour certains ne saurait fonctionner.
Enfin, en ce qui concerne la question de la régulation commerciale, ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est de déterminer les compétences et de fixer les pouvoirs de l'ARJEL, afin de lui permettre, par-delà les règles actuelles, de réglementer, voire de limiter jusqu'aux opérations commerciales spécifiques de promotion.
Je ne refuse pas qu'on entre dans le détail de la loi, mais le plus important aujourd'hui, c'est de s'assurer que l'ARJEL aura bien les pouvoirs de réglementation lui permettant de limiter ces types d'opérations promotionnelles et non pas d'inscrire leur interdiction définitive dans la loi.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 477 à 485 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 18
Contre 38
(Les amendements identiques nos 477 à 485 ne sont pas adoptés.)
(L'article 21 quater, amendé, est adopté.)
À l'article 24, je suis saisi d'un amendement n° 54 .
La parole est à M. Nicolas Perruchot.
L'article 22 nous permet d'aborder la question de la transparence des opérations de jeux.
De manière générale, et comme l'a souligné la Commission européenne dans l'avis circonstancié qu'elle a adressé à la France sur le projet de loi, il importe que les obligations et, plus largement, le système réglementaire de contrôle et de sanction auquel sont déjà soumis les opérateurs dans le pays membre de l'Union européenne où ils sont établis, soient pris en compte.
Dans ce cadre, l'article 22 du projet de loi prévoit que les opérateurs sont tenus de « procéder à l'archivage [des données] en temps réel sur un support matériel situé en France métropolitaine », ce qui revient à obliger les opérateurs à installer un serveur local sur le territoire français.
Or une telle obligation est non seulement lourde de conséquences sur le plan technique, avec des risques pour la disponibilité des systèmes informatiques, mais également inutile, les opérateurs de jeux en ligne tenant les données relatives à leur activité à l'entière disposition des autorités de contrôle.
Le présent amendement vise donc, plutôt que de contraindre les opérateurs à établir un serveur local en France, à les obliger à tenir les données relatives à leur activité à la disposition permanente des autorités, ce qui revient exactement au même en termes de contrôle.
Défavorable.
En effet, monsieur Perruchot, l'adoption de votre amendement aurait pour conséquence la disparition du frontal, qui est l'outil principal mis à la disposition de l'ARJEL afin de lui permettre de vérifier en temps réel l'ensemble des données.
L'obligation d'avoir, pour chaque opérateur, un frontal unique situé en France métropolitaine ne correspond pas, cela a été rappelé ce matin, au dispositif italien, qui voit arriver l'ensemble des données sur son propre serveur en temps réel. Toutefois, on sait qu'il s'agit d'un dispositif efficace, qui remplit sa fonction et que votre amendement remet en question, ce qui est préjudiciable au caractère opérationnel de l'ARJEL, lequel a été rappelé il y a encore quelques instants, y compris sur les bancs de l'opposition.
Défavorable.
Il est en effet d'autant plus important de conserver la rédaction actuelle du texte que le frontal est, sur le plan technique, un dispositif tout à fait sûr, par lequel transitent toutes les données échangées entre le site et le joueur. Avant de parvenir à l'opérateur lui-même, l'ordre envoyé par le joueur est enregistré par le frontal.
Il n'est donc pas possible de manipuler cet équipement, situé de surcroît en France. Vous souhaitez un contrôle maximal, l'accès au plus grand nombre de données possibles ; or l'équipement tel que je vous le décris est de nature à vous donner pleine satisfaction. Si vous le voulez, je vous ferai parvenir une documentation sur ce dispositif.
L'opérateur conservera des données que l'administration pourra consulter à l'occasion d'un contrôle fiscal ou d'un contrôle informatique. Reste qu'il est indispensable de disposer de l'outil technique électronique prévu par le texte.
Compte tenu des explications du rapporteur et du ministre, je retire l'amendement.
(L'amendement n° 54 est retiré.)
La parole est à M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 21 , deuxième rectification.
J'ai défendu tout à l'heure un amendement n° 26 , portant article additionnel après l'article 9, qui posait le principe d'obligation de résidence en France des opérateurs agréés et interdisait en conséquence la prestation de services transfrontaliers en matière de paris et de jeux en ligne.
Le présent amendement est inspiré par le même souhait de protéger les consommateurs face aux risques de fraude et de contrôler le mieux possible les opérateurs. Il part du même constat que, suite à l'arrêt Santa Casa, des obligations de résidence renforcées par rapport à celles que propose le texte issu de la commission des finances peuvent être imposées aux opérateurs.
