La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Christian Estrosi, élu dimanche dernier député de la cinquième circonscription des Alpes-Maritimes. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire dont de nombreux membres se lèvent.)
La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, l'actualité est marquée – et le phénomène ne va pas s'arrêter – par la multiplication des mobilisations du monde du travail. Il se mobilise contre l'aggravation des conditions de vie, contre l'insuffisance du pouvoir d'achat et pour la revalorisation des salaires.
Le Président de la République a déclaré ce matin vouloir s'adresser à la France qui travaille et non à celle qui manifeste.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il a raison !
Mais ce sont les mêmes. C'est une seule et même France qui revendique le partage de la richesse créée et le respect de sa dignité.
Les salaires sont au coeur de ces enjeux.
Le chef de l'État joue l'esquive. Il nous ressort la vieille lune de la participation et nous fait le coup de la baisse des prix qui n'est qu'un miroir aux alouettes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il aurait pu annoncer des mesures contre le scandale de la rémunération des dix premiers PDG du CAC 40 : 33 millions d'euros à eux seuls en 2007.
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Eh oui !
Il aurait pu aussi fixer l'objectif d'une vraie revalorisation du SMIC dont l'éventualité est reportée à 2010.
À l'heure ou les grands groupes français explosent la barre des 100 milliards de profits, c'est tout de suite qu'il faut augmenter les salaires. Évidemment, Nicolas Sarkozy n'en fait rien et pour cause : au-delà des faux-semblants, il reste avant tout le Président des actionnaires et des riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ce propos est scandaleux !
Au moment où la France va présider l'Union européenne, et quarante ans après le Grenelle des salaires, qui s'était traduit par 35 % de plus sur la feuille de paie et la relance de l'économie, notre pays s'honorerait de prendre l'initiative d'un « Bruxelles des salaires ».
Les nombreuses manifestations qui se déroulent dans différents pays voisins montrent que la redistribution des richesses est une urgence partout en Europe. Allez-vous enfin répondre à l'exigence de hausse généralisée des salaires en France et en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi, dans le silence de préférence, mes chers collègues.
Monsieur le député, en matière de pouvoir d'achat, le Premier ministre a fixé des caps. L'action du Gouvernement est pragmatique et s'appuie sur trois leviers afin d'obtenir rapidement des résultats.
L'emploi est le premier de ces leviers.
Il ne faut jamais oublier, en effet, que le pouvoir d'achat ne se détermine pas au niveau du Gouvernement : il se crée par le travail de nos concitoyens.
De ce point de vue, le projet de loi travail, emploi, pouvoir d'achat, commence à produire des résultats extrêmement satisfaisants.
La semaine dernière, nous nous sommes rendus sur le terrain avec Gilles Carrez et tout un groupe de députés, pour mesurer les effets des dispositions relatives aux heures supplémentaires. Elles concernent aujourd'hui 59 % des entreprises et plus de six millions de salariés. Je rappelle que, pour un salarié effectuant quatre heures supplémentaires par semaine, cela représente l'équivalent d'un treizième et d'un quatorzième mois dans l'année. Si ce n'est pas du gain de pouvoir d'achat, nous ne parlons pas de la même chose !
L'action sur les prix est le deuxième levier.
En la matière, nous essayons d'introduire à la fois plus de transparence et de concurrence dans la distribution dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'économie dont vous allez bientôt débattre. Il s'agit de supprimer les rentes de situation qui ont été constituées sur le dos des Français. On ne peut se satisfaire d'avoir durablement des prix plus élevés chez nous que chez nos voisins européens pour les mêmes produits.
L'intéressement est le troisième levier.
Non, monsieur Bocquet, ce n'est pas une vieille lune idéologique : c'est du concret pour les salariés. Il s'agit de libérer, dans les quatre ans qui viennent, l'équivalent de 6 milliards d'euros. Nous vous laissons donc à vos vieilles lunes idéologiques pour nous concentrer sur les leviers pragmatiques (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) : libération de la concurrence, heures supplémentaires pour ceux qui travaillent, et action en matière de politique des prix.
Monsieur Bocquet, le Gouvernement actionne ces différents leviers et n'oublie pas ceux qui ont pour seul capital leur travail. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire – Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Hypocrite !
Monsieur le Premier ministre, la question du pouvoir d'achat est l'une de celles qui préoccupent le plus les Français, et ce de façon croissante depuis plusieurs années. Beaucoup d'entre eux ont le sentiment de ne plus y arriver. Parmi les sujets de préoccupation, figure notamment celui du prix des carburants.
Il ne se passe pas de jour sans que nos compatriotes nous interpellent sur le prix du fioul, de l'essence. Ce fut le cas dès cet hiver avec le chauffage et cela a débouché sur la mise en oeuvre des aides à la cuve. On le voit aujourd'hui avec les difficultés des professionnels : les marins- pêcheurs, les transporteurs, les artisans, les agriculteurs...
Ainsi que le chef de l'État l'a indiqué lui-même ce matin, la hausse des matières premières est une tendance lourde et durable. Il faut donc avant tout mettre les bouchées doubles en matière d'énergies alternatives. Monsieur le Premier ministre, vous avez d'ores et déjà pris des mesures en ce sens qu'il faut poursuivre.
Toutefois il convient également que nous prenions des dispositions pour limiter les effets de l'augmentation du prix des carburants pour tous les Français. Cela concerne en premier lieu la TVA. Le problème n'est pas que franco-français : il est européen.
Monsieur le Premier ministre, quelles initiatives comptez-vous prendre s'agissant de la TVA ? Elle doit être plafonnée à un certain niveau pour éviter d'ajouter l'effet taxe, qui amplifie l'évolution des prix et qui a permis à l'État, ce dernier trimestre, d'engranger de 150 à 170 millions d'euros de plus, liés à l'augmentation du cours du baril. L'idée d'affecter cette TVA supplémentaire aux plus fragiles est bonne et juste, mais ce prélèvement supplémentaire concerne tout le monde, y compris les actifs. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à engager la réflexion sur le plafonnement de la TVA sur le gazole au plan européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Sauvadet, nous sommes en présence non pas d'une crise mais d'une augmentation durable du prix du pétrole dont chacun connaît les raisons. L'offre ne peut satisfaire l'explosion de la demande. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Parallèlement, les pays producteurs cherchent à prolonger le plus longtemps possible la période pendant laquelle ils pourront vivre de la vente de cette matière première dont les réserves sont aujourd'hui à peu près connues.
Nous sommes donc en face de nos responsabilités s'agissant de la mise en place de mesures structurelles pour contrer une hausse du prix du pétrole qui sera continue et la disparition progressive annoncée de cette énergie. Avec le Grenelle de l'environnement, nous avons pris des initiatives en ce sens et, dans quelques semaines, le Parlement sera saisi des traductions législatives de ces décisions.
Il s'agit d'abord d'accomplir un effort sans précédent sur les économies d'énergie, dans les bâtiments, dans les transports, avec la promotion des transports en commun et des nouvelles sources d'énergie pour les transports, y compris individuels.
Il s'agit ensuite d'augmenter la part des énergies renouvelables. Il faut, pour ces dernières, faire aujourd'hui l'effort d'investissement qui avait été consenti en faveur du nucléaire dans les années 70, lorsque nous avons été confrontés à la première crise énergétique.
Il s'agit enfin de continuer à développer le programme nucléaire français. Cette réponse, qui était bonne en 1970, est toujours bonne aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Au-delà de ces réponses structurelles, nous devons apporter des réponses à court terme à ceux qui souffrent le plus de l'augmentation du prix du pétrole.
Le Président de la République a ainsi proposé ce matin que les excédents de TVA, soit environ 160 millions d'euros pour le premier trimestre – tandis que le produit de la TIPP diminuait de 80 millions d'euros en raison de la baisse de la consommation –, soient affectés à un fonds. Cela permettra d'augmenter la prime à la cuve, de venir en aide aux professions totalement dépendantes du pétrole et qui ne peuvent pas répercuter son prix sur leurs services ou leurs produits, et aux plus défavorisés de nos concitoyens.
Enfin, mesdames et messieurs les députés, nous allons prendre une initiative vis-à-vis de nos partenaires européens : nous allons voir avec eux comment harmoniser nos réponses à cette question puisque nous sommes tous soumis à la même augmentation du prix du pétrole.
Parmi ces réponses, figure le plafonnement de la TVA, que vous avez évoqué, mais il y a aussi le dialogue avec les pays producteurs, que nous ne devons pas négliger. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, comme vient de le rappeler le Premier ministre, améliorer le pouvoir d'achat des Français dans notre pays a toujours été une priorité pour le chef de l'État et sa majorité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Hier et ce matin encore, le Président de la République l'a prouvé en réitérant sa volonté d'apporter des réponses concrètes aux questions que se posent les Français pour améliorer leur quotidien. Face à la hausse du prix du pétrole, il souhaite consacrer les recettes supplémentaires de TVA sur les produits pétroliers – 150 à 170 millions d'euros par trimestre – à un fonds destiné à venir en aide aux Français les plus touchés par cette hausse.
Nicolas Sarkozy a ainsi annoncé que la prime à la cuve de fioul domestique, déjà doublée à 150 euros et qui profite à 700 000 ménages non imposables, serait portée à 200 euros. Ces fonds supplémentaires permettront aussi de financer le tarif social du gaz. Fixé par décret le 1er juillet, il sera ouvert aux ménages pouvant prétendre à la couverture maladie universelle, soit 750 000 foyers.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, indiquer à la représentation nationale qui, sur tous les bancs, je l'espère, se réjouit de ces annonces, dans quels délais ces mesures seront mises en application ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur Terrot, le Premier ministre vient de dresser un tableau de la situation.
En 2007, l'État a connu, par rapport à ses prévisions, un manque à gagner de 359 millions d'euros sur ses recettes de TIPP et de TVA ; comme en 2006 ces recettes ont été moins élevées que prévu. Au premier trimestre 2008 la situation a été différente : les recettes de TVA ont été supérieures de 169 millions d'euros aux prévisions ; les recettes de la TIPP leur ont en revanche été inférieures de 100 millions d'euros. Reste à voir les résultats des prochains trimestres.
Le Président de la République a réaffirmé, avec force et clarté, quelques principes essentiels concernant le prix de l'essence et du fuel, si importants pour la vie quotidienne de nos concitoyens : l'État ne doit pas gagner d'argent quand le pétrole augmente. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Personne, me semble-t-il, ne peut contester ce principe, et nous rendrons aux Français, le cas échéant, les surplus de TVA.
Je mettrai en oeuvre le principe fixé par le Président de la République et je m'engage à rendre publics, chaque trimestre, les revenus liés aux taxes sur le pétrole, TIPP et TVA. Cette transparence est essentielle.
Les surplus seront affectés à un fonds permettant de financer une augmentation de la prime à la cuve – le Président a proposé qu'elle passe à 200 euros – ainsi que les tarifs sociaux.
Enfin, restituer les éventuels surplus de recettes n'est pas contraire à notre volonté sans faille d'équilibrer les finances publiques de la France, contrairement à ce que j'ai entendu sur certaines radios. Jamais, en effet, nous n'équilibrerons les finances publiques de la France en prenant du pouvoir d'achat aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, j'ai eu l'occasion de vous entendre ce matin dans le cadre du Grenelle de l'insertion et j'ai eu le sentiment que votre discours s'apparentait plus à un exercice obligé qu'à un véritable engagement de conviction.
C'est sans doute d'ailleurs ce qui explique que, pendant que les acteurs concernés oeuvraient sous la houlette du haut-commissaire, d'autres ministres du Gouvernement faisaient inscrire à l'ordre du jour de nos travaux des dossiers concurrents.
Pendant que nous parlions, dans le Grenelle, de la sécurisation des parcours d'insertion, vous engagiez la loi sur la modernisation du marché du travail où la flexisécurité est de mise, disons surtout la flexibilité et un peu moins la sécurité.
Pendant que nous débattions, dans le Grenelle, de la difficulté d'accès à l'emploi des plus démunis, vous annonciez la mise en oeuvre de l'« offre raisonnable d'emploi », selon vos termes, qui pénalisera fortement les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Pendant que nous dégagions des consensus sur les efforts indispensables que doit accomplir l'ANPE, vous engagiez, indépendamment de nos remarques, la mise en place de l'opérateur unique né du regroupement de l'ANPE et des ASSEDIC.
Pendant que nous évoquions l'avenir des minima sociaux, vous annonciez une réforme du RSA, sans d'ailleurs en donner le détail.
Les travaux du Grenelle de l'insertion ont donné lieu à une feuille de route, dont plusieurs des partenaires ont dit qu'ils ne la signeraient pas. Elle fixe les engagements demandés aux collectivités, aux conseils régionaux et aux conseils généraux, aux communes, aux intercommunalités. Je pensais donc, monsieur le Premier ministre, que votre intervention de ce matin détaillerait ce qu'allait être l'engagement de l'État. J'attends encore !
Pour les moyens, vous avez renvoyé à des « arbitrages budgétaires ultérieurs ». Pas même un mot sur le 1,5 milliard du RSA, dont je rappelle que vous allez le financer en supprimant, notamment, le droit à la prime pour l'emploi des classes moyennes pourtant déjà durement touchées par la baisse de leur pouvoir d'achat.
Pas un mot non plus sur les contours du débat que vous nous avez annoncé pour l'automne sur les minima sociaux. Pourquoi ne pas dire clairement que vous vous apprêtez à supprimer le RMI, à le remplacer par le RSA – qui n'a jamais été conçu dans cet esprit – et que, de ce fait, vous laisserez au bord de la route, ou plutôt à la charge des CCAS des communes ou des fonds des conseils généraux les personnes les plus éloignées de l'emploi, les plus précaires ?
J'y arrive. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, quelles sont, au bout du compte, les intentions du Gouvernement ? Si votre intervention de ce matin avait pour objectif de nous faire percevoir le grand écart existant entre les effets d'annonce et la réalité des mesures engagées, c'est gagné ! S'il s'agissait de répondre aux attentes légitimes des Français (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
…c'est bien mal engagé !
Je rappelle enfin que vous devez 2,3 milliards d'euros aux départements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
Monsieur Christophe Sirugue, nous nous trouvions en effet au même endroit ce matin, dans la salle où sont négociés les accords du Grenelle, mais, manifestement, nous n'avons pas entendu la même chose. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le Gouvernement s'est engagé à suivre scrupuleusement la feuille de route sur laquelle se sont accordés les représentants d'organismes qui, à ma connaissance, ne peuvent être taxés de naïveté : l'assemblée des départements de France, l'assemblée des régions de France, l'assemblée des maires de France, la CGT, la CFDT, Force Ouvrière, le MEDEF, la CGPME, l'EPA, Emmaüs, ATD Quart Monde, la FNARS, toutes les associations, tous les acteurs de l'insertion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il n'était pas question de signer un engagement mais d'approuver une feuille de route. Et lorsque j'ai demandé si quelqu'un était en désaccord, vous étiez là, monsieur Sirugue, mais personne n'a levé le doigt ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Huées puis vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Depuis des années, j'entends dire que les questions d'insertion ne sont jamais traitées au niveau interministériel. Or le Premier ministre vient d'affirmer qu'un texte serait soumis au Parlement avant la fin de l'année pour entériner la création du RSA et traduire dans la loi les résultats des travaux menés par les partenaires, c'est-à-dire le contrat unique d'insertion et l'ouverture du service public de l'emploi à ceux qui en sont actuellement privés et les contrats territoriaux.
Ce matin nous avons fait en sorte que la question des minima sociaux et de l'exclusion quitte la petite table de la cuisine pour la grande table des négociations. (Vifs applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du travail, alors que le parti socialiste s'enlise dans des rivalités de personnes et des conflits idéologiques (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), le Président de la République n'a qu'une seule ambition : améliorer le quotidien des Français. Parmi les solutions retenues figurent l'intéressement et la participation dans les entreprises.
Hier, nous avons, avec Christian Patria et mes collègues de l'Oise, reçu le Président de la République, en visite dans une entreprise très performante de notre département. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) À cette occasion, celui-ci nous a fait part de sa volonté de mener rapidement à bien ses projets.
En effet, il semble normal que les salariés motivés soient associés aux fruits de la croissance. Rappelons que plus de 7 milliards d'euros ont été distribués au titre de la participation, soit plus de 1 400 euros par salariés.
Une nouvelle fois, Nicolas Sarkozy nous montre sa volonté d'améliorer le pouvoir d'achat des Français. (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous éclairer sur l'ensemble des mesures envisagées ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Quand une entreprise gagne de l'argent, nous voulons que ses salariés en gagnent aussi : telle sera la logique du texte sur l'intéressement et la participation. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Aujourd'hui, dans les PME de moins de cinquante salariés, seul un salarié sur dix touche de l'intéressement. C'est la raison pour laquelle le Président de la République et le gouvernement de François Fillon veulent doubler, d'ici à 2012, grâce à l'incitation, le montant de l'intéressement versé à l'ensemble des salariés français.
Le Gouvernement entend pour cela mettre en place un nouvel outil : un crédit d'impôt de 20 % sur les sommes versées au titre de l'intéressement. Soit nous serons dans le cadre d'un accord existant et le crédit s'appliquera aux nouvelles sommes versées, soit un nouvel accord d'intéressement sera signé et la mesure concernera l'ensemble des salariés. Dès 2009, nous offrirons de cette manière du pouvoir d'achat supplémentaire aux salariés. Les gains de l'entreprise profiteront aux actionnaires, aux investissements mais aussi aux salariés.
Quant à la participation, l'idée est simple : au moment de l'attribution de sa participation le salarié pourra choisir soit de bloquer l'argent sur un compte, soit de le débloquer pour accroître son pouvoir d'achat.
Vous le voyez, il s'agit de mesures simples, fondées sur le libre choix de chacun. Dès la fin de l'année 2010, nous verrons si leurs résultats sont à la hauteur de nos attentes, c'est-à-dire de celles des salariés.
Nous allons d'autre part, avec Christine Lagarde, présenter en conseil des ministres, avant la fin du mois de juin, un texte qui devrait vous être soumis pour examen à l'automne et qui nous permettra, dès le début de l'année 2009, d'augmenter les salaires, grâce, notamment, à un dispositif de conditionnalité des allégements de charges.
L'augmentation des salaires, la valorisation du travail et de ceux qui travaillent : voilà les ambitions qui sous-tendent le texte sur l'intéressement et la participation. C'est le défi auquel sont confrontées nos entreprises et la société française tout entière. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Frédéric Lefebvre pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, le service minimum, ça marche ! (« Où ? Où ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Dans les transports, cela n'a pas empêché les grévistes de faire grève, mais cela a permis aux travailleurs de travailler. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
À l'école, dans les trois mille communes où les maires étaient volontaires, cela n'a pas empêché les grévistes de faire grève, mais cela a offert aux familles un système de garde d'enfants sans frais pour elles.
Monsieur le ministre, le Président de la République a annoncé une loi, car le bon sens ne l'a pas emporté chez les élus socialistes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Par idéologie, ils ont refusé d'appliquer ces mesures attendues par les familles, pour éviter de se brouiller avec les enseignants. Quel courage ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Libéral et socialiste, ou socialiste et libéral, les Français s'en moquent ! À l'UMP, nous avons choisi de travailler. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous avons consulté les maires : 92 % des maires UMP (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) sont favorables à la mise en place du service minimum d'accueil et 48 % ont compris que le blocage était idéologique ; suivez mon regard.
Monsieur Hollande, il ne s'agit pas de savoir si c'est une mesure libérale, ultralibérale ou antilibérale, mais de savoir si ce nouveau droit qui leur est offert plaît aux familles ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Sur la question du financement, le Gouvernement a apporté des réponses, mais les maires continuent de s'interroger sur le problème de la responsabilité (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur ce point, pour que tous les maires de la majorité et bientôt, je l'espère, tous les maires de France puissent offrir aux familles le service minimum d'accueil. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le député, vous avez raison (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) de rappeler que la politique ne se réduit pas à des théories abstraites, mais est l'art de répondre aux problèmes qui se posent aux Français. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Certains « social-libéralistes » voudraient laisser la main invisible des libertés obscures (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) décider de la façon dont les choses se feront. D'autres, à la suite de débats participatifs, nous disent qu'ils sont pour le service d'accueil, alors qu'ils sont contre, ou réciproquement.
De notre côté, nous ne nous posons pas de telles questions. Nous essayons simplement de concilier la liberté de ceux qui ne veulent pas travailler, qui veulent faire grève, avec la liberté de ceux qui veulent travailler et qui souhaitent un service d'accueil pour leurs enfants. C'est ce que nous allons faire, indépendamment de toute idéologie et en dépit de toutes les protestations.
J'ai d'ailleurs commencé à rencontrer les organisations syndicales, en particulier pour régler les délicates questions du préavis et du signalement, car la connaissance du nombre de grévistes est indispensable à l'organisation du service minimum. Nous donnons ainsi aux familles une liberté nouvelle : celle de faire garder leurs enfants aux frais de l'État, sous la responsabilité des communes.
Monsieur Lefebvre, vous m'interrogez justement sur la responsabilité des élus, question centrale.
Désireux de garantir le dispositif du service minimum d'accueil et d'éviter toute difficulté aux familles tout comme aux élus, je travaillerai avec vous pour que, lors de la discussion parlementaire sur le sujet, le Gouvernement soutienne un amendement tendant à ce que la responsabilité administrative de l'État se substitue à celle de la commune organisant l'accueil des enfants. Ainsi, les familles se sentiront libres et les maires dégagés de toute crainte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, ma question s'adresse à M. le Premier Ministre et porte sur une préoccupation majeure de nos concitoyens. Je veux parler des conséquences de la hausse des prix des carburants, qui touche bien sûr certaines professions, mais, au-delà, des millions de Français qui n'ont pas d'autre moyen pour se déplacer que d'utiliser leur véhicule.
Monsieur le Premier ministre, vous vous défaussez uniquement sur le marché, mais je vais faire trois constats simples pour préciser vos marges de manoeuvre.
Premier constat : de 2000 à 2008, le prix du baril de pétrole exprimé en euros a augmenté de 15,5 %. La hausse de l'euro accompagne celle du baril ! Durant la même période, le prix du litre de gazole, comprenant les taxes a, lui, augmenté de 70 %.
Deuxième constat : les bénéfices de la seule entreprise Total dépassaient 12 milliards d'euros en 2007 et, au rythme du premier trimestre 2008, ils atteindraient 15 milliards d'euros cette année, chiffre gigantesque puisqu'il égale les cadeaux fiscaux de l'été 2008 et dépasse les déficits des régimes sociaux que vous stigmatisez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Troisième constat : vous aviez jusqu'alors toujours nié que les hausses du prix des carburants généraient des recettes de TVA supplémentaires. Ce matin, le Président de la République, peu suspect à vos yeux, annonçait 150 à 170 millions d'euros par trimestre, soit autant que vos taxes sur les malades.
Face à ces trois constats, le groupe socialiste vous demande avec insistance, depuis des mois, d'agir dans trois directions.
Premièrement, restaurer la TIPP flottante qui peut immédiatement lisser les spéculations.
Deuxièmement, instaurer une taxe, même modeste, sur les bénéfices vertigineux des grands groupes pétroliers, qui n'ont plus rien d'exceptionnels.
Troisièmement, utiliser les revenus de cette taxe et les surplus de TVA enfin avoués par le Président de la République, pour financer – nous le demandons depuis des mois – le chèque transport et le rendre obligatoire, voire financer des transports collectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le Premier ministre, agirez-vous, avec ces trois mesures, en faveur des salariés – oubliés du discours du Président de la République ce matin –, qui utilisent leur véhicule pour travailler, faire leurs courses, s'assurer des moments de loisirs, chercher du travail ? Bref, tous les Français qui souffrent de votre politique économique et sociale n'en peuvent plus d'attendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur divers bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Monsieur le député, ainsi que le Premier ministre vient de le rappeler, la hausse du prix du pétrole est continue et très certainement durable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) À un problème durable, il faut apporter une réponse durable.
Le chèque transport, créé par notre majorité il y a deux ans, n'est pas une bonne réponse à la situation actuelle. (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il n'est une bonne réponse ni pour le développement durable ni pour le pouvoir d'achat. (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous n'avons pas seulement besoin de mesures ponctuelles et temporaires, comme vous le proposez avec la TIPP flottante par exemple. Nous avons véritablement besoin de nous libérer du pétrole, ce qui signifie organiser la transition. C'est le sens du Grenelle de l'environnement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) duquel est issu un texte de loi qui sera prochainement proposé à l'Assemblée. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le Grenelle de l'environnement, ce sont des bâtiments moins consommateurs, ce sont plus d'énergies renouvelables ; le Grenelle de l'environnement, ce sont plus de transports en commun, plus de transports collectifs : 2 000 kilomètres supplémentaires de lignes de TGV ; le Grenelle de l'environnement, c'est plus de report modal avec l'écotaxe sur les camions. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mesdames et messieurs les députés, un Français dépense en moyenne 1 140 euros par an pour sa consommation énergétique, y compris les carburants. Nous libérer du pétrole, c'est lutter à la fois pour l'environnement et le pouvoir d'achat.
S'il convient d'organiser la transition, de préparer l'avenir, comme l'a démontré le Grenelle de l'environnement, il faut aussi accompagner les professions les plus exposées.
Comme le Président de la République l'a annoncé ce matin, les surplus de TVA seront versés dans un fonds destiné à aider les Français qui en ont le plus besoin, et cela permettra, par exemple, de faire passer la prime à la cuve de 150 à 200 euros.
Aider aujourd'hui à nous libérer du pétrole pour que nous soyons plus forts demain : c'est le sens du projet du Gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives j'ai entendu la question de mon collègue Sirugue sur le Grenelle de l'insertion, et j'ai été un peu surpris par le ton qu'il a employé. En effet, ayant participé depuis six mois au Grenelle de l'insertion que vous avez lancé en novembre dernier, j'ai assisté à de nombreux groupes de travail, auxquels Michel Sirugue a également assisté avec Laurent Hénart qui en coprésidait un avec lui et je n'ai pas du tout ressenti l'ambiance telle qu'il l'a décrite dans son intervention.
Les partenaires étaient très nombreux, comme vous l'avez souligné, monsieur le haut-commissaire. Ils se sont écoutés avec beaucoup d'inquiétudes, certes, mais surtout avec beaucoup de respect, et un grand nombre de questions ont été soulevées sur ce sujet particulièrement complexe et préoccupant.
La présentation de notre collègue est donc réductrice.
Pour la première fois, l'insertion est reconnue au plus haut niveau de l'État – le Gouvernement – comme un secteur essentiel, auquel nous essayons d'apporter, enfin, un peu de cohérence, un peu de justice. Surtout, nous essayons de faire en sorte que les actions des uns et des autres convergent, au lieu de provoquer des ruptures.
Monsieur le haut-commissaire, vous avez présenté ce matin devant le Premier ministre et devant le ministre de l'emploi les conclusions issues de la synthèse de tous ces travaux et une feuille de route sur laquelle, me semble-t-il, un certain nombre d'accords ont été obtenus. Bien évidemment, les partenaires n'ont pas souhaité signer cette feuille de route ; tel n'était d'ailleurs pas l'objectif.
Néanmoins, pour une fois, dans la perspective de l'élaboration d'une loi prévue pour le mois d'octobre, nous avons évité de mettre la charrue avant les boeufs ; ce sont tous les partenaires qui ont construit l'ensemble des éléments qui nous permettront de faire un travail parlementaire, et non pas l'inverse, comme c'est souvent le cas. Souvenez-vous de la mise en oeuvre du RMI : on n'avait pas vraiment demandé l'avis des départements quand on leur avait imposé les 20 %, et on avait également évité de parler de la formation des travailleurs sociaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le haut-commissaire, pouvez-vous nous préciser le contenu et le calendrier de votre feuille de route ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
Effectivement, monsieur le député, tous les organismes que j'ai cités tout à l'heure ont donné leur accord formel sur la feuille de route. C'est important car nous voulons du concret !
Le concret, c'est la personne de cinquante-huit ans, en fin de contrat aidé, à laquelle on dit qu'elle ne pourra pas continuer : nous nous sommes engagés à aller plus loin !
Le concret, c'est la personne qui s'est vu refuser la possibilité de bénéficier d'un accompagnement professionnel à cause de son statut : nous nous avons pris l'engagement qu'aucun dispositif ne sera fermé en fonction de tel ou tel statut !
Le concret, c'est la possibilité donnée aux départements, aux communes, à l'État et aux différents acteurs de se mettre d'accord pour que le même formulaire soit adressé aux structures de l'insertion par l'activité économique, et non pas vingt-cinq formulaires pour une demande de financement !
Le concret c'est que nous avons pris l'engagement que les négociations qui vont commencer en matière d'indemnisation du chômage et de mise en oeuvre de conventions tripartites sur l'opérateur unique prennent en compte les besoins des plus défavorisés.
Nous nous sommes engagés sur tous ces points et nous commençons immédiatement.
Ainsi, aujourd'hui même, nous avons désigné, sous l'autorité du Premier ministre, la personne qui sera chargée de l'avancement de la feuille de route. Nous réunirons régulièrement le comité de suivi et nous nous efforcerons, dans ce contexte de dépenses sociales qui augmentent sous la pression de publics qui n'arrivent pas à sortir des dispositifs d'insertion, de faire en sorte que ces publics puissent justement en sortir.
L'insertion réussie, c'est une insertion qui permet de retrouver sa place dans la société, avec un emploi durable, grâce à l'accompagnement professionnel et l'accompagnement social. Les meilleurs gardiens en seront les usagers qui nous ont donné une leçon de réalisme et d'espoir que nous ne sommes pas près d'oublier et que nous ferons vivre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Marie Demange, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, vous avez commencé à exposer, la semaine dernière, votre vision d'une nouvelle organisation de la recherche publique en France, qui vise à mieux fédérer les forces aujourd'hui réparties sur l'ensemble du territoire, à éviter les rivalités stériles qui coûtent du temps et de l'énergie à nos chercheurs et à développer une véritable stratégie pour l'ensemble de nos forces de recherche.
Cette vision appelle un certain nombre de questions concernant notamment les interfaces entre l'INSERM et le CNRS, d'une part, et l'INRIA et le CNRS, d'autre part.
Madame la ministre, pourriez-vous nous détailler vos objectifs et nous expliquer comment, à l'avenir, les différents organismes de recherche vont travailler ensemble au service de la recherche française ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, le Président de la République a fait de la recherche une absolue priorité pour le Gouvernement.
Une priorité financière, d'abord.
Depuis 2005, les moyens de fonctionnement des laboratoires de recherche dans notre pays ont augmenté de 25 % en moyenne, et l'engagement d'accroître le budget de la recherche de 40 % pris devant votre assemblée en 2006 sera, d'ici à cinq ans, tenu. À cela, s'ajoutera la hausse de 50 % du budget de nos universités et le lancement, jeudi prochain, de l'opération Campus, soit 5 milliards d'euros consacrés à la rénovation de nos laboratoires de recherche et de nos lieux d'enseignement.
Une priorité humaine, ensuite.
Depuis 2005, le budget du ministère de la recherche a permis 6 000 recrutements, dont la moitié sont des enseignants-chercheurs et des chercheurs. Cela veut dire que la France compte aujourd'hui plus de chercheurs par habitant que l'Allemagne. J'ajoute que, pour l'année 2008, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a été exonéré de l'obligation du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Une priorité stratégique, encore.
Nous voulons construire un système de recherche comme une chaîne solidaire, dont tous les maillons seront forts, mais coopéreront entre eux.
Cela signifie que, grâce à la loi d'autonomie, nous aurons des universités puissantes et autonomes ; que, grâce à la réforme du CNRS, à celle de l'INSERM que je mène avec Roselyne Bachelot, à celle de la recherche agronomique que je mène avec Michel Barnier, nous aurons des organismes de recherche rayonnants mais ouverts.
Enfin, le troisième maillon, c'est une ambitieuse recherche privée. C'est l'objet du triplement, pour les entreprises, du crédit d'impôt-recherche que nous avons voté. Dans la compétition mondiale de l'intelligence, il serait totalement vain d'opposer la recherche publique et la recherche privée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La réforme du CNRS, qui est aujourd'hui soumise à la concertation, est cruciale. Défendre le CNRS, c'est accepter de le moderniser, de lui donner une nouvelle cohérence, de l'ouvrir davantage, surtout dans des domaines cruciaux comme les sciences du vivant ou les technologies de l'information.
Nous devons dire non à la compétition stérile entre organismes et oui à de nouvelles coopérations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Michel Ménard, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Avant de poser ma question à M. le ministre de l'éducation nationale, j'aimerais que nous puissions avoir une réponse à la question sur le chèque transport qu'a posée mon collègue Christian Eckert. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, la Palme d'or décernée au film de Laurent Cantet, Entre les murs, est un formidable coup de projecteur sur la vie dans un collège. Cette distinction récompense un réalisateur de talent, bien sûr, mais aussi l'ensemble des élèves et leurs professeurs qui ont participé au tournage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Poursuivez, monsieur Ménard. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ce film montre aussi la complexité du métier d'enseignant.
Dans les établissements, les équipes enseignantes font preuve d'imagination pour que chaque enfant aille au maximum de ses possibilités, en empruntant parfois des chemins très différents. Ne les découragez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Depuis des mois, des lycéens, des enseignants, mais aussi des parents se mobilisent contre votre projet de réforme des programmes scolaires et la suppression massive de postes dans l'éducation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
À leur légitime inquiétude, vous répondez par le mépris, par la diversion, en voulant imposer un service minimum assuré par les communes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comme nous venons de l'entendre, d'ailleurs, c'est la seule réponse de l'UMP au malaise des enseignants et des parents. La diversion ne trompe personne, et surtout pas les parents, qui ont bien compris que c'était la qualité de l'enseignement qui était en jeu.
Hier, en Loire-Atlantique, plus de soixante écoles étaient occupées par les parents. Je suis allé à leur rencontre. Ils ont exprimé leur inquiétude pour l'avenir de l'école, pour l'avenir de leurs enfants. Diminution massive du nombre de postes, augmentation des effectifs des classes, remise en cause des réseaux d'aide pour les enfants en difficulté…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
…frénésie de réformes sans évaluations des mesures précédentes, absence de concertation avec les différents partenaires : la rentrée de septembre prochain se prépare dans de mauvaises conditions. (« Démagogue ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les collectivités chargées du transport des élèves ne sont pas en mesure d'adapter les circuits de ramassage scolaire, faute d'informations sur les horaires des cours. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
À quel moment se fera l'accompagnement éducatif ? Lorsque les autres enfants seront partis ? À midi, au moment où les camarades de classe suivent des activités dans le cadre d'un contrat éducatif local ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour être réussie, une réforme doit être concertée. Ne laissez pas pourrir la situation, monsieur le ministre.
J'ai trois questions à vous poser. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Acceptez-vous d'engager une vraie concertation avec tous les partenaires avant de mettre en place une énième réforme ?
Allez-vous enfin accepter de revenir sur la réduction du nombre d'enseignants et de personnels dès la rentrée 2008 ?
Demanderez-vous (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) un collectif budgétaire afin d'assurer la rentrée scolaire dans de bonnes conditions ?
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous parlons beaucoup de Grenelle, en ce moment (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : faites donc un Grenelle de l'enseignement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mes chers collègues, je vous en prie ! Si vous voulez une réponse, écoutez Xavier Darcos, auquel j'ai donné la parole.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, si je comprends bien, il y a eu deux Palmes d'or à Cannes cette année : la Palme d'or qu'a obtenu le film Entre les murs et la Palme d'or de la récupération par le parti socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) d'un film qui, d'ailleurs, soit dit en passant, a été cofinancé par les services de Fadela Amara. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C'est bien à tort, monsieur le député, que vous cherchez à exploiter un film qui montre le dévouement des enseignants. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mes chers collègues, serait-il possible d'écouter la réponse de M. le ministre ?
C'est bien à tort que vous cherchez à opposer les enseignants, les familles et le ministère à propos d'une oeuvre cinématographique.
D'ailleurs, je ne sais pas exactement dans quelle fiction nous vivons. La vision apocalyptique que vous décrivez n'a aucune réalité. Ainsi que je l'ai déjà souligné, à la rentrée prochaine, nous aurons exactement le même encadrement éducatif dans les lycées, dans les collèges et à l'école primaire. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez cité l'école primaire et vous êtes vous-même élu de Loire-Atlantique. Or, dans ce département, on compte vingt-trois élèves par classe dans les écoles élémentaires, vingt-six par classe dans les écoles maternelles, et, bien qu'il n'y ait pas d'évolution sensible de la démographie, le nombre de postes y augmentera de vingt-trois.
Contre quoi êtes-vous donc ? Contre l'accompagnement éducatif que nous organisons gratuitement pour tout le monde ? Contre les stages que nous offrons aux élèves de CM1 et CM2, et qui leur permettent de remédier à leurs difficultés et de pouvoir entrer en sixième ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Contre la distribution gratuite, à tous les Français, des programmes de l'école primaire – 4,5 millions d'exemplaires ? (Mêmes mouvements.) Ou, tout simplement, contre le fait que l'école se réforme à livre ouvert, en s'adressant à l'opinion qui, d'ailleurs, l'approuve ?
Une chose me surprend beaucoup dans ce que vous dites, vous et vos amis politiques, c'est que cela ne correspond pas du tout à ce que pensent les Français. (« Périgueux ! Périgueux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Lorsque nous leur demandons leur avis sur les nouveaux programmes de l'école primaire, nous voyons que seuls 7 % d'entre eux les désapprouvent. (Huées et claquements de pupitre sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Lorsque nous proposons une réforme de l'accompagnement éducatif, tout le monde y est favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous ne m'empêcherez pas de dire la vérité. Vous ne m'empêcherez pas de continuer à agir : l'école continuera à se réformer malgré vos cris, vos dénégations et vos attaques personnelles. (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Bernard Brochand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Mme la ministre de la culture et de la communication. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Oui, madame la ministre, je vais parler du festival de Cannes ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) En effet, il a connu cette année un succès extraordinaire. Le festival, je le rappelle, c'est 4 000 journalistes du monde entier, 35 000 professionnels accrédités, le premier marché mondial du film, 130 000 visiteurs, près de 180 millions d'euros de retombées directes…
…et 16 000 emplois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je tiens tout d'abord à féliciter et à remercier tous ceux qui ont été les artisans de ce succès, et à me réjouir avec vous tous du dynamisme du cinéma français. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En effet, un récent film français, Bienvenue chez les Ch'tis, a enregistré plus de 20 millions d'entrées en salle, battant le record détenu jusqu'ici par La Grande Vadrouille. Il est en passe de battre le record absolu de Titanic, sorti en 1997.
Pour le Titanic de l'éducation nationale, demandez à Xavier Darcos ! (Sourires.)
Par ailleurs, je rappelle que le cinéma français a été honoré par trois Oscars à Hollywood, ce qui n'était pas arrivé depuis très longtemps. Enfin, dimanche, le jury international du soixante et unième festival du film de Cannes a décerné à l'unanimité la Palme d'or au film Entre les murs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cela n'était pas arrivé depuis vingt et un ans, quand un film de Maurice Pialat avait été récompensé.
Cependant, au moment où le cinéma français est au meilleur de sa forme, il doit aussi relever de nouveaux défis qui s'imposent à lui, notamment son entrée dans l'univers du numérique et de l'internet, la défense des droits de ses auteurs et créateurs.
Madame la ministre, qu'envisagez-vous pour consolider ces succès, pour confirmer cette prospérité, pour encourager la créativité du cinéma français et, enfin, pour continuer d'assurer le rayonnement dans le monde du festival de Cannes qui demeure, à ce jour, la première manifestation culturelle mondiale et le meilleur ambassadeur de la culture française ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député et maire de Cannes Bernard Brochand, vous avez rappelé très justement les excellents résultats de notre cinéma, qui vient de connaître une moisson de récompenses, avec les Oscars, les 20 millions de spectateurs pour Bienvenue chez les Ch'tis et la Palme d'or.
Nous sommes aujourd'hui le troisième producteur au monde et le premier en termes de fréquentation. Tout cela n'est pas l'effet du hasard : c'est un système qui marche très bien, c'est un engagement massif de l'État. Il ne faut pas s'étonner si, cas unique en Europe, la part du cinéma national est, chez nous, désormais plus grande que celle du cinéma américain.
Que faut-il faire maintenant ? Il faut continuer.
Nous savons que la Commission européenne n'a pas l'intention d'empêcher l'État de continuer à soutenir notre cinéma.
Il faut réorienter nos aides vers l'exportation, pour accroître le rayonnement de notre cinéma. Il faut aussi les réorienter vers le « cinéma du milieu » : Entre les murs est un bon exemple, qui a coûté entre 2,5 et 3 millions d'euros. Il faut aider ce cinéma-là. Il faut également aider les grands films étrangers qui portent notre image à choisir la France comme lieu de tournage. Il faut permettre que cinéma et concurrence fassent bon ménage, de façon à mettre en place des offres attractives qui ne nuisent pas pour autant aux intérêts des distributeurs. Enfin, il faut prendre le tournant du numérique, numériser les salles et bien protéger notre cinéma sur Internet. C'est l'objet même de la loi Création et Internet que je présenterai prochainement, pour augmenter l'offre légale et pour dissuader les pirates ordinaires.
Ainsi notre cinéma se portera encore mieux, pour le plus grand bonheur de Cannes, qui en est la capitale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et porte sur la réforme du livret A.
Aujourd'hui, les sommes que les Français déposent sur le livret A sont entièrement centralisées à la Caisse des dépôts, qui les utilise pour accorder des prêts à long terme aux organismes de logement social. Ce système a ainsi permis de construire quatre millions de logements sociaux.
Les Français peuvent être fiers de ce dispositif, qui leur permet de sécuriser et de rémunérer leur épargne tout en l'employant au bénéfice de tous, au service de l'intérêt général.
Pourtant, votre projet de réforme prévoit que les banques pourront désormais conserver près d'un tiers des sommes déposées sur les livrets A. Or l'exemple du CODEVI, devenu livret de développement durable, démontre qu'il n'est pas possible de contrôler l'emploi des sommes conservées par les banques.
Pourtant, les besoins d'investissement public en France sont considérables : Mme la ministre du logement dit qu'elle veut construire 120 000 logements sociaux par an ; Mme la ministre de l'enseignement supérieur veut rénover les universités ; le Grenelle de l'environnement a montré l'ampleur des besoins en matière de développement durable ; il faudrait par exemple 18 milliards pour atteindre l'objectif prévu pour les transports collectifs en site propre et 24 milliards pour la rénovation thermique des seuls bâtiments de l'État. Tout le monde se rend bien compte que les besoins d'investissement en faveur de l'intérêt général sont immenses.
Face à cela, vous nous dites que les caisses sont vides. C'est pourquoi nous, députés socialistes, vous faisons une proposition concrète…
…pour permettre de financer ces besoins à hauteur de 60 milliards d'euros supplémentaires. Notre proposition n'augmenterait ni la fiscalité ni les déficits, et elle n'amoindrirait pas le patrimoine public : nous vous proposons la centralisation, à la Caisse des dépôts et consignations, au bénéfice de l'intérêt général, de l'intégralité des sommes déposées sur le livret A et sur le livret de développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la ministre, nous savons que d'autres députés, sur d'autres bancs, sont sensibles à cette question : préférerez-vous laisser 60 milliards aux banques, en espérant simplement qu'elles en feront bon usage, ou aurez-vous la volonté politique, face à l'ampleur des défis que la France doit relever, d'accepter que la totalité des 200 milliards d'épargne réglementée des Français soit utilisée au bénéfice de tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, vous m'interrogez sur la réforme du livret A. Comme vous l'avez vous-même mentionné, le point de départ de cette réforme est la décision de la Commission européenne du 10 mai 2007.
Néanmoins il serait abusif de prétendre que nous ne devons faire cette réforme que parce que Bruxelles l'exige. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Nous devons faire cette réforme parce que nous devons améliorer l'accès au livret A pour les Français. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La situation actuelle est en effet quelque peu surprenante : alors que le livret A est le produit d'épargne préféré des Français, son accès est restreint, sa diffusion n'étant autorisée, jusqu'à présent, que dans trois établissements seulement.
L'objectif du Gouvernement est de mettre à profit cette réforme pour améliorer l'efficacité et l'utilisation du livret A…
…tout en veillant, comme vous l'avez dit, à préserver le financement du logement social qui est un sujet important.
Dans cette optique, nous nous sommes fixé trois objectifs.
Tout d'abord, la réforme doit appuyer la politique du Gouvernement en faveur d'un accès plus facile de tous aux services bancaires. Le fait d'étendre à toutes les banques la possibilité de diffuser le livret A est, à ce titre, une garantie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ensuite, cette réforme vient en appui de la politique du Gouvernement en faveur des consommateurs puisqu'elle permettra de renforcer la concurrence entre les banques. Les consommateurs y gagneront. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
J'en viens enfin à votre question, s'agissant du logement social. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Un peu de sérénité !
Le but, en la matière, est d'améliorer le financement du logement social. En effet, aujourd'hui, ce financement est en partie handicapé par les ristournes excessives qui sont accordées au niveau des différents établissements bancaires qui collectent le livret A.
En améliorant la concurrence entre ces différents établissements, en réduisant la part qui est affectée à chacun d'entre eux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Répondez à la question !
…nous accroîtrons le financement global destiné au logement social. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Livret A
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 338 portant article additionnel après l'article 9.
L'amendement n° 338 n'est pas défendu.
J'en viens donc à quatre amendements, nos 411 rectifié , 201 rectifié , 499 et 340 rectifié portant article additionnel après l'article 9, qui peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 411 rectifié .
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, cet amendement nous permet de revenir sur le statut de l'opposition, dont la place qu'on lui réserve, dans toute sa diversité, est l'indice de la bonne santé d'une démocratie.
