La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 158 à l'article 2.
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, mes chers collègues, tout au long de ce débat, nous avons affirmé que, compte tenu des résultats obtenus par la négociation, les choix du projet de loi ne paraissaient pas du tout judicieux. Avec cet amendement n° 158 , nous formulons une proposition alternative, qui consiste à remplacer l'intervention obligatoire de la loi par l'appel à la négociation.
J'en profiterai pour rappeler les conditions créées par l'annonce même de la loi. Jusqu'à présent, à la SNCF ou à la RATP, des accords existaient qui avaient fait la preuve de leur efficacité. Du reste, personne ne les met sérieusement en cause, puisqu'il est simplement proposé de les adapter. Il est vrai que, au moment du débat de mai 2006, quand votre majorité, le gouvernement et M. Perben ont choisi — option que nous défendons aujourd'hui — de privilégier la négociation, la charte de la prévisibilité s'appuyait sur une référence à un accord de branche. Sans doute, la négociation de cet accord n'est pas intervenue comme nous l'aurions souhaité, mais c'est manifestement parce que vous avez annoncé la loi. De ce point de vue, les déclarations des représentants de l'Union des transports publics, l'UTP, devant la commission spéciale ont été assez édifiantes. Je vous renvoie au rapport : ils ont dit, en des termes choisis, que la négociation n'était pas leur choix prioritaire. Ils ont benoîtement expliqué que, dès lors que, à la fin de l'année 2006, la France était entrée dans le processus démocratique de l'élection présidentielle, dès lors que s'était profilée la perspective qu'un des candidats puisse, une fois élu, mettre en oeuvre son programme, dès lors que la loi avait été annoncée, ils n'avaient plus aucune raison de poursuivre la négociation, ils n'avaient, en tout cas, pas plus de conviction que d'enthousiasme pour la faire aboutir. C'est ainsi qu'ils ont tranquillement attendu la loi.
Cet état d'esprit risque de se manifester de nouveau par la suite. En effet, lorsque, dans le projet de loi, vous dites que, en cas d'échec de la négociation, on aura recours à un décret, c'est-à-dire à l'intervention du pouvoir réglementaire, l'histoire est déjà écrite. S'il y avait eu une négociation, je pense qu'elle aurait abouti, mais ceux qui l'ont refusée, parce que vous leur aviez promis la loi, la refuseront de nouveau à l'avenir puisque vous leur promettez le décret. La ligne de partage entre nous passe bien là, entre le pari de la négociation qu'il fallait mener jusqu'au bout et à laquelle il fallait donner toutes les chances de prospérer, et ce que vous nous proposez.
Nous avons donc souhaité, à travers cet amendement, faire des propositions reposant sur deux principes que nous déclinerons dans des amendements ultérieurs : d'une part, le principe majoritaire pour la validité des accords, car de cette question dépend le contenu même de la démocratie sociale, et, d'autre part, la remise en oeuvre du principe de faveur, car les salariés et l'ensemble des petites ou moyennes entreprises demandent que l'on réhabilite la référence à l'accord de branche. C'est autour de ces deux principes que nous articulons notre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 158 .
rapporteur de la commission spéciale. Cet amendement a été repoussé par la commission. Il prouve en effet que subsistent quelques malentendus sur la rédaction de cet article 2. Il n'est pas exact de dire que le dialogue social n'a pas toute sa place dans le projet. Comme vous venez de le dire, le projet de loi confie à la négociation collective d'entreprise ou de branche le soin de définir les conditions de la nouvelle négociation préalable. Il faut donc se garder d'instruire un faux procès.
D'autre part, il est vrai que le projet affiche un objectif d'efficacité : une signature doit être obtenue au plus tard le 1er janvier 2008. Vous le rappeliez tout à l'heure, cela est conforme à l'engagement du Président de la République comme à l'obligation de résultats qu'a évoquée le ministre du travail, Xavier Bertrand. Il est donc normal de prévoir le cas où la négociation n'aboutirait pas, même si nous espérons que cela n'arrivera pas. Mais je veux rappeler – et ceci est important – que, même après le 1er janvier 2008, même après l'entrée en vigueur éventuelle du décret en Conseil d'État, si un accord est conclu, ce sont ses dispositions qui prévaudront.
rapporteur. Il ne faut donc pas se méprendre : dans toutes les hypothèses, priorité est donnée au dialogue social.
J'ajoute que cet amendement comporte des dispositions dérogatoires au droit commun de la négociation collective en ce qui concerne les conditions de majorité et la question de la hiérarchie des normes. Or, ce n'est bien sûr pas le but du présent texte que d'ouvrir de tels débats, qui font par ailleurs l'objet de concertations avec les partenaires sociaux. Je suis persuadé que nous aurons l'occasion de revenir sur cette question à l'occasion de l'examen de prochains amendements.
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 158 .
Le Gouvernement émet un avis défavorable. Je l'ai dit hier à la tribune : depuis le temps qu'on en parle, depuis le temps que des conventions ont été signées entre, par exemple, la SNCF et les régions, on doit être capable d'aboutir en cinq mois. Si l'on n'y arrive pas, je crois qu'on n'y arrivera jamais.
Non, cinq mois : août, septembre, octobre, novembre, décembre.
Il n'y a jamais de vacances pour ceux qui s'intéressent aux usagers, monsieur Muzeau.
M. Fischer, que j'ai vu tout à l'heure – et qui est quelque peu nostalgique de l'époque où vous étiez sénateur – me le confirmait : ceux qui s'intéressent aux usagers n'ont ni envie ni besoin de vacances.
Vous n'allez tout de même pas supprimer les vacances après avoir supprimé le lundi de Pentecôte !
Pour être aussi précis que possible, je voudrais également répondre à une question soulevée par Alain Vidalies. Vous avez, monsieur le député, fait allusion au fameux décret en Conseil d'État. J'ignore si vous avez vérifié, et je suis prêt à vous lancer un défi, mais ce n'est pas à moi que vous avez posé la question en commission. Je m'en souviendrais. C'est peut-être à Dominique Bussereau.
Il ne s'agit pas d'un « tort », monsieur Néri. Que faites-vous de la solidarité gouvernementale ?
Cela ne doit pas vous dispenser de répondre à la question, monsieur le ministre !
Il est important de préciser que le décret en Conseil d'État visé au dernier alinéa du I de l'article 2 n'est pas un décret d'application classique, mais un décret supplétif qui n'a donc vocation à intervenir que dans l'hypothèse où aucun accord-cadre n'aurait pu être conclu ni dans les entreprises de transport ni par la voie d'un accord de branche.
En outre, l'application du décret a vocation à s'effacer chaque fois qu'un accord sera conclu, même après le 1er janvier 2008, afin de privilégier chaque fois la négociation collective.
J'ai entendu vos questions, qui étaient sincères, et je tiens à vous répondre tout aussi sincèrement. Telle est notre logique. Il ne s'agit absolument pas d'un décret d'application, mais d'un décret à vocation supplétive.
Je souhaiterais rappeler à M. le ministre que, en fin d'après-midi, il n'a pas répondu aux remarques que nous formulions, mes collègues socialistes et moi. Une fois de plus, à propos de cet amendement n° 158 , il a éludé la question qui fâche.
C'est la question ou la réponse qui fâche ?
Les deux fâchent ! (Sourires.)
C'est bien volontairement que vous avez omis de répondre à une question fondamentale. Depuis la loi Fillon de 2004, vous avez inversé la hiérarchie des normes.
Ah non !
Vous dites, monsieur le ministre, que les accords-cadres, qui sont en fait des accords d'entreprise, peuvent déroger aux accords de branche, même s'ils sont moins favorables. Dès lors que vous leur donnez la primauté, alors que vous savez pertinemment que, dans les petites entreprises, ils seront en dessous du niveau des accords de branche – ceux que souhaiterait privilégier l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, que vous refusez d'écouter puisque l'UTP n'en veut pas −, vous mettez en danger des dizaines de milliers de salariés de petites entreprises de transport pour lesquels le droit consistera à subir la volonté patronale.
Je souhaiterais répondre à M. le ministre sur deux points. Il n'y a aucun malentendu et nous sommes parfaitement d'accord sur ce que vous avez rappelé, sur l'interprétation qu'il convient de donner à cet article et sur la valeur supplétive du décret. Nous disons simplement que l'idée même de cette procédure – qui, en cas d'échec de la négociation, envisage d'ores et déjà l'intervention du pouvoir réglementaire – est celle qui nous a conduits à ce texte. C'est également celle que l'UTP, interrogée par la commission, invoque pour expliquer l'échec de la négociation.
Par ailleurs, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir bien précisé qu'il ne s'agissait pas d'un décret d'application, mais d'un décret supplétif. Cela me paraît extrêmement important dans la perspective d'un recours devant le Conseil constitutionnel : le Conseil précise en effet que c'est le législateur, et lui seul, qui a compétence pour encadrer l'exercice du droit de grève. Si c'est un décret d'application, la question pouvait se poser ; si ce n'en est pas un, je vous remercie de l'avoir précisé car cela permettra au Conseil constitutionnel de se prononcer en toute cohérence.
Monsieur Vidalies, je ne désespère pas de vous faire évoluer. J'ai bien compris qu'hier vous envisagiez déjà de déposer un recours auprès du Conseil constitutionnel. Je vois que ma réponse vous a interpellé…
Sait-on jamais, monsieur Vidalies !
S'agissant de la hiérarchie des normes, question qui a été soulevée hier, et de nouveau à l'instant parRoland Muzeau : premièrement, la position qui a été adoptée, c'est tout simplement la reprise de la position commune des organisations syndicales de juillet 2001 ; deuxièmement, le dispositif reste encadré par l'accord de branche ; troisième élément très important : cela reste encadré par la loi sur des points qui ne sont pas mineurs, comme les salaires, la prévoyance et les classifications
La position commune n'est pas un document contractuel, monsieur le ministre, vous le savez pertinemment ! C'est un relevé de conclusions !
Et faire confiance aux syndicats, est-ce que ça n'a pas de valeur, monsieur Muzeau ?
Moi, je fais confiance aux syndicats !
Je suis saisi d'un amendement n° 159 .
Je crois que, sur le fond, il a déjà été débattu à l'article 1er. Je vous demande donc, M. Vidalies, de le soutenir brièvement.
Je vais le défendre sur la base d'une argumentation un peu différente, monsieur le président.
Nous souhaitons que l'article 2 ne s'applique qu'aux entreprises de cinquante salariés et plus – je ne reviens pas sur l'argumentation que j'ai déjà exposée, concernant plus particulièrement la position de l'UPA. Cela soulève d'ailleurs une difficulté d'interprétation du projet : nous débattons depuis quelques heures de la notion d'accord-cadre, mais c'est tout de même une novation juridique dont la définition n'est pas très précise. Le rapporteur s'est naturellement posé la question puisque je lis dans son rapport, à la page 159 : « La notion d'accord-cadre n'est pas juridiquement très définie ». Nous sommes en train de faire la loi à l'Assemblée nationale sur la base d'un concept dont le rapporteur lui-même relève qu'il n'est pas très défini. C'est tout de même une circonstance un peu étonnante.
Demain, je vous laisse à penser les difficultés d'interprétation que cela peut soulever pour ce qui concerne notamment l'insertion de cette nouveauté dans la hiérarchie des normes, à côté des concepts mieux maîtrisés d'accord d'entreprise, d'accord de branche, de convention interprofessionnelle. Vous avez sans doute vos raisons pour imaginer cette notion sui generis, mais cela mériterait d'être précisé. En tout cas, voilà un motif de plus pour écarter les petites entreprises du champ d'application de cette invention, comme elles l'ont du reste demandé devant notre commission.
Je comprends votre souci de prévoir des modalités de mise en oeuvre de l'article 2 dans les plus petites entreprises. Cette préoccupation est louable, et conforme à l'enseignement que nous avons tiré des auditions. Je me félicite d'ailleurs de cet amendement puisqu'il atteste, après l'amendement de suppression de l'article présenté par le groupe socialiste, de son souhait d'améliorer le dispositif.
Cependant, la solution proposée par l'amendement conduirait à un résultat inverse du résultat recherché. En effet, pourquoi empêcher les entreprises qui le souhaiteraient de négocier et de conclure un accord-cadre ? S'il est exact que la négociation collective est parfois plus difficile, il faut le reconnaître, pour les petites entreprises que pour les grandes, il semble abusif de considérer qu'il ne faut pas laisser sa chance au dialogue social dans les petites entreprises.
Dois-je rappeler, comme M. le ministre l'a fait tout à l'heure, que depuis la loi de mai 2004 un accord collectif de branche peut prévoir, en l'absence de délégués syndicaux, la possibilité de négocier avec les représentants élus du personnel ou, s'il n'y en a pas, avec des salariés mandatés ?
Et quand bien même la négociation n'aurait pas lieu – ce qui peut arriver –, le texte du projet de loi prévoit d'ores et déjà qu'un accord de branche peut intervenir, lequel s'appliquera dans les entreprises dépourvues d'accord-cadre. Cet amendement est donc inutile, voire contre-productif.
En outre, la notion d'accord-cadre permet de rendre compte que l'accord d'entreprise donne les règles du jeu de la négociation préalable. Il ne fait pas de doute, dans le texte de l'article 2, qu'il s'agit d'un accord d'entreprise de droit commun.
Pour toutes ces raisons, il est souhaitable que l'amendement soit repoussé.
Même avis.
Je remercie M. le rapporteur de sa réponse parce que nos travaux servent aussi à l'interprétation de la loi. S'agissant de l'accord-cadre, sur lequel on pouvait s'interroger, il vient de dire très précisément – et cela servira pour la suite de nos débats – qu'il s'agit en réalité d'un accord d'entreprise de droit commun. Dès lors, on se demande bien pourquoi il est écrit, à l'article 2, non pas « accord d'entreprise » mais « accord-cadre ». Mais votre interprétation, monsieur le rapporteur, sera utile, même s'il vaut mieux faire des lois lisibles. Chaque utilisateur de la loi, chaque citoyen, n'est pas forcément un expert en la matière, et il va lui falloir découvrir la notion d'accord-cadre alors que vous-même dites que c'est un accord d'entreprise, donc un dispositif qui est dans le droit commun. Cela aurait été tout de même beaucoup plus simple et beaucoup plus lisible de l'écrire. Si l'accord-cadre ne présente aucune particularité, autant utiliser le terme bien connu d'accord d'entreprise.
J'en viens à l'amendement n° 160 , qui me paraît constructif. Monsieur le rapporteur, vous vous félicitez parce que nous nous efforçons maintenant de modifier l'article et non plus de le supprimer ; mais c'est le rôle de l'opposition : on vous dit que nous sommes contre, nous déposons des amendements de suppression, mais n'interprétez pas nos autres amendements comme une adhésion ! Sinon, on viendrait pour dire qu'on est contre et on s'en irait. Ce n'est pas comme cela qu'on élabore la loi !
L'amendement propose d'utiliser le mandatement pour les organisations syndicales non représentées dans l'entreprise. Cette proposition n'a aucun contenu particulier du point de vue idéologique, et vous pourriez parfaitement l'accepter puisque vous souhaitez que la négociation ait lieu, y compris dans les petites entreprises. Nous préférerions la branche, mais si votre solution doit être retenue, il faut prévoir dans le texte la référence au mandatement, qui apparaît déjà dans deux lois votées sous deux majorités différentes – la loi du 13 juin 1998 et la loi du 4 mai 2004. Ce serait un complément utile au dispositif et permettrait de mieux reconnaître le rôle des syndicats.
La commission a repoussé cet amendement. Sa rédaction me paraît ambiguë.
Soit l'amendement crée une nouvelle procédure de mandatement spécifique à la signature des accords-cadres – ce qui semble résulter de l'exposé sommaire –, et il est dans ce cas très lacunaire sur le plan du régime juridique du mandatement : absence de définition juridique des salariés mandatés, absence de définition des mentions devant figurer dans le mandat, des conditions d'approbation de l'accord signé par un salarié mandaté et des conditions d'entrée en vigueur de l'accord de mandatement, etc. ; il me semble pour le moins lourd de créer ainsi un nouveau régime qui n'est pas nécessaire au regard du droit existant. Soit l'amendement ne crée pas une nouvelle procédure – solution qui aurait ma préférence –, et à l'évidence il est inutile.
En outre, la procédure de droit commun de mandatement est d'ores et déjà prévue de manière précise et détaillée à l'article L. 132-26 du code du travail, introduit par la loi du 4 mai 2004 à laquelle vous avez fait référence. Et cette procédure trouve à s'appliquer dans l'ensemble des entreprises dès lors qu'un accord de branche le prévoit, sans qu'il soit besoin de le préciser expressément.
Je partage l'argumentation du rapporteur. Je ne dirai que l'amendement est inutile, mais qu'il est satisfait car ce sont bien les règles établies par la loi de 2004 qui s'appliquent.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs heures vous nous dites, à chaque fois que nous présentons un amendement : « avis défavorable ». Et comme on s'étonnait de cette cascade d'avis défavorables, vous nous avez annoncé une bonne surprise.
Plusieurs !
J'avais cru que la bonne surprise allait arriver à l'occasion de cet amendement n° 160 …
Vous êtes impatient !
…car vous nous dites depuis le début de nos débats, monsieur le ministre, que vous êtes pour favoriser le développement du dialogue social. Nous le sommes aussi. Vous savez que pour que le dialogue social puisse se développer dans l'entreprise et prendre toute sa dimension, il convient qu'il y ait des représentants dûment mandatés. Quand il y a des organisations syndicales, ceux-ci sont forcément des représentants syndicaux, mais, en leur absence, pour donner plus de force à la discussion et plus d'arguments aux uns et aux autres, pour apporter donc plus de force à l'accord, il conviendrait d'accepter que les organisations syndicales puissent désigner un mandataire qui les représente dans des petites entreprises où elles ne sont pas représentées. Ce serait donner un bel élan au dialogue social et à la démocratie sociale dans l'entreprise.
Monsieur le ministre, j'avais espéré que vous alliez vous reprendre sur cet article. Peut-être allez-vous faire un geste.
Pour répondre à M. le rapporteur, je lis au III de l'article L. 132-26 introduit par la loi de 2004 que « les conventions de branche ou les accords professionnels étendus peuvent également prévoir que, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et lorsqu'un procès-verbal de carence a établi l'absence de représentants élus du personnel, des accords d'entreprise ou d'établissement sont conclus par un ou plusieurs salariés expressément mandatés […] ». Des accords d'entreprise, pas des accords-cadres, monsieur le rapporteur ! S'il s'agit d'accords d'entreprise, inscrivez-le dans le texte ; s'il s'agit d'accords-cadres, la loi de 2004 ne s'applique pas.
Dernier élément : vous dites que l'amendement est superfétatoire parce que la loi de 2004 existe. Mais dans la loi du 31 mars 2005 – la vôtre ! – portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, je lis à l'article 3 que « dans les entreprises de vingt salariés au plus, l'accord d'entreprise peut être conclu en l'absence de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné […] par un salarié expressément mandaté ». Vous nous dites que l'amendement est inutile à cause de l'existence de la loi de 2004, alors que, dans votre loi de 2005, vous avez cru bon de mentionner la possibilité de mandataires ! Soit vous voulez encourager le dialogue social et il faut en donner des signes ; soit vous ne le souhaitez pas, parce que le seul but de ce texte serait de réduire le droit de grève.
Mais non ! (« Mais si ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Argumentez, monsieur Geoffroy ! Ne vociférez pas ! Pourquoi en 2007 ce que vous avez vous-mêmes voulu, chers collègues, dans la loi de 2005, ne serait-il plus à l'ordre du jour ?
Je suis saisi d'un amendement n° 161 .
La parole est àM. Marc Dolez, pour le soutenir.
L'amendement vise, dans la première phrase de l'article 2, à substituer l'année « 2009 » à l'année « 2008 ».
Cette proposition fait écho à une position que nous avons été nombreux à défendre dans cet hémicycle depuis le début de la discussion, et qui est relayée par nombre d'acteurs de terrain qui trouvent totalement irréaliste, le délai fixé pour la signature des accords-cadres.
Cet amendement a été rejeté par la commission. Il est important que les procédures de prévention des conflits soient mises en oeuvre rapidement dans les entreprises. Si aucun accord ne le permet au 1er janvier 2008, un décret en Conseil d'État fixera ces règles, après consultation des organisations syndicales, comme j'ai tenu à le préciser par amendement.
Les entreprises auront donc plusieurs mois, jusqu'à janvier 2008, pour faire aboutir les négociations. Mais si elles n'y parviennent pas, elles auront la possibilité de poursuivre les négociations après cette date, comme M. le ministre et moi-même l'avons répété. Une fois l'accord signé, c'est lui qui s'appliquera et non plus les dispositions prévues par le décret du Conseil d'État. La dernière phrase de l'alinéa 3 est très claire à cet égard : « l'accord de branche ou l'accord-cadre régulièrement négocié après cette date s'applique dès sa signature, en lieu et place de ce décret ».
Même argumentation, même avis.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas bien. Vous nous répétez qu'il faut donner du temps au temps – comme disait quelqu'un de célèbre – en matière de préavis de grève. Pour que s'installe une négociation et que se crée un véritable dialogue social dans une entreprise, un préavis de 5 jours ne suffit pas, expliquez-vous. Il faut l'étendre à une semaine pour discuter des raisons et des conditions de la grève. En réalité, le préavis s'étale sur 16 jours !
Combien ?
16 jours : 8 plus 5 plus 3. On essayera de recompter ensemble tout à l'heure, vous verrez !
Or, pour les accords-cadres, vous fixez la date de signature au 1er janvier prochain. Août, septembre, octobre, novembre, décembre : cela fait cinq mois. Chacun sait qu'en août, il ne va pas se passer grand-chose. Vous allez partir en vacances et nous aussi ! À moins que vous ne teniez vraiment à mettre en place cette négociation en plein mois d'août. Alors, c'est un aveu, les masques tombent : vous voulez mener la négociation pendant que les travailleurs prennent des vacances bien méritées, même si certains ne peuvent malheureusement pas en profiter pleinement.
Alors, monsieur le ministre, si vous voulez vous montrer cohérent, donnez du temps à la négociation, et repoussez le délai d'un an. Ce sursis ne sera peut-être pas nécessaire, l'accord sera peut-être conclu avant. Mais donnez du temps au temps. Vous avez ainsi l'occasion de tenir votre promesse de nous réserver une heureuse surprise (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Permettez-moi d'ajouter un autre argument. Ce délai supplémentaire que nous réclamons n'est pas un artifice, mais il permettra de s'adapter aux conditions réelles des négociations. En 2008, les contrats d'un grand nombre de réseaux urbains – le GART en a dénombré environ 33 – vont arriver à échéance et devront être renouvelés. Les autorités organisatrices pourront saisir l'occasion de ces renouvellements de convention, pour introduire les clauses prévues par le texte en cours d'examen. Ce sera le moment opportun. Alors que s'il faut amender plus tôt les conventions qui lient les autorités organisatrices aux transporteurs, le risque est celui de la précipitation. Et la note sera réglée par les autorités organisatrices. Une année supplémentaire ne sera pas du luxe, si on veut respecter les compétences des collectivités locales et se montrer soucieux d'une bonne gestion des politiques publiques et de l'argent public.
Comme n'a pas manqué de nous le rappeler le Conseil économique et social, en début d'année, dans son rapport sur la consolidation du dialogue social, la question du dialogue social et celle de la représentativité syndicale sont étroitement liées.
Le gouvernement précédent, qui défendait alors son projet de modernisation du dialogue social, a choisi le statu quo, en maintenant en l'état les règles de représentativité et de validité des accords. Or, la présomption de représentativité, datant de 1966, est inadaptée à l'évolution du paysage syndical. Le fait que des syndicats minoritaires puissent engager la majorité des salariés est devenu intenable depuis l'adoption de la loi Fillon de 2004, un texte qui a largement favorisé l'autonomie de la négociation au niveau de l'entreprise, et qui autorise un accord d'entreprise à déroger à un accord de branche – dans un sens défavorable aux salariés, bien entendu.
Vous êtes restés sourds aux deux principales recommandations du CES, partagées par la CFDT et la CGT : la refondation de la légitimité syndicale sur le vote de tous les salariés, et l'affirmation du principe majoritaire comme condition de validité des accords. À l'époque, j'avais défendu au Sénat ces propositions d'évolution, conditions de l'amélioration de la démocratie sociale française. Je me souviens du refus de la majorité UMP, désireuse – comme le MEDEF – de ne pas perdre les acquis de la loi Fillon : la possibilité de négocier au plus près du terrain avec des partenaires pas nécessairement syndiqués ou minoritaires, voire ultraminoritaires, c'est-à-dire avec des partenaires dociles.
Cette attitude me paraissait paradoxale de la part de ceux qui ne manquaient pas de s'inquiéter de la faiblesse des protagonistes sociaux et de l'émiettement syndical. Je mesure, à présent, la logique d'une telle attitude. C'est le moyen le plus sûr de régler son compte au syndicalisme, et de le discréditer.
Monsieur le ministre, une occasion nouvelle vous est offerte de faire la preuve que tout cela n'est que fantasme, et que ce gouvernement de rupture est, effectivement, décidé à donner tout son sens à la négociation.
En présentant l'article 2 de ce projet de loi, vous nous avez dit désirer un dialogue maximum. Je vous ai déjà fait part de mes doutes sur les chances de réussite de cette négociation à marche forcée d'un accord-cadre de prévention des conflits. Je veux bien les faire taire un moment, et vous proposer un dialogue social de qualité, mettant véritablement les organisations syndicales et les directions d'entreprises de transport face à leurs responsabilités.
L'amendement n° 56 n'exclut aucun syndicat représentatif de la négociation, mais il conditionne la validité de l'accord-cadre d'entreprise à sa signature par la ou les organisations majoritaires en voix. Et, pour mesurer l'audience des organisations syndicales, nous envisageons – comme nous y invite le CES – la tenue d'une élection de représentativité.
Vous allez m'objecter que notre proposition vient trop tôt, que les partenaires sociaux sont saisis de cette question et qu'il faut leur faire confiance. Ce n'est qu'argutie : le Gouvernement brusque les négociations lorsque cela l'arrange, lorsqu'il le juge opportun, comme ce texte en témoigne. Les vraies raisons sont donc à rechercher ailleurs : la majorité d'engagement prend à rebours la philosophie de la loi Fillon de 2004.
Notre amendement est identique, puisqu'il vise l'application de l'accord majoritaire. Mais je suis heureux de le défendre car, en raison de l'argumentation que je vais utiliser, il sera voté à l'unanimité. (Sourires sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Depuis le début de nos travaux, nous cherchons à comprendre le revirement de la majorité qui, en 2006, estimait qu'il ne fallait pas voter de loi, mais recourir à la négociation qui donnait de bons résultats. J'ai fini par comprendre la cause de cette volte-face puisque vous nous l'avez donnée hier : l'élection présidentielle et la rupture.
J'ai donc décidé de ne plus utiliser nos arguments, mais seulement ceux qui sont susceptibles de vous convaincre. Je vais vous faire une lecture qui nécessitera, je pense, une suspension de séance pour que nous reprenions, dans un esprit très consensuel, l'ensemble de nos travaux.
Depuis quelques années, je participe aux réflexions de l'Observatoire de la démocratie sociale, institution qui réunit des parlementaires et des experts de diverses tendances politiques, et qui réfléchit sur ces questions. Le président de cet organisme m'a envoyé, il y a quelques jours, la réponse que lui avait adressée le candidat Nicolas Sarkozy, sur ce sujet majeur. Puisque c'est ce qui fait la loi et la règle, je vous la lis : « Comme vous, je pense que le dialogue social fonctionne mal, qu'il est conflictuel et qu'il a besoin d'un nouveau souffle. Pour ce faire, il nous faut rendre les syndicats plus représentatifs, et que la loi ne prenne plus trop de place par rapport à la négociation sociale. » (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
« Je crois, en effet, qu'il est indispensable d'assurer une plus grande représentativité des partenaires sociaux. »
Vous n'êtes pas d'accord avec ça ?
« Par conséquent, j'entends également adopter le principe de l'accord majoritaire, qui prévoit qu'un accord collectif ne serait valable que s'il était signé par des syndicats majoritaires dans l'entreprise ou dans la branche concernée. »
C'est, mot pour mot, l'amendement que j'ai déposé ! Je ne résiste pas à l'envie de vous citer un autre passage, même si, je l'admets, il est un peu hors sujet. « Le dialogue social doit être un préalable obligatoire. Aussi, je propose de consacrer ce principe avec une règle simple que j'inscrirai dans une loi organique : le Gouvernement devra proposer aux partenaires sociaux de négocier, avant toute intervention d'un nouveau texte concernant le droit du travail. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ce n'est que si la négociation échoue ou est refusée, que l'État sera autorisé à intervenir. Avec mes sentiments les meilleurs. » Et c'est signé : Nicolas Sarkozy.
Je pense que nous avons la réponse à nos problèmes. Je vous demande d'appliquer les propositions du Président de la République. Sur cette question, nous sommes prêts à vous suivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Oui, je prends mon temps. Mais votre démarche me paraît un peu paradoxale. Ces deux amendements visent à modifier la représentativité syndicale, alors même que ce sujet fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi court-circuiter ainsi le dialogue social ?
À la suite de l'avis du CES, à l'automne dernier, un premier document d'orientation avait été adressé aux partenaires sociaux par le ministre du travail, Gérard Larcher, proposant des pistes d'évolution sur la représentativité syndicale. Le Président de la République a rappelé, lors du conseil des ministres du 30 mai 2007, que la démocratie sociale est l'un des thèmes sur lesquels – et vous venez de le dire – « doivent s'ouvrir prochainement des négociations à l'initiative des partenaires sociaux ».
J'ajoute que l'observation attentive des amendements socialistes et communistes est pleine d'enseignements pour nous. Là où le groupe socialiste propose, avec l'amendement n° 162 , la signature de l'accord-cadre « par une ou des organisations syndicales ayant recueilli plus de la moitié des suffrages au premier tour des dernières élections professionnelles » – si j'ai bien compris –, M. Muzeau et ses collègues proposent, par l'amendement n° 56 , la signature de l'accord « par une ou des organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés lors de la dernière élection professionnelle de représentativité organisée nationalement tous les cinq ans ».
De telles divergences montrent qu'il n'y a pas de consensus sur cette question complexe…
Les socialistes et les communistes appartiennent à deux groupes différents : cela vous a-t-il échappé ?
…et que la concertation et des expertises complémentaires sont bien nécessaires.
Bien des questions restent posées : combien de suffrages faut-il recueillir ? Sur quel type d'élection se fonder ? Selon quelle périodicité ?
Avis défavorable aux amendements.
Je constate avec intérêt que vous lisez attentivement la correspondance de l'ancien candidat Nicolas Sarkozy.
Non, monsieur Vidalies : tout ce que vous dites m'intéresse, je vous l'assure !
Mais vous connaissez suffisamment le droit du travail pour n'avoir pas compris ce que vous avez lu. Le souhait que vous avez exprimé avec votre amendement traduit de l'impatience – je ne dis pas un manque de confiance dans les partenaires sociaux.
Quant à vous, monsieur Muzeau, je ne vous reconnais plus ! Je vous ai connu sénateur serein et patient ; je vous retrouve député impatient !
En effet : pour une rupture, c'est une vraie rupture ! Vous allez bientôt nous inquiéter ! (Sourires.)
Cela dépend du sens de la rupture, monsieur Néri ! (M. Vidalies fait un signe pour demander la parole.) Je n'ai même pas fini mon argumentation que vous voulez déjà me répondre, monsieur Vidalies : c'est vraiment décourageant !
En effet, monsieur Néri : merci de me venir en aide ! (Sourires.)
Vous voulez aller plus vite que la négociation en cours entre les partenaires sociaux. Les grands discours s'arrêtent toujours au mur des réalités. Les partenaires sociaux qui suivent nos débats pourront le constater : certains parlent de leur faire confiance et d'autres leur font effectivement confiance – et c'est nous, pas vous ! Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Franchement, monsieur le ministre, vous avez un art consommé pour tourner autour du pot, mais cela va-t-il durer toute la semaine ?
Une semaine, seulement ?
En effet !
Vous ne pouvez pas nier, monsieur le ministre, que le bouleversement de la hiérarchie des normes a conduit à ce que des accords soient conclus par des syndicats minoritaires. Presque systématiquement, des recours s'en sont suivis – d'ailleurs difficiles à former car le droit d'opposition n'est pas si simple que cela à faire valoir –, quand les accords n'ont tout simplement pas été cassés par les tribunaux : la signature d'un accord majoritaire est toujours préférable.
Certes, vous êtes ministre du travail depuis peu de temps, mais j'imagine que vous avez révisé vos fiches comme vous le faisiez lorsque vous vous occupiez de la sécurité sociale, même si vous nous avez mis dans la vue 4 milliards de déficit supplémentaire !
Le déficit a été divisé par deux !
Ce n'est pas vrai !
…j'ai donc du mal à vous croire aujourd'hui.
Vous ne pouvez pas tourner autour du pot plus longtemps : si nous voulons redonner à notre droit du travail de justes fondements et prévenir les conflits – même s'ils auront lieu –, il faut poser la question de l'accord majoritaire. Beaucoup de grands patrons ont certes tenté de contourner le problème en organisant un vote du personnel sur des sujets simples : travailler 39 heures en étant payé 35 ou faire des heures supplémentaires obligatoires comme dans certaines brasseries alsaciennes.
Ces pratiques ont fait des ravages et les conflits sociaux se sont multipliés. On vient par ailleurs de citer la missive, que dis-je, l'ordre de M. Sarkozy puisque, depuis un mois, vous le rabâchez : Nicolas Sarkozy a parlé, le Parlement doit se coucher, la majorité n'ayant plus qu'à adopter ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mon ami Daniel Paul me souffle que c'est plutôt la majorité qui se courbe ! À ce rythme vous aurez bientôt des lumbagos ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tout cela tourne vinaigre !
Revenez donc à ce bon sens populaire que vous citez à tout bout de champ, et rétablissez dans notre code du travail les accords majoritaires, qui demeurent la seule solution pour rétablir un vrai dialogue social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous avez la parole, monsieur Vidalies, après quoi l'Assemblée sera éclairée.
J'ignore si elle le sera, monsieur le président, mais je veux rappeler que la lettre du candidat Nicolas Sarkozy contenait trois propositions.
Première proposition : « Je souhaite également, écrivait M. Sarkozy, adopter le principe de l'accord majoritaire ».
Deuxième proposition : « Je veux faire du dialogue social un préalable obligatoire et je propose pour cela de consacrer […] une règle simple, que j'inscrirai dans une loi organique : le Gouvernement devra proposer aux partenaires sociaux de négocier avant toute intervention d'un nouveau texte […]. » Faisons-le !
Troisième proposition : « Ce n'est que si la négociation échoue ou est refusée que l'État sera autorisé à intervenir. » Or vous proposez exactement l'inverse !
Je comprends que les esprits soient troublés, monsieur le président : au nom de mon groupe, je demande donc une suspension de séance de quinze minutes pour examiner le texte de cette lettre et le communiquer à nos collègues.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente.)
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, et porte sur la suite de nos travaux. Nous venons de demander une suspension de séance pour vérifier si les propos graves prononcés par M. Vidalies reprenaient bien une déclaration écrite de Nicolas Sarkozy. Mais pendant cette suspension de séance, nous n'avons reçu aucun démenti de l'Élysée. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il était important de vérifier qu'aucun racontar ne circule dans cet hémicycle…
Forts de cette nouvelle certitude, nous constatons avec un certain désarroi que, malgré notre désir de parvenir à un vote unanime sur un amendement de consensus, la majorité et le Gouvernement marquent leur rupture totale avec le Président de la République.
Nous, l'opposition, n'avons pas vocation à être les gardiens du temple (Sourires), mais face à une majorité qui se dit légitime parce qu'elle s'engage à les tenir, c'est nous qui, dans le cas présent, exprimons les engagements de Nicolas Sarkozy, qu'Alain Vidalies connaît par coeur.
Il faut, dit-il, un nouveau souffle dans le dialogue social ; il faut que la loi ne prenne pas trop de place par rapport à la négociation sociale. Or, que nous propose le ministre ce soir, au banc du Gouvernement ? Un décret au lieu des négociations ! N'est-ce pas une trahison de la parole du Président de la République ? Ce n'est pas acceptable ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous proposons, dans un amendement de la même veine, que les propos de Nicolas Sarkozy, que l'accord majoritaire devienne la règle, afin de respecter la représentativité des salariés. Nous sommes d'accord en cela avec le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, à une exception près.
Et que nous répond le ministre ? Qu'il n'en est pas question pour le moment. Le Gouvernement fait décidément preuve de mauvaise volonté pour exécuter la pensée présidentielle…
Enfin, le candidat Nicolas Sarkozy concluait en disant que l'État ne sera autorisé à intervenir que si la négociation échoue ou si elle est refusée. Or que faisons-nous ? Nous légiférons, au coeur de l'été, pour que la loi s'impose à toutes les négociations, avec une date butoir très rapprochée !
Il est important pour la suite de nos travaux que vous repreniez vos esprits, chers collègues (Sourires) parce que vous êtes en train de trahir les engagements de votre candidat tout en ne cessant de nous dire que vous les exécuterez. Vous l'avez fait jusqu'à présent, j'en conviens, avec un certain sens du détail, mais sur cet amendement, il semble que vous ayez eu un moment de faiblesse. Il est tout aussi important que le Gouvernement nous dise s'il compte continuer à trahir la parole présidentielle – ce qui pourrait nous conduire à un débat à fronts renversés… (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis saisi d'un amendement n° 57 .
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
L'article 2 rend obligatoire, avant tout dépôt d'un préavis de grève, une négociation préalable. Pour de multiples raisons déjà évoquées, nous doutons que cette nouvelle phase de « préavis du préavis » soit la voie la plus appropriée pour améliorer la qualité du dialogue social, car ce n'est pas tant en allongeant la durée totale des préavis qu'en s'attachant au contenu de la négociation, notamment aux différentes étapes que sont les réponses circonstanciées aux revendications, le constat d'accord ou de désaccord, que l'on parviendra à prévenir les conflits et leur expression ultime, la grève.
Dans l'esprit du législateur, la raison d'être du préavis de grève applicable dans le cadre du secteur public était de permettre de nouer un dialogue et d'ouvrir des négociations sur l'objet de la grève.
Le problème, même si l'on vous crédite de ne pas vouloir travestir la nature du préavis en délai supplémentaire afin d'organiser le service minimum, c'est que vous tenez à cette période de dialogue, en toutes circonstances, quel que soit le motif de la grève. Ce n'est plus du pragmatisme, c'est de la schizophrénie ! Comment en effet contraindre l'employeur et les organisations syndicales à discuter de sujets généraux de notre législation sociale sur lesquels ils n'ont pas le pouvoir d'agir directement ?
Les revendications professionnelles liées à l'organisation et aux conditions de travail, aux salaires, à la protection de l'emploi, à la prévoyance, aux droits collectifs, sont souvent internes à l'entreprise ou au secteur d'activité. Mais les griefs peuvent aussi être généraux, extérieurs à l'établissement, et les grèves interprofessionnelles ne sauraient être négligées. Si les griefs notifiés à l'employeur sont extérieurs à l'entreprise, rien ne justifie une négociation préalable.
A moins que, comme semblent le révéler les débats au Sénat, le Gouvernement ne veuille éviter que les salariés du secteur public des transports ne s'engagent dans une grève pour des motifs qui ne les concerneraient pas directement… Sachant que les mauvais coups à venir en matière de protection sociale auront du mal à passer, votre ambition, monsieur le ministre, serait-elle d'empêcher la participation des salariés du secteur public aux conflits nationaux interprofessionnels ? Décidément, les grèves de 1995 et celles, plus récentes, contre le CPE vous ont marqués ! Mais en enserrant ainsi l'exercice du droit de grève, vous allez conduire les travailleurs à faire entendre leurs désaccords et leurs aspirations par des actions plus radicales. Auriez-vous oublié Metaleurop ?
Notre amendement prend en compte la particularité des mouvements interprofessionnels ou spontanés. Pour éviter de placer les acteurs sociaux dans des situations ubuesques et insolubles, il vise à limiter la négociation préalable aux préavis déposés pour des motifs liés au fonctionnement de l'entreprise.
Avis défavorable. Il me paraît difficile d'insérer une telle clause car comment, en pratique, déterminer ce qui relève, directement ou indirectement, du fonctionnement de l'entreprise ? Quelle est l'attitude à adopter en cas de grève de portée nationale, dont le motif n'est pas directement lié à l'entreprise mais dont les répercussions sont indéniables ? Vous avez évoqué le cas de la grève pour le CPE, c'est un bon exemple.
Même argumentation et même avis défavorable que précédemment.
Je suis saisi d'un amendement n° 163 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Cet amendement va dans le même sens. Vous instituez en effet une procédure qui impose un délai de quinze jours entre la naissance du conflit et la grève, et cela pour tous les mouvements sociaux, même lorsque la direction de l'entreprise n'a pas le pouvoir de satisfaire la revendication. Comment votre mécanisme va-t-il fonctionner en cas, par exemple, de mouvement national des organisations syndicales, à l'automne, sur le recul historique que constitue la franchise des soins, ou, un peu plus tard, sur la réforme des retraites ? De quoi les partenaires pourront-ils discuter ? Comment fonctionnera votre mécanisme ? Si j'insiste, c'est que nous soumettrons cette question au Conseil constitutionnel. Mais nous aimerions, monsieur le ministre, que vous nous donniez des explications plus complètes que la réponse courte, pour ne pas dire inexistante, que vous venez de nous faire.
Comprenez que les employeurs ont sur ce point la même interrogation que les organisations syndicales. Ils se demandaient, devant la commission, ce qu'ils feraient face à une revendication visant la politique du Gouvernement et non la direction de l'entreprise.
Pour alléger ce carcan, nous vous proposons, après M. Muzeau, un amendement qui vise à préciser que ce dispositif ne s'applique qu'aux revendications dont la satisfaction relève d'une décision de la direction de l'entreprise. Il est en effet absurde d'imposer un tel système aux revendications interprofessionnelles, alors même que l'un des interlocuteurs n'est pas en mesure d'apporter de réponse, et cela risque de générer des crispations au sein de l'entreprise.
Il ne serait pas raisonnable de rejeter cet amendement, qui apporterait au moins un peu de clarté à votre dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je n'ai pas pour habitude de vous interpeller, monsieur Vidalies, mais je voudrais vous poser une question.
Voilà pourquoi je demande l'autorisation ! Qui déterminera si le conflit est lié au fonctionnement de l'entreprise, et sur quels critères ?
Ce n'est pas moi qui ai déposé l'amendement !
Les choses évoluent, mais faites encore un effort ! Il y a quelques instants, nous rappelions au Gouvernement les engagements du Président de la République et voilà que M. le ministre me demande comment faire… Dans quelques heures, nous en viendrons peut-être à échanger nos places, et cette situation serait bien plus agréable pour moi ! (Sourires.)
Il s'agit d'une vraie question pour les salariés et pour les entreprises. Si nous voulons être efficaces, il suffit de préciser – c'est ce à quoi tend notre amendement, que vous pouvez au demeurant sous-amender – que les revendications de nature interprofessionnelle échappent au champ d'application de la loi. Si les organisations syndicales qui déposent le préavis estiment qu'il s'agit d'une revendication de nature interprofessionnelle, et qu'elle concerne donc plusieurs entreprises, la décision n'appartient plus à la direction de l'entreprise ; dans le cas où cette interprétation de la revendication serait contestée, prévoyez une procédure d'arbitrage ou arbitrez vous-même, car telle est alors la fonction du ministre. Les acteurs concernés sont suffisamment responsables pour que cela ne pose pas de grandes difficultés. Ne vous abritez donc pas derrière le prétexte de ne pas savoir si l'on est face à un mouvement interprofessionnel ou à un conflit qui concerne seulement l'entreprise. Il me semble plus sérieux d'aller jusqu'au bout de votre démarche, afin de résoudre un problème qui risque de créer de graves difficultés dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cet amendement a été repoussé par la commission, pour les mêmes raisons que celles concernant l'amendement de M. Muzeau.
Vous ne m'avez pas convaincu, monsieur Vidalies. Pour éviter de vous mettre dans l'embarras, et dans la mesure où vous n'avez pas su répondre à ma question, le Gouvernement émet un avis défavorable à cet amendement. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, votre texte répond de lui-même à la question que vous avez posée à Alain Vidalies : le huitième alinéa de l'article 2 précise que l'accord-cadre détermine les informations qui doivent être transmises par l'employeur aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation. Il s'agit bien de difficultés internes à l'entreprise.
En dehors de ce cadre, monsieur le ministre, quelles informations l'employeur pourrait-il donc transmettre aux organisations syndicales représentatives en vue de favoriser la réussite du processus de négociation ? Reconnaissez que votre texte s'applique aux seules revendications qui peuvent être satisfaites dans l'entreprise ! Ce n'est pas là une interprétation, c'est la lettre même de votre texte ! Faites donc preuve de cohérence : acceptez l'amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je suis saisi d'un amendement n° 164 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
De deux choses l'une : soit vous émettez un avis favorable à cet amendement, qui vise à corriger ce que nous pensons être une erreur de rédaction ; soit nous sommes face à une modification considérable du code du travail, dont je dois avouer qu'elle nous a d'abord échappé.
Le droit actuel prévoit que chaque organisation syndicale est libre de déposer un préavis et responsable des suites qui en découlent. Votre texte évoquant, au pluriel, les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer un préavis, il s'agit d'une véritable révolution : les différents syndicats devraient parvenir à un accord avant tout préavis !
S'il s'agit d'une erreur – ce que j'espère –, le texte doit être précisé pour être conforme au code du travail. Si, en revanche, monsieur le ministre, vous confirmez la rédaction de cet alinéa, nous devrons débattre longuement de cette modification, qui serait alors l'une des plus importantes de votre projet.
Favorable.
Le texte de l'article 2 est clair sur ce point. L'alinéa 5, par exemple, montre que l'accord-cadre prévoit « les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l'employeur des motifs pour lesquels elle envisage de déposer le préavis de grève ». La précision apportée par cet amendement, qui a été accepté par la commission, correspond tout à fait à la démarche du projet de loi.
Favorable.
C'est un très bon amendement de précision.
Vous de même !
Je suis saisi d'un amendement n° 58 .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
L'article 2 prévoit que, désormais, le dépôt d'un préavis de grève ne pourra intervenir qu'après une phase de négociation préalable entre l'employeur et les organisations syndicales.
Initialement, le texte visait l'ensemble des organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise. Mais, à la suite des auditions auxquelles la commission spéciale sénatoriale a procédé et en particulier à celle de la présidente de la SNCF, qui a souhaité que soient améliorées les modalités du système de prévention des conflits, le rapporteur a proposé que la procédure de négociation soit réservée aux organisations ou à l'organisation ayant initialement soulevé le problème.
Prenant l'exemple des syndicats de représentants des conducteurs qui ne partagent pas nécessairement les revendications sur les conditions de travail des commerciaux, Mme Procaccia a fait valoir en séance publique au Sénat que cette modification, qui se « contentait » de prendre en considération une pratique en vigueur à la SNCF et à la RATP, permettrait « d'alléger la procédure de négociation et éviterait d'avoir à débattre avec certains syndicats de revendications qui ne les concernent pas s'il s'agit de syndicats catégoriels ». Mais la souplesse ainsi recherchée va à l'encontre de l'objectif de renforcement du dialogue social interne à l'entreprise qu'affiche le texte. Il est à craindre également qu'une telle restriction ne conduise à segmenter les questions auxquelles les directions d'entreprises peuvent être confrontées, multipliant ainsi les sources de conflits.
Vous connaissez trop bien le monde de l'entreprise pour ignorer que des dispositions prises pour une catégorie de salariés doivent être conçues de manière globale, dans la mesure où elles ont un impact direct sur le quotidien professionnel de l'ensemble des salariés de l'entreprise, fussent-ils d'une autre catégorie. Vous ne pouvez penser un seul instant que les cadres intermédiaires, par exemple, ne seront pas directement touchés par les contraintes supplémentaires imposées aux salariés que le plan transport juge indispensables.
En outre, la solution restrictive retenue par le Sénat, sur laquelle, monsieur le ministre, vous avez du reste émis un avis de sagesse – peut-être nous surprendrez-vous encore ! – est ambiguë car, vous l'avez noté, « chaque négociation, et non pas seulement celle qui porte sur le préavis de grève, implique la convocation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives ». La négociation préalable à tout dépôt de préavis restreignant déjà largement l'exercice individuel du droit de grève, vous ne pouvez permettre qu'elle déroge en outre aux règles de droit commun en matière de négociation. Ou alors, dites-nous explicitement qu'elle est, en réalité, destinée à autre chose qu'à la négociation.
Par ailleurs, dans la mesure où vous acceptez les accords minoritaires et où l'article 3 du projet de loi rend impossible le dépôt d'un nouveau préavis sur le même sujet, cette disposition prive les organisations syndicales non consultées préalablement d'un moyen d'interpeller la direction de l'entreprise, donc, de la possibilité d'échanges portant sur leurs revendications, ce qui annonce la déresponsabilisation collective des acteurs sociaux. C'est socialement explosif et économiquement contre-productif.
Nous souhaitons donc que les employeurs soient tenus d'associer à la consultation l'ensemble des organisations syndicales présentes dans l'entreprise et non pas seulement l'organisation ou les organisations ayant notifié leur intention de déposer un préavis de grève. Tel est le sens de notre amendement n° 58 . (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Défavorable.
La commission a rejeté cet amendement, car il ne nous paraît pas souhaitable en l'occurrence de remettre en cause un ajout du Sénat. La concertation préalable avec les organisations qui envisagent de déposer un préavis de grève est, selon nous, un facteur de souplesse. En outre, rien n'empêche toutes les organisations qui le souhaitent de participer à la négociation. L'exemple de la RATP montre d'ailleurs le succès de ce dispositif, mis en pratique depuis plus de dix ans.
Il convient d'être précis sur ce point. Dans un souci opérationnel, il nous semble nécessaire d'imposer, à l'instar des exemples d'alarme sociale en vigueur – je pense, par exemple, à la RATP –, un dialogue préalable entre l'entreprise et les seules organisations syndicales qui envisagent de faire grève. Mais il va sans dire que, si cette consultation débouche – ce qui est souhaitable – sur la négociation d'un accord collectif, c'est l'ensemble des organisations syndicales représentatives qui devront y être invitées, conformément à la jurisprudence.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Monsieur le ministre, je me demande où vous vous avez pu trouver une telle jurisprudence ! Pour ma part, je n'en connais pas en la matière. En revanche, il existe une pratique selon laquelle les accords signés au sein de l'entreprise, notamment les accords salariaux, souvent minoritaires, signés pour deux ou trois ans – il s'agit en règle générale de la durée maximale –, font l'objet de révisions annuelles en vertu de « clauses de revoyure ».
Vous voulez parler d'un relevé de conclusions.
Non, ce n'est pas la même chose. Voulez-vous que je reprenne, monsieur le ministre ? Vous avez bien suivi, mais vous voulez me taquiner !
Cette procédure de révision annuelle, une fois l'accord signé, permet par exemple de prendre en considération l'inflation ou les augmentations individuelles. Or seuls les signataires des accords y sont aujourd'hui invités.
Il nous semble anormal que le texte prolonge ces dispositions défavorables au dialogue social et à la richesse de ses échanges, divisant ainsi les organisations syndicales et empêchant un dialogue collectif sur des questions pourtant indissociables, comme l'a rappelé Jean-Paul Lecoq en défendant notre amendement. On ne peut tenter de résoudre un problème catégoriel sans que cela excède la catégorie professionnelle concernée par le préavis de grève ou rejaillisse fortement sur l'ensemble de l'entreprise. C'est une question importante à laquelle vous devriez réfléchir.
Je suis saisi d'un amendement n° 165 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Cet amendement fait suite à notre amendement n° 164 précédemment adopté. Il tend à remédier à ce que nous savons désormais être une erreur dans la rédaction du texte. Il faut mentionner non pas « le » préavis, ce qui supposerait que celui-ci a été déposé par l'ensemble des organisations syndicales, mais « un » préavis.
Sans doute émettrez-vous, dans un souci de cohérence, un avis favorable à cet amendement.
Il ne fait aucun doute que chaque organisation syndicale peut déposer un préavis distinct. L'article L. 521-3 du code du travail est sans ambiguïté sur ce point, puisqu'il est question, dans son alinéa 2, de « l'organisation » ou « d'une des » organisations syndicales. Cet amendement s'inscrit donc parfaitement dans la démarche du présent projet, dont on ne peut que se féliciter que le groupe socialiste l'ait ainsi enrichi. La commission a donc accepté cet amendement. (Exclamations sur divers bancs.)
En toute cohérence, avis favorable.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Incroyable !
Cet amendement vise à harmoniser les règles prévues à l'article 2. En effet, l'article 2 prévoit l'intervention d'un accord d'entreprise ou d'un accord de branche, voire, à titre supplétif, à compter du 1er janvier 2008, d'un décret en Conseil d'État. Ces textes organiseront la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de négociation préalable qui vise à prévenir les conflits.
Naturellement, nous souhaitons tous que des accords puissent être signés sur cette question importante. Le décret en Conseil d'État sera, en quelque sorte, le dernier recours. Il ne vaudra qu'autant qu'un autre accord ne sera pas signé ; en pratique, si un accord est signé après le 1er janvier 2008, ses dispositions prévaudront sur celles du décret.
Pour des raisons évidentes d'harmonisation et de cohérence juridique, afin que les garanties soient les mêmes dans toutes les entreprises, il est nécessaire que le contenu minimal des règles applicables – soit le délai pour la négociation, le type d'informations à transmettre aux organisations syndicales représentatives ou les conditions d'élaboration du relevé de conclusion de la négociation préalable – soit identique dans tous les cas.
Cet amendement le précise très clairement s'agissant des accords-cadres, tandis qu'un amendement à venir le précisera pour les accords de branche.
La parole est à M. François Brottes, pour soutenir sous-amendement n° 183 .
Ce sous-amendement de précision va être, monsieur le rapporteur, l'occasion de vérifier si nous interprétons correctement votre proposition – je ne vous demande pas si elle est conforme à la pensée de Nicolas Sarkozy, ce débat est derrière nous.
Vous portez atteinte au droit de grève, c'est un fait. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais vous portez aussi atteinte, nous semble-t-il, au droit à négocier. En effet, il est prévu huit jours de discussion au terme desquels un accord est, ou non, conclu. En cas d'accord, on en reste là : la vie continue. Mais s'il y a désaccord, on entre dans la logique du préavis, et la grève ne peut avoir lieu qu'au bout de cinq jours. Mais l'article L. 521-3 du code du travail continue de s'appliquer. Les parties intéressées doivent donc profiter de la durée du préavis pour poursuivre la négociation : c'est ce que nous rappelons dans ce sous-amendement. En effet, dans votre esprit, et dans la lettre de ce texte, ces cinq jours ne comptent pour rien : ce sont cinq jours inutiles, cinq jours de tension, pendant lesquels les gens attendent le début de la grève et ne se parlent plus. Cela nous semble extrêmement préjudiciable, non seulement au dialogue social, mais au service rendu aux usagers et à la vie de l'entreprise.
Il est donc très important pour nous de connaître votre sentiment sur ce sous-amendement. Si vous le refusez, ces cinq jours ne serviront qu'à décourager tout le monde et à semer le trouble dans l'entreprise ; ils représenteront du temps perdu et coûteront très cher à l'économie. Dans le cas contraire, vous acceptez que la discussion puisse continuer pendant cette période, afin d'éviter la grève.
Il n'a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j'y suis défavorable, car il est satisfait par l'amendement n° 59 de M. Muzeau, que la commission a accepté et dont nous allons bientôt discuter.
J'aurais été tenté, monsieur le président, de donner un avis favorable à ce sous-amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Mais j'aimerais connaître l'argumentation de M. Muzeau sur l'amendement n° 59 , qui me semble digne d'intérêt.
Avis favorable sur l'amendement n° 18 .
Peut-être ces amendements auraient-ils dû être en discussion commune, mais ce n'est pas de notre ressort ; il n'est pas question pour moi de contester votre autorité, monsieur le président.
La réponse du ministre est troublante : bien que nous disions la même chose que Roland Muzeau, il accepte un amendement, mais pas l'autre. Pourquoi pas ? C'est son droit.
Je n'ai pas dit que c'était la même chose !
Mais ce qui m'intéresse, ce n'est pas de savoir si la commission a examiné ce sous-amendement, mais ce que vous en pensez sur le fond ! Ces cinq jours doivent-ils, ou non, servir à quelque chose ? Peu importe à quel endroit du texte nous devons placer cette disposition ; sur le fond, pour l'instant, je n'ai eu aucune réponse, ni de la part du rapporteur, ni de la part du ministre.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Donc, vous nous donnez un avis favorable !
Je dois en effet préciser, mes chers collègues, que l'adoption de l'amendement n° 18 ferait tomber l'amendement n° 59 . Pour que nous ayons un débat parfaitement clair, je propose donc aux auteurs de cet amendement d'en reprendre le texte dans un sous-amendement à l'amendement n° 18 . (Assentiment.)
L'amendement n° 59 devient donc le sous-amendement n° 18 9. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.
Nous proposons de compléter l'amendement n° 18 par la phrase suivante : « Ces dispositions sont mises en oeuvre sans préjudice des dispositions de l'article L. 521-3 du code du travail. » En effet, dans son état actuel, le texte vide de son sens le préavis de grève tel que la loi du 19 octobre 1982 l'avait introduit. En outre, il laisse penser que le préavis se réduit désormais aux modalités de prévisibilité et se conclut systématiquement par une grève. Or la période de préavis de cinq jours, conformément à la loi de 1982 déjà citée et à l'article L. 521-3 du code du travail, doit continuer à être utilisée pour négocier sur les motifs du conflit avec l'objectif d'éviter la grève.
Les auditions réalisées par la commission spéciale ont en effet montré que la procédure de préavis, inscrite dans le code du travail, et qui est en théorie une phase de négociation, restait souvent « un moment de silence avant l'orage ». Nous devons éviter cela et rendre, au contraire, ce délai productif. Le non-respect de la législation actuelle ne saurait en aucun cas justifier sa liquidation. Nous souhaitons donc réaffirmer son existence et son importance.
La commission et le Gouvernement ont donné un avis favorable à ce sous-amendement.
La parole est à M. François Brottes.
Nous souhaitons tous que cette période de préavis soit aussi une période de négociation. C'est ce que va permettre l'adoption du sous-amendement n° 189 , qui est parfaitement cohérent avec l'esprit d'ensemble du projet de loi.
Nous continuons à nous interroger sur les véritables intentions du Gouvernement, qui prétend faire confiance au dialogue social, mais impose qu'un décret se substitue à l'accord d'entreprise prévu au premier alinéa si la négociation n'a pas abouti à la date du 1er janvier 2008.
Le deuxième alinéa concerne, lui, les accords de branche. On sait que les représentants des petites entreprises de transport – l'UPA notamment – ont fait connaître leur opposition au texte. Ils s'inquiètent, probablement à juste titre, du risque de se retrouver exclus des appels d'offres faute de pouvoir remplir les obligations fixées par la présente loi.
Vous savez, par ailleurs, qu'un accord de branche est évidemment plus long à négocier qu'un accord d'entreprise. Donc, la question du délai se pose de façon encore plus cruciale. Voilà pourquoi nous proposons de repousser la date butoir de 2008 au 1er janvier 2009. Nous précisons toutefois, même si cela peut paraître inutile, qu'il n'est pas nécessaire de discuter jusqu'au 1er janvier 2009 – tel n'est pas l'objectif poursuivi – mais, qu'il s'agit, au contraire, d'exprimer un souci partagé sur tous les bancs de cette assemblée, à savoir notre confiance dans le dialogue social. Par cet amendement, nous lui donnons tout le temps nécessaire pour s'exprimer et produire ses effets.
Je me suis longuement exprimé sur cette question. Je rappelle que la date du 1er janvier 2008 est un objectif souhaitable, mais que ce n'est pas une date butoir. En effet, les entreprises, comme les branches, qui concluront après cette date verront les dispositions de leur accord primer sur celles du décret en Conseil d'État.
Même avis.
Cet amendement est en quelque sorte une session de rattrapage offerte à la majorité à laquelle nous proposons de respecter un des engagements pris par le Président de la République, dont j'ai donné tout à l'heure lecture. Il s'agit de l'application du principe des accords majoritaires. Je tiens ce texte à votre disposition, si vous voulez en vérifier l'authenticité.
Mais j'ai bien compris qu'il n'était pas remis en cause.
Il est assez incompréhensible que, quelques semaines après l'élection présidentielle et au cours d'une session extraordinaire dont le fil rouge est la traduction immédiate des engagements pris lors de l'élection présidentielle, et que nous avons combattus, le seul sur lequel nous étions probablement d'accord soit bafoué, alors qu'il touche au droit des organisations syndicales et à la démocratie sociale ! Vous devriez faire preuve de cohérence dans vos explications. Cela changerait quelque peu l'esprit du texte, sans pour autant le modifier dans sa totalité. Certes, vous nous avez expliqué l'année dernière qu'une loi n'était pas nécessaire, mais vous avez changé de position à la suite des engagements du Président de la République. De grâce, respectez-les !
Preuve de la précipitation qui a présidé au dépôt du présent projet de loi, de l'absence de consultation digne de ce nom des partenaires sociaux et de la préférence du Gouvernement pour les accords « donnant-perdant » au niveau de l'entreprise, l'article 2 dans sa version initiale se contentait d'évoquer la possibilité d'accord-cadre de branche alors qu'il obligeait à négocier des accords de prévention des conflits dans chaque entreprise. Dubitatifs, surtout depuis les possibilités offertes de remise en cause du principe de faveur par la loi Fillon de 2004, les syndicats auditionnés n'ont pas manqué de s'inquiéter du déséquilibre résultant de la primauté donnée à la négociation d'entreprise. Ils ont, fort à propos, alerté la représentation nationale sur les risques de dumping social et sur le fait qu'en l'absence d'accord de branche, les salariés du secteur des transports ne bénéficieraient plus de conditions égales pour exercer leur droit de grève. Ils ont été, en partie seulement, entendus par nos collègues du Sénat. En conséquence de l'adoption d'un amendement du rapporteur de la commission spéciale, le texte prévoit désormais que les partenaires sociaux devront engager, au niveau de la branche comme de l'entreprise, des négociations en vue de la signature d'un accord-cadre de prévention des conflits.
Il reste que l'accord d'entreprise continue de prévaloir sur l'accord de branche. Cela signifie qu'il ne s'appliquera qu'à défaut d'accord d'entreprise et qu'il cessera de s'appliquer dès que l'entreprise aura satisfait à ses obligations, même si l'accord d'entreprise est moins complet, moins-disant socialement et même s'il a été signé par une minorité de syndicats. Jusqu'à présent, conformément aux articles L.132-13 et L.132-23 du code du travail, ce sont les signataires des accords interprofessionnels ou de branche qui déterminaient la portée exacte qu'ils entendaient conférer au contenu des accords qu'ils négocient. Ainsi, sont insérées dans les accords des clauses impératives et des clauses supplétives. Par ce texte, le législateur s'immisce et pose autoritairement et d'une façon générale que les accords de branche ne pourront être que supplétifs. Avez-vous pris la mesure d'un tel glissement, monsieur le ministre ?
Un tel système est complexe, mais il est, de surcroît, source d'insécurité pour les salariés des plus petites entreprises. C'est pourquoi nous avons choisi de réécrire en totalité la partie de l'article consacrée aux accords-cadres de branche. Ainsi, notre amendement dispose-t-il que les modalités d'organisation et de déroulement de la procédure de prévention des conflits définies au niveau de la branche s'appliquent de plein droit et sans restriction aux entreprises relevant du champ couvert.
Par ailleurs, « parce que négocier ne peut se résumer à un ensemble de techniques, mais doit être vu comme une pratique fondée sur la reconnaissance de l'autre » comme l'a justement rappelé Jean Kaspar, vice-président de l'Observatoire social international, notre amendement renforce la légitimité à conclure des acteurs sociaux en exigeant que ces accords fassent l'objet d'une majorité d'engagement.
La commission a repoussé ces deux amendements. Nous venons d'avoir ce débat pour les accords-cadres. Les mêmes arguments valent pour les accords de branche.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 19 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement de précision, comme le précédent portant sur les accords-cadres, vise à harmoniser les règles prévues à l'article 2 en matière d'accords de branche.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 169 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Cet amendement propose de réintroduire le principe de faveur en matière d'organisation des relations sociales.
Comme François Brottes l'a précédemment souligné, nous sommes dans un nouveau contexte puisqu'il s'agit de l'accord-cadre et essentiellement du décret. Vous avez parfaitement expliqué que le décret était supplétif à l'existence même de l'accord. On se limitera donc à constater l'existence d'un accord, qui interviendrait a posteriori de la publication du décret, sans s'intéresser à son contenu. J'aimerais obtenir confirmation de M. le ministre et de M. le rapporteur sur ce point. Il suffira donc qu'il y ait un accord quelles que soient les différences entre cet accord et le contenu du décret, ce dernier étant supplétif et non d'application.
Au nom du principe de faveur, nous souhaitons que l'accord de branche s'applique et qu'il soit impossible que des mesures soient prises en retrait, au niveau de ce que vous appelez dans le texte l'accord-cadre dont M. le rapporteur a bien voulu préciser qu'il devait s'entendre comme étant un accord d'entreprise au sens du droit commun afin de le rattacher aux autres dispositions du code du travail. Nous divergeons sur cette question, notamment depuis 2004. Vous avez en effet introduit cette grande révolution du droit du travail dans la loi malheureusement baptisée « loi sur la démocratie sociale » qui a mis à néant le principe de faveur et la hiérarchie des normes, non pas d'ailleurs dans le texte soumis au conseil des ministres puis au Conseil d'État, mais au détour d'un amendement déposé au dernier moment. Cette disposition était finalement la plus importante du texte, puisqu'elle marque aujourd'hui notre droit social. Nous la retrouvons ici avec toutes les difficultés qu'elle peut induire. Il suffira, en effet, que soient signés des accords d'entreprise, que vous appelez accords-cadres, dont le contenu sera dérogatoire, voire en retrait de l'accord de branche. Les entreprises et particulièrement les petites entreprises n'acceptent pas cette situation, car l'atomisation des règles leur pose des difficultés de concurrence. Le risque de dumping social explique la position de l'UPA et d'une partie des PME qui préfèrent que ces règles d'application du droit social ne soient pas un élément de concurrence entre les entreprises. La cohérence commanderait que les entreprises appliquent les mêmes règles. La seule façon d'y parvenir est de privilégier l'accord de branche.
Par cet amendement, monsieur le député, vous entendez remettre en cause l'architecture du projet de loi…
...qui entend donner la priorité à l'accord-cadre signé dans l'entreprise.
Plus encore, vous remettez en cause le droit commun de la hiérarchie des normes telle quelle résulte – et vous le savez – de la loi du 4 mai 2004.
Pour faciliter le développement de la négociation collective, chaque niveau de négociation nationale, interprofessionnelle, de branche et d'entreprise doit pouvoir négocier de telle sorte que les dispositions conclues à un niveau plus ou moins centralisé – interprofessionnel ou de branche – s'imposent au niveau décentralisé – entreprise – en l'absence d'accord portant sur le même objet. Autrement dit, le texte même de la position commune prévoit a contrario que l'accord interprofessionnel de branche ne s'impose pas à l'entreprise quand il existe un accord portant sur le même objet.
Vous savez, comme moi, que le législateur a respecté cet équilibre en faisant primer l'accord d'entreprise sur l'accord de branche, sauf quand ce dernier en a décidé autrement et sauf dans un certain nombre de matières limitativement énumérées : salaires minimum, classifications, protection sociale, complémentaire, mutualisation des fonds de formation professionnelle. Pourquoi rouvrir ce débat aujourd'hui ?
Enfin, la loi du 4 mai 2004 a expressément fixé un rendez-vous au 31 décembre 2007 pour dresser le bilan de ces dispositions. Nous en reparlerons certainement à ce moment-là.
Sur ce point, plus l'accord est proche des salariés, plus il est à mon sens efficace et adapté, d'où la logique de l'accord d'entreprise. Sans doute, ce point de vue diffère-t-il, mais je crois, quant à moi, que, plus on est proche du terrain, plus on a de chances de coller aux réalités, particulièrement lorsqu'il s'agit de prévenir des conflits. Voilà pourquoi l'accord de branche ne s'applique qu'en cas de déficit d'accord d'entreprise.
Monsieur Vidalies, dès lors qu'il est conforme à la loi, l'accord, quel que soit son contenu, prime sur le décret. Vous attendiez cette précision que je vous donne bien volontiers.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
La précision donnée par M. le ministre correspond à ce que nous avions jusqu'à présent compris. Cette nouvelle situation mérite réflexion. Sur l'application du principe de faveur, notre désaccord est total, y compris du point de vue du réalisme. Il ne s'agit pas simplement d'une demande du groupe socialiste ou d'un certain nombre d'organisations syndicales. Vous savez parfaitement, monsieur le ministre, que cette référence à l'accord de branche est aujourd'hui revendiquée comme un élément central de la politique sociale par un certain nombre de petites entreprises.
Mieux vaut pour vous être plus proche du terrain, mais la situation n'est pas la même dans une entreprise de mille salariés que dans une entreprise de dix ou vingt salariés. Que l'on se place du point de vue des salariés ou de celui des chefs d'entreprise, la seule façon pour que la démocratie sociale fonctionne, c'est qu'il y ait une référence commune au niveau de la branche professionnelle. Sinon, ça n'a pas de sens, et c'est toute la difficulté que crée l'atomisation du droit du travail à travers les exceptions prévues dans des accords d'entreprise.
Si nous voulons faire vivre la démocratie sociale, nous avons intérêt à placer la notion d'accord de branche au coeur de notre réflexion. C'est sur elle après tout que s'est construit le droit collectif du travail, le droit de l'entreprise n'étant venu que plus tard, sous des formes toujours dérogatoires, avec des assouplissements. Ce n'est pas juste et cela ne donne aucune cohérence.
Monsieur le rapporteur, on ne va pas refaire ici tout le débat de la loi de 2004. J'ai bien compris que la commission avait ressorti les fiches de l'époque, mais les meilleurs interprètes de la position commune, ce sont encore ceux qui l'ont signée. Or les organisations syndicales, à l'unanimité, ont fait savoir qu'il y avait eu un détournement de leurs intentions. Quand on prétend traduire dans la loi un accord, encore faut-il ne pas trahir ceux dont on utilise la pensée et la parole.
C'est un point important et, si vous souhaitez qu'on engage à nouveau le débat sur cette question, je suis prêt à le faire. C'est une question de confiance, pour ce texte mais aussi pour l'avenir, envers la parole des organisations syndicales et des partenaires sociaux en général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ce que vient de dire Alain Vidalies est très juste.
Monsieur le ministre, vous usez et abusez des références à la position commune, je ne suis pas certain d'ailleurs que ce soit votre livre de chevet. Peut-être était-ce le cas pour M. Fillon et pour M. Larcher, mais vous, vous êtes trop nouveau dans votre fonction pour vous rappeler précisément ce qu'a été la position commune.
Lorsque vous vous pencherez un peu plus sur la question, vous verrez que cette position commune a été l'objet d'un détournement politicien totalement scandaleux. Lors de toutes les auditions auxquelles j'ai assisté au Sénat, et je ne pense pas en avoir loupé beaucoup, les organisations syndicales qui étaient à l'initiative de cette position commune ou en ont été signataires ont toutes dénoncé l'utilisation malhonnête qu'en a faite le précédent gouvernement.
Si vous voulez, nous pouvons organiser une audition, à la commission spéciale ou dans toute autre commission. Nous demanderons à ces organisations syndicales, sans leur souffler la réponse, si, pour elles, un accord d'entreprise peut avoir un régime de faveur par rapport à un accord de branche. Toutes vous répondront que, dans leur esprit, les accords d'entreprise peuvent déroger aux accords de branche, mais à condition de les améliorer.
Les gouvernements successifs utilisent depuis trois ans cette position commune, mais en se gardant bien d'évoquer les commentaires des partenaires concernés. Moi, je vous les apporte. Alain Vidalies l'a fait il y a quelques instants. Si vous voulez que nous parlions en séance publique des avis des différents signataires, il n'y a qu'à les réunir. Ils viendront et ils vous donneront les explications nécessaires.
Je suis saisi d'un amendement n° 170 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le défendre.
Cet amendement fait expressément référence à la hiérarchie des normes et au principe de faveur.
Nous avions un système cohérent avec ces deux principes, mais nous n'avons pas été assez vigilants lorsqu'il aurait fallu accompagner l'évolution de notre droit social.
Au nom de la souplesse ou de la nécessité d'être près du terrain, on a laissé introduire des dérogations. Lorsque la dérogation est le résultat d'un accord de branche, ça peut se comprendre compte tenu des exigences de la branche. Pour avoir une garantie, il faudrait exiger un accord de branche majoritaire et là, on serait dans la souplesse et on pourrait le comprendre. Mais, depuis 2002, à chaque fois que l'on prévoit une dérogation, on fait référence, presque comme à une clause de style, à un accord de branche ou d'entreprise, comme si c'était la même chose. Ce sont deux choses totalement différentes, y compris pour les salariés et pour les entreprises.
La construction élaborée par d'autres responsables politiques, sous d'autres républiques même, par l'ensemble des organisations syndicales, nous n'avons pas été assez attentifs au fait qu'elle était probablement un acquis collectif qu'il nous appartenait de défendre. Nous sommes passés dans un autre régime, qui est finalement une atomisation du droit du travail, qui aboutit à faire de la question sociale un élément de concurrence entre les entreprises.
Dans l'ancien système, si une convention collective prévoyait le versement d'un treizième mois, la seule chose que pouvait faire un accord d'entreprise, c'était d'en accorder un quatorzième. Aujourd'hui, une entreprise peut très bien essayer de passer un accord pour supprimer ce treizième mois sous prétexte qu'elle est en difficulté. On sait très bien ce que feront alors les patrons des autres entreprises, et voilà comment, progressivement, on organise un alignement par le bas, qui pose aussi la question du mode de recrutement dans ce genre d'entreprises.
Je crois que c'est un très mauvais système. Cela fait des années que nous nous battons pour essayer de revenir à la conception traditionnelle du droit normatif de la convention collective, et c'est ce que nous essayons de rappeler dans cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Même avis.
Nous espérons avoir une réponse plus explicite. Ce que vient de dire Alain Vidalies sur les accords de branche et la concurrence devrait vous intéresser.
Je pense que tel n'est pas le cas, mais imaginons que vous ayez derrière la tête l'idée que l'accord d'entreprise peut permettre de diminuer certains avantages que l'accord de branche a donnés aux salariés. Imaginez à l'inverse la position d'un certain nombre de petites entreprises de transport.
Quand vous avez voté les 35 heures, vous ne vous êtes pas posé autant de questions, surtout à propos des PME !
Si, monsieur, je me suis posé beaucoup de questions, et je m'en pose encore, parce que la grande différence peut-être entre vous et moi, c'est que, tous les matins, j'ai des doutes. Je n'ai jamais de certitudes, c'est pour cela que je fais de la politique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Imaginez un dumping social à l'intérieur de l'Hexagone sur un certain nombre de cotraitances en matière de transport. Il y a de nombreux exemples et de nombreux contentieux ouverts à ce sujet pour des entreprises dont le siège social est ailleurs. En refusant une certaine directive, nous parlions de la concurrence. Vous êtes en train de l'ouvrir en permettant qu'il y ait en France du dumping social.
Prenons un autre exemple. Des compagnies à bas coût vont bientôt intervenir aussi dans le monde ferroviaire. Comment pourront-elles résister si vous permettez à un accord d'entreprise d'ouvrir le champ du dumping social dans l'Hexagone ?
Interrogez les patrons de petites entreprises de transport, ou d'autres petits entrepreneurs d'ailleurs. Je pense, à l'intérieur de l'UPA, à des métiers de bouche. Vous verrez quelle sera la réponse. Ils sont aujourd'hui protégés parce qu'il y a un accord de branche mais, si vous continuez dans la voie où vous vous êtes engagés, ils ne le seront plus. Puisque vous ne voulez pas agir pour les salariés, faites-le pour les petits entrepreneurs, ceux en tout cas qui sont en situation de faiblesse dans un contexte tendu de concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Répétitif !
Nous ne faisons pas d'obstruction, nous essayons simplement d'apporter des arguments.
Depuis un certain temps, on sent bien que le Gouvernement a décidé de ne pas vraiment nous répondre, y compris sur des questions de fond. Je vous demande donc, monsieur le président, au nom de mon groupe, une suspension de séance de quelques minutes.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)
Cet amendement vise à supprimer le dernier alinéa du paragraphe I de l'article 2. Nous estimons qu'il n'appartient pas au pouvoir réglementaire de fixer les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa, dans la mesure où cette négociation constitue un élément substantiel des modalités d'exercice du droit de grève.
En effet, le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision du 22 juillet 1980 qu'il appartient au législateur de déterminer les limites du droit de grève ; il a souligné que ce droit a valeur constitutionnelle et que la loi ne saurait autoriser aucune délégation au profit du Gouvernement, de l'administration ou de l'exploitant du service en vue de réglementer ce droit. L'intervention du législateur est donc indispensable pour aménager son exercice.
Ce principe de l'intervention du législateur pour réglementer le droit de grève est également posé par l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Il est aussi affirmé par l'article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi le soin de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale et de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques.
En renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable, l'article 2 du projet de loi laisse au Gouvernement le soin de déterminer les modalités d'application des conditions d'exercice de cette négociation. Il confie ainsi au pouvoir réglementaire le soin d'édicter des normes relatives à la négociation préalable qui constituent un élément substantiel des modalités d'exercice du droit de grève. En se déclarant incompétent au profit du pouvoir réglementaire, le législateur viole l'article 34 de la Constitution.
En tout état de cause, il serait plus pertinent, au regard de l'objectif d'amélioration du dialogue social, de renoncer à ce que des actes unilatéraux s'imposent aux partenaires sociaux.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec pour défendre l'amendement n° 171 .
L'amendement que nous présentons a les mêmes fins que celui qui vient d'être défendu par notre collègue Lecoq : il vise à supprimer l'alinéa 3 de l'article 2, qui donne au pouvoir réglementaire la possibilité de se substituer par décret aux partenaires sociaux à compter du 1er janvier 2008, en cas d'absence d'accord cadre.
Or, comme Alain Vidalies l'a exposé hier en défendant l'exception d'irrecevabilité, nous rangeons l'inobservation de la répartition des compétences entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif parmi les motifs établis d'inconstitutionnalité. Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, que M. Lecoq vient de rappeler très justement, la définition des modalités du droit de grève, droit de valeur constitutionnelle, relève exclusivement de la loi.
Notre collègue Vidalies avait également évoqué hier la décision du Conseil constitutionnel de juillet 1980, mais également celle du 25 juillet 1979, qui concerne d'encore plus près le dispositif dont nous débattons actuellement, puisqu'elle reconnaissait au seul pouvoir législatif le soin de concilier l'exercice des deux principes de valeur constitutionnelle que sont le droit de grève et la continuité des services publics. En d'autres termes, comme Alain Vidalies l'a démontré très précisément hier, le Conseil constitutionnel a rappelé que la conciliation entre le droit de grève et la nécessité du maintien et de la continuité du service public devait être assurée exclusivement par le législateur.
Pourtant l'alinéa 3, dont ces deux amendements tendent à la suppression, renvoie au décret l'organisation d'un dispositif qui réglemente en fait l'exercice du droit de grève, puisqu'il y est indiqué que les règles d'organisation ou de déroulement de la négociation préalable devront respecter les conditions posées au II. Quelles sont-elles ?
Premièrement, les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l'employeur des motifs pour lesquels elle envisage de déposer le préavis de grève prévu – n'est-ce pas là, mes chers collègues, une modalité de l'exercice du droit de grève ?
Deuxièmement, le délai dans lequel, à compter de cette notification, l'employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification – il s'agit là encore de fixer une modalité d'exercice du droit de grève.
Troisièmement, la durée dont l'employeur et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I – le décret va donc fixer les modalités du droit de grève.
Quatrièmement, les informations qui doivent être transmises par l'employeur aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation – il s'agit donc bien de réglementer l'exercice du droit de grève…
Cinquièmement, les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l'employeur se déroule – il s'agit là encore de réglementer l'exercice du droit de grève.
Sixièmement, les modalités d'élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable, ainsi que les informations qui doivent y figurer – il s'agit bien d'une modalité de l'exercice du droit de grève !
Les dernières, mais non les moindres, dont le respect s'impose sont les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l'employeur, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification, ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable...
Autrement dit, par l'alinéa 3 de l'article 2, vous donnerez bel et bien au pouvoir réglementaire la possibilité de fixer, par décret en Conseil d'État, les modalités d'exercice du droit de grève !
Hier, dans le cadre de l'exception d'irrecevabilité, Alain Vidalies a très pertinemment relevé la contradiction : ou c'est le législateur, la représentation nationale, le Parlement, qui fixe les modalités du droit de grève, ou ce sont les partenaires sociaux ; mais il ne peut pas y avoir intervention du pouvoir réglementaire.
On comprendra dès lors la rigueur avec laquelle nous défendons ce principe : nous ne pouvons renvoyer à un décret la fixation des modalités d'exercice du droit de grève. Nous le pouvons d'autant moins que le refus opposé à nos propositions de revenir sur la date du 1er janvier 2008 nous a éclairés : il s'agit d'une instrumentalisation visant à exercer une véritable pression sur le dialogue social. Autant de raisons pour lesquelles il convient de supprimer l'alinéa 3 de l'article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La commission a rejeté ces amendements. Je ne reviendrai pas sur l'économie générale de cet article et la place prioritaire qu'il laisse en tout état de cause à la négociation collective, conformément à nos voeux, sinon pour préciser qu'un amendement viendra en outre garantir la consultation des partenaires sociaux avant la publication le cas échéant du décret en Conseil d'État – qui n'est pas une obligation.
président de la commission spéciale. À contradiction, contradiction et demie : je ne suis pas d'accord avec l'argumentation développée par les deux orateurs qui viennent de s'exprimer, mais, si on les entend bien, on se rend compte qu'ils viennent d'illustrer pendant quelques minutes la nécessité d'intervention de la loi dans l'organisation de la grève.
président de la commission spéciale. Ce que vous venez de dire pour critiquer le recours au décret et justifier l'intervention de la loi est, au fond, une superbe démonstration de la justification globale du texte que nous examinons.
président de la commission spéciale. Après avoir passé la journée d'hier et de longs moments aujourd'hui à tenter de démontrer qu'il n'y avait guère de place pour une loi organisant la grève pour la continuité du service public, vous venez, en défendant vos deux amendements, de démontrer à peu près le contraire... C'est assez intéressant !
C'est vous qui inventez des principes constitutionnels qui n'existent pas !
Pour une partie de l'argumentation, je ne tenais pas à répondre dans le détail car le sujet a déjà été évoqué. On peut certes faire, comme le disait M. Vidalies, une deuxième tentative, puis une troisième, mais il faudrait surtout savoir si nous voulons, ou non, nous concentrer sur l'essentiel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ne jouons pas sur les mots : nous avons déjà eu ce débat tout à l'heure.
Pour ce qui est de l'essentiel, la vérité est que, spontanément, vous êtes tous d'accord sur le dialogue social,…
…mais que vous cherchez tous les moyens de vous opposer à cette démarche, qui fait l'unanimité partout. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'exercice du droit de grève relève du débat législatif et non du ministre !
Cela ne devrait gêner personne de reconnaître les différences.
Quant au nouveau point que vous avez soulevé, en évoquant la décision du Conseil constitutionnel, le projet a pris soin d'éviter l'incompétence négative : on a veillé à ce que le législateur épouse complètement sa responsabilité à cet égard. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le contenu de l'accord et celui du décret sont précisément définis dans le projet de loi. Certains auraient certes pu penser que ce texte, qui est une loi cadre, resterait très général, mais il se trouve être beaucoup plus précis, afin d'éviter aussi le péril de l'incompétence négative. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
Les observateurs attentifs auront remarqué qu'il y a loin entre l'intervention précédente de M. le président de la commission spéciale et celle de M. le ministre. Il faut choisir entre deux arguments contradictoires : on ne peut prendre les deux à la fois.
Monsieur le président de la commission spéciale, votre démonstration selon laquelle nous tiendrions à recourir à la loi parce que nous ne serions pas favorables au dialogue social est un peu aventureuse ; l'argumentation de M. Le Bouillonnec, qui reprenait une partie de notre exception d'irrecevabilité, a bien souligné qu'il s'agissait d'une question de constitutionnalité. C'est la loi, et la loi seule, qui a la possibilité d'aménager le droit de grève, comme l'a exprimé le Conseil constitutionnel.
M. le ministre, qui l'a bien compris et a affiné sa réponse depuis hier, vient non pas de répondre spontanément, mais de lire très précisément mot à mot ce qui servira de réponse à l'argumentation que j'ai développée hier et qui a été reprise par M. Le Bouillonnec sur la question de l'incompétence négative. Je partage sur ce point, monsieur le ministre, votre diagnostic juridique, contre M. Mariton : le règlement ne peut intervenir que si la loi est assez précise et s'il s'agit d'un règlement d'application. Il m'a ainsi paru très intéressant que le rapporteur parle de décret supplétif…
Je vais vous répondre.
Ce n'est pas étonnant ! Nous sommes là au coeur d'un débat qui sera très intéressant devant le Conseil constitutionnel.
Monsieur le ministre, en rappelant que j'ai quelque peu insisté avec une première, une deuxième et une troisième chance, vous vous êtes montré devin : voici en effet la quatrième chance ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je me suis contenté jusqu'ici de relire les engagements du candidat à la présidence de la République.
Après tout, on peut changer d'avis une fois qu'on est élu et peut-être l'explication que vous n'osez pas donner – c'est bien compréhensible – est-elle qu'une fois le président élu, les promesses de campagne n'engageant que ceux qui les écoutent, nous sommes passés à la réalité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne criez pas trop : la formule est de M. Pasqua et je pensais que vous vous reconnaîtriez dans ces propos.
Il m'a donc semblé beaucoup plus intéressant de voir ce qu'il en était des positions du Président de la République maintenant qu'il est élu. Nous avons donc fait quelques recherches sur la journée du 25 mai 2007. Je vous vois acquiescer, monsieur le ministre : il est vrai que vous étiez acteur dans cette affaire…
J'y étais !
C'est d'autant plus intéressant, car nous sommes là au coeur des choses. Le Président de la République décide donc de recevoir l'ensemble des organisations syndicales, de dix heures à dix-sept heures – mais puisque vous y étiez, je ne reprendrai pas le détail de l'horaire. J'ai pris connaissance des réactions de toutes les organisations syndicales et des communiqués publiés à l'issue de cette réunion. Quels sont les engagements qui ont été pris le 25 mai et pourquoi, ce jour-là, comme chacun s'en souvient, les mêmes organisations syndicales qui manifestaient tout à l'heure ont-elles pu sortir relativement apaisées de cette réunion ?
Toutes ne manifestaient pas aujourd'hui !
Si, monsieur le ministre, pratiquement toutes.
À la sortie de cette réunion à laquelle vous avez participé, les organisations syndicales avaient reçu des engagements assez précis. Le président élu semblait moins pressé et les négociations ne devraient pas commencer avant l'automne. M. Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, avait déclaré que M. Sarkozy était prêt à laisser les partenaires sociaux négocier et avait bien indiqué qu'il ne recourrait à la loi que si la négociation traînait trop. Même satisfecit de la part de Jacques Voisin, de la CFTC, qui déclarait que le Président de la République était « d'accord pour reconnaître que l'alarme sociale peut apparaître comme le dispositif utile et répondant à ses préoccupations ». Le communiqué de la présidence de la République, quant à lui, indiquait que « le Président a clairement exprimé son désir de privilégier systématiquement la négociation, de laisser la main aux partenaires sociaux. Dès qu'une négociation sera ouverte, il n'y aura pas d'interférence de la part du Gouvernement ».
