Notre pays s'est accoutumé à une culture des déficits qui concerne l'ensemble des finances publiques et sociales. À titre personnel, j'ai suivi l'examen des PLFSS tous les ans depuis 1996, année de leur création, ce qui représente douze débats sur les finances sociales : jamais l'équilibre, pourtant inscrit dans l'article 34 de la Constitution, n'a été approché durablement.
Cette situation n'est pas tenable sur le plan financier : le montant des déficits accumulés en attente d'affectation ou de financement – qui s'élève, comme l'a rappelé Gilles Carrez, à 35 milliards d'euros – l'illustre cruellement. Faute de trouver des solutions pour améliorer durablement les dépenses sociales ou d'anticiper avec lucidité et réalisme leur évolution, c'est l'ensemble de notre système de solidarité au service des familles, des seniors et de la santé qui pourrait être mis en cause.
Cette situation n'est pas plus tenable sur le plan moral, en raison de ses répercussions sur les jeunes et les générations futures. Le vieillissement de la population aura un réel impact sur les dépenses publiques et sociales, que l'OCDE et la Commission européenne estiment, à l'horizon 2050, à 3,2 % du PIB, soit 60 milliards d'euros 2008, l'équivalent de l'impôt sur le revenu. Voilà qui devrait nous inciter, comme tous les pays européens, à être plus vertueux et à adapter nos finances à une telle évolution.
C'est pourquoi, avec plusieurs de mes collègues, je souhaite inscrire dans la Constitution l'ardente obligation de l'équilibre des comptes sociaux. L'idéal serait bien entendu d'en faire une obligation d'équilibre annuelle – il s'agit pour l'essentiel, comme l'a rappelé Charles de Courson, de dépenses courantes et non d'investissement –, mais, pour tenir compte de la spécificité de ce budget et de l'impact de l'environnement économique, nous proposons de l'inscrire dans une perspective pluriannuelle. L'annexe pluriannuelle des lois de financement de la sécurité sociale reste en effet insuffisante : seule une exigence de niveau constitutionnelle donnera à des règles pluriannuelles une portée contraignante.
Mes chers collègues, sortir de la facilité budgétaire doit être une exigence politique et morale pour nous. À ceux qui objecteraient que le principe de réalité et la politique permettront, comme vient de le souligner Didier Migaud, de contourner une telle règle d'or, je rappelle l'impact qu'a eu, pour la gestion du budget de la sécurité sociale, l'interdiction de transférer les déficits accumulés vers la CADES sans qu'ils soient compensés par des ressources supplémentaires. Cette contrainte s'impose au Gouvernement et à la majorité.
Nul ne peut dire qu'une inscription constitutionnelle ne constituerait pas une incitation supplémentaire. Se soucier de l'équilibre financier de la sécurité sociale et des comptes sociaux, c'est d'abord se soucier de pérenniser la solidarité nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)