L'article 2 prévoit que, désormais, le dépôt d'un préavis de grève ne pourra intervenir qu'après une phase de négociation préalable entre l'employeur et les organisations syndicales.
Initialement, le texte visait l'ensemble des organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise. Mais, à la suite des auditions auxquelles la commission spéciale sénatoriale a procédé et en particulier à celle de la présidente de la SNCF, qui a souhaité que soient améliorées les modalités du système de prévention des conflits, le rapporteur a proposé que la procédure de négociation soit réservée aux organisations ou à l'organisation ayant initialement soulevé le problème.
Prenant l'exemple des syndicats de représentants des conducteurs qui ne partagent pas nécessairement les revendications sur les conditions de travail des commerciaux, Mme Procaccia a fait valoir en séance publique au Sénat que cette modification, qui se « contentait » de prendre en considération une pratique en vigueur à la SNCF et à la RATP, permettrait « d'alléger la procédure de négociation et éviterait d'avoir à débattre avec certains syndicats de revendications qui ne les concernent pas s'il s'agit de syndicats catégoriels ». Mais la souplesse ainsi recherchée va à l'encontre de l'objectif de renforcement du dialogue social interne à l'entreprise qu'affiche le texte. Il est à craindre également qu'une telle restriction ne conduise à segmenter les questions auxquelles les directions d'entreprises peuvent être confrontées, multipliant ainsi les sources de conflits.
Vous connaissez trop bien le monde de l'entreprise pour ignorer que des dispositions prises pour une catégorie de salariés doivent être conçues de manière globale, dans la mesure où elles ont un impact direct sur le quotidien professionnel de l'ensemble des salariés de l'entreprise, fussent-ils d'une autre catégorie. Vous ne pouvez penser un seul instant que les cadres intermédiaires, par exemple, ne seront pas directement touchés par les contraintes supplémentaires imposées aux salariés que le plan transport juge indispensables.
En outre, la solution restrictive retenue par le Sénat, sur laquelle, monsieur le ministre, vous avez du reste émis un avis de sagesse – peut-être nous surprendrez-vous encore ! – est ambiguë car, vous l'avez noté, « chaque négociation, et non pas seulement celle qui porte sur le préavis de grève, implique la convocation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives ». La négociation préalable à tout dépôt de préavis restreignant déjà largement l'exercice individuel du droit de grève, vous ne pouvez permettre qu'elle déroge en outre aux règles de droit commun en matière de négociation. Ou alors, dites-nous explicitement qu'elle est, en réalité, destinée à autre chose qu'à la négociation.
Par ailleurs, dans la mesure où vous acceptez les accords minoritaires et où l'article 3 du projet de loi rend impossible le dépôt d'un nouveau préavis sur le même sujet, cette disposition prive les organisations syndicales non consultées préalablement d'un moyen d'interpeller la direction de l'entreprise, donc, de la possibilité d'échanges portant sur leurs revendications, ce qui annonce la déresponsabilisation collective des acteurs sociaux. C'est socialement explosif et économiquement contre-productif.
Nous souhaitons donc que les employeurs soient tenus d'associer à la consultation l'ensemble des organisations syndicales présentes dans l'entreprise et non pas seulement l'organisation ou les organisations ayant notifié leur intention de déposer un préavis de grève. Tel est le sens de notre amendement n° 58 . (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)