Dans un régime où le fait majoritaire dicte la conduite politique, seule l'opposition parlementaire a véritablement intérêt à exercer un contrôle approfondi sur le Gouvernement. Nous avons abordé cette question lors de l'examen de l'article 1er . Nous y reviendrons, lorsque nous discuterons les articles 22 et 24 du projet de loi constitutionnelle.
En attendant, madame la ministre, vous vous contentez d'avancées bien timides, qui ne portent pas sur l'essentiel, c'est-à-dire sur le contrôle que doit exercer le Parlement sur l'action du Gouvernement. Si, comme vous semblez l'affirmer, vous voulez réellement dynamiser le travail parlementaire, il faut ouvrir aux députés et aux sénateurs de l'opposition un véritable droit d'initiative pour les différentes procédures de contrôle qui existent généralement dans les systèmes politiques modernes, notamment pour la création de commissions d'enquêtes – peut-être certaines avancées interviendront-elles dans ce domaine ? –, pour l'audition de ministres et de responsables administratifs de la conduite des politiques publiques, ou encore pour la saisine de la Cour des comptes. Il faut en effet instaurer des procédures qui, sans mettre nécessairement le Gouvernement en danger, l'obligeraient à s'expliquer ou à rendre des comptes.
En l'état, la réforme n'avance pas d'un iota dans cette direction. Faute de reconnaître un véritable rôle d'initiative et de contrôle à l'opposition parlementaire dans toute sa diversité – j'y insiste – et dans toutes ses composantes, le texte ne peut relayer les principes que vous affirmez régulièrement en matière de droits de l'opposition ou des groupes qui la composent.
La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l'amendement n° 201 rectifié .
L'amendement n° 201 rectifié , qui reprend une préconisation du comité Balladur, propose que chaque groupe qui ne participe pas de la majorité d'une assemblée ait la possibilité, dès lors qu'il le demande, d'obtenir la création d'une commission d'enquête, dans la limite d'une par session. Une telle mesure tend évidemment à renforcer les droits de l'opposition.
On pourrait certes rétorquer qu'une telle disposition relève davantage du règlement intérieur des assemblées que de la Constitution, mais, puisque le texte affiche la volonté de renforcer les droits du Parlement, donc de l'opposition – car les premiers ne vont pas sans les seconds –, il me semble que l'amendement se justifie. Il ne vise pas, je le rappelle, à offrir à l'opposition la possibilité de créer systématiquement une commission d'enquête, mais seulement à étendre ses droits, puisque la mesure concernerait seulement les groupes qui ne participent pas de la majorité.
Si le Gouvernement émettait un avis positif sur cet amendement, ce serait le signe qu'il entend bien revaloriser les droits de l'opposition et non pas seulement ceux de la majorité, étant entendu que l'une et l'autre ont vocation à alterner.
La parole est àM. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 499 .
Puisque la séance vient de reprendre, qu'il me soit permis, monsieur le président, de revenir sur les propos tenus ce matin par le président du groupe de l'UMP.
Comme, après délibération, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche venait de décider à l'unanimité moins une abstention qu'il refuserait d'apporter ses suffrages à la réforme des institutions telle qu'elle est engagée, le président du groupe UMP s'est exclamé : « Cela doit venir d'une consigne venue d'en haut, de la hiérarchie du parti socialiste. […] C'est une décision du politburo. » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Approbations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je veux dire à M. Copé, qui n'entend rien à toutes ces questions, qu'il devrait se renseigner avant de parler. Ce qu'il appelle le politburo n'existe pas.
Il existe en revanche un bureau national qui a d'ailleurs refusé de se réunir tant que les tenants et aboutissants de la réforme n'étaient pas connus.
De surcroît, nous avons eu ce matin un débat argumenté et diversifié, riche d'échanges toniques entre les différentes sensibilités. Dix-sept de nos collègues ont pris l'initiative de dire – plus que le président du groupe ou moi-même n'avions pu le faire au nom de tous les socialistes – qu'ils étaient prêts à avancer vers la réforme et même à la voter. Comme nous tous, ils ont toutefois pris la mesure des refus, des fins de non-recevoir, des rejets multiples, pour ne pas parler des provocations, dont les dirigeants politiques de l'UMP et le Gouvernement ont usé pour nous refermer la porte sur le nez.
Ce fut le cas à l'occasion de la proposition de loi sénatoriale proposant de réformer le mode d'élection des sénateurs, puis, de manière plus provocante, à l'occasion de la proposition de loi de l'opposition destinée à demander une compensation légitime à la monopolisation croissante du temps de parole médiatique par le Président de la République. C'était le cas hier, au fur à mesure que se déroulait la séance publique, puisque même des amendements de la commission tendant à limiter le cumul des mandats, soutenus par le rapporteur, ont été désavoués par la majorité parlementaire.
L'addition est assez lourde pour justifier notre non, qui n'émane pas d'on ne sait quel politburo, mais d'une décision de conscience. Chacun de nos camarades hésitant en son for intérieur (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) sait le prix qu'il faut attacher à la démocratie et à vos refus. Après réflexion, ils ont pris leur décision et m'ont chargé de vous annoncer, à la reprise de la séance, que le compte n'y est pas.
Notre non est bien sûr un non d'attente, je dirais presque un non d'espérance…
…car nous souhaitons que notre message soit entendu, que vous ayez le temps de discuter entre vous, voire de délibérer avec vous-même, et que vous apportiez une réponse favorable à ce message temporaire.
Cela étant posé, je défendrai, après M. Dosière, un des amendements clé de la discussion, lequel traite de la possibilité pour les parlementaires de créer des commissions d'enquêtes.
Vous prétendez vouloir accroître les droits du Parlement ? Faites-le ! Donnez la possibilité, à la majorité comme à l'opposition, d'exercer le droit non seulement de légiférer mais d'enquêter.
D'innombrables commissions d'enquête auraient pu servir la cause de nombreux Français oubliés par le système politique, n'était le verrou que le Gouvernement peut opposer à leur création. Aujourd'hui, contrairement à ce qui se passe dans tous les pays européens et dans toutes les démocraties modernes, il faut, en France, aller « faire toc-toc » à la porte de Matignon afin de demander l'autorisation d'enquêter. Notre démocratie est-elle un théâtre pour que les enquêtes parlementaires doivent ainsi être autorisées par le Gouvernement ? Pensez-vous que, lorsque nous étions nous-même dans la majorité, nous n'en avons pas souffert autant que vous ?
C'est ma conclusion, monsieur le président : j'adresse un message politique à la majorité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous prendrez votre part de responsabilité dans cet amendement.
Celui-ci est raisonnable puisqu'il propose qu'un groupe parlementaire puisse obtenir la création d'une commission d'enquête par session. À nos yeux, il s'agit d'un point clé depuis toujours. Le secrétaire d'État ici présent peut en témoigner. Nous l'avons dit dans les conversations publiques et privées, ainsi que dans toutes nos déclarations.
Nous souhaitons que vous nous donniez ce droit qui doit être partagé car il constitue la clé de l'évolution sensible de notre République. Depuis le début de ces débats, il s'agit d'une des conditions que nous avons fixées pour émettre un vote positif sur cette révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 340 rectifié .
Nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt les arguments développés par Arnaud Montebourg. Nous n'avons pas de politburo ; nous sommes pourtant le groupe parlementaire dans lequel on pourrait penser qu'il en existe encore un.
Nous n'avons pas eu besoin de réunir ce politburo, dont parle M. Copé avec beaucoup de mépris, pour dire « non » à ce projet de loi constitutionnelle. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Contrairement au « non » de nos amis du groupe socialiste, notre « non » n'est ni un « non » d'ouverture ni un « non » d'espérance : c'est un « non » du doute.
En effet, Arnaud Montebourg le soulignait il y a quelques instants, depuis le début de cette discussion, nous n'avons pas obtenu de signes d'ouverture de la part du Gouvernement et du rapporteur ; il y a plutôt eu des signes de fermeture et de crispation sur les points clés de la réforme.
Tel a été le cas pour le vote des étrangers,…
…un des thèmes auxquels nous sommes très attachés et qui devrait être l'un des piliers d'une réforme des institutions et d'une refondation de la Constitution de 1958. Nous pourrions aussi citer les questions du cumul des mandats, de la proportionnelle ou du pluralisme dans les médias.
Hier, nous avons atteint le sommet de l'hypocrisie dans cette opération de communication qui occupe nos après-midi et nos nuits…
…quand la majorité a voté l'article qui autorise le Président de la République à venir en personne s'adresser à notre assemblée, renforçant ainsi l'hyperprésidentialisation.
Le Président de la République nous a d'ailleurs donné ce matin une preuve qu'il est, à la fois, président de comice agricole, maire, président de conseil général, de conseil régional, Premier ministre et ministre. Mesdames et messieurs les ministres inscrivez-vous au chômage : le Président de la République fait le travail à votre place ! Et voici qu'après avoir effacé le Premier ministre et une partie de son gouvernement, le Président de la République veut se substituer au président de l'Assemblée nationale et aux députés. Cela fait beaucoup pour un seul homme !
Quant à l'amendement n° 340 rectifié (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), il propose une modification clé puisqu'il tend à rendre possible l'existence de commissions d'enquête parlementaire qui ne soient pas créées à l'initiative de la seule majorité. Il s'agit d'un droit essentiel, reconnu dans toutes les grandes démocraties parlementaires.
Je rappelle que nous sommes aujourd'hui dans une situation que d'anciens chefs d'État auraient qualifiée d'« abracabradantesque » (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)…
Monsieur Mamère, je vous demande de bien vouloir respecter l'article 73 du Règlement qui ne vous autorise pas à vous en prendre, dans l'hémicycle, à des parlementaires ni, bien entendu, au Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le Président de la République n'est pas au-dessus de la critique, surtout quand elle vient de parlementaires !
Je ne m'en prends pas au Président de la République : je cite une formule devenue célèbre de l'ancien Président pour lequel, je crois, l'actuel Président a beaucoup de respect et d'admiration.
Je ne reprendrai donc pas ce mot, mais nous nous trouvons dans une situation que je qualifierais de contradictoire. En effet, lorsque nous demandons la création d'une commission d'enquête parlementaire, le garde des sceaux peut s'y opposer si une affaire judiciaire est en cours. Cette limitation absolue au droit de créer des commissions d'enquête parlementaire, vous la confortez aujourd'hui dans ce texte qui interdit aux minorités d'être à l'initiative de commissions d'enquête parlementaire avec auditions publiques.
Nous prenons du temps pour discuter de ces amendements qui portent articles additionnels après l'article 9, mais c'est parce qu'il s'agit d'un des éléments majeurs d'une réelle réforme des institutions.
Je vous prie, monsieur le président, de bien vouloir m'excuser si je suis sorti des limites qui me sont imparties.
Je vous donne acte du fait que vous reconnaissez vos excès. Nous devons être très vigilants ; il fut un temps, notamment en 1984, où des propos de la même nature que ceux que vous avez tenus avaient conduit à un incident de la plus haute gravité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Cela n'avait rien à voir !
Limitons nos propos à l'objet de notre débat.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 411 rectifié , 201 rectifié , 499 et 340 rectifié , soumis à discussion commune.
Je viens d'entendre beaucoup de propos extrêmement injustes. En effet, pour la première fois sous la Ve République, un gouvernement dépose un projet de loi constitutionnelle qui, dans son article 24, donne des droits à l'opposition.
Cette révision constitutionnelle permettra en conséquence un revirement de la jurisprudence dégagée par le Conseil constitutionnel au cours de la dernière législature.
Je suis bien placé pour en parler puisque j'ai moi-même été rapporteur d'une proposition de résolution modifiant le règlement dont les dispositions qui donnaient des droits à l'opposition ont été annulées par le Conseil constitutionnel.
Je vous ai lu, il y a quelques jours, l'amendement que je défendrai à l'article 24. À la demande de l'opposition, il précise que des droits « spécifiques » seront ouverts aux groupes qui n'appartiennent pas à la majorité. Il ne faut pas faire maintenant le procès du Gouvernement ou de la majorité sur le respect des droits de l'opposition.
Notre démarche, soyons clairs, n'a pas pour objet de faire des cadeaux à l'opposition. Nous sommes plutôt deux fois réalistes.
Une première fois, parce que nous savons que l'avenir du Parlement réside dans le développement des fonctions de contrôle et d'évaluation. Nous vous proposerons d'ailleurs un amendement, que j'ai qualifié de quasi-historique, qui nous permettra de réserver, dans l'ordre du jour de la séance publique, une semaine toutes les quatre semaines, aux travaux de contrôle du Parlement. Nous mettons ainsi nos actes en conformité avec nos propositions.
Nous sommes également réalistes parce qu'un jour viendra, que je souhaite le plus éloigné possible, où nous ferons, nous aussi, partie de l'opposition (Sourires).
Le bon équilibre dans une démocratie est celui où chacun peut jouer son rôle.
La commission, qui n'a pas examiné l'amendement n° 411 rectifié , a émis un avis défavorable sur les amendements nos 201 rectifié , 499 et 340 rectifié . Nous ne pouvons pas intégrer dans la Constitution toutes les dispositions qui sont du ressort du règlement des assemblées.
L'un de ses articles prévoit, d'ores et déjà, que lorsqu'un groupe parlementaire est à l'origine de la création d'une commission parlementaire, la fonction de président ou de rapporteur de celle-ci revient de plein droit à un membre de ce groupe. Il s'agit bien d'une disposition qui relève typiquement du règlement d'une assemblée et pas de la Constitution.
Lorsque nous en avons débattu devant la commission des lois, je vous ai dit que j'étais, à titre personnel, favorable à ce que le règlement de l'Assemblée, qui sera adopté après la révision constitutionnelle, contienne une disposition donnant aux groupes de l'opposition un droit de tirage limité pour la création de missions d'information ou de commissions d'enquête. Les conditions d'application restent à définir, mais certaines ne sont pas très éloignées de celles proposées par les amendements que nous discutons, notamment celui de M. Dosière.
À l'époque, vous m'en avez donné acte en constatant qu'il ne s'agissait que d'une position personnelle. Aujourd'hui, je reprends devant vous le même engagement. Cette fois, je le fais en mon nom, mais aussi au nom du président de l'Assemblée nationale qui s'est engagé à constituer un groupe pluraliste pour réviser notre règlement après l'adoption du projet de loi constitutionnelle.
Bernard Accoyer m'a autorisé à vous dire, en son nom, qu'il était favorable à un quota limité et déterminé, par législature, de missions d'information et de commissions d'enquête créées à l'initiative des groupes de l'opposition.
Les deux sont concernées : certains sujets méritent une mission d'information, d'autres une commission d'enquête.
Les commissions d'enquête ont des pouvoirs spécifiques d'investigation !
Pour la première fois depuis 1958, une majorité, un président de l'Assemblée nationale et une commission permanente s'engagent ainsi clairement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je maintiens donc l'avis défavorable de la commission : le constituant n'a pas à intégrer dans la Constitution tout le Règlement !
Cependant je crois que l'engagement que j'ai pris en commission, doublé par celui du président de l'Assemblée nationale, est dépourvu d'ambiguïté quant à notre volonté de donner des droits à l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'hésite un peu à commenter le chapeau introductif de M. Montebourg.
Je comprends très bien que chaque groupe se détermine librement selon sa conscience et les évolutions qu'il accepte, assume ou n'accepte pas. Cependant, même si je ne suis pas membre du groupe socialiste (Sourires),…
…j'aurais préféré que celui-ci décide de sa position au terme des débats qui se prolongent puisque, par définition, nous progressons. Les propos que vient de tenir le président et rapporteur de la commission des lois font ainsi avancer le débat sur la question des commissions d'enquête. Il aurait peut-être été plus logique de prendre une décision à la fin de cette première lecture : le groupe socialiste ne l'a pas souhaité, préférant adopter une position de principe.
C'est son affaire et je n'ai pas à commenter cette décision. Je la regrette toutefois, parce qu'elle ne correspond pas à la nécessité, que je croyais reconnue de part et d'autre, d'avancer, d'évoluer et de dialoguer.
Une série d'amendements de l'opposition, sur lesquels Jean-Luc Warsmann vient de s'exprimer excellemment, demandent l'inscription dans la Constitution du droit de créer une commission d'enquête. Notre réponse est simple : ces dispositions ne relèvent pas du niveau constitutionnel. Toutefois, nous l'avons répété, l'article 24 du projet de loi constitutionnelle ouvre aux groupes des droits spécifiques qui devront être définis dans le règlement. L'amendement relatif aux droits spécifiques des groupes parlementaires, que défendra, lors de la discussion de l'article 24, le président et rapporteur de la commission des lois sera soutenu par le Gouvernement qui émettra un avis favorable.
Nous l'avons dit : nous sommes entièrement d'accord avec cet amendement. Le Gouvernement a bien compris que le président de l'Assemblée nationale et le président de la commission des lois souhaitaient, à partir de l'article 24 du projet de révision constitutionnelle, introduire dans la réforme du règlement de l'Assemblée nationale, des droits spécifiques relatifs à la création des commissions d'enquête.
Les amendements dont nous discutons après l'article 9 ne traitent pas de sujets constitutionnels ; je peux le regretter, mais c'est ainsi ! En revanche, l'adoption de l'article 24, modifié par l'amendement du président Warsmann, permettra de prévoir dans le règlement la création de ces commissions d'enquête. Nous ne pouvons pas aborder le fond de ce débat maintenant, mais ce sera possible lors de la réforme du règlement.
En attendant, j'aurai pu avoir l'audace de demander le retrait de ces amendements. Cependant, comme je n'y crois guère, j'émets un avis défavorable en précisant à l'opposition, qu'en réalité, elle aura satisfaction.
Sur le vote de l'amendement n° 499 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Arnaud Montebourg.
Je veux saluer les avancées du rapporteur, Jean-Luc Warsmann, et du président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, ainsi que les déclarations subséquentes de M. Karoutchi sur la question des commissions d'enquête. Leurs déclarations sont apaisantes, mais elles suscitent aussi un certain nombre d'objections que je veux livrer à la réflexion collective.
Nous souhaitions inscrire dans la Constitution des dispositions relatives aux commissions d'enquête ; vous nous répondez que ce sujet n'est pas de niveau constitutionnel. Il est pourtant bien d'autres détails qui y figurent par la volonté des constituants de 1958.
Par ailleurs, si l'on veut que cesse la prohibition qui touche toute commission d'enquête portant sur des faits dont la justice est saisie, il n'est pas possible de se contenter de réformer le règlement de l'Assemblée nationale.
C'est précisément la raison pour laquelle c'est une ordonnance organique, signée par le général de Gaulle sur délégation des constituants, qui a institué les commissions d'enquête parlementaires et défini les modalités de leur fonctionnement : vérification sur pièces et sur place, possibilité de procéder à des réquisitions et sanctions pénales à l'encontre de ceux qui refuseraient de prêter serment devant la commission d'enquête.
J'ajoute que l'adoption de cet amendement donnerait une véritable consistance à la notion de contrôle de l'action du Gouvernement – qui est prévue à l'article 24 du projet de loi – ainsi qu'à la semaine consacrée au contrôle et à l'évaluation qu'a évoquée M. le rapporteur tout à l'heure.
Nous avons besoin d'être rassurés, au moment où nous contribuons à l'élaboration de la loi constitutionnelle, qui est la loi commune. En effet, le régime des commissions d'enquête parlementaires relève, au minimum, de la loi organique. Or il ne faudrait pas que le projet de loi organique qui doit prévoir notamment la possibilité, comme c'est le cas en Allemagne, d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires subisse le veto du Sénat.
Nous prenons acte des promesses et des déclarations positives du Gouvernement, mais nous souhaiterions que celui-ci nous réponde sur l'inscription dans le règlement de l'Assemblée de la possibilité pour une commission d'enquête de mener des investigations sur des faits dont une autorité judiciaire est saisie. Nous maintenons donc notre amendement.
Monsieur Montebourg, le Sénat n'aura pas la possibilité de s'opposer à une loi organique. En effet, la création des commissions d'enquête étant prévue par l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 et les règlements des assemblées, il n'est pas besoin de loi organique.
Je parlais de la possibilité d'enquêter sur des faits donnant lieu à poursuites judiciaires !
Le règlement des assemblées, une fois réformé, modifiera les conditions de création des commissions d'enquête.
Notre amendement n° 417 rectifié a le même objet que l'amendement n° 499 . En effet, nous souhaitons tous, quel que soit le groupe auquel nous appartenons, qu'il soit possible à un groupe politique, ou à un nombre significatifs de parlementaires, de créer une commission d'enquête. Le Parlement français est en effet le seul parlement occidental dans lequel cette décision dépend de la majorité, ce qui revient à confier à celle-ci le soin d'enquêter sur elle-même.
La situation actuelle est donc absurde et elle fait naître des doutes déplaisants.
Par ailleurs, nous préférerions, quant à nous, que ce droit soit inscrit dans la Constitution, car le règlement de l'Assemblée nationale peut être modifié par la majorité. Or, comme l'a souligné le rapporteur, la majorité d'aujourd'hui n'est pas forcément celle de demain. Et si, d'aventure, une majorité décidait de réduire les droits de l'opposition, celle-ci pourrait se voir privée du droit de commission d'enquête. C'est ainsi qu'en 1981, la majorité de l'époque a décidé de supprimer, en modifiant le règlement de l'Assemblée, l'égalité du temps de parole.
Encore une fois, si nous nous contentions d'inscrire ce droit dans le règlement intérieur, il pourrait être remis en cause par une autre majorité. Nous maintenons donc notre amendement n° 417 rectifié .
Autant l'amendement n° 201 rectifié , un peu plus restrictif que le nôtre, nous paraît satisfaisant, autant l'amendement n° 499 , qui soumet la création d'une commission d'enquête aux mêmes conditions que la saisine du Conseil constitutionnel, nous paraît excessif. L'inscription dans la Constitution d'un tirage limité – souhaitée, comme il nous l'a fait savoir, par le président de l'Assemblée nationale – est d'autant moins absurde que l'on envisage d'y inscrire également le nombre des ministres ou des députés.
Sur le vote de l'amendement n° 417 rectifié , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vous précise, mes chers collègues, que nous discutons de ce texte depuis plus de douze heures et qu'il nous reste quatre cents amendements à examiner. Je propose donc que, sur les amendements particulièrement importants, nous entendions un orateur de chaque groupe puis, exceptionnellement, un ou deux autres intervenants. Nos travaux y gagneront en densité et en clarté.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
Je commencerai par formuler une remarque d'ordre général : treize articles sur les trente-cinq du projet de loi renvoient au règlement ou à une loi. Il aurait été préférable, me semble-t-il, de préciser les modifications qui seront apportées au règlement de l'Assemblée sur les points qui viennent d'être évoqués, cela aurait évité ce flou artistique, même si nous sommes prêts à croire M. le secrétaire d'État sur parole.
Nous maintenons notre amendement. S'il devait être rejeté, nous voterions l'amendement n° 499 de M. Montebourg, mais nous souhaitons – et je crois que le groupe Nouveau Centre est d'accord avec nous sur ce point – que la création d'une commission d'enquête et l'audition de responsables administratifs, ainsi que la saisine de la Cour des comptes soient offertes de droit à tous les groupes parlementaires, et non à la demande de soixante députés ou sénateurs, comme le propose l'amendement n° 499 . Celui-ci s'inscrit dans une logique de bipartisme que beaucoup d'entre vous souhaitent sans doute voir prévaloir, mais qui ne constitue pas une avancée démocratique : en démocratie, toutes les sensibilités doivent pouvoir s'exprimer. Je maintiens donc l'amendement n° 411 rectifié , l'amendement n° 499 étant, à nos yeux, un amendement de – grand – repli.
J'ai été très étonné par les propos de M. Montebourg concernant les affaires sub judice, c'est-à-dire qui font l'objet d'une enquête judiciaire. J'avais cru comprendre, en effet, que, pour lui, la justice était quasiment un pouvoir, sur les prérogatives duquel il convenait de ne pas empiéter. Or il vient de nous expliquer que le Parlement pourrait se saisir d'une affaire pendante devant les tribunaux et enquêter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires. Je crains le pire !
Le principe de séparation des pouvoirs entre le législatif – qui a, bien entendu, le droit d'enquêter – et l'autorité judiciaire, qui rend la justice, doit être maintenu coûte que coûte, afin d'éviter la démagogie ambiante.
M. Myard soulève un problème qui était au coeur des travaux de la commission des lois et de la réflexion du comité Balladur, lequel a conclu à la levée de l'interdiction pour le Parlement de suspendre une commission d'enquête en cas de procédure judiciaire. Je rappelle en effet qu'il est très facile d'empêcher le Parlement d'enquêter : il suffit qu'une plainte avec constitution de partie civile soit déposée et que le parquet déclenche, comme c'est son droit, une poursuite.
Une commission d'enquête du Parlement n'a vocation ni à rechercher la réalité d'une infraction pénale ni à en sanctionner l'auteur, mais elle a pour objet de s'approprier des faits constitutifs de dysfonctionnements de l'autorité administrative, de manquements de l'action publique, voire des conséquences politiques.
Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le secrétaire d'État, cette disposition relève bien de la Constitution, et non de la loi ou du règlement des assemblées, car c'est au nom du principe de la séparation des pouvoirs, inscrit dans la Constitution, que l'ordonnance de 1958 a exclu la création d'une commission d'enquête sur des faits faisant l'objet de poursuites judiciaires.
Si nous n'inscrivons pas dans la Constitution la faculté pour le Parlement de poursuivre ses investigations, même si une enquête judiciaire est en cours, celui-ci ne disposera pas d'une liberté d'action totale dans le cadre de ses pouvoirs d'enquête.
Je mets aux voix l'amendement n° 411 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. de Courson était en séance et cet amendement a été cosigné par l'ensemble des membres du groupe !
M. de Courson ne s'est pas manifesté, monsieur Lagarde. Laissez la présidence présider !
Vous ne le pouvez pas, monsieur Montebourg.
Je mets aux voix l'amendement n° 201 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 499 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 199
Nombre de suffrages exprimés 198
Majorité absolue 100
Pour l'adoption 73
Contre 125
L'amendement n° 499 est rejeté.
Je mets aux voix l'amendement n° 340 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 10.
La parole est à M. Bernard Debré.
L'article 10 tend à permettre aux ministres de retrouver leur siège de parlementaire lorsque cessent leurs fonctions gouvernementales, qu'ils démissionnent ou qu'ils aient été démissionnés. Or ce n'est pas sain. Non seulement cet article n'apporterait pas grand-chose à la Constitution, mais il la dénaturerait et, surtout, il nuirait à la cohésion gouvernementale, que les constituants ont voulu préserver en excluant cette possibilité.
Quant à l'amendement de la commission qui propose que les ministres ne retrouvent leurs sièges de parlementaires que si l'ensemble du Gouvernement démissionne, je n'en vois pas l'intérêt. Pour protéger la cohésion gouvernementale et la dignité du ministre – qui a choisi de l'être en sachant à quoi il s'expose –, il serait bon que l'on s'en tienne à la situation actuelle : quand un ministre démissionne, soit il provoque une élection partielle – comme l'a fait récemment l'un de nos collègues –, soit il laisse son suppléant siéger à sa place jusqu'aux prochaines élections législatives. Je suis contre l'article 10.
Le deuxième paragraphe de l'article 10 fait référence à une commission chargée de procéder au découpage des circonscriptions. À ce sujet je veux revenir sur une question qui a été évoquée hier, relative au vote des Français de l'étranger : le ministre a déclaré qu'il envisageait, pour les Français de l'étranger, un scrutin uninominal à deux tours, ce qui implique le découpage de circonscriptions. Cette formule est tout à fait inadaptée à la situation des Français de l'étranger.
Premièrement, il convient de rappeler que ces Français ont le choix de s'inscrire soit sur les listes électorales en métropole, soit au consulat, étant précisé que l'on procède actuellement à la fermeture d'un certain nombre de consulats. Selon les chiffres de la dernière élection présidentielle, 821 000 Français sont aujourd'hui inscrits sur les listes électorales des consulats, chiffre qui n'a rien à voir avec ceux de 1,3 million ou deux millions qui ont été avancés, ce qui devrait permettre de limiter le nombre de circonscriptions.
Deuxièmement, il existe des écarts considérables entre les 150 pays concernés. Ainsi, on compte 50 000 inscrits dans certains pays comme la Suisse, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Espagne ou la Belgique, et moins de 250 dans 42 autres pays ; enfin, il y a moins de 100 inscrits dans 14 pays.
La participation est également très variable. Tous pays confondus, le taux de participation s'élevait à 42 %, ce qui est bien inférieur au taux de participation relevé en métropole. De plus ce taux moyen recouvre une grande disparité : 96 % de participation pour le royaume de Brunei, par exemple, contre 20 % seulement en Israël.
Enfin, les votes sont très contrastés. Ainsi, 91 % des Français résidant en Israël ont voté pour Nicolas Sarkozy, tandis que Ségolène Royal obtenait des scores de 81 % en Algérie et 69 % en Afghanistan.
On voit à quelles difficultés – voire à quelles manipulations – pourra donner lieu le découpage des circonscriptions. Recourir au scrutin uninominal ne semble donc pas être une très bonne idée, monsieur le secrétaire d'État. La commission Balladur avait d'ailleurs souligné toutes les difficultés de l'exercice. Il vaudrait mieux recourir à une circonscription unique, avec élection au scrutin proportionnel, de façon à éviter les manipulations et à permettre une meilleure représentation des Français de l'étranger, tenant compte de leurs particularités.
J'ajoute enfin que, pour simplifier l'exercice, il serait nettement préférable que les députés élus par les Français de l'étranger viennent s'ajouter aux 577 élus actuels, ce qui ne remettrait pas en cause le découpage des circonscriptions métropolitaines et d'outre-mer.
J'espère que vous serez attentif à cette question, monsieur le ministre, car prendre 12 sièges de député sur les 577 actuels pour les attribuer aux élus des Français de l'étranger constitue un exercice qui aurait des conséquences politiques considérables, surtout si l'on compte les deux députés de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
Je déplore que l'article 10 du projet de loi, relatif à l'article 25 de la Constitution, ne traite pas de la question du cumul des mandats des parlementaires. Comment pouvons-nous discuter d'une révision constitutionnelle destinée à revaloriser le rôle du Parlement, à lui donner davantage de pouvoir, sans nous intéresser à la disponibilité des parlementaires ?
Monsieur Dolez, cela a été le débat d'une grande partie de la journée d'hier.
Certes, monsieur le président, mais c'est à l'article 10 que nous pouvons proposer des amendements visant à régler la question.
Nous souhaitons que le Gouvernement prenne des initiatives en ce sens, de manière à suivre les recommandations extrêmement claires du comité Balladur sur le sujet. Qui peut nier que le cumul des mandats, qui s'est beaucoup développé en même temps que la décentralisation progressait, pèse lourdement sur l'organisation de nos travaux du fait que certains de nos collègues sont très occupés en dehors de notre assemblée ?
Si la semaine de travail parlementaire ne compte que trois jours, c'est évidemment pour leur permettre de remplir d'autres tâches que celles leur incombant en tant que députés. Lors de la dernière campagne des élections municipales et cantonales, le Parlement a suspendu ses travaux pendant sept semaines, ce qui correspond à une durée trois fois supérieure à celle de la campagne officielle.
Comment ne pas y voir un encouragement à favoriser le cumul des mandats ?
Afin de vous convaincre de la nécessité d'apporter une réponse à ce problème, je vous rappelle le point de vue très clair d'un spécialiste faisant autorité en la matière, puisqu'il a présidé successivement la commission des lois de notre assemblée et le Conseil constitutionnel. Ainsi notre ancien collègue, Pierre Mazeaud, a déclaré : « J'ai toujours été opposé à cette exception française, et je n'envisage pas d'interdiction limitée. Tout cumul est contraire à l'esprit de la Constitution actuelle. Dans cette pratique du cumul des mandats, il y a une extrême confusion des genres. Je suis contre tout cumul, y compris un simple mandat d'adjoint ou même de conseiller municipal. Cette exception française est ridicule. »
Madame la garde des sceaux, faites-nous donc des propositions pour sortir du ridicule !
L'article 10 comprend deux points importants.
La première est la disposition visant à permettre aux ministres de reprendre automatiquement leur siège de député à l'issue de leurs fonctions au Gouvernement. Elle recèle tous les ingrédients de l'instabilité gouvernementale…
…car on peut aisément imaginer que, à la moindre contrariété, les ministres auront la tentation de démissionner. C'est aussi une façon de promettre à chacun qu'il pourra devenir un jour ministre ou secrétaire d'État. Bref, cette disposition constitue un retour en arrière, vers les pratiques de la IVe République.
Le deuxième point important de l'article 10 consiste en l'instauration d'une commission indépendante ayant pour fonction d'examiner ce que l'on appelle pudiquement les « découpages électoraux ».
Quand j'évoque ce problème, ce n'est pas mon instinct de survie qui s'exprime (Rires et exclamations sur divers bancs)…
C'est l'esprit républicain qui vous anime, monsieur Grand. Je vous en remercie !
….mais simplement la prudence.
Je regrette – même si la commission des lois y a remédié – que la première mouture de ce projet de loi n'ait pas prévu la composition de cette commission indépendante.
Je suggère donc à Mme la garde des sceaux que les présidents des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale, des conseillers d'État et des membres du Conseil constitutionnel – même si je suis conscient que me sera opposé le fait qu'ils auront ensuite à connaître du découpage – soient membres de droit de la commission. La présence des présidents des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale constituerait un signe fort de la volonté de renforcer le Parlement.
Enfin, madame la garde des sceaux, il est permis de se demander – puisque nous en prenons manifestement le chemin – ce qui se passera si le texte constitutionnel n'est pas voté.
En préalable, je veux dire à M. Grand que si le texte constitutionnel n'était pas voté, il en est beaucoup, parmi nous, qui ne verseraient pas la moindre larme. (Rires et exclamations sur de nombreux bancs.)
Je veux saisir l'opportunité que constitue le débat sur ce texte, en particulier l'examen de l'un des premiers articles relatifs à l'exercice de la fonction parlementaire, pour exprimer ce que je ressens à ce stade de notre débat.
Autant je suis réservé sur les modifications de la fonction présidentielle, autant je peux comprendre qu'en l'an 2008, on veuille revaloriser le Parlement. Cependant, j'ai lu de nombreux articles sur la question, et je dois vous avouer que j'ai les plus grands doutes sur l'efficacité de ce dispositif. Je suis persuadé que celui-ci sera adopté…
…même s'il n'est pas certain que je lui donne ma voix, et qu'il sera mis en oeuvre. Néanmoins je fais le pari que lorsqu'on en fera le bilan, dans deux ans, on ne verra pas de changement profond de l'exercice de la fonction parlementaire. (Exclamations sur de nombreux bancs.)
Je vous demande la plus grande attention, mes chers collègues, car il s'agit de questions auxquelles je suis très attaché.
À mon sens, si l'on veut vraiment que le Parlement français ait enfin le rôle important qu'il doit jouer dans la République, il y a deux questions à résoudre ; et même si ce n'est pas facile à dire et à entendre, il faut bien les aborder.
Premièrement, il y a trop de parlementaires.
…un député qui constitue seulement un cinq cent soixante-dix-septième de cette assemblée n'a pas le sentiment d'exercer un grand rôle au sein de la République. Aux États-Unis, il y a moitié moins de parlementaires pour cinq fois plus d'habitants, ce qui n'empêche pas la démocratie américaine de faire partie des modèles de référence.
Je pense donc profondément que nous devrions avoir le courage – je ne me fais malheureusement pas d'illusions sur ce point – de traiter la question du nombre de parlementaires. La moindre des choses serait de revenir au nombre qui était celui des députés avant que le Président Mitterrand ne rajoute cent parlementaires, en une manipulation – restée vaine – destinée à sauver sa majorité parlementaire.
Outre le nombre de députés, la deuxième question qui détermine la capacité du Parlement à jouer son rôle est celle du cumul des mandats.
Je sais très bien que cette question embarrasse tout le monde, non seulement parce qu'elle est gênante pour chacun de nous eu égard à nos propres implantations locales, mais aussi parce que cela fait partie de la tradition républicaine française. Si le Gouvernement, si le Président de la République, responsable suprême de nos institutions, et si nous tous n'avons pas le courage d'aborder cette question du cumul des mandats, il ne sera pas apporté de solution à l'affaiblissement de la fonction parlementaire. Telle est ma conviction profonde, que je vous remercie de m'avoir laissé exposer, monsieur le président. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous en venons aux amendements à l'article 10.
La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement n° 160 .
S'il est un article qui justifie à lui seul le rejet de la réforme constitutionnelle, c'est bien celui-ci. En effet, et je m'étonne vraiment qu'on veuille franchir ce pas, je vous rappelle que, sous la IVe République, la possibilité pour un ministre de redevenir parlementaire sans passer par l'élection a constitué l'une des raisons fondamentales de l'instabilité qui a ruiné la République.
J'ajoute que, au-delà de la seule question de la survie de l'ex-ministre qui pourra retrouver automatiquement son siège dans son assemblée d'origine, cette disposition constitue un moyen pour le Premier ministre d'avoir dans sa main un certain nombre de parlementaires puisqu'il pourra leur faire valoir que si leur participation au Gouvernement se passe mal, ils pourront toujours redevenir députés ou sénateurs. Aussi, loin de revaloriser le rôle du Parlement, cet article aboutit-il à l'exact opposé. C'est la raison pour laquelle je ne peux en aucun cas l'accepter.
Pour finir, le rapporteur a souligné à juste titre que de nombreuses propositions de l'opposition ne relevaient pas de la Constitution mais de la loi organique. Or je m'étonne qu'une simple commission chargée de donner son avis sur le découpage électoral figure dans le texte constitutionnel alors que, manifestement, elle n'y a pas non plus sa place.
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux,ministre de la justice pour donner l'avis du Gouvernement ?
Même si c'est vrai, monsieur Brard, ce n'est pas une remarque à faire !
Pour une fois que Mme Dati parle et que c'est nous qui l'écoutons ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous ne pouvez pas vous empêcher d'être désagréables !
Le parti socialiste, décidément, n'est ni ouvert ni tolérant ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce n'est d'ailleurs pas la première fois ; le conservatisme et le sectarisme, c'est de votre côté qu'ils se trouvent. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Chers collègues, nous sommes réunis en tant que constituants. Nous avons donc une raison de plus que d'habitude d'avoir un débat digne. Commençons donc par avoir du respect les uns pour les autres et ayons pour Mme le garde des sceaux celui qui lui est dû. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame le garde des sceaux, vous avez la parole.
Cet article comporte deux avancées démocratiques importantes.
D'abord il crée une commission indépendante chargée de donner un avis public sur les projets délimitant les circonscriptions. Il s'agit bien d'une avancée démocratique puisque tous les parlementaires seront informés de l'avis de la commission, donc éclairés au moment de décider du redécoupage électoral.
Ensuite, cet article prévoit le retour automatique au Parlement des ministres qui étaient députés ou sénateurs. En effet, quand les Français élisent un député, c'est pour la totalité du mandat, c'est-à-dire pour cinq ans.
Mais oui !
Quand un parlementaire est appelé au Gouvernement, c'est un honneur pour lui mais aussi pour les Français qu'il représente. Le temps qu'il reste au Gouvernement, son mandat est provisoirement suspendu. C'est pourq, quand un ministre cesse d'appartenir au Gouvernement, s'il est parlementaire à l'origine, ses électeurs ne comprennent pourquoi ils doivent de nouveau voter pour quelqu'un qu'ils ont déjà élu pour cinq ans.
D'ailleurs, lors des élections partielles, on constate une très forte abstention. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ces élections partielles ne sont donc pas un moyen de réconcilier les Français avec la politique. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Par ailleurs, M. Grand souhaite que des membres du Parlement et du Conseil constitutionnel siègent au sein de cette commission. Cela paraît délicat dans la mesure où les parlementaires devront voter le redécoupage électoral sur lequel ils se seraient prononcés en commission. Ils seraient donc juges et parties. Ce seraient également le cas des membres du Conseil constitutionnel puisqu'ils devront contrôler la loi délimitant les circonscriptions.
Par contre les ministres qui seront candidats aux élections pourront être juges et parties !
La composition de la commission sera de toute façon fixée par la loi.
Monsieur Dolez, l'interruption des travaux du Parlement dont vous avez parlé n'a rien à voir avec la question du cumul des mandats. Il s'agit simplement d'une tradition républicaine.
Je souhaite répondre brièvement au Gouvernement et au rapporteur et, une fois n'est pas coutume, souligner que M. Myard pose un problème des plus sérieux.
Que penser d'un Gouvernement dont chaque ministre issu du Parlement serait assuré qu'en quittant ses fonctions – qu'il démissionne ou qu'il soit révoqué –, il n'aurait pas à retourner devant les électeurs ?
C'est un encouragement aux forces centrifuges et à l'absence de cohésion gouvernementale.
Mais non !
Ce fut d'ailleurs l'un des points fondamentaux sur lesquels la gauche, en 1958, avait accordé quelque crédit à la doctrine des constituants rassemblés autour de Michel Debré – mon cher Bernard Debré – et du général de Gaulle.
Nous ne voulons pas retomber dans les excès de la IVe République, de même que nous luttons contre les excès de la Ve en nous projetant vers une République nouvelle. Or cet article représente un retour en arrière bien surprenant de la part de ce gouvernement puisqu'il propose la destruction de l'un des acquis les plus positifs de la Ve République. Nous soutiendrons donc l'amendement de M. Myard.
Une fois n'est pas coutume, je considère moi aussi que la proposition de M. Myard de supprimer l'article est tout à fait juste.
Quand vous nous dites, madame la ministre, que quand un député est élu par ses électeurs c'est pour la durée d'un mandat, vous savez bien qu'ils élisent dans le même temps son suppléant censé le remplacer en cas de mort ou en cas de nomination au Gouvernement. Or quand un député accepte de participer à un gouvernement, il fait un choix qui n'a rien à voir avec celui d'être parlementaire. L'investissement et les risques ne sont pas les mêmes.
Je considère, comme Arnaud Montebourg, que le vote de cet article constituerait un retour en arrière. J'estime aussi, avec Jacques Myard, que l'idée selon laquelle on reviendrait siéger dans l'hémicycle tranquillement, sans risque, en cas d'échec en tant que ministre, n'est pas de nature à favoriser la stabilité gouvernementale. Cette disposition n'est donc pas sans inconvénients et il vaudrait mieux en rester sur ce point au texte constitutionnel en vigueur.
Cet amendement de suppression suscite des questions intéressantes et oppose, au fond, les partisans d'un régime parlementaire et ceux d'un régime présidentiel. N'a-t-on d'ailleurs pas toujours dit que la Ve République était un mélange des deux régimes ?
Que se passe-t-il aujourd'hui dans de nombreux régimes parlementaires ? Les ministres sont également parlementaires et cumulent donc les deux responsabilités. Ainsi, lorsqu'ils quittent le Gouvernement, ils rejoignent automatiquement l'Assemblée. Or on ne note pas d'instabilité institutionnelle particulière, cette pratique ne provoquant pas de crise au sein de la majorité ni au sein du Gouvernement.
À la différence qu'ici, des crises, il y en aura tous les quarts d'heure !
Il s'agit simplement d'un principe caractéristique de tous les régimes parlementaires du monde.
On a beaucoup rappelé, sur les bancs socialistes, que la Ve République, j'insiste, était un mélange des régimes présidentiel et parlementaire. L'article 10 en constitue bien la preuve.
J'en viens à la disposition relative à la commission.
Lorsqu'il a fallu procéder au redécoupage électoral en 1987, pour revenir d'un système proportionnel intégral à un système de scrutin majoritaire uninominal, nous avions l'avantage de changer de système et, par une décision de François Mitterrand, de passer de 491 députés à 577.
Reconnaissons honnêtement que nous sommes préoccupés par l'avenir de la carte électorale que le Conseil constitutionnel souhaite voir modifier. Laissons donc à la loi la responsabilité de définir le périmètre des circonscriptions. Soyons sérieux !
Pour éviter que des majorités de circonstance ne se forment pour en décider, ce qui ne va pas dans le sens des institutions, laissons à une commission ad hoc le soin de se prononcer légitimement sur ce découpage en lui confiant, du moins indirectement puisqu'elle ne fera qu'émettre un avis, les ciseaux. Une telle décision serait de bonne politique.
Il n'est donc pas défendu à cet instant.
Par conséquent j'en viens à deux amendements identiques, nos 288 et 442 rectifié .
La parole est à M. Bernard Derosier, pour soutenir l'amendement n° 288 .
Amendement après amendement, proposition après proposition, la majorité et le Gouvernement montrent leur réel refus de tout ce qui provient de l'opposition parlementaire, du groupe socialiste en particulier.
La disposition de l'article 10 prévoyant la possibilité pour un parlementaire devenu ministre d'être remplacé « temporairement », viserait, si l'on en croit les déclarations du Gouvernement, à renforcer les pouvoirs du Parlement. Cependant, renforcer les pouvoirs du Parlement, n'est-ce pas renforcer les pouvoirs des citoyens ? Or, jusqu'à présent, lorsqu'un parlementaire devenu ministre était amené à quitter le Gouvernement, puisqu'il avait perdu son mandat de parlementaire, il devait retourner devant les électeurs s'il voulait le retrouver M. Estrosi vient de le montrer ce dimanche. Si c'était pour certains sans grand danger, d'autres risquaient bien de ne pas redevenir député.
Se cache donc derrière cette disposition une volonté de priver les citoyens de porter un jugement sur la politique conduite par un ministre souhaitant redevenir parlementaire et, plus généralement, sur la politique du Gouvernement qu'il vient de quitter. Il s'agit donc d'une sorte de déni de démocratie que de permettre à un ancien ministre de redevenir automatiquement parlementaire, reportant ainsi son éventuelle réélection.
Ensuite, je veux appeler votre attention, mes chers collègues, sur la rédaction de cet alinéa.
On dit qu'un parlementaire devenu ministre est remplacé « temporairement », à savoir qu'il n'exerce plus son mandat de parlementaire « temporairement ». Or cette formulation est en complète contradiction avec l'article 23 de la Constitution qui dispose que les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire. S'il est remplacé « temporairement », le ministre, d'une certaine façon, reste parlementaire. Il s'agit donc d'un détournement de l'article 23 de la Constitution.
Surtout, chers collègues de la majorité, imaginez que vous soyez invités à assurer une mission pour le compte du Gouvernement. Si vous n'avez pas rendu votre rapport au bout de six mois, vous ne serez plus parlementaire alors qu'un ministre qui le sera pendant un ou deux ans, redeviendra parlementaire dès qu'il aura quitté le Gouvernement.
Il y a donc deux poids et deux mesures, selon que vous soyez parlementaire en mission ou que vous deveniez ministre. J'attire votre attention sur ce point.
Enfin, derrière cet aspect de la proposition du Gouvernement, il y a incontestablement, comme l'un de nos collègues le disait tout à l'heure en défendant un amendement précédent, le souci de renforcer les pouvoirs du Président de la République, dans la mesure où celui-ci pourra, à sa guise, faire « valser » – pardonnez-moi le mot ! – les ministres et leur permettre de redevenir parlementaires.
Ce renforcement des pouvoirs du Président est contradictoire avec la volonté que le Gouvernement affiche, à savoir renforcer les pouvoirs du Parlement. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.
La parole est à M. Bernard Debré, pour soutenir l'amendement n° 442 rectifié .
Madame la ministre, vous avez dit tout à l'heure que cet article constituait une « avancée ». Vous savez, les mots ont parfois des sens différents suivant l'analyse qu'on en fait. Pour ma part, je ne vois pas où est l'avancée. Il s'agit plutôt d'un recul. On me dira, évidemment, que l'on peut toujours avancer à reculons. (Sourires.)
Mais franchement, un ministre retrouvant son siège de député ! Vous me dites que les électeurs ont voté pour lui. Que je sache, quand je me suis présenté, et cela m'est arrivé à plusieurs reprises, c'était avec un suppléant. Et les électeurs étaient parfaitement au courant du fait que si j'étais nommé ministre – ce qui fut le cas –, c'est mon suppléant qui siègerait à l'Assemblée. D'ailleurs, quand j'ai cessé d'être ministre en 1995, et que je me suis représenté, je me suis fait battre. Et il n'est pas honteux de se faire battre.
Et je vous garantis que les électeurs ont voté en connaissance de cause.
L'obligation d'avoir à se représenter si l'on veut retrouver son siège évite l'instabilité ministérielle. Cela évite les petits cadeaux que l'on pourrait faire à un député en lui disant : « Viens au Gouvernement pendant deux, trois ou six mois, peut-être un peu plus, et puis tu retrouveras ton siège. ».
Cela évite aussi des difficultés à l'intérieur d'un gouvernement. Je ne veux pas citer de nom, bien entendu, mais je me souviens d'un ministre qui, il n'y a pas si longtemps, a dit certaines choses qui ne plaisaient pas. Il a été nommé à un autre poste ministériel que, vraisemblablement, il ne désirait pas, mais il savait que s'il quittait le Gouvernement, il devrait affronter ses électeurs, et il ne devait pas être sûr d'être réélu. Avoir à se représenter si l'on veut retrouver son siège est un gage de stabilité et d'honnêteté. Je ne suis donc pas prêt à voter cet article.
Eh bien tant pis !
Le débat a déjà eu lieu lorsque nous avons examiné l'amendement de suppression. Avis défavorable.
Je voudrais m'exprimer en faveur de ces amendements. C'est Tocqueville, je crois, qui disait que l'histoire est une galerie de tableaux où il y a beaucoup de copies et peu d'originaux. En l'occurrence, pour le sujet qui nous occupe ici, le débat a déjà eu lieu en juillet 1974, puisque cette proposition avait déjà été soumise au Parlement. Elle avait d'ailleurs été adoptée par l'Assemblée nationale, puis par le Sénat, mais elle n'avait pas été présentée au Congrès.
Il me semble que, trente-quatre ans après, les arguments justifiant que l'on s'y oppose sont toujours valables. Comme Bernard Debré, je ne vois pas où est l'avancée démocratique, madame la garde des sceaux.
Vous nous dites régulièrement, pour défendre tel article ou tel amendement, qu'il s'agit de revaloriser le Parlement. Nous ne voyons pas en quoi le fait que les parlementaires nommés ministres retrouvent automatiquement leur siège s'ils quittent le Gouvernement est de nature à revaloriser le Parlement d'une quelconque façon. En revanche, nous y voyons un facteur d'instabilité gouvernementale, puisque le ministre sera assuré de retrouver, peut-être pas un golden parachute, mais sa capacité à faire à nouveau de la politique.
Pour les mêmes raisons, nous nous opposerons donc, comme nous l'avions fait en 1974, à ce qu'un ministre retrouve automatiquement son siège de parlementaire.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 288 et 442 rectifié .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
L'alinéa 4 de l'article 10 prévoit qu'une commission dite indépendante rendra un avis sur les projets et propositions tendant à délimiter les circonscriptions.
Je connais le sujet pour avoir vécu assez douloureusement ce que l'on avait appelé le charcutage de 1986, à l'occasion duquel ma ville de Saint-Denis a été coupée en deux, ses deux moitiés appartenant à deux circonscriptions différentes. Et il y eut beaucoup d'autres exemples de ce type.
On ne peut donc que considérer comme une avancée la création d'une commission qui permette d'étudier le redécoupage d'une manière plus juste, plus objective, mais vous me permettrez de m'interroger sur l'adjectif « indépendante ». Je me méfie beaucoup de tout ce qui est « indépendant ». Les médias sont « indépendants », comme chacun sait. On a même eu des « Républicains indépendants ». (Sourires.)
Pour ma part, je préférerais qu'à ce mot d' « indépendante » soit accolés des mots très clairs et très précis : elle doit être pluraliste et représentative de l'ensemble des groupes constitués au sein de nos assemblées.
En outre, madame la ministre, nous souhaiterions des précisions sur le rôle que joue actuellement Alain Marleix. D'aucuns, y compris sur les bancs de votre majorité, se demandent s'il n'a pas trop anticipé sur le travail de cette commission,…
…se livrant lui-même à quelques hypothèses, et même un peu plus, sur un redécoupage des circonscriptions dont l'objectif serait que l'actuelle majorité, quelle que soit l'issue du scrutin, ne sorte pas trop diminuée d'élections législatives futures. Pourriez-vous nous assurer, madame la ministre, que le travail de M. Marleix n'est pas contradictoire avec celui que pourrait effectuer cette commission « indépendante », que nous souhaiterions également pluraliste et représentative de nos assemblées ?
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 358 .
J'entends bien que cette commission ne serait pas composée uniquement de parlementaires, mais il conviendrait que les groupes parlementaires puissent être représentés proportionnellement à leurs assemblées respectives.
Les redécoupages ne concernent pas uniquement les députés. Il a été récemment prévu, par exemple, que Saint-Barthélémy et Saint-Martin auraient dorénavant chacune son sénateur.
Il apparaît essentiel de se poser la question qu'a posée tout à l'heure l'un de nos collègues du groupe UMP : cette commission a-t-elle vocation à être constitutionnalisée ? Honnêtement, du point de vue de la hiérarchie des normes juridiques, c'est une question sérieuse que l'on peut se poser. Mais après tout, nous avons considéré, au Nouveau Centre, que le fait que cette commission soit prévue par la Constitution plutôt que par une loi organique ou une loi ordinaire serait une garantie qu'elle existerait. C'est plutôt, en soi, un progrès.
Encore faut-il que cette commission soit pluraliste ! Il faut éviter qu'une loi ordinaire détermine ultérieurement sa composition sans qu'aucun représentant du Parlement ne puisse exprimer l'opinion des groupes politiques. Cela nous paraîtrait anormal.
Adopter cet amendement, ou celui qu'a défendu M. Braouzec, devrait permettre que les groupes constitués au sein du Parlement puissent exprimer une position. Je ne demande même pas, d'ailleurs, à ce qu'ils disposent d'un droit de vote, je souhaite seulement qu'ils puissent au moins observer les travaux de la commission.
Il est tout de même normal que les parlementaires puissent suivre le travail de la commission !
Absolument ! Il serait curieux que nous soyons les derniers informés, ou les derniers à même de savoir comment cette commission travaille.
La commission est défavorable aux deux amendements. Il semble contradictoire qu'une commission indépendante puisse comprendre des représentants de groupes politiques.
Cela étant, nous avons été dans le sens du but poursuivi par les auteurs de ces amendements, puisque l'amendement n° 55 , que nous allons examiner dans quelques instants, vise à inscrire dans la Constitution que la composition de cette commission indépendante sera fixée par la loi. Ainsi, soixante députés ou soixante sénateurs pourront déférer cette loi au Conseil constitutionnel, qui vérifiera si les règles de composition garantissent ou non que cette commission soit indépendante.
Si nous prévoyons une loi ordinaire et non une loi organique, c'est parce que cela permet de ne pas donner un droit de veto à l'une des deux assemblées, puisqu'il s'agira précisément d'une loi relative aux assemblées.
Le dispositif que nous avons trouvé présente donc un maximum de garanties. On peut toujours donner des leçons aux uns ou aux autres, mais je vous rappelle, mes chers collègues, que c'est le Conseil constitutionnel qui nous demande qu'il soit procédé à un redécoupage et que jamais un gouvernement n'avait donné autant de garanties pour que ce redécoupage soit contrôlé, avec un avis public rendu par une commission indépendante.
On peut toujours considérer que c'est insuffisant, mais des pas en avant importants sont faits, et l'amendement de la commission permettra d'en faire encore un autre.
Pour répondre à M. Braouezec, qui doute de l'indépendance de cette commission, je précise qu'elle sera composée d'experts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ce seront des démographes, des statisticiens, des juristes et des experts en droit électoral. Ils se prononceront sur un projet du Gouvernement. Vous m'interrogiez, monsieur Braouezec, sur le rôle d'Alain Marleix. Celui-ci est chargé de faire une proposition de redécoupage, qui sera soumise à cette commission, laquelle rendra un avis public, en toute transparence.
Pour répondre à M. Lagarde, le Parlement sera amené à se prononcer. Les parlementaires pourront donc amender la proposition qui leur sera soumise.
Ils auront donc un rôle à jouer, en dehors de la commission d'experts. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
Nous n'avons pas été rassurés par les explications de Mme la garde des sceaux. La dernière fois qu'il a été procédé à un redécoupage des circonscriptions, en 1986, il y avait déjà une commission. Elle était composée pour l'essentiel de magistrats du Conseil d'État, dont l'indépendance ne peut être mise en cause. Ils avaient aussi un avis à émettre. Cet avis était public. Cela n'a pas empêché le ministre de l'intérieur de l'époque, Charles Pasqua, de procéder à des découpages dignes de la dentelle de Calais, ou de la dentelle bigoudène, plus proche de ma circonscription. Le seul fait qu'une commission indépendante ait à se prononcer ne suffit donc pas. D'ailleurs, personne ne nous dit de qui elle doit être indépendante. Nous avions posé la question en commission des lois.
Elle sera de toute façon indépendante de l'opposition, cela, c'est évident ! Sera-t-elle indépendante de la majorité ? Nous demandons à en être convaincus. Quoi qu'il en soit, en l'état, le seul fait qu'il existe une commission n'est pas, en soi, un élément suffisamment rassurant pour que nous puissions nous prononcer en faveur de la disposition prévue dans cet alinéa 4.
L'amendement de M. Lagarde pose problème, car les parlementaires qui seront membres de cette commission pourront être soupçonnés d'en tirer avantage lors du redécoupage de leurs propres circonscriptions. Pour ma part, je tiens au principe d'indépendance de cette commission et je suppose que, comme ce fut le cas en 1987, l'ensemble des groupes politiques sera naturellement consulté.
M. Chartier a tendance à voir ses collègues à sa propre image, ce qui n'est guère flatteur pour nous. (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Indépendante cette commission, mais de quoi, madame la ministre ? De la République, à coup sûr ; de la justice, probablement ; de la morale, certainement ! Et arbitraire à coup sûr, mais il s'agira d'un arbitraire légalisé ! Nous avons déjà de nombreuses personnes indépendantes dans nos institutions, que l'on appelle même parfois des « sages ». Prenons le Conseil constitutionnel : combien sont-ils de gauche et combien sont-ils de droite ? Et vous voulez nous faire croire qu'ils sont indépendants ou sages !
Vous parlez aussi d'experts. Qu'est-ce qu'un expert ? J'en connais beaucoup des experts autoproclamés ! Ils ont décidé, tout seuls ou avec quelques-uns, qu'ils étaient experts d'une discipline qu'ils ont inventée.
Absolument ! Voyez comme nous sommes en communion dès lors qu'il s'agit de défendre la République, madame la ministre, monsieur le ministre !
Dans cette affaire, l'indépendance est un détournement sémantique qui cache des intentions perverses, madame la ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, il s'est passé quelque chose d'anormal tout à l'heure. Plusieurs collègues et moi-même attendions que l'amendement n° 15 de M. Ollier, qui figurait sur la feuille de séance, soit appelé en discussion. L'auteur, c'est vrai, n'était pas présent pour le défendre, mais le rapport indiquait qu'il avait été adopté par la commission des lois. Nous n'avons donc pas voté les amendements de suppression, présentés notamment par M. Myard et M. Debré, précisément parce que nous attendions le n° 15. Or, celui-ci n'est pas venu en discussion, ce qui modifie sensiblement notre position sur l'article 10.
En 1958, l'article 23 avait été introduit dans la Constitution en vue de renforcer la solidarité gouvernementale et de mettre un terme à certaines pratiques de la IVe République, à une époque où les ministres, qui étaient en même temps parlementaires, pouvaient ouvrir une crise au sein du Gouvernement en étant sûrs de retrouver leurs sièges, et parfois même d'avoir une place dans le Gouvernement suivant. Or, à l'inverse, cette disposition a eu parfois des conséquences excessives. Ainsi, certains de ceux qui étaient entrés dans le gouvernement de M. Couve de Murville en 1968, et qui avaient démissionné avec le général de Gaulle à la suite du référendum de 1969, n'avaient pu obtenir de leurs suppléants la restitution de leur siège et avaient dû attendre les élections de 1973 pour se représenter. De la même manière, les parlementaires entrés en 1973 dans le Gouvernement et ayant démissionné en avril 1974 à la mort de Georges Pompidou, ont dû attendre jusqu'à 1978 pour se présenter de nouveau.
La combinaison du texte proposé par le Gouvernement et de l'amendement de Patrick Ollier, adopté par la commission des lois, permettait de trouver un équilibre : tout en préservant la solidarité gouvernementale – un ministre ne peut retrouver son siège de parlementaire qu'en cas de démission collective –, elle corrigeait certains effets excessifs résultant de l'application de l'article 23. Je trouve profondément anormal que cet amendement n'ait pas été discuté,…
…qu'il ait été escamoté. Si nous l'avions su, notre vote sur les amendements de suppression aurait été profondément différent, je le répète. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur Garrigue, il a toujours été admis que le rapporteur dispose d'un mandat qui lui permet, en fonction de l'évolution du débat, de retirer un amendement de la commission, a fortiori lorsqu'il s'agit d'un amendement dont l'auteur n'est pas présent dans l'hémicycle et qui n'est pas cosigné par d'autres parlementaires.
Il ne saurait en être autrement et c'est donc à bon droit que le débat s'est ainsi déroulé.
La parole est à M. le rapporteur.
Juste un mot, car je ne souhaite pas être mis en cause dans cette affaire. Hier, nous avons discuté d'un amendement sur la limitation du cumul des mandats des ministres, présenté par des membres socialistes de la commission des lois. La commission ayant donné un avis favorable, cet amendement a pu être présenté par le rapporteur au nom de la commission des lois. C'est pourquoi mon nom figurait parmi les signataires avec les membres du groupe socialiste.
En revanche, M. Ollier a déposé son amendement non pas devant la commission des lois, puisqu'il n'en est pas membre, mais en séance. Si la commission a effectivement émis un avis favorable, elle ne l'a néanmoins pas repris à son compte et M. Ollier en est resté le seul signataire. Or, il n'était pas présent en séance pour le défendre et je peux d'ailleurs vous dire, pour en avoir discuté avec lui, que cette absence était volontaire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous ne pouvions donc pas discuter de cet amendement personnel de M. Ollier et je n'avais pas le pouvoir d'intervenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 55 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Le rapporteur a indiqué que cet amendement était censé nous rassurer quant à l'indépendance de la commission et aux conditions de sa nomination. Mais que la loi fixe, outre les règles d'organisation et de fonctionnement, la composition de cette commission ne paraît pas être une garantie. En réalité, la loi ne désignera pas des personnes ad hominem. Elle déterminera plutôt des experts en fonction de leurs titres et de la place qu'ils occupent dans la République. Je ne vois pas au nom de quoi le Conseil constitutionnel pourrait porter une appréciation sur la constitutionnalité de la nomination de ces personnes.
Je suis saisi d'un amendement n° 56 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Monsieur le président, je voudrais m'exprimer sur cet amendement, qui n'est pas seulement rédactionnel !
L'exposé sommaire de cet amendement indique que le redécoupage pourrait avoir lieu par voie d'ordonnance. Nous comprenons parfaitement les intentions de la majorité et du Gouvernement, puisque ce dernier soutient cet amendement : le redécoupage se fera par délégation au Gouvernement et, par conséquent, le législateur ne pourra pas discuter le contenu même de la loi, contrairement à ce qu'affirmait M. Chartier.
Nous n'avons donc de garantie ni sur la commission indépendante ni sur le contenu de la loi.
Vous avez renvoyé à la loi le soin de fixer la nature ou l'étendue de l'indépendance – prévue par la Constitution – de la commission. Et la loi, c'est vous, pas nous ! Comme le disait M. Grand dans une dépêche de l'Agence France Presse hier : il se prépare des mauvais coups. On utilise le redécoupage pour faire pression sur les députés de la majorité à l'occasion de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le Conseil constitutionnel a rappelé, à plusieurs reprises, qu'il était indispensable de procéder à un redécoupage, les circonscriptions législatives actuelles ayant été découpées d'après le recensement de 1982. C'est un devoir élémentaire de justice électorale vis-à-vis de nos concitoyens que de tenir compte des évolutions démographiques. C'est incontestable.
Le Gouvernement nous propose des avancées. Vous pouvez les considérer comme insuffisantes, mais l'objectivité oblige à les reconnaître comme telles : une commission va être constituée, qui sera extérieure au Gouvernement et donnera un avis public.
Par ailleurs, et afin que chacun saisisse la portée de l'amendement, je vais entrer dans le détail. Dans le texte du Gouvernement, la commission « se prononce par un avis public sur les projets et propositions » ; pour ma part, je propose de préciser « les projets de texte et propositions de loi ». En effet, alors que les propositions ne peuvent être que de loi, les projets gouvernementaux peuvent être de loi ou d'ordonnance.
L'amendement est donc bien rédactionnel, puisqu'il ne fait que préciser la rédaction du Gouvernement.
Je suis saisi d'un amendement n° 57 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 290 .
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.
Nous cherchons, depuis un certain temps, à savoir ce que recouvre l'apparition, dans le texte constitutionnel, du mot « indépendance ». Il n'existe pas d'autorité administrative indépendante au rang constitutionnel, alors qu'il en existe pour la loi. Voici donc qu'apparaît la notion de commission indépendante. Qu'est-ce que cela veut dire ? Comment le Conseil constitutionnel appréciera-t-il la nature, le fonctionnement, la composition de cette commission ?
Nous voudrions connaître les intentions du Gouvernement. C'est pourquoi il faut qu'il nous explique comment il procédera au redécoupage électoral par voie d'ordonnance quand nous serons amenés à déléguer nos compétences sur la base d'un avis donné par une commission prétendument indépendante.
Que l'on nous donne des précisions et nous serons heureux de pouvoir avancer sur ce point, qui reste enveloppé d'un grand mystère.
Je crois que le Gouvernement – je n'ai pas à parler en son nom – a simplement repris les mots utilisés en 1986, au moment où l'ordonnance prévoyait une commission indépendante constituée de neuf magistrats : trois représentants de la Cour de cassation, trois représentants du Conseil d'État et trois représentants de la Cour des comptes.
L'amendement proposé par la commission, que vous avez voté, a prévu de fixer dans la loi la composition de la commission. Nous serons donc saisis de ce débat. Tout n'est pas fixé dans la Constitution.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 290 . Le Gouvernement est attaqué à mauvais escient, parce qu'il a voulu bien faire en ajoutant le mot « indépendante ». Il aurait pu se contenter d'indiquer « une commission ».
L'indépendance se mesurera à la technicité des personnes qui composeront cette commission. Nous en débattrons lors de l'examen du texte qui en déterminera la composition. On pourra définir l'indépendance en fonction de la qualité des personnes siégeant au sein de cette commission.
Votre amendement vise à instaurer une commission qui reflète la composition politique des assemblées. Or, nous ne souhaitons pas que cette instance soit politique.
Cette commission composée de juristes pourra émettre un avis favorable au découpage, dans la mesure où il sera conforme aux jurisprudences du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel, mais elle ne pourra pas émettre d'avis sur une éventuelle perversité politique.
Pour bénéficier d'un éclairage à 360 degrés, cette commission doit donc être complétée par les présidents des groupes de l'Assemblée nationale.
Je trouve parfaitement légitime le débat sur l'introduction du mot « indépendance » dans la Constitution. M. Montebourg a posé une bonne question. Cela dit, nous serions bien embarrassés si le mot était absent. Il vaut mieux qu'il s'y trouve. Je ne peux donc que me féliciter que le Gouvernement l'ait introduit. Mais une nouvelle question se pose : qui sera le juge de l'indépendance ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
Monsieur Montebourg, le juge de l'indépendance sera le Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel devra apprécier, pour la première fois, le degré d'indépendance de M. Untel ou de Mme Machin, issus de telle ou telle institution. Je lui souhaite beaucoup de plaisir et de courage !
Nous avons déjà évoqué la question du cumul des mandats, mais il convient d'y revenir. Elle fait sans doute partie de ce que l'on peut appeler les délices et les poisons de la vie politique française. Nous en avons longuement parlé hier soir et aujourd'hui encore. Je vais donc vous épargner la longue litanie des sondages, qui sont tous concordants. Selon la dernière enquête publiée, 74 % des électeurs sont hostiles à cette pratique.
Je vous épargnerai également la longue série de citations d'articles, qu'il s'agisse des revues grand public ou de revues juridiques. Elles sont unanimes. Je voudrais simplement insister sur le fait que, contrairement à une idée reçue, le cumul des mandats est une singularité de la Ve République. Ce n'est en aucune façon une tradition française, comme on l'a toujours prétendu.
Sous la IIIe République, seuls 35 % des parlementaires étaient concernés ; ils étaient à peine plus nombreux sous la IVe République.
Sous la Ve République, et singulièrement dans cette législature, seuls 54 députés sur 577 ne détiennent que leur mandat de député.
Lors de l'examen, mardi dernier, de la proposition de loi sur les conditions de l'élection des sénateurs, je me suis demandé pourquoi le Sénat était qualifié de « représentant des collectivités territoriales », alors que notre assemblée compte beaucoup plus d'élus locaux. (Sourires.)
C'est une singularité de la Ve République, et une singularité française. Dans d'autres pays, le cumul est tout simplement interdit. C'est le cas en Grèce, en l'Allemagne, en Italie.
Dans les autres pays européens, des interdits tacites tiennent à la culture politique. Même s'il existe, ici et là, des élus qui cumulent des mandats, leur pourcentage n'excède jamais 10 %.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire C'est pour cela que les choses s'y passent aussi mal !
Légalement, nous sommes un des rares pays à autoriser le cumul. L'un de nos collègues a même déposé une proposition de loi pour le rendre obligatoire.
La suppression du cumul des mandats est un des moteurs de la revalorisation du rôle du Parlement. C'est ce qui motive sa « constitutionnalisation ».
Comme l'a précisé notre collègue Urvoas, nous avons, hier, longuement débattu du cumul.
En 1982, un gouvernement de gauche a lancé les lois de décentralisation, qui ont accru le pouvoir donné aux responsables des collectivités locales. Depuis le développement de la décentralisation, des structures intercommunales ont été créées. Les élus du « second degré », qui disposent d'un pouvoir beaucoup plus important en termes de budget que les maires, même élus de communes importantes, ne sont pas soumis à un contrôle démocratique. Dans certains établissements publics tels que les communautés urbaines, il n'existe pas non plus de contrôle démocratique, puisque personne n'est élu au suffrage universel.
Monsieur Urvoas, j'exprimerai un jugement plus nuancé. Il est très facile sur un tel sujet de prétendre que les politiques sont tous pourris. Lorsque l'on effectue un sondage auprès de la population pour savoir s'ils sont favorables au cumul des mandats, la réponse est : « Non ! » Cela dit, faire appel aux sondages ne suffit pas à expliquer la nécessité de limiter strictement le cumul des mandats. C'est une question de renouvellement démocratique, car la limitation du cumul des mandats permettra une ouverture et une plus grande diversité politique et sociale.
Répétons-le encore une fois : cette assemblée, pas plus que les autres assemblées délibérantes du pays, ne reflète la diversité sociale et politique de notre pays. La plupart d'entre nous exerçaient des professions privilégiées dans des secteurs qui sont aujourd'hui de véritables niches de la République. (Protestations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et nous ne permettons pas à des Français qui voudraient s'occuper de « la chose publique » de le faire, parce qu'il n'existe pas de statut de l'élu cohérent, pas de limitation du cumul des mandats.
Rejoignons les autres pays ! En outre, sans l'introduction de la proportionnelle, la limitation stricte du cumul des mandats ne saurait procéder que du populisme et de la démagogie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En 1978, Valéry Giscard d'Estaing, Président de la République, avait dit que la France ne pouvait pas supporter quatre niveaux d'administration.
Trente ans après, nous en comptons deux de plus. Nous avons ainsi : la commune, l'intercommunalité, le département, la région, l'État et l'Europe.
Monsieur Urvoas, sous la III e et la IVe République, il n'y avait pas de région, pas d'intercommunalité ; les départements existaient déjà, mais pas l'Europe.
La question du cumul des mandats est cruciale, mais nous ne parviendrons à la traiter que si nous supprimons au moins un, voire deux niveaux d'administration et si nous concentrons la responsabilité politique. Nous mettrons alors fin au cumul des mandats de façon adulte, non polémique, et surtout non démagogique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 433 .
La restauration des pouvoirs du Parlement suppose deux réformes décisives et préalables : la reconnaissance d'un véritable statut de l'élu et la suppression ou la limitation du cumul des mandats.
Notre amendement pose le principe de l'interdiction de cumul du mandat de député avec l'exercice du mandat de maire d'une ville de plus de 20 000 habitants ou d'autres fonctions exécutives locales. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il n'y a ici que des élus de la nation. Ils ne sont pas censés parler à titre personnel. Vous n'êtes donc pas non plus censés les interpeller à ce titre !
Poursuivez, monsieur Brard, en évitant de provoquer vos collègues.
Je voudrais procéder à une petite mise au point, pour que l'on ne revienne plus sur cette affaire. Aujourd'hui, 85 % des députés cumulent plusieurs mandats.
Sur ces bancs, sauf erreur de ma part, soixante-quatre d'entre nous seulement n'exercent pas de mandat local
La première conséquence du cumul des mandats est l'absentéisme, qui décime les bancs de notre assemblée, même s'il convient de remarquer que ce ne sont pas nécessairement ceux qui exercent le plus de responsabilités qui sont le plus absents. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette désertion participe, à l'évidence, au recul du rôle du Parlement, au même titre que les mécanismes du parlementarisme rationalisé.
Autre conséquence, le cumul ne permet pas aux parlementaires de se consacrer pleinement à leur tâche. Il faut reconnaître que la Constitution de la Ve République n'y incite guère.
Or, si nous souhaitons renforcer les pouvoirs du Parlement, son rôle dans l'initiative législative, ainsi que ses pouvoirs de contrôle, cela ne pourra se faire qu'avec des députés plus disponibles.
Mes collègues me taquinent depuis plusieurs jours, monsieur le président ! Aussi, souhaiterais-je mettre un point final à cette affaire et clore le débat ! (Exclamations sur de nombreux bancs.)
J'entends dire ici ou là que Jean-Pierre Brard ne cumule plus, alors que Mme Voynet, elle, cumule !
Selon le nouveau Larousse encyclopédique, un mandat est une « mission que les citoyens confient à certains d'entre eux par voie élective d'exercer en leur nom le pouvoir politique. »
Un synonyme du verbe exercer est pratiquer. Notre collègue Arnaud Montebourg intervient quinze à vingt fois au cours du débat, M. Copé aussi, tout comme MM. Myard, de Charrette, Mamère. Tous, ils exercent leur mandat. Alors, cessez d'être injustes avec Mme Voynet (Sourires) qui, depuis l'été dernier, est intervenue six fois au Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et qui donc ne cumule pas les mandats, puisqu'elle ne les exerce pas : elle cumule les indemnités ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Brard, j'imagine que vous connaissez l'article 73 du règlement : vous n'auriez pas dû parler en ces termes !
Sur le vote de l'amendement n° 287 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. René Dosière, pour présenter l'amendement n° 200 .
S'agissant du cumul des mandats, je souhaite faire deux brèves remarques complémentaires sur les effets néfastes du cumul des mandats.
D'abord, le cumul des mandats encourage les féodalités, car l'élu cumulard constitue des réseaux, voire des clientèles, et recrute des collaborateurs. Ce système fragilise les partis politiques, notamment le parti socialiste. On l'a vu dans le passé avec la SFIO ; on le voit aujourd'hui lorsque tel élu qui se prononce en faveur d'un candidat lui apporte plusieurs milliers de voix de sa fédération. Ces féodalités empêchent l'émergence de nouvelles générations, contrairement à ce qui se passe dans les pays étrangers.
Ensuite, le cumul des mandats suscite l'antiparlementarisme, car il signifie aussi le cumul des indemnités. Nous avons fixé un plafond à une fois et demie l'indemnité parlementaire de base, soit 8 200 euros mensuels : ce plafond est beaucoup trop élevé. À défaut de pouvoir supprimer le cumul des mandats, je proposerai ultérieurement de ne plus cumuler les indemnités, mais de percevoir l'indemnité parlementaire de base.
Telles sont les raisons qui me poussent à continuer à me battre pour le non-cumul des mandats. Delenda est cumulatio !
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 286 .
Il est regrettable que nous ne puissions avoir un vrai et long débat sur la question des cumuls, qui intéresse tant nos concitoyens. M. le président de la commission des lois nous a dit hier qu'il n'était pas nécessaire de procéder à une révision de la Constitution pour supprimer le cumul des mandats. Certes, mais comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, le cumul est tellement ancré dans les pratiques de la Ve République, et uniquement de la Ve,..
…elle y est tellement enkystée qu'il serait bon de saisir l'occasion de la révision constitutionnelle pour s'en débarrasser.
Une réforme des institutions qui n'aborderait pas la question du cumul des mandats serait, à mon sens, nulle et non avenue. Mais, visiblement et malgré la haine et la défiance que suscite l'évocation du souvenir de mai 1968 sur certains bancs de cet hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour certains, il est interdit d'interdire le cumul des mandats ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sans rappeler tous les arguments qui ont été évoqués comme la disponibilité, la confusion des intérêts locaux avec l'intérêt général, je me bornerai à insister sur un aspect, celui du renouvellement de notre personnel politique. Il y a urgence, en la matière. Le film Entre les murs, qui a obtenu la palme d'or dimanche à Cannes, donne une image de la France telle qu'elle est : une image de la diversité française, que nous ne voyons pas aujourd'hui sur ces bancs ou sur ceux du Sénat. Une meilleure représentation de la société française dans sa diversité passe nécessairement par le renouvellement du personnel politique, et donc le renouvellement des idées. Seule une limitation stricte du cumul des mandats des parlementaires irait dans ce sens. Mais je tiens à vous rassurer, mes chers collègues, nos amendements ne s'appliqueraient qu'à partir de la XIVe législature ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je ne sais pas, mes chers collègues, si je serai entendu sur ce sujet. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, nos débats ont été passionnés et passionnants. Mais force est de reconnaître que dès que l'on parle du cumul des mandats, le niveau des débats baisse d'un cran. Les propos de M. Brard nous ont, certes, distraits, mais ils nous ont éloignés du sujet. Dans le même temps, j'ai bien compris que, les uns et les autres, nous masquions la vérité derrière le sourire.
Certes, nous n'avons pas besoin de modifier la Constitution pour régler ce problème, mais nous ne pouvons pas nous contenter de dire cela. Au moment où nous réformons les institutions pour les rendre plus démocratiques, au moment où nous essayons d'avoir des institutions plus modernes – objectif que je ne partage pas sur beaucoup de points –, il me semble de notre devoir de considérer que le cumul des mandats est une question grave, sérieuse et actuelle.
Je me permets de vous dire, monsieur le président de l'Assemblée nationale, que nous sommes tous en charge de cette question. Je vous le dis à vous parce que vous êtes le président de notre assemblée. Je le dis au président du groupe UMP, dont je voudrais bien entendre le point de vue sur ce sujet. (Sourires sur plusieurs bancs). Je le dis au Gouvernement. (Exclamations sur quelques bancs.) Il n'y a dans mes propos ni critique ni mise en cause personnelle ! Personne ici n'est à l'abri de critiques sur le sujet. Je demande au Gouvernement de reconnaître qu'il s'agit d'une question d'actualité et de nous dire si, dans un avenir prochain, nous serons saisis de propositions concrètes sur le cumul des mandats.
Si je n'ai pas de réponse sur ce sujet, ce que je peux comprendre, cela modifiera sûrement mon attitude à l'égard de la réforme de nos institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'ai l'impression d'entendre le débat d'hier soir, qui visait à interdire aux ministres l'exercice de mandats électifs ou de responsabilités locales, voire de responsabilités locales exécutives.
Notre assemblée a estimé que les ministres pouvaient parfaitement exercer des mandats locaux. Et voilà qu'un amendement du groupe socialiste prévoit que les députés ne pourraient plus exercer de mandats locaux. Les sénateurs, qui représentent les collectivités territoriales, auraient, eux, droit au cumul ! Je vous fais cependant observer que les sénateurs ne sont pas seulement des représentants des collectivités territoriales ; ils sont aussi des législateurs. Alors, si vous voulez réellement revaloriser le rôle du Parlement, soyez cohérents, chers collègues, et présentez un amendement interdisant le cumul des mandats aux députés et aux sénateurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est le débat des fausses barbes !
Aux termes de l'amendement n° 287 : « Le mandat parlementaire de député est incompatible avec l'exercice de tout autre mandat ou fonction électif. » Alors, comme Mme Filippetti l'a fait remarquer, qu'un député ne puisse pas être conseiller municipal répond à une ardente demande de l'ensemble de la population française. Vous avez tous, au cours de votre parcours politique, ressenti la difficulté et la lourdeur de la tâche de conseiller municipal ! Surchargé de travail, vous avez tous pu constater à quel point elle était incompatible avec l'exercice d'un mandat de parlementaire !
On sombre dans le ridicule, mes chers collègues, avec l'amendement suivant, qui décrète le mandat parlementaire incompatible avec la fonction de président de syndicats intercommunaux. Ceux-ci sont très nombreux et peuvent, notamment dans les petites communes, ne concerner que la gestion d'un seul bâtiment et représenter une ou deux heures de travail par semaine. Mais nos collègues socialistes estiment qu'une telle responsabilité empêcherait l'exercice du mandat parlementaire !
Les auteurs de l'amendement ne cumulent évidemment pas, même si certains étaient candidats, il y a quelques semaines, à des élections cantonales, ce qui aurait provoqué des élections législatives partielles parce qu'ils n'auraient pas manqué de mettre leurs actes en adéquation avec leurs convictions.
Hypocrisie suprême, ces dispositions ne s'appliqueraient qu'à partir de la XIVe législature. Mais pourquoi donc, madame Filippetti, reporter l'application de cette mesure ?
Il va bientôt y avoir des élections régionales et cantonales. C'est dès ces élections qu'il faudrait appliquer cette mesure si vous étiez réellement convaincus de la nécessité de son adoption ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je crains qu'il ne s'agisse là que d'un amendement de façade, visant uniquement à donner des leçons de vertu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 287 .
(Il est procédé au scrutin.)
Je mets aux voix l'article 10, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)
Nous abordons maintenant l'examen de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 10.
Je suis saisi d'un amendement n° 342 .
La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.
Madame la ministre, vous avez souvent rappelé que ce projet de réforme de la Constitution visait à revaloriser le rôle du Parlement, ses pouvoirs et ses droits. Nous ne sommes pas vraiment convaincus que l'on ferait un saut qualitatif phénoménal avec ce texte s'il était adopté dans sa version actuelle. Mais si nous vous voulions aller dans ce sens, il faudrait évoquer une question qui, sans être centrale, est néanmoins sensible pour beaucoup de nos concitoyens, à savoir l'absentéisme parlementaire.
Il ne fait aucun doute qu'il nourrit l'antiparlementarisme, y compris dans ses versions les plus populistes.
Plusieurs membres du comité Balladur ont d'ailleurs évoqué la possibilité d'appliquer des sanctions aux parlementaires qui seraient très régulièrement absents et n'exerceraient pas leur mandat, pour reprendre les termes de M. Brard. Entre parenthèses, s'il espère que Mme Voynet n'exerce pas son mandat de maire de Montreuil, il apprendra sans doute à ses dépens qu'elle l'exercera pleinement.
Notre amendement vise à instaurer des sanctions dissuasives fondées sur des critères incontestables comme la participation aux scrutins publics et aux réunions de commission. Il serait logique que de telles dispositions figurent dans notre Constitution.
Si les dispositions relatives aux sanctions inscrites dans notre règlement n'ont jamais été appliquées, c'est précisément parce qu'elle ne sont que dans le règlement.
Avis défavorable. Je ne crois pas utile d'inscrire ce type de disposition dans la Constitution. L'organisation du travail parlementaire fera l'objet d'un débat, mais après le vote de la révision constitutionnelle. Je vous invite donc, monsieur de Rugy, à voter la réforme afin d'ouvrir ce débat au plus vite.
Même avis que la commission. Ce genre de sanctions est déjà prévu par l'article 162, alinéa 3, du règlement de l'Assemblée nationale et vous avez vous-même exprimé le souhait, monsieur le président de l'Assemblée nationale, de le modifier après le vote de la réforme constitutionnelle. En tout état de cause, cela ne relève pas de la Constitution.
Je suis saisi d'un amendement n° 431 .
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.
Cet amendement vise à donner au seul Parlement la faculté de convoquer une session extraordinaire, à condition que la décision soit prise à la majorité qualifiée.
Aux termes de l'article 29 de la Constitution, « Le Parlement est réuni en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l'Assemblée nationale. » Le pouvoir d'initiative est donc partagé en théorie entre le Premier ministre et la majorité absolue des députés. La pratique institutionnelle est en réalité tout autre. À ma connaissance, depuis 1958, une seule session extraordinaire a été réunie du fait des députés, en mars 1979.
Par ailleurs, il est clair que le pouvoir de décision a été transféré au Président de la République. Rappelons que, en 1987, durant la cohabitation, François Mitterrand, devant l'éventualité d'une session extraordinaire consacrée à l'examen du projet de loi réformant le statut de la régie Renault, avait cru bon de rappeler la prérogative du chef de l'État : « le Gouvernement ne peut ni décider la convocation d'une session extraordinaire ni en fixer l'ordre du jour ». Depuis, nul ne conteste cette lecture de la Constitution, qui confère au Président non seulement le pouvoir de prendre un décret, mais un pouvoir d'appréciation plus vaste. Cette interprétation témoigne là encore, selon nous, du glissement vers un empiétement accru du pouvoir présidentiel sur les compétences conjointes du Gouvernement et du Parlement.
En outre, il faut bien admettre que les sessions extraordinaires ont souvent été instrumentalisées afin de repousser à la période estivale l'examen des mesures les plus impopulaires ou les mauvais coups. Je vous fais grâce des exemples.
Dans ces circonstances, il nous paraît plus sage de confier au Parlement l'initiative en matière de session extraordinaire, sur proposition éventuelle du Premier ministre, avec un ordre du jour fixé de façon suffisamment consensuelle pour emporter l'adhésion de principe d'une majorité qualifiée des membres de notre assemblée.
Défavorable également.
Cet amendement, proposé par M. Mamère, a été adopté par la commission. Il vise à inscrire dans la Constitution le fait que les auditions auxquelles procèdent les commissions instituées au sein de chaque assemblée sont publiques, sauf si les commissions en décident autrement.
Je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur d'avoir repris cet amendement au nom de la commission. Afin de renforcer la transparence de nos travaux parlementaires et de les rendre plus accessibles à nos concitoyens et à la presse, nous proposons d'ouvrir au public les auditions des commissions, sauf si celles-ci en décident autrement.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement n° 580 .
Ce sous-amendement vise à étendre la publicité aux séances portant sur l'examen des projets et propositions de loi, sauf décision contraire de la commission concernée. Il est en effet regrettable que les débats en commission ne soient pas publics. Les rares fois où ils l'ont été, la présence de personnes extérieures a amélioré leur qualité. La publicité est d'ailleurs pratiquée dans de nombreux parlements.
Le groupe UMP votera ces amendements. La publicité est d'ailleurs une pratique déjà répandue s'agissant des auditions. La constitutionnaliser, pourquoi pas ? Mais instituer le principe d'une publicité des séances consacrées à l'examen des projets et propositions de loi pose problème, car des pressions pourraient s'exercer sur les parlementaires.
Si je puis me permettre, mon cher collègue, en séance publique, la discussion n'est pas de même nature : elle intervient après le débat en commission et réunit des députés qui n'y ont pas pris part. J'estime qu'il doit y avoir un moment où les discussions puissent se dérouler en l'absence du public.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 580 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 261 .
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le soutenir.
Cet amendement va dans le sens de celui défendu par Charles-Amédée de Courson. L'opinion publique doit être mieux informée des mécanismes qui conduisent à nos décisions. C'est la raison pour laquelle je propose que l'examen des projets ou des propositions de loi effectué au sein de la commission saisie en application de l'article 43 soit public. Cette transparence paraît d'autant plus nécessaire que le texte débattu en séance sera désormais celui de la commission. J'ajoute que les travaux des commissions sont déjà d'une certaine façon publics puisque des fuites, organisées ou non, en révèlent le contenu.
Je pensais que l'adoption des amendements précédents ferait tomber celui-là. Toujours est-il que l'avis de la commission est défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
Monsieur Pancher, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, sinon je me verrai obligé d'émettre un avis défavorable. Les deux amendements qui viennent d'être adoptés ouvrent la possibilité d'une publicité des travaux, mais sans caractère systématique. Les parlementaires ne doivent pas y être tenus, car dans certains cas, il faut pouvoir débattre à huis clos.
Je le maintiens, à regret, et je prie M. le secrétaire d'État de bien vouloir m'en excuser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je ne comprends absolument pas la position du Gouvernement et de la majorité sur cette question. Les mesures qui nous sont proposées vise à revaloriser le travail des commissions, qu'il s'agisse de la discussion en séance publique du texte de la commission ou de l'instauration de modes simplifiés d'examen des textes. Le corollaire de cette revalorisation devrait être la publicité des travaux en commission. Je conçois que cela suscite des réticences pour certains textes, mais il suffirait d'adopter le principe de la publicité des débats en commission en laissant ouverte la possibilité de décider d'un huis clos.
Il est évident que les règles régissant le travail des commissions devront évoluer dès lors que c'est le texte qu'elles auront amendé qui sera examiné en séance publique. Simplement, il n'y a pas lieu de faire figurer de telles dispositions dans la Constitution. Nous n'allons pas constitutionnaliser tout le règlement de notre assemblée ! Une fois la révision constitutionnelle votée, nous pourrons mettre en place un groupe pluraliste au sein de notre assemblée afin d'élaborer un nouveau règlement. Je maintiens donc un avis défavorable qui est davantage motivé par une question de principes normatifs que par un différend de fond.
Je comprends mal l'argument invoqué par notre rapporteur. La disposition que j'ai proposée et qu'il a reprise a été adoptée pour être inscrite dans la Constitution. Je ne vois pas pourquoi le principe de la publicité des travaux en commission ne pourrait pas, lui aussi, figurer dans la Constitution.
Par ailleurs, on nous a expliqué que l'on nous présentait ce projet de réforme parce que le monde change, qu'il évolue. Je vous rappelle qu'entre 1958 et aujourd'hui est apparue la chaîne parlementaire qui filme nombre de nos débats et d'auditions et qu'elle retransmettra bientôt de plus en plus les travaux des commissions afin d'informer les Français de notre travail. Il me semble donc que l'amendement de M. Plancher, comme le sous-amendement de M. Lagarde, va dans le sens de l'ouverture de notre assemblée.
Nous sommes là dans les modalités d'organisation interne de l'Assemblée. Je vous mets en garde : si l'on inscrit trop de principes dans la Constitution, certains collègues protesteront bientôt,...
…car le Conseil constitutionnel ne manquera pas d'interpréter les dispositions que nous aurons introduites dans la Constitution pour annuler certains textes. La sagesse est donc d'en rester là. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 11.
La parole est à M. Paul Giacobbi.
L'article 11 nous propose une de ces révolutions législatives qui font date dans l'histoire. Nous voici en effet face à un monument à partir duquel nos concitoyens dateront sans doute leur bonheur.
Il s'agit en effet de remplacer la phrase : « Des lois de programme déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'État » par cette fascinante innovation : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.»
L'exégèse de la différence entre « programme » et « programmation » dépasse mes capacités analytiques. Autant mesurer les dynamiques respectives des pets de lapin et des vents de hamster !
Mes chers collègues, les lois normatives, les vraies lois, celles qui créent pour les citoyens, pour l'État ou pour nos comptes publics, des droits ou des obligations, encombrent déjà notre ordre du jour et les colonnes du Journal officiel. Depuis plusieurs années, nous chargeons encore la barque législative de tout un fatras de lois déclaratives ou incantatoires, sans parler de ces lois malencontreuses qui, prétendant refaire l'histoire et notamment l'histoire coloniale, pourraient être appelées des lois dogmatiques.
Les lois de programme existent depuis la proclamation de la Ve République. Paradoxalement, alors même qu'elles sont destinées à encadrer l'action de l'État à moyen terme, elles sont en général, pour ne pas dire toujours, oubliées aussitôt après leur promulgation dans une amnésie fulgurante qui frappe conjointement le législateur et l'exécutif.
Je sais bien qu'un principe fondamental de notre droit contemporain, qui pourrait ainsi s'exprimer : « cela ne mange pas de pain, inutile d'en faire un fromage », devrait nous rendre plus complaisants envers ce droit à l'état gazeux. Je vois cependant quatre inconvénients à ce genre de loi, pour ne pas dire quatre perversions.
Premièrement, l'idée d'exprimer par une loi, c'est-à-dire par un acte voté par le législateur, les intentions du Gouvernement, c'est-à-dire de l'exécutif, me semble traduire, au pays de Montesquieu et de la séparation des pouvoirs, une certaine confusion dans les esprits. S'il s'agit pour l'exécutif de prendre un engagement politique, il le fait par une déclaration solennelle, un Livre blanc ou un discours programme. Il n'en a pas manqué sous la Ve République ou même avant. S'il s'agit pour le Gouvernement de souscrire des engagements juridiques, de se soumettre à des obligations, il doit alors donner à ces lois une force obligatoire qui lui soit opposable.
Deuxièmement, les mots « programme » ou « programmation » ne sont pas dénués d'ambiguïté puisque notre vocabulaire financier les emploie avec d'autres significations réellement contraignantes, notamment lorsqu'il est question d'autorisations de programme. Ainsi, si une loi de programme ou de programmation évoque un véritable engagement pluriannuel à caractère financier, il n'en est rien sur le plan juridique et nous savons tous ce qu'il advient des lois de programme ou assimilées. Je pense aux lois de programmation militaire ou au fameux programme exceptionnel d'investissement pour la Corse qui, s'il est encore un programme, n'a plus rien d'exceptionnel et ne permettra qu'une modeste augmentation de nos investissements publics tandis que le budget d'exécution devrait normalement, vu les crédits de paiement disponibles, atteindre un bon siècle.
Troisièmement, de même que la mauvaise monnaie chasse la bonne, les lois incantatoires ou déclaratives dévalorisent la loi. Notre pays rencontre des problèmes pour appliquer les lois et nous devons bien constater que la très grande majorité des lois que nous votons modifie les dispositions promulguées depuis moins de deux ans et parfois non encore appliquées. En outre, si nous multiplions toutes ces lois sans portée juridique, non créatrices de droit, incapables d'imposer la moindre sanction et dépourvues de la moindre possibilité de sanction ou d'obligation, c'est le concept même de loi qui se délitera.
Quatrièmement, le concept même de programmation date terriblement. Il évoque irrésistiblement ces magnifiques systèmes qu'on appelait PPBS – planning, programming and budgeting systems –, par lesquels notamment le talentueux Robert McNamara avait technocratiquement organisé et chiffré, à quelques dollars près, l'inéluctable victoire que les États-Unis devaient remporter au Vietnam !
Il ne serait pourtant pas inutile que la loi fixe pour plusieurs années des normes d'évolution, soit de caractéristiques financières – par exemple les prélèvements obligatoires ou la dépense publique –, soit d'objectifs quantifiés. Il convient cependant d'être prudent dans ce domaine pour deux raisons.
D'abord, parce qu'à long terme nous serons tous morts ; ensuite, parce que l'évolution des techniques rend parfois tout cela parfaitement ridicule. Si nous voulons encadrer l'action de l'État par des normes législativement proclamées, qu'au moins ce soit obligatoire !
Je termine, monsieur le président, en me demandant s'il est vraiment réaliste ou même utile de fixer de telles normes, en particulier financières, dans un pays déjà manifestement incapable de respecter celles qui lui sont imposées par l'échelon supérieur, par exemple l'obligation qui nous est faite et vigoureusement rappelée ces jours-ci par un avertissement sans frais d'atteindre l'équilibre de nos comptes publics en 2010.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les interventions denses sont toujours beaucoup plus percutantes que celles qui sont plus longues !
La parole est à M. Charles de Courson.
Pourquoi faut-il instaurer la règle d'or qui consiste à interdire de s'endetter pour financer, dans un cadre pluriannuel, des dépenses de fonctionnement ?
La première raison est économique et sociale. S'endetter pour financer des dépenses de fonctionnement, c'est ponctionner l'épargne nationale pour financer des dépenses non créatrices de richesse.
C'est donc accepter un freinage de notre croissance, c'est-à-dire accepter un niveau de vie plus bas pour les générations futures et un niveau de chômage plus élevé pour nos enfants et nos petits enfants. Or, ce sont les couches sociales les plus fragiles, les moins formées, qui connaissent les taux de chômage les plus élevés. Ainsi, accepter des déficits récurrents de fonctionnement, c'est promouvoir l'aggravation des inégalités sociales.
La deuxième raison, c'est que nous devons respecter les engagements politiques pris par notre peuple lors de la ratification par référendum du traité de Maastricht. Le respect du pacte de stabilité révisé implique le retour à l'équilibre des finances publiques françaises. C'est d'ailleurs ce que la Commission européenne va rappeler dès demain à notre pays, qui ne respecte pas sa trajectoire d'ajustement budgétaire annoncé.
La troisième raison, c'est que l'actuelle majorité présidentielle s'est engagée, dans sa plate-forme électorale, lors des dernières élections législatives, à introduire cette disposition dans un texte de nature constitutionnelle. Cet engagement a été pris dans le cadre des négociations entre le groupe Nouveau Centre et le futur Président de la République. D'ailleurs, suite à la proposition de loi constitutionnelle que nous avons défendue en janvier 2008, le Gouvernement a accepté qu'un groupe de travail pluraliste travaille sur l'idée de la règle d'or, d'où les trois amendements que nous examinerons tout à l'heure.
Enfin, le Président de la République s'est engagé devant les représentants de I'Union européenne à parvenir, au plus tard en 2012, à l'équilibre total des finances publiques, position plus dure que celle du groupe Nouveau Centre.
La quatrième raison d'instaurer la règle d'or est d'ordre éthique. Mes chers collègues, voulez-vous que nos enfants et petits enfants nous disent, paraphrasant le titre d'un roman célèbre, « J'irai cracher sur vos tombes », ou encore « Je ne paierai pas vos dettes » ?
À la différence du droit des successions, qui permet à un héritier de ne pas accepter un héritage ou de refuser la succession de ses parents, nos enfants et nos petits enfants seront condamnés à payer nos dettes, à moins de s'expatrier, perspective qu'aucun d'entre nous ne saurait imaginer.
Face à cela, les arguments contre l'instauration de la règle d'or ne pèsent pas lourd.
L'argument selon lequel la règle d'or empêcherait le jeu des stabilisateurs automatiques est erroné. D'une part, l'équilibre doit s'apprécier dans un cadre pluriannuel et, d'autre part, l'objectif est de parvenir à l'équilibre de fonctionnement sur un cycle économique. Ainsi, on peut imaginer un fonds conjoncturel qui capitalise les excédents en haut de cycle et les restitue en bas de cycle.
L'argument selon lequel la règle d'or s'appliquerait au détriment des dépenses d'investissement ne tient pas davantage, car il s'agit de l'équilibre de fonctionnement. De plus, la règle d'or, qui existe déjà pour les collectivités locales dans un cadre annuel plus strict, n'a pas défavorisé les dépenses d'investissement. Au contraire, alors que l'État ne faisait que réduire ses dépenses d'investissement qui ne représentent plus que 5 à 6 % de ses dépenses brutes – 20 milliards dont 13 d'investissements militaires sur 370 milliards de dépenses brutes –, les collectivités locales ont poursuivi leurs dépenses d'investissement qui dépassent 22 % de leurs dépenses, c'est-à-dire 44 milliards sur un total de 200 milliards.
D'autres prétendent que la notion d'investissement peut prêter à manipulation comptable. C'est exact mais, dans cette hypothèse, la Cour des comptes, de même que la commission des finances, veillera au respect de la norme comptable d'investissement qui se définit comme « toute dépense ayant pour objet d'accroître la valeur des immobilisations permettant de produire des biens ou des services ».
Un dernier argument contre la règle d'or réside dans le coût politique de son respect. Oui, mes chers collègues, l'assainissement de nos finances sociales comme des finances de l'État exige un effort considérable et constant de réduction des dépenses. Mais ceux qui croient que l'on peut durablement différer cet effort trompent les Français, car nos finances publiques sont au fond du gouffre. Par exemple, la dette sociale, qui s'élève à 109 milliards si on la majore des 36 milliards de déficits accumulés hors CADES, est telle que le produit de la CRDS – 5,5 milliards – ne suffira plus, à partir de 2011, pour couvrir les seuls intérêts de la dette.
Faut-il constitutionnaliser la règle d'or ? Je répondrai que nous l'avons bien fait pour le développement durable. Alors pourquoi ne pas le faire alors que la règle d'or assure le développement durable de nos services publics et de notre système de protection sociale ? (« Très bien ! sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Se donner des règles de bonne gouvernance dans la Constitution réhabilitera le débat politique en lui redonnant une crédibilité qu'il a, hélas ! parfois perdue. Voilà pourquoi il faut voter les amendements instaurant la règle d'or. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Jusqu'à présent, notre Constitution ne prévoyait que des lois de programme sectorielles. Paradoxalement, on peut prévoir sur cinq ans les dépenses à l'euro près, par exemple dans le domaine militaire, mais la Constitution ne nous autorise pas, alors que nous sommes en déficit depuis trente ans, à prévoir l'évolution de nos dépenses et de nos recettes sur une base pluriannuelle avec la recherche à terme de l'équilibre.
À la suite du travail que nous avons conduit avec nos collègues du Nouveau Centre et le ministre du budget, Éric Woerth, nous proposons d'autoriser des lois de programmation pluriannuelles de nos finances publiques et, ce faisant, d'inscrire l'objectif du retour à l'équilibre dans ce cadre pluriannuel.
On peut se demander pourquoi inscrire une telle disposition dans la Constitution. Tout simplement parce que nous sommes au coeur de la notion de développement durable. Il est important qu'une génération ne lègue pas aux suivantes un fardeau de dette insupportable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.) Rappelons que la charte de l'environnement confère une valeur constitutionnelle au principe de précaution. Or, la génération qui a eu vingt ans en 1968 aura réussi cet exploit de léguer à ses enfants et petits enfants une dette publique trois fois supérieure à celle qu'elle avait héritée en 1968 de ses parents qui, eux-mêmes, avaient eu à reconstruire le pays !
C'est cela le développement durable, et c'est cela que nous devons inscrire dans la Constitution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
D'aucuns jugeront que l'amendement que nous proposons n'est guère contraignant et que l'on se contente de fixer un objectif à atteindre. Je pense quant à moi qu'adopter des règles de bonne gouvernance permet de modifier, petit à petit, les comportements. Prenons l'exemple de la LOLF, qu'a élaborée notamment Didier Migaud : elle a suscité des comportements de bonne gouvernance. Du fait de la règle d'affectation des surplus, le Gouvernement est obligé de dire à l'avance, dans chaque loi de finances, ce qu'il fera d'un éventuel surplus. Le rapporteur du budget de 1999 eût-il possédé cette règle dans sa boîte à outils juridique, le débat sur la « cagnotte » n'aurait pas eu lieu !
Avec à l'époque 1 000 milliards de dettes, on aurait évidemment exigé de diminuer la dette ! Il s'agit donc d'un facteur de bonne gouvernance.
Une autre critique nous est faite : nous ne légiférerions que pour nos successeurs, puisque ces dispositions ne s'appliqueraient qu'à partir de 2012. C'est inexact : s'il est adopté, notre amendement s'appliquera immédiatement. Dès l'automne prochain, nous aurons à examiner puis à voter une loi de programmation pluriannuelle préalablement à l'examen du projet de budget pour 2009. Nous devrons donc, mes chers collègues, baliser, année après année, le chemin qui nous conduira à l'équilibre des comptes en 2012.
Cette loi de programmation couvrant l'ensemble des comptes publics – les 300 milliards de l'État, les 200 milliards des collectivités territoriales et les 450 milliards de la sécurité sociale –, je conclurai en disant un mot sur les comptes sociaux. Nous n'avons pas le droit de continuer à nous accommoder de déficits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La situation est devenue intenable ! La CADES a recueilli 73 milliards de dettes, tandis que 35 milliards de dettes en suspension sont financés par la Caisse des dépôts.
Je rappelle que, de 1946 à 1993, nos comptes sociaux ont été équilibrés, dans un cadre pluriannuel ; nous n'avons pris la détestable habitude d'un déficit structurel que depuis quinze ans, contre trente pour les comptes de l'État.
Nous n'avons pas le droit de demander à nos enfants et petits-enfants de payer, non seulement leurs propres dépenses de santé, mais aussi, du fait du remboursement de la dette, celles de notre génération. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
M. le rapporteur général serait-il membre de l'opposition ? (Sourires. – « Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il parle d'or !
Pourquoi la majorité accepte-t-elle donc de voter des dispositions qui conduisent à la dégradation des comptes publics ? On est en droit de se poser la question… J'entends bien le raisonnement du rapporteur général, mais il y a loin de la théorie à la pratique !
Contrairement à notre collègue Paul Giacobbi, je plaiderai en faveur de l'article 11. Je crois en effet qu'un cadre pluriannuel et des lois de programmation sont utiles, en particulier pour les finances publiques.
S'il s'agissait de constitutionnaliser la règle d'or, je n'y serais pas favorable, car je considère qu'on ne peut pas réguler la situation des comptes publics par une disposition constitutionnelle. Du reste, on le voit bien : c'est ce qu'a fait l'Allemagne, et pourtant celle-ci a connu des déficits publics. Ces choses doivent se traiter d'une autre façon.
En effet : politiquement. Les déficits ne sont pas une fatalité, le gouvernement de Lionel Jospin l'a prouvé en améliorant la situation des comptes publics. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Cela dit, l'amendement qui va venir en discussion me paraît résulter d'une bonne synthèse et d'un bon compromis dès lors que, précisément, ce n'est pas la règle d'or qui est constitutionnalisée. Bien qu'elle ne le respecte pas, soumettre à un encadrement global, dans un cadre pluriannuel, l'évolution des finances publiques est un objectif qui s'impose d'ailleurs déjà à la France, puisque celle-ci est membre de l'Union économique et monétaire et que cet objectif est inscrit dans les textes européens.
Permettez-moi de vous rappeler en quels termes : « L'adhésion à l'objectif qui consiste à parvenir à une position budgétaire saine, proche de l'équilibre ou excédentaire, permettra à tous les États membres de faire face aux fluctuations conjoncturelles normales, tout en maintenant le déficit public dans la limite de la valeur de référence de 3 % du produit intérieur brut. »
Bien que la rédaction qui nous est proposée soit quelque peu en deçà, j'y vois un progrès car le Parlement pourra se prononcer par un vote sur les propositions pluriannuelles du Gouvernement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui : le Gouvernement, quel qu'il soit, les transmet à Bruxelles, fait des projections, annonce qu'il atteindra l'équilibre en telle année, mais notre assemblée ne les vote pas. La nouvelle rédaction de l'article 11 a donc le mérite de contribuer à la transparence et à la pédagogie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Notre pays s'est accoutumé à une culture des déficits qui concerne l'ensemble des finances publiques et sociales. À titre personnel, j'ai suivi l'examen des PLFSS tous les ans depuis 1996, année de leur création, ce qui représente douze débats sur les finances sociales : jamais l'équilibre, pourtant inscrit dans l'article 34 de la Constitution, n'a été approché durablement.
Cette situation n'est pas tenable sur le plan financier : le montant des déficits accumulés en attente d'affectation ou de financement – qui s'élève, comme l'a rappelé Gilles Carrez, à 35 milliards d'euros – l'illustre cruellement. Faute de trouver des solutions pour améliorer durablement les dépenses sociales ou d'anticiper avec lucidité et réalisme leur évolution, c'est l'ensemble de notre système de solidarité au service des familles, des seniors et de la santé qui pourrait être mis en cause.
Cette situation n'est pas plus tenable sur le plan moral, en raison de ses répercussions sur les jeunes et les générations futures. Le vieillissement de la population aura un réel impact sur les dépenses publiques et sociales, que l'OCDE et la Commission européenne estiment, à l'horizon 2050, à 3,2 % du PIB, soit 60 milliards d'euros 2008, l'équivalent de l'impôt sur le revenu. Voilà qui devrait nous inciter, comme tous les pays européens, à être plus vertueux et à adapter nos finances à une telle évolution.
C'est pourquoi, avec plusieurs de mes collègues, je souhaite inscrire dans la Constitution l'ardente obligation de l'équilibre des comptes sociaux. L'idéal serait bien entendu d'en faire une obligation d'équilibre annuelle – il s'agit pour l'essentiel, comme l'a rappelé Charles de Courson, de dépenses courantes et non d'investissement –, mais, pour tenir compte de la spécificité de ce budget et de l'impact de l'environnement économique, nous proposons de l'inscrire dans une perspective pluriannuelle. L'annexe pluriannuelle des lois de financement de la sécurité sociale reste en effet insuffisante : seule une exigence de niveau constitutionnelle donnera à des règles pluriannuelles une portée contraignante.
Mes chers collègues, sortir de la facilité budgétaire doit être une exigence politique et morale pour nous. À ceux qui objecteraient que le principe de réalité et la politique permettront, comme vient de le souligner Didier Migaud, de contourner une telle règle d'or, je rappelle l'impact qu'a eu, pour la gestion du budget de la sécurité sociale, l'interdiction de transférer les déficits accumulés vers la CADES sans qu'ils soient compensés par des ressources supplémentaires. Cette contrainte s'impose au Gouvernement et à la majorité.
Nul ne peut dire qu'une inscription constitutionnelle ne constituerait pas une incitation supplémentaire. Se soucier de l'équilibre financier de la sécurité sociale et des comptes sociaux, c'est d'abord se soucier de pérenniser la solidarité nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La première rédaction de l'article 11 est finalement assez anodine, les lois de programmation étant effectivement une bonne chose. En revanche, le débat qui vient de s'ouvrir laisse à penser que l'on va, par l'intermédiaire d'un amendement de notre collègue de Courson, y introduire un cavalier législatif. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous avons en effet appris par la presse qu'à l'occasion du congrès fondateur du Nouveau Centre – celui-ci souhaite changer de nom, à juste titre d'ailleurs car je n'ai toujours pas compris en quoi cette organisation était un « centre », qui plus est « nouveau » (Exclamations sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), bref à cette occasion donc, le Président de la République avait demandé à l'UMP d'apporter son soutien aux amendements relatifs à ce que vous appelez bizarrement la règle d'or – je ne sais d'où vient cette expression.
Je considère, quant à moi, qu'introduire dans la Constitution l'obligation d'équilibre budgétaire pose au moins deux problèmes.
Sur le fond, il s'agit de savoir le rôle que l'on assigne à la Constitution : veut-on organiser le débat démocratique dans notre pays, fixer les grandes règles qui font vivre nos institutions, les modes de scrutin, l'organisation des pouvoirs de l'Assemblée, du Sénat, du Président de la République, du Gouvernement, ou veut-on fixer une orientation politique ? Que l'on se souvienne du fiasco, pas si ancien, du projet de traité constitutionnel européen, qui tendait justement à confondre les deux… Je le dis d'autant plus librement que j'avais voté « oui » !
Sur la forme, il y a un manque, sinon de sincérité – je ne mets pas en doute celle de nos collègues de Courson et Carrez dans leur combat pour l'équilibre des finances publiques –, du moins de cohérence. Comment peut-on sérieusement proposer d'inscrire une telle disposition dans la Constitution après avoir voté un budget déficitaire à un niveau record ? M. de Courson affirme dans Le Monde de ce soir : « Le retour à l'équilibre des finances publiques n'est pas très compliqué à assurer, à condition de s'en tenir à quelques grands principes. Le premier, c'est de ne pas toucher aux recettes, donc de maintenir la pression fiscale et de renoncer à toute réduction importante des impôts. »
Comment pouvez-vous dire cela d'un côté et, de l'autre, voter des cadeaux fiscaux qui aggravent le déficit ?
Par ailleurs, si l'on vote de tels amendements, le Conseil constitutionnel va-t-il devenir le juge ultime du bien-fondé d'une politique budgétaire ?
Bien qu'étant plutôt favorable à l'équilibre budgétaire, je trouve très inquiétant et dangereux qu'on puisse déférer demain une loi de finances au Conseil constitutionnel – dont, soit dit en passant, les membres ne sont pas élus et ne rendent de compte à personne –, en lui donnant la possibilité de juger si elle est, ou non, constitutionnelle !
Je suis donc totalement opposé à la nouvelle rédaction de l'article 11. Invoquer le développement durable pour la justifier est le comble de l'hypocrisie ! En effet, la charte de l'environnement a bien été constitutionnalisée, mais il ne s'agissait que d'affirmer des principes, à l'instar de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens ; d'ailleurs, vous n'avez pas fait grand-chose en ce domaine depuis lors. Là, en revanche, cela aura des conséquences directes sur l'examen et le vote des projets de loi de finances. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous sommes 577 députés qui s'émeuvent du déséquilibre budgétaire et qui pensent que des lois de programmations pluriannuelles seraient une bonne chose puisqu'elles fixeraient des principes vertueux. Mais si nous votons l'amendement de la commission et que le Conseil constitutionnel constate qu'une loi de finances présente un déséquilibre, que fera-t-il ? Rien et, mes chers collègues du Nouveau Centre, nous serons aussi couillons qu'avant ! (Exclamations sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Cela signifie que seules les lois de règlement pourront être éventuellement sanctionnées : vous parlez d'une avancée ! Il s'agit là d'un article ajouté simplement pour faire plaisir à quelques députés,…
…et s'assurer de leur vote, mais cela ne va pas plus loin. (Exclamations sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Je souhaiterais que Jean-Pierre Grand eût tort, mais je n'en suis, hélas, pas certain. Sur le fond j'ai, du reste, un avis un peu différent du sien, d'autant que je suis à la recherche d'un contenu solide pour la réforme constitutionnelle dans le débat qui s'est engagé autour de la règle d'or. Cela me semble enfin le cas !
Certains d'entre nous avaient initialement proposé un amendement sur lequel Charles de Courson, en particulier, avait travaillé : reposant sur une approche stricte de la notion de règle d'or, cet amendement avait pour objet l'équilibre du budget en fonctionnement, apprécié dans le cadre d'un cycle économique. Une telle définition pouvait paraître contraignante, mais elle avait le mérite d'être solide.