Cet amendement est plus modeste et plus pragmatique que l'amendement n° 26 dans la mesure où il ne fait qu'étendre l'obligation posée à l'article 22, lequel prévoit – et cela me semble tout à fait justifié – que les opérateurs agréés devront faire transiter les opérations de jeu par un serveur situé en France et les archiver sur ce même support. Le ministre l'a rappelé, cette disposition contribuera de manière significative au contrôle des opérateurs.
Mon amendement a pour objet d'aller un peu plus loin, en complétant l'obligation de disposer d'un serveur en France par celle d'organiser et de gérer les opérations de jeux depuis le territoire national. Il apparaît indispensable, en la matière, de se montrer pragmatique. Je ne me situe plus, comme lorsque j'ai défendu l'amendement n° 26 , sur le plan des principes mais sur un terrain très concret.
En pratique, mon amendement implique l'obligation d'organiser et de gérer des opérations de jeux depuis la France sans obliger les opérateurs étrangers à s'installer en France, à avoir leur siège social en France, contrairement à ce que prévoyait l'amendement n° 26 . Cependant, cette obligation garantira que les personnes physiques qui organisent et gèrent les opérations de jeux, les personnes qui s'occupent de la surveillance des transactions bancaires, celles qui vont définir les cotes et choisir les supports de paris, ainsi que les supports physiques utilisés à cette fin, se trouveront bien sur le territoire national, sous le contrôle direct de l'ARJEL et des autorités françaises.
Il me semble que le fait de s'assurer que les personnes et les matériels grâce auxquels les sites de jeu en ligne fonctionnent se trouvent en France, présente un vrai avantage en termes de contrôle. Ainsi, dans l'hypothèse où les opérateurs agréés ne respecteraient pas le cahier des charges fixées par l'ARJEL ou bien ne respecteraient pas leurs autres obligations fiscales ou légales, il pourrait être mis fin rapidement à leurs activités en procédant au démantèlement de toute l'infrastructure de jeux de l'opérateur qui se sera mis dans l'illégalité – ordinateurs, connexions réseau, logiciels, webmestres, contrôleurs…
Telle est la teneur de l'amendement mesuré et pragmatique que je vous propose d'adopter.
Je ne vais pas rouvrir avec Daniel Fasquelle le débat sur l'arrêt Santa Casa. J'ai bien entendu votre objectif, mon cher collègue : vous demandez au Gouvernement quelles mesures prendre au cas où l'opérateur ne respecte pas son cahier des charges et si l'autorité indépendante créée par le texte suffira. Surtout, forte des moyens technologiques dont elle dispose, l'ARJEL sera-t-elle à même de bloquer rapidement les sites, les comptes bancaires – pour éviter les flux financiers entre le compte-joueur et le compte personnel du joueur –, voire, par le biais de TRACFIN, de bloquer tout flux financier entre un compte basé en France et un compte ouvert ailleurs ?
Je partage totalement ces objectifs avec vous. Or la mise en place d'un frontal sur le territoire donne à l'ARJEL un accès vraiment rapide à l'ensemble des données. Nous définirons par la suite les injonctions que pourra prononcer l'ARJEL si l'opérateur ne respecte pas son cahier des charges.
Plus que la présence physique du support technologique ou des serveurs sur le territoire national, importante me paraît la capacité de l'ARJEL à bloquer le plus rapidement possible le site illégal. Certains fournisseurs d'accès nous ont informés que des sites peuvent modifier leur URL, que des joueurs peuvent modifier leur adresse IP. Tout l'enjeu consiste donc à réagir rapidement et, si j'ose dire, à « taper là où ça fait mal », c'est-à-dire à bloquer tout transfert financier.
Je ne reprendrai pas la discussion sur l'éventuelle obligation de résidence de la plateforme technique. Je souhaite simplement que l'ARJEL dispose des moyens lui permettant de se montrer rapidement efficace. Grâce au frontal et grâce aux attributions de cette autorité en matière d'injonction administrative, je pense que ce sera le cas. Elle aura de surcroît à sa disposition des cyberpatrouilleurs issus autant du ministère des finances avec les douaniers que du ministère de l'intérieur avec la police des jeux, dispositif qui devra se renforcer.
Si l'ARJEL ne donnait pas satisfaction dix-huit mois après sa création, on pourrait appliquer la proposition d'Éric Woerth et mettre en place un dispositif physique sur notre sol, répondant ainsi à votre attente, monsieur Fasquelle.
