La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à des membres de la délégation pour les relations avec le Parlement français de l'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, conduite par la présidente de cette délégation, Mme Liliane Maury-Pasquier. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
La parole est à Mme Annick Le Loch, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
En cette fin d'année scolaire, des milliers de personnes recrutées par le ministère en qualité d'auxiliaires ou d'emplois de vie scolaire – AVS et EVS – vont être « remerciées » de s'être tant investies en faveur de l'intégration et de la scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap. Au terme de leur contrat précaire, il leur est désormais proposé de choisir entre deux options qui illustrent la politique du Gouvernement : d'un côté, rien, ce qui suppose d'aller grossir les rangs de Pôle emploi et les chiffres du chômage, de l'autre, accepter de passer de vingt-six à vingt heures hebdomadaires pour 600 euros par mois. Financièrement, ces personnes ont tout intérêt à aller s'inscrire à Pôle emploi plutôt que d'accepter ce contrat au rabais.
C'est le respect même de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées qui est entaché, puisque les enfants concernés vont individuellement connaître un accompagnement moindre.
Avec de telles orientations, c'est le comportement de l'État employeur qui s'illustre négativement : mépris salarial pour des personnels considérés comme jetables, alors qu'ils ont prouvé des années durant leur capacité à exercer un vrai métier ; refus constant d'envisager leur pérennisation dans un emploi qui présente tous les critères d'un emploi durable ; non-respect de l'obligation de formation de ces personnels, qui a valu notamment la condamnation pécuniaire de l'État auprès des prud'hommes de Nevers ou d'Angers. Voilà votre bilan en matière de gestion des ressources humaines !
À l'approche des échéances électorales, le Président de la République vient de promettre, dans le cadre de la conférence nationale du handicap, 2 000 AVS supplémentaires à la rentrée et une évolution prochaine de leur statut. Où est la cohérence, monsieur le ministre, entre les réductions horaires des contrats des AVS de vingt-six à vingt heures et cette annonce du Président de 2 000 AVS supplémentaires, avec une évolution de leur statut ?
Comment comptez-vous mettre en oeuvre ces promesses ? Les 2 milliards d'euros d'allégement de l'ISF vous y auraient certainement aidé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Madame la députée, les personnels qui sont employés à l'éducation nationale dans le cadre de différents dispositifs de contrats aidés accomplissent des missions indispensables. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je pense aux assistants de directeur d'école, au fonctionnement de la vie scolaire, mais aussi à la mission que vous avez évoquée, l'accompagnement individuel des enfants handicapés.
Dans ce domaine, nous avons accompli des efforts et des progrès absolument considérables. Je rappelle en effet que nous accueillons 200 000 enfants handicapés en milieu ordinaire, scolarisés à 90 % du temps, soit 45 % de plus qu'en 2005. Cela a été rendu possible grâce à l'effort de l'ensemble de la communauté éducative, à commencer, naturellement, par les enseignants, qui se sont préparés et formés à cette mission. Grâce aussi aux moyens que nous avons déployés : le budget d'accueil des enfants handicapés, dans le contexte budgétaire que vous connaissez, est en augmentation cette année de 13 %. Grâce enfin au déploiement dans l'ensemble de nos établissements des auxiliaires de vie scolaire, qui apportent un soutien individualisé.
Oui, de tout temps – y compris quand vous étiez aux responsabilités – ces personnels ont été recrutés sous des contrats aidés, qui sont souvent précaires. L'objectif du Gouvernement est de professionnaliser progressivement ces fonctions.
D'abord, nous avons signé un accord avec les associations concernées pour qu'elles puissent, à l'échéance de ces contrats, les prendre en charge avec un financement de l'État. Ensuite, nous avons effectivement annoncé, lors de la conférence nationale du handicap, que 2 000 emplois d'auxiliaire scolaire seraient professionnalisés à la rentrée. Nous les appellerons désormais « assistants de scolarisation ».
À la rentrée, les trois quarts des contrats aidés serviront à l'accompagnement des enfants handicapés, ce qui fait 20 % de plus dans ce domaine. Vous le voyez, cela reste une priorité pour l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la ministre, c'est avec une grande fierté que nous avons appris hier votre désignation à la tête du FMI, nomination historique d'une femme à cette responsabilité. C'est un honneur pour la France.
Je suis sûr qu'en saluant votre nomination, je me fais l'interprète de l'ensemble des députés, sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Ministre respectée, vous avez démontré depuis six années, et tout particulièrement depuis quatre années à la tête du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, une compétence et une rigueur de tous les instants.
Les parlementaires que nous sommes ont apprécié à sa juste valeur votre écoute, vos qualités de dialogue et par-dessus tout votre sens de l'intérêt général.
À l'heure où vous vous apprêtez à servir le FMI dans une période de forte instabilité, quelles sont vos grandes priorités dans la gestion du Fonds monétaire international ?
Pour conclure, madame la ministre, permettez-moi de vous dire très chaleureusement que nous vous souhaitons le plein succès que vous méritez amplement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur Jacob, permettez-moi d'abord d'exprimer mon respect et ma gratitude : mon respect pour le travail que vous tous, députés, effectuez sous la houlette du président Accoyer, ici même et dans le cadre de vos commissions, sous l'autorité de leurs présidents, quels qu'ils soient ; ma gratitude d'avoir pu défendre pendant quatre ans, au sein du gouvernement de François Fillon, une politique économique qui a permis à la France de sortir mieux que d'autres d'une crise épouvantable (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC)…
…une politique qui a permis de moderniser et réformer en profondeur notre économie et de laisser s'exprimer les énergies de nos concitoyens. Je pense aux multiples réformes que vous avez votées.
Nous avons aujourd'hui une économie libérée, mais aussi mieux contrôlée, si j'en juge par les réformes de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité de contrôle prudentiel, ou encore par l'autorité renforcée du Conseil de la concurrence. Voilà précisément à quoi je crois : une économie libérée et libérale, mais tempérée par des organismes qui permettent d'assurer le respect de la règle et d'éviter les abus et les excès. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je poursuivrai dans cette voie, dans le cadre des fonctions qui seront les miennes, attentive aux plus faibles et aux plus démunis (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), quelles que soient les circonstances et les territoires géographiques, comme mon prédécesseur l'avait été dans le cadre des réformes qu'il avait engagées. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je voudrais enfin – et je vous remercie, monsieur le président, de m'accorder quelques secondes de plus –, partager tout simplement avec tous nos concitoyens la fierté qui est la mienne, mais aussi la fierté de toutes les femmes, à travers moi, de prendre une fonction importante.
Ici, pour moi, bat le coeur de la République ; le mien bat pour vous. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais si Mme Lagarde veut y répondre, j'en serai très honoré.
La semaine dernière, l'Agence internationale de l'énergie a décidé de vendre 60 millions de barils de pétrole et de le faire au cours d'un seul mois, soit à peu près 2 millions de barils par jour. C'est une circonstance tout à fait exceptionnelle puisque, depuis trente-huit ans que l'agence existe, ce n'est que la troisième fois qu'une telle décision est prise.
La raison officielle est qu'il faut faire baisser les prix du pétrole et peut-être, pour nos concitoyens, les prix de l'essence à la pompe. Je crains, hélas, que la vraie raison ne soit plutôt la peur de la récession. En effet, le président Obama notamment estime que le premier semestre 2011 ressemble un peu au premier semestre 2008 et il ne voudrait pas que le second semestre 2011 ressemblât au second semestre 2008.
Je crains que ce ne soit un double échec. D'une part, les prix ne vont pas baisser à la pompe parce que le pétrole remonte déjà sur le marché new-yorkais. D'autre part, le message est très mauvais du point de vue symbolique ; il revient à dire à nos concitoyens, aux investisseurs et aux pays de l'OPEP, ne vous inquiétez pas, si le prix du baril augmente, on relâchera des réserves stratégiques et on fera baisser les prix.
Croyez-vous, monsieur le Premier ministre, que ce soit le rôle des réserves stratégiques de faire de la régulation économique des prix du pétrole, et, si jamais les prix remontaient encore, seriez-vous prêt à demander à l'Agence internationale de l'énergie de s'exposer une nouvelle fois à ce double échec ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Vous avez raison, monsieur le député, c'est une décision très importante qui a été prise la semaine dernière, à l'initiative de plusieurs pays, dont les États-Unis et la France, avec l'aide d'ailleurs du ministère des affaires étrangères. Nous avons décidé de remettre sur le marché 60 millions de barils sans toucher à nos stocks stratégiques. Je vous rassure, si tant est que vous vouliez l'être, les stocks seront bien supérieurs aux 90 jours dont nous avons besoin.
C'est la troisième fois qu'une telle décision est prise. La première fois, c'était après une guerre, la deuxième fois après l'ouragan Katrina. C'est la première fois que nous opérons de façon déterminée, dans un contexte hors rupture d'approvisionnement.
Pourquoi l'avons-nous fait ?
D'abord, comme vous l'avez dit, pour des raisons conjoncturelles : nous voulons obtenir la baisse du prix de l'essence à la pompe pour nos concitoyens, pour celles et ceux qui travaillent, pour nos entreprises. L'effet est relatif, vous avez raison, puisque c'est une baisse de 2 à 4 centimes à la pompe que nous observons, sans que cela coûte un centime d'euro à l'État – je vous rappelle que la baisse de 2 centimes grâce à la TIPP flottante avait coûté 1 milliard d'euros à l'État.
Il y a une seconde raison conjoncturelle : la croissance est bien orientée, il s'agit de la conforter.
Mais cette décision a aussi une dimension structurelle : désormais, les spéculateurs savent que les pays consommateurs peuvent se mettre d'accord et décider, à tout moment, de mettre des barils de pétrole sur le marché.
Pour le reste, nous n'avons rien à masquer. Vous connaissez notre politique énergétique, elle est simple : efficacité énergétique, développement des énergies renouvelables et appui sur le socle nucléaire, qui nous permet à la fois d'être compétitifs, de préserver notre indépendance nationale et d'avoir, vis-à-vis des consommateurs, des clients et des entreprises françaises, une électricité peu chère.
Monsieur le président, permettez-moi d'associer François Sauvadet, notre président de groupe, et l'ensemble des députés du Nouveau Centre à cette question qui concerne la tension sur la zone euro et la crise grecque, et s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre des finances, de l'économie et de l'industrie.
Mais avant de l'interroger, sans doute pour la dernière fois dans cet hémicycle, je souhaiterais, comme l'a fait à l'instant le président du groupe UMP, Christian Jacob, lui redire combien son travail remarquable a été apprécié par l'ensemble des membres de notre groupe. Je la remercie et, à travers elle, je remercie toutes ses équipes, qui ont été des interlocuteurs de grande qualité, toujours à l'écoute. Je lui souhaite enfin bon courage pour la suite de sa carrière au Fonds monétaire international. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, alors que le Parlement grec doit se prononcer aujourd'hui sur le nouveau plan d'austérité exigé par l'Union européenne et le FMI, la situation de la zone euro semble toujours plus préoccupante. Au groupe Nouveau Centre, nous souhaitons que l'ensemble des représentants du peuple grec prennent leurs responsabilités et consentent à approuver ce plan, il y va bien entendu de l'union nationale en Grèce mais également de la zone euro.
Ce train de mesures nationales conditionnera le déblocage de la cinquième tranche du plan d'aide, d'un montant de 12 milliards. La Grèce, dont la dette représente une fois et demi le montant de son PIB annuel, ne parvient plus aujourd'hui à emprunter sur les marchés financiers. Nous avons deux raisons d'être inquiets : d'une part, parce que cela crée des tensions sur la zone euro, je n'y reviens pas, d'autre part, parce que les États qui sont appelés en responsabilité risqueraient de se substituer aux engagements des banques privées. Pouvez-vous nous rassurer et, en tout cas, éclairer l'Assemblée nationale sur ce point ? Ce sont évidemment des questions importantes et urgentes qui appellent de votre part des réponses précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
Monsieur le député, il me revient le redoutable honneur de répondre à la place de Mme Lagarde, qui vient d'être appelée à de nouvelles fonctions, et avant la nomination cet après-midi de son successeur.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est qui ?
Lors des réunions de l'Eurogroupe dimanche et lundi, auxquelles participait Christine Lagarde, les ministres des finances se sont mis d'accord sur les conditions dans lesquelles serait débloquée la cinquième tranche du programme d'aide à la Grèce, soit 12 milliards d'euros, par le FMI et par l'Europe.
Ce programme correspond à un programme d'aide sur les trois prochaines années. Le nouveau ministre grec des finances, M. Venizelos, a pu témoigner de la détermination de son gouvernement à poursuivre la consolidation budgétaire. C'est ce qui est en train d'être voté aujourd'hui même à Athènes.
Au terme de l'évaluation effective du programme et après le vote de ces engagements, la cinquième tranche pourra être déboursée dès la mi-juillet. Les ministres des finances pourront également se mettre d'accord sur la participation, volontaire, du secteur privé. La France a fait un certain nombre de propositions en ce domaine. L'idée est la suivante : à chaque fois que le gouvernement grec remboursera une partie de ses dettes, ses dettes seront consolidées par le secteur privé sur une durée de trente années. Bien entendu, la France est à l'écoute d'autres propositions dans ce domaine mais nous avons déjà les moyens d'aider durablement la Grèce dans les trois années qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, depuis le début de l'année 2011, le Gouvernement soutient que la France est sortie de la crise, que la croissance est revenue, que le chômage diminue. Les chiffres du chômage pour le mois de mai 2011 révèlent au contraire que votre politique continue à faire des dégâts. En un seul mois, le nombre de demandeurs d'emploi, toutes catégories confondues, a augmenté de 39 400.
La vérité, c'est que, depuis le 1er janvier, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 33 300. Il y a aujourd'hui 4 078 000 personnes inscrites à Pôle Emploi. Même le chômage des moins de 25 ans repart à la hausse ! Le pire est l'évolution du chômage des seniors, encore en hausse au mois de mai et qui explose véritablement, avec près de 15 % d'augmentation sur un an, comme d'ailleurs le chômage de longue durée.
Ce n'est plus la facture de la crise, c'est la facture de votre politique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) La vérité, c'est que vous n'avez aucune politique volontariste en termes d'emploi. La vérité, c'est que vous persistez dans vos erreurs, en détruisant l'emploi public, avec la suppression de 130 000 postes de fonctionnaires. La vérité, c'est que vous persistez à encourager le développement des heures supplémentaires en dépensant 4 milliards par an, véritable machine à détruire l'emploi sur fonds publics.
Nous proposons de recycler ces fonds publics pour financer immédiatement 300 000 emplois d'avenir. Nous proposons d'encourager l'investissement en modulant l'impôt sur les sociétés en faveur des bénéfices réinvestis. Nous proposons de créer un pôle public pour permettre enfin aux PME d'avoir un accès plus facile à l'emprunt. Nous proposons une modulation des cotisations sociales pour favoriser le recours aux contrats à durée indéterminée et lutter contre la précarité. (« Démago ! Menteur ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Le chômage ne se combat pas par des discours mais par une politique ! Quelle est la vôtre pour sortir la France de cette situation désastreuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le député, vous avez beaucoup parlé de vérité ; quel dommage que vous ne l'ayez pas dite !
La vérité, c'est que, malgré les chiffres du mois de mai, le chômage recule dans notre pays depuis le début de l'année. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ne maniez pas les chiffres à la manière d'un magicien qui voudrait masquer la vérité, monsieur Vidalies ! Personne ne peut se réjouir que les chiffres du chômage augmentent, mais il faut reconnaître que le chômage des jeunes a baissé depuis le début de l'année, même si cette baisse n'est ni assez rapide ni assez forte.
Vous oubliez également de dire que le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A – une référence constante – a également baissé de 35 800. C'est une bonne nouvelle, qui profite à tous nos départements, et c'est cela la vérité.
Arrêtez, monsieur Vidalies, de prétendre que ceux qui effectuent des heures supplémentaires volent le travail des autres. Le partage du travail, ça ne se passe pas comme ça !
La dernière fois que l'on a recouru à cette vieille lune qu'est le partage du travail, c'était Mme Aubry, qui a appauvri les ouvriers. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La vérité, monsieur Vidalies, c'est que votre programme électoral prévoit de prendre aux salariés la majoration des heures supplémentaires pour la redistribuer à on ne sait qui. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) La vérité, c'est qu'encore une fois vous voulez vous en prendre aux ouvriers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La vérité, c'est qu'à l'époque où vous étiez au Gouvernement vous avez laissé filer le chômage avant les élections, sans réagir. La vérité, c'est que, dans le département des Landes, que vous connaissez bien, le conseil général, que dirige votre ami, M. Emmanuelli, n'a financé l'an dernier aucun contrat aidé pour les titulaires du RSA. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
La vérité, c'est qu'en matière de lutte contre le chômage vous n'avez jamais rien fait. La vérité, c'est que les Français ne vous font pas confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Debré, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Le 11 mai dernier s'est déroulée au parc des expositions de Villepinte l'épreuve de management et de gestion des activités commerciales du BTS « Négociation et relation client » pour l'Île-de-France. Pas moins de 2 448 candidats ont composé pour cette épreuve.
Au début du mois de juin, une présomption de fraude massive a été signalée : ont été découvertes des communications entre les candidats grâce à leurs téléphones portables, et il semblerait même que certains des surveillants se soient laissé acheter. C'est stupéfiant !
Ces fraudes arrivent après des incidents concernant d'autres examens et concours : l'internat, pour lequel les candidats ne sont pas en cause, mais dont des épreuves ont dû être annulées, puis recommencées ; le bac, où la fraude concernerait vraisemblablement un des imprimeurs et plusieurs jeunes : là encore, un exercice a dû être annulé.
Toutes ces fraudes révèlent un climat délétère, dont sont responsables tantôt les enseignants, pour l'internat, tantôt les exécutants, pour le bac, voire, dans certains cas, les élèves eux-mêmes.
Pour en revenir au BTS, une enquête administrative a bien évidement été diligentée. Elle a conduit le rectorat de Paris à annuler l'épreuve ; c'est pourquoi les candidats ont été convoqués dimanche dernier pour la repasser.
Mais ce qui est préoccupant, c'est que des centaines de candidats au BTS se sont présentés et ont tenté d'interdire l'accès de la salle d'examen à leurs camarades. Malgré un dispositif d'encadrement renforcé, seul un millier de candidats qui voulaient repasser l'examen ont pu le faire, soit moins de la moitié des inscrits.
Vous vous doutez bien, madame la ministre, que de nombreux étudiants et familles nous ont fait part de leur désarroi face à cette situation inacceptable. Que comptez-vous faire pour répondre à cette angoisse et éviter les tricheries ?
Mes chers collègues, vous avez pu constater que M. le Premier ministre et M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères, avaient momentanément quitté l'hémicycle.
Selon les informations qui me parviennent, il s'agit d'une bonne nouvelle : les deux journalistes de France 3, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, seraient libérés. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour répondre à la question de M. Bernard Debré.
Monsieur le député, l'épreuve de gestion du BTS « Négociation et relation client » en Île-de-France a été, cette année, entachée de fraudes et de tricheries si massives que j'ai décidé d'annuler cette épreuve et de la faire repasser. Dimanche dernier, la majorité des étudiants ont donc pu recomposer sur cette épreuve ; leur note sera prise en compte pour l'obtention de leur diplôme.
Malheureusement, ce même dimanche, quelques centaines d'étudiants ont, de manière totalement irresponsable, empêché certains de leurs camarades d'accéder à la salle d'examen. Ces faits sont inacceptables. Sitôt avertie de la situation, j'ai reçu certains de ces étudiants et leurs familles ; j'ai demandé à tous ceux qui auraient été victimes de ces blocages de se signaler auprès de la médiatrice de l'éducation nationale.
Il n'est évidemment pas question que certains étudiants soient victimes des bloqueurs et y perdent leur diplôme et leur avenir. Pour tous ceux qui n'ont pas pu recomposer, une nouvelle épreuve sera donc organisée d'ici à la mi-juillet.
Je le déclare solennellement, mesdames et messieurs les députés : ni Luc Chatel ni moi-même ne tolérerons que la fraude et la tricherie entachent et dévalorisent les diplômes de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'outre-mer.
Le récent débat sur la loi de finances rectificatives pour 2011 a montré, une fois de plus, à quel point le financement du logement social outre-mer est devenu illisible, compliqué et instable. Au nom des immenses besoins de nos territoires, le Gouvernement a décidé de recourir à la défiscalisation.
Le logement social est devenu une niche fiscale.
Ce droit fondamental est ainsi soumis aux arbitrages aléatoires des investisseurs privés. Contestée par de nombreux élus, y compris par le rapporteur général du budget, notre collègue Gilles Carrez, cette mesure est également inefficace puisque à peine 20 % des montants budgétés pour 2010 ont été consommés.
Les hésitations et les ambiguïtés – vous avez même parlé d'un « couac », madame la ministre – qui ont émaillé le débat sur le nouveau plafonnement de la défiscalisation du logement social outre-mer ne sont guère rassurantes, et ne constituent pas les meilleurs arguments pour attirer les investisseurs.
Ce scénario est d'autant plus néfaste que le recours à la défiscalisation s'accompagne d'une diminution des moyens budgétaires. Au moment où, à la Réunion, 25 000 familles attendent un logement, la ligne budgétaire unique ne répond plus. Votre pari de relancer la production de logements sociaux grâce à ces deux outils se solde par un double échec. Nous perdons sur la défiscalisation et nous perdons sur la LBU.
À Saint-Paul, commune de plus de 100 000 habitants, la moitié des logements sociaux prévus pour 2011 ne pourront être mis en chantier, faute de financement au titre de la LBU. Pourtant les aménagements sont réalisés, le foncier est maîtrisé, les permis sont accordés, les appels d'offres sont finalisés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il est grand temps que, dans les outre-mer aussi, le logement social retrouve un véritable financement budgétaire.
Allez-vous redonner à la LBU la place centrale qui doit lui revenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Madame la députée, la construction de logements sociaux outre-mer est une priorité du Gouvernement, c'est un axe fort de la loi pour le développement économique de l'outre-mer votée par le Parlement.
Quelques chiffres me permettront de vous expliquer pourquoi je ne partage pas votre opinion.
Tout d'abord, la ligne budgétaire unique a été sanctuarisée à hauteur de 274 millions d'euros. Rien que pour la Réunion, l'enveloppe a été augmentée de 2 millions d'euros, ce qui la porte à 95 millions.
Il faut raisonner globalement et tenir compte également de la défiscalisation. Grâce à l'optimisation de ces sources de financement, nous allons pouvoir financer près de 4 000 logements à la Réunion, et sur tout l'outre-mer, le nombre de logements financés est passé de 3 800 logements en 2009 à 6 700 en 2010.
