L'article 3 vise à interdire la pratique des préavis dits glissants, qui consiste, pour une même organisation syndicale, à déposer, pour les mêmes motifs, un nouveau préavis de grève avant l'échéance du préavis en cours. Il s'agirait, selon la version officielle, de limiter les abus, mais la véritable ambition de cette disposition est de mieux contraindre le droit de grève.
Il convient, certes, d'améliorer le dialogue social et de le rendre plus efficace encore pour limiter la conflictualité : 55 % des entreprises de transport soumises à la loi sur la négociation annuelle obligatoire ne respectent pas cette obligation légale. Mais est-ce vraiment l'objectif de l'interdiction du préavis glissant ? Il s'agit bien plutôt de contraindre l'exercice du droit de grève des salariés, qui n'est pourtant pas responsable de la dégradation du dialogue social. Il est en effet difficile de dire que les salariés abusent de ce droit, quand on connaît le niveau de la conflictualité dans ce secteur : seules 6,7 % des entreprises de transport ont connu une grève en 2005 et, sur 6 043 incidents ayant donné lieu en 2006 à des retards à la SNCF, seuls 140 étaient imputables à des mouvements sociaux.
Dès lors, on comprend bien que l'interdiction des préavis glissants n'a d'autre finalité que de limiter la mobilisation des salariés. En effet, comment participer à un conflit interprofessionnel qui se déclarerait au cours du premier préavis si la pratique du préavis glissant est interdite ? Les cas de conflits interprofessionnels ne sont pas forcément les plus rares. Lors de plusieurs grèves récentes, les salariés ont ainsi participé à des mouvements sociaux portant sur des sujets d'intérêt général dépassant les revendications sectorielles.
C'est donc bien pour brider le mouvement social que ce petit article est prévu. Il est d'ailleurs pratique, quand on sait que vous prévoyez de supprimer l'ensemble des régimes spéciaux et quand on connaît vos intentions rapaces vis-à-vis des dispositions protectrices du code du travail. Avec ce dispositif, les salariés des entreprises de transport n'auront la possibilité de soutenir les revendications sociales de leurs collègues que s'ils ne sont pas eux-mêmes mobilisés pour défendre leurs propres conditions de travail et leur secteur d'activité.
Finalement, cet article s'inscrit dans un dispositif qui prétend améliorer la qualité du dialogue social, mais qui agit sur les seules conséquences des conflits, plutôt que sur leurs causes.
En imposant des restrictions du droit de grève, qui est un droit constitutionnel individuel, le Gouvernement veut détourner l'attention des usagers et de l'opinion publique. Il veut se protéger de la réaction de salariés déterminés à s'opposer à son intention de réduire plus encore les moyens des services publics, considérés comme des dépenses superflues, et de mettre en oeuvre des mesures antisociales.
La question du préavis glissant n'a aucun rapport avec la garantie de la continuité du service public. La question qu'il est urgent de résoudre dans le service public de transport, c'est celle de la qualité et de la fiabilité, qui est à l'origine de dysfonctionnements importants et qui nourrit d'ailleurs l'écrasante majorité des conflits. Cela suppose que l'on mette en oeuvre des moyens matériels et humains organisés pour répondre aux besoins et non, comme c'est trop souvent le cas actuellement, que l'on recherche une rentabilité dont les usagers et les salariés du secteur subissent les conséquences.
S'attaquer aux salariés qui se battent pour l'amélioration des matériels, le maintien des dessertes menacées par des choix de rentabilité financière ou pour leurs conditions sociales ne résoudra rien et n'apportera aucune réponse aux besoins.