Reste que l'architecture du texte est de nature à vous satisfaire : le projet prévoit un dispositif efficace pour protéger le joueur et bloquer les sites qui ne respectent pas leur cahier des charges, et je ne m'étendrai pas sur la panoplie de sanctions prévues, des amendes jusqu'au retrait de l'agrément.
M. Fasquelle reprend sous un autre angle – c'est habile – un débat que nous avons déjà eu et que l'Assemblée a tranché de manière négative : non pas parce que le dispositif proposé ne correspondrait pas à une nécessité, mais parce que le texte y répond déjà.
J'ai déjà décrit, comme le rapporteur, tous les verrous permettant de s'assurer de la responsabilité de l'opérateur qui exerce sur le territoire français et de la capacité de l'ARJEL à contrôler cette responsabilité.
Nous exigeons ainsi la présence de deux représentants physiques de l'opérateur : l'article 11 prévoit qu'une personne physique domiciliée en France est responsable au titre de l'opérateur du respect du cahier des charges ; le texte prévoit ensuite la nomination d'un représentant fiscal. Nous estimons que ce dispositif suffit. Au reste, l'arrêt Santa Casa n'exige pas une forme de représentation ou d'établissement juridique sur le sol national.
Nous avons déjà eu ce débat et nous avons déjà tenté de vous répondre, notamment en rappelant que s'il s'avérait dans dix-huit mois que notre solution n'était pas la meilleure, nous reverrions notre position et des mesures d'ordre public plus radicales pourraient être prises.
Je retire l'amendement, tout en prenant date et en regrettant que l'on n'ait pas tiré toutes les conclusions possibles de l'arrêt Santa Casa.
Vous m'assurez que les moyens techniques prévus par le texte suffisent ; dont acte. Il conviendra toutefois d'y regarder de près car lors des auditions que j'ai pu moi-même réaliser, j'ai tout de même senti quelque doute chez certains de mes interlocuteurs quant à l'efficacité des moyens techniques en question.
Si l'addition de ces moyens ne rend pas le dispositif efficace, je me permettrai de rouvrir le débat car ce que je proposais à travers cet amendement permettrait d'exercer un réel contrôle sur les opérateurs de jeux. En effet, tant que ces derniers seront physiquement en dehors de France, nous ne disposerons que des moyens techniques informatiques que le texte met à notre disposition. S'ils se révélaient insuffisants, il faudrait obliger les opérateurs à résider en France afin de pouvoir les contrôler réellement.
Un autre argument, qui ne peut être entendu par Bruxelles mais qui ne peut nous laisser insensibles, avait motivé la rédaction de l'amendement : en obligeant les opérateurs à résider en France, les emplois créés l'étaient donc sur notre sol. Plusieurs milliers d'emplois vont donc être créés en dehors du territoire national.
Je retire mon amendement car j'entends bien vos arguments et parce que j'espère que les moyens techniques prévus par le texte se révéleront suffisants.
La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Il dispose en effet que « l'opérateur de jeux ou de paris en ligne titulaire de l'agrément prévu à l'article 16 est tenu de procéder à l'archivage en temps réel sur un support matériel situé en France métropolitaine […] » Il s'agit de termes restrictifs qui m'ont choquée et fâchée.
En effet, monsieur le ministre, le texte va à l'encontre des réponses que vous m'aviez apportées en juin et en juillet en commission au sujet de l'application de ce texte outre-mer.
Je suis fâchée car, selon le Président de la République – et je suis d'accord avec lui –, l'outre-mer doit prendre son développement économique en mains. Encore faut-il lui en donner la possibilité.
Je suis fâchée, enfin, car voilà deux ans et demi que je siège dans cet hémicycle et j'ai dû intervenir sur chaque texte soit parce que l'outre-mer a été oublié, soit parce qu'on a méconnu son statut.
Je veux bien admettre qu'il s'agisse d'une erreur et j'espère qu'elle sera immédiatement rectifiée. Reste que, même si cette loi est imparfaite, elle doit s'appliquer partout, et que l'on ne peut pas parler de développement économique de l'outre-mer si on ne lui en laisse pas la possibilité dans tous les domaines. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je ne veux pas que Mme Girardin soit en colère ce soir. J'entends bien votre remarque, madame, sur cette discrimination entre la métropole et l'outre-mer. Laissez-moi vous répondre avec franchise que cela pose un réel problème : celui du coût engendré par le positionnement du serveur frontal dans les territoires ou départements d'outre-mer. Il revient à l'ARJEL de se connecter à ce frontal, et je vous laisse imaginer le coût d'une telle connexion en France métropolitaine. Installer le frontal outre mer représenterait donc un coût très important.
J'ai entendu votre revendication et la commission émet un avis favorable à votre amendement. Il a cependant, j'insiste, un coût important.
Je préfère que l'ARJEL dépense en investissements, voire en moyens de surveillance, l'argent nécessaire pour veiller au respect des règles en matière de lutte contre l'addiction et de prévention, plutôt que de le dépenser en se connectant à un serveur basé loin de la métropole.
Je ne vois pas pourquoi vous montez sur vos grands chevaux, madame la députée. Le Gouvernement fait beaucoup pour l'outre-mer, par exemple en ce qui concerne la continuité territoriale. Notre débat est un débat général et, franchement, j'ai le sentiment que nous traitons correctement tous les territoires, tous les départements, toutes les régions, y compris d'outre-mer.
La disposition que vous proposez d'amender répond tout simplement à un problème pratique. Dès lors qu'il y a beaucoup d'opérateurs, il y a beaucoup de systèmes. Un frontal relie les flux entre un opérateur et les joueurs, et il est plus naturel, à moins de vouloir rendre le contrôle plus compliqué, que le support matériel sur lequel il sera procédé à l'archivage ne soit pas trop éloigné de l'autorité chargée dudit contrôle.
Rien n'empêche un opérateur d'installer ses propres équipements dans les DOM, bien au contraire. Ce serait d'ailleurs une bonne chose. Mais c'est un autre problème. Nous parlons ici d'un outil de contrôle qui doit, si l'on veut qu'il soit vraiment efficace, être situé au plus près de l'autorité qui en est chargée. C'est pour cette raison, et uniquement pour cette raison, que je ne suis pas favorable à votre amendement.
J'espère moi aussi, monsieur le ministre, que des opérateurs viendront s'installer outre-mer, et peut-être à Saint-Pierre-et-Miquelon, puisque nous avons un statut particulier qui nous permet de mettre en place notre propre fiscalité.
Mais, dans ce cas, votre disposition nécessitera deux installations, l'une située sur le territoire, et l'autre, technique, située en France métropolitaine. Les ministres de l'outre-mer ont assuré que cette loi serait applicable, qu'elle donnerait aux territoires d'outre-mer la possibilité de se positionner sur ce marché, de voir des opérateurs s'installer chez eux. Or cette restriction, que vous le vouliez ou non, va entraver cette possibilité de développement. Cette loi est imparfaite mais, si elle s'applique, elle doit s'appliquer de la même manière partout. C'est une question d'équité. Je regrette d'autant plus votre position, monsieur le ministre, que mes collègues de la commission étaient favorables à cette modification. Ajouter les mots : « en France », c'était simplifier les choses.
Certes, il est possible qu'un opérateur décide de ne pas s'installer outre-mer pour des raisons économiques. Mais ce n'est pas au législateur de faire ce choix. Ce sont des raisons économiques qui l'expliqueront, et cela ne dépend pas du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'équipement dont nous parlons n'est rien d'autre qu'une chambre forte. Il ne donne lieu à aucune création d'emplois : celle-ci est liée à l'entreprise elle-même. C'est pourquoi je vous disais qu'il serait préférable que des opérateurs aillent s'implanter dans les DOM-TOM, pour organiser les jeux. Le support matériel de l'archivage, quant à lui, n'est rien d'autre qu'une pièce dans laquelle un ordinateur enregistre les données. C'est comme un transformateur. Cela ne crée pas d'emplois. À la limite, on peut même dire que cela bloque un local.
Encore une fois, c'est uniquement pour des raisons pratiques que ce support matériel doit être situé en France métropolitaine. Si les opérateurs veulent jouer au plus malin et aller implanter des frontaux extrêmement loin de l'ARJEL, cela voudra dire que nous serons de moins en moins en capacité de contrôler. L'objectif est d'abord de pouvoir contrôler ce qui se passe, ce qui nécessite d'obtenir les données rapidement et souvent. C'est bien le seul objectif visé.
(L'amendement n° 12 n'est pas adopté.)
(L'article 22 est adopté.)
Mon rappel au règlement, fondé sur l'article 58, sera très bref, monsieur le président. Notre assemblée poursuit ses débats dans un climat apaisé. Je veux apporter quelques éléments d'information qui, j'en suis convaincu, vont maintenir cet apaisement.
Vous savez que le grand mérite de la démocratie, c'est que le débat est public, la délibération est publique, et il faut s'en réjouir. L'AFP nous le confirme, puisqu'elle nous dit ceci, dans une dépêche qui vient de tomber : « Jeux en ligne. Les députés poursuivent le débat sous l'oeil des lobbies. » Je voulais donc rassurer l'ensemble de nos collègues : nous sommes parfaitement bien observés par des hommes et des femmes de qualité.
Et comme vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous alliez faire preuve d'une rigueur particulière, j'espère que les lobbies, contre lesquels je n'ai évidemment rien, sauf lorsqu'ils ne respectent pas la loi, vont trembler à l'évocation de vos paroles. Mesdames et messieurs des lobbies, que je ne vois pas, mais qui me voyez et m'entendez, tremblez ! Le Gouvernement va enfin faire respecter la loi !
Nos débats sont totalement publics, vous le savez bien. C'est le propre de la démocratie.
Je voudrais d'abord rebondir sur ce qu'a dit M. Gorce. On pourrait aussi ne pas rebondir, laisser les choses aller : c'est une technique habituelle. Mais cela me fait plaisir de rebondir.
Je pense, monsieur Gorce, que vous avez remarqué, parce que vous êtes très attentif, que tous les débats se déroulent sous le regard des lobbies, celui-ci comme les autres. Cela n'a aucune incidence. Les débats sont publics, et c'est heureux.
Les lobbies ne sont d'ailleurs pas, en soi, condamnables. Ils défendent des intérêts dont on peut estimer que le cumul, à un moment donné, crée l'intérêt général. Mais nous sommes libres. Vous êtes libres, et vous usez de cette liberté. Le Gouvernement est également libre. Et le Parlement vote des textes.
Enfin, si les représentants des lobbies sont présents, le Gouvernement n'y est pour rien. En ce qui concerne l'Assemblée nationale, ce sont plutôt les députés qui s'en occupent.
Quant aux amendements, j'y suis favorable.
(Les amendements nos 1063 et 1073 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 130, de M. le rapporteur, auquel le Gouvernement est favorable.
(L'amendement n° 130 est adopté.)
Je suis saisi de neuf amendements identiques, nos 876 à 884 .
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
Défavorable également.
J'approuve totalement les propos du ministre. Ce qu'il a dit auparavant me convient tout à fait. Je suis en parfait accord avec lui. Je me suis contenté de faire un constat, qui a fait réagir le Gouvernement. C'est donc que ce constat était utile.
Pour ce qui est de la question qui nous occupe ici, je suis d'accord avec M. le rapporteur pour dire que l'on peut en discuter sous différentes formes. L'article renvoie à l'ensemble des codes que doivent adopter les fédérations pour faire en sorte que les conflits d'intérêts ne puissent pas se produire. Nous voulions insister tout particulièrement sur l'interdiction faite à tous ceux qui sont liés, de près ou de loin, à une manifestation sportive de parier sur cette manifestation.
Je maintiendrai ces amendements, et je demanderai qu'il soit procédé au vote, mais je suis d'accord, monsieur le rapporteur, pour considérer que les ouvertures qui sont faites dans la rédaction de l'article pourraient nous satisfaire. Il reste cependant que, là encore, comme pour l'ARJEL, nous dépendrons, ce que je regrette un peu, d'initiatives prises par des autorités qui ne relèvent pas directement du législateur. Il faudra donc que nous soyons très précisément informés sur la façon dont les différentes fédérations, par exemple, se soumettront à la loi.
J'ajoute simplement une remarque de forme. Il serait bon d'éviter l'emploi du verbe « devoir » dans un texte de loi. Le présent de l'indicatif suffit pour affirmer la volonté de la loi et la rendre applicable. Nous avons la manie de dire « doit » ou « peut ». « Peut », c'est regrettable, car la loi ne sert à rien si elle ouvre simplement une option. Et quand elle crée une obligation, elle l'exprime au présent de l'indicatif. Je sais que M. Mazeaud, en son temps, y était attaché. Je ne veux évidemment pas revendiquer son héritage, mais enfin, sur ce point, il avait parfaitement raison.
Absolument !
(Les amendements identiques nos 876 à 884 ne sont pas adoptés.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi relatif aux jeux d'argent et de hasard en ligne.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma