Comme n'a pas manqué de nous le rappeler le Conseil économique et social, en début d'année, dans son rapport sur la consolidation du dialogue social, la question du dialogue social et celle de la représentativité syndicale sont étroitement liées.
Le gouvernement précédent, qui défendait alors son projet de modernisation du dialogue social, a choisi le statu quo, en maintenant en l'état les règles de représentativité et de validité des accords. Or, la présomption de représentativité, datant de 1966, est inadaptée à l'évolution du paysage syndical. Le fait que des syndicats minoritaires puissent engager la majorité des salariés est devenu intenable depuis l'adoption de la loi Fillon de 2004, un texte qui a largement favorisé l'autonomie de la négociation au niveau de l'entreprise, et qui autorise un accord d'entreprise à déroger à un accord de branche – dans un sens défavorable aux salariés, bien entendu.
Vous êtes restés sourds aux deux principales recommandations du CES, partagées par la CFDT et la CGT : la refondation de la légitimité syndicale sur le vote de tous les salariés, et l'affirmation du principe majoritaire comme condition de validité des accords. À l'époque, j'avais défendu au Sénat ces propositions d'évolution, conditions de l'amélioration de la démocratie sociale française. Je me souviens du refus de la majorité UMP, désireuse – comme le MEDEF – de ne pas perdre les acquis de la loi Fillon : la possibilité de négocier au plus près du terrain avec des partenaires pas nécessairement syndiqués ou minoritaires, voire ultraminoritaires, c'est-à-dire avec des partenaires dociles.
Cette attitude me paraissait paradoxale de la part de ceux qui ne manquaient pas de s'inquiéter de la faiblesse des protagonistes sociaux et de l'émiettement syndical. Je mesure, à présent, la logique d'une telle attitude. C'est le moyen le plus sûr de régler son compte au syndicalisme, et de le discréditer.
Monsieur le ministre, une occasion nouvelle vous est offerte de faire la preuve que tout cela n'est que fantasme, et que ce gouvernement de rupture est, effectivement, décidé à donner tout son sens à la négociation.
En présentant l'article 2 de ce projet de loi, vous nous avez dit désirer un dialogue maximum. Je vous ai déjà fait part de mes doutes sur les chances de réussite de cette négociation à marche forcée d'un accord-cadre de prévention des conflits. Je veux bien les faire taire un moment, et vous proposer un dialogue social de qualité, mettant véritablement les organisations syndicales et les directions d'entreprises de transport face à leurs responsabilités.
L'amendement n° 56 n'exclut aucun syndicat représentatif de la négociation, mais il conditionne la validité de l'accord-cadre d'entreprise à sa signature par la ou les organisations majoritaires en voix. Et, pour mesurer l'audience des organisations syndicales, nous envisageons – comme nous y invite le CES – la tenue d'une élection de représentativité.
Vous allez m'objecter que notre proposition vient trop tôt, que les partenaires sociaux sont saisis de cette question et qu'il faut leur faire confiance. Ce n'est qu'argutie : le Gouvernement brusque les négociations lorsque cela l'arrange, lorsqu'il le juge opportun, comme ce texte en témoigne. Les vraies raisons sont donc à rechercher ailleurs : la majorité d'engagement prend à rebours la philosophie de la loi Fillon de 2004.