Vous allez me dire que les chantiers n'avancent pas assez vite, mais le nombre de mises en chantier augmente – 4 700 logements à la Réunion. Ce n'est pas moi qui l'affirme mais le secteur du bâtiment, ce qui prouve bien que l'activité économique reprend. Les dernières données de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer attestent d'ailleurs l'amélioration sensible de l'indice de confiance des entrepreneurs.
Je sais que votre collectivité a des projets mais le logement social ne se résume pas à Saint-Paul. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le bilan est plus que satisfaisant et nous avons respecté les engagements que nous avions pris devant tous les ultra-marins. Nous en sommes très fiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, protestations de Mme Huguette Bello).
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire
Monsieur le Premier ministre, après tant de souffrance et d'attente, nous mesurons le bonheur et l'espoir des familles des deux journalistes libérés, mais nous n'oublions pas l'angoisse des familles qui comptent un être cher encore retenu dans des territoires en difficulté.
Aussi avez-vous certainement un message à adresser au pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je veux vous confirmer que depuis quelques heures nos deux otages français en Afghanistan sont entre les mains des forces françaises sur la base de Tagab. Nous attendions, pour faire circuler l'information, que les familles des deux journalistes aient été directement informées de cette nouvelle qu'elles attendaient avec tant d'impatience. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Nos deux otages sont en bonne santé et ils seront dans quelques heures sur le sol français. Je veux, à cette occasion, souligner la souffrance qui a été la leur au cours de l'épreuve qu'ils ont traversée, mais je veux aussi dire que, depuis la première minute, l'ensemble des services de la République ont concouru à leur libération. Je veux dire toute la gratitude qui est la nôtre pour ces hommes et ces femmes qui, souvent dans l'ombre, ont travaillé à cette libération en prenant beaucoup de risques personnels. Ce sont des hommes et des femmes que l'on ne remercie jamais, que l'on ne voit jamais, mais sans lesquels rien n'aurait été possible. (Applaudissements.)
Enfin, cette libération nous fait penser à tous les Français encore retenus en otage, au Sahel, en Somalie, au Yémen. Nous allons oeuvrer avec la même détermination pour obtenir leur libération, et j'en profite pour lancer un appel à ceux qui les détiennent. Nous venons d'assister dans le monde arabe à des révolutions qui ont suscité beaucoup d'espoir, pour la victoire de la démocratie, pour le respect des droits de l'homme. Ce vent de liberté qui a soufflé, qui souffle sur le monde arabe doit aussi être pris en compte par ceux qui retiennent des otages pour qu'ils prennent conscience que ce n'est pas cette méthode qui leur permettra d'atteindre leurs objectifs. Ils doivent libérer ces hommes et ces femmes et s'intégrer dans le débat démocratique. (Applaudissements nourris.)
La parole est à Mme Odette Duriez, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, la libération d'Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier est une formidable nouvelle. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche salue la mobilisation de tous, des autorités françaises et de la communauté nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. L'allocation équivalent retraite a été créée par un gouvernement socialiste en décembre 2001. Elle concernait les demandeurs d'emploi de moins de soixante ans qui ne bénéficiaient plus de l'indemnisation du chômage alors même qu'ils avaient atteint la durée de cotisation pour bénéficier de la retraite à taux plein.
Vous avez supprimé toute entrée dans ce dispositif à compter du 1er janvier 2011. Pourtant, monsieur le Premier ministre, vous aviez pris des engagements. Ainsi, le 9 septembre 2010, à la télévision, vous déclariez : « Quand la nouvelle convention retraite aura été négociée, nous mettrons en place un système équivalent à l'allocation équivalent retraite, pérenne pour les travailleurs les plus âgés ». Or rien n'a été fait.
Je précise que nous parlons de travailleurs qui ont effectué une carrière complète : ils cumulent 162 trimestres de cotisation mais n'ont pas encore l'âge pour bénéficier de la retraite. Ils ne perçoivent que le RSA ou l'allocation spécifique de solidarité, soit 446 euros par mois, alors que l'allocation équivalent retraite s'élève à près de 1 000 euros mensuels. Leur seule alternative serait de retrouver un travail. Mais la situation de l'emploi des seniors ne cesse de s'aggraver. Le chômage de cette catégorie de demandeurs d'emploi a augmenté de plus de 14 % en un an.
La situation est d'autant plus urgente qu'à partir du 2 juillet prochain l'âge de départ à la retraite sera repoussé de quatre mois.
Monsieur le Premier ministre, respecterez-vous vos engagements ? Rétablirez-vous l'allocation équivalent retraite ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Madame la députée, pour être précis, lors de l'émission de télévision que vous citez, les partenaires sociaux ont été appelés, dans le cadre de la renégociation de la convention d'assurance-chômage, à se déterminer sur la réponse qu'ils souhaitaient apporter à la question que vous posez.
Ils ont voulu mettre en place une véritable filière pour les seniors de plus de cinquante ans, il faut le souligner. De la même manière, vous auriez dû relever qu'il y a eu, en 2009 et en 2010, des entrées dans le dispositif dont vous parlez. Il faut enfin insister sur le fait que la réforme des retraites portée par Éric Woerth a permis de garantir à ceux qui relevaient déjà du dispositif qu'ils continueraient à en bénéficier.
Nous devons aussi nous retrouver sur un point. En effet, notre priorité est de ramener vers l'emploi ceux qui en sont éloignés depuis longtemps. Or les seniors de plus cinquante ans sont ceux qui ont le plus de difficultés à retrouver une activité. L'enjeu pour nous, je pense notamment à tous les services de Pôle emploi, consiste à recevoir tous les chômeurs de longue durée et à leur permettre de bénéficier d'un traitement spécifique – du « sur-mesure » serais-je tenté de dire.
Plus des trois-quarts d'entre eux ont déjà été vus par Pôle emploi car ce qui nous intéresse avant tout, c'est de les ramener vers l'emploi. Un entretien individualisé, une formation, parfois un contrat aidé, avec comme objectif le retour vers l'emploi : la valeur travail est au centre de cette démarche. Nous voulons ramener ces populations vers le travail : c'est la volonté du Gouvernement, c'est notre priorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Françoise Branget, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, pour la première fois, députés et sénateurs issus de tous bords politiques se sont rassemblés pour travailler ensemble au sein d'une même mission sur un sujet de société qui préoccupe tous nos concitoyens et qui concerne en particulier les jeunes : la drogue.
Cette mission, dont j'ai l'honneur d'être la rapporteure avec mon collègue sénateur Gilbert Barbier, a rendu son rapport aujourd'hui. Je tiens à remercier le président de notre assemblée, Bernard Accoyer, et le président du Sénat, Gérard Larcher, d'avoir pris l'initiative d'engager une réflexion collective sur un sujet aussi sensible et complexe. Je remercie également les présidents de cette mission, dont notre collègue Serge Blisko.
Refusant de considérer la consommation de drogues comme une fatalité, il importe de protéger la jeunesse des dangers des stupéfiants.
Confrontés au constat alarmant de l'augmentation constante de la toxicité et de l'évolution de plus en plus rapide des substances, nous avons formulé des propositions pour renforcer et renouveler les approches de la prévention et diversifier les réponses en matière de soins et d'attention apportés aux toxicomanes.
Au-delà de l'approche médicale, une démarche sociale est requise pour aider à la reconstruction des individus. Dans cette perspective, le développement de communautés thérapeutiques doit être encouragé. Ces structures d'accompagnement permettent en effet aux toxicomanes de se libérer de la dépendance ; elles leur offrent de véritables chances de réinsertion.
Monsieur le ministre, nous devons poursuivre et renforcer notre lutte contre les toxicomanies et les trafics. Ne cédons pas à la démagogie de la légalisation du cannabis ! Cette proposition est illusoire et dangereuse. C'est une question de santé publique et de responsabilité politique.
Pouvez-vous préciser les suites que vous donnerez aux propositions de ce rapport ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la députée, je veux vous féliciter pour les travaux que vous avez conduits et pour les conclusions que vous en avez tirées dans votre rapport parlementaire.
Comme vous, je pense qu'il n'y a pas de prise en charge efficace de la toxicomanie si l'on ne tient pas compte de la dimension sociale des patients. Je reviens de l'hôpital René-Muret de Sevran où j'ai inauguré une unité d'addictologie. J'ai pu constater comment était organisée une véritable filière de soins allant de la prévention à la prise en charge du sevrage en passant par l'accompagnement social des patients. Dans ce cadre, il faut insister sur la nécessité d'un réapprentissage de la vie en société ; cette question est importante.
Les communautés thérapeutiques, solution que vous préconisez dans votre rapport, constituent l'une des réponses adaptées aux besoins de diversification des modes de prise en charge. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'aller en visiter une prochainement dans la région parisienne.
Je me suis déjà exprimée sur la question du cannabis. J'ai dit à plusieurs reprises que je ne croyais pas que la légalisation puisse constituer une réponse au problème posé. Elle ne ferait qu'augmenter la consommation de façon quasi systématique et mécanique. Sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, il est facile de faire de la démagogie. Le Gouvernement préfère faire des choix de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, vous avez construit la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales sur un a priori : il y aurait trop d'élus ou, plutôt, trop d'élus de gauche (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP), les élections locales au suffrage universel ayant régulièrement prouvé l'ancrage à gauche d'une majorité de régions, de départements et de communes. Le terrain que vous avez perdu par les élections, vous prétendez donc le rattraper par cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, vous et le Gouvernement avez commis plusieurs fautes. Vous avez inventé un élu hybride, le conseiller territorial, que nous supprimerons demain. Vous n'avez pas donné aux collectivités territoriales les moyens liés aux compétences que vous leur avez transférées. Vous avez accru les déficits par des choix financiers et fiscaux injustes et inappropriés. Vous avez gelé les dotations aux collectivités territoriales jusqu'en 2014.
Nous sommes profondément décentralisateurs, mais il y a, dans cette loi de réforme des collectivités territoriales, un autre volet qui nous intéresse, celui concernant l'intercommunalité. Sur ce sujet, nous vous adressons cinq reproches. Vous réduisez la représentativité démocratique des délégués des communes, qui ne coûtent rien et ne font que donner leur temps au service des autres. Vous confondez les territoires de projet que sont les pays issus de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire avec les communautés de communes qui les composent et qui les financent, mais qui, elles, lèvent l'impôt. Vous négligez la question des personnels et des conditions d'organisation de leur travail. Vous obligez au regroupement des périmètres, et souvent au gigantisme, au nom du dogme libéral de la concurrence entre les territoires. Et vous n'êtes pas capable de fournir les simulations fiscales et financières légitimement attendues sur les regroupements inclus dans les schémas des préfets.
Ce constat m'inspire trois questions simples. Faites-vous encore confiance au discernement des élus pour organiser l'intercommunalité ? Faites-vous encore confiance à la capacité de gestion et d'innovation des collectivités ? Quand comprendrez-vous que les pouvoirs locaux ne veulent pas être opposés à l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, tout le monde reconnaît aujourd'hui que la réforme des collectivités était nécessaire. Le président Jacques Pélissard réunissait hier les présidents de toutes les associations de maires des départements de France. Une conclusion s'est imposée : nous avons besoin d'une réforme pour moderniser notre pays et les collectivités. La politique de réforme des intercommunalités a été conduite dans le dialogue et le texte initial a été considérablement enrichi. Aujourd'hui, tous les élus, de droite comme de gauche, se reconnaissent dans le texte qui a été voté. (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons donc ouvert ce dialogue, et certains ont formulé des propositions. Ainsi, la fondation Terra Nova, dans sa proposition numéro 7, prévoit de « transformer les intercommunalités en collectivités locales de plein exercice avec attribution de la clause générale de compétences » et, dans sa proposition numéro 6, d'« achever avant l'échéance des élections de 2014 la carte des intercommunalités, pour toutes les collectivités d'au moins 10 000 habitants ».
Sur le terrain, le préfet fait une proposition de schéma, et le schéma est ensuite débattu. Je n'ignore pas que, chez vous, monsieur le député, un schéma très ambitieux prévoit une très importante réduction du nombre d'intercommunalités. Le préfet du Lot, M. Bernard Gonzalez, s'est particulièrement intéressé au projet, qu'il reprend et fait progresser par le dialogue. Pour ce dossier, le Gouvernement a voulu un débat exemplaire, car sa volonté d'ouverture est elle aussi exemplaire. Il travaille donc avec tous les élus qui ont la volonté d'avancer, mais il est vrai que certains ne partagent pas cette volonté d'ouverture : je le regrette car, à nos yeux, la réforme des collectivités est un élément de la réforme de l'État et de la réforme de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports et concerne la liaison ferroviaire Lyon-Turin.
Vingt ans après l'accord de Viterbe entre la France et l'Italie, qui avait décidé de réaliser cette liaison, dix ans après le traité de Turin, l'Europe a financé 50 % des études préliminaires et des travaux, soit 700 millions d'euros pour 9 kilomètres de galerie creusés en secteur français. L'Europe s'est également engagée pour la deuxième tranche de financement, c'est-à-dire le tunnel de base entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse : 57 kilomètres pour 30 % de subventions, 672 millions d'euros de financement, permettant 2,9 milliards d'euros de travaux.
La condition pour le maintien et le versement de ces fonds, c'est qu'ils soient engagés d'ici à la fin de la campagne budgétaire actuelle de l'Union européenne, qui s'achève en 2013, et que la France et l'Italie aient donné des preuves concrètes de leur détermination à réaliser le tunnel de base.
Le commissaire Kallas a fixé trois conditions. La première est que les travaux débutent sur le versant italien à la Maddalena, ce qui est le cas depuis quelques heures. La deuxième est un avenant au traité de Turin de 2001 pour la définition de l'opérateur. La troisième concerne la répartition du financement du tunnel de base entre la France et l'Italie.
Le tunnel de base coûte, pour la partie française, moins cher que le TGV Bretagne ou que la liaison Tours-Bordeaux, et il présente un intérêt stratégique pour tout le Sud de l'Europe, pour consolider les échanges avec l'Italie du Nord, qui est l'une des régions les plus dynamiques du continent, et pour consolider la région Rhône-Alpes.
Monsieur le secrétaire d'État, le Président de la République, venu à Chambéry pour le cent cinquantième anniversaire du rattachement de la Savoie à la France, a déclaré : « La France sera au rendez-vous du calendrier. » Pouvez-vous nous le confirmer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, je vous confirme l'engagement constant de la France et de l'Italie à faire aboutir ce projet, en dépit des nombreuses difficultés de l'opération, car c'est un dossier majeur pour le Grenelle de l'environnement.
Vous le savez, la France a poursuivi les études préliminaires avec méthode et détermination. Ce travail a porté ses fruits, puisque la partie commune internationale a été déclarée d'utilité publique sur le territoire français le 7 décembre 2007. Mais la future liaison internationale ne prendra tout son sens que si les accès sont également réalisés. Ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizetl'a confirmé, les services de l'État ont pour mission de lancer l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique sur les accès du côté français : cela se fera le plus rapidement possible, en toute hypothèse avant la fin de l'année.
Je connais les craintes qui se sont exprimées sur ce projet et sur la perte possible de soutien de l'Union européenne. J'ai eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises tant mon homologue italien Altero Matteoli que le vice-président de la Commission européenne, Siim Kallas. La Commission a programmé plus de 700 millions d'euros d'ici à 2013. Nous sommes en contact permanent avec les autorités européennes pour nous assurer que les conditions de délais posées par la Commission sont bien remplies.
Je souhaite que nos partenaires italiens achèvent de surmonter les difficultés qu'ils rencontrent depuis plus de six ans dans le Val de Suse. Des mesures courageuses ont été prises depuis le début de la semaine, avec l'intervention des forces de l'ordre italiennes pour libérer le site de la Maddalena, et c'est avec satisfaction que j'apprends, comme vous nous l'annoncez, que les travaux ont enfin commencé.
D'autre part, il faut que nos deux pays s'entendent sur les conditions de financement de cet ouvrage. À la suite de la concertation et des demandes formulées par l'Italie à la fin de 2010, le projet a connu diverses modifications. Celles-ci ne doivent pas remettre en cause les équilibres de financement entre la France et l'Italie, car c'est bien le franchissement des Alpes que nous voulons réaliser pour relier nos deux pays par une liaison ferroviaire. Sachez que la France et le Gouvernement entendent fermement aller jusqu'au bout pour réaliser ce projet.
La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le ministre, les établissements publics de santé de Martinique et de Guadeloupe sont malades. Malades du manque de moyens. Malades d'une crise financière et budgétaire sans précédent. Malades également du non-respect, par votre gouvernement, de ses engagements.
En effet, le 20 juillet 2009, votre prédécesseur, Mme Roselyne Bachelot, avait annoncé en grande pompe, lors de son déplacement en Martinique, un plan santé outre-mer, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi HPST, qui devait prendre en compte les spécificités des DOM.
Deux ans plus tard, ces engagements constituant un levier indispensable au retour à l'équilibre financier de nos établissements hospitaliers ne sont pas tenus. Pour la seule Martinique, les trois hôpitaux MCO affichent un déficit approchant les 60 millions d'euros. Le personnel hospitalier manifeste vivement son inquiétude et, depuis quelques semaines, se mobilise au quotidien. Cette situation entraîne de graves perturbations qui ne sont pas sans conséquences, tant sur la qualité des soins que sur la sécurité des patients.
Depuis plus d'un an, l'ARS nous a présenté un projet de réorganisation de l'offre de soins et un plan de retour à l'équilibre. Ces mesures, fussent-elles nécessaires, ne sauraient être mises en oeuvre au détriment des malades et du personnel hospitalier. Nous savons tous ce que valent les promesses de votre gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Cette situation m'amène à vous poser une question simple : quand comptez-vous mettre en oeuvre les principales mesures financières exceptionnelles prévues dans le plan santé outre-mer, à savoir le remboursement du coefficient géographique, l'aide à l'apurement des créances irrécouvrables et la compensation des effets de seuil défavorables aux départements et territoires d'outre-mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le député, afin de me faire une idée très précise de la situation des höpitaux outre-mer, je me rendrai avant la fin de l'été en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, avec Marie-Luce Penchard.
Comme vous l'avez dit vous-même, les trois établissements MCO de la Martinique – La Trinité, Le Lamentin et le CHU de Fort-de-France – cumulent un déficit de 64 millions d'euros. Ce qui est important, c'est de savoir dans quelles conditions sont établis les plans de retour à l'équilibre. Je vous le dis très clairement, il ne sert à rien de faire peur à nos concitoyens : la qualité des soins et l'accès aux soins resteront, pour nous, des garanties indispensables.
Les engagements du Gouvernement dans le plan Hôpital 2007 et dans la première tranche du plan Hôpital 2012 ont été honorés. Par ailleurs, comme je l'ai dit dans le cadre de mes précédentes fonctions de ministre de la santé, l'un des enjeux de la reconstruction consistera à appliquer les normes antisismiques. Comme je l'ai déjà dit à M. Letchimy et à M. Almont, sur tous ces sujets, l'État a toujours été présent lors des rendez-vous de solidarité. Ainsi, il ne faut pas perdre de vue que le coefficient géographique de Martinique est le plus élevé de France – ce qui est justifié par des raisons objectives.
Je tiens à dire à l'ensemble de nos compatriotes d'outre-mer, notamment de Martinique, que c'est bien dans l'intention de constater, sur place, quels sont les enjeux et les besoins, que je me rendrai avant la fin de l'été en Martinique. J'y établirai, avec tous les élus qui le souhaitent, un dialogue républicain et constructif dans l'intérêt de la population de la Martinique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé et porte sur les dysfonctionnements relatifs à la mise en place de l'interlocuteur social unique. J'y associe mon collègue Dominique Caillaud.
Nous recevons dans nos circonscriptions de nombreuses sollicitations de chefs d'entreprise concernant des problèmes de déclaration de leurs revenus pour le calcul de leurs cotisations sociales. Ils sont excédés par ces problèmes qui pénalisent vraiment leur activité professionnelle.
Depuis le 1er janvier 2008, le régime social des indépendants, dit RSI, a dû déléguer à l'URSSAF le calcul, l'appel et l'encaissement des cotisations personnelles de 1,5 million de chefs d'entreprise de l'industrie, du commerce et de l'artisanat. Les deux organismes qui coexistent au sein de ce système sont confrontés à des problèmes d'incompatibilités informatiques et, plus généralement, à des difficultés d'ordre structurel.
Les chefs d'entreprise que je rencontre évoquent une aggravation de cette situation. Pour 6 % des assurés au RSI, on ne compte plus les cas de double appel à cotisation ou d'absence d'appel, les avis de trop-perçu fictifs, ou encore les prélèvements postérieurs à la cessation d'activité. La situation se termine parfois de façon tragique, avec le dépôt du dossier en étude d'huissier pour recouvrement de cotisation non due. Le problème menace la pérennité des petites entreprises et celle du RSI lui-même : on peut en effet craindre que sa capacité à assurer ses obligations en matière de paiement des retraites complémentaires et vieillesse, ainsi que des autres indemnités, soit compromise.
Monsieur le ministre, on parle beaucoup des risques psychosociaux auxquels sont exposés les salariés. Or les chefs d'entreprise peuvent, eux aussi, être victimes de harcèlement moral, face à une administration qui reste sourde à leurs explications. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour remédier rapidement à cette situation délicate et éviter qu'elle ne s'aggrave ? (« Très bonne question ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Madame la députée, je n'irai pas par quatre chemins : les choses ne peuvent pas continuer ainsi pour le RSI ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Actuellement, au moins 100 000 cotisants sont confrontés à des difficultés sans pareilles,…
…qui se produisent, comme vous le dites, dans toutes les circonscriptions.
Gérard Quevillon, président du RSI, avait souhaité que l'on change un certain nombre de choses. François Baroin et moi-même avons décidé de changer le directeur, et je dois dire que nous avons toute confiance en l'efficacité dont saura faire preuve le nouveau directeur général, Stéphane Seiller.
Par ailleurs, je veux souligner que les agents du RSI ne sont pas en cause : ils ont, au contraire, énormément travaillé dans le but de rattraper le retard accumulé en raison de problèmes informatiques. Nous avons décidé d'établir une nouvelle lettre de mission, comportant des objectifs précis. On ne compte plus les cas où un chef d'entreprise qui n'est plus affilié au RSI et dont la cessation d'activité n'a pas été transmise à l'URSSAF continue de se voir réclamer des cotisations, allant jusqu'à engager des procédures de recouvrement. Je ne sais pas comment expliquer une telle situation, mais il nous faut prendre le taureau par les cornes pour y remédier. Nous avons décidé de mettre les moyens nécessaires, notamment en matière informatique, de redéfinir les priorités et de faire en sorte qu'un bénéficiaire du RSI ayant besoin de renseignements sache exactement à qui s'adresser, car c'est tout de même la moindre des choses.
