Le titre II du projet de loi, relatif à l'organisation de la continuité du service public en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève, regorge d'articles clés particulièrement structurants.
L'article 4 renvoie aux autorités organisatrices de transport la responsabilité, d'une part, de définir les dessertes prioritaires et, d'autre part, d'intégrer le plan de transport adapté et le plan d'information des usagers dans les conventions d'exploitation les liant aux entreprises de transport. Nombre de nos collègues sont intervenus pour dénoncer l'atteinte ainsi portée à la libre administration des collectivités territoriales. Cette crainte est notamment fondée sur la possibilité accordée au préfet de se substituer à l'AOT pour définir les priorités de dessertes, en cas de carence de cette dernière. Il a été rappelé en commission que la jurisprudence administrative retenait une acception très large de cette notion de carence et que, par conséquent, le représentant de l'État pourra intervenir non seulement en l'absence d'intégration du plan de transport à la convention, mais aussi en présence d'un plan insuffisant, ne prenant pas en compte les besoins essentiels de la population, notion tout aussi floue que celle de carence.
Nous touchons là, mes chers collègues, à un deuxième point important de désaccord : les autorités organisatrices de transport devront assumer juridiquement et politiquement les obligations nouvelles nées de cette loi — en l'occurrence, prévoir la fréquence et les plages horaires de dessertes prioritaires devant être assurées pour répondre aux besoins essentiels de la population — et décider ainsi localement des restrictions substantielles au droit de grève. Selon les territoires et leurs particularités, les niveaux minimaux de service prendront plutôt en compte ici la desserte de zones commerciales, là celle d'hôpitaux ou d'établissements scolaires. Selon les territoires, les limites au droit de grève seront également différentes.
À trop vouloir faire du sur-mesure pour les usagers, monsieur le ministre, vous sacrifiez le principe d'égalité de traitement.
Le sénateur centriste Michel Mercier s'est dit inquiet que l'État ne s'assure pas du respect sur l'ensemble du territoire de la République de l'équilibre ou de la proportionnalité des limitations aux libertés publiques que devront décider les AOT. Sur ce sujet, nous sommes d'accord avec lui.
Nous sommes tout aussi inquiets de remarquer qu'après avoir inversé les termes du raisonnement en élevant les priorités de desserte des usagers au rang d'impératif justifiant une limitation du droit de grève – celui-ci portant une atteinte disproportionnée à un certain nombre de libertés que vous énumérées en sus du principe à valeur constitutionnel d'accès aux services publics –, vous acceptez d'ajouter à la liste des droits et libertés auxquelles il ne doit pas être porté atteinte, l'accès au service public de l'enseignement les jours d'examens nationaux. Cette modification participe du bon sens, me direz-vous. À ceci près qu'elle conduit indirectement à définir à l'avance un nombre de jours fixe durant lesquels les personnels devront être présents, et constitue donc une interdiction frontale de l'exercice du droit de grève les jours en question...
Les motifs d'inconstitutionnalité ne manquent pas contre cet article qui se révélera être une véritable usine à gaz. C'est une expression qui a souvent été utilisée. Personne n'en a trouvé d'autre tellement celle-ci correspond bien au texte ! C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 4.