C'était le 25 mai 2007. Quelques semaines plus tard, vous avez convoqué le Parlement en session extraordinaire pour légiférer sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous pouvez ironiser sur le calendrier, mais au-delà du caractère un peu particulier de la situation, se pose la question de la valeur de la parole politique, qui est encore plus grande quand elle s'adresse aux partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Monsieur Vidalies, pour que la parole politique soit respectée, il faut qu'il y ait de bons porte-parole. Tout à l'heure, si j'ai bien compris, vous vouliez devenir ministre…
…et maintenant vous voulez être porte-parole de Nicolas Sarkozy.
Auquel cas, il vous faut être fidèle à ce qu'ont dit le Président de la République et les responsables des organisations syndicales : les propos que vous rapportez concernaient l'ensemble des négociations en cours.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !
Bien sûr que si : j'y étais ! Il ne s'agissait pas que du service minimum, car il était question ce jour-là de renvoyer cette question à des discussions qui auraient lieu sous l'égide du ministre du travail.
Vous êtes en train de nous dire que le président a fait exprès de ne pas parler du service minimum ?
Ne soyez pas impatient : je vais continuer. Ne me laissez pas croire que vous êtes anxieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
N'hésitez pas à consulter vos sources, M. Vidalies : je vous dis la vérité. Sur ce point précis, il était question de l'ensemble des négociations menées sous l'égide du patronat avec l'ensemble des organisations syndicales de salariés, ainsi que l'UPA et la CGPME. C'était bien de cela qu'il s'agissait, et de rien d'autre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ce qui importe, c'est de bien montrer les limites de notre exercice. Ayant quelque habitude des débats parlementaires et y prenant goût, je vois bien que vous avez choisi votre terrain et que vous cherchez depuis tout à l'heure à peaufiner des arguments juridiques. Le juridique et le politique ne sont certes jamais très éloignés, mais vous avez choisi de saisir directement le Conseil constitutionnel, car vous savez que vous n'avez pas d'arguments politiques.
Vous savez que, sur ce sujet, nous ne travaillons pas ici en vase clos, mais devant les Français, et que vous avez déjà perdu la bataille de l'opinion, car vous n'avez jamais cherché à avancer des arguments de fond et vous ne cessez de le démontrer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Chacun aura bien compris que nous avons touché au but : la perte de sang-froid du ministre est assez étonnante. (Protestations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour un député, pour le législateur, il n'y a pas de honte ni rien de péjoratif à vouloir mettre du droit dans la loi. J'espère même que cette conception du droit et de son élaboration collective est partagée. L'idéologie n'a rien à voir là-dedans, car il s'agit ici du rapport à la loi et de l'État de droit. Je n'irai pas au bout de ma pensée quant à l'opposition que vous venez de faire entre la politique et la loi, mais permettez-moi de vous dire que vous ne nous avez guère habitués à de tels propos.
Je tiens à vous répondre sur un point, monsieur le ministre, car lorsque vous êtes pris en défaut – on n'a pas forcément raison sur tout ! –, vous utilisez immédiatement des arguments qui sortent des sentiers battus. Vous pouvez ne pas partager ma position, mais je m'étonne que vous me répondiez en affirmant que le communiqué n'avait rien à voir avec le texte dont nous débattons aujourd'hui, puisque la position des organisations syndicales concernait un ensemble d'autres questions. J'ai pourtant pris le soin de citer des réactions claires, comme celle de Jacques Voisin, de la CFTC, qui indique que le Président de la République est « d'accord pour reconnaître que l'alarme sociale peut apparaître comme le dispositif utile ». Pensez-vous qu'un autre sujet que celui dont nous débattons aujourd'hui puisse amener à s'exprimer sur l'alarme sociale ? C'est bien sur le problème dont nous débattons que portaient, uniquement et strictement, les réactions que j'ai citées. L'alarme sociale est au coeur de notre débat.
Vous aurez beau inventer toutes les explications a posteriori, le Gouvernement et le Président de la République ont changé de position. Ce ne sont pas vos réactions qui empêcheront l'opposition de le dire haut et fort. J'ignore s'il s'agit de politique ou de droit, mais c'est au moins l'expression de nos convictions et nous allons continuer à les exprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis saisi d'un amendement n° 20 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
L'amendement n° 20 précise que le décret en Conseil d'État sera « pris après consultation des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés des secteurs d'activité concernés », comme je l'avais proposé.
Favorable.
Cet amendement ne prête pas à conséquence et nous semble tomber sous le sens. Cela dit, vous avez indiqué tout à l'heure, monsieur le rapporteur, que le décret n'était pas obligatoire. Pouvez-vous préciser ce que cela signifie ? Ce décret serait-il aléatoire ? C'est là une notion assez insolite : un décret qui oblige, mais qui n'est pas obligatoire...
Monsieur le ministre, pour vous être agréable, il s'agit là d'une question politique, et non pas juridique – car cela m'échapperait : qu'est-ce qu'un décret qui n'est pas obligatoire ?
L'amendement n° 21 , que nous examinerons tout à l'heure, évoque « l'accord-cadre, l'accord de branche et, le cas échéant, le décret en Conseil d'État ».
Je suis saisi d'un amendement n° 172 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 21 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 173 .
La parole est à M. Marc Dolez, pour le soutenir.
Dans le but de renforcer le dialogue social et de s'en donner concrètement les moyens, l'amendement n° 173 propose, après l'alinéa 4 de l'article 2, de prévoir que l'accord-cadre détermine aussi « les conditions de mise en oeuvre du droit syndical et d'exercice des fonctions syndicales dans l'entreprise ». Cela permettra à cet accord d'aborder des points aussi précis et concrets, et tout à fait importants dans l'exercice au quotidien du droit syndical, que le nombre et le rôle des délégués, les heures de délégation, les règles d'affichage, les locaux mis à disposition, etc.
La commission a repoussé cet amendement qui opère à notre sens un dangereux mélange. L'accord-cadre, qui vise à prévenir les conflits, porte sur un objet précis, à savoir les motifs pour lesquels il est envisagé de recourir à la grève. Il me semble que répond mieux à cet objectif la grande concertation qui est lancée par le Gouvernement auprès de l'ensemble des organisations syndicales et pour laquelle nous espérons que l'automne prochain sera une étape importante.
Ce n'est pas du tout un sujet tabou mais, s'agissant de la démocratie sociale, je crois, j'ai la faiblesse de croire que l'ensemble des partenaires sont capables d'arriver à des visions convergentes et je ne vois pas comment on pourrait régler dans ce texte, même si c'est important, la question des moyens syndicaux. On sait d'ailleurs que cela a permis de faire avancer les choses là où des accords d'alarme sociale ont été passés.
Mais franchement, même si, je le répète, le sujet n'est pas tabou, il ne me paraît pas possible de régler cette question aujourd'hui alors que les partenaires engageront une négociation cet automne.
Monsieur le ministre, je serais très intéressé de connaître, au cas où les accords n'interviendraient pas, le contenu du décret dans le domaine concerné par l'amendement. Dans quelles conditions le décret viendrait-il se substituer aux accords et quelle ligne donnerait-il ?
Cela a déjà été expliqué tout à l'heure.
Cet amendement vise simplement à se donner les moyens du dialogue social.
Je viens de vous répondre.
Dans le rapport du Sénat sur ce texte, il est indiqué que l'accord RATP comprenait deux parties : une première sur le droit syndical et l'exercice des fonctions syndicales, une seconde sur le code de déontologie pour améliorer le dialogue social. Le rapport de la commission spéciale le montre, chiffres à l'appui : c'est la présence syndicale qui permet de développer le dialogue social, qui permet de conclure et d'assurer dans le temps la sécurité des accords conclus.
Votre refus me fait croire que le seul but de la loi est de restreindre les droits des salariés, en privant les salariés de la nécessaire présence syndicale.
Il est important, me semble-t-il, de porter à l'information de l'ensemble de nos collègues un élément extrêmement intéressant qui a été évoqué devant la commission spéciale relatif à l'évolution de la discussion entre l'UTP et les organisations syndicales.
Il nous a été dit de manière tout à fait explicite que beaucoup de chemin avait été parcouru…
mais que les choses avaient achoppé en particulier sur une revendication qui avait semblé considérable en termes de représentation syndicale et de de moyens par les organisations. Une des personnes auditionnées par la commission spéciale a ainsi indiqué que la CGT avait revendiqué cent permanents en contrepartie d'un accord sur le processus enclenché. Cette revendication était apparue à tel point excessive que tout s'était arrêté.
Vous n'allez quand même pas croire l'UTP ? Ils mentent depuis dix ans !
Je ne suis pas juge de paix ; nous avons pratiqué une audition, cela n'a pas été contesté depuis.
C'est un vrai sujet. Certes, les conditions de la représentation syndicale sont essentielles, mais il faut rester raisonnable.
Lorsqu'il existe un tel écart entre la demande et ce qui paraît raisonnable, il faut que cela se sache. Il n'est pas inutile que la commission spéciale, l'Assemblée et l'opinion sachent ce qui fait parfois achopper des discussions et quel est l'ordre de grandeur des demandes en termes de représentation syndicale.
Les syndicats ont certes besoin de moyens ; mais la revendication de cent permanents exprimée par la CGT paraissait tout à fait surréaliste. Il nous a été indiqué, et c'est plausible, que c'était une des causes de l'absence de succès de la discussion sur l'alarme sociale.
Il est vrai que l'UTP et le MEDEF, qui ont exigé d'être entendus ensemble, ont tenu ces propos, que, naturellement, nous retrouvons dans le rapport.
Que ces propos figurent dans le rapport, c'est normal : ils ont été prononcés en commission. Mais outre le fait que je trouve curieux qu'ils aient avancé ces chiffres au cours de leur audition, je ne comprends pas que vous en tiriez des conséquences pour notre débat d'aujourd'hui.
Je ne sais pas, et je ne veux pas faire ce que je vous reproche, quelle était la position des organisations syndicales, puisque personne ne leur a demandé de réagir à ce texte.
Donc vous ne savez pas si c'est vrai ou si c'est faux, ni quelle était la nature de la discussion.
Mais au-delà, monsieur Mariton, dans le dialogue social entre les partenaires sociaux, que cela avance ou non, ce que le politique a de mieux à faire, c'est de se taire. Évidemment, la seule chose qui compte pour nous, c'est que l'accord intervienne. Mais nous savons bien que la négociation met en oeuvre des tactiques, et que les chemins pour parvenir à l'accord sont tortueux. Quelles conséquences voulez-vous tirer de l'argument que vous venez d'utiliser aujourd'hui ?
Notre conviction – je sais que vous ne la partagez pas – c'est que si nous en sommes là aujourd'hui c'est justement parce que, alors qu'il existait un accord à la RATP et un accord à la SNCF, certains n'ont pas voulu de l'accord et ont exigé une loi. Ils ont même osé dire qu'ils ne signeraient pas d'accord parce que le Président leur avait promis une loi et aujourd'hui ils ont satisfaction. Et il faudrait encore les féliciter et tirer des conséquences de leurs propres arguments sur les raisons de l'absence d'accord et de leur refus de négocier !
Je trouve cette façon de faire inadmissible. Cela confirme notre impression que, dans ce dossier, vous avez décidé non pas de respecter l'équilibre entre les partenaires sociaux, mais d'être au service de l'une des parties, ce qui n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je partage tout à fait l'appréciation de notre collègue Vidalies.
Monsieur le président de la commission spéciale, quand on veut citer une audition, il faut le faire complètement. Lors de cette même audition par la commission spéciale des responsables du MEDEF et de l'UTP, et cela nous avait été dit également par les syndicats lorsque nous les avions reçus tous ensemble auparavant, il a été indiqué que l'UTP et le MEDEF ne voulaient pas d'un accord – et n'en veulent sans doute toujours pas. Cela n'a d'ailleurs été démenti ni par l'UTP ni par le MEDEF. Et ils ont utilisé cet argument des demandes trop importantes qui auraient été formulées par des organisations syndicales.
Pour ma part, je crois que, dans une négociation, il y a toujours des points relativement éloignés mais que lorsque l'on a envie d'arriver à un résultat, on cherche les points de convergence.
J'ai cru comprendre d'ailleurs de la part de l'UTP et du MEDEF qu'une prise de position du Gouvernement aurait sans doute permis d'améliorer ou de rapprocher les points de vue. Mais prendre pour argent comptant dans le débat d'aujourd'hui cette déclaration faite par l'UTP, ce n'est pas honnête, monsieur Mariton.
Comme l'a dit M. Vidalies, c'est prendre position pour un camp contre l'autre. Il est vrai que depuis le début de la discussion, vous ne faites que cela : votre objectif est de servir tout simplement les patrons (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.), je dirais même les patrons les plus importants.
De façon à réduire en permanence, et cela a été dit tout à l'heure également par plusieurs de nos collègues, la marge de manoeuvre des salariés et de leurs organisations syndicales.
L'objectif de ce projet de loi est de réduire de façon extravagante les possibilités de défense des salariés.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour quelques instants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je serai bref, monsieur le président. J'ai travaillé, comme mes collègues, avec deux rapports, celui du Sénat, puisque le projet de loi est passé en premier lieu chez nos collègues, et le nôtre.
Nostalgie, nostalgie, quand tu nous tiens !
Permettez-moi de citer le rapport du Sénat : « Michel Cornil, président de l'UTP, a rappelé que son organisation rassemblait les entreprises de transport, au nombre desquels Transdev, Keolis et Veolia, ainsi que la RATP et la SNCF. Il a indiqué que l'UTP avait participé activement aux travaux de la commission Mandelkern, en 2004, et qu'elle avait ensuite engagé avec plusieurs organisations syndicales une négociation qui n'a pas abouti, sur la question de la continuité du service public. » C'est bien là-dessus que la discussion a achoppé : sur la question de la continuité du service public et sur rien d'autre.
En l'absence des intéressés, puisque les discussions ont été sectorisées, en lieu et place d'une table ronde réunissant patrons et organisations syndicales, c'est sur cette question de la continuité du service public que l'accord a achoppé. Par la suite, en 2006, l'UTP a été associée à l'élaboration d'une charte sur la prévisibilité du service public de transport en période de perturbation initiée par le ministre des transports, Dominique Perben, dont je rappelle qu'il était hostile à cette loi. « L'UTP », conclut Michel Cornil, « a enfin été consultée pour l'élaboration de ce projet de loi ». La boucle est bouclée : l'UTP est ravie, car elle a torpillé la négociation avec les organisations syndicales. C'est inscrit dans le rapport du Sénat !
Je n'ai pas à attribuer de responsabilités et je ne prends parti pour aucune des organisations que nous avons auditionnées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J'ai simplement jugé utile, afin d'éclairer notre assemblée au moment de l'examen de cet amendement relatif aux conditions de mise en oeuvre du droit syndical et d'exercice des fonctions syndicales, de rappeler ce que certaines des parties que nous avons auditionnées nous ont indiqué. M. Gazeau a précisé, au nom de l'UTP – page 136 du rapport –, que « le projet d'accord soumis aux organisations syndicales en 2005 comportait un titre Ier sur l'"alarme sociale" qui reprenait presque entièrement le texte voté par certains syndicats à la RATP ; le titre II portait sur les bonnes pratiques en matière de grève, tandis que le titre III concernait les moyens. La CFDT – vous demandiez cette précision tout à l'heure – demandait l'équivalent de trente-six postes, la CGT l'équivalent de plus de cent postes, alors que l'UTP, au niveau national, ne comprend que trois personnes. » (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je n'ai pas à apprécier le contenu du propos, mais il est de mon devoir, en tant que président de la commission spéciale, de le relater à nos collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi d'un amendement n° 175 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Cet amendement s'inscrit dans la logique de la modification rédactionnelle que j'ai précédemment proposée et qui a été acceptée.
Favorable.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement, no 63 rectifié .
La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.
Cet amendement vise à éviter toute ambiguïté sur l'addition des délais que ce texte introduit. Aujourd'hui, la grève reste l'un des outils à disposition des salariés pour faire entendre leurs revendications quand ils n'ont pas été entendus par leur direction. Et le dépôt de préavis permet d'indiquer à la direction la détermination des salariés à faire pression sur elle quand elle n'a pas su entendre leurs revendications.
Votre texte reste muet sur la possibilité de dépôt de préavis en cas d'échec de la négociation. C'est pourquoi nous avons souhaité préciser avec cet amendement qu' « En cas de carence ou d'échec de la négociation acté par l'inspection du travail ou de constat de désaccord, le préavis peut être déposé avant l'expiration de cette durée ».
Sans cet amendement de précision, la durée entre l'annonce de la volonté de faire grève et le déclenchement effectif de celle-ci pourrait atteindre treize jours ! Cela constituerait une entrave injustifiée aux capacités d'action des syndicats et nuirait évidemment au bon fonctionnement de l'entreprise. Or, si les négociations échouent, la grève reste l'ultime moyen pour faire entendre la voix des salariés qui, nous n'avons cessé de le montrer depuis hier, n'ont pas pour habitude d'abuser de la pratique du dépôt de préavis.
Au final, notre amendement permettrait de ne pas sombrer dans l'attente, mais d'utiliser le dépôt du préavis comme avertissement à la direction pour faire évoluer une situation enlisée. Il permettrait de donner un nouveau souffle au contenu de la négociation dans la période de préavis, car en accélérant le dépôt de préavis, il anticipe la deuxième négociation obligatoire et permet ainsi d'évoluer plus vite vers un accord entre salariés et direction.
Cet amendement a été repoussé par la commission, car le curieux dispositif proposé témoigne d'une véritable défiance à l'égard des partenaires sociaux : il ne laisse pas toutes ses chances à la négociation préalable, puisque celle-ci n'irait pas jusqu'au délai maximum de huit jours. L'adoption d'un tel amendement marquerait un retour immédiat à la pratique des préavis glissants que l'article 2 vise justement à empêcher.
Même argumentation, même avis que la commission. Je préfère que l'on s'en remette aux partenaires sociaux.
Je mets aux voix l'amendement n° 63 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 98 .
La parole est à M. Christian Blanc, pour le soutenir.
Il s'agit d'un amendement de précision visant à remplacer, dans la dernière phrase de l'alinéa 7 de l'article 2, la mention « huit jours » par la formule « huit jours francs ».
Favorable, car l'amendement permet non seulement de disposer d'un délai suffisant pour négocier au sein de l'entreprise, mais aussi d'aligner les règles de computation du délai sur celles qui s'appliquent au dépôt du préavis. C'est donc, de surcroît, un amendement de cohérence.
Monsieur le ministre, il conviendrait de vérifier quelles peuvent être les conséquences de cet amendement s'il est adopté et expliquer qu'il neutralisera les samedis, les dimanches et les jours fériés. Ainsi, un délai de cinq jour deviendrait un délai de sept jours et une période de seize jours pourrait être portée à dix-huit, voire à vingt jours. Personne n'avait vu le texte sous cet angle jusqu'à aujourd'hui. Peut-être cette précision est-elle justifiée à vos yeux par certains aspects de la vie de l'entreprise ; reste qu'elle me semble d'autant plus délicate que, du fait de l'urgence déclarée sur ce texte, nous ne le reverrons plus ici avant la CMP. Nous avons là un vrai problème par rapport aux organisations syndicales. Si cet amendement est adopté, tout le monde s'apercevra demain que les règles de calcul seront modifiées. J'avoue ne pas en être absolument sûr, mais il me semble bien qu'aujourd'hui la computation ne se fait pas ainsi : le délai est de cinq jours, y compris les jours fériés. Une telle précision changerait considérablement le calcul des délais et les allongerait, dans certains cas, de deux ou quatre jours. C'est donc une modification qui mérite attention et qui ne doit pas être adoptée dans la précipitation.
Je n'ai pas le sentiment, mes chers collègues, que parler de « jours francs » revienne à exclure les samedis, dimanches et jours fériés. Seul le premier jour de la période considérée serait exclu.
La parole est à M. le ministre.
En effet. Il faut bien distinguer les jours ouvrables des jours francs. Si le préavis est déposé un lundi, la période de délai commencera le mardi. Vous voyez que nous pouvons nous compléter !
Je suis saisi d'un amendement n° 176 .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Cet amendement donne une chance de rattrapage. Je ne reprends pas l'argumentation déjà développée, car je commence à désespérer de votre solidarité avec les engagements du Président de la République !
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement, no 177 rectifié .
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Monsieur le ministre, vous m'avez tout à l'heure donné une réponse amusée,…
Non, interrogative !
…mais je pense que nous avons un gros problème : ce projet de loi est déposé par le Gouvernement, sous sa responsabilité. Et vous ne pouvez pas vous en tirer en laissant planer l'incertitude lorsque nous posons des questions sur des situations qui nous paraissent de nature à aboutir à d'énormes difficultés !
Vous auriez très bien pu imaginer un dispositif qui, même si nous n'en sommes pas d'accord, reste propre aux conflits internes à l'entreprise. Que feront en effet les organisations syndicales et les chefs d'entreprise en cas de revendications interprofessionnelles ? Celles-ci ne sont pas une invention de l'opposition ! Dès lors, que se passera-t-il concrètement sur le terrain ? La question est d'autant plus importante que le non-respect des dispositions du texte est passible de sanctions, notamment pour les salariés. N'allons-nous pas nous trouver là dans une conflictualité inimaginable faute d'avoir fait une loi compréhensible ? Or, abstraction faite de tout jugement de valeur sur son contenu, ce dispositif n'est pas compréhensible.
Il était de la responsabilité du Gouvernement de proposer un texte cohérent et il ne me semble pas invraisemblable de rechercher un système ou une procédure d'arbitrage pour distinguer ce qui relève des revendications propres à l'entreprise, soumises au processus que vous nous proposez, et ce qui relève des revendications interprofessionnelles qui ne disparaîtront pas du jour au lendemain ! Souvenons-nous de la crise du CPE ! Il n'était pas question de mettre en place un tel système au niveau de chaque entreprise. Un cadre législatif unique n'exposera-t-il pas à des sanctions les salariés ayant participé au mouvement ? Et que va-t-on dire aux chefs d'entreprise ? Qu'ils doivent organiser ce processus parce que le Gouvernement a décidé que toutes les grèves se ressemblaient ! Non, ce n'est pas la réalité ! Vous invoquez souvent le principe de réalité de la vie économique et sociale, eh bien, en voilà une illustration ! Ce n'est pas nous qui inventons cette distinction, elle existe, c'est une réalité, tout le monde ici le sait bien !
Trouvons un dispositif qui corresponde clairement à ces deux réalités. Tel est l'objectif de cet amendement. Car, même si nous éludons la question ce soir, nous y serons nécessairement confrontés et, faute d'avoir mené à bien ce travail à l'Assemblée, nous mettrons demain les salariés et les chefs d'entreprise face à des problèmes insolubles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La commission a repoussé cet amendement, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure.
Même avis.
Je comprends qu'à cette heure avancée de la soirée, le rapporteur et le ministre aient perdu un peu de la vivacité d'esprit qui les caractérise pourtant habituellement… (Sourires.)
Je résume la question : les conflits interprofessionnels entrent-ils dans le champ de l'article 2 ?
Ma réponse est oui !
Je mets aux voix l'amendement n° 177 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 64 .
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
À n'en pas douter, l'article 9 du projet de loi, que nous examinerons bientôt, promet des discussions passionnées, tant il est unanimement perçu comme une provocation de trop de la part du Gouvernement et de la majorité. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Si vous n'aviez pas mis tant d'acharnement et de démagogie à vouloir réaffirmer de manière législative le principe de non-paiement des jours de grève, pour mieux accréditer dans l'opinion l'idée fausse selon laquelle les salariés grévistes du secteur public seraient des privilégiés en ce domaine, je ne serais pas intervenu sur cette question dès l'article 2.
Mais, monsieur le ministre, comme vous aimez invoquer des règles bien établies, appliquées et confortées par la jurisprudence, vous ne verrez pas de difficultés à ce que je profite à mon tour de l'occasion pour clarifier pleinement la situation en rappelant à chacun, en particulier aux partenaires amenés à négocier l'accord cadre de prévention des conflits, qu'il existe des dérogations au principe de non-paiement des grévistes.
Ainsi, la jurisprudence admet que l'employeur puisse être contraint de payer aux grévistes une indemnité compensant la perte de leurs salaires « lorsqu'ils se sont trouvés dans une situation contraignante telle qu'ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par suite d'un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations ». Lorsque des dispositions d'ordre public social sont violées – en cas de non-respect de la procédure en matière de licenciement, ou de mauvaise foi dans la conduite de négociations –, l'employeur s'expose au paiement de la fraction des salaires perdus en raison de la grève. Dans un arrêt du 21 mai 1997, la Cour de cassation a confirmé un jugement de conseil des prud'hommes condamnant l'employeur à payer des heures de grève à ses salariés ayant cessé le travail à la suite de son refus de négocier en vue de la suppression d'une prime illicite les incitant à dépasser la durée normale du travail et les temps de conduite autorisés – vous voyez que, en l'espèce, il s'agissait bien de transport.
L'amendement n° 64 ne propose rien d'autre que de transcrire de manière législative l'existence de telles dérogations. En outre, afin que chacune des parties de la négociation soit pleinement informée des conséquences d'une grève en cas d'échec de la procédure de prévisibilité des conflits, nous proposons que figurent dans l'accord cadre des dispositions explicitant les conditions dans lesquelles pourront être opérées les retenues sur le traitement ou sur le salaire.
Je ne vois pas pourquoi on évoquerait les retenues sur le traitement ou sur le salaire au moment de la négociation préalable, dont le but est précisément d'éviter la cessation concertée du travail et ses conséquences. À mon sens, l'amendement n'a donc pas lieu d'être. Quoi qu'il en soit, il a été rejeté par la commission.
Avis défavorable.
L'amendement n° 98 tend à maintenir en l'état la situation de la RATP comme de la SNCF, où il existe un processus d'alarme sociale ou d'accords négociés qui donnent de bons résultats, et dont la direction de l'entreprise comme les organisations syndicales se disent satisfaites. En 2006, la RATP en était à son troisième accord, après ceux de 1996 et de 2001. C'est dire que l'histoire de l'entreprise est aujourd'hui rythmée par ces avancées. Comme l'accord de 2001, celui de 2006, d'abord oublié dans le projet de loi, prend en compte dix ans d'expérience commune de la part de la direction de l'entreprise et des organisations syndicales, ce qui est extrêmement intéressant et positif. Car, si un accord est une bonne chose, ce qui compte dans la vie d'une entreprise, c'est surtout qu'il soit renouvelé à échéance et qu'il prenne en compte l'expérience collective pour essayer de l'améliorer.
C'est pourquoi je trouve que le projet de loi prend beaucoup de risques. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'en est un que de dire aux responsables de l'entreprise et aux organisations syndicales que, même si leur histoire a été prise en compte, ils tomberont désormais sous le coup du droit commun, dont on ne sait d'ailleurs pas exactement ce qu'il est. Que prévoira l'accord cadre ? De quelle prévisibilité disposons-nous ? À mon sens, vous prenez un risque inutile qui, dans tous les cas, va modifier la règle pour les partenaires sociaux. Comment réagiront-ils face à cette intrusion du pouvoir politique ou de la loi dans le mécanisme qu'ils ont réussi à organiser et qui, d'une certaine façon, nous sert de référence, puisque nous voulons le généraliser ?
La première mesure de bon sens, tout au moins de prudence, serait d'acter l'existence de ces accords et de laisser aux entreprises concernées leur autonomie par rapport à la loi. J'insiste sur le risque qu'il y a à transformer du cousu-main en prêt-à-porter, et à substituer à de tels accords le droit commun. Même s'il y a peu d'exemples de ce type dans notre pays, reconnaissons que certains syndicalistes et certains chefs d'entreprise ont réussi, par leur travail, une oeuvre que nous nous accordons à trouver bonne. Pourquoi ajouter un grain de sable dans cet engrenage, au risque de gripper les rouages ?
Nous touchons au coeur du problème, monsieur le ministre. Même si les médias ne s'en font pas largement l'écho, votre réponse à M. Brottes, que nous avions anticipée dès le début du débat, est capitale. Je le dis gravement : si l'on va au bout de la mécanique de votre projet de loi, ce ne sont pas vos attaques ponctuelles, auxquelles nous répondrons par la suite, ce qui remettent véritablement en cause le droit de grève, mais la manière dont vous assimilez les grèves interprofessionnelles aux conflits d'entreprise, et votre volonté que chaque entreprise suive une même procédure, y compris pour des revendications interprofessionnelles.
Vous le savez fort bien : les grèves les plus longues et les plus difficiles qu'a connues notre pays ont été, à quelques exceptions près, des mouvements interprofessionnels. Ce sont eux que vous visez. L'attaque est du reste habile et le texte bien ciselé – mais il ne peut pas fonctionner. Quand on atteint un tel niveau de conflit – je vous renvoie à tous les grands mouvements de l'histoire depuis 1963 –, et quelles que soient les règles de droit qu'on ait imaginées, les conflits entre les hommes relèvent d'une solution politique et non plus d'un cadre juridique. Or vous ne laissez pas d'autre porte de sortie. En instaurant ce système, en effet, vous voulez, sinon interdire la grève, du moins dissuader tous les salariés de la faire et, en les obligeant à respecter de telles procédures, rendre quasiment impossible l'expression d'un mouvement de grève collectif et interprofessionnel dans l'ensemble du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L'objet de l'amendement n° 22 , adopté par la commission, est double.
Il vise à dispenser la SNCF et la RATP de renégocier l'ensemble de leurs accords, ce qui serait nécessaire si le projet de loi était adopté en l'état, car leurs accords portent sur le dialogue social en général, dont la procédure de prévention des conflits ne constitue qu'une petite partie.
En même temps, il prévoit que, comme l'ensemble des entreprises, elles se mettent en conformité avec l'article 2 du projet de loi, car il n'y aucune raison pour qu'elles bénéficient d'un traitement particulier à cet égard ou d'un délai supplémentaire, comme celui que prévoyait le Sénat.
Cette solution est du reste conforme aux déclarations tant de Mme Idrac que de M. Mongin, reçus la semaine dernière par notre commission. Mme Idrac a confirmé sa demande que le dispositif s'applique à la SNCF dès le 1er janvier 2008, en précisant d'ailleurs que certaines clauses portant sur la continuité et la prévisibilité du service public avaient déjà été introduites dans les conventions renégociées ces derniers mois ou négociées dans le cadre du STIF. M. Mongin, quant à lui, s'est déclaré plutôt favorable à une mise en conformité de sa convention avant le 1er janvier 2008, estimant qu'un délai d'incertitude supplémentaire créerait des perturbations.
La commission a par conséquent repoussé l'amendement n° 178 , en contradiction avec la démarche qu'elle a adoptée en votant l'amendement n° 22 .
M. Vidalies nous assure que tout va déjà très bien à la RATP et à la SNCF. Mais c'est loin d'être le cas ! Mme Idrac a souligné que, dans 84 % des cas, les préavis ne sont pas précédés de ce qu'on appelle à la SNCF une « demande de concertation immédiate », équivalent de la négociation préalable prévue à l'article 2. C'est pour cette raison que le dispositif proposé est nécessaire, et qu'il est justifié de voter l'amendement de la commission.
Si tout allait bien, M. Vidalies aurait sans doute raison. Mais, dans 84 % des cas, les faits lui donnent tort !
L'amendement n° 22 me semble volontariste. Il vise en effet à encourager encore le dialogue social à la RATP et à la SNCF, en prévoyant que les accords cadres, qui, dans ces entreprises, organisent les procédures de prévention des conflits, soient modifiés avant le 1er janvier 2008. Toutefois, il convient de rappeler qu'ils devront être non pas renégociés, mais adaptés. Telle est la logique de l'alarme sociale, qui nous intéresse particulièrement.
Par ailleurs, l'amendement introduira davantage de cohérence dans la mise en oeuvre effective des procédures de prévention des conflits, puisqu'une seule date – le 1er janvier 2008 – sera retenue pour toutes les entreprises.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 22 et défavorable à l'amendement n° 178 .
L'amendement n° 22 est une injonction. Il ne laisse pas le choix : pour être valables, les procédures de prévention des conflits devront être mises en conformité avec les dispositions de l'article par voie d'avenant. Or, pour ma part, j'ai appris il y a très longtemps qu'il faut être au moins deux pour parvenir à un accord : un partenaire ne peut pas, à lui seul, prévoir un avenant à un contrat qu'il a signé avec d'autres… C'est du moins ce qu'il me semble, à moi qui ne suis pas spécialiste du droit.
Monsieur le rapporteur, vous voudriez nous faire inscrire dans la loi une obligation de mise en conformité qui interviendrait par voie d'avenant et serait signée par tous les partenaires. Est-ce ce que vous appelez le dialogue social ? M. le ministre a été plus pudique en parlant d'un amendement « volontariste ». C'est bien le cas, en effet, puisqu'il impose l'obligation d'agir et de respecter strictement les termes de la loi !
Chacun l'a compris : cette manière d'imposer un accord aux partenaires sociaux est inacceptable. Elle appelle en outre une question : que se passera-t-il si l'une des parties refuse de signer l'avenant, parce que le complément qui manque, afin de respecter les accords-cadres, ne lui convient pas ou qu'on ne réussit pas à trouver un accord ? Vous me répondrez sans doute qu'un décret interviendra. Mais la partie de l'accord qui avait déjà été signée et validée sera-t-elle caduque ou continuera-t-elle à s'appliquer, de sorte que le décret n'instituera que la partie manquant au dispositif que vous souhaitez instituer ? C'est là une question importante, monsieur le rapporteur, car on ne peut décréter, comme vous le faites, que l'avenant sera signé par tout le monde : il ne suffit pas de taper du pied pour que les partenaires soient d'accord. Que se passera-t-il dans l'hypothèse où l'avenant ne serait pas signé par l'ensemble des parties ?
Mettons les pieds dans le plat : pour la SNCF et la RATP, un décret se substituera aux procédures de prévention des conflits existantes si un avenant n'est pas signé avant l'article 2. Inutile de tourner autour du pot, c'est ainsi qu'il faut poser le problème ! Tous ceux qui ont fait un peu de droit auront la même lecture juridique de cette alternative que celle que vient de proposer François Brottes. C'est précisément pourquoi nous contestons la rédaction de l'alinéa 12 et proposons dans notre amendement n° 178 d'écrire que ce qui a été fait reste fait. Les entreprises et les syndicats pourraient alors négocier par ailleurs un dispositif complémentaire tandis que les accords cadres actuels serviraient d'exemple pour les négociations et que les acquis ne seraient pas remis en cause.
En revanche, adopter l'amendement n° 22 revient à décider, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, si un avenant n'est pas signé à la SNCF et à la RATP, le Gouvernement engagera le 1er janvier 2008, par la voie réglementaire, la modification de la totalité des accords existants. Voilà le sens de votre amendement, toute autre explication est superflue !
La réalité que nous venons de découvrir, c'est donc que le 2 janvier 2008, un décret viendra modifier les rapports sociaux dans ces entreprises. Telles seraient les conséquences du rejet de notre amendement n° 178 et surtout de l'adoption de l'amendement n° 22 . (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur Brottes, je suis exagérément laxiste ce soir, mais je ne vous donne pas la parole maintenant, vous l'avez déjà eue et M. Le Bouillonnec s'est encore exprimé après vous. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix l'amendement n° 178 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
La majorité a fait un choix, elle l'assume, semble-t-il, mais elle ne peut le faire dans le silence. C'est inacceptable, vous devez vous exprimer et dire la vérité sur cet amendement n° 22 . Il précise que seuls les accords ayant fait l'objet d'un avenant seront mis en conformité avec la présente loi. Sans avenant, tous les accords actuels tomberont. Vous devez nous répondre sur cette question : sans plus de précision, nous considérerons que la version que je viens d'exposer est la bonne et il est important que nous soyons fixés.
Que de précision ce soir ! Seule la procédure de prévision des conflits est visée par cet amendement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Au nom de mon groupe, Je demande une suspension de séance de dix minutes afin que nous examinions les conséquences de l'explication donnée par M. le ministre sur ce point très important.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 1er août 2007 à une heure cinq, est reprise à une heure quinze.)
La séance est reprise.
Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
Toujours le sens de la mesure, monsieur Muzeau !
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 75 rectifié et 179 , portant articles additionnels après l'article 2.
La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 75 rectifié .
Cet amendement vise à responsabiliser les groupes qui réalisent des opérations de sous-traitance après avoir obtenu la délégation, opérations qui sont souvent à l'origine de conflits déclenchés légitimement par les salariés. Le but est d'enrayer le processus de dumping social orchestré à l'intérieur des groupes. Les pratiques en vigueur dans le secteur laissent en effet à désirer. Ainsi la Commission des comptes des transports de la nation a relevé, dans son rapport de 2006, une progression de l'intérim de 15,2 % en 2006, après une augmentation de 9 % en 2004 et 2005. Le secteur des transports est désormais, avec celui de l'énergie, le secteur où le recours à l'intérim augmente le plus.
Quand on sait les enjeux que la sécurité représente dans ces secteurs, cela fait froid dans le dos. On sait que les salariés intérimaires ont un niveau de qualification moindre que les fonctionnaires ou les salariés en contrats stables, qui ont également plus d'expérience et de savoir-faire. En outre, le recours au temps partiel imposé est abusif. Il représente ainsi 33,6 % dans le transport routier de voyageurs, comme le mentionne le bilan social du Comité national des transports. Si le transport scolaire influe de manière importante sur ces chiffres, il n'explique pas tout : 37,7 % des contrats de travail du personnel de conduite dans le routier voyageurs sont à temps partiel.
Dans l'ensemble des transports urbains et interurbains, la sous-traitance a progressé de 56 % entre 2002 et 2007, pour atteindre 950 millions d'euros. Dans le ferroviaire, la progression atteint 8,5 % sur la même période. Le recours à la sous-traitance, qui offre presque systématiquement des contrats de travail et des conditions de travail défavorables à la qualité du service, doit donc être limité.
Notre amendement vise également à donner aux représentants des salariés des éléments qui leur permettent de comprendre les mécanismes des contrats signés et d'exercer ainsi leur mandat de défense des intérêts des salariés en amont de la mise en oeuvre, afin de sortir de la logique du fait accompli qui génère des conflits au règlement complexe. Son adoption concourrait donc à diminuer la conflictualité dans les transports. Puisque vous partagez cet objectif, adoptez-le !
Je rappelle que, sous la législature précédente, les députés communistes avaient déposé une proposition de loi qui visait à réduire – et non à supprimer – l'intérim. Lorsqu'il a été autorisé, celui-ci visait à permettre le remplacement des salariés absents. Or, aujourd'hui, il est devenu un mode de gestion permanent dans les entreprises. En outre, les salariés intérimaires sont les plus exposés, quel que soit le type d'industrie dans lequel ils sont employés. Nous avions donc proposé de limiter l'intérim à 5 % des effectifs de l'entreprise, ce qui permettait de l'utiliser pour le remplacement des salariés absents, qui était l'objectif initial. Hélas, la majorité a repoussé ce texte, au prétexte qu'il aurait rendu la vie des entreprises impossible. Nous savons qu'il n'en est rien. Votre objectif est, en réalité, de permettre l'augmentation de l'intérim et sa pérennisation.
Je fais miens les arguments développés par M. Daniel Paul. Il est difficile d'aborder un texte qui traite principalement des transports terrestres sans évoquer la problématique de la sous-traitance, particulièrement importante dans ce secteur. Ajoutons que le dialogue social nous paraît être une bonne solution pour réguler le recours à la sous-traitance en tant qu'élément de dumping social dans les transports terrestres. L'amendement n° 179 permettrait au moins que cet aspect des choses ne soit pas passé sous silence dans la loi.
Ces amendements ont été rejetés par la commission, même si la question de la situation des salariés des entreprises sous-traitantes est essentielle, le risque d'une externalisation des mauvaises conditions de travail ou de rémunération étant réel. Nous comptons sur les réflexions qui sont en cours à l'Organisation internationale du travail et au sein de l'Union européenne.
En tout état de cause, le sujet est trop important pour être abordé au détour d'un amendement. Il paraît plus opportun de traiter cette question dans un texte qui lui ferait une place plus significative. La sous-traitance est capitale, notamment dans les services et les entreprises de transport. Or l'approche sectorielle retenue par les amendements me paraît trop restrictive et je ne voudrais pas que les salariés soient victimes d'une législation partielle sur ce sujet important. Il convient donc d'y réfléchir sérieusement.
Ces amendements sont éloignés de l'objet du projet de loi. Toutes les entreprises qui exercent, directement ou non, des missions de service public, sont concernées par les dispositions du texte. Avis défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 75 rectifié et 179 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
L'article 3 vise à interdire la pratique des préavis dits glissants, qui consiste, pour une même organisation syndicale, à déposer, pour les mêmes motifs, un nouveau préavis de grève avant l'échéance du préavis en cours. Il s'agirait, selon la version officielle, de limiter les abus, mais la véritable ambition de cette disposition est de mieux contraindre le droit de grève.
Il convient, certes, d'améliorer le dialogue social et de le rendre plus efficace encore pour limiter la conflictualité : 55 % des entreprises de transport soumises à la loi sur la négociation annuelle obligatoire ne respectent pas cette obligation légale. Mais est-ce vraiment l'objectif de l'interdiction du préavis glissant ? Il s'agit bien plutôt de contraindre l'exercice du droit de grève des salariés, qui n'est pourtant pas responsable de la dégradation du dialogue social. Il est en effet difficile de dire que les salariés abusent de ce droit, quand on connaît le niveau de la conflictualité dans ce secteur : seules 6,7 % des entreprises de transport ont connu une grève en 2005 et, sur 6 043 incidents ayant donné lieu en 2006 à des retards à la SNCF, seuls 140 étaient imputables à des mouvements sociaux.
Dès lors, on comprend bien que l'interdiction des préavis glissants n'a d'autre finalité que de limiter la mobilisation des salariés. En effet, comment participer à un conflit interprofessionnel qui se déclarerait au cours du premier préavis si la pratique du préavis glissant est interdite ? Les cas de conflits interprofessionnels ne sont pas forcément les plus rares. Lors de plusieurs grèves récentes, les salariés ont ainsi participé à des mouvements sociaux portant sur des sujets d'intérêt général dépassant les revendications sectorielles.
C'est donc bien pour brider le mouvement social que ce petit article est prévu. Il est d'ailleurs pratique, quand on sait que vous prévoyez de supprimer l'ensemble des régimes spéciaux et quand on connaît vos intentions rapaces vis-à-vis des dispositions protectrices du code du travail. Avec ce dispositif, les salariés des entreprises de transport n'auront la possibilité de soutenir les revendications sociales de leurs collègues que s'ils ne sont pas eux-mêmes mobilisés pour défendre leurs propres conditions de travail et leur secteur d'activité.
Finalement, cet article s'inscrit dans un dispositif qui prétend améliorer la qualité du dialogue social, mais qui agit sur les seules conséquences des conflits, plutôt que sur leurs causes.
En imposant des restrictions du droit de grève, qui est un droit constitutionnel individuel, le Gouvernement veut détourner l'attention des usagers et de l'opinion publique. Il veut se protéger de la réaction de salariés déterminés à s'opposer à son intention de réduire plus encore les moyens des services publics, considérés comme des dépenses superflues, et de mettre en oeuvre des mesures antisociales.
La question du préavis glissant n'a aucun rapport avec la garantie de la continuité du service public. La question qu'il est urgent de résoudre dans le service public de transport, c'est celle de la qualité et de la fiabilité, qui est à l'origine de dysfonctionnements importants et qui nourrit d'ailleurs l'écrasante majorité des conflits. Cela suppose que l'on mette en oeuvre des moyens matériels et humains organisés pour répondre aux besoins et non, comme c'est trop souvent le cas actuellement, que l'on recherche une rentabilité dont les usagers et les salariés du secteur subissent les conséquences.
S'attaquer aux salariés qui se battent pour l'amélioration des matériels, le maintien des dessertes menacées par des choix de rentabilité financière ou pour leurs conditions sociales ne résoudra rien et n'apportera aucune réponse aux besoins.
Depuis le début de ce débat, vous n'avez eu de cesse de nous répéter, sûrement pour mieux vous en convaincre, qu'il fallait travailler à établir un vrai climat de confiance dans chaque entreprise et à renforcer le dialogue social entre les acteurs syndicaux et les directions. Le problème, c'est que vous n'avez ni respect ni confiance dans les organisations syndicales. Vous réduisez leurs aspirations professionnelles, étroitement liées à la qualité du service public, à de simples revendications catégorielles : leurs intentions seraient a priori belliqueuses et leurs actes irresponsables.
Vous contribuez, comme le dit Jean Salem, professeur de philosophie, à ce que « la grève, qui n'est jamais que la lutte des travailleurs, [...] tende, comme les autres mouvements sociaux, à faire l'objet d'une sorte de criminalisation dans le prêt-à-penser du moment ». Vous faites le jeu de « la grotesque et sempiternelle assimilation médiatique de la grève à une prise d'otages [...] pour bel et bien faire passer l'arrêt de travail pour l'horreur économique absolue et, pourquoi pas, pour une forme de terrorisme. »
L'article 3 de votre projet de loi illustre à merveille cette posture idéologique de défiance vis-à-vis des organisations syndicales. Au prétexte de susciter un changement d'état d'esprit, vous renforcez les obstacles sur le chemin du dépôt d'un préavis de grève, en proposant d'interdire le dépôt d'un nouveau préavis de grève par la ou les mêmes organisations syndicales et pour les mêmes motifs avant l'échéance du préavis en cours et la mise en oeuvre de la procédure particulière de négociation instituée pour les entreprises de transport par l'article 2.
Outre les questions juridiques et pratiques qu'il soulève, l'article 3 laisse à penser que les organisations syndicales font un tel usage des « préavis glissants » que les salariés abuseraient de façon systématique de leur droit de grève, et ce en toute impunité. C'est faux, et vous le savez. On trouve, dans la jurisprudence, des exemples de décision sanctionnant ces pratiques qualifiées de « trouble manifestement illicite ». Vous pouvez regretter que les tribunaux ne les sanctionnent pas de manière plus ferme et systématique, mais cela ne saurait suffire à justifier une nouvelle intervention du législateur. En réalité, si vous vous décidez à intervenir, c'est parce que vous avez besoin de déterminer exactement le moment du déclenchement de la grève et parce que vous avez besoin de temps avant son déclenchement afin d'en limiter les conséquences en organisant la continuité du service public.
Vos intentions sont mauvaises. Ce texte porte atteinte au droit de grève dans la mesure où le dépôt d'un préavis de grève déjà encadré pourra être désormais interdit. Temporairement, me direz-vous. À ceci près que cette restriction doit être conjuguée avec celle introduite par l'article 2, qui conditionne le dépôt d'un préavis de grève à la conduite jusqu'à son terme du délai réservé à la négociation. Vingt-et-un jours devront séparer la notification du premier préavis et l'éventuel dépôt d'un second préavis. Un tel délai est manifestement trop long et ne garantit absolument pas que soient conduites des négociations sur les causes du conflit.
Enfin, la combinaison de ces deux dispositions favorisera la division syndicale et les pratiques de contournement de la législation. Les organisations syndicales n'auront aucun intérêt à s'entendre pour déposer ensemble un préavis sur le même sujet. Par contre, elles seront incitées à entreprendre des grèves illimitées. Ces pratiques, qui renforceront la conflictualité, l'installant de façon permanente, sont contraires à vos objectifs.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l'article 3.
La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 105 .
Les organisations syndicales que nous avons rencontrées cet après-midi – et tout le monde ne peut en dire autant…
…sont toutes d'avis que le Gouvernement souhaite, par le biais de ce texte, brider le mouvement syndical en prévision des mauvaises nouvelles à venir dans les prochaines semaines – sur la retraite, la franchise sur les soins, les réductions de budgets et de postes. L'objet principal de cet article est donc de vous donner les moyens – qui, au demeurant, se révéleront sans doute insuffisants – de canaliser la colère que ces annonces vont susciter.
L'objectif poursuivi revient à ne pas autoriser plus de préavis de grève qu'il ne reste de jours fériés dans une année – ce qui est cohérent, puisque vous ambitionnez de supprimer les jours fériés les uns après les autres !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Fantasmes !
On peut d'ailleurs penser que vous ne tarderez pas à nous proposer, dans un texte portant diverses dispositions sociales, de rallonger encore les délais de préavis. Lorsque ceux-ci seront portés à 30 ou 40 jours, vous atteindrez sans doute votre objectif consistant à réduire le nombre de grèves effectives.
Quel manque de confiance !
Nous ne vous faisons effectivement pas confiance, monsieur le ministre – pas plus que les organisations syndicales, qui se souviennent d'avoir été dupées, notamment après leur visite au Président de la République !
Les autres objectifs de votre projet consistent à réduire le périmètre des motifs de grève – ce à quoi vise en partie l'article 3 – et à réduire le nombre d'initiatives de dépôt de préavis de grève dont dispose chaque organisation syndicale. Afin que M. le rapporteur ne se borne pas à indiquer qu'il est défavorable à notre amendement de suppression de l'article 3, je veux lui poser une question très simple : lorsqu'une organisation syndicale A aura déposé un préavis de grève pour un motif 1, cela interdira-t-il de facto à une organisation syndicale B de déposer quelques jours plus tard – c'est-à-dire sans attendre l'échéance du préavis en cours – un préavis de grève sur le même motif ?
A1 ? Touché ! (Sourires.)
C'est sérieux, monsieur le ministre, nous ne sommes pas en train de jouer à la bataille navale ! Peut-être n'ai-je pas été suffisamment clair dans ma façon d'exposer les choses ? Ma question peut se résumer ainsi : un même motif peut-il justifier le dépôt de plusieurs préavis de grève successifs par des organisations syndicales différentes, sans attendre l'extinction des délais courant à compter du premier préavis ?
La commission a rejeté ces amendements. Pour répondre à M. Brottes, la règle que nous proposons est équilibrée et n'empêchera pas deux syndicats différents de déposer successivement, sans conditions de délais, deux préavis différents – de même qu'un seul syndicat peut déposer successivement et sans condition de délai deux préavis pour des motifs distincts.
Si c'est un autre syndicat qui dépose le préavis, il peut le faire sur le même motif.
Défavorable, car nous voulons éviter une succession de préavis sur le modèle « syndicat A, motif 1 ».
L'examen de l'article 3 met en évidence le fait que vous n'avez aucune confiance en la représentation syndicale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si vous croyiez au dialogue social comme vous le prétendez depuis deux jours, vous ne proposeriez pas un tel article, vous ne vous emploieriez pas à construire une ligne Maginot destinée à barrer la route à l'action syndicale. Si vous imaginez que la défense des droits des travailleurs va rester dans le carcan de cette loi, vous rêvez ! Ils parviendront toujours, très légitimement, à contourner toutes les embûches que vous placerez sur leur route, en dépit de toutes les précisions et subtilités que vous pourrez apporter à votre texte. L'article 3 ne saurait constituer un témoignage – ou un contre-témoignage – plus éclatant de la défiance que vous éprouvez à l'égard des représentants syndicaux : vous partez du principe qu'ils ont l'intention de prolonger le processus de dépôt de préavis de grève.
Comment prétendre aspirer au dialogue social, comment prétendre se soucier avant tout du maintien du service public tout en manifestant, comme c'est le cas avec l'article 3, une telle défiance à l'égard du dialogue social et de ceux qui le conduisent ? Vous justifiez cet article par la volonté d'empêcher le contournement des règles relatives au préavis, mais croyez-vous qu'il suffira à retirer toute pertinence, toute légitimité aux combats qui doivent être livrés, à masquer les enjeux du conflit social ? Le seul résultat auquel vous parviendrez sera d'amener les partenaires sociaux à contourner les instruments du dialogue social que la loi est censée leur offrir.
C'est parce que le droit de grève n'existait pas qu'il a été conquis. Ce n'est pas la loi qui l'a construit, mais la révolte qui l'a imposé ! (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Comment pouvez-vous l'ignorer ? Comment prétendre construire une nouvelle étape du dialogue social qui ne repose pas sur la reconnaissance de ceux à qui il est confié au quotidien ? L'article 3 ne saurait trahir de façon plus flagrante votre manque de confiance envers les acteurs du dialogue social, c'est pourquoi je n'hésite pas à qualifier cet amendement de scélérat.
Cet amendement ? Quel beau lapsus !
Cet article, voulais-je dire – mais vous m'aviez compris – est scélérat en ce qu'il constitue un grave désaveu de ceux que vous prétendez considérer comme des acteurs responsables du dialogue social. Demain, ceux de nos concitoyens qui ont cru à votre projet de service minimum vont se rendre compte que vous n'avez pas confiance dans la représentation syndicale pour mener le dialogue social. Telle est la réalité de l'article 3, dont seule la suppression permettra de sauver les apparences. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je suis saisi d'un amendement n° 180 .
La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.
Il y a l'organisation syndicale qui dépose le préavis de grève, le motif de ce préavis et le périmètre d'application de ce préavis pour le motif en question. Une organisation syndicale peut fort bien déposer un préavis parce que les conditions d'hygiène dans lesquelles travaille telle catégorie de personnel sont insupportables depuis des mois et qu'elle ne parvient pas à se faire entendre sur ce point. Dans cette situation, peut-on concevoir que les représentants d'une autre catégorie de personnel déposent, peu de temps après, un préavis pour le même motif ? J'en doute. L'amendement 180 vise donc, en précisant le périmètre des personnels concernés, à ce que la limitation du nombre de préavis déposés ne vale que pour la même catégorie de personnel ou la même unité de production du service de transport concerné. Je ne doute pas que le rapporteur aura à coeur d'éclairer le débat sur ce point qui peut constituer une source de contentieux.
La commission a repoussé cet amendement dont l'adoption ouvrirait la porte à de nombreux abus. Il permettrait en effet le dépôt de préavis multiples et concomitants pour des motifs identiques, ce qui reviendrait à autoriser la pratique des préavis glissants. Or, comme nous l'avons indiqué précédemment, nous voulons justement en finir avec des manoeuvres dilatoires qui reviennent à empêcher la négociation préalable à laquelle doit donner lieu le dépôt de préavis.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui reviendrait à vider l'article 3 de sa substance.
Je suis saisi d'un amendement n° 23 .
La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale, pour le soutenir.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 86 .
La parole est à M. Philippe Vitel, pour le soutenir.
L'amendement n° 86 a pour ambition de concilier le respect du droit de grève et la protection d'une liberté fondamentale, la liberté de circulation des citoyens, en précisant les très bonnes dispositions de l'article 3.
Cet amendement a été repoussé par la commission, le dispositif proposé ne paraissant pas en phase avec l'objet de notre projet de loi. Au demeurant, je ne suis pas persuadé qu'une telle limitation du droit de grève soit proportionnée à l'objectif recherché, ce qui risque de poser un problème de constitutionnalité.
Non, c'est le Chili de Pinochet ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Vitel, le Gouvernement a choisi de partir des besoins de la population pour voir comment les satisfaire au mieux, avec un plan de transport adapté. Or, si votre amendement était adopté, l'ordre des facteurs serait inversé. Par ailleurs, et comme vient de l'indiquer le rapporteur, se poserait très certainement un problème juridique, du fait de la non-proportionnalité de la mesure envisagée avec l'objectif recherché. Votre amendement reviendrait en effet à empêcher qu'une grève puisse intervenir dans un délai de dix jours. On ne pourrait faire grève qu'un jour sur dix. Dans ces conditions, comment pourrait-on, par exemple, mettre en oeuvre tous les moyens disponibles pour permettre aux jeunes de se rendre au lycée pour passer leur examen ?
Bref, votre amendement ne prend pas en compte les besoins de la population et présente une fragilité du point de vue juridique. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Monsieur le ministre, vous m'avez convaincu et je vais retirer mon amendement. Mais gardons toujours présent à l'esprit le souci de protéger la liberté des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi d'un amendement n° 24 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement rétablit le texte initial du projet de loi en rédigeant comme suit la fin de l'intitulé de son titre III : « en cas de grève ou autre perturbation prévisible du trafic ».
Favorable.
Je note, avec grande satisfaction, que le service public de la météorologie s'est fortement amélioré puisque les aléas climatiques sont désormais prévisibles ! Pour habiter une région de montagne, de neige et de glace, je sais combien il est difficile de prévoir les phénomènes au-delà de quelques heures parfois, s'agissant notamment du brouillard. Évoquer les aléas climatiques au-delà d'un délai de trente-six heures n'est donc pas sérieux. En procédant ainsi, vous mélangez tout et son contraire.
Monsieur le ministre, vous avez été ministre de la santé. Vous êtes donc bien placé, même si ce n'est pas vous qui étiez en poste lors de la canicule de 2003, pour savoir combien les pouvoirs publics peuvent avoir du mal à gérer certaines situations, même lorsqu'elles sont prévisibles. Vos prédécesseurs en ont d'ailleurs beaucoup souffert.
C'est un compliment parce qu'Harry Potter ne meurt pas à la fin de l'histoire !
Afin que tous nos concitoyens qui suivent nos débats sur internet ou à la télévision mais ne lisent pas le Journal officiel soient parfaitement informés, je tiens à lire intégralement l'amendement n° 86 présenté à l'instant, et finalement retiré. Il visait à compléter l'article 3 par la phrase suivante : « La durée de la grève est limitée à quatre heures puis à vingt-quatre heures avec un intervalle de dix jours au moins entre deux mouvements de grève affectant le même secteur ou le même bassin d'usagers. »
Nos concitoyens doivent savoir ce que certains élus UMP sont prêts à faire du respect du droit de grève.
Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Daniel Paul.
Cet article est le premier du titre III consacré à la continuité du service de transport. Il introduit la notion de dessertes prioritaires en cas de grève par les autorités organisatrices de transport.
Remarquons tout d'abord que les besoins essentiels de la population sont une notion bien subjective.
Pas pour la population !
Les horaires de la fac étant particulièrement larges et étendus sur la journée, il est difficile de savoir comment le service pourra être assuré en cas de grève importante.
En fait, ce que l'on voit poindre avec votre notion de dessertes prioritaires, c'est le risque de balkanisation de la mise en oeuvre, voire de la définition, de l'intérêt général des transports publics de voyageurs.
Vous savez très bien que cette organisation est très difficilement gérable. C'est d'ailleurs pour cette raison que vous avez « refilé », pardonnez-moi l'expression, la gestion des dessertes prioritaires aux collectivités territoriales, et non, comme vous le prétendez, dans le souci de faire du sur-mesure et de s'adapter aux réalités locales de terrain. Comment les autorités organisatrices iront-elles expliquer aux usagers que telle desserte, où est implantée telle entreprise, ou tel établissement, est prioritaire, tandis que telle autre ne le sera pas ?
Vos dessertes prioritaires ne sont rien de moins que de la poudre aux yeux, pour mieux masquer l'inefficacité de votre loi. Le Groupement des autorités responsables de transfert ne s'y est d'ailleurs pas trompé, et n'a pas caché ses fortes réserves quant à votre projet de loi. Quand on connaît sa composition, cela équivaut en fait à un rejet.
Vos remarques sur la composition du GART m'étonnent !
Il me semble important de noter les réserves exprimées par le président de cet organisme, dont la composition est effectivement très diverse.
Cet article prévoit également qu'un plan de transport adapté, élaboré par chaque entreprise, et un plan d'information des usagers devront figurer dans les conventions d'exploitation. Qui pensez-vous satisfaire avec votre plan qui ne concernera qu'un pourcentage infime des dysfonctionnements auxquels sont confrontés les usagers ? Les défections de service subies quotidiennement par de nombreux usagers ont bien d'autres causes.
Prenons un autre exemple que l'exemple normand, il saura peut-être convaincre les députés franciliens. Intéressons-nous aux lignes de TER qui partent de la gare du Nord à Paris. Les personnes travaillant dans le nord de la région parisienne ne peuvent pour ainsi dire jamais voyager une semaine durant sans être confrontées à des retards, qui peuvent parfois atteindre des durées totalement désespérantes pour les salariés devant satisfaire des horaires de travail fixes, soit une très large majorité. Plusieurs d'entre eux témoignent que, lorsqu'ils ont des réunions en début de matinée, ils doivent partir une heure plus tôt que prévu pour être sûr de pouvoir être présents. Et se lever ainsi vers six heures du matin, pour être à leur réunion à 9 heures. Encore des salariés qui travaillent plus sans gagner un kopeck de plus !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Restons français ! Ils gagnent des euros !
Avez-vous également entendu parler des demandeurs d'emploi qui ne sont pas embauchés quand l'employeur potentiel prend conscience de la ligne de train qu'ils devront emprunter quotidiennement ? Les populations habitant à proximité de ces lignes de TER, où les retards sont si nombreux, sont victimes de discrimination.
Quoi que vous en disiez, les associations représentant les usagers ne s'y sont pas trompées et ont souligné, lors des auditions, que les vrais problèmes étaient ailleurs. Ce texte ne répond effectivement en rien aux préoccupations quotidiennes des usagers.
Ne se rappeler l'existence du principe de continuité de service public que les jours fort peu nombreux de conflits est révélateur de l'état d'esprit du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.
Ouvrir un véritable débat sur la qualité des services publics et les moyens que cela nécessite risquerait trop de remettre en cause toute votre politique de baisses d'impôts, de cadeaux fiscaux aux ménages les plus nantis et de redistribution des bénéfices aux actionnaires au détriment des investissements productifs.
En réalité, vous ne parlez de « dessertes prioritaires » et d'organisation du service en cas de grève que pour mieux taire les vrais problèmes et tenter de lier les autorités locales à votre politique.
L'article 4 est très important puisqu'il vise à confier aux autorités organisatrices de transport la mission de définir des priorités de desserte qui donneront lieu à l'élaboration par les entreprises de plans de transport et d'information des usagers. Il pourrait faire l'objet de bien des remarques. Mais, compte tenu de l'heure, je me limiterai à celles portant sur l'alinéa 7.
En prévoyant différents niveaux de service en fonction de l'importance des perturbations, cet alinéa démontre que, contrairement à ce que proclament le Gouvernement et sa majorité par souci d'affichage, il n'y aura pas de service minimum dans les faits. Si une grève est particulièrement suivie, il n'y aura pas de service du tout. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Que proposez-vous ? La réquisition ?
Cet article tente par ailleurs d'ériger des droits et libertés en principes constitutionnels qui seraient à concilier avec l'exercice du droit de grève. Nous contestons cette tentative. Si cet alinéa 7 était adopté, en effet, c'est toute la jurisprudence du Conseil constitutionnel à ce sujet qui serait remise en cause. Ce ne seraient plus les principes de continuité et d'accès au service public de transport qui ne devraient pas porter une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de grève, mais l'inverse. Nous désapprouvons totalement cette interprétation. Le juge constitutionnel tranchera mais il est incontestable que ce texte porte gravement atteinte au droit de grève.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Bien sûr !
L'article 4 pourrait opportunément s'intituler : « Usine à gaz deuxième phase ». (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il propose notamment que l'autorité organisatrice de transport définisse les dessertes à assurer en priorité après consultation des représentants des usagers.
Comme nous sommes dans l'instauration de procédures Maginot formelles, susceptibles de recours, il importe que le ministre précise ce qu'il entend exactement par « représentants des usagers ».
C'est un problème que nous rencontrons fréquemment dans les collectivités territoriales quand il s'agit de consulter les usagers. Il existe différentes formules, par exemple le conseil économique et social régional, mais aucune n'est vraiment satisfaisante et, en cas de recours, il serait bon que nous sachions à quoi nous en tenir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh oui ! Lorsque vous serez devant le juge, nous verrons bien ce que vous répondrez !
Cet article invoque ensuite les perturbations dites « prévisibles ». J'ai évoqué dans mon intervention d'hier les perturbations très prévisibles, fréquentes dans les transports régionaux, je veux parler de celles qui sont dues aux ralentissements, c'est-à-dire les voies qui ne sont plus susceptibles de soutenir le passage des trains et sur lesquelles on roule à trente kilomètres heure. Vous ne proposez pas de solution à cette prévisibilité-là, puisque vous n'avez plus de crédits...
Suit un alinéa fourre-tout mentionne tout événement dont l'existence a été portée à la connaissance de l'entreprise dans un délai de trente-six heures. Là, c'est la mine à contentieux : tout le monde se couvrira en transmettant l'information au décideur, de façon à ne pas avoir à répondre en cas de problème.
Il est question, après cela, des dessertes prioritaires et des différents niveaux de service – deux, trois, vingt-cinq, cinquante ? On l'ignore, car tout ceci reste formel et théorique. A-t-on fait, monsieur le ministre, des simulations ou des expérimentations sur une entreprise ou un secteur de transport particuliers ? Les résultats en seraient intéressants.
Je terminerai par le risque constitutionnel avéré – la démonstration en a été faite hier – de violation du principe de libre administration des collectivités locales, puisque le dispositif, extrêmement précis, notamment pour ce qui concerne le contenu des conventions qui lient aux entreprises de transport lesdites collectivités, autorités organisatrices, impose à ces dernières des contraintes qui vont largement au-delà de ce qui est permis par la Constitution.
Reste enfin la date butoir du 1er janvier 2008. Là aussi, tout est fait pour que la mise au point de ces plans n'aboutisse pas dans les délais. On va, en réalité, discuter avec le sentiment et la certitude de ne pas aboutir avant cette date, ce qui, naturellement, conduira le préfet à intervenir. On voit là la vraie nature de votre démarche : vous souhaitez mettre en place de façon autoritaire les plans de dessertes dites prioritaires. C'est une rupture complète avec les notions de dialogue social et de libre administration des collectivités locales dans leurs relations avec les entreprises de transport.
Avec l'article 4, nous changeons de niveau de difficulté. Dans sa partie relative au droit du travail, le texte crée de la conflictualité avec les organisations syndicales, qui manifestaient aujourd'hui ; il en crée aussi avec les acteurs concernés par sa partie relative aux collectivités locales.
Nous avons entendu le président de l'Association des régions de France et auditionné les représentants de l'Association des départements de France, que votre texte voue à mettre en place cette usine à gaz, élaborée selon moi dans le but, d'une part, d'interdire l'exercice réel du droit de grève et, d'autre part, de vous défausser politiquement, comme vous l'avez habilement fait en matière fiscale depuis quelques années, sur les collectivités locales, véritablement prises au piège.
Vous recommencez ce qui vous a déjà très bien réussi, en faisant croire qu'il s'agit du service minimum alors qu'il n'en est rien. C'est ce qui ressort fort bien d'une remarquable tribune libre parue dans Libération aujourd'hui, qui démontre comment, à travers la façon dont certains médias en rendent compte, l'opinion publique s'imagine que nos débats portent sur tout autre chose que ce dont il est réellement question.
Contrairement à ce que les gens pensent en effet, nous ne débattons pas du service minimum mais de la limitation du droit de grève et de la manière dont vous vous déchargez sur les collectivités locales de la responsabilité de mettre en oeuvre un engagement du Président de la République dont vous ne savez comment vous dépêtrer.
Depuis que votre majorité nous a présenté, avec M. Raffarin, une étape supplémentaire de la décentralisation comme étant la mère de toutes les réformes, il semble que vous soyez revenus à une conception beaucoup plus restrictive des libertés des collectivités locales.
En effet, les dispositions de l'article 4 resteront probablement comme un moment de régression dans l'histoire des collectivités locales, notamment à cause du deuxième alinéa du IV, qui prévoit qu'en cas de carence de l'autorité organisatrice et après une mise en demeure, le représentant de l'État arrête les priorités de desserte ou approuve le plan. C'est donc bien le préfet qui, in fine, va décider, contre les régions, les départements, voire les structures intercommunales, de l'organisation du plan. Ce n'est pas rien, et l'on peut imaginer les conflits que cela va générer !
Cet article voudrait par ailleurs définir des priorités dans des domaines pour lesquels c'est impossible. Comment faire, en effet, pour les transports scolaires ? J'imagine mal, dans mon département, le conseil général décider que les cars devraient desservir tel canton plutôt que tel autre. Ça n'a aucun sens ! Si je n'ai pas la chance d'habiter dans l'un des cantons que le conseil général jugera prioritaires, je m'empresserai de le poursuivre devant le tribunal administratif pour savoir selon quels critères on a décidé que les élèves d'un canton voisin seraient conduits au collège mais pas les miens.
À quelques exceptions près, vous ne trouverez jamais aucun argument permettant de justifier de tels choix. Cette question est posée depuis un moment, et il serait temps que vous y répondiez en vous appuyant sur des exemples concrets.
Alors que nous entendons depuis quelques heures parler d'usine à gaz ou de menace du Conseil constitutionnel, nous rentrons, à mon sens, avec cet article dans le coeur du projet. L'article 4, en effet, montre bien qu'il s'agit d'un projet de rupture avec la culture actuelle de notre pays.
L'UMP et le Nouveau Centre veulent passer d'une culture du conflit et de la menace – et le Conseil constitutionnel constitue bien, pour certains dans cette assemblée, une forme moderne de la menace –, d'une culture de la prise en otage à une culture du dialogue et du respect de tous les citoyens.
Je l'ai dit, il y a deux jours à cette tribune : la grève, c'est la preuve de l'échec du dialogue.
Marc Dolez expliquait tout à l'heure que, là où les syndicats sont forts, le dialogue est fort. Non, ce n'est pas la poule qui fait l'oeuf qui fait la poule. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
C'est exactement l'inverse. C'est justement là où le dialogue social est fort et permet de résoudre ou de prévenir les grèves que les syndicats sont les plus crédibles et les plus forts. Vous faites, mes chers collègues une erreur d'analyse, et il est temps d'inverser la matrice de réflexion et d'expression dans ce pays.
L'article 4 marque également un virage très important : celui du respect de tous les citoyens, et en particulier des plus faibles – je le démontrerai tout à l'heure à travers un amendement. Il exprime la volonté du gouvernement que nous soutenons de parvenir, au profit de tous les citoyens, à un équilibre entre le droit de grève, le droit au travail et le droit d'aller et venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'article 4 est un concentré, voire un ramassis, de toutes les incohérences de ce projet de loi.
C'est une succession d'alinéas inopérants, inutiles voire provocateurs, en tout cas dangereux pour le législateur.
Sans répéter ce qui a déjà été dit, je m'attacherai à quelques éléments qui n'ont pas encore été évoqués, comme l'alinéa 13 qui demande à ce que soit intégrées aux conventions d'exploitation les dispositions contenues dans le texte.
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que cela aura des conséquences financières ? J'en suis pour ma part d'autant plus convaincu que, lors de l'audition éclair de Dominique Bussereau, celui-ci a fait allusion à la possibilité pour les entreprises de recourir à du personnel qu'elles iraient chercher ailleurs, soit dans d'autres entreprises, soit dans d'autres régions. Ces personnels s'apparentent à ce qu'on appelait à une autre époque des briseurs de grèves. Quoi qu'il en soit, ils ne viendront pas gratuitement, et cela aura un prix.
Amusant également, l'alinéa qui parle des incidents techniques, prévisibles dès lors qu'un délai de trente-six heures s'est écoulé depuis leur survenance… Comme si les entreprises de transport publiques ne devaient pas, dès aujourd'hui et sans attendre une loi, prendre les dispositions nécessaires lorsqu'elles savent, trente-six heures à l'avance, qu'il va se produire des perturbations.
On a parlé de la météo et je reviendrai ici sur les déplacements quotidiens. Il était à l'origine question dans le texte de déplacements réguliers. Ils deviennent quotidiens à l'article 4. Ce n'est pas anodin. Aujourd'hui, pour aller de Lille à Paris, ou de Reims à Paris, certains de nos concitoyens utilisent tous les jours le TGV. J'en déduis que votre texte concerne aussi la SNCF ou l'État, en tant qu'autorités organisatrices de transport, ce qui pose la question d'une instance à la fois juge et partie.
L'opinion publique a cru que ce texte apporterait un service minimum, mais nombre de nos collègues de la majorité sont convaincus qu'il n'en est rien. À preuve, certains de leurs amendements courageusement retirés !
En fait, ce texte n'évoque plus qu'un plan de transport adapté aux priorités de desserte – bien loin du service quasi intégral à certaines heures de pointe un temps évoqué, qui supposerait de mobiliser 90 %, voire 100 % du personnel.
Bref, démonstration est faite que votre texte est inopérant et provocateur eu égard à la liberté d'administration des collectivités territoriales. Méfiez-vous, monsieur le ministre : les ballons d'essai sont comme les usines à gaz, ils peuvent exploser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Comme l'ont expliqué mes collègues, l'article 4 comporte un grand nombre de dispositions qui seront inapplicables. Nous le répétons, monsieur le ministre, il démontre l'absence de service minimum garanti.
L'article 4, c'est la patate chaude ! S'il est voté, les régions, les départements, les agglomérations, bref toutes les autorités organisatrices de transport urbain – qui, faisant confiance à la négociation et au contrat entre les partenaires sociaux, se sont opposées à l'existence d'une loi –, amenées, demain, à faire face à des perturbations, des mouvements de grève ou autres événements décrits dans l'article, s'entendront dire par le Gouvernement que si cela ne se passe pas bien, c'est leur faute car la loi leur donne la responsabilité de tout régler. Et de régler des aspects qui ne peuvent pas l'être – essentiellement quatre inscrits dans l'article.
Premièrement, l'alinéa 7 demande aux autorités organisatrices de transport urbain de définir les dessertes prioritaires au vu d'un certain nombre de principes – ce qui montre votre improvisation en la matière puisqu'il ne fait que reprendre la rédaction de l'article 1er.
En outre, vous faites une confusion entre la notion géographique de desserte et celle de catégorie d'usagers. Le mot « desserte » est, pour moi, une notion géographique : on va dans tel lieu chercher des voyageurs et on dessert telle ou telle localité. L'alinéa 7, en évoquant les personnes qui doivent aller passer un examen, par exemple, parle d'une catégorie d'usagers, et non d'une desserte. Il y a là une confusion des genres.
Deuxièmement, vous évoquez les besoins essentiels sans les caractériser. Par conséquent, les autorités organisatrices de transport urbain, qui ont la charge de définir les priorités de service sur la base de besoins essentiels, n'ont pas de repère dans cette loi pour identifier ces derniers. Ce deuxième problème provoquera des contentieux.
Troisièmement, comme vous avez envie de charger la barque pour que les autorités organisatrices soient accusées de tous les maux en cas de dysfonctionnements, vous leur demandez, à l'alinéa 12, d'approuver les propositions de l'entreprise de transport. Elles auront donc défini un cahier des charges sur des bases extrêmement fluctuantes, à tout le moins imprécises ; le transporteur fera une proposition qu'il ne pourra peut-être pas tenir puisqu'il ne connaît pas à l'avance le nombre de grévistes ; et vous demandez aux autorités organisatrices de transport d'approuver à l'avance, à l'aveugle en quelque sorte, un dispositif qui, de toute façon, ne marchera pas. Elles seront donc accusées d'avoir approuvé quelque chose qui ne peut pas être mis en place.
Quatrièmement – cerise sur le gâteau ! –, le quinzième alinéa, qui constitue en quelque sorte l'article 16 de cette loi, dispose que le préfet pourra, au doigt mouillé, estimer qu'il y a carence, mais sans qu'elle soit définie dans ce texte. Cela s'apparente au fait du prince pour mettre en difficulté les autorités organisatrices.
Tout cela coûtera beaucoup d'argent aux contribuables locaux, aux entreprises et aux usagers car vous aurez multiplié les imprécisions, sans compter que vous aurez aussi beaucoup exigé de la part des autorités organisatrices de transport – qui, je le répète, n'ont pas demandé l'inscription dans une loi de dispositions qu'elles ne pourront pas mettre en oeuvre.
Même si l'expression « patate chaude » est un peu triviale, j'espère avoir fait la démonstration que l'article 4 en est une.
Monsieur le ministre, avec l'article 4, nous sommes effectivement au coeur du sujet !
En le lisant avec attention, nous nous apercevons qu'il est d'une imprécision telle qu'il laisse la porte ouverte à toutes les manipulations. En outre, et c'est grave – car je pensais que nous travaillions dans un esprit de concertation, mot que vous utilisez souvent –, cet article démontre clairement votre volonté de mettre en difficulté les collectivités locales, autorités organisatrices de transport, en vous défaussant des problèmes difficiles. Nous avons déjà connu cette manière d'agir pour la suspension des allocations familiales : n'ayant pas le courage de le faire vous-même, vous avez décidé de vous tourner du côté des maires en leur demandant de jouer le rôle de shérif ! De la même façon avec cet article, vous passez la patate chaude à ceux qui n'ont rien demandé !
À propos de l'imprécision des cas où il faudra assurer le service, mon collègue Mallot a parlé à deux reprises d'usine à gaz ; la formule est tout à fait appropriée ! Comment résoudrez-vous la litanie d'alinéas intégrés à l'article 4 ! Je suis curieux et impatient de vous entendre nous expliquer comment seront fixées les priorités pour choisir qui sera transporté et dans quelles conditions. Cela laisse augurer quelques belles journées, surtout quand il fera mauvais dans nos régions de montagne !
Nul n'ignore en effet combien les conditions climatiques peuvent changer très rapidement. Or, face aux risques d'accidents, la politique adoptée ces dernières années est la politique du parapluie !
À cause des intempéries ! (Sourires.)
On s'aperçoit surtout que les administrations ont l'habitude d'ouvrir le parapluie et de laisser les intempéries tomber sur la figure des collectivités locales !
Comment expliquerez-vous à une famille vivant dans une zone de montage ou même de demi-montagne que son enfant peut être transporté, qu'il a le droit d'aller à l'école, alors que celui du voisin n'y a pas droit ? Parce que vous n'avez pas le courage de vous expliquer, vous faites supporter aux collectivités locales l'impopularité de ces mesures qui ne pourront pas donner satisfaction aux usagers.
En réalité, vous cherchez à rendre impopulaires les mouvements de grève,…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ils le sont déjà !
Or, que vous le vouliez ou non, la grève est une conquête sociale importante des travailleurs !
Votre texte met en place un plan de régression sociale. (« Holà ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En outre, nous ne devrions pas débattre des problèmes de transport ce soir puisque, une fois de plus, la place de M. le secrétaire d'État aux transports est vacante. Nous comprenons fort bien qu'il ait dû se rendre à la commémoration du vingt-cinquième anniversaire d'un drame, mais j'espère que, à cette heure tardive, il est rentré de sa visite en province, à moins que des difficultés de transport n'affectent les voitures officielles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Puisque nous abordons le coeur même de notre sujet et que vous nous dites depuis le début qu'il s'agit de développer le dialogue social au niveau des transports, il n'est pas sérieux – et c'est même se moquer de la représentation nationale, des usagers et des salariés du transport – de débattre en l'absence de M. Bussereau. Je demande donc, monsieur le président, que nos travaux soient suspendus jusqu'à son arrivée à l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous sommes au coeur même du dispositif, puisqu'il s'agit de l'organisation et de la continuité du service public en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève. Or votre texte est inopérant, provoquant et d'une imprécision coupable qui ouvrira la voie à de nombreux recours, par le fait qu'il aura créé une très grande insécurité juridique.
Dès la première ligne de l'article 4, figurent les termes : « consultation des représentants des usagers ». Mais qui sont ces représentants des usagers ? Monsieur le ministre, vous avez dit que cela pourrait être les conseils économiques et sociaux régionaux. On se demande pourquoi eux et pourquoi pas, par exemple, les conseils locaux de développement des communautés d'agglomération qui, elles aussi, sont autorités organisatrices de transport ? Un plaideur pourra faire valoir que le conseil local de développement n'ayant pas été saisi, les usagers n'ont pas été consultés, ce qui provoquera un contentieux.
La deuxième ligne – « dès lors qu'existent une ou plusieurs structures représentatives » – n'est guère plus convaincante. Quels sont les critères juridiques qui fondent la représentativité des structures censées représenter les usagers ? Personnellement, je n'en connais pas ; peut-être y a-t-il des critères juridiques précis qui permettent que la loi y fasse référence, comme c'est le cas, mais je crains qu'il s'agisse là d'une imprécision de rédaction qui nous conduira à nombre de contentieux.
Autre problème poser par les aspects formels du texte, l'alinéa 15 dispose qu'« en cas de carence de l'autorité organisatrice, et après une mise en demeure, le représentant de l'État arrête les priorités de desserte ou approuve les plans visés au II. » Mais la carence, mes chers collègues, n'est pas l'inaction ! Là encore, il y a une imprécision coupable. Qu'est-ce que la carence ? On nous dit que la carence est constituée si l'autorité organisatrice ne fait rien : faux ! Cela, c'est de l'inaction… La carence suppose que l'action de l'autorité organisatrice est insuffisante, par exemple que les usagers n'ont pas été suffisamment consultés.
Il est du reste amusant que certains, au sein de cette assemblée, aient déclaré préférer le terme de « client » à celui d'usager,…
…alors même que ce qui distingue le client de l'usager, c'est le droit de ce dernier à la continuité du service. Un peu de cohérence ! Soit on traite de la continuité du service et on parle d'usager, soit on se place dans une situation qui relève du simple commerce et on parle de clients !
Finalement, ce texte n'est qu'un prétexte...
Il n'a d'autre but que de rendre plus difficile, plus compliqué l'exercice d'un droit qui a justifié de longs combats : le droit de grève. Voilà pourquoi nous demanderons la suppression de l'article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
…et nous ne pouvons qu'approuver cette notion et la volonté de la mettre en oeuvre. Nous lisons dans un journal que des usagers de la ligne 13 demandent à être respectés. Annick Lepetit en a parlé hier : pour eux, c'est le service minimum tous les jours ; ils demandent un service maximum quotidien et considèrent que ce projet de loi est l'arbre qui cache la forêt — une forêt obscure.
J'ai cependant le sentiment que ce qui caractérise cette loi, ce n'est pas le respect, mais la méfiance. Vous vous méfiez de tout le monde : des organisations syndicales, des entreprises et, maintenant, des autorités organisatrices de transport, puisque vous leur imposez des conditions qui seront intenables dans les délais fixés et que vous décrivez avec une précision qui leur ôte toute autonomie. On voit bien que certains d'entre vous n'ont jamais été responsables de transports. Pour ma part, je l'ai été, en tant qu'élue d'une agglomération de 120 000 habitants, et je sais ce que c'est que de négocier avec une entreprise et d'être attentif aux usagers et aux usagères — puisque, comme je l'ai dit hier, deux tiers des clients sont des clientes.
Or votre disposition va fortement porter préjudice aux collectivités locales. Dans le III de l'article 4, vous demandez qu'elles renégocient les conventions avant le 1er janvier 2008. Michel Destot disait tout à l'heure qu'une grande partie des conventions ne sont pas arrivées à échéance. Si vous obligez les autorités à renégocier ces conventions avant la fin de leurs contrats, le coût de cette renégociation sera important pour les collectivités. Relisez le rapport. Michel Cornil l'a dit lui-même, à propos des indemnités, dont nous parlerons plus tard : il est question de faire entrer ces indemnités dans le conventionnement, même si les entreprises doivent les payer. Ainsi, c'est le contribuable local qui paiera les indemnités qu'il remboursera aux autres ou qu'il se remboursera à lui-même, puisque les contrats seront augmentés d'autant.
Quant à l'alinéa 15, j'avoue qu'il m'a grandement surprise. Je mets au défi les services du préfet de réussir, avant le 1er janvier 2008, ce que ni les collectivités — mais peut-être les élus locaux sont-ils complètement débiles −, ni les entreprises n'ont su réussir. Avec quels services, quelles connaissances, quelles informations le préfet y parviendra-t-il subitement ?
« Là où il y a une volonté, il y a un chemin » !
Ce n'est pas une loi de respect, ce n'est pas une loi de négociation sociale, c'est la loi de la plus grande méfiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, nous allons maintenant aborder les amendements à l'article 4. Comme j'ai besoin de faire certaines vérifications pour peaufiner notre argumentation sur nos amendements qui, compte tenu de leur importance, seront tous défendus, je souhaite une petite suspension de séance de quarante-cinq minutes pour pouvoir préparer la suite des événements.
Article 4
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à deux heures trente-cinq, est reprise à deux heures quarante.)
Le titre II du projet de loi, relatif à l'organisation de la continuité du service public en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève, regorge d'articles clés particulièrement structurants.
L'article 4 renvoie aux autorités organisatrices de transport la responsabilité, d'une part, de définir les dessertes prioritaires et, d'autre part, d'intégrer le plan de transport adapté et le plan d'information des usagers dans les conventions d'exploitation les liant aux entreprises de transport. Nombre de nos collègues sont intervenus pour dénoncer l'atteinte ainsi portée à la libre administration des collectivités territoriales. Cette crainte est notamment fondée sur la possibilité accordée au préfet de se substituer à l'AOT pour définir les priorités de dessertes, en cas de carence de cette dernière. Il a été rappelé en commission que la jurisprudence administrative retenait une acception très large de cette notion de carence et que, par conséquent, le représentant de l'État pourra intervenir non seulement en l'absence d'intégration du plan de transport à la convention, mais aussi en présence d'un plan insuffisant, ne prenant pas en compte les besoins essentiels de la population, notion tout aussi floue que celle de carence.
Nous touchons là, mes chers collègues, à un deuxième point important de désaccord : les autorités organisatrices de transport devront assumer juridiquement et politiquement les obligations nouvelles nées de cette loi — en l'occurrence, prévoir la fréquence et les plages horaires de dessertes prioritaires devant être assurées pour répondre aux besoins essentiels de la population — et décider ainsi localement des restrictions substantielles au droit de grève. Selon les territoires et leurs particularités, les niveaux minimaux de service prendront plutôt en compte ici la desserte de zones commerciales, là celle d'hôpitaux ou d'établissements scolaires. Selon les territoires, les limites au droit de grève seront également différentes.
À trop vouloir faire du sur-mesure pour les usagers, monsieur le ministre, vous sacrifiez le principe d'égalité de traitement.
Le sénateur centriste Michel Mercier s'est dit inquiet que l'État ne s'assure pas du respect sur l'ensemble du territoire de la République de l'équilibre ou de la proportionnalité des limitations aux libertés publiques que devront décider les AOT. Sur ce sujet, nous sommes d'accord avec lui.
Nous sommes tout aussi inquiets de remarquer qu'après avoir inversé les termes du raisonnement en élevant les priorités de desserte des usagers au rang d'impératif justifiant une limitation du droit de grève – celui-ci portant une atteinte disproportionnée à un certain nombre de libertés que vous énumérées en sus du principe à valeur constitutionnel d'accès aux services publics –, vous acceptez d'ajouter à la liste des droits et libertés auxquelles il ne doit pas être porté atteinte, l'accès au service public de l'enseignement les jours d'examens nationaux. Cette modification participe du bon sens, me direz-vous. À ceci près qu'elle conduit indirectement à définir à l'avance un nombre de jours fixe durant lesquels les personnels devront être présents, et constitue donc une interdiction frontale de l'exercice du droit de grève les jours en question...
Les motifs d'inconstitutionnalité ne manquent pas contre cet article qui se révélera être une véritable usine à gaz. C'est une expression qui a souvent été utilisée. Personne n'en a trouvé d'autre tellement celle-ci correspond bien au texte ! C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 4.
La parole est àM. François Brottes, pour défendre l'amendement n° 106 .
Nous nous sommes largement exprimés pour justifier de la suppression de cet article.
Ces amendements qui visent à supprimer l'article 4 ont été rejetés par la commission. Nous avons en effet considéré que les dispositions prévues à l'article 4 constituent un ensemble cohérent et indispensable à la définition de ce service garanti dans les transports terrestres de voyageurs, qui est au coeur du projet de loi.
En outre, l'article prévoit une architecture logique : la définition des dessertes prioritaires, puis la mise en oeuvre du plan de transport adapté et l'information des usagers. Il fait intervenir trois grands acteurs : l'autorité organisatrice de transport, l'entreprise de transport et le représentant de l'État.
Cet article répond donc à des besoins essentiels et consacre de nouveaux droits. Il nous a paru impossible d'en prévoir la suppression.
L'article 4 est essentiel. Il est donc tout aussi essentiel de repousser ces amendements.
Vous n'avez pas assez argumenté ! (Sourires.)
Mercredi 1er août, à quinze heures, première séance publique :
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat :
Rapport, n° 109, de M. Gilles Carrez ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif aux libertés des universités :
Rapport, n° 113, de M. Benoist Apparu ;
Suite de la discussion du projet de loi, n° 101, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs :
Rapport, n° 107, de M. Jacques Kossowski, au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 1er août 2007, à deux heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton