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Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 8 octobre 2009 à 15h00
Ouverture à la concurrence des jeux d'argent en ligne — Après l'article 9, amendement 26

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaëtan Gorce :

L'amendement déposé par le rapporteur pour avis souligne l'un des aspects du débat que nous avons eu hier et que nous avons à nouveau aujourd'hui : je veux parler de la question de savoir quelle était la solution préférable, y compris au regard du droit européen. Le droit européen nous oblige-t-il à modifier notre législation ? Chacun admet aujourd'hui que ce droit européen pèse, mais qu'il ne nous empêche pas de choisir la législation qui nous convient. Simplement, il exige qu'elle soit cohérente, c'est-à-dire qu'elle réponde bien aux raisons qui la fondent : raisons d'intérêt général, protection contre la criminalité.

D'une certaine façon, ce que vient de dire le rapporteur pour avis alimente mon argumentation. Avec ce texte, vous êtes à mi-chemin et ce faisant, vous risquez d'être pris entre deux feux. En vous ouvrant à la concurrence, vous privez, d'une certaine manière, notre pays des arguments justifiant une réglementation stricte et un monopole, qui protègent mieux le parieur et le consommateur contre les risques de fraude, de criminalité, de blanchiment. Mais en même temps, cette ouverture à la concurrence vous expose au reproche qui consiste à juger les restrictions que vous imposez excessives au regard de la liberté que vous avez commencé à consentir.

Autrement dit, vous êtes pris dans une contradiction : ou bien vous défendez le monopole, vous renforcez le contrôle et la capacité de le faire valoir – c'est d'ailleurs ce que l'arrêt de la Cour exprime ; ou bien, à l'inverse, vous commencez à ouvrir à la liberté, et toutes les restrictions que vous imposerez risquent d'être jugées à l'avenir par la Cour de justice des communautés européennes comme étant exorbitantes au regard des objectifs affichés. Cela ressort assez clairement de ce que dit l'arrêt Santa Casa lorsqu'il explique qu'une législation nationale « n'est propre à garantir la réalisation de l'objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l'atteindre d'une manière cohérente et systématique ». Chaque fois que vous accepterez d'affaiblir votre système de contrôle et de protection, vous vous mettrez en danger ; et chaque fois que voudrez essayer de le renforcer, vous vous exposerez au risque de vous voir reprocher d'être passés à un système d'opérateurs privés. Car la Cour, dans cet arrêt, fait manifestement valoir ses interrogations quant à la capacité des opérateurs privés à lutter efficacement contre la criminalité et le blanchiment.

Une autre orientation était possible – j'ai du reste senti dans l'argumentation de M. Fasquelle une forme de mélancolie, ou de nostalgie par rapport à ce que nous aurions pu imaginer, même si un juriste ne se laisse évidemment pas aller à des sentiments aussi romantiques… Nous aurions pu imaginer un monopole rénové, réorienté par une convention passée entre l'État, le PMU et la Française des Jeux.

Notre collègue Lamour nous dit que Santa Casa mobilise ses fonds non pas pour alimenter le budget de l'État, mais pour soutenir les handicapés, pour favoriser l'innovation sociale, pour faire en sorte que soient soutenues des activités sportives, de l'aide sociale. Quand j'entends cela, je me dis : que ne faisons-nous pas la même chose ici ? Pourquoi ne prenons-nous pas, aujourd'hui, la décision de mettre en place un dispositif qui renforce les financements répondant aux besoins du sport amateur, des handicapés ? Et je pourrais vous dresser une liste de besoins que même le nouvel emprunt ne permettrait pas de satisfaire complètement.

On pourrait souhaiter que ce soit cette évolution-là qui soit choisie. À l'inverse, vous avez choisi de mettre en place des opérateurs privés qui, comme je le rappelle à chaque fois que j'ai l'occasion de m'exprimer sur le sujet, ne sont pas membres d'un club de philanthropes, et qui vont par conséquent tenter de réaliser des bénéfices et des profits sous protection publique, là où, au contraire, c'est sous protection du monopole que nous aurions pu défendre des tâches d'intérêt général.

Je doute que la Commission européenne tarde à mettre en cause le texte que nous sommes en train d'examiner. Renforcez les contraintes, et elle vous reprochera d'être en contradiction avec la liberté que vous mettez en place. Diminuez-les, et on vous reprochera d'avoir abandonné le monopole. Voilà la contradiction dans laquelle vous êtes. Mais le problème, c'est qu'avec cette approche, c'est toute notre législation que vous mettez en contradiction.

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