Elle a suscité des critiques, à la lumière notamment des expériences étrangères, dont celle de nos amis britanniques qui, ayant appliqué la règle d'or, ont été confrontés à des problèmes relatifs à la définition, et donc à la distinction, des dépenses d'investissement et des dépenses de fonctionnement. Ils ont ainsi considéré que les chars entraient dans les dépenses de fonctionnement parce qu'ils étaient, hélas, périssables tandis que des subventions adoptées en vue de restaurer le réseau ferré entraient dans les dépenses d'investissement. C'est une réponse flexible et intelligente.
Les Anglais ont été confrontés à une seconde difficulté relative à la définition de la période à partir du cycle économique. En effet, le pouvoir politique ne risque-t-il pas, en invoquant un cycle économique, d'avoir la tentation de jouer avec la période en disant : « Je serai vertueux… mais après-demain ! » ? Le débat sur la question a avancé lorsqu'on est convenu qu'il revenait à une autorité indépendante, c'est-à-dire à un expert économique qui ne soit pas sous la seule emprise du politique, de définir la notion de cycle. Les critiques que j'ai évoquées, en approfondissant la réflexion, ont donc permis de fixer la doctrine de la règle d'or qui est aujourd'hui un dispositif clair, cohérent et intelligent.
Dans ces conditions, il est dommage que l'amendement sur lequel un accord semble possible, s'il permet d'améliorer la situation actuelle – ce qui est toujours appréciable –, soit toutefois en recul par rapport à l'amendement initial sur la règle d'or.
Lorsque l'on évoque le principe d'équilibre d'une loi de programmation, on est dans une approche soit déclamatoire soit contraignante. C'est la raison pour laquelle, selon moi, François Rugy a posé une bonne question et je veux croire que nous sommes non pas simplement dans le déclamatoire, mais bien dans une démarche contraignante. Jusqu'à présent, les lois de programme, qui seront désormais appelées lois de programmation, n'avaient pas de valeur constitutionnelle…
…puisqu'il s'agissait d'une définition tautologique : la loi de programme définissait un programme. Désormais, les lois de programmation, en prévoyant l'équilibre des finances publiques, auront une réelle valeur juridique.
En clair, ce que j'attends de l'adoption de cette mesure, c'est que, demain, le Conseil constitutionnel puisse censurer une loi de finances qui s'éloignerait de l'objectif d'équilibre inscrit dans la loi de programmation conformément à la Constitution.
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Ce débat en préambule de l'examen des amendements à l'article 11 est d'autant plus intéressant qu'il fait suite à une proposition de loi sur la règle d'or pluridisciplinaire, déposée par le Nouveau Centre au mois de janvier dernier, et à la réflexion que nous avons menée sur le sujet dans le cadre du groupe de travail, constitué notamment du rapporteur général, du président de la commission des finances et des députés intéressés, de droite comme de gauche, que nous avons réuni en vue de faire progresser la réflexion en la matière.
Il est apparu qu'une application rigoureuse de la règle d'or, laquelle suppose qu'on vote chaque année tous les budgets en équilibre – qu'il s'agisse de celui de l'État ou de celui de la sécurité sociale –, serait une intention aussi merveilleuse qu'impraticable – Didier Migaud et Gilles Carrez ont eu tout à fait raison de le souligner. En effet, non seulement l'expérience des autres pays conduit à penser qu'il ne s'agit pas d'une bonne idée – du reste, aucun ne pratique la règle d'or dans toute sa rigueur –, mais, de plus, les cycles économiques imposent à chaque pays de pouvoir continuer à disposer de sa liberté budgétaire. En effet, si un pays ne dispose plus d'aucune liberté en matière de politique économique, le Gouvernement ne sert plus à rien et peut être remplacé par quelques hautes autorités, à moins qu'il ne suffise désormais d'appuyer sur un bouton pour obtenir les bonnes réponses. Il est donc nécessaire que l'État conserve une certaine marge de manoeuvre, dans le cadre d'un cycle économique dont il ne peut jamais prévoir ce qu'il sera exactement. De plus, quelle serait la sanction ? Serait-ce au juge d'arrêter le budget de l'État ? Je pense au contraire qu'il revient au politique de le faire.
La règle d'or, pratiquée de façon brutale sous forme d'un concept aussi absolu qu'inusité, n'est donc pas la bonne solution même si, je tiens à le souligner en toute sincérité, en débattre n'a pu qu'être profitable.
Après avoir élargi la discussion, nous sommes convenus que l'objectif commun, que nous cherchons à atteindre avec constance et détermination, même si nous divergeons sur les moyens d'y parvenir, est l'équilibre des finances publiques. Nous voulons également en faire un principe constitutionnel, qui permette de répondre aux exigences de Bruxelles en matière de finances publiques. En conséquence, nous voulons, à la fois, que ce principe intègre la notion pluriannuelle de cycle et concerne l'ensemble des dépenses publiques, et non les seuls budgets de l'État et de la sécurité sociale ou les seules finances des collectivités locales. D'où l'idée de loi de programmation pluriannuelle, qui nous permettra, en offrant au Parlement la liberté constitutionnelle de débattre de nos finances publiques avec une vision à trois ou cinq ans, de discuter de façon plus organisée que dans les simples débats d'orientation budgétaire tels qu'ils existent aujourd'hui, et ce avec pour seul objectif politique l'équilibre des finances publiques. Cette disposition offre donc une souplesse suffisante tout en fixant un cadre constitutionnel.
Comme la loi de finances, la loi de financement de la sécurité sociale ou les budgets des collectivités locales entreront, à un moment donné, dans le cadre de la loi de programmation. Il n'est donc pas nécessaire que la Constitution les mentionne explicitement. Nous disposerons dès lors d'un cadre financier prévisionnel clair, qui s'inscrira dans une trajectoire des finances publiques conforme à nos engagements européens.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter afin d'éclairer la discussion que nous aurons sur les amendements. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cinq orateurs sont encore inscrits sur l'article 11. C'est la raison pour laquelle je leur demande d'être aussi précis que concis.
La parole est à M. Claude Goasguen.
J'avais cru comprendre que l'intention initiale du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions était de renforcer les pouvoirs du Parlement. Or, il est clair que l'article 11 nous éloigne de cet objectif pour deux raisons au moins. En effet, par-delà la rédaction même du projet de loi, quelques amendements, qui ne portent pas du reste seulement sur l'exercice budgétaire, mais concernent également, monsieur le rapporteur, la question de la non-rétroactivité des lois, ne laissent pas de m'inquiéter.
Sur la question de l'équilibre budgétaire, je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que si la règle d'or est appliquée au moins dans deux pays voisins – le Royaume-Uni et l'Allemagne – c'est pour des raisons constitutionnelles bien précises.
Ainsi, c'est parce que le régime allemand est parlementaire que la Cour suprême fait office de couperet en cas d'atteinte à l'équilibre budgétaire.
Même si les explications précédentes relatives à la loi, au sens générique du terme, vont de soi, les trois amendements proposés ne me satisfont pas. Sans doute y a-t-il eu des discussions qui, du reste, n'ont rien à voir avec l'équilibre budgétaire.
Nous sommes tous ici favorables à l'équilibre budgétaire. Mais la réalité, c'est que ce texte, en matière de loi de programmation pluriannuelle, dessaisit le Parlement de certaines de ses prérogatives.
J'y viens !
La notion d'équilibre devra être interprétée. À qui donnez-vous le droit de le faire ? Au Parlement, sans doute, mais le Conseil constitutionnel aura évidemment sa propre vision de l'équilibre, et vous ne pourrez pas le lui interdire. Il me paraît choquant de voir un Parlement se dessaisir de la définition de l'équilibre au profit du Conseil constitutionnel afin de donner à celui-ci la possibilité de censurer d'éventuels dérapages gouvernementaux ou parlementaires. Selon moi, conformément à la tradition parlementaire, il appartient au Parlement de gérer l'équilibre en matière pluriannuelle comme en matière annuelle.
Il s'agit là d'un point fondamental, car il n'appartient pas au Conseil constitutionnel d'atténuer la puissance parlementaire relative à la loi de finances ou, plus largement, les pouvoirs financiers du Parlement, c'est-à-dire d'attenter au pouvoir originel du Parlement.
Alors que cette réforme est censée accorder au Parlement des pouvoirs supplémentaires, vous tapez juste là où il ne fallait pas ! Je ne vois pas comment on pourrait dessaisir le Parlement de son pouvoir financier ! Je ne voterai donc pas un texte qui, en matière d'interprétation de la notion d'équilibre des finances publiques, ferait du Conseil constitutionnel l'équivalent de la Cour suprême allemande.
Nous ne sommes pas dans un régime parlementaire. Nous n'avons pas à avoir pour gardien de la loi de finances une quelconque « Cour suprême » ou alors changeons complètement l'esprit de nos institutions !
S'agissant de la non-rétroactivité des lois, monsieur le rapporteur, aucun avocat ne saurait accepter ce que vous préconisez en la matière. En effet, stipuler, comme vous le faites dans l'amendement n° 61 , que « sauf motif déterminant d'intérêt général, la loi ne dispose que pour l'avenir », c'est attenter de façon épouvantable à la non-rétroactivité des lois en matière pénale qui fait partie des principes généraux du droit. Du reste, le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de nous le rappeler à propos du vote d'une loi récente.
Jamais nous ne pourrons accepter que, pour un motif d'intérêt général qui reste à déterminer par le Conseil constitutionnel, on puisse attenter à un principe qui fonde le droit français depuis 1789 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Attention à ce type d'amendement ! Nous sommes là pour ériger, au plan constitutionnel, le Parlement en véritable pouvoir d'équilibre. Ne le privons pas de ce que nous souhaitions lui accorder à l'origine par des atteintes à son pouvoir financier ou aux principes généraux du droit !
L'idée d'inscrire l'équilibre des finances publiques dans la Constitution m'inspire certaines réserves.
Premièrement, je rappellerai que la mission de la Constitution est de fixer les règles de fonctionnement des pouvoirs publics. Or, à force d'y introduire des dispositions à caractère normatif visant à encadrer systématiquement les pouvoirs du Parlement, on sera dans quelque temps en droit de s'interroger sur la réalité de ce qu'il en restera.
Deuxièmement, s'agissant de l'objectif d'équilibre, je rejoins le président de la commission des finances lorsqu'il évoque fort justement le pacte de stabilité que nous impose l'Union européenne. Est-il vraiment nécessaire de doubler les dispositions prévues dans le pacte par des mesures constitutionnelles ? Il est toujours dangereux de prévoir les mêmes règles dans deux dispositifs différents, car cela peut entraîner des interférences. En outre, dans la mesure où nous avons déjà réformé le pacte de stabilité il y a peu, nous risquons de limiter, pour l'avenir, notre capacité de négociation vis-à-vis de nos partenaires européens.
Troisièmement, le ministre a évoqué le risque cyclique. Nous savons bien pour l'avoir vécu que nous ne sommes pas à l'abri de situations extrêmes – guerres, catastrophes naturelles – qui peuvent nous contraindre à nous affranchir des règles de l'équilibre budgétaire. Il est donc très dangereux d'introduire ce type de règle dans notre Constitution.
Quatrièmement, enfin, il y a le problème du Conseil constitutionnel, qui a multiplié les réserves interprétatives. Il nous dit vouloir accompagner et compléter le travail du Parlement. Il n'en reste pas moins que le risque est grand de le voir introduire des réserves interprétatives lorsque les lois de finances lui seront soumises. Il y a là un danger considérable au regard de la liberté d'initiative du Parlement.
Ce débat est important. Certains craignent l'avènement d'un Gouvernement des juges, qui s'attaquerait aux prérogatives budgétaires du Parlement – voter le budget, lever l'impôt, affecter les ressources de l'État. Il ne faut tout de même pas noircir autant le tableau !
Pourquoi est-il souhaitable et nécessaire d'introduire cette règle dans la Constitution ? Justement parce que la Constitution oblige chacune et chacun d'entre nous dans la durée, et parce qu'elle est au sommet du pacte républicain. Préciser dans ce cadre qu'il y a un objectif d'équilibre des finances publiques dans la durée, et donc obligation de ne pas transmettre les déséquilibres d'une génération à la génération suivante, me paraît légitime et entre parfaitement dans l'esprit qui doit animer une constitution.
Par ailleurs, la règle est-elle trop contraignante ? Est-il anormal de préciser que l'approche doit être pluriannuelle ? Nous nous sommes déjà engagés dans cette démarche en acceptant les obligations imposées par la Commission européenne, et en adoptant la loi organique relative aux lois de finances. En 1999, alors que nous débattions de cette loi organique, nous nous étions du reste interrogés pour savoir si nous devions ou non inscrire la pluriannualité dans ce texte.
Aujourd'hui, il s'agit de traduire dans la Constitution le fait que l'approche en matière de finances publiques ne peut plus être annuelle et que la pluriannualité est la règle. Alors que les cycles économiques se succèdent, nous savons tous que la pratique consistant à tout dépenser l'année où les recettes sont bonnes est tout aussi mauvaise que celle tendant à accroître les dépenses pour passer les années difficiles s'il n'y a pas anticipation sur l'évolution du cycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Si !
Quel sera le rôle du Conseil constitutionnel dans ce cadre ? Il rappellera la règle. Ce sera une force pour nous. Des règles existent déjà. Il s'agit de les parfaire, des les compléter et d'améliorer les conditions de construction du budget dans la durée. Cette démarche n'est pas simplement souhaitable : elle est pour moi indispensable. Au-delà des obligations auxquelles nous avons souscrit dans le cadre du traité européen, il faut aussi prendre en compte celles que nous avons à l'égard des générations futures et au regard de la capacité de notre pays à maintenir le niveau de ses investissements. Si demain, la règle constitutionnelle nous oblige à intégrer ces paramètres dans nos travaux, ce sera une excellente chose. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Je trouve curieux de prévoir que la nouvelle règle s'appliquera à partir de 2012.
Soit. Je passe donc à ma deuxième observation. Les règles imposées par le traité de Maaschtricht sont déjà extrêmement contraignantes. Elles sont même trop contraignantes et pèsent sur notre développement économique, les investissements et le progrès social. Il est donc inutile d'en rajouter.
On cherche pourtant, et ce sera quasiment unique en matière budgétaire, à imposer une règle intangible. Que se passera-t-il en cas de fort ralentissement économique et alors que des initiatives gouvernementales seront nécessaires ? Comment pourra-t-on les prendre ? Chacun le sait, à un certain moment, la dette peut être un moyen de favoriser la croissance. Comment le Gouvernement pourra-t-il réagir alors que vous allez le ligoter ? Keynes, qui est présenté dans les universités comme un brillant économiste, va être déclaré inconstitutionnel en France !
Enfin, et je sais pouvoir compter sur le soutien de la Cour des comptes sur ce point, la dette n'est pas une maladie.
Dans son dernier rapport, la Cour des comptes a écrit que la dette n'était pas une maladie.
« Il faut se poser la question de ce que l'on fait de l'argent. » a-t-elle ajouté. Sera-t-il destiné à l'investissement, à la recherche, aux capacités humaines ? Va-t-il créer de la richesse ou en détruire ?
Il ne faut pas faire dire à la Cour des comptes ce qu'elle n'a pas dit !
La dette, c'est un choix politique. Deux chiffres illustrent ce propos : 450 milliards d'euros, tout d'abord, c'est, en un peu plus de dix ans, près de la moitié de la dette de la France et c'est le montant des cadeaux fiscaux et exonérations diverses de charges que vous avez consenties aux entreprises. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'exonération des cotisations sociales remboursées par l'État à la sécurité sociale, ensuite, c'est 70 % du déficit budgétaire. Cela montre bien que le problème de la dette en France est le résultat d'un choix politique, celui que vous avez fait.
À ce stade de nos discussions, je souhaite que mon intervention soit utile à tous et notamment à ceux qui, plus tard, liront le compte rendu de nos débats, si le projet de loi constitutionnelle devient la Constitution. Des craintes ont été exprimées d'un côté, et des apaisements de l'autre. Il faut repréciser les choses.
Il y a eu d'abord un amendement présenté par Charles de Courson, qui a été retiré au profit d'un autre qui a reçu l'avis favorable de la commission. Il est ainsi rédigé : « Des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »
Nos craintes étaient très vives, mais M. Woerth a été très clair sur ce point et nous pouvons l'en remercier en notre qualité de constituants. Nous savons donc qu'il n'est pas question ici d'inscrire la règle d'or dans la Constitution. Outre le fait qu'il n'y aurait pas eu de majorité acceptant de le faire, cette disposition, tel un corset de plomb, aurait privé la souveraineté parlementaire de son libre exercice, comme l'a très justement souligné Claude Goasguen. Enfin, elle aurait donné in fine à un juge constitutionnel le pouvoir d'arbitrer, juge dont la composition politique n'est toujours pas claire au vu des évolutions, à nos yeux insuffisantes, sur le contrôle de la nomination des membres du Conseil constitutionnel par le Président de la République à l'article 13.
M. Woerth nous a expliqué que la disposition visée ne constituait pas, selon lui, une règle contraignante. C'est un point important. Le Gouvernement n'étant pas le constituant, je voudrais cependant que nous tous ici, qui sommes les constituants, avec l'ensemble des sénateurs,…
… constations que la règle contenue dans l'amendement Courson n'a en effet aucune force contraignante et qu'elle ne permettra pas, ultérieurement, à un quelconque juge constitutionnel, quelle que soit sa composition, d'intervenir sur des lois de programmation ne s'inscrivant pas dans un objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.
Voilà la précision que je voulais faire figurer au compte rendu de nos débats. Je remercie le ministre de l'avoir faite. Je voudrais qu'il soit clair que nul ici, pas même les auteurs de l'amendement, ne souhaite donner force contraignante à un juge constitutionnel pour imposer au Parlement ce que celui-ci veut conserver dans sa souveraineté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Tel qu'il est rédigé, « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État », l'article 11 ne mange pas de pain, comme dirait Didier Migaud. Puis, M. Woerth est arrivé dans l'hémicycle et l'on s'est demandé ce qu'il venait faire ici jusqu'à ce que Claude Goasguen, qui n'a pas oublié pas son passage à l'éducation nationale, décrypte pour nous le spectacle. Il a dévoilé le stratagème monté avec le Nouveau Centre : puisque celui-ci a avalé son chapeau en renonçant à la proportionnelle, il lui faut un hochet de compensation. (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Chacun a joué ensuite parfaitement sa partition. Gilles Carrez s'est laissé emporter …
Monsieur Brard, vous avez la parole pour intervenir sur l'article, et pas pour faire un commentaire sur les différentes prises de parole.
J'éclaire le débat, monsieur le président !
Gilles Carrez s'est donc exprimé avec passion, comme si cette dernière remplaçait la fiabilité du propos. En fait, la boîte de Pandore est là et l'on devine ce que vous voulez y mettre. Comme vous avez voulu le faire avec le traité constitutionnel, vous voulez constitutionnaliser une politique économique, votre fameuse règle d'or, en fait la loi des riches, la loi d'airain qu'on impose aux pauvres. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Woerth est économe de sa parole. Quand il parle, ce n'est jamais pour ne rien dire et il faut donc l'écouter, même si le vrai sens de ses propos est parfois caché. Il a évoqué un groupe de travail. Je m'y suis intéressé, mais nous lui avons fait part de notre refus d'y participer : il s'agit en effet d'un groupe de travail interne à l'UMP, destiné à mettre en musique cet article.
C'est votre idéologie libérale que vous voulez inscrire dans la Constitution pour mieux corseter les gouvernements de demain ! D'ores et déjà, vous refusez d'écouter le verdict de la Cour des comptes sur l'inefficacité de votre politique d'exonération des cotisations sociales et vous n'en tirez aucune conclusion.
MM. Debré, Cuq, Myard, de Charette, Garrigue, Goasguen et Grand ont, eux, une lecture objective de la Constitution. Pour le reste, tout n'est qu'une mise en scène qui renvoie le Parlement à l'étymologie de sa fonction : être un lieu où l'on parle mais où rien d'important ne se décide !
Nous en venons aux amendements à l'article 11.
Je suis saisi d'un amendement n° 197 , tendant à supprimer l'article.
La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le soutenir.
Les dispositions présentées par le Gouvernement dans cet article, tout le monde en conviendra, n'ont aucune portée normative.
Notre débat sur le déficit et sur la règle d'or est très intéressant, mais légèrement surréaliste. Je rappelle en effet que le Gouvernement a reçu ces jours-ci un avertissement de la Commission européenne s'inquiétant de la dérive de nos finances publiques et lui rappelant que le retour à l'équilibre des comptes publics devrait être réalisé en 2010, et non pas en 2012 – c'est-à-dire dans deux exercices.
Dans ces conditions, vous voulez créer une règle constitutionnelle qui ne s'appliquera que pour les deux prochains exercices, puisque au-delà c'est la règle internationale communautaire à laquelle nous sommes astreints qui s'appliquera, puisqu'elle est supérieure à notre loi.
Nous sommes au début d'une crise économique extraordinairement grave. Le prix des matières premières subit une hausse spectaculaire. Une amorce de récession touche les États-Unis. Le centre de gravité de l'économie mondiale est en train de se déplacer vers l'Asie. Et vous nous parlez des vertus de l'orthodoxie pratiquée dans les autres pays ! Mais savez-vous ce qui se passe en Grande-Bretagne ? Avez-vous une idée des dizaines de milliards de livres que la banque centrale d'Angleterre donne aux banques pour éviter qu'elles ne s'effondrent ? La règle budgétaire que vous évoquez paraît bien secondaire au regard de ces problèmes.
Je ne suis donc pas certain que notre débat soit d'un grand réalisme. Je propose la suppression de cet article, car une règle qui n'a pas de portée n'a pas sa place dans la Constitution. Une loi qui ne crée ni obligation ni droit n'a pas sa place dans notre corpus législatif. Ou alors parlez non pas de loi, mais de déclaration ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'avant-dernier alinéa de l'article 34 est actuellement rédigé en ces termes : « Des lois de programme déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'État. » Le Conseil constitutionnel interprète dorénavant cet alinéa dans un sens restrictif qui nous interdit de voter des lois de programmation en matière, par exemple, de défense ou de sécurité intérieure.
L'article 11 du projet de loi a donc pour objectif de rétablir cette liberté et de permettre au Parlement, s'il le souhaite, de voter des lois de programmation dans ces domaines-là. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement de suppression.
Il est important que les lois de programmation figurent dans la Constitution, car elles permettent de donner aux politiques publiques une vraie cohérence dans la durée. Ce fut notamment le cas pour les deux lois de programmation adoptées en matière de sécurité intérieure et de justice. Elles ont permis, dans le premier cas, une modernisation plus efficace et, dans le second, une meilleure adéquation des moyens, notamment pour l'administration pénitentiaire.
Actuellement, l'article 34 de la Constitution limite le domaine des lois de programmation à l'action économique et sociale de l'État, champs hors desquels elles sont interdites par deux décisions récentes du Conseil constitutionnel. Nous souhaitons donc faire sauter ce verrou afin que le Parlement puisse voter des lois de programmation pluriannuelles. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma