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Intervention de Paul Giacobbi

Réunion du 27 mai 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 11

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

Je sais bien qu'un principe fondamental de notre droit contemporain, qui pourrait ainsi s'exprimer : « cela ne mange pas de pain, inutile d'en faire un fromage », devrait nous rendre plus complaisants envers ce droit à l'état gazeux. Je vois cependant quatre inconvénients à ce genre de loi, pour ne pas dire quatre perversions.

Premièrement, l'idée d'exprimer par une loi, c'est-à-dire par un acte voté par le législateur, les intentions du Gouvernement, c'est-à-dire de l'exécutif, me semble traduire, au pays de Montesquieu et de la séparation des pouvoirs, une certaine confusion dans les esprits. S'il s'agit pour l'exécutif de prendre un engagement politique, il le fait par une déclaration solennelle, un Livre blanc ou un discours programme. Il n'en a pas manqué sous la Ve République ou même avant. S'il s'agit pour le Gouvernement de souscrire des engagements juridiques, de se soumettre à des obligations, il doit alors donner à ces lois une force obligatoire qui lui soit opposable.

Deuxièmement, les mots « programme » ou « programmation » ne sont pas dénués d'ambiguïté puisque notre vocabulaire financier les emploie avec d'autres significations réellement contraignantes, notamment lorsqu'il est question d'autorisations de programme. Ainsi, si une loi de programme ou de programmation évoque un véritable engagement pluriannuel à caractère financier, il n'en est rien sur le plan juridique et nous savons tous ce qu'il advient des lois de programme ou assimilées. Je pense aux lois de programmation militaire ou au fameux programme exceptionnel d'investissement pour la Corse qui, s'il est encore un programme, n'a plus rien d'exceptionnel et ne permettra qu'une modeste augmentation de nos investissements publics tandis que le budget d'exécution devrait normalement, vu les crédits de paiement disponibles, atteindre un bon siècle.

Troisièmement, de même que la mauvaise monnaie chasse la bonne, les lois incantatoires ou déclaratives dévalorisent la loi. Notre pays rencontre des problèmes pour appliquer les lois et nous devons bien constater que la très grande majorité des lois que nous votons modifie les dispositions promulguées depuis moins de deux ans et parfois non encore appliquées. En outre, si nous multiplions toutes ces lois sans portée juridique, non créatrices de droit, incapables d'imposer la moindre sanction et dépourvues de la moindre possibilité de sanction ou d'obligation, c'est le concept même de loi qui se délitera.

Quatrièmement, le concept même de programmation date terriblement. Il évoque irrésistiblement ces magnifiques systèmes qu'on appelait PPBS – planning, programming and budgeting systems –, par lesquels notamment le talentueux Robert McNamara avait technocratiquement organisé et chiffré, à quelques dollars près, l'inéluctable victoire que les États-Unis devaient remporter au Vietnam !

Il ne serait pourtant pas inutile que la loi fixe pour plusieurs années des normes d'évolution, soit de caractéristiques financières – par exemple les prélèvements obligatoires ou la dépense publique –, soit d'objectifs quantifiés. Il convient cependant d'être prudent dans ce domaine pour deux raisons.

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