La situation doit être réglée dans les semaines et les mois qui viennent. Quand nous avons décidé de mettre en place l'interlocuteur unique, c'était pour faciliter la vie des ressortissants du RSI, pas pour la leur compliquer ! Par ailleurs, pour y voir clair sur les priorités du RSI, il faudra une nouvelle mission d'appui de l'IGAS. Nous rencontrons le directeur général dans les jours qui viennent afin de régler les problèmes au plus vite. Les choses n'ont que trop duré, et nous avons bien l'intention de trouver des solutions pour que les bénéficiaires du RSI puissent disposer rapidement des services dont ils ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, et concerne un archipel qui, j'en suis certain, est cher au coeur de tous les députés : Saint-Pierre-et-Miquelon.
J'associe à cette question ma collègue Annick Girardin, ainsi que les membres du groupe d'études sur les îles d'Amérique du Nord, que je préside.
Monsieur le ministre, la querelle relative à l'exploitation des ressources maritimes de cette zone oppose, depuis plusieurs siècles, la France et le Canada, qui ont décidé de recourir à l'arbitrage pour délimiter leurs zones économiques exclusives. La sentence arbitrale de 1992 est définitive, mais n'a pu que fixer les droits respectifs des parties, c'est-à-dire dans la limite des deux cents milles marins, et non pas au-delà, jusqu'à trois cent cinquante milles, ce qui est de la compétence exclusive des Nations unies.
En 1996, le gouvernement canadien a publié une décision unilatérale par laquelle il prétend étendre de facto sa zone économique exclusive, en arguant que la ligne de base s'établirait non pas sur la côte canadienne mais sur une île de sable située au large de cette côte, à une distance d'environ 50 milles marins.
Cette décision unilatérale ne saurait en aucun cas s'appuyer sur l'autorité de la sentence arbitrale de 1992, qui s'est déclarée incompétente au-delà de 200 miles marins et qui a toujours entendu la ligne de base canadienne au droit de la côte.
La jurisprudence internationale, résultant en particulier de l'arrêt de la Cour internationale de justice Qatar contre Bahreïn, ne permet d'ailleurs pas de fixer une ligne de base à partir d'une émergence située au-delà des eaux territoriales. C'est la raison pour laquelle votre gouvernement a saisi, en mai 2009, les Nations unies d'une lettre d'intention formalisant notre demande d'extension du plateau continental. Aujourd'hui, il n'est pas besoin de contester par d'autres voies la décision unilatérale du Canada, parce que notre demande conteste erga omnes toute revendication canadienne au-delà de la délimitation fixée par l'arbitrage.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre des affaires étrangères, nous vous demandons quelles initiatives le Gouvernement compte prendre pour amener le Canada à un accord dans lequel l'intérêt économique, pour ne pas dire la survie économique, de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon pourrait être équitablement pris en compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, le Gouvernement, vous le savez, a naturellement à coeur de défendre les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Je n'entrerai pas dans les détails d'un problème que vous connaissez mieux que moi, en tant que président du groupe d'études sur les îles d'Amérique du Nord.
Vous avez rappelé que la France a saisi la commission des limites du plateau continental en mai 2009, en vue de l'extension de ce plateau au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous avons pris plusieurs initiatives pour constituer le dossier nécessaire. C'est ainsi que le Gouvernement a décidé d'organiser une campagne scientifique, du 4 au 22 juillet prochain, dans le cadre du programme dit Extraplac. Un navire français, le Suroît, effectuera des relevés géologiques en haute mer, puis dans la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon, avec un double objectif. D'abord, établir, par des méthodes sismiques, les épaisseurs sédimentaires. Ensuite, obtenir une cartographie des fonds de mer.
L'organisation de cette campagne s'inscrit dans le cadre de notre politique, que vous connaissez : d'un côté, préserver, évidemment, nos intérêts et nos droits sur le plateau continental ; mais aussi nous concerter avec le Canada dans le cadre de l'insertion économique de Saint-Pierre-et-Miquelon dans notre environnement régional.
Notre chargé d'affaires à Ottawa a donc effectué, le 22 juin, une démarche auprès du ministère canadien des affaires étrangères pour informer les autorités canadiennes de la campagne du Suroît. Nous avons rappelé à cette occasion notre souhait d'engager la discussion avec le Canada afin de trouver ensemble des solutions mutuellement avantageuses.
La prochaine commission mixte de coopération régionale entre Saint-Pierre-et-Miquelon et les Provinces atlantiques du Canada permettra, je l'espère, d'avancer.
Je voudrais rappeler, pour terminer, qu'avec 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, la France est la deuxième puissance maritime du monde, après les Etats-Unis, mais avant la Russie, et que cette zone est pour nous un élément de potentiel économique et de rayonnement géostratégique extrêmement important. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis le 31 mars 2011, Mayotte est devenue une collectivité territoriale relevant de l'article 73 de la Constitution.
À ce titre, elle a droit au régime juridique de droit commun des départements, en vertu du principe de l'identité législative.
Or, dès 1946, date de la transformation des quatre vieilles colonies en départements d'outre-mer, ceux-ci bénéficient du régime de rémunération dit de l'indexation des salaires.
Ce système est actuellement en vigueur à Mayotte mais reste malheureusement réservé à une infime minorité des fonctionnaires de l'État, en l'occurrence certains journalistes du réseau France Ô, les gendarmes et les militaires exclusivement.
Bien entendu, cette situation constitue un manquement grave, inadmissible, au principe d'égalité qui veut que tous les agents de l'État à Mayotte puissent prétendre à un même mécanisme de calcul de leur traitement salarial, si ce n'est à un régime encore plus favorable, compte tenu de nos retards et handicaps.
Ne pas remettre en cause cet état de fait, c'est perpétuer l'inégalité de traitement non seulement entre les agents de l'État en service à Mayotte, mais encore et surtout entre les agents publics affectés à Mayotte et ceux en fonction dans les autres départements d'outre-mer.
Le nouveau président du conseil général de Mayotte et les trois parlementaires de ce nouveau département vous ont saisi, monsieur le Premier ministre, d'une demande de rencontre pour étudier, conformément à l'article 21 de la Constitution, les voies et moyens pour mettre fin à cette intolérable illégalité.
Alors, entendez-vous faire respecter le principe d'égalité à Mayotte, oui ou non ? Si oui, à quelle date comptez-vous recevoir les élus de Mayotte à cet effet ?
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, les Mahorais, vous le savez mieux que quiconque, ont choisi souverainement le chemin de la départementalisation, après un long combat, un processus administratif, des négociations. C'était un honneur pour les Mahorais. C'est un honneur, pour la France, de vous compter comme le cent-unième département.
Vous le savez aussi, les engagements, les bases de discussion, portaient sur l'objectif, sur les modalités et sur le calendrier. Vous comprendrez aisément que, s'agissant du calendrier, nous devons inscrire dans le temps, avec une certaine profondeur, c'est-à-dire de façon progressive et maîtrisée, l'évolution, l'adaptation et l'égalité en droits – économiques, sociaux, et de toutes natures.
Dans cet esprit, le problème de la sur-rémunération des agents de la fonction publique outre-mer, et en particulier à Mayotte, nécessite un regard singulier et particulier, au moins pour deux raisons essentielles.
La première, c'est qu'il y a déjà, et je parle sous votre contrôle, monsieur le député, un décalage important entre les fonctionnaires et les autres catégories sociales. Il nous est remonté, par votre biais, et d'ailleurs à juste titre, l'existence d'un niveau de tension que nous avons le droit et le devoir d'examiner et d'intégrer dans la gestion de ce calendrier commun.
La seconde, c'est que, vous le savez, aligner la surrémunération des agents de la fonction publique à Mayotte constituerait probablement une charge intenable pour les collectivités territoriales. La situation est déficitaire. Nous devons donc être attentifs et prendre le temps.
Le président du conseil général de Mayotte et les parlementaires ultramarins, à Mayotte comme ailleurs, s'interrogent aujourd'hui sur cette surrémunération et sur la différence qui peut exister entre les membres de la fonction publique et les autres. Nous sommes favorables à l'observatoire. Et le Gouvernement est à votre disposition, naturellement, pour discuter du calendrier et des modalités d'atteinte d'un objectif que nous partageons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Indexation des salaires à Mayotte
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Élisabeth Guigou.)
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 2.
Je voudrais revenir sur les trois critiques les plus fréquemment adressées à ce texte. Je n'ai pu le faire dans la discussion générale, car étant non inscrit, je ne dispose pas d'un temps de parole.
Première critique, le mode de scrutin retenu pour l'élection des membres des assemblées de Guyane et de Martinique n'est pas identique. Surtout, il est différent de celui applicable à l'élection du conseiller territorial en métropole, alors que le principe de l'identité législative implique l'application du même mode de scrutin dans tous les départements.
Deuxième critique, le Gouvernement refuse d'appliquer à la Guyane le mécanisme de conseil exécutif élu par l'assemblée de Martinique et responsable devant elle. Pourtant, les députés de Guyane le réclament. Pourquoi ne pas prendre en considération leur volonté ?
Enfin, le Gouvernement prévoit de renforcer le pouvoir de substitution des préfets dans les départements régis par l'article 73 de la Constitution. Ils seraient donc plus puissants dans ces territoires qu'en France métropolitaine, où ils sont déjà pourtant trop forts.
Je suis saisie d'un amendement n° 1 rectifié .
La parole est à Mme Christiane Taubira.
L'amendement n° 1 rectifié concerne la gouvernance. La ministre nous a dit à plusieurs reprises que le mode de gouvernance choisi pour la Guyane dans cette loi ordinaire, émane d'une volonté au moins majoritaire – je ne me souviens plus du qualificatif exact – des élus de Guyane. J'ai pourtant rappelé hier qu'arithmétiquement parlant, cette demande est minoritaire. Autant la majorité du conseil régional a souhaité une gouvernance sous forme de commission permanente, autant le conseil général s'est prononcé à l'unanimité pour une gouvernance collégiale. Trois parlementaires sur quatre ont également choisi ce mode de gouvernance.
Je demande donc l'introduction dans le texte d'une gouvernance collégiale pour la Guyane. Cet amendement est rectifié pour échapper, cette fois, à l'irrecevabilité financière sur le fondement de l'article 40 de la Constitution, il y est précisé : « les élus appelés à siéger au conseil exécutif et son président ne perçoivent aucune indemnité supplémentaire à ce titre. »
Je rappelle que la Guyane couvre 91 000 kilomètres carrés, c'est un territoire extrêmement enclavé, une jeunesse nombreuse, de grands enjeux et de grandes urgences. La commission permanente n'est manifestement pas calibrée pour s'en saisir, pour preuve, la commission permanente actuelle du conseil régional a du mal à fonctionner parce qu'elle se réunit très occasionnellement, et en à peine plus d'un an d'exercice elle n'a pas atteint son quorum par quatre fois. Il y a donc nécessité de mieux calibrer cet organe exécutif, qui aura pour charge d'assurer les missions actuellement dévolues au conseil général et au conseil régional. La commission permanente ne nous paraît pas le mode de gouvernance optimal pour cela. C'est pourquoi cet amendement vise à introduire un conseil exécutif de Guyane.
La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour donner l'avis de la commission.
Cet amendement, ainsi que l'amendement n° 2 rectifié après l'article 2 avaient été déclarés irrecevables sur la base de l'article 40 . Cette nouvelle mouture propose de mettre en place un conseil exécutif au sein de l'assemblée de Guyane, selon une architecture un peu différente.
Mais les élus de Guyane ont été consultés. Je sais que le conseil général s'est prononcé le 17 juin pour une solution différente de celle que nous proposons, mais à défaut d'unanimité, le Gouvernement a tout de même pris en compte la voix de la majorité. Il est toujours possible de discuter de cette majorité, mais c'est un fait.
En tout cas, il n'y a ici aucun parti pris, puisqu'une autre architecture a été retenue en Martinique. Si la majorité avait été différente, il aurait été possible de retenir une autre architecture, mais à ce stade, sauf à vouloir mettre à mal l'ensemble de l'édifice, il n'est pas possible de donner un avis favorable.
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Vous avez déposé, madame la députée, un amendement proposant un autre mode d'organisation de la collectivité de Guyane.
Vous laissez entendre qu'il n'y a pas une majorité d'élus pour suivre la proposition formulée par le Gouvernement dans ce texte. Je vous rappelle toute la procédure engagée depuis le moment où le chef de l'État est venu en Martinique, puis en Guyane, pour présenter, à l'issue de la consultation, la méthode de travail qui permettait à chacun de s'exprimer.
La position des élus régionaux est claire, comme vous l'avez rappelé.
Vous laissez entendre que les élus du département, eux, seraient plutôt favorables à votre projet. Je n'arrive pas à comprendre, aujourd'hui, la position des élus départementaux, puisque, dans une délibération qui m'avait été adressée le 26 octobre 2010, ils proposaient à la fois : « une Assemblée territoriale, un Président d'Assemblée territoriale, une Commission permanente de treize membres présidée par le président de l'Assemblée, un Conseil exécutif et son Président ». Les deux modèles coexistaient dans la même délibération.
Je n'ai pas trouvé beaucoup de clarification dans la délibération qui nous a été transmise le 7 janvier 2011, suite à la consultation sur le projet de loi, mais essentiellement des interrogations.
Vous pouvez comprendre qu'après plus d'un an et demi de négociations, de présentations, de réunions, de concertation, sur la base des documents en notre possession, nous puissions effectivement considérer que le modèle qui ressortait de la délibération du Conseil régional et des déclarations de quelques élus du département, que nous n'étions pas loin de ce qu'il fallait proposer pour la Guyane.
J'émets un avis défavorable à l'amendement pour toutes ces raisons. Je vous invite, madame la députée, à considérer que nous sommes dans le cadre d'une évolution institutionnelle. Si, demain, une majorité différente souhaite modifier le statut, après en avoir délibéré et avoir fait des propositions en ce sens, nous serons ouverts. Mais pour l'instant, nous travaillons sur ce texte.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas nous dire tranquillement qu'il suffit qu'une autre majorité souhaite une autre architecture à l'intérieur de cette collectivité unique, puisque vous savez parfaitement qu'il faudra consulter la population et que la décision de le faire est prise par le Président de la République.
La demande en a été formulée en Guyane en 2002. Elle n'a pas été prise en considération. Mieux, la Martinique et la Guadeloupe ont été consultées, mais la Guyane qui demandait cette consultation ne l'a pas obtenue. Ne nous faites pas croire qu'une autre majorité qui souhaiterait une autre organisation l'obtiendrait automatiquement ainsi.
Il existe un certain nombre de contraintes juridiques, de procédures constitutionnelles, que tout le monde est prêt à respecter. Mais qu'on ne les fasse pas disparaître, comme si elles n'existaient pas.
Vous parlez des délibérations du Conseil général d'octobre et de la dernière. Elles ne sont pas identiques. Je conviens avec vous, je l'ai déjà dit à l'occasion du Congrès avorté en mai 2011 et au conseil général, que sa proposition mettait trop en relief la commission permanente, de sorte que l'on a l'impression – alors qu'il s'agit en réalité du Bureau du Conseil exécutif qu'ils nomment Commission permanente –, qu'il s'agit d'une structure différente. Je regrette qu'ils n'aient pas corrigé cet aspect.
Il demeure qu'il n'y a pas d'ambiguïté sur le choix d'une gouvernance collégiale. Madame la ministre, puisque vous nous donnez des leçons, pardonnez-moi de vous rappeler que vous me paraissez assez mal placée pour cela en matière de prise en considération de la volonté des collectivités.
Il n'y a pas un majorité d'élus qui a choisi la gouvernance par la commission permanente ce choix est celui de la majorité du Conseil régional, qui rassemble vingt-et-un conseillers régionaux. mais trois parlementaires sur quatre ont choisi la gouvernance collégiale ; le conseil général, à l'unanimité lors de sa dernière assemblée plénière, le 17 juin, a choisi la gouvernance collégiale ; l'Association des maires s'est prononcée pour la gouvernance collégiale.
Je ne connais pas vos règles arithmétiques, mais je ne distingue pas de majorité pour la gouvernance par la commission permanente.
En matière de gouvernance et de prise en considération de la volonté des collectivités, je vous rappelle – c'est un peu douloureux – qu'en pleine campagne de consultation, vous vous êtes autorisée à publier un courrier assurant qu'il n'y aurait aucun licenciement dans les collectivités en cas de choix de la collectivité unique. C'est non seulement une ingérence dans une campagne, mais c'est également une infraction flagrante au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités. Cela devrait vous ramener à un peu plus de modestie et à essayer de faire de ce débat un débat juridique, de bon sens, dans un souci de bonne gestion. Cela devrait en tout cas vous dispenser de donner des leçons.
Madame la présidente, j'avais déposé en commission un amendement allant dans ce sens. L'article 40 nous a été opposé.
Il me semble particulier de nous opposer l'article 40 sur ce type d'amendement. Certes, il a dit que cela créait des dépenses de fonctionnement. De ce fait, de ces amendements ne viennent pas en séance.
Madame la ministre, hier je vous ai indiqué quels étaient nos arguments sur la gouvernance collégiale. Je l'ai fait avec toute la sérénité que nécessite notre débat.
Vous employez sans cesse le mot : « grande majorité ». Nous vous avons demandé de rectifier ce terme. Le choix du projet de loi du Gouvernement reste de votre responsabilité, je voudrais que vous l'assumiez, sans pour autant donner de fausses raisons.
Nous avons l'impression que vous voulez nous culpabiliser en prétendant que nous voulons la « collégiale », soit autre chose que les électeurs guyanais. Non, madame la ministre, la question est la même que pour la Martinique. Celle-ci a fait un choix. Les élus de Guyane, dans leur grande majorité, ont fait le choix de la gouvernance collégiale. Votre responsabilité était d'en proposer un, ce que vous avez fait. Mais je vous demande, comme lors de la discussion générale, d'être honnête en exposant des arguments les plus corrects possible. Ne faites pas comme si nous souhaitions sortir du cadre de l'article 73. Le peuple a tranché, soyons clairs nous respectons ce verdict.
C'est la raison pour laquelle je présente les mêmes arguments sur la gouvernance. Il existe, que vous le vouliez ou non, une majorité d'élus et de partis politiques, qui ont souhaité cette gouvernance collégiale.
J'assume mon choix, assumez le vôtre, mais ne dites pas que nous falsifions les choses. Je regrette le choix qui a été fait, car je ne crois pas qu'il convienne aux perspectives de d'avenir de la Guyane.
(L'amendement n° 1 rectifié n'est pas adopté.)
Madame la présidente, si vous le permettez, je vais présenter en même temps l'amendement n° 46 , qui figure un peu plus loin à l'article 2. Il s'agit en quelque sorte d'amendements de cohérence ou de conséquence. Cela pourrait vous surprendre, madame la présidente, ainsi que certains de nos collègues qui n'étaient pas parmi nous cette nuit.
L'Assemblée a voté, cette nuit, deux amendements identiques à ceux-ci, qui concernent l'ensemble des collectivités métropolitaines et d'outre-mer, à l'exception de la Guyane et de la Martinique. Compte tenu de ce vote, il convient de faire en sorte que cette disposition, qui s'appliquera après la publication du texte à l'ensemble des collectivités, puisse également s'appliquer à la Guyane – dans l'article 2 – et à la Martinique dans l'article 3.
Telles sont les raisons pour lesquelles je pense qu'il s'agit d'amendements de conséquence.
M. Dosière a eu raison de rappeler les épisodes précédents, pour ceux qui auraient pu les manquer.
Nous avons abordé cette nuit les conditions d'exercice des mandats locaux. Ce n'était pas forcément le bon moment, non que les questions de transparence soient secondaires, mais parce qu'il nous avait semblé, dans un premier temps, que ce texte qui concerne davantage la Guyane et la Martinique ne concernait pas l'ensemble des collectivités.
L'Assemblée, dans sa sagesse, en a jugé autrement. Si, à l'origine, la commission était défavorable à l'amendement n° 51 – avis qui demeure, pour des raisons formelles, défavorable –, le rapporteur, à titre personnel, ne peut que souscrire à la cohérence demandée par M. Dosière.
Je crois qu'il convient d'adopter l'amendement n° 51 . Le débat sur les conditions d'exercice des mandats locaux n'est pas clos. Il s'agit de permettre l'intégration à la Guyane et à la Martinique de dispositions qui paraissent légitimes.
L'Assemblée ne peut pas errer, une cohérence interne est nécessaire. Rousseau disait que la volonté générale est toujours droite et tend toujours à l'utilité publique. Je vous invite, mes chers collègues, par un vote que je suppose unanime, à ce que l'utilité publique soit bien démontrée.
Par cohérence, avis favorable.
J'interviens, même si cela a été rappelé par M. Dosière et notre rapporteur, pour expliquer qu'il ne s'agit pas de stigmatiser ni la Martinique, ni la Guyane,…
…ou de faire un procès d'intention sur des moyens donnés à des élus, sans que cela passe par une approbation de l'Assemblée.
L'amendement n° 46 porte sur l'écrêtement. Une proposition a été formulée hier pour l'ensemble des collectivités de France et, à ce titre, vous demandez simplement que l'application soit faite dans ce texte à la Guyane et à la Martinique. Il faut apporter ces précisions, pour ne pas donner le sentiment, un peu comme le fait l'article 9, qu'il y a des situations d'incapacité, d'incurie, ou un non-respect de la réglementation.
Je tenais à apporter ces précisions, pour bien préciser l'esprit de l'amendement.
Comme vient de l'indiquer notre collègue, je tiens à préciser qu'il n'y a aucune stigmatisation ni de la Guyane, ni de la Martinique.
Si les deux amendements que j'ai présentés et qui concernaient l'ensemble des collectivités n'avaient pas été votés cette nuit, j'aurais retiré les deux amendements qui concernent la Martinique et la Guyane, car c'est les maintenir dans ces conditions qui aurait été discriminatoire.
Il n'y a donc aucune discrimination à l'égard de ces deux collectivités.
Nous vous tenons quitte, monsieur Dosière.
(L'amendement n° 51 est adopté.)
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 22 , accepté par le gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 58 rectifié .
La parole est à Mme Chantal Berthelot.
Nous pouvons imaginer, qu'ici comme au Sénat, ainsi que l'a dit le rapporteur, la gouvernance risque de ne pas changer dans le projet de loi.
Je propose par cet amendement de légiférer sur les rapports entre l'assemblée délibérante et l'exécutif. Dans les institutions locales, je l'avoue, figure rarement ce type de dispositions.
La non-responsabilité de l'exécutif devant une assemblée redouble le pouvoir de cet exécutif. Je l'ai rappelé hier lors de la discussion générale. Je souhaite que soit prévue une motion de défiance, calquée sur celle proposée pour la Martinique. De ce fait, l'exécutif sera responsable devant son assemblée. Cela permettra aussi l'exercice de la démocratie.
La Guyane est en construction. Lorsque l'on doit créer un outil de gouvernance, il faut penser à demain et pas seulement à aujourd'hui. La Guyane verra doubler sa population dans vingt ans. Il faut une gouvernance à la hauteur de l'ambition d'un pays pour ce grand territoire. C'était le sens de mon intervention lors de la discussion générale. Il ne s'agit pas d'autre chose. Mon amendement répond à l'ambition de bien gouverner cet immense territoire, d'être à la hauteur des enjeux et de relever les défis qui seront lancés.
En proposant une motion de défiance, je vais dans le sens d'un renforcement de la démocratie. Dans quelques années, compte tenu de l'évolution démographique, nous aurons soixante et un élus. Combien en 2030, lorsque la Guyane comptera 500 000 habitants ?
La motion de défiance doit s'inscrire dans l'exercice de la démocratie.
Notre collègue a raison de voir loin, à l'horizon de 2030. Mais les institutions sont faites pour aujourd'hui. Il est vrai que la Guyane est un territoire aussi grand que le Portugal. Cela étant, nous ne pouvons prendre en compte toutes les particularités, au risque de nous éloigner du droit commun.
Vous n'avez jamais observé l'existence d'un tel système, dites-vous. En effet, madame la députée, sauf en Polynésie et Nouvelle-Calédonie, régies par l'article 74 de la Constitution.
Ici, nous sommes dans le cadre de l'article 73. Et nous devons prendre en compte le choix démocratique des électeurs de Guyane.
Je ne suis pas hostile par principe à la prise en considération des spécificités, madame la députée. J'ai parlé hier de l'unité dans la diversité. Mais ni l'article 72, ni l'article 73 sur un plan plus général, ne permettent pas une telle architecture.
Pour toutes ces raisons, il est inenvisageable qu'un président fasse l'objet d'une motion de censure. Ce ne sont pas des combinazione qui pourraient le renverser. Il une responsabilité politique et les électeurs doivent le dernier mot.
Avis défavorable, donc.
D'abord, je n'entendais donner de leçons à personne. Je rappelais seulement les difficultés du Gouvernement à arrêter un mode d'organisation concernant la Guyane, alors que les délibérations du conseil général pouvaient donner lieu à interprétation. À un moment donné, il fallait bien choisir et arbitrer. J'aurais préféré une réunion du congrès et une proposition construite. Telles sont les raisons pour lesquelles je me suis exprimée ainsi, madame Taubira.
La question de la motion de défiance peut se poser, madame Berthelot, dans une collectivité plus simple. Mais avec un exécutif issu de l'assemblée et dont le président est également président de l'assemblée, il est impossible d'envisager une telle motion : le président ferait voter une motion de défiance contre lui-même.
Dans la mesure où la Guyane n'a pas fait le même choix que la Martinique, avis défavorable, donc.
Quel est le statut de la Martinique, monsieur le rapporteur, puisque vous indiquez que nous devons rester dans le cadre de l'article 73 ?
Depuis hier, on a l'impression qu'à chaque fois que la Guyane fait une proposition, ce serait pour sortir de l'article 73 et que la Martinique a toute marge de manoeuvre dans le cadre de cet article.
Dans une certaine mesure, je peux entendre l'argument de Mme la ministre, même s'il ne me convainc pas entièrement.
Elle fait valoir que le président de la commission permanente est aussi celui de l'assemblée. Mais un tiers des membres de l'assemblée délibérante peut très bien proposer une motion de défiance, et celle-ci peut ensuite obtenir une majorité. Le statut du président n'est pas gênant. À mes yeux, votre argument ne tient pas.
Concernant la Martinique, nous sommes bien dans le cadre de l'article 73, dans une architecture s'apparentant au modèle corse, avec deux éléments bien distincts.
En Guyane, il y a une assemblée unique dont le président est en même temps celui de l'exécutif.
Voilà toute la différence. Il n'y a pas d'un côté le président de l'assemblée et l'exécutif de l'autre. Une seule et même personne assume l'ensemble des fonctions à l'instar de ce qui se passe dans un conseil municipal, général ou régional. Or dans aucune commune, département, région, il n'est possible de renverser le président. En Guyane, ce n'est donc pas possible non plus. En revanche, cela est possible en Martinique parce que le système est différent. Nous sommes en désaccord sur le plan politique, mais sur le plan juridique, cela répond à une logique précise.
Monsieur le rapporteur, je réfute votre argumentation fondée sur l'article 73.
Disons clairement que dans le cadre de l'article 73, nous sommes dans un statut particulier, spécifique concernant deux collectivités : la Guyane et la Martinique. Cela laisse la porte ouverte à toute les formes d'originalité.
Je suis bien conscient de la difficulté, à savoir que le président de l'assemblée et le président de la commission permanente sont une seule et même personne. Mais sans vouloir me mêler des affaires guyanaises, je pense qu'il y a matière à débat. Dans son amendement n° 2 rectifié après l'article 2, Mme Taubira ouvre une piste. Les choses évoluant dans le temps, il n'est pas déraisonnable de se donner les moyens de réfléchir.
La question de la gouvernance locale fait également débat dans l'hexagone, dans toutes les instances locales. La question de la responsabilité des exécutifs devant les assemblées délibérantes s'y pose. Et le débat doit avoir lieu au niveau national.
(L'amendement n° 58 rectifié n'est pas adopté.)
Madame la ministre, puisque vous êtes revenue sur l'amendement n° 1 rectifié , je me fais un plaisir de vous rendre la politesse. Certes, la première délibération du conseil général était ambiguë. Mais on peut s'attendre à ce que le Gouvernement fasse les choses correctement.
Seulement, aujourd'hui, vous avez choisi de suivre la majorité de la minorité!
Il fallait dire au conseil général qu'on a l'impression qu'il propose les deux organisations dans une même délibération et qu'il doit clarifier les choses. Vous avez passé votre temps à dire à la représentation nationale que la majorité des élus avaient choisi ce mode de gouvernance. C'est une contrevérité, madame la ministre ! Nous avons rectifié les choses. Comme le disait ma collègue tout à l'heure, assumez les raisons, sans doute excellentes à vos yeux, pour lesquelles vous avez choisi l'option exprimée par la majorité du conseil régional. En tout état de cause, ce n'est pas la majorité des élus de Guyane qui a choisi la gouvernance par une commission permanente.
J'en viens à mon amendement n° 16 , qui concerne le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Guyane. Le texte de loi précise que l'assemblée de Guyane est assistée d'un conseil économique sans en préciser les compétences. On peut considérer que c'est implicite. De la même façon que la collectivité unique va assumer les compétences du conseil régional et du conseil général, on peut supputer que le conseil né de leur fusion assumera les compétences des deux conseils consultatifs qui existaient auparavant.
En fait, les conseillers sortants ont fait part de leur inquiétude. Il ne serait pas préjudiciable de préciser dans le texte que les compétences de ce nouveau conseil seront celles des deux conseils.
La parole est à M. le rapporteur pour donner l'avis de la commission sur cet amendement et présenter le sous-amendement n° 65 .
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et l'amendement ?
Si Mme Taubira accepte le sous-amendement du rapporteur, j'émets un avis favorable à sa proposition.
Pour ce qui me concerne, je suis d'accord avec le sous-amendement du rapporteur. Il dépasse le seul cadre de la Guyane, mais je constate que mes collègues de Martinique semblent également l'approuver.
La parole est à Mme Christiane Taubira, pour défendre l'amendement n° 18 .
Il s'agit toujours du nouveau conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation, qui va fusionner les deux conseils actuels.
Dans un premier temps, la partie éducation et environnement avait été traitée avec moins d'égards. Par cet amendement, je propose que le nouveau conseil consultatif ait deux sections et que chaque section comporte chacune le même nombre de membres, parité en nombre, mais également en genre !
D'un côté, il y a trente-huit membres pour le conseil économique et vingt-deux de l'autre, pour l'actuel conseil environnement, culture et éducation. Cela étant, je ne suis pas certain qu'il faille inscrire un chiffre précis dans la loi. Il me semble plus intéressant de prendre en compte la représentativité des organisations. Un ou deux membres de plus dans telle section ou un ou deux de moins dans l'autre, peu importe.
Il serait plutôt dommage de figer ces modalités dans la loi, en enlevant toute souplesse et toute possibilité de modification, à moins de revenir sur cette organisation par des amendements ou de nouvelles dispositions législatives.
Pour cette raison avant tout d'ordre pratique – même si des conséquences juridiques sont en jeu –, l'avis est défavorable.
J'ajoute que cette question sera traitée au moment de la préparation du décret, ce qui nous donnera un peu plus de souplesse.
Avis défavorable.
Pour éclairer la rédaction du décret, il ne me semble donc pas inutile que nous ayons cet échange.
Disons les choses très franchement, les membres de l'actuel conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement craignent, à la suite de la fusion, de devoir payer constamment le prix de leur infériorité numérique. Ce sont des matières extrêmement nobles de mon point de vue mais qui sont souvent traitées comme étant moins importantes que les questions économiques stricto sensu.
C'est de cette inquiétude-là qu'est née la demande d'une parité, au moins en nombre, dans les deux sections du conseil unique. Je vous demande au moins de la prendre en considération dans la rédaction du décret à venir.
J'aimerais vous rassurer, madame Taubira. De toute évidence, le décret fera l'objet d'une consultation et nous tiendrons compte de cette demande. Il ne me semble pas nécessaire de figer ces éléments dans la loicar, si par la suite, nous devions procéder à des modifications, à la demande même de la collectivité, nous nous heurterions à des difficultés, notamment pour trouver le véhicule législatif adéquat.
Nous ne remettons pas en cause le principe de cette demande, nous souhaitons simplement introduire de la souplesse dans le dispositif pour pouvoir le moduler ultérieurement.
Mme la ministre vient d'indiquer qu'elle n'avait pas d'objection de principe, M. le rapporteur a affirmé qu'il serait bon de reconsidérer les choses de plus près : ce sont des arguments qui justifient le retrait de cet amendement.
(L'amendement n° 18 est retiré.)
La parole est à Mme Christiane Taubira, pour défendre l'amendement n° 19 .
Cet amendement porte sur une question qui se pose depuis plusieurs années – je me souviens en avoir débattu dès la fin de l'année 1997 et au début de l'année 1998, à propos de la loi du 6 mars 1998 : il s'agit de l'autonomie financière des conseils consultatifs qui vont fusionner en un conseil unique. Dans l'état actuel des choses, le budget qui leur est dévolu fait l'objet d'une ligne budgétaire propre, mais est géré par le conseil régional. Or, nous observons sur le terrain que cette absence d'autonomie financière affecte également l'autonomie de pensée, la liberté de l'analyse et entrave l'expression de l'avis.
Nous entendons, par cet amendement, non pas viser un budget extravagant, plus élevé que celui qui existe déjà, mais créer les conditions d'une autonomie de gestion dans le cadre juridique de la comptabilité publique afin de permettre au président du conseil de disposer de son budget et assurer du même coup une plus grande liberté d'expression au sein du conseil.
Actuellement, je constate – et j'assume l'entière responsabilité de mes propos – une très grande déférence de la part des deux conseils lorsqu'ils sont appelés à donner un avis, notamment s'agissant des budgets. Ce n'est pas l'esprit dans lequel ces conseils ont été institués : il s'agissait de faire appel à des personnalités issues de la société civile afin qu'elles portent un autre regard sur le budget des collectivités et leurs actions. Il faut que les membres des conseils disposent de la liberté d'exprimer leur avis.
J'entends bien le souci louable d'autonomie et de responsabilité qui sous-tend cet amendement. Reste que la loi prévoit la mise à disposition des moyens financiers par l'assemblée. Il y aura une nouvelle assemblée, un nouveau conseil, dont les membres seront parfois les mêmes que ceux des conseils précédents mais dans un ensemble renouvelé ; nous pouvons aussi faire confiance à leur volonté d'aller de l'avant. Cette autonomie se trouvera induite par la force des nouvelles institutions.
L'amendement risque de créer une sorte d'administration parallèle, avec un nouvel ordonnateur, qui, plutôt que de simplifier les choses, constituerait un élément redondant de nature à rendre le système plus rigide et plus complexe. Avis défavorable.
En tant que président de région, je pense exactement l'inverse de ce que vous venez dire, monsieur le rapporteur. Aujourd'hui, disons-le clairement, les conseils fonctionnent comme s'ils étaient sous tutelle : leurs présidents, pour partir en mission, doivent demander dans des conditions affreuses une autorisation de départ comme un simple salarié, le billet d'avion étant payé par la région. Pour mener des études les plus larges possible, il faut aussi passer par la collectivité régionale. Compte tenu du fonctionnement interne des conseils et de la présence de salariés mis à disposition, j'estime que la proposition de Mme Taubira va dans le bon sens.
La nécessité d'autonomiser le fonctionnement de ces institutions est d'autant plus forte qu'il ne s'agit pas simplement de fusionner deux administrations et de les rapprocher en un collé-serré (Sourires.)…
…mais de rechercher les voies d'une nouvelle gouvernance. À cet égard, assurer une liberté de pensée, et donc une possibilité de contredire la région, me semble totalement justifié. Mme Taubira propose ces modifications pour la Guyane mais je serais tout à fait prêt à ce qu'elles soient élargies à la Martinique.
L'argumentation développée par M. Letchimy complète mon propos de manière tout à fait utile et éclairante.
Je veux redire au rapporteur que ces modifications n'impliquent aucune obésité administrative. Mon amendement suivant rappelle que le personnel est mis à disposition du conseil. Il s'agit non pas de créer une administration supplémentaire mais éventuellement d'instaurer un poste de comptable. Mon but est de rendre de la liberté à des structures créées pour qu'elles apportent un autre regard et non pour applaudir et dire que tout est parfait.
Je ne veux pas faire de procès d'intention aux nouveaux conseils en les soupçonnant de suivisme et de docilité. Il reviendra à chacun d'entre eux de manifester la volonté de s'émanciper.
Comparaison n'est pas raison, je le sais bien, mais je soulignerai que les conseils économiques, sociaux et environnementaux attachés aux régions en métropole, dont le personnel est mis à disposition par les assemblées, ne connaissent pas de problèmes particuliers.
Nous pouvons fort bien envisager la même chose pour les collectivités d'outre-mer. Qu'à l'avenir il y ait une évolution, c'est fort possible – je n'insulterai pas l'avenir. Mais à ce stade, il ne paraît pas nécessaire de marquer cette autonomie budgétaire dans la loi en faisant du président l'ordonnateur du budget de son conseil, comme s'il s'agissait d'une administration parallèle. Cela risquerait de donner l'idée qu'il existe une deuxième assemblée alors que ce n'est pas le cas : l'assemblée délibérante est bien l'assemblée territoriale.
Ou bien nous ne nous comprenons pas, ou bien il y a une véritable confusion, monsieur le rapporteur. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle assemblée.
Les conseils actuels ont des crédits mais n'ont aucune liberté pour en disposer : ils sont totalement dépendants. Serge Letchimy a donné l'exemple des études.
On peut toujours se cacher derrière son petit doigt. Je veux bien que vous nous rameniez à une vision un peu rousseauiste de la vertu naturelle des hommes qui dirigent des institutions. Je suis toute prête à y croire, étant une optimiste invétérée. Je veux bien que vous nous rameniez au droit commun : à ce moment-là, il suffit de lever la séance et d'arrêter la discussion sur ces collectivités uniques, pour l'heure sans équivalent dans l'architecture générale des institutions de la République.
Je dis simplement que cet amendement pose la question de la liberté d'expression, d'analyse, d'avis, d'initiative de ces conseils. Il n'implique en rien une modification du montant du budget et des règles à respecter pour son exécution. Nous ne sommes pas en train de créer une autre institution mais de redonner au conseil unique la mission qui avait été dévolue aux deux conseils dont il émane au moment de leur création, à savoir apporter un avis libre et éclairé aux collectivités. Vous avez le droit de penser que ce n'est pas souhaitable, mais c'est cela le sujet, et rien d'autre.
Je maintiens mes propos, d'autant qu'ils trouvent une confirmation dans l'amendement n° 20 , lequel vise à confier au président du nouveau conseil la gestion du personnel mis à sa disposition. Les amendements de Mme Taubira forment un ensemble cohérent, qui repose sur une approche qui n'a rien d'illégitime, mais qui montre bien qu'il s'agit de créer une administration autonome avec un président qui gère le personnel et qui peut être l'ordonnateur du budget. Or ce n'est pas l'esprit de la loi.
L'amendement n° 19 pris isolément pourrait fort bien être accepté, mais il faut bien voir qu'il forme avec l'amendement n° 20 un ensemble sous-tendu par la volonté de créer une administration propre.
Pour ces raisons, et par cohérence, je maintiens l'avis défavorable de la commission. Nous nous sommes donc très bien compris, madame Taubira, il n'y a aucune ambiguïté sur le sujet : nos points de vue sont simplement différents.
Il s'agit en effet d'un vrai désaccord !
(L'amendement n° 19 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Christiane Taubira, pour défendre l'amendement n° 20 .
Monsieur le rapporteur, j'avais bien insisté sur la cohérence de nos propositions en évoquant l'amendement n° 20 : il s'agit d'assurer la liberté d'expression et d'avis de ce conseil.
Le présent amendement ne propose pas de créer une nouvelle grille indiciaire, un nouveau régime indemnitaire ou de modifier les carrières des personnels. Il vise à permettre au président du conseil ayant à sa disposition du personnel détaché d'une collectivité de prendre certaines mesures pour le fonctionnement de son institution.
Parlons très franchement une fois de plus : lorsque des personnels sont mis à disposition d'un exécutif, président ou bureau, s'ils ont le sentiment qu'il n'est pas le vrai chef … nous nous comprenons tous.
On peut choisir de laisser les choses en l'état et j'admets ce point de vue, monsieur le rapporteur, mais c'est une vraie divergence que nous avons sur les missions que nous souhaitons attribuer à ce conseil. J'estime qu'il faut lui donner les moyens de fonctionner de manière efficace et de dire qu'un budget n'est pas bon quand il n'est pas bon. En ce domaine, j'ai entendu bien des choses caricaturales. D'ailleurs, lorsque je quitterai cette belle fonction législative, j'écrirai des scenarii. (Sourires.)
Dans mes propos, ne voyez nulle envie de vous renvoyer à autre chose que vos fonctions législatives. Nous n'en sommes pas là, madame Taubira, et vous savez bien que j'ai beaucoup d'amitié pour vous. Ne mettez pas le rapporteur dans une situation impossible sur le plan personnel. (Sourires.)
N'empêche que votre démonstration montre bien tous les effets induits que vos amendements peuvent créer. À partir du moment où vous mettez le doigt dans l'engrenage, l'ensemble du système se constitue et une administration complète se met en place. En soi, cela n'a rien d'illégitime, je le répète, mais ce n'est pas le système que le projet de loi a retenu.
Vous dites qu'il n'est pas question de créer de nouvelles grilles indiciaires, de modifier la gestion des carrières. Mais la force du système administratif – je ne vous renverrai pas aux travaux de Michel Crozier ou d'autres – fait que ces modifications interviendront obligatoirement dans une étape ultérieure. Ce n'est pas notre choix aujourd'hui. Nous avons là-dessus un vrai désaccord. Je maintiens ma position.
Je souhaite compléter ce qui a été dit afin de nourrir le débat.
Le rapporteur, comme nous tous, entend donner aux membres de ces conseils, qui sont souvent issus de la société civile, les moyens d'émettre des avis en toute autonomie. Simplement, madame Taubira, cela nécessite une réflexion un peu plus poussée.
S'agissant des questions de personnel, je sais, pour l'avoir moi-même vécu lorsque j'exerçais d'autres fonctions, que, en vertu des règles régissant la mise à disposition, le président de l'exécutif détermine les missions dévolues aux agents que l'assemblée lui délègue. Cela étant, ces agents veulent progresser dans leur carrière, ce qui dépendent de la commission administrative paritaire de leur collectivité d'origine. Je doute que, dans ces conditions, ils acceptent aisément de quitter leurs fonctions à la région pour des conseils consultatifs qui seraient trop autonomes.
Quant à l'aspect budgétaire, plusieurs lignes sont concernées, ce qui complique l'inscription de la mesure dans le budget de la région.
Toutefois, dans certaines collectivités, les présidents de ces conseils disposent, moyennant une délibération de l'assemblée régionale, de ce que l'on peut appeler un droit de tirage, de sorte qu'ils n'ont pas besoin de l'autorisation du président de la collectivité chaque fois qu'ils veulent engager une étude ou lancer une mission. On peut imaginer d'en passer par ce type de règles de bonne gestion.
Bref, sur le principe, nous sommes d'accord avec vous, madame la députée. Mais, du point de vue législatif, est-ce vraiment comme vous le proposez qu'il faut procéder ? N'oublions pas que, comme l'a dit le rapporteur, une telle mesure peut rejaillir sur d'autres aspects de l'organisation des collectivités concernées.
Madame la ministre, vous l'avez montré vous-même, il y a deux options. Soit on compte sur la bonne volonté – que je suis toute disposée, je le répète, à prêter à tout le monde, y compris à ceux qui ne sont pas encore nés (Sourires) ! Soit on instaure un cadre juridique permettant de faire ce que nous jugeons souhaitable.
Mais vous, madame la ministre, et vous, monsieur le rapporteur, pour appliquer ce que vous jugez souhaitable, vous vous en remettez aux bonnes pratiques que l'on observe, de manière aléatoire, dans certaines collectivités plutôt que dans d'autres !
Pour ma part, je préfère la seconde option. Mais j'entends bien que vous n'êtes pas d'accord.
Je ne prends pas position sur l'amendement de ma collègue Taubira. Je veux simplement rappeler quelles étaient les pratiques en vigueur au conseil régional de Martinique lorsque j'en étais le président.
Auparavant, les conseils consultatifs envoyaient des avis qui n'étaient même pas lus. Pour ma part, démocratiquement, j'ai fait lire les avis et j'ai invité les présidents des deux conseils consultatifs à venir exposer leur point de vue en séance plénière du conseil régional. Simplement, cela ne donnait pas lieu à un débat, parce que le débat sur ce type d'intervention est interdit. On se contentait donc de leur donner la parole et de retenir les propositions qu'ils avaient formulées. Vous le voyez, tout dépend de la conception que l'on se fait de l'autonomie.
Ensuite, les deux conseils pouvaient présenter leur budget annuel. Il en a toujours été ainsi. Le budget était donc voté et, une fois le budget attribué, les deux conseils retrouvaient leur autonomie – dans la limite des sommes qui leur avaient été allouées. Et ils ont très bien pu réaliser des études, sur le créole, l'énergie, l'éducation, le sport et même sur l'environnement.
Cela étant, il peut arriver que, pour des raisons précises, le budget attribué soit consommé. Dans ce cas, il est tout à fait normal que l'assemblée intervienne, en répondant positivement ou négativement à la demande des conseils.
En somme, tout dépend du président et de la manière dont il conçoit l'autonomie. Les deux conseils disposaient d'une large autonomie d'action, dans le cadre du budget qui leur avait été accordé. Cela étant, au nom d'une gestion cohérente et responsable du personnel, il est tout à fait normal que le président du conseil régional dispose d'un droit de regard. En ce sens, à mon humble avis, déléguer sa signature n'est pas de bonne politique, car on ne sait jamais ce qui peut arriver : mieux vaut éviter les querelles intestines inutiles.
(L'amendement n° 20 n'est pas adopté.)
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 23 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Favorable, à titre personnel, et pour les mêmes raisons que précédemment. Cela devrait faire l'unanimité.
(L'amendement n° 46 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je les défendrai en même temps.
Nous en avons débattu hier soir. Il s'agit d'appliquer l'une des dispositions formulées, à l'issue des états généraux, par le comité interministériel de l'outre-mer, notamment pour permettre à nos territoires ultramarins de mieux s'insérer dans leur environnement régional.
Nous proposons donc que la Guyane puisse ouvrir des délégations à caractère non diplomatique dans nos ambassades – c'est l'amendement n° 96 – et auprès de l'Union européenne – c'est l'amendement n° 97 .
Nous en avons parlé hier soir. Je pense qu'il s'agit là d'une clarification utile, et, personnellement, je continue de soutenir ces deux amendements.
Cela étant, ils rouvrent le dossier de la coopération. Or en la matière, si ces deux amendements, que je voterai, reprennent deux engagements du CIOM, vous savez pertinemment, madame la ministre, qu'ils ne sont pas suffisants.
En effet, la désignation d'agents susceptibles d'être intégrés à des missions diplomatiques de la France constitue une étape. Désormais, une région pourra désigner un agent qui ira, en pratiquant la concertation, mener une politique de coopération dans une ambassade. Mais le fait qu'elle envoie ainsi un fonctionnaire y travailler ne donne aucun pouvoir à la collectivité concernée.
Je salue cette initiative qui consiste à envoyer un représentant de l'administration en avant-garde, en quelque sorte. Mais il faudra ensuite permettre clairement aux collectivités de siéger à titre permanent, dans des conditions qui restent à définir, au sein des institutions régionales concernées, au lieu que leurs représentants se tiennent au fond de la salle, amenés dans la valise d'un ambassadeur ou d'un ministre.
On me dira que pour cela, il faudrait que nos collectivités fonctionnent dans le cadre de l'article 74 de la Constitution. Non, c'est inutile, d'autant que les relations nouvelles des régions ultrapériphériques avec l'Europe nous incitent de plus en plus à pratiquer une intégration régionale beaucoup plus dynamique. Si l'on veut véritablement mener une politique de coopération dans ce cadre, ce n'est pas dans des succursales administratives qu'on le fera.
La commission n'a pas examiné ces amendements, déposés après qu'elle s'est réunie au titre de l'article 88.
À titre personnel, comme je l'ai dit hier, je suis favorable à l'amendement n° 96 . En revanche, l'idée d'une représentation à Bruxelles pose un problème. Notre collègue Letchimy l'a dit. Certes, la proposition va loin, mais à mes yeux elle relève plutôt de l'article 74 que de l'article 73. Aller plus loin revient à ouvrir un vaste débat. Pourquoi pas ? Mais il me semble que ce n'est ni le lieu ni le moment de le faire.
La présence d'agents des collectivités ultramarines au sein de la représentation française me paraît suffisante. Je suis beaucoup plus réservé quant à l'éventualité d'une représentation permanente à Bruxelles. Certaines collectivités en ont une, mais cela n'est pas inscrit dans la loi. Qu'est-ce que cela apporte ?
Je le répète, les arguments de notre collègue Letchimy me confortent dans mon impression. Mais j'ai peut-être mal compris.
Oui : je suis favorable aux deux amendements ! Simplement, cela ne suffit pas.
Voilà que le rapporteur est défavorable à un amendement du Gouvernement !
Monsieur le rapporteur, je suis très favorable aux deux amendements.
La présence au sein des missions diplomatiques serait utile ; simplement, il faut aller beaucoup plus loin.
Quant au second amendement, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion ont récemment pris l'initiative d'installer une représentation institutionnelle à Bruxelles. La ministre propose de faire beaucoup plus. De fait, un lobbying spécifique auprès des institutions européennes serait fort utile.
En effet, puisque nous voulons que les textes européens, notamment les règlements, soient adaptés à nos territoires, puisque nous voulons être parfaitement au fait de tous les circuits financiers, puisque nous voulons nous situer en amont des politiques européennes – d'autant que, nos PIB étant voués à dépasser 75 % du PIB moyen en Europe, nous allons devoir élaborer des stratégies de développement –, nous avons tout intérêt à être représentés auprès de l'Union ! La plupart des régions le sont.
Le préfet qui dirige la représentation française à Bruxelles fait un très bon travail. Mais celle-ci pourrait parfaitement accueillir des représentants de Guyane, de Martinique, de Guadeloupe. Nous serions alors au coeur de l'institution au lieu de laisser les autres agir pour nous.
Madame la ministre, je vous ai dit hier que je voterais contre ces amendements. En réponse à une question que je vous avais posée, vous m'avez alors renvoyée au CIOM ; je me suis donc référée aux textes.
À propos de la Guyane et de son insertion régionale, je ne vois rien de ce que vous proposez. Selon le document réalisé la préfecture, à la suite du débat organisé à l'initiative du CIOM, il s'agissait simplement de faciliter l'insertion des jeunes ultramarins dans le réseau diplomatique français et de permettre aux fonctionnaires territoriaux des départements, régions et collectivités d'outre-mer d'effectuer des stages dans les ambassades des trois zones concernées.
Voilà ce qui a été demandé en Guyane dans l'atelier 6 du CIOM, selon les documents de la préfecture. À aucun moment, dans le CIOM, on n'a demandé la possibilité d'envoyer des agents dans les ambassades.
J'aurais préféré, madame la ministre, que vous proposiez d'écrire dans la loi que, dans les ambassades, il y ait suffisamment de personnel d'État, de personnel du ministère des affaires étrangères, pour accompagner les collectivités dans une vraie coopération. À l'heure actuelle, pour des raisons financières – la RGPP, Bercy –, il n'y a plus personne dans les ambassades. Au Surinam, zone très importante pour la Guyane, le personnel nécessaire n'est pas là.
Je suis donc opposée à l'amendement n° 96 , car la vraie coopération ne viendra pas de l'administration : la vraie coopération est politique. Je rejoins notre collègue Letchimy quand il s'interroge sur la coopération politique des collectivités d'outre-mer avec leur environnement. En décider serait selon moi beaucoup plus important que d'inscrire dans la loi que des agents peuvent être mis à disposition.
Quant à l'amendement n° 97 , il me surprend, car il me semble que la loi n'est absolument pas nécessaire pour faire ce que vous proposez. La Réunion l'a fait depuis très longtemps, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane ne l'avaient pas encore fait ; mais je ne vois pas en quoi la loi donne plus de poids à l'envoi d'un représentant à Bruxelles. Les régions d'outre-mer sont depuis longtemps très présentes auprès des institutions européennes, ou en tout cas elles l'étaient à l'époque où j'y siégeais, et je pense que cela va continuer.
Ces amendements n'apportent à mon sens aucun pouvoir nouveau aux collectivités territoriales. Je suis donc opposée à l'un comme à l'autre.
Je parle d'expérience. Et c'est enfoncer une porte ouverte que de dire que je suis moi aussi très favorable à la coopération dans la Caraïbe.
Ces amendements, ce n'est pas un pas en avant ; c'est une récupération. Les textes disent très bien : la France a le statut de membre associé de l'Association des États de la Caraïbe « au titre de la Guyane, de la Guadeloupe et de la Martinique ». C'est dans les statuts : de facto, si la France est présente, c'est grâce à nous. Qu'on ne vienne pas me dire autre chose !
Dans les faits, savez-vous ce qui s'est passé ? On m'invitait très souvent, dans la Caraïbe ; les collègues de la Martinique le savent très bien, quelles que soient nos divergences sur d'autres sujets.
Mais il est arrivé, à plusieurs reprises, que l'on oublie de m'inviter aux réunions qui se tenaient dans la Caraïbe en présence des représentants français ; on oubliait, tout simplement, d'inviter le président que j'étais !
Ce n'est pas une discrimination ; c'est un comportement, que j'ai dénoncé. Les pays de la Caraïbe – dont je connaissais très bien les chefs d'État et de Gouvernement – sont donc, sans créer d'incident diplomatique, passés au-dessus de la tête des ambassadeurs et des consuls pour nous envoyer directement une invitation à participer aux travaux.
J'y allais, et plusieurs fois je me suis trouvé assis dans un coin – humilié ; le consul, l'ambassadeur, discutaillaient sans même prendre notre avis. Or, dans une telle situation, notre point de vue sur la défense de nos intérêts peut ne pas être le même que celui de la France.
Un jour, je me suis trouvé là-bas avec l'ancienne présidente du conseil régional de la Guadeloupe – madame la ministre, je ne veux pas faire de généalogie – et, pardonnez-moi l'expression, un kankan a pété ! l'expression n'est pas de moi, mais de votre propre mère. La situation était devenue tout à fait intenable !
Un exemple fera comprendre les difficultés que nous rencontrons. L'ancien président de la Guyane Antoine Karam était un jour assis à la table officielle pour signer un document sur le tourisme durable ; la télévision était là ; et à ce moment-là, à ce moment précis, le représentant de la France vient lui dire de quitter la table car c'est lui, le diplomate, qui va signer. Je n'ai pas besoin de vous dire le scandale que cela a causé !
C'est pourquoi je dis au rapporteur et à Mme la ministre : faites attention.
Depuis ce temps-là, lorsqu'on m'invitait, j'étais assis à la table officielle ; l'ambassadeur, ou le consul, était assis à côté de moi, et nous échangions nos points de vue. Les choses ont donc évolué ! Et maintenant, alors que notre action – la mienne, celle d'Antoine Karam, celle de Mme Michaux-Chevry et des autres – a débloqué la situation, vous voulez récupérer, embrigader, corseter.
C'était au point qu'un des États de l'AEC a modifié le règlement pour nous permettre, en tant que département, d'être associés directement aux débats qui avaient lieu. C'est ainsi que j'ai eu l'occasion d'être invité à maintes et maintes reprises au Conseil des ministres de l'AEC, et même aux réunions de chefs d'État, sans pour autant être chef d'État.
Vous niez la réalité, et c'est parce que vous niez la réalité que nous n'avançons pas. Nous n'avions pas entrebâillé, mais défoncé cette porte qui était fermée ; elle est ouverte, ne la refermez pas.
Mesdames et messieurs les députés, il n'y a aucune volonté de fermer la porte, mais bien d'ouvrir les portes pour atteindre les objectifs énoncés par le Président de la République lors de son déplacement à la Martinique.
Après les états généraux, nous avons inscrit dans le texte du CIOM la possibilité pour ces collectivités – ce n'est absolument pas une obligation – de disposer de représentants au sein de nos ambassades, pour mieux faire le lien avec le travail des ambassades auprès des pays voisins, notamment sur les questions économiques. Cela doit permettre à nos entreprises de mieux se développer dans la zone. Nous avons voulu l'écrire dans la loi.
Monsieur Marie-Jeanne, cette histoire, je la connais, bien sûr – vous imaginez bien qu'elle m'a été racontée. (Sourires.) La présidente du conseil régional, à l'époque, siégeait, mais c'était la France qui était représentée au sein de l'AEC, au titre de ses départements d'Amérique. En aucune façon le président de région ne siégeait en tant que tel ; c'était possible dans le cadre d'un mandat qui a pu être confié à un moment donné. Mais c'est bien un représentant de la France qui siégeait, souvent un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères ou le préfet de l'un ou de l'autre département concerné.
Il est certain que la personnalité de la présidente de l'époque lui a permis de prendre toute la place qu'il fallait ! Mais cela ne veut pas dire que juridiquement, elle représentait la France au sein de l'AEC. À un moment donné, on a reconnu son travail et l'AEC l'a autorisée à siéger, mais elle ne représentait à cette époque que la collectivité guadeloupéenne.
Le schéma que nous envisageons est bien différent : à terme, les collectivités pourraient représenter la France, c'est-à-dire ne pas porter seulement les questions strictement régionales, mais un mandat beaucoup plus large. La loi d'orientation pour l'outre-mer le permet. Cela s'est fait. Dans ce cas, le président de la collectivité ne représente pas sa seule collectivité, mais la France tout entière, et c'est ce qui se met en place.
C'est un petit pas aujourd'hui, mais c'est peut-être un grand pas pour demain.
(Les amendements n° 96 et 97 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)
La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour défendre l'amendement n° 60 .
Je me réfère aux débats menés au Sénat, dont je salue le travail, ainsi que celui des rapporteurs, qui ont donné une âme à ce texte.
Cet amendement vise à supprimer le mot « consultatif » du titre du Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge. Il l'est, certes, mais pourquoi l'inscrire dans son nom ?
Le rapporteur dit que cela ne mange pas de pain de l'indiquer ; mais dans ce cas, on peut aussi bien l'enlever.
J'en profite, madame la ministre, pour rappeler à l'État ses obligations et lui demander de mener sa logique jusqu'au bout : ce Conseil a été créé par la loi, à l'initiative du sénateur Othily, en 2007. Mis en place en 2010, il n'a malheureusement pas les moyens de fonctionner. L'article 40 de la Constitution m'interdisait naturellement de proposer un amendement en ce sens, mais si vous voulez que la consultation des populations amérindiennes et bushinenge soit effectivement réalisée, alors vous devez donner à cette instance les moyens de fonctionner.
C'est d'autant plus nécessaire que la loi prévoit aussi qu'il puisse être sollicité par le président de l'assemblée de Guyane.
Il n'y a, je crois, rien d'infamant à être un organe consultatif. Les membres de ce conseil sont désignés, et non élus, et la suppression de l'adjectif « consultatif » n'ajouterait rien, ni ne retirerait rien d'ailleurs. C'est dans cette logique que j'émets un avis défavorable.
Ce n'est pas le premier organe qui est qualifié de consultatif et encore une fois, cela n'a rien de discriminatoire ou de stigmatisant – je le redis puisque tout à l'heure, certes dans un autre contexte, les mots très forts de stigmatisation ou d'humiliation ont été employés. Cela revient simplement à tenir compte de la réalité des choses.
Je n'arrive pas à comprendre : qu'on le laisse ou qu'on l'enlève, cela ne change rien, dites-vous. Enlevons-le ! Pourquoi le maintenir ? Donnez-moi un argument !
Le conseil économique régional est bien consultatif, mais cela ne figure pas dans son titre.
En quoi cela est-il gênant ?
C'est le rajout qui me gêne. Le statut juridique du conseil des populations amérindiennes et bushinenge est clairement posé dans la loi. Pourquoi le rappeler dans son titre ?
Puisque cela ne change rien de le laisser ou de l'enlever, je propose de le supprimer pour des raisons esthétiques si vous préférez : conseil des populations amérindiennes et bushinenge sonne mieux que conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge.
L'Assemblée n'a pas à se préoccuper de cosmétique ni d'esthétique. La loi prévoit que ce conseil est consultatif ; je ne vois pas ce qu'il y a d'infâmant ou de gênant à le rappeler dans son titre. Qu'il ne soit pas délibératif n'enlève rien à la qualité des membres du conseil et à leur capacité de proposition.
Il est bon que les choses soient dites et, pour dire le fond de ma pensée, je ne voudrais pas qu'en enlevant le terme « consultatif », on laisse à penser que le conseil aurait plus de pouvoir qu'il n'en a en réalité.
On sait que cela peut arriver par petits glissements successifs. La sagesse commande donc de rappeler la qualité consultative du conseil, qui n'a rien d'infâmante. Ne courons pas le risque de laisser croire plus.
La loi définit clairement le statut juridique du conseil et le distingue, à bon escient d'ailleurs, des autres organes de la collectivité de Guyane auxquels il n'est pas lié. Elle en fait bien un organe consultatif.
J'ai l'impression que la Guyane vous fait peur. J'adore cette idée ! Que craignez-vous à enlever ce terme ? Le conseil économique régional est consultatif, on le sait et cela ne figure pas dans son titre. Où est le problème, alors qu'il est clairement précisé que le conseil des populations est consulté pour avis par l'État et la collectivité sur des sujets le concernant ? J'aimerais vraiment savoir ce qui vous fait peur dans le fait de supprimer le terme « consultatif ».
Cela ne me fait pas plus peur en Guyane, qu'en métropole ou partout ailleurs. Ce qui serait plutôt illégitime, c'est de laisser penser que, par glissement sémantique, on puisse arriver à avoir plus de pouvoir qu'on n'en a réellement. Encore une fois, cela n'enlève rien aux pouvoirs et qualités de ceux qui y siégeront. J'aime que les choses soient carrées et elles le seront davantage ainsi.
Un choix a été fait, Mme Berthelot a fait une proposition que le Gouvernement refuse. Tranchons maintenant, et votons !
Cela dit, il ne faut pas donner le sentiment qu'accoler le terme « consultatif » n'a pas de sens. Cela a un sens. Nous avons bien aujourd'hui un Conseil économique et social, pas un Conseil consultatif économique et social. L'ajout du terme « consultatif » est lié au choix de ne pas donner aux Bushinenge et aux Amérindiens le sentiment qu'à côté de l'assemblée de la collectivité unique et du conseil économique et social, ils auront leur propre conseil. Cet ajout crée une suspicion légitime. Il faut la lever et dire pourquoi vous avez choisi de préciser qu'il s'agit d'une instance consultative. Autrement, il faudrait, de façon logique, ne pas parler du CES mais du Conseil consultatif économique et social.
Mais vous avez fait un choix. Votons !
(L'amendement n° 60 n'est pas adopté.)
Cet amendement rectifie la numérotation de l'article, de même que les deux suivants.
(L'amendement n° 26 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 2 rectifié .
La parole est à Mme Christiane Taubira.
Cet amendement revient sur le problème de la gouvernance, qui va nous coller comme le sparadrap du capitaine Haddock – mais l'image est éculée –, en tout cas nous poursuivre. Puisqu'il était assez probable que les amendements précédents ne soient pas adoptés par l'Assemblée,..
…celui-ci s'efforce de ne pas nous débarrasser définitivement du sujet.
Il nous paraît souhaitable de procéder à une appréciation de la gouvernance retenue pour la Guyane, à savoir la commission permanente, et de travailler sur l'hypothèse d'une organisation différente sous la forme retenue dans la loi pour la Martinique. Comme je l'ai dit en commission, un tel modèle n'est pas un OVNI puisqu'il fonctionne déjà en Corse depuis une dizaine d'années. Il ne recèle donc pas de surprise extraordinaire.
L'amendement propose que le Gouvernement présente un rapport au Parlement pour évaluer la mise en place d'un mode de gouvernance structuré autour d'une assemblée et de son président.
Loin de moi l'idée de comparer ma collègue à un sparadrap, fût-ce celui de Tintin !
Le projet de statut est, par essence, politique, au sens noble du terme ; il ne peut pas reposer sur un quelconque rapport bureaucratique. Qu'on soit d'accord ou pas avec ce choix politique, il faut le respecter.
Si, par la suite, une évolution apparaissait souhaitable, ce serait sur le bilan d'une expérience de quelques années de fonctionnement que pourraient être faites des propositions, tâche qui reviendrait plutôt au congrès des élus. Pour l'heure, cette démarche est non avenue.
Du reste, même si cela risque de ne pas être totalement convaincant pour notre collègue, ce rapport existe, en quelque sorte, sous la forme de l'étude d'impact déposée au Sénat en même temps que le projet de loi.
Laissons du temps au temps. Laissons ce statut vivre sa vie, au rythme des échéances connues, et d'abord celle de 2014. On peut déjà s'attendre à un certain nombre de difficultés, mais ce serait la même chose ailleurs qu'en Guyane et en Martinique. On ne crée pas de nouvelles collectivités avec leurs institutions sans les difficultés auxquelles chacun peut penser. Avec le temps, le cas échéant, nous pourrons y revenir. Pour l'instant, il n'en est pas question. Avis défavorable à l'amendement.
L'intérêt de cet amendement est d'appréhender la question de la gouvernance sous l'angle de son efficience par rapport aux problèmes qu'il faudra traiter. Le choix a été fait dans des conditions sur lesquelles nous n'avons pas cessé de nous interroger : qui l'a proposé ? Est-ce une décision démocratiquement fondée ?
Si le choix avait été fait sur la base d'une majorité incontestable, on pourrait considérer que celle-ci prend ses responsabilités. Or, même s'il demeure une petite ambiguïté dans la rédaction approximative de la délibération du conseil général, la majorité des élus a choisi une autre forme de gouvernance que celle actée par la loi sous la forme d'une commission permanente. Cet amendement, tout en admettant ce choix, ouvre la possibilité de regarder comment cela fonctionne.
En toute amitié, monsieur le rapporteur, l'argument de l'étude d'impact n'est pas convaincant. Il est même pernicieux : d'une part, l'étude d'impact comporte des erreurs non négligeables, par exemple s'agissant des effectifs en personnels d'une collectivité ; d'autre part, son introduction même explique que cette création de collectivité unique provient d'une volonté tout à fait récente, exprimée au travers des mouvements sociaux et de la consultation. L'étude d'impact ne peut pas être une référence, car elle n'a pas la profondeur et le relief requis par un certain nombre de sujets. Mieux vaut l'oublier jusqu'à la fin du débat !
Je suivrai l'avis du rapporteur, mais j'avoue, madame Taubira, que je n'arrive pas à suivre votre raisonnement. Vous m'avez interpellée sur le fait qu'il n'y avait pas vraiment de majorité pour le modèle d'organisation présenté dans le texte. Mais on ne peut pas dire non plus qu'il aille à l'encontre d'une majorité qui voulait un autre schéma. S'agissant de la Guyane, il faut reconnaître qu'il n'est pas parfait. J'aurais préféré, je vous l'ai dit, qu'un congrès se prononce très précisément sur une organisation. À cet égard, je souhaite pondérer vos propos.
L'État ne fait pas un choix à l'encontre puisque je ne dispose pas de délibérations concernant la position des maires de Guyane. Vous l'avez dit, je l'ai entendu. Le choix a été fait à partir des éléments que nous avons recueillis. Je ne peux donc pas considérer que le projet présenté aujourd'hui va à l'encontre d'une proposition ayant recueilli la majorité au sein des élus de Guyane. Voilà ce que je voulais dire avant d'émettre un avis défavorable.
Vous ne pouvez pas continuer à dire cela, madame la ministre ! Les maires ont rencontré les deux sénateurs qui étaient en mission et ils leur ont fait part de leur volonté. Vous ne pouvez pas continuer à dire que le choix de la commission permanente résulte d'une volonté non exprimée de la majorité. Je rappelle que la majorité est quand même constituée par l'unanimité du conseil général, trois parlementaires sur quatre, plus les maires qui se sont exprimés auprès des sénateurs. Mais ce n'est même plus le sujet, et je ne comprends pas que cet argument revienne.
L'objet de l'amendement est de regarder comment fonctionne la gouvernance choisie et comment pourrait fonctionner l'autre modèle de gouvernance. Vous pouvez y opposer que vous n'avez pas envie de regarder, que les choses sont définitives et que cette proposition est nulle et non avenue. Mais ne me dites pas que c'est une affaire de délibération du conseil général.
Pour la deuxième fois, vous vous référez au congrès qui ne s'est pas tenu au mois de mai. Pardon de rappeler qu'il n'a pas eu lieu faute de quorum parce que la majorité du conseil régional a décidé de ne pas se présenter au congrès. Voilà un rapport aux institutions pour le moins singulier, sinon incongru ! Ce congrès ne s'étant pas tenu, il n'a pas pu se prononcer par délibération parce que la fameuse majorité du conseil régional, favorable à la commission permanente, seul avis que vous voulez entendre, a considéré – avec raison puisque vous l'aviez déjà entendue – qu'elle n'a pas à se présenter à un congrès et à faire fonctionner une institution démocratique.
L'objet de l'amendement est donc d'accepter de regarder le fonctionnement de la gouvernance, pas de regarder dans le rétroviseur où l'on verrait que les torts sont partagés de façon très déséquilibrée.
(L'amendement n° 2 rectifié n'est pas adopté.)
Je serai bref, car j'ai déjà eu l'occasion hier, dans la discussion générale, d'insister longuement sur le schéma institutionnel et d'expliquer ce qui nous différenciait de ce qui avait été proposé à l'époque.
Lors de la consultation du 7 décembre 2003, il a été demandé au peuple : « Approuvez-vous la création en Martinique d'une collectivité territoriale demeurant régie par l'article 73 de la constitution, et donc par le principe de l'identité législative avec possibilité d'adaptations, et se substituant au département et à la région dans les conditions prévues par cet article ? » Comme je l'ai expliqué, le non l'avait emporté à 1 030 voix, soit à 0,9 % près.
Le 24 janvier 2010, le peuple a eu à répondre à la question suivante : « Approuvez-vous la création en Martinique d'une collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l'article 73 de la Constitution ? » Vous ne pouvez pas nier que la seconde question est identique à la première. C'est un copier-coller. Où est le changement véritable ?
Aujourd'hui, on nous propose une collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution comprenant l'assemblée de Martinique et son président, le conseil exécutif et son président, un conseil économique et social environnemental, de la culture et de l'éducation. Très bien.
Dans le document d'orientation qui servait de base de travail en 2003, nous proposions une assemblée délibérante, un exécutif – c'est ce qui nous est proposé aujourd'hui –, un conseil économique et social, un conseil de la culture et de l'éducation, les deux conseils ne voulant pas fusionner, et un conseil des maires. Où sont les différences fondamentales ? C'est à l'article 6 que se trouve notre plus profond désaccord
L'une de ces différences fondamentales, c'est, que, dans l'exécutif que nous proposions, nous avions équilibré les pouvoirs en prévoyant l'élection des élus de la collectivité à la proportionnelle sans prime majoritaire écrasante. Si l'on instaure une prime majoritaire écrasante, il n'y a plus le contre-pouvoir que certains avaient dénoncé à l'époque. Nous avons concédé, lors des négociations, l'obtention éventuelle à la liste arrivée en tête d'une prime de 5 %. Or nous sommes revenus à 20 % : voilà la triste réalité.
Madame la ministre, je m'adresse plus particulièrement à vous à propos d'un autre point. Par un amendement après l'alinéa 496, j'avais préconisé d'instituer à la Martinique un conseil territorial de lutte contre la pauvreté composé pour moitié de représentants d'associations agissant dans ce domaine et pour moitié de conseillers à l'Assemblée de Martinique, sa composition, ses modalités de fonctionnement et ses attributions devant être précisées par décret en Conseil d'État. Malheureusement, cette proposition d'amendement a fait l'objet d'une irrecevabilité budgétaire alors que, pourtant, la question est cruciale. Vous-même estimez en effet à près de 50 000 en Martinique le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, soit grosso modo un huitième de la population. Le conseil régional a pris ce problème à bras-le-corps. En rejetant cette proposition, où est la cohérence ? Vous pourriez reprendre à votre compte cet amendement sous la forme qui vous conviendrait, car nous sommes face à un véritable problème.
Nous ne sommes pas intervenus dans le débat sur la Guyane car nous avons souhaité que le respect prime en ce qui concerne les positions et les prérogatives de chaque pays.
La Guyane est un très grand pays...
…avec lequel nous partageons, depuis des décennies, une relation intime.
J'ai entendu avec plaisir Mme Taubira comparer la taille de la Martinique à celle de la Guyane. Mais il faut prendre en compte également la qualité,…
…de la pensée et celle de toutes les initiatives qui peuvent être prises.
Ce texte constitue pour nous un aboutissement essentiel trente ans après 1982.
J'ai relu les propos tenus par Aimé Césaire dans cet hémicycle en 1982. Le 2 mars, il disait à Gaston Defferre et à Henri Emmanuelli que le texte sur la décentralisation ne comportait rien sur l'outre-mer, qu'on n'y trouvait même pas le mot. Il indiquait clairement qu'il faudrait proposer une singularité dans la singularité et il présentait un dispositif spécifique pour l'outre-mer.
En octobre 1982, Henri Emmanuelli a défendu ici le texte concernant la collectivité et l'assemblée unique, format 1982. Aimé Césaire a dû affronter le député Jean Foyer, qui avait présenté, au nom de la droite, une exception d'irrecevabilité relayée au Sénat par Louis Virapoullé, lequel a fait tomber ce texte, le Conseil constitutionnel l'ayant déclaré non conforme.
Je ne dis pas cela seulement pour rappeler l'histoire et l'importance de l'intervention d'Aimé Césaire pour la mise en place de ces collectivités, mais aussi pour montrer que les mentalités ont beaucoup évolué et que le présent texte est essentiel pour l'avenir.
Bien sûr, il faudra encore l'améliorer. La porte est ouverte. Le processus d'émancipation est bien plus long qu'on ne l'imagine.
Nous sommes pleinement d'accord avec le fait que ce processus se structure autour de trois principes : les compétences qui existent, les possibilités de compétences supplémentaires directement données par l'État ou demandées par les collectivités, la question du lien qui peut exister entre l'habilitation ou les habilitations réformées et la gouvernance.
Par ailleurs, je le dis clairement, il s'agit d'une collectivité à statut particulier – des juristes ont même parlé de collectivité sui generis. Le choix a été fait d'une gouvernance très originale, avec un exécutif qui aura des responsabilités très importantes et une assemblée qui pourra intervenir dans le domaine de la loi et du règlement. Madame la ministre, je compte sur vous et sur le Gouvernement pour que les améliorations que vous avez apportées en matière d'habilitation, tant réglementaire que législative, soient fluides. Je souhaite que l'on ne nous présente pas une perspective tout en fermant la porte par une série de contraintes. À cet égard, je suis très heureux que le Sénat ait pu apporter des améliorations.
J'en viens à la question de la coopération, qui est fondamentale. Les avancées sur ce point vont un peu plus loin que ce que prévoyait la loi d'orientation pour l'outre-mer, mais pas suffisamment. Si l'on doit parler de développement endogène pour ces pays, il faut, pour prendre l'exemple de la Martinique, qu'elle puisse nouer des liens avec le Brésil, avec les 40 millions d'habitants de l'Arc caribéen, et mettre en oeuvre une vraie coopération. Comme l'a dit M. Marie-Jeanne, la coopération ne doit pas se faire dans un coin ridicule, à côté d'une ambassade ou d'un consulat qui ne connaîtrait pas mieux que nous les réalités. La coopération constitue le défi de ce siècle pour les régions d'outre-mer.
J'en viens au mode de scrutin. Pour notre part, nous étions favorables à un système mixte. Or le mode de scrutin proposé porte sur une seule circonscription divisée en quatre sections. On pourrait améliorer le dispositif en prévoyant huit sections, car le Sud de la Martinique, c'est-à-dire Sainte-Anne, n'a rien à voir, en termes de dynamisme et de développement, avec Grand'Rivière et Saint-Pierre. Il faut absolument assurer la proximité des élus et de la population, la territorialisation ; il faut que l'électeur connaisse son élu, sache de qui l'on parle. Une section qui va de Schoelcher à Sainte-Marie n'a aucun sens. Comme le rapporteur a proposé que ces modifications interviennent par décret, nous entrons dans une discussion, une négociation.
En ce qui concerne la prime majoritaire, même s'il n'est jamais facile de trouver le bon curseur, il me semble essentiel de revenir à 20 %, afin d'avoir une construction démocratique qui fonctionne réellement en permettant à la fois le débat et la stabilité politique. En la matière, la discussion devrait aller assez vite afin que nous puissions en arriver enfin à l'examen du fameux article 9, que nous attendons tous.
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour soutenir l'amendement n° 73 .
Le rapport spécial annuel ne saurait être sommaire, je propose qu'il soit « détaillé et chiffré », afin d'être pour l'assemblée une aide à la décision.
Si l'on prévoit un rapport, il sera nécessairement détaillé et chiffré, sinon il ne servirait à rien. Et si l'on ne précise pas en quoi il doit être détaillé et chiffré, l'ajout de ces deux termes n'apporte rien de plus en droit positif. N'alourdissons pas le texte, même si cela ne change rien sur le fond.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Même avis.
(L'amendement n° 73 n'est pas adopté.)
Madame la présidente, si vous le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n° 48 .
Il s'agit, pour la Martinique, d'amendements de cohérence avec ceux qui ont été votés la nuit dernière pour l'ensemble des collectivités.
Pour tenter une pointe d'humour, je dirai à M. Dosière qu'il vise peut-être les vélos assistés par un moteur électrique ! (Sourires.)
On ne pourrait pas comprendre qu'après le succès obtenu la nuit dernière par cet amendement, on ne soit pas logique jusqu'au bout ! Avis favorable donc.
Cet amendement ne relève pas du domaine de la loi. Or, en tant que législateurs, il nous revient de veiller au respect de la hiérarchie des normes.
Évitons de nous ridiculiser.
N'oubliez pas que la loi doit être claire et simple afin d'être compréhensible par tous ; or nous faisons des lois trop compliquées qui empiètent sur le domaine réglementaire. Chacun doit prendre ses responsabilités. Le mélange des genres auquel nous nous prêtons me paraît contraire au respect de la loi.
Le rapporteur, quel que soit son avis, me pardonnera donc de voter contre cet amendement pour une raison de forme et de principe juridique.
En effet, et il n'est pas question de la remettre en cause. Le contexte n'en a pas moins son importance : hier, donc, la commission et le Gouvernement avaient émis un avis défavorable sur un amendement similaire mais beaucoup plus général puisque portant sur le code général des collectivités territoriales. Le sujet, je le répète, était plus large : il s'agissait de modifier les conditions d'exercice des mandats locaux.
Nous n'avions pas, dans le cadre de la réforme du statut de la Martinique et de la Guyane, à aller aussi loin. Toutefois, certains collègues de la majorité…
…ont apporté leur voix à cet amendement, si bien qu'il a été adopté. Le dispositif qu'il prévoit s'applique donc à l'ensemble des collectivités mais, même si cela paraît curieux, si nous ne votions pas l'amendement n° 52 , il ne s'appliquerait pas à la Martinique.
Non, la Guyane n'est plus concernée depuis tout à l'heure.
Ainsi donc, le dispositif voté hier s'appliquerait partout sauf en Martinique, ce qui serait pour le moins étrange. La commission était défavorable à l'amendement n° 52 ,…
Le Gouvernement aussi !
…tout comme le Gouvernement. Cependant, compte tenu du vote de la nuit dernière, par souci de cohérence, on ne peut qu'émettre un avis favorable pour éviter une situation ubuesque… Subsiste, j'y insiste, une difficulté de fond.
Nous en reparlerons en deuxième lecture.
(L'amendement n° 52 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 45 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Le texte ne prévoit, à l'alinéa 165, que le décès ou la démission et non l'empêchement constaté par l'assemblée.
Il me paraîtrait dangereux que l'assemblée puisse être juge et partie en statuant elle-même sur les cas d'empêchement. Je ne fais aucun procès d'intention – mon propos vaut pour n'importe quelle assemblée – mais des risques de dérapage sont à prévoir si l'amendement était voté. Avis défavorable.
Même avis.
(L'amendement n° 47 n'est pas adopté.)
Il s'agit de corriger des références inexactes.
(L'amendement n° 30 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je ne reviendrai pas sur les positions de Mme Taubira, dont l'amendement n'apportait rien. Ici, en revanche, la précision proposée par M. Letchimy paraît utile. Avis favorable.
(L'amendement n° 71 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Cet amendement très important touche à la fixation de l'ordre du jour de l'Assemblée de Martinique. Le texte n'est pas très clair à cet égard. C'est pourquoi je propose que la première phrase de l'alinéa 207 soit rédigée ainsi : « L'ordre du jour est fixé par le président de l'assemblée après consultation des vice-présidents », puisque le texte a prévu l'existence d'un bureau. La suite reste inchangée : « Il comporte, par priorité et dans l'ordre que le président du conseil exécutif a fixé, les affaires désignées par celui-ci. » Il s'agit d'éviter des malentendus, des confusions, entre la présidence de l'assemblée et celle de l'exécutif.
L'amendement que j'avais déposé en commission réservait pour un tiers des membres de l'assemblée le droit de demander une session spécifique avec un ordre du jour déterminé. Il me paraît acceptable de prévoir que le président fixe l'ordre du jour, car c'est lui qui doit convoquer l'assemblée. Avis favorable.
(L'amendement n° 55 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Il s'agit d'un amendement de cohérence après l'adoption en commission d'un amendement relatif aux compétences et aux attributions de la collectivité territoriale. La population martiniquaise a exprimé le voeu que soient rassemblées les compétences du département et de la région. Or le présent texte ne saurait rester en deçà de la Constitution. C'est pourquoi le rapporteur et la ministre ont accepté un amendement selon lequel toutes les compétences possibles doivent pouvoir être attribuées aux collectivités concernées en fonction de leur réalité propre.
Si des compétences sont données par l'État sans qu'une collectivité demande quoi que ce soit, d'autres compétences peuvent être revendiquées. Par exemple, personne n'avait demandé à l'État le transfert des compétences aux collectivités territoriales en ce qui concerne les routes. Il en va de même pour la formation.
Je propose donc, après l'alinéa 384, d'insérer l'alinéa suivant : « La collectivité territoriale de Martinique a vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à son échelon. » Ainsi sera respecté le principe de subsidiarité inscrit dans la Constitution et dans les traités européens.
Le principe de subsidiarité a valeur constitutionnelle. L'article 72 de la Constitution rappelle que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon. » C'est presque, mot à mot, le texte de l'amendement. Il est inutile de recopier le texte constitutionnel. La commission émet un avis défavorable puisque l'amendement est déjà largement satisfait.
Monsieur le rapporteur, je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Pourquoi, alors, avoir accepté mon amendement en commission ? En maintenant le texte en l'état, vous restreignez l'esprit de la Constitution. Je considère que la formulation selon laquelle « l'assemblée de Martinique règle par ses délibérations les affaires de la collectivité territoriale de Martinique » est totalement fermée. Que signifie l'expression : « les affaires de la collectivité territoriale de Martinique » ? Vous restez dans le domaine conceptuel et demeurez restrictifs.
Il faut au contraire ouvrir des perspectives liées aux réalités de ces collectivités, et surtout leur appliquer le principe de subsidiarité. Vous n'êtes pas maîtres, en effet, de l'interprétation qu'on pourra faire du texte tel qu'il est rédigé. N'importe qui, demain matin, peut considérer qu'on ne peut pas aller beaucoup plus loin. Nous nous situons, nous, dans une perspective d'évolution. Vous devez au moins préciser que, pour cette collectivité, les limites sont balisées et qu'on ne pourra pas changer d'interprétation demain.
Développement et singularité doivent être accompagnés d'autres principes de décentralisation que ceux prévus par le texte ; c'est pourquoi je maintiens le présent amendement.
Je n'ai pas d'objection majeure au point de vue qui vient d'être exprimé, et c'est la raison pour laquelle j'avais accepté votre amendement en commission, monsieur Letchimy. On peut en effet aller un peu au-delà, dans le respect du principe de subsidiarité, à valeur constitutionnelle, j'y insiste. Reste qu'il revient à la loi de déterminer les matières susceptibles d'application du principe de subsidiarité, et non à la collectivité elle-même.
Aussi, en vertu du principe de subsidiarité, à aucun moment l'autonomie de la collectivité territoriale n'est-elle remise en cause. Mais inscrire ce principe dans la loi alors que la Constitution elle-même le définit n'a pas de sens à mes yeux. La commission maintient donc son avis défavorable.
(L'amendement n° 53 n'est pas adopté.)
S'agissant des compétences de l'assemblée en matière de développement, l'amendement n° 75 vise à insérer, à l'alinéa 385, après le mot : « culturel », le mot : « , énergétique ».
L'amendement n° 76 vise à insérer, à l'alinéa 385, après le mot : « culturel », le mot : « , touristique ».
Enfin l'amendement n° 77 vise, à l'alinéa 390, à substituer aux mots : « et culturel », les mots : « , sanitaire, culturel, énergétique, touristique et scientifique ».
Levons toute ambiguïté : les termes : « développement économique » recouvrent bien l'ensemble des éléments visés par M. Marie-Jeanne. Je lui indique par ailleurs respectueusement que, si l'on voulait vraiment tout énumérer, il faudrait y ajouter le développement éducatif. Je lui propose donc de retirer ses trois amendements dans la mesure où ils sont satisfaits.
Je me suis inspiré d'un document signé très récemment par François Fillon et qui visait à clarifier la situation en Corse. Les consultations des institutions locales – départements et région – se déroulent parfois dans l'irrespect des formes. Il arrive même que l'on procède à ces consultations alors que le débat a lieu ici, qu'il s'agisse d'une loi ou d'un décret.
François Fillon rappelle à juste titre qu'il faut absolument respecter les délais prévus pour la consultation : un mois, ou quinze jours en cas d'urgence. En effet, les textes soumis aux assemblées ne sont pas faciles, touchent le plus souvent à de nombreux domaines et nécessitent une expertise. Il est donc essentiel de consulter les institutions locales en respectant absolument les délais qui leur sont consentis.
Or j'ai noté un abus de l'urgence, au nom de laquelle on vous demande de donner un avis en quarante-huit heures ! Il s'agit d'une atteinte à la démocratie. Le texte prévoit qu'en cas d'urgence, l'avis de l'Assemblée de Martinique doit être transmis au représentant de l'État dans un délai de quinze jours ; je propose que la demande de procédure d'urgence soit motivée, afin de rendre caduque une consultation « bidon » qui ne respecterait pas le délai de rigueur.
En admettant que l'on motive, reste la question suivante : qui estimera que la demande est réellement motivée ? On voit bien que, de toute façon, cela ne résout pas le problème.
Le modèle de consultation des collectivités d'outre-mer est identique partout. Le délai est d'un mois – de quinze jours quand il y a urgence. En cas d'absence de transmission d'un avis, celui-ci est réputé donné. Il ne faut pas faire bouger les choses. En voulant clarifier la procédure, on n'obtient pas nécessairement le résultat souhaité.
Si difficulté il y a en ce qui concerne les délais – ce qui, après tout, est possible –, on aurait pu étudier des propositions permettant de passer à deux mois en temps ordinaire et un mois en cas d'urgence. Tel n'est pas l'objet de cet amendement. Il est donc vraiment plus sage d'en rester à la procédure actuelle. Pour cette raison, l'avis est défavorable.
Parfois, en illustrant les choses, on en saisit mieux l'impact. Je vous donnerai donc un exemple très précis. Le Gouvernement a demandé aux collectivités de Guyane et de Martinique leur avis sur les présents projets de loi. Il les a saisies suivant la procédure d'urgence. De mémoire, le courrier est arrivé vers la mi-décembre, ce que M. Letchimy, président de région, pourra confirmer.
Il fallait que les avis soient rendus dans les deux semaines. Je ne sais pas comment cela s'est passé pour la Martinique, mais la Guyane a dû convoquer une assemblée plénière le 27 décembre.
Voilà un exemple de procédure d'urgence non motivée. En effet, nous étudions aujourd'hui des textes – pour lesquels la procédure accélérée a d'ailleurs été également engagée – fixant les élections en 2014. Si le Gouvernement était contraint de motiver le choix de la procédure d'urgence, peut-être cela l'obligerait-il à vérifier qu'il a de vraies raisons de l'imposer.
J'entends bien, au travers de cet exemple, la difficulté tenant à la brièveté des délais. C'est d'ailleurs ce que je cherchais à souligner en réponse à M. Letchimy. Encore une fois, des propositions auraient pu être faites pour porter ces délais à deux mois et un mois. Mais la motivation, en elle-même, ne change rien. En effet, la demande en question aurait très bien pu être motivée et vous auriez pu éventuellement contester le degré de motivation, mais cela n'aurait pas empêché le délai de quinze jours de s'appliquer. Je ne vois donc vraiment pas ce que la modification changerait. Du coup, il me semble plus sage de garder les délais tels qu'ils sont pratiqués aujourd'hui et d'en rester à la procédure actuelle.
Je suis l'avis du rapporteur. Je voudrais toutefois apporter une précision à propos de l'exemple qu'a donné Mme Taubira. Au moment où les textes ont été soumis à consultation auprès des collectivités, le projet prévoyait pour les élections la date de 2012. L'urgence était donc motivée.
Merci de cette précision, madame la ministre. Vous avez parfaitement raison : initialement, la mise en oeuvre était prévue pour juillet 2012. Il y avait donc effectivement urgence. Cela révèle bien d'ailleurs les erreurs d'appréciation considérables, colossales, du Gouvernement !
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, je vais réfréner mon ardeur ! (Sourires.)
La motivation responsabilise, s'agissant du délai. Par ailleurs, vous avez raison de rappeler, monsieur le rapporteur, qu'elle ouvre la possibilité d'un recours. Or nous sommes dans un système démocratique, et Montesquieu disait déjà, dans L'Esprit des lois, qu'« il faut que le pouvoir arrête le pouvoir. » Lorsque le pouvoir n'a aucune contrainte, il peut se permettre d'imposer des délais sans motivation, pour constater, quelque temps après, qu'il s'est trompé – et pas qu'un peu : de deux ans, puisqu'on est passé de juillet 2012 à mars 2014 !
Mais non ! Il y a eu la consultation. Nous suivons la vox populi.
Laquelle ? Moi je fais partie du populus et je ne suis pas d'accord ! (Sourires.)
Bref, je crois vraiment que la motivation contraindra le Gouvernement à avoir une attitude plus responsable par rapport aux délais et, tout en donnant aux collectivités un moyen de recours pour faire vérifier le bien-fondé de l'urgence.
Madame Taubira, j'ai un peu de mal à suivre votre raisonnement. En effet, de deux choses l'une. Ou bien votre amendement a un but dilatoire, et il s'agit alors de manifester le refus de l'urgence et d'allonger le délai. On peut admettre cette position, mais vous comprendrez qu'aucun Gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, n'a intérêt à des mesures dilatoires. Ou bien vous voulez simplement une explication. Mais alors, le résultat sera exactement le même : si vous intentez un recours, vous allez, par la force des choses, repousser l'examen du texte. Même si celui-ci est adopté, le délai aura été allongé alors que telle n'était pas votre intention. Vous obtiendrez donc l'effet inverse de celui que vous visez. Dès lors, la motivation ne me paraît pas justifiée en soi.
Madame Alliot-Marie, avec tout le respect que je vous dois, c'est moi qui ai du mal à comprendre votre raisonnement, qui me semble prendre des chemins de traverse assez inattendus.
Nous parlons de la responsabilisation du Gouvernement. Celui-ci utilise abusivement – je me permets d'employer le terme – les procédures d'urgence. Selon nous, il n'y a pour l'instant aucun rempart contre cette pratique. C'est l'exercice d'une souveraineté absolue, c'est l'arbitraire qui conduit le Gouvernement à utiliser abusivement des procédures accélérées. Le problème n'est pas que vous vous soyez trompés de bonne foi dans l'exemple que j'ai cité : la procédure est utilisée constamment ! L'amendement de Serge Letchimy vise à élever un rempart permettant de responsabiliser le Gouvernement s'agissant de l'usage abusif de la procédure d'urgence.
Ce que je propose mériterait de s'appliquer sur l'ensemble du territoire hexagonal et pas seulement en Martinique et en Guyane !
Je considère que le fait de demander à un préfet ou à l'État de motiver l'urgence est essentiel : cela crée un droit. Actuellement, nous subissons ! On nous demande, sous n'importe quel prétexte, de répondre tout de suite, et il est très embêtant de ne pas répondre.
Mettons que l'on nous soumette un texte sur l'énergie. L'urgence est déclarée, il faut donc répondre en quinze jours. Mais attention : quand vous recevez la demande, les quinze jours sont peut-être déjà entamés, car on ne sait pas si la date qui fait référence est celle de l'expédition ou celle de l'arrivée du courrier. L'acheminement est d'ailleurs quelquefois difficile, parce qu'il y a 8 000 kilomètres à parcourir. Nous sommes, à mon avis, dans une absence de droit, car il n'y a aucune obligation de la part de l'État. Il est presque ridicule de devoir donner un avis lorsqu'on n'a pas eu le temps suffisant pour analyser le texte et se prononcer en toute connaissance de cause. Un mois, c'est déjà peu ; quinze jours, c'est ridicule ! Or c'est le temps que nous avons eu pour la consultation sur les présents textes, l'urgence étant motivée par la décision politique d'organiser l'élection en juillet 2012. Quelle est la motivation réelle ? Quel recours avons-nous ? On nous a expliqué que la vox populi voulait 2012 ; aujourd'hui, on nous dit qu'elle veut plutôt 2014. Où est la vérité ?
J'ai entendu beaucoup de choses. Certes, c'est le délai de quinze jours qui s'est appliqué avec la procédure d'urgence. Je répète toutefois que l'année envisagée était, à l'époque, 2012. De plus, vous faites fi de toute la période de préparation qui a eu lieu en amont de ce texte.
Lorsque le texte est arrivé dans les collectivités locales, vous connaissiez pratiquement la teneur de toutes les propositions qui y figuraient. Vous aviez donc tout à fait la possibilité de vous prononcer. J'en veux pour preuve que certaines délibérations ont eu lieu avant la date. C'est le cas du conseil général de Guyane, qui a délibéré en octobre.
Vous dites que nous avons changé d'avis. Mais nous devions préparer ce texte et, concernant la date, il y avait beaucoup d'interrogations sur le moment auquel il convenait d'organiser les élections. Lorsque le Gouvernement écoute les élus et tient compte de leur position, on parle d'incohérence ; lorsqu'il n'en tient pas compte, on dénonce un diktat de Paris. J'avoue ne plus savoir comment établir un texte lorsqu'il s'agit de le présenter aux territoires ultramarins !
Nous ne sommes pas en train de vous faire un procès d'intention sur la question du lien entre la concertation, les faits et le droit. Il ne faut pas tout mélanger. Certes, la concertation a eu lieu, menée par le Gouvernement et même par le Président en personne. Nous nous sommes réunis ; des propositions ont été faites au congrès. Nous nous sommes beaucoup battus localement, parce que nous n'étions pas sur les mêmes positions, mais la concertation a bien eu lieu. Ce n'est pas de cela que je parle ; je parle de faits, traduits dans le droit. D'ailleurs, au-delà du droit, il y a le principe de démocratie.
Qu'ai-je fait, madame la ministre, lorsque vous m'avez interrogé en ma qualité de président du conseil régional ? La collectivité départementale vous a répondu. J'ai pris connaissance de cette réponse, élaborée en dix jours. À ce sujet, vous avez d'ailleurs dit que la Guyane ne vous avait pas répondu correctement et de manière précise. Mais c'est normal : pour étudier un texte de cette taille-là, vous imaginez bien qu'il faut prendre conseil auprès d'experts. Je vous ai dit, quant à moi, que je ne vous répondrais pas. J'ai décidé de faire du marronnage en décidant de vous répondre seulement deux semaines après. Est-ce ainsi que vous voulez que l'on agisse ? Ce n'est pas possible ! J'aurais aimé pouvoir vous répondre dans des conditions acceptables.
Pour en revenir à mon amendement, je constate la surdité du Gouvernement. Je le maintiens et demande que nous passions passe au vote.
(L'amendement n° 43 n'est pas adopté.)
Ces deux amendements ont en fait déjà été défendus lorsque la question de la représentation dans les délégations non diplomatiques a été abordée. Je n'ai rien à ajouter, sauf qu'il s'agit cette fois de la Martinique.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour présenter l'amendement n° 72 rectifié .
Il s'agit ici du congrès des élus, institution dont je voudrais rappeler l'esprit au rapporteur. Pour votre part, madame la ministre, vous savez exactement, pour y avoir assisté, ce qu'est le congrès dans les départements et régions d'outre-mer.
Le rapport Lise-Tamaya a proposé en 2000 un processus d'évolution institutionnelle. C'est là l'essentiel. On a créé alors ce que l'on a appelé le congrès, sur le modèle de celui qui se réunit à Versailles, rassemblant le Sénat et l'Assemblée nationale. Ici, on a affaire à un congrès rassemblant le département et la région, l'objectif étant de définir des procédures permettant à chaque élu de s'exprimer afin de trouver le consensus le plus large possible sur le terrain pour aller vers un changement de statut et une évolution institutionnelle.
Après le vote du présent texte, le département et la région n'existeront plus. Toutefois, vous entendez maintenir le congrès. À la limite, pourquoi pas ? L'essentiel est que, s'agissant de l'évolution institutionnelle, la porte ne soit pas fermée. Je considère que, dans ce domaine, il y a non pas une ou deux voies, mais davantage. J'ai ainsi défendu le principe d'une troisième voie possible et continue à le faire.
Cependant, je suis gêné par le texte car vous me mettez en situation de vous proposer que certains élus n'aient pas le droit de voter. En effet, les trente-quatre maires de la Martinique vont siéger à côté des élus de la collectivité unique. Cela peut être une très bonne chose, mais si vous voulez que le congrès se prononce sur toutes sortes de sujets, il faut en faire évoluer le principe et modifier le texte de Lise et Tamaya. Si le congrès sert non plus à faire évoluer institutionnellement la Martinique vers plus de responsabilité, plus d'autonomie, mais à aborder des questions de compétences, de transports, d'énergie, d'agriculture et d'économie, etc. c'est la vocation même du congrès qui change. Je pense qu'il ne faut pas donner aux maires le pouvoir de voter, qu'il faut simplement leur proposer de siéger, avec les parlementaires, avec une voix consultative.
Le congrès a été instauré pour permettre la réunion des élus des deux assemblées ; c'était le moyen de réunir tout le monde. Puis les maires et les parlementaires y ont été inclus. Mais il était assez logique, dans le dispositif actuel, que seuls les élus des conseils généraux et des conseils régionaux puissent voter.
Si le congrès doit maintenant devenir le décalque de la nouvelle assemblée, il n'a plus d'utilité. S'il s'agit simplement de réunir à l'extérieur de l'enceinte habituelle les mêmes élus, en y associant les maires et les parlementaires pour éventuellement les écouter ou les informer de telle ou telle évolution, cela n'a pas de sens. Ou on supprime le congrès, et je pense que ce serait une erreur parce qu'il me paraît plutôt intéressant de réunir l'ensemble des élus d'un territoire, ou alors on donne, et c'est ma logique, les mêmes pouvoirs à tous, sachant que ce congrès n'est pas une assemblée de décision mais une assemblée de proposition. Par définition, il s'agit d'une assemblée consultative, pas d'une seconde chambre.
Si on veut être équitable et logique, il me paraît normal que non seulement les élus territoriaux de l'assemblée puissent voter au congrès mais également les maires et les parlementaires, étant entendu qu'au final nous ne sommes pas dans le décisionnel, mais dans le consultatif, ce qui est lié à l'évolution institutionnelle du territoire.
Ce sujet a suscité un long débat.
C'est d'ailleurs le Sénat qui a enrichi le texte en proposant cette formulation. Avec la mise en place de la collectivité unique, la taille du congrès est modifiée. Je pense qu'il est de bonne gestion d'associer tous les acteurs à la réflexion sur des sujets aussi importants que ceux concernant l'évolution institutionnelle. L'ancien congrès comprenait déjà des parlementaires mais leur intervention n'était que consultative. Nous aurions pu nous poser la question de savoir pourquoi ils ne pouvaient pas voter à ce moment-là.
Le Sénat a souhaité modifier le texte du Gouvernement. J'ai trouvé que sa rédaction correspondait à l'esprit même de ce qu'il convient de faire. Voilà pourquoi j'ai émis un avis favorable.
L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin et je trouve la formulation retenue particulièrement intéressante, surtout pour aborder des sujets aussi importants que ceux qui touchent à l'évolution institutionnelle.
Les réunions du congrès étaient, il faut l'avouer, cocasses. Les parlementaires que nous sommes n'avions parfois même pas le droit de nous exprimer, tout juste pouvions-nous donner un petit avis, et pourtant c'était à nous qu'il revenait de défendre ici les idées retenues.
Je comprends l'argument de Serge Letchimy, mais je pense qu'il est tout à fait normal, maintenant qu'il y a une seule assemblée, que les élus martiniquais, les maires, les conseillers et les parlementaires puissent se réunir pour réfléchir sur les grands enjeux qui concernent le territoire martiniquais sans forcément pouvoir prendre des décisions sur tout. Concernant l'aménagement du territoire, on pourrait par exemple donner des avis.
Je suis heureux d'entendre M. Manscour dire qu'il n'a pas toujours apprécié d'être considéré comme une « potiche ». Cela montre la difficulté qu'il y a à être présent, à écouter, éventuellement à parler si on nous y autorise, sans peser sur le choix final. Je ne fais pas de procès mais je crois que le fonctionnement était quand même bancal. Et demain, si seuls les membres de l'assemblée unique avaient le droit de vote, quel intérêt y aurait-il à réunir le congrès ?
Si vraiment on veut que le congrès serve à quelque chose, il faut donner le droit de vote aux autres élus qui en sont membres, à savoir les maires et les parlementaires, d'autant que toute évolution institutionnelle doit forcément passer, par la suite, devant le Parlement. Comment peut-on vouloir empêcher les parlementaires de voter, sachant qu'il ne s'agit que d'un pouvoir de proposition ?
Le système que je suggère n'est peut-être pas parfait mais le système actuel, s'il était maintenu, le serait encore moins. Entre deux maux, je préfère choisir le moindre. Si on veut vraiment responsabiliser les gens, il faut qu'ils puissent exprimer des préférences et voter. C'est l'objet, sans aucune arrière-pensée, de la formulation que nous proposons.
Je ne voudrais pas qu'on caricature ma pensée ou que l'on me fasse des procès d'intention.
Il faut repositionner la vocation du congrès. Le principe retenu par la loi d'orientation pour l'outre-mer de 2000 était de rassembler les deux collectivités en une pour réfléchir à l'évolution institutionnelle.
Ces collectivités étaient élues au regard des perspectives d'évolution du pays, c'est très important. Et les députés n'ont pas la même vocation que les maires. Il ne faut pas tout mélanger.
Je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas que les maires et les parlementaires ne soient pas associés. Au contraire ! Pourquoi pas même ne pas associer également les présidents des EPCI, ou les deux présidents des conseils consultatifs ? Par ailleurs, je n'ai pas le sentiment, je prie M. Manscour de bien vouloir m'excuser de le contredire, qu'on ne m'ait pas laissé parler lors des congrès en Martinique, même si je n'étais pas d'accord.
Ce que je dis, c'est que vous êtes en train de donner une nouvelle vocation au congrès. Encore faut-il l'écrire, parce que, à mon avis, les débats porteront, peut-être légitimement, sur des questions clefs pour la Martinique, notamment le transport, l'économie…
Donner la possibilité aux maires de voter sur l'évolution institutionnelle – c'est vous qui avez rajouté cela, pas le Sénat – constitue, selon moi, un mélange les genres. Un avis des maires me paraît suffisant. C'est un point de vue personnel, que je n'ai pas demandé au groupe de partager. Je suis favorable à ce qu'on maintienne le congrès, je suis favorable à ce que les maires puissent siéger avec voix consultative, mais je considère que vous modifiez la vocation du congrès en donnant aux maires et aux parlementaires la possibilité de voter. Les parlementaires voteront ici.
Je ne fais aucun procès d'intention, et le congrès n'a pas une nouvelle vocation. Sa vocation reste de faire des propositions sur les évolutions institutionnelles et rien d'autre. Nous en parlerons à l'amendement suivant : il ne s'agit pas d'élargir le champ des possibles, le champ des réflexions et des interventions, il s'agit tout simplement d'associer à la réflexion institutionnelle les élus du territoire, prioritairement ceux de l'assemblée territoriale, parce que, numériquement, ils seront les plus nombreux, mais également les maires, qui ont en charge le quotidien du territoire comme tous les maires de France et de Navarre, et enfin les parlementaires, qui auront à se prononcer, le cas échéant, à l'Assemblée nationale et au Sénat si les propositions sont reprises sous la forme d'un projet de loi ou d'une proposition de loi. Il ne s'agit de rien d'autre.
En résumé, il n'y a pas de nouvelle vocation, la vocation reste la même, simplement on donne un statut équivalent à ceux qui pourront voter les propositions, sachant que cela ne reste que des propositions.
(L'amendement n° 72 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 21 .
La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.
Si nous ne sommes pas partisans de donner aux maires le pouvoir de voter sur l'évolution institutionnelle, nous considérons qu'il est désormais nécessaire, puisqu'il n'y aura qu'une seule assemblée et une seule collectivité, de faire en sorte que les maires et les parlementaires puissent donner des avis sur une série de sujets comme l'aménagement du territoire, l'économie, la fiscalité locale. Je ne vois pas pourquoi les maires ne pourraient pas apporter aussi leur pierre à l'édifice.
Vous ne pouvez pas refuser cet amendement. Sinon, vous seriez en contradiction avec vos propositions.
C'est un avis défavorable, compte tenu de ce que nous venons de dire. Il y a une assemblée qui délibère, c'est l'assemblée unique, dotée de compétences reconnues par la Constitution, qui peuvent être autres que celles des régions et des départements aujourd'hui pour tenir compte des spécificités. En aucun cas, il ne s'agit de constituer une assemblée concurrente ou complémentaire délibérant sur des sujets identiques, qui serait le congrès. Pour donner des avis sur les problèmes sociaux, d'aménagement du territoire, d'économie, de fiscalité locale, il y a déjà le conseil économique, social et environnemental. Si vous donnez les mêmes pouvoirs au congrès, on va se retrouver avec une pléthore d'organismes consultatifs qui vont finir par s'emmêler les pinceaux !
On a une instance consultative, le conseil économique, social et environnemental, qui est compétent pour l'aménagement du territoire, l'économie, la fiscalité, etc. On a une assemblée délibérante, qui se prononce sur l'ensemble des sujets dont elle est saisie. Et puis, on a le congrès, qui intervient sur les évolutions institutionnelles, avec l'aide des parlementaires et des maires ainsi que le Sénat l'a souhaité. Si toutes les instances ont les mêmes pouvoirs, même consultatifs, cela n'aura pas de sens et ce sera ingérable. Il ne s'agit absolument pas, avec le congrès, de créer une deuxième chambre.
C'est donc un avis pour le coup très défavorable, à moins que M. Manscour n'accepte de retirer l'amendement.
C'est un vrai sujet. Vous voulez, M. Manscour, élargir les compétences du congrès. En fait, le congrès a vocation à se réunir pour traiter des questions concernant l'évolution institutionnelle. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a suivi l'Assemblée nationale et le Sénat, qui considéraient normal que les maires et les parlementaires puissent avoir une voix délibérative.
Maintenant, la question qui se pose pour vous, c'est de savoir comment associer les autres acteurs publics à la vie et à l'aménagement du territoire. Rien ne vous empêche de créer une commission ad hoc, qui permettrait de consulter les maires ainsi que les présidents d'établissement public de coopération intercommunale, sur le tourisme, l'aménagement du territoire ou la coopération régionale, pour que ces élus soient associés à la vie politique et économique de vos territoires. Mais il ne faut pas mélanger ces prérogatives avec le travail du congrès. Pour éviter toute confusion, ce dernier doit conserver sa vocation majeure, qui consiste à traiter des grandes évolutions institutionnelles.
C'est la raison pour laquelle j'émets sur cet amendement un avis défavorable.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je vous prends en flagrant délit de contradiction.
Un amendement de précision, voté en 2001 par l'assemblée plénière du conseil général, précisait, à propos du congrès, qu'en aucun cas il ne fallait créer, à côté des départements et des régions, une troisième chambre, dotée de toutes les compétences. De ce fait, on a circonscrit aux élus des institutions départementales et régionales le soin de se prononcer sur l'évolution institutionnelle, sans y associer les maires.
Les élus nationaux, qui ont une voix consultative au congrès, peuvent, s'ils le souhaitent, se saisir du dossier en tant que députés ou sénateurs, dans leurs assemblées respectives.
Mais vous êtes en pleine contradiction, car quelles sont les compétences d'un maire ? Ce sont, entre autres, l'aménagement du territoire, le logement, l'eau, l'assainissement, la petite enfance, l'école, le foncier, les routes. Or, en associant les maires au congrès, vous élargissez de fait sa compétence et sa vocation. Vous ne pouvez donner aux maires une voix délibérative et leur dire dans le même temps qu'ils ne peuvent pas parler d'urbanisme ou d'aménagement du territoire. Vous êtes en pleine contradiction ! Que vous le vouliez ou non, dès lors que vous donnez une voix délibérative aux maires, vous changez la nature de cette assemblée. Je considère que les maires peuvent donner un avis, mais qu'il n'ont pas vocation à voter.
Il me semble qu'en Guyane le congrès aborde de multiples thèmes et a de larges compétences, qui englobent les transports et l'aménagement du territoire. C'est ce qui va se produire et empêcher l'évolution institutionnelle vers plus de liberté, plus de responsabilité et plus d'autonomie.
Cher collègue, nous ne sommes nullement dans la contradiction ! On ne peut pas avoir dans une assemblée des gens qui font de la figuration et d'autres qui ont un droit de vote.
Notre objectif, c'est que les maires soient associés et puissent se prononcer sur les évolutions institutionnelles, car ils sont concernés par celles-ci. La nature des assemblées et la définition de l'exécutif ont bien évidemment un impact sur les relations que la commune entretient avec la collectivité associée, tout comme en ont un les politiques régionales et départementales.
Si on élargit les compétences du congrès comme vous le souhaitez, vous risquez de vous retrouver avec une instance qui pourra entrer en conflit avec l'assemblée, laquelle est légitimement élue et exerce des pouvoirs qui lui sont reconnus par la loi et la Constitution.
En matière sociale, environnementale ou fiscale, le Conseil économique et social régional est là pour donner des avis consultatifs et mener des études.
Encore une fois, il ne s'agit pas d'instaurer, sans en avoir l'air, une seconde assemblée, qui risquerait d'entrer en conflit avec la première.
Pas si l'on en reste au champ de compétences initial du congrès, qui se limite aux évolutions institutionnelles. De toute façon, c'est l'assemblée qui convoque le congrès, et, dans ces conditions, je ne vois aucun risque de conflit, sachant, encore une fois, qu'il s'agit d'une instance de propositions et non d'une instance décisionnelle.
La situation à la Martinique n'est pas la même qu'en métropole, où la région regroupe plusieurs départements. Nous sommes sur un petit territoire, avec des compétences partagées : les transports et l'aménagement du territoire.
Nous avons là une occasion idéale de faire se réunir les maires, pour qu'ils se prononcent sur l'aménagement du territoire. Je suis moi-même maire d'une commune, et j'ai souvent du mal à voir le président de l'exécutif ; il serait très pertinent que nous puissions nous réunir pour évoquer les questions liées à l'aménagement du territoire ou à la fiscalité locale. C'est une occasion rêvée, qui ne risque nullement de créer des conflits de compétences. Vous commettriez donc une erreur en rejetant ma proposition.
À tous vous écouter, j'ai envie de dire : il faut dissoudre le congrès, au lieu de continuer les bricolages.
Le congrès a été mis en place à la suite du rapport Tamaya-Lise, pour répondre à la demande des élus qui souhaitaient une évolution statutaire institutionnelle. Le congrès, qui ne repose sur aucun socle juridique, devait se prononcer sur cette dernière et constituer les prémices d'une assemblée unique ou, pour le dire autrement, un « machin » où l'on se réunissait pour voir si l'on était capables de travailler ensemble.
À présent que, dans les deux territoires, des choix de gouvernance ont été faits, quelle est l'utilité fondamentale de ce congrès, si ses compétences se limitent aux évolutions institutionnelles ? Je propose donc sa suppression, car je n'en vois pas réellement l'utilité. Je parle naturellement pour la Guyane.
Je ne voulais pas intervenir sur ce sujet, mais les intervenants précédents nagent en pleine contradiction.
On a simplifié la situation qui existait auparavant en créant une assemblée unique. Et pourtant, on a prétendu que le débat n'était pas clos. Il s'agit donc de mettre en place, sans débordements excessifs, l'assemblée unique. Mais il est tout à fait normal, si le débat n'est pas clos, qu'on associe dans une nouvelle instance les élus de la nouvelle collectivité et les autres élus, à savoir les parlementaires et les maires, mais de façon délibérative. Où est le problème ?
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, dois-je comprendre que le fait de rejeter l'amendement n° 72 rectifié implique ipso facto que les maires et les parlementaires auront un pouvoir de décision ? Ce n'est, à mes yeux, pas un problème.
Par ailleurs, il n'est pas forcément nécessaire – et le président actuel du conseil régional le sait très bien – de convoquer un congrès pour réunir les maires de la Martinique, afin qu'ils organisent les programmes de développement du pays. Rien n'empêche que l'assemblée nouvelle, quel que soit son nom, invite les représentants des catégories socioprofessionnelles et les maires à en débattre, sans nécessairement passer par le congrès.
Rien n'empêche qu'il y ait, d'un côté, le congrès plus spécifiquement attaché à la réflexion sur l'évolution institutionnelle et, de l'autre, des réunions de travail regroupant les élus pour parler des routes, de l'énergie et de ce type de sujets.
En principe, lorsqu'il y a une délibération au congrès, les deux instances, département et région, doivent ratifier la décision séparément, par un vote, dans les quinze jours. Avez-vous donc pensé aux conséquences qu'aura sur cette ratification la participation aux délibérations des trente-quatre maires ? Cela signifie que le congrès va se réunir, avec les maires, qui devront ensuite se prononcer, au sein de leurs instances communales. Cela pose un problème technique et juridique.
Les maires, selon ce qu'avait prévu le Sénat, qui représente les collectivités, ne devaient avoir qu'une voix consultative. Vous leur octroyez une voix délibérative : il faut en tirer les conséquences : les trente-quatre communes devront ratifier la position du congrès.
Bien sûr que si, puisqu'en principe les collectivités doivent ratifier les délibérations du congrès ! Lisez-le, c'est inscrit dans le texte ! Et ceux qui ont une pratique du congrès le savent pertinemment.
Les conseils municipaux devront donc, eux aussi, ratifier les délibérations du congrès. Vous avez créé une usine à gaz !
Il n'y a pas d'usine à gaz ; c'est votre interprétation qui fait du dispositif une usine à gaz ! En aucun cas les communes n'auront à délibérer des propositions du congrès. En revanche, l'assemblée unique doit, elle, se prononcer sur ces délibérations, comme le prévoit le texte.
Je parle sous leur contrôle, mais aucun texte ne prévoit, à ma connaissance, qu'il faille consulter les communes. C'est tout l'intérêt du congrès de constituer une enceinte où peuvent se réunir l'ensemble des élus d'un territoire pour échanger et, le cas échéant, faire des propositions.
S'il s'agit de trouver des modes de fonctionnement différents en matière de fiscalité, d'économie, de transports, rien n'empêche d'organiser, comme cela se pratique sans problème dans n'importe quelle autre collectivité, des rencontres avec l'association des maires, l'association des élus, ou des réunions de services. En aucun cas il n'est question de réunir les communes pour délibérer.
Je le répète, l'assemblée unique restera souveraine pour faire ce qu'elle veut de l'avis qui sera rendu par le congrès. Je crois que, depuis une bonne demi-heure, on complique la discussion sur un sujet qui ne mérite pas tant d'honneur.
Il s'agit d'un amendement de coordination qui vise à mettre à jour les codes des transports et de l'environnement en y intégrant les nouvelles références.
(L'amendement n° 93 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
L'article 6 pose véritablement des problèmes. Lors de la discussion générale, j'ai démontré que la prime majoritaire accordée à la liste qui arrive en tête était excessive. Avec un conseil exécutif déjà monocolore, l'opposition se réduira comme peau de chagrin, ce qui n'est pas une situation saine dans une démocratie.
J'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à supprimer la prime majoritaire.
Les choses se compliquent pour ce qui est de la délimitation des circonscriptions. On ne sait plus où l'on va. Il serait peut-être nécessaire de reprendre la mesure issue du Sénat qui faisait correspondre les quatre sections de la collectivité territoriale avec les quatre circonscriptions législatives actuelles.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, ce que je ne comprends pas, en reprenant l'amendement n° 110 du Gouvernement déposé au Sénat, mais supprime le fait que « chaque section électorale respecte les limites des circonscriptions législatives ».
Cette proposition du Sénat a fait l'objet d'un large consensus à droite comme à gauche. Pour moi, ce revirement est surprenant.
L'un des motifs invoqué par la commission est que les collectivités actuelles n'ont pas été consultées. Cet argument est un faux-fuyant. Le découpage proposé par le Sénat n'a pas été fait dans le secret, que je sache.
Les modifications apportées par la commission des lois de l'Assemblée nationale ne se justifient pas. Cet amendement du Gouvernement renvoyait, pour la Martinique, la délimitation des sections à un décret en Conseil d'État. Cela n'a pas été retenu par les sénateurs car le rapporteur, M. Christian Cointat, démontre clairement le risque de censure constitutionnelle encouru puisqu'en dehors de la délimitation des cantons qui relève du pouvoir règlementaire, la délimitation des circonscriptions électorales est du domaine de la loi.
Plus on avance, plus c'est confus.
Quand vous dites que chaque section électorale doit être composée d'un nombre entier de cantons contigus, vous faites semblant d'oublier qu'il ne s'agit pas d'élections cantonales ; à quoi bon avoir organisé une consultation populaire ? On a voté et le résultat a été acté, approuvé. C'est à n'y plus rien comprendre. Il ne s'agit pas d'élections cantonales, je le répète, mais de l'élection d'une collectivité unique. La délimitation des sections ne peut donc relever que de la loi. Vous êtes en train de complexifier à l'excès.
L'analogie entre les sections et les cantons est donc tout à fait inappropriée. Il y a eu une concertation populaire. Nous nous sommes prononcés sur le sujet et à présent, par derrière, passez-moi l'expression, vous voulez tout modifier.
L'une concerne une élection à la proportionnelle alors que l'autre ne porte que sur un scrutin majoritaire uninominal.
Ce n'est pas ce qui avait été retenu.
En tout état de cause, la commission a considéré qu'un tel renvoi au décret méconnaissait la compétence que le Parlement tient de l'article 34 de la Constitution, qui prévoit que la loi fixe les règles concernant le régime électoral des assemblées locales comme des assemblées parlementaires.
Sur un sujet aussi important, j'aimerais pouvoir parler un peu plus.
Faire référence à une base cantonale n'a aucun sens dans l'optique d'instaurer une collectivité territoriale avec proportionnelle.
Je ne vais pas continuer plus longtemps mais j'espère que tout le monde aura compris.
Il est écrit à l'alinéa 38 que chaque section électorale est composée d'un nombre entier de cantons contigus. Cette condition est déjà remplie en Martinique car aucun n'est à cheval sur deux circonscriptions législatives.
Tirez-en les conclusions.
Je suis intervenu pour vous démontrer comment nous passons notre temps, au nom du prétendu droit commun, à complexifier à l'excès des choses très simples au départ et sur lesquelles tout le monde, moi compris, était d'accord. Ce ne sera peut-être pas le cas aujourd'hui.
Je suis saisie d'un amendement n° 62 .
La parole est à Mme Chantal Berthelot.
Nous avons discuté en commission d'un point qui fait encore l'objet d'un vrai débat entre le Sénat et l'Assemblée, puisque le Sénat propose que soit figée dans la loi la répartition des sections. Notre rapporteur considère quant à lui qu'il faudrait revenir au droit commun. J'aime de plus en plus cette expression….
L'amendement vise à remplacer « d'un nombre entier de cantons » par « de territoires ». Sur la base du texte du Sénat, j'avais proposé de modifier l'une des sections. Il a ainsi été fait du canton du Maroni, le plus grand de France, une section entière, comprenant cinq communes : Maripasoula, Papaichton, Apatou, Grand-Santi et Saül. Nous avions déjà demandé que ce canton soit redécoupé. La cohérence géographique et territoriale voudrait en effet que l'on regroupe au sein d'une même section les communes d'Apatou et de Saint-Laurent du Maroni, car elles sont reliées entre elles non seulement par le fleuve – qui est presque une autoroute car cette partie de son cours ne comporte aucun saut – mais aussi, dorénavant, par la route.
Si vous conservez la notion de canton entier, nous ne pourrons pas vous proposer des sections beaucoup plus cohérentes sur le plan territorial, alors qu'il faut permettre à ces collectivités de se projeter dans l'avenir.
La population de la Guyane augmente, en particulier dans la zone ouest, où la représentation devrait par conséquent être mieux assurée. L'adoption de cet amendement permettrait de laisser une marge de manoeuvre aux élus de Guyane de demain.
Ce ne serait pas constitutionnel. Le Conseil constitutionnel, dans une décision de novembre 1986, a considéré que le canton était une subdivision administrative électorale dont les limites doivent être, d'une manière générale, respectées.
Par ailleurs, la délimitation des cantons n'est pas figée. En application de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, il est toujours possible de modifier les limites territoriales des cantons par décret en Conseil d'État après consultation du conseil général.
La commission a repoussé cet amendement et je suis d'accord avec vous : il faut préparer l'avenir.
Là est la question de fond : faut-il conserver les cantons, dont vous venez de rappeler, monsieur le rapporteur, que ce sont des circonscriptions administratives et des circonscriptions électorales ?
L'existence du canton, dans l'histoire de notre République, se justifie par le fait qu'il sert de cadre à l'élection des conseillers généraux et qu'il est utilisé, en tant que circonscription administrative, par certains échelons de déconcentration de l'État.
Dès lors que la logique de cette loi consiste à supprimer les départements et les régions pour ériger la collectivité unique, dès lors que l'on modifie le système électoral et que le canton n'est plus une circonscription électorale puisque l'on passe aux sections, comment justifier le maintien des cantons ? Le Gouvernement doit nous donner la logique de l'architecture de ce texte car on ne voit plus très bien à quoi correspond le canton ni à quel usage juridique, démocratique ou électoral il peut servir. Le Gouvernement doit clarifier sa position.
C'est simple, nous restons dans le cadre de l'article 73 : au niveau du régime électoral, nous devons prendre garde à ce que notre texte ne devienne pas inconstitutionnel. Nous avons d'ailleurs très clairement indiqué au départ que la délimitation des circonscriptions électorales relevait du domaine règlementaire. Nous avons beaucoup débattu de cette question, et j'en profite pour répondre à M. Marie-Jeanne que l'amendement du Gouvernement était un amendement de repli. Le Sénat considérait que la question relevait du pouvoir législatif. Pour sécuriser le texte et s'assurer que serait respecté un découpage conforme à la Constitution, j'ai déposé un amendement et j'ai été amenée, dans des conditions qui n'étaient peut-être pas satisfaisantes, à vous consulter les uns et les autres puisque je savais que le Sénat n'était pas d'accord avec le Gouvernement sur ce point. L'Assemblée nationale revient aujourd'hui sur cette question et je m'en réjouis. Nous allons en discuter et entendre les propositions des uns et des autres, mais d'ores et déjà je vous mets en garde contre le risque de rendre le texte anticonstitutionnel.
Je vous rappelle d'ailleurs que des arbitrages ont été rendus sur le découpage. Le Président de la République en a notifié par courrier les grandes lignes. Nous élaborons le texte sur cette base et il sera soumis pour consultation aux collectivités.
Même si nous admettions que notre raisonnement était faux – je maintiens évidemment qu'il est juste, pour des raisons constitutionnelles que Mme la ministre a fort bien rappelées –, il n'en demeurerait pas moins que, dans tous les cas, l'amendement serait déjà satisfait. En effet, l'alinéa 14 de l'article 6 précise : « La délimitation des sections tient compte de l'étendue géographique de la Guyane, de l'éloignement des centres de vie et de la diversité du territoire. » Tout est dit.
Cet alinéa fixe en quelque sorte des objectifs qui, ayant valeur législative, s'imposeront demain au pouvoir réglementaire. Il met en avant les trois préoccupations, au demeurant fort légitimes, que Mme Berthelot a évoquées en présentant son amendement. Ce dernier est donc à tout le moins satisfait.
Mme la ministre est intervenue sans répondre à ma question, et M. le rapporteur a détruit mon secret espoir de l'entendre nous expliquer la logique des délibérations de la commission des lois.
Dans le nouveau contexte institutionnel, à quoi servent les cantons – si ce n'est à éviter toute objection quant à la constitutionnalité de la réforme ?
Sur le plan électoral, nous créons des sections et, en matière administrative, il n'y a plus de conseil général. Je le demande à nouveau : à quoi servent les cantons ? Les conservons-nous uniquement pour définir les sections ? Dans ce cas, il s'agit d'un empilement institutionnel et administratif qui ne fait que rendre les choses beaucoup plus complexes.
Après avoir essuyé un échec en 1982, nous parvenons enfin à faire administrer la collectivité par une assemblée unique, et vous voudriez que nous conservions toutes les structures héritées de l'histoire institutionnelle de notre République depuis deux siècles ! Si nous voulons faire neuf, faisons neuf ! Nettoyons les textes, et supprimons ce qui ne sert plus à rien sur le plan électoral, administratif ou démocratique !
Si vous ne le faites pas, alors expliquez-nous au moins pourquoi vous maintenez les cantons afin de délimiter les sections qui composeront la nouvelle carte électorale de Guyane !
Parce que nous ne pouvons pas faire autrement !
Plutôt que de se référer aux cantons, peut-être serait-il préférable d'annexer une carte au projet de loi.
En fait, cher Bernard Lesterlin, contrairement à ce que vous pensez, la ministre vous a répondu. En effet, ce débat a un enjeu : il s'agit de savoir qui, du Gouvernement ou du Parlement, tracera la carte électorale.
J'ai suivi le débat qui a opposé le Sénat et le Gouvernement. Le premier plaidait pour que la délimitation des sections et l'attribution des sièges relèvent de la loi. Le second souhaitait que le pouvoir réglementaire s'exerce en la matière. Pour que le Gouvernement parvienne à ses fins, il fallait nécessairement que la loi fonde le découpage électoral sur les cantons afin d'éviter la censure.
Telle est l'unique raison pour laquelle le projet de loi maintient les cantons. Ils n'auront aucune réalité administrative ou électorale : ils permettront seulement au Gouvernement d'éviter que la délimitation des sections et la répartition des sièges entre ces dernières n'échoient au Parlement.
Le rapport du Sénat comportait une proposition de répartition des sections et des sièges. Ce tableau ne faisait pas l'unanimité ; il ne réunissait même pas une majorité. Nous ne reviendrons pas sur une arithmétique contestable. (Sourires.) Deux autres propositions ont été faites ultérieurement. Évidemment, ces projets pouvaient donner lieu à des contestations – ainsi, je crois savoir que la Martinique, pour ce qui la concerne, n'était pas totalement satisfaite de ce qui était prévu.
Si ces tableaux avaient été inscrits dans la loi, leur contestation et leur modification auraient été difficiles. Il aurait fallu pour ce faire trouver un calendrier, un véhicule législatif et une opportunité. En revanche, si cette répartition relève d'un décret, les modifications peuvent être apportées plus simplement. De plus, le renvoi au décret donne un délai supplémentaire pour procéder à des consultations – même si mon expérience me permet d'affirmer que les consultations auxquelles procède le Gouvernement ne font pas nécessairement apparaître des propositions qui recueillent l'assentiment d'une majorité.
Madame la ministre, au Sénat, à la tribune, vous aviez envisagé un aménagement qui permettrait de passer par une ordonnance plutôt que par le décret…
Je ne m'en souviens pas !
Je vous enverrai au ministère une copie du compte rendu des débats
En bref, les cantons sont maintenus dans le seul but de permettre au Gouvernement de délimiter les sections et de répartir les sièges. Si nous les faisions disparaître, il reviendrait au Parlement d'opérer ces choix puisque le projet de loi ne pourrait plus s'appuyer que sur une circonscription unique.
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne. Je lui demande de bien vouloir limiter son intervention à deux minutes.
J'espère que vous ne m'en voudrez pas de citer exceptionnellement Aimé Césaire. Ses propos vont vous déplaire, je le crains.
En effet, selon lui, les cantons provoquent « un système clos qui fait de chaque maire le conseiller général de la commune-canton, et de chaque conseiller général un conseiller régional du département région. »
Il va plus loin, le 29 septembre 1982, à la tribune de cet hémicycle, lors du débat sur l'adaptation de la loi du 2 mars 1982 aux départements d'outre mer : « L'anomalie monodépartementale n'est pas supprimée – ce serait difficile – mais elle est assumée. L'absurdité est corrigée. Enfin, l'injustice est réparée. Le canton ayant été de fait supprimé, non pas par vous, mais dès 1949, on en prend acte et l'on remplace le scrutin cantonal par le scrutin départemental proportionnel. Il s'agit là, de toute évidence, d'un pas important dans la bonne direction. Je veux dire un pas en avant de la démocratie, d'un pas en avant dans la démocratie. »
Aujourd'hui, vous voulez rendre les choses encore plus complexes. À quoi bon avoir consulté le peuple ? À quoi bon tout ce travail pour finalement nous renvoyer aux calendes grecques ? A terme, après de nouvelles consultations, vous effectuerez un découpage en huit sections dont on ne peut rien savoir aujourd'hui parce vous choisirez entre de multiples options.
(L'amendement n° 62 n'est pas adopté.)
Je reviens un instant sur le débat précédent : nous devons savoir s'il faut maintenir une base cantonale pour nous assurer de la constitutionnalité de la réforme. J'estime qu'il faut procéder aux vérifications nécessaires pour éviter toute censure. Tout en acceptant le principe d'une circonscription unique, nous proposons de fixer le nombre de sections électorales à huit, ce qui permet de ne pas nier la géographie. Dans ce cadre se tiendra une consultation à la proportionnelle.
L'amendement n° 50 vise à porter le nombre de membres de l'Assemblée de Martinique de cinquante et un à soixante et un.
Le nombre proposé de cinquante et un élus ne correspond pas à la réalité des besoins. Monsieur le rapporteur, nous sommes aujourd'hui quatre-vingt-six, le Congrès de la Martinique auquel vous n'avez pas assisté a proposé d'élire soixante et un conseillers, cela me semble beaucoup plus réaliste. Nous travaillons en effet dans de multiples commissions.
Vous faites des comparaisons qui ne sont pas raison en citant votre propre département. Un plus grand nombre de conseillers devrait permettre à l'Assemblée de Martinique de mieux fonctionner, d'autant qu'elle pourra intervenir dans le domaine de la loi et du règlement, et qu'elle sera confrontée à un exécutif composé de neuf personnes. Par ailleurs, nous pourrions ainsi mieux occuper le terrain.
Madame la ministre, vous voulez faire des économies dans le cadre de la réforme territoriale et vous transposez aux élus le principe des suppressions de fonctionnaires que vous appliquez à l'éducation. Cela peut aller contre la démocratie et la construction d'une société viable.
Soyons clairs : la volonté de créer une assemblée unique s'accompagne de celle de voir siéger un nombre un peu resserré d'élus. Nous ne pouvons pas nous contenter d'additionner le nombre d'élus régionaux et départementaux en maintenant le statu quo.
Je rappelle que ce qui vaut en Martinique et en Guyane a aussi joué en métropole où, quelles que soient les polémiques liées à l'avenir des conseillers territoriaux – je vois bien se dessiner quelques sourires sur certains bancs de notre assemblée –, il n'a jamais été question d'additionner conseillers régionaux et généraux pour parvenir à un nombre pléthorique de conseillers territoriaux.
Par ailleurs, je vous signale que si l'on ajoute les cinquante et un membres de l'Assemblée de Martinique aux neuf membres du conseil exécutif – ces derniers sont remplacés par leur suppléant au sein de l'Assemblée – on parvient à un total de soixante membres, et non cinquante et un.
Il y a une diminution du nombre d'élus, c'est exact. Elle me semble toutefois conforme à la réalité du terrain. De plus, j'ose à peine le rappeler : avec soixante élus pour 400 000 habitants, la Martinique sera dans une position plus favorable que le département de la Manche, pourtant magnifique, qui, malgré ses 500 000 habitants, ne sera représenté, le cas échéant, que par trente-neuf conseillers territoriaux. Certes, comparaison n'est pas raison, mais il me semble que la Martinique bénéficie d'un équilibre satisfaisant.
En conséquence, la commission est défavorable à l'amendement.
Même avis.
(L'amendement n° 50 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 80 .
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.
Cet amendement propose de substituer aux alinéas 38 à 40 deux alinéas, dont le premier est ainsi rédigé : « Art. L. 558-7. – La Martinique forme une circonscription électorale unique, composée de quatre sections qui correspondent aux circonscriptions pour l'élection des députés en Martinique telles qu'elles figurent au tableau n° 1 annexé au présent code et dont la délimitation est fixée conformément au tableau ci-après : »
Et, pour chaque section, le tableau du second alinéa fait correspondre un nombre déterminé de candidats : section du Centre, 16 ; section du Nord, 15 ; section de Fort-de-France, 14 ; section du Sud, 15.
Il s'agit de reprendre une mesure issue du Sénat, pour éviter les désagréments que l'on risque de connaître après avoir autant complexifié les choses.
L'Assemblée et le Sénat ont en effet des points de vue différents. L'amendement demande un retour au texte du Sénat. Je crois qu'il n'est ni nécessaire ni souhaitable d'inscrire dans la loi des dispositions qui, de façon traditionnelle, relèvent du pouvoir réglementaire. J'emploie à dessein l'adjectif « traditionnelle », puisque notre collègue Chantal Berthelot m'a reproché tout à l'heure d'utiliser l'expression « de droit commun ».
Au-delà, dans l'intérêt du territoire, la formule législative a l'inconvénient d'empêcher la consultation préalable des assemblées délibérantes et, par conséquent, de recueillir en amont leur avis, qui me paraît nécessaire, voire indispensable, si nous voulons réussir la réforme.
La commission des lois a retenu une solution intermédiaire, qui, tout en respectant la volonté du Sénat de renforcer le contrôle du Parlement sur la délimitation des sections électorales – car nous faisons preuve de bonne volonté –, permet de limiter les inconvénients que j'évoquais précédemment.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à l'amendement n° 80 .
(L'amendement n° 80 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 59 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
Cet amendement a déjà été défendu.
(L'amendement n° 59 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 61 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
Il serait intéressant de conduire une étude juridique très précise sur le maintien des cantons. Dans ce cas, en effet, le découpage est lié aux cantons existants et le regroupement de cantons peut ne pas correspondre à une réalité humaine, géographique et économique. C'est pourquoi nous proposons la suppression de la dernière phrase de l'alinéa 38, qui fait que les sections sont regroupées dans des cantons. Toutefois, s'il y a là un principe constitutionnel à respecter, je suis prêt à retirer mon amendement.
Ne nous perdons pas en arguties : cet amendement représente une vraie difficulté constitutionnelle, un vrai risque. Je vous propose donc en effet de le retirer.
Je vous fais confiance et, sous réserve de vérification, je retire donc mon amendement.
(L'amendement n° 61 est retiré.)
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 8 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ;
Discussion du projet de loi organique modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Discussion du projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma