Amendement après amendement, proposition après proposition, la majorité et le Gouvernement montrent leur réel refus de tout ce qui provient de l'opposition parlementaire, du groupe socialiste en particulier.
La disposition de l'article 10 prévoyant la possibilité pour un parlementaire devenu ministre d'être remplacé « temporairement », viserait, si l'on en croit les déclarations du Gouvernement, à renforcer les pouvoirs du Parlement. Cependant, renforcer les pouvoirs du Parlement, n'est-ce pas renforcer les pouvoirs des citoyens ? Or, jusqu'à présent, lorsqu'un parlementaire devenu ministre était amené à quitter le Gouvernement, puisqu'il avait perdu son mandat de parlementaire, il devait retourner devant les électeurs s'il voulait le retrouver M. Estrosi vient de le montrer ce dimanche. Si c'était pour certains sans grand danger, d'autres risquaient bien de ne pas redevenir député.
Se cache donc derrière cette disposition une volonté de priver les citoyens de porter un jugement sur la politique conduite par un ministre souhaitant redevenir parlementaire et, plus généralement, sur la politique du Gouvernement qu'il vient de quitter. Il s'agit donc d'une sorte de déni de démocratie que de permettre à un ancien ministre de redevenir automatiquement parlementaire, reportant ainsi son éventuelle réélection.
Ensuite, je veux appeler votre attention, mes chers collègues, sur la rédaction de cet alinéa.
On dit qu'un parlementaire devenu ministre est remplacé « temporairement », à savoir qu'il n'exerce plus son mandat de parlementaire « temporairement ». Or cette formulation est en complète contradiction avec l'article 23 de la Constitution qui dispose que les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire. S'il est remplacé « temporairement », le ministre, d'une certaine façon, reste parlementaire. Il s'agit donc d'un détournement de l'article 23 de la Constitution.
Surtout, chers collègues de la majorité, imaginez que vous soyez invités à assurer une mission pour le compte du Gouvernement. Si vous n'avez pas rendu votre rapport au bout de six mois, vous ne serez plus parlementaire alors qu'un ministre qui le sera pendant un ou deux ans, redeviendra parlementaire dès qu'il aura quitté le Gouvernement.
Il y a donc deux poids et deux mesures, selon que vous soyez parlementaire en mission ou que vous deveniez ministre. J'attire votre attention sur ce point.
Enfin, derrière cet aspect de la proposition du Gouvernement, il y a incontestablement, comme l'un de nos collègues le disait tout à l'heure en défendant un amendement précédent, le souci de renforcer les pouvoirs du Président de la République, dans la mesure où celui-ci pourra, à sa guise, faire « valser » – pardonnez-moi le mot ! – les ministres et leur permettre de redevenir parlementaires.
Ce renforcement des pouvoirs du Président est contradictoire avec la volonté que le Gouvernement affiche, à savoir renforcer les pouvoirs du Parlement. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.