La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Régis Juanico, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, quand allez-vous vous ressaisir ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Quand allez-vous enfin ouvrir les yeux et prendre la mesure du mécontentement que vous suscitez ?
Hier, pour la sixième fois en quatre semaines, lycéens, parents d'élèves, enseignants du premier et du second degré étaient dans la rue. Ensemble, ils manifestaient toujours plus nombreux, malgré les vacances scolaires, pour protester contre vos projets de nouveaux programmes dans le primaire, de généralisation du bac professionnel en trois ans et contre la suppression de milliers de postes d'enseignants mais aussi de personnels administratifs à la rentrée 2008.
La mobilisation s'amplifie. Déjà, deux nouvelles journées d'action sont prévues, les 15 et 24 mai prochains. En quelques mois, vous avez réussi l'exploit de créer un climat de défiance généralisée au sein de la communauté éducative. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Contrairement à vos affirmations répétées sur le taux d'encadrement, le non-remplacement de fonctionnaires partant à la retraite – 85 000 d'ici à 2012 – ajouté aux 30 000 suppressions de postes déjà réalisées a des conséquences dramatiques dans les établissements. Dans le département de la Loire, par exemple, le projet de carte scolaire pour 2008 prévoit la suppression de 44 postes dans les collèges, qui devront pourtant accueillir 230 élèves supplémentaires.
Le non-remplacement conduit à la suppression de classes dédoublées, de filières et d'options dans les établissements. Il signifie des classes surchargées, et donc des difficultés supplémentaires pour les élèves qui ont le plus de mal à suivre. Il se traduit encore par la dégradation des conditions de travail des enseignants, parfois contraints d'effectuer leurs services dans deux ou trois établissements, au détriment de la qualité de l'enseignement dispensé. Il entraîne aussi la remise en cause de projets d'intégration d'élèves handicapés, comme c'est le cas dans l'un des collèges de ma circonscription.
Monsieur le ministre, vous ne réformez pas l'éducation nationale, vous travaillez à sa liquidation progressive. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous ne défendez pas le système éducatif, vous passez votre temps à le dénigrer !
Ma question est simple : allez-vous enfin entendre raison et revenir non seulement sur vos mesures de restriction budgétaire et de suppression de postes mais aussi sur l'ensemble de vos projets éducatifs dont les Français ne veulent pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le député, je viens d'entendre votre énième réquisitoire, qui ne traduit cependant aucune vérité.
Pourquoi ne dites-vous pas, ce qui serait utile, ce que nous aurions fait avec les quelques milliers de postes si nous les avions conservés ?
Aurions-nous amélioré le taux d'encadrement ? La réponse est non, puisque, à la rentrée prochaine, celui-ci sera identique à ce qu'il était à la rentrée 2007. Aurions-nous fait progresser le système éducatif ? J'en doute puisque la seule recette que vous connaissez – ajouter des postes, ajouter des moyens (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) –, pratiquée depuis trente ans, a abouti à une chute constante de notre système éducatif dans les classements internationaux.
Aurions-nous offert de nouveaux services ? C'est bien inutile puisque le budget voté par cette majorité nous permet précisément de le faire. Nous avons ainsi mis en place les études surveillées dans les collèges qui seront étendues, à la rentrée prochaine, aux écoles des zones d'éducation prioritaire. Nous sommes également en train d'organiser un accompagnement éducatif et des stages avant l'entrée en sixième pour les élèves de CM 1 et CM 2 issus de familles modestes et en difficulté. Je me demande d'ailleurs bien pourquoi, lorsque l'on se réclame d'un idéal social, on peut critiquer ces stages gratuits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Enfin, rappelons qu'aujourd'hui plus d'un professeur sur trois accepte de faire des heures supplémentaires pour répondre aux besoins des élèves.
Vous le voyez bien, monsieur Juanico, c'est toujours la même chanson : moratoire, suspension, conservation.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Démission !
Eh bien, vous dites « moratoire », moi je dis « réforme » ; vous dites « suspension », moi je dis « audace » ; vous dites « attendons », moi je dis « changeons ». Monsieur Juanico, le progrès n'a pas besoin d'un moratoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et porte sur les agrocarburants dans le contexte de restriction du pouvoir d'achat dans notre pays et d'émeutes de la faim dans d'autres pays.
Les prix agricoles flambent à cause de la concurrence pour l'utilisation des terres dédiées à la filière des agrocarburants et de la spéculation. Se dégageant du marché immobilier nord-américain en déroute, les fonds de pension se sont en effet tournés vers les marchés agricoles mondiaux car les politiques publiques d'aide à la substitution du pétrole leur garantissent des profits élevés. Citons le cas des États-unis, qui soutiennent la production d'éthanol de maïs dont le rendement énergétique est pourtant très faible. En 2007, le cours du maïs a augmenté de 33 % à la bourse de Chicago alors que les cours du blé et du soja doublaient. La flambée des prix du blé tient aussi au faible niveau du stock mondial : à la fin de 2006, celui-ci atteignait 120 millions de tonnes. Or les agrocarburants consomment 100 millions de tonnes de céréales. Il y aurait donc de quoi satisfaire davantage la hausse de la demande, due notamment aux nouvelles habitudes alimentaires de pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil.
Les agrocarburants de première génération, hormis ceux tirés la canne à sucre, ont un rendement énergétique dérisoire et ne sont une solution ni à la raréfaction du pétrole ni à la lutte contre les gaz à effet de serre. Leur production sert à limiter le prix de l'essence dans nos pays riches en retirant le pain de la bouche des pays pauvres.
Rouler au Nord ou manger au Sud, il va falloir choisir ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il convient de cesser toute aide publique à cette politique criminelle. La politique économique, notamment énergétique, tant de la France que de nos partenaires européens, doit trouver des alternatives.
Le Gouvernement entend-il mettre fin aux exonérations fiscales dont bénéficie la production d'agrocarburants ainsi que je l'avais proposé, au nom des Verts, lors du débat sur le pouvoir d'achat ? Entend-il agir auprès de l'Union européenne pour obtenir la suppression de l'objectif d'utilisation de 5,75 % d'agrocarburants dans les moteurs d'ici à 2010, dans l'attente de la mise au point du procédé dit de deuxième génération, à base de résidus végétaux et non plus de céréales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Madame la députée, les gouvernements précédents ont mis en place un dispositif pour les biocarburants se fondant sur la construction d'usines, en liaison avec nos grandes coopératives agricoles ou nos groupes industriels. Parallèlement, le Parlement a voté des mesures fiscales et des mesures incitatives. La France, vous l'avez rappelé, s'est donné un objectif pour l'utilisation des biocarburants supérieur à celui fixé par l'Union européenne.
Que se passe-t-il aujourd'hui ?
Tout d'abord, le Grenelle de l'environnement a permis de mettre l'accent sur les problèmes de durabilité et d'avoir une vision différente des biocarburants.
Ensuite, nous sommes attentifs aux expériences menées outre-mer autour de la canne à sucre, qui permettent d'utiliser toute la plante pour de meilleurs rendements.
Enfin, se pose aujourd'hui un problème qui n'existait pas il y a quelques années, je veux parler de l'augmentation effrénée du prix des céréales, qui implique de choisir entre l'usage alimentaire et l'usage industriel de nombreuses plantes.
En fonction de ces divers paramètres, le Gouvernement a décidé de mener à son terme le programme en cours. Les usines en construction seront donc achevées, y compris dans ma région avec le soutien de Mme Ségolène Royal, qui a tenu à ce que le conseil régional investisse dans ce qui est l'un des gros projets en cours. Les collectivités concernées poursuivent donc leur action. En outre, Jean-Louis Borloo a souhaité que nous fassions le point pour engager une réflexion approfondie sur les biocarburants de deuxième génération. Enfin, conformément aux préconisations du Grenelle de l'environnement, nous allons mettre le paquet sur la recherche afin de travailler sur des biocarburants plus respectueux de l'environnement et correspondant mieux aux attentes de notre société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail et de l'emploi.
Les associations sont pour notre pays un levier pour son activité économique, un outil indispensable du lien social et l'occasion pour l'individu d'expérimenter concrètement sa capacité d'agir au sein de la cité. La France en compte aujourd'hui plus d'un million et le secteur associatif employeur regroupe environ 170 000 associations, qui salarient entre 1,5 million et 1,9 million personnes, soit entre 6 % et 8% des emplois totaux.
Si l'investissement au sein d'une association reste d'abord un engagement humaniste, l'on ne peut avoir la naïveté de penser que les associations se contentent de vivre d'amour et d'eau fraîche. La représentation nationale, consciente de cette réalité, a ainsi récemment voté une proposition de loi étendant le plafond du chèque emploi associatif de trois à neuf équivalents temps plein. De la même manière, de nombreux contrats d'accompagnement dans l'emploi, CAE, ont été signés pour remédier au manque de moyens des associations tout en favorisant l'insertion professionnelle de personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. Or, aujourd'hui, les associations s'inquiètent de la remise en cause des contrats aidés et de leur non-renouvellement.
Le groupe Nouveau Centre soutient pleinement la démarche engagée par M. le ministre du travail dans le cadre du Grenelle de l'insertion, qui vise à instituer un contrat unique d'insertion. Mais tandis que la réflexion sur ce point suit son cours, sur le terrain, le nombre des contrats aidés semble se réduire comme peau de chagrin. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Quelle garantie le Gouvernement peut-il apporter aux associations, qui, nombreuses à dépendre de ces contrats aidés, s'inquiètent de leur réduction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, je vais vous répondre très clairement.
Tout d'abord, quelle est, avec Christine Lagarde, notre approche des contrats aidés ? Ils constituent un dispositif essentiel de notre politique de l'emploi pour deux raisons. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
D'une part, ils permettent à de nombreuses personnes de mettre le pied à l'étrier, qu'il s'agisse de jeunes ayant une insuffisante formation pour lesquels cela constitue un accès à une première expérience professionnelle ou de publics très en difficulté.
Vous êtes jeune et déjà très fin politicien, monsieur le secrétaire d'État !
D'autre part, ils bénéficient à des associations qui les utilisent dans le domaine de l'insertion.
Quelle est l'orientation du Gouvernement ? Nous entendons maintenir l'utilisation des contrats aidés.
Nous y consacrerons cette année plus de 2 milliards d'euros, ce qui représente 230 000 nouveaux contrats. Depuis le début de l'année, plus de 70 000 ont d'ores et déjà été signés.
Chaque mois, je fais le point, avec Christine Lagarde, sur l'utilisation de ces contrats aidés directement sur le terrain.
Vous avez également évoqué tout le travail accompli dans le cadre du Grenelle de l'insertion. On ne peut pas remettre en perspective ce dispositif par rapport à la situation de l'emploi. Je le répète, même si cela entraîne quelques frictions sur certains bancs, la situation de l'emploi dans notre pays est la meilleure que nous ayons connue depuis vingt ans. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cela nous conduit à travailler sur deux engagements.
Premièrement, nous souhaitons que les contrats aidés soient effectivement réservés aux personnes qui en ont le plus besoin...
..afin de leur permettre de mettre le pied à l'étrier et d'accéder à un nouvel emploi.
Deuxièmement, leur signature doit être l'occasion d'un échange d'engagements respectueux entre l'État qui investit, les associations, qui s'engagent sur un effort d'insertion durable, et les personnes qui en bénéficient.
Pour vous répondre clairement, non nous ne comptons pas remettre en cause les contrats aidés. En revanche, nous voulons les rendre plus justes et plus efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quel dommage d'être aussi jeune et de pratiquer déjà la langue de bois !
La parole est à M. Patrice Calméjane, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, l'actualité de ces derniers jours nous amène à déplorer deux accidents tragiques. Lundi, un jeune homme de dix-sept ans a trouvé la mort en perdant le contrôle de sa mini-moto à Bagneux en région parisienne, et un enfant de douze ans s'est tué dans l'Aveyron alors qu'il conduisait un quad dans la ferme familiale.
Ces deux cas ne sont malheureusement pas isolés et nous sommes confrontés quotidiennement à la prolifération de ces engins, en ville comme à la campagne.
Aux accidents qui suscitent légitimement notre émotion s'ajoutent les nuisances devenues souvent insupportables et que subissent pourtant des milliers de familles tous les jours. Il est ainsi démontré que la législation actuelle, qui interdit l'utilisation des mini-motos sur la voie publique, n'est pas adaptée et que le problème reste entier.
Conscient de l'urgence, et après avoir constitué un groupe de travail sur le sujet à la demande de Jean-François Copé, président du groupe UMP, j'ai déposé, le 29 janvier dernier, avec mes collègues Maurer, Gaudron et Huyghe, une proposition de loi relative aux conditions de commercialisation et d'utilisation de certains engins motorisés. Pour nous, l'objectif est clair : il s'agit de protéger les mineurs et de faire en sorte que l'acquisition et l'utilisation des mini-motos soient sévèrement encadrées.
Ce texte a été voté en première lecture le 5 février dernier à l'Assemblée, puis au Sénat la semaine dernière, à l'unanimité. Aujourd'hui, nous partageons tous la volonté que ce texte soit rapidement appliqué car il y a urgence.
Monsieur le secrétaire d'État, dans quelle mesure le Gouvernement entend-il s'appuyer sur les dispositions de ce texte pour protéger nos concitoyens de la prolifération des mini-motos et dans quel délai a-t-il prévu de proposer à nouveau l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour de notre assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Monsieur le député, je tiens tout d'abord à rendre hommage à Cédric Belbezet, âgé de douze ans, et à Lassana Sima, âgé de dix-sept ans, morts tragiquement ce week-end, l'un à la suite d'un accident de quad dans l'Aveyron, l'autre sur une pocket bike à Bagneux dans les Hauts-de-Seine. Ayons une pensée affectueuse pour leurs familles.
Ces deux tragédies démontrent à nouveau, comme vous l'avez indiqué monsieur le député, que la législation actuelle est insuffisante et qu'il est trop facile pour ces jeunes de se procurer ce type d'engins, souvent trop puissants pour eux d'autant qu'ils les utilisent sans aucune instruction.
Je veux rendre hommage au sens de la responsabilité des parlementaires. En effet, à la suite des travaux d'un groupe de travail constitué à la demande de Jean-François Copé, vous avez, avec MM. Maurer, Gaudron et Huyghe, déposé une proposition de loi visant à renforcer celle rédigée par Mme Élisabeth Guigou en la matière.
Votre texte a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, à l'unanimité, ainsi qu'au Sénat, la semaine dernière. Il aurait pu permettre d'éviter les drames de ce week-end.
Je remercie Mme Alliot-Marie pour avoir beaucoup travaillé avec nous sur ce sujet. Nous pourrons, grâce à ce texte, responsabiliser les professionnels en encadrant plus strictement les conditions de vente des mini-motos, à partir d'une charte de qualité et en interdisant la vente aux mineurs.
Il s'agit également de responsabiliser les utilisateurs en interdisant l'utilisation de ce type d'engins par les jeunes de moins de quatorze ans, sauf dans le cadre de pratiques sportives, et en imposant qu'ils portent un numéro d'identification bien visible.
Cette proposition de loi permettra une avancée significative. Le Gouvernement s'engage, sous le contrôle de M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, à l'inscrire à l'ordre du jour dans le courant du mois de mai, afin que de tels drames ne se reproduisent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, près d'un an après l'élection présidentielle, je souhaiterais vous interroger sur trois engagements importants du candidat Sarkozy.
Sur le développement durable, le candidat Sarkozy nous disait vouloir répondre en urgence et s'engager pour la préservation de notre environnement. Le Grenelle de l'environnement a bien eu lieu mais, nous l'avons constaté la semaine dernière dans cet hémicycle lors de la discussion du projet de loi sur les OGM, le lobbying des semenciers a mis à mal les bonnes résolutions (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : autoriser la coexistence entre cultures met fin de façon irréversible à l'agriculture bio et de qualité.
Le candidat Sarkozy nous assurait ensuite « qu'il ne passerait jamais sous silence les atteintes au droit de l'homme au nom de nos intérêts économiques ». Or la cacophonie gouvernementale sur la question tibétaine manque pour le moins de clarté et est très en retrait de celle formulée, depuis plusieurs semaines déjà, par la Chancelière allemande et, récemment, par le Parlement européen qui condamne fermement la répression chinoise au Tibet. Oubliées les belles déclarations !
Quant au pouvoir d'achat, chacun se souvient du « Je serai le Président du pouvoir d'achat » ou du « J'irai chercher la croissance avec les dents ». Qu'en est-il aujourd'hui ?
Les Français les plus modestes, les plus petits retraités peinent à boucler leurs fins de mois. Ils hésitent à se soigner du fait de la franchise médicale, des honoraires de certains spécialistes, du déremboursement des médicaments, des frais d'optique, et demain sans doute des frais dentaires.
La nouvelle hausse de 5,5 % des tarifs du gaz, après celle de 4 % en janvier dernier, limite leur budget chauffage. Et je ne vous parle pas de l'augmentation des prix alimentaires ou de l'inflation galopante.
Sur ces trois engagements prioritaires du candidat Sarkozy, force est de constater que rien n'a été fait, ou plutôt si : le contraire.
Votre seule réponse consiste à mettre en place un plan de rigueur sans précédent qui, encore une fois, fragilisera nos concitoyens aux faibles revenus.
Quelles mesures compte enfin prendre le Gouvernement pour tenir compte des conclusions du Grenelle de l'environnement, afin de préserver nos territoires agricoles et promouvoir la qualité de nos produits ? Pour ce faire, vous engagez-vous à maintenir en deuxième lecture l'amendement n° 252 dit amendement Chassaigne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) qui stipule que les OGM ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l'environnement ?
Je termine, monsieur le président.
Comptez-vous afficher enfin une position claire sur les droits de l'homme et apporter une vraie réponse au pouvoir d'achat des Français les plus modestes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la députée, le moins que l'on puisse dire est que vous balayez large ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En ce qui concerne le développement durable, je vous rappelle que le texte est actuellement en discussion au Sénat et qu'il vous appartiendra, lorsqu'il reviendra ici en deuxième lecture, d'exprimer vos positions.
Concernant les droits de l'homme et la situation en Chine et au Tibet, le Gouvernement a déjà exprimé sa position à de nombreuses reprises, sous l'autorité de François Fillon, celle de la fermeté et du dialogue pour faire respecter les droits de l'homme. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Quant au pouvoir d'achat, il a augmenté de 3,3 %, alors que l'inflation a augmenté de 1,5 % en 2007. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Regardez les chiffres : ils sont publiés et vérifiables !
Pour 2008, nous prévoyons une inflation de 2,2 %. L'augmentation du pouvoir d'achat se fera par plusieurs mesures. D'abord, par l'augmentation mathématique du SMIC qui sera de 2,3 % à compter du 1er mai 2008.
Ensuite, il y a une série de mesures d'urgence : la prime à la cuve – 650 000 foyers en ont bénéficié –, le plafonnement de l'augmentation des loyers dorénavant indexée sur l'indice des prix à la consommation, le rachat des RTT et la libération de la participation.
Enfin, il y a trois mesures de fond.
Premièrement, la lutte contre le chômage qui n'a jamais été aussi bas depuis 1983. Nous le répèterons que cela vous plaise ou non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Deuxièmement, la négociation annuelle des salaires à laquelle le Gouvernement encouragera les entreprises.
Troisièmement, le renforcement de la concurrence, grâce à la loi de modernisation de l'économie qui sera débattue devant votre assemblée le 13 mai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche chantent « Tout va très bien, madame la marquise. »)
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, dans la conjoncture difficile actuelle où des efforts sont demandés aux Français, il est anormal que les plus hauts revenus échappent, grâce aux niches fiscales,...
..à une juste contribution par le biais de l'impôt sur le revenu. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Des améliorations fiscales ont déjà été apportées aux bénéficiaires de revenus élevés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), telles que le bouclier fiscal et diverses mesures (Mêmes mouvements)...
Poursuivez, madame Brunel, sinon vous n'aurez pas le temps de poser votre question !
..destinées à maintenir l'emploi et l'investissement dans notre pays. (Rires sur les mêmes bancs.)
Un rapport de l'Inspection générale des finances a montré certaines dérives de ces niches fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Un nouveau rapport est en attente, mais il me semble urgent d'agir.
Face à cette situation, trois solutions s'offrent à nous.
La première consiste à plafonner les niches les plus inéquitables (Acclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) qui sont parfois très coûteuses pour la collectivité et qui peuvent aboutir à exonérer totalement d'impôt des contribuables fortunés. (Mêmes mouvements.)
La deuxième solution serait un plafonnement global des niches. (Mêmes mouvements.)
La troisième serait un impôt minimum qui s'appliquerait aux contribuables dont les revenus atteignent, hors impact des réductions, les deux dernières tranches du barème. (Mêmes mouvements.)
Madame la ministre, nous, parlementaires UMP, sommes très attachés à la justice fiscale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et sommes désireux de voir cette question aboutir. Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicain se lèvent et applaudissement longuement.)
Mesdames, messieurs de l'opposition, un peu de calme ! Je pense que Mme Brunel a compris votre message.
La parole est à Mme Christine Lagarde ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mesdames et messieurs les députés, je suis heureuse que, sur une question aussi technique (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) – qui ne rassemble pas toujours autant de monde lorsqu'il s'agit de discuter d'un projet de loi… –, nous soyons si agréablement rassemblés. Et je vous rappelle que c'est nous tous ici, ensemble, qui votons les niches fiscales ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il existe aujourd'hui 359 niches fiscales. Vous auriez pu, de longue date, en supprimer plusieurs ou, du moins, ne pas en instituer de nouvelles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est quasiment la même majorité qui est au pouvoir depuis six ans !
Tout le monde a voté des niches fiscales ! (« Répondez à la question ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Sous la précédente législature, la majorité d'alors avait pris l'excellente initiative de plafonner les niches fiscales. Malheureusement, cette proposition, qui émanait de celui qui est maintenant le président du groupe de l'UMP, M. Jean-François Copé, a été annulée par le Conseil constitutionnel (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), suite à un recours présenté – soit dit en passant – par la gauche de l'hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons poursuivi ce débat, avec le soutien de la majorité, lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, puis de celui du projet de loi de finances pour 2008, où nous avions examiné les propositions de M. le rapporteur général, Gilles Carrez, et de M. le président de la commission des affaires sociales, Pierre Méhaignerie. J'avais alors proposé la création d'un impôt minimal. Malheureusement ces propositions se sont avérées soit trop complexes, soit injustes dans leur application.
Dès lors, où allons-nous ?
Le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, rejoint votre point de vue, madame Brunel : il n'est pas juste qu'un certain nombre de contribuables profitent de niches fiscales pour tout simplement s'exonérer de l'impôt. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous allons donc examiner, l'une après l'autre, les 359 niches fiscales, et contrôler que leur objectif répond bien à une préoccupation de justice fiscale, afin qu'il n'y ait pas d'abus. Je remettrai sous quinzaine au Parlement le rapport de l'Inspection générale des finances, qui procède à cet examen, afin que nous puissions mieux discuter de l'opportunité de supprimer ou de plafonner ces niches fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Supprimez le bouclier fiscal !
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État aux transports. J'espère qu'elle bénéficiera du même succès d'estime que celle de Mme Brunel !
Elle porte sur l'une des conséquences du Grenelle de l'environnement : la création d'un système de bonus-malus sur la vente des véhicules automobiles, qui a un impact direct sur les familles. Si vous avez trois enfants ou plus, vous devez en effet acheter un véhicule plus grand, de type monospace, qui émet davantage de CO2 – ce qui déclenche le malus. Concrètement, celui-ci s'élève à 750 euros pour une Kangoo – véhicule sobre s'il en est – et à 1 600 euros pour une Espace de gamme moyenne. Or ce dispositif est perçu par les familles comme un impôt sur les enfants ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il est temps de regarder cela de près, monsieur le secrétaire d'État ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il est vrai qu'à l'inverse, on bénéficie d'un bonus si l'on achète une Smart – mais qui peut faire entrer sa famille dans une si petite voiture ? (Mêmes mouvements.)
Avec mes collègues MM. Mariton, Bouvard, Chartier et Courson, je vous avais déjà alerté sur cette question, monsieur le secrétaire d'État. Comment allez-vous atténuer l'impact négatif de cette mesure sur les familles ? (Mêmes mouvements.)
Si je pose cette question aujourd'hui, c'est que les familles françaises s'interrogent.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et elles souffrent !
Il y a d'abord eu le rapport Attali – heureusement que Jean-François Copé a tenu des propos définitif sur cette question – (Mêmes mouvements),…
…puis le débat sur la carte « Familles nombreuses » (Mêmes mouvements) ; bientôt va être mise en oeuvre la majoration unique des allocations familiales (Mêmes mouvements). Qu'au moins, s'agissant des malus touchant les véhicules familiaux, l'on mette un terme à ce qui semble un excès ! Monsieur le secrétaire d'État, nous attendons des mesures concrètes et positives en faveur des familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, ainsi que sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur Le Fur, le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement partagent bien évidemment votre préoccupation en faveur des familles. Nous ne souhaitons pas que le dispositif du bonus-malus, qui s'inscrit dans le cadre du Grenelle de l'environnement, leur nuise.
Je voudrais pour commencer vous rappeler que ce dispositif – qui applique un malus à l'acquisition de véhicules neufs émettant beaucoup de CO2 et, en contrepartie, un bonus aux véhicules moins polluants – est un succès : au premier trimestre 2008, dans un marché de l'automobile en croissance de 2 %, les ventes de véhicules émettant moins de 130 grammes de CO2 au kilomètre ont progressé de plus de 35 %, tandis que celles de voitures polluantes diminuaient de plus de 40 %. C'était le résultat souhaité par les Français, et c'est pourquoi cette mesure avait été proposée par le Gouvernement.
La question que vous posez est cependant légitime : cette disposition risque-t-elle de pénaliser les familles nombreuses ? (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Comme vous l'avez noté, une famille nombreuse ne peut se déplacer en Smart, ni même d'ailleurs en Fiat 500 ou en 2 CV, dont nous fêtons avec bonheur le soixantième anniversaire. En revanche, j'ai pu le vérifier, il existe des véhicules familiaux exemptés de malus, comme la Renault Scénic, ou certains modèles chez Citroën ou Peugeot – pour ne citer que des constructeurs français.
Au-delà, monsieur Le Fur, le Premier ministre et le Gouvernement sont extrêmement attentifs à la politique en faveur de la famille. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Le débat de la semaine dernière sur la carte « Familles nombreuses » a été tranché par le Président de la République et le Premier ministre. Comme le Président de la République l'a dit durant la campagne présidentielle, nous sommes partisans d'une politique familiale qui s'adresse à toutes les familles, sans condition de ressources. Et elle sera menée dans le domaine des transports comme dans tous les autres. Le Gouvernement en prend l'engagement. (Applaudissements sur certains bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Nous avons déjà évoqué hier les émeutes de la faim, mais c'est un sujet suffisamment important pour qu'on y revienne aujourd'hui.
Depuis plusieurs jours, de nombreux pays sont secoués par de telles émeutes. Des manifestations ont eu lieu dans le monde entier, en Égypte, au Maroc, en Côte d'Ivoire, en Mauritanie, au Sénégal ou ailleurs.
À Haïti – pays qui me tient particulièrement à coeur, car je suis présidente du groupe d'amitié –, ces troubles ont été particulièrement graves : on compte déjà plusieurs morts et des centaines de blessés. Le mouvement de protestation, qui a gagné la capitale, a donné lieu à des heurts violents, et le gouvernement de Jacques-Édouard Alexis a été renversé.
D'après ce que l'on dit, ces événements dramatiques vont se répéter dans beaucoup de pays, car leur principal facteur déclenchant est l'envolée mondiale des prix des denrées alimentaires de base. Ces trois dernières années, ceux-ci ont augmenté globalement de 83 % : le prix des céréales a augmenté de 42 %, celui du blé de 77 % et celui des produits laitiers de 80 %. C'est d'autant plus insupportable que, dans beaucoup de pays, les habitants, très pauvres, consacrent déjà l'essentiel de leurs ressources à l'alimentation ; et le pillage des zones de pêche par des bateaux étrangers ne fait qu'aggraver un peu plus le déséquilibre alimentaire de ces pays.
Il semblerait que la tendance ne soit pas prête de s'améliorer, compte tenu de la montée du prix du pétrole et du dérèglement climatique. Mais il faut aussi rappeler la responsabilité des pays de 1'OCDE qui, en subventionnant leurs produits agricoles à l'exportation, contribuent à la destruction des cultures vivrières dans le tiers monde.
Les paysans pauvres sont de ce fait acculés à l'émigration, et ils viennent s'entasser aux frontières de l'Europe, souvent au péril de leur vie.
Hier, M. Barnier nous a dit qu'il essaierait de prendre des initiatives dans le cadre européen ; mais il est resté silencieux sur ce que comptait faire la France, à son niveau. Or, nous l'avons constaté lors du vote du dernier budget, l'aide publique au développement a été diminuée.
Que compte faire la France pour éviter ce que d'aucuns appellent « un tsunami silencieux » ? Va-t-elle respecter ses engagements internationaux en matière d'aide publique au développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Madame Pau-Langevin, vous avez entièrement raison, et nous nous inquiétons tous, comme vous, de la dégradation brutale, bien qu'attendue, de la situation alimentaire.
S'agissant d'Haïti, pays que vous connaissez particulièrement bien, nous avons réagi au mieux en envoyant immédiatement un million d'euros, dont 800 000 d'aide alimentaire. Bien sûr, ce ne sera pas suffisant. Il est impossible d'attendre, mais on ne peut pas non plus agir en permanence dans l'urgence. Même si vos analyses sont justes, il faut aussi des réformes de fond.
D'abord, il faut agir, au niveau mondial, contre la spéculation effrénée sur les produits alimentaires.
Le Conseil de sécurité des Nations unies doit réagir d'urgence et mettre en place quelque chose de solide : c'est la vie de centaines de milliers, voire de millions de personnes, sur tous les continents, qui est en jeu.
Ensuite, le programme alimentaire mondial et la FAO – qui, théoriquement, s'intéresse à l'agriculture et non à l'aide d'urgence – doivent être considérablement renforcés. Les fonds souverains doivent être employés d'une manière différente, afin de constituer un fonds de réserve pour le développement de l'agriculture. Mais il faut aussi battre notre coulpe !
Nous devons nous interroger sur la PAC ; certes, le déséquilibre avec d'autres agricultures est grand, mais ce n'est pas en pénalisant notre propre agriculture que nous pourrons venir en aide aux autres. En revanche, il faut réfléchir à l'extension des cultures vivrières et – comme on vient de le faire – à celle des biocarburants.
Les surfaces consacrées aux biocarburants sont-elles bien employées ? Je ne le crois pas ; en tout cas, cela demande réflexion.
Il faut surtout développer, en particulier en Afrique et à Haïti, les aides à l'agriculture, afin que les cultures vivrières puissent satisfaire les besoins de la population. N'oublions pas qu'à Haïti, l'un des pays les plus pauvres du monde, les deux tiers de la population vivent avec moins de deux dollars par jour ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Il y a quatre ans, au printemps 2004, plus de 2000 directeurs de laboratoires et de membres d'instances scientifiques, rassemblés devant l'Hôtel de Ville de Paris, avaient solennellement remis leur démission afin de protester contre les coupes budgétaires infligées à la recherche publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) À la suite de cette importante mobilisation, des états généraux de la recherche avaient été lancés. À l'issue de plusieurs mois de discussions et de contributions, ils ont abouti, en octobre 2004, aux Assises de la recherche de Grenoble et à la remise d'un rapport final au Gouvernement.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quelles réponses ont été apportées depuis cette date aux attentes de nos chercheurs ? (« Aucune ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Plus précisément, comment comptez-vous attirer les jeunes vers la recherche, et rendre plus attrayantes les carrières des filières scientifiques, actuellement victimes d'une certaine désaffection ? Comment pensez-vous améliorer l'efficacité de notre système de recherche, et avec quels moyens ? Où en est-on de la réforme des grands organismes de recherche que sont l'INSERM et le CNRS ?
Ces questions sont cruciales, car la recherche est le moteur de la croissance économique et de l'emploi. Une recherche d'excellence est aujourd'hui une nécessité absolue pour notre pays, qui doit retrouver une économie d'innovation dans une société mondiale de la connaissance. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à Mme Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la députée, le Président de la République a fait de la recherche une priorité absolue pour notre pays.
Depuis 2005, avec la création de l'Agence nationale de la recherche, les crédits des laboratoires ont augmenté en moyenne de 25 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De plus, 6 000 nouveaux emplois ont été créés. Dès son arrivée à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy a décidé d'augmenter de 40 % le budget de la recherche et de 50 % le budget des universités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il a en outre annoncé 5 milliards de dotation exceptionnelle pour la rénovation de nos campus universitaires et de recherche.
Nous voulons une recherche d'excellence : à cette fin, nous devons remplir trois obligations. La première, c'est de débureaucratiser. Trop d'unités de recherche ont jusqu'à cinq tutelles. Or cinq tutelles, ce sont cinq systèmes comptables, cinq gestions des ressources humaines, cinq sources de financement et cinq systèmes d'informations ! Un mandat de gestion unique pour tous les laboratoires : c'est la proposition phare du rapport que François d'Aubert m'a remis aujourd'hui et c'est notre objectif pour les trois années à venir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La deuxième obligation, c'est de mieux évaluer pour mieux dépenser. Une agence d'évaluation indépendante,…
…qui fera appel à des experts internationaux, viendra évaluer toutes nos universités et tous nos organismes de recherche afin que l'argent public aille là où il sera le plus utile. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cela ne vous intéresse pas, monsieur Gremetz ?
Troisième obligation : attirer les meilleurs. En effet, 30 % des chercheurs devant partir à la retraite d'ici à cinq ans, nous avons à relever un défi démographique. Nous avons déjà commencé en augmentant de 16 % les allocations de recherche des doctorants conformément aux engagements du Président de la République. Nous allons continuer en ce sens : c'est l'objet des rapports que me rendront au mois de juin la commission Schwartz et l'Académie des sciences.
Un engagement financier sans précédent,…
…une réorganisation profonde de l'université et de la recherche, une culture de l'excellence : voilà, ne vous en déplaise, ce que nous sommes en train de construire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, vous vous êtes engagé à évaluer la dépense publique.
Or, dans l'évaluation de la dépense, il convient de regarder le montant des retraits, non pas, contrairement à ce que veulent faire croire nos collègues socialistes, pour préparer le désengagement de l'État (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), mais en vue d'assurer un vrai service public de qualité : n'oublions pas que nous sommes tous des contribuables.
Or les fraudes fiscales et sociales portent non seulement atteinte à l'égalité entre les citoyens mais pèsent aussi lourdement sur notre économie : leur montant, évalué entre 30 et 40 milliards d'euros, est à comparer avec celui du déficit budgétaire de la nation – 50 milliards d'euros – et celui de la sécurité sociale – 10 milliards d'euros.
Je sais que vous aimez la dépense, monsieur Gremetz, mais nous sommes là pour gérer !
Monsieur le ministre, il est urgent de mettre fin à une telle situation en imaginant de nouveaux contrôles et en prévoyant de nouvelles sanctions. Certes, la loi de finances rectificative pour 2007 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 ont déjà permis de lancer des pistes : il convient toutefois d'aller plus loin. Les fraudes aux prélèvements obligatoires et aux prestations sociales, le travail dissimulé, la fraude à la TVA et tous les autres abus – chacun les connaît – sont à réprimer avec la dernière fermeté, sans oublier l'évasion des capitaux vers les paradis fiscaux, que de récents exemples ont mis en lumière. Tout cela est intolérable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Voilà de vraies questions, qui ne devraient soulever aucune polémique !
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour endiguer dans ce pays la fraude fiscale et sociale, qui a atteint aujourd'hui un niveau insupportable ? Je le répète, il s'agit d'une question d'égalité entre nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur Roy, en politique on peut se faire entendre autrement qu'en hurlant dans l'hémicycle !
Monsieur le député, la lutte contre la fraude est un impératif national. Nous ne pouvons pas engager un mouvement sans précédent de réformes en profondeur en vue d'assurer le développement et la justice dans le pays sans lutter parallèlement contre la fraude.
Nos systèmes sociaux et fiscaux s'appliquent à tous : c'est pourquoi il convient de pourchasser ceux qui souhaitent s'en exonérer.
Il devrait être possible d'obtenir un consensus sur ces bancs. Qui oserait prétendre en effet qu'un État républicain comme le nôtre ne doit pas se donner les moyens de lutter contre la fraude ? Frauder, c'est voler les Français. C'est pourquoi nous devons nous donner tous les moyens de réussir.
Concrètement, cela suppose, dans un premier temps, de connaître le périmètre exact de la fraude. Le Conseil des prélèvements obligatoires évalue entre 10 et 20 milliards d'euros la fraude aux prélèvements, à laquelle il convient d'ajouter la fraude aux prestations. Il faut affiner ces chiffres.
Nous devons en outre vérifier l'efficacité des décisions que nous avons prises à la fin de 2007, visant notamment à renforcer la lutte contre les carrousels de TVA, la fraude aux prestations sociales, la flagrance fiscale ou le travail illégal. Pour mieux lutter contre les fraudes, il importe de coordonner l'ensemble des acteurs, fiscaux et sociaux.
Enfin, ce matin, nous avons créé en conseil des ministres une Délégation nationale de lutte contre la fraude (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…
… composée d'une quinzaine de personnes issues du secteur social ou fiscal et qui aura pour objectif de mieux coordonner la lutte et d'inventer de nouveaux outils dans le cadre d'un croisement des fichiers. Lorsqu'on se rend dans une caisse d'allocations familiales, une caisse d'assurance maladie ou aux ASSEDIC, on peut observer que le simple rapprochement des fichiers permet d'interdire à nos concitoyens désireux de le faire de frauder l'État. Nous irons jusqu'au bout car c'est une question de morale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la ministre de la culture et de la communication, la contrainte, voire l'austérité budgétaire qui les frappent aujourd'hui, inquiètent tous les professionnels de la culture. Ainsi, en Rhône-Alpes, la baisse de 4 à 6 % qui touche les compagnies conduit les petites scènes et les petits festivals à retarder la publication de leurs programmes, tandis que les compagnies indépendantes se trouvent menacées de disparition. De plus, les actions culturelles en direction du monde rural et des quartiers de nos villes voient leur budget réduit de 35 % à 56 %, alors qu'elles sont un élément fédérateur essentiel dans la création de lien social.
Vos comprendrez dès lors aisément, madame la ministre, la crainte des professionnels concernés de voir leurs prochains budgets se transformer en plan de rigueur et l'État se défausser sur les collectivités locales et territoriales qui assument déjà largement leurs responsabilités culturelles.
Enlever des moyens financiers au ministère de la culture ne modifiera guère le déficit de la France. En revanche, une telle politique aura de graves conséquences sur l'aménagement du territoire. C'est à juste titre que les professionnels craignent que la démocratisation de la culture, première priorité de votre lettre de mission, ne devienne la première victime de vos choix budgétaires.
Madame la ministre, quels engagements financiers pouvez-vous prendre auprès des professionnels qui nous écoutent pour garantir la pérennité des différentes structures, de la diversité artistique, des emplois, des actions de démocratisation de la culture et des spectacles auxquels nos concitoyens sont très attachés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Madame la députée, je crois que nous ne parlons pas du même pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) En effet, l'offre culturelle demeure en France extrêmement forte. Rappellerai-je que le budget du spectacle vivant s'élève à 640 millions d'euros et que les crédits ont augmenté de plus de 40 % au cours des dix dernières années ? (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Ils ont de plus bénéficié d'un dégel qui a permis de conforter, notamment en Rhône-Alpes, le budget affecté à l'immense majorité des compagnies. Toute l'Europe envie notre système. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
En ce qui concerne le programme « transmission », l'accent a été mis sur l'éducation artistique, qui demeure une priorité. Du reste, une circulaire sur le sujet, signée par Xavier Darcos et par moi-même, arrivera bientôt dans toutes les DRAC et chez tous les recteurs.
Loin de chercher à nous désengager, nous menons au contraire une réflexion d'ensemble, bien légitime cinquante ans après la création du ministère de la culture, en vue de redéfinir le sens de l'action de l'État et celui de nos partenariats avec les collectivités locales et de redessiner l'offre culturelle.
Loin d'être absurde, cette réflexion, parfaitement justifiée, vise également à soutenir les PME culturelles, le livre, le cinéma, dont les crédits ont augmenté de 4,5 %, et les industries musicales. Vous pouvez être certaine que la volonté politique du Gouvernement en la matière ne fera pas défaut. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, je souhaite appeler l'attention du ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur les graves dysfonctionnements qui affectent, quotidiennement ou presque, la ligne B du RER.
En dépit de la fin des mouvements sociaux de l'automne dernier, qui avaient amplifié et rendu inadmissibles les dysfonctionnements affectant la ligne B du RER, leur persistance continue met cruellement en lumière un gâchis considérable à tous égards.
En effet, le fonctionnement actuellement chaotique de cette ligne paralyse un axe crucial de l'Île-de-France, puisque, véritable épine dorsale Nord-Sud, il assure notamment la desserte des aéroports internationaux d'Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Chacun sait qu'une des causes majeures de ces dysfonctionnements réside dans la dualité de gestion de la ligne, partagée entre la RATP et la SNCF.
Afin de remédier à cette situation insupportable pour les usagers et après avoir constaté que les désordres étaient essentiellement localisés sur la fraction SNCF de la ligne, je souhaite savoir si le Gouvernement, dans un souci de gestion optimale conforme à l'intérêt de millions de Franciliens, envisage de confier prochainement à la RATP la gestion de la totalité de la ligne B du RER.
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur Albarello, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Borloo, retenu au Sénat par le texte important que vous savez.
La ligne B du RER est un sujet sur lequel M. Karoutchi s'est souvent, et fort justement, exprimé. Je rappellerai qu'elle est divisée en deux tronçons : un tronçon sud – l'ancienne ligne de Sceaux – exploité par la RATP et, après l'interconnexion Châtelet-Gare du Nord, un tronçon Nord exploité par la SNCF.
Le tronçon sud, qui est entièrement dédié au transport urbain et francilien, ne pose, comme vous l'avez rappelé, aucun problème particulier : la ligne est correctement exploitée.
La situation est en revanche incongrue, voire absurde, à l'endroit où la RATP et la SNCF se rejoignent, à l'interconnexion de la gare du Nord. En effet, règlements et habitudes amènent le conducteur de la RATP venant de Sceaux ou d'Antony à descendre pour être remplacé par un conducteur de la SNCF, ce qui génère perte de temps et d'efficacité pour les passagers. Il sera mis fin à cette incongruité dans les mois qui viennent.
Quant au reste de la partie nord gérée par la SNCF, des aménagements sont en cours pour augmenter la fréquence des RER. En outre, l'aéroport de Roissy, principal créateur d'emplois en Île-de-France, ne dispose pas d'une desserte appropriée. Le projet de ligne CDG-express, destiné à assurer le transport vers Roissy des passagers et des personnels, permettra de libérer et de moderniser la partie SNCF de la ligne B et donc de garantir la qualité d'exploitation souhaitée à juste titre par tous les Franciliens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ligne B du RER
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Génisson.)
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 7 à l'article 2.
La parole est à M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour soutenir l'amendement n° 7 .
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 7 .
Avis favorable.
Notre amendement pourrait être assimilé à un amendement de précision, puisque son objet est simplement de prendre acte de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la résiliation du contrat de travail au cours de la période d'essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié est réputée abusive.
Il s'agit en effet d'une jurisprudence de bon sens, qui vise précisément à éviter que l'employeur se sépare d'un collaborateur en période d'essai pour des motifs sans rapport avec l'objet de cette période, qui est, comme nous l'avons rappelé, l'évaluation des compétences du salarié.
Si nous estimons que la période d'essai n'est pas une période de validation économique, et si elle n'est pas un énième contrat précaire, contrairement à ce que les pratiques abusives de renouvellement des périodes d'essai tendent parfois à accréditer, alors il paraît raisonnable que nous puissions convenir ensemble de la nécessité de donner force de loi à la jurisprudence précitée de la Chambre sociale de la Cour de cassation.
C'est pourquoi nous proposons, après l'alinéa 17 de l'article 2, d'insérer l'alinéa suivant : « Art. L. 1221-22-1. – La résiliation du contrat de travail intervenue au cours de la période d'essai ne peut intervenir pour un motif non inhérent à la personne du salarié. »
Cet amendement a été repoussé par la commission. Nous avons déjà débattu de cette question hier soir, à l'occasion d'un amendement similaire.
Même avis.
Je suis saisie d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Favorable.
Je suis saisie d'un amendement n° 49 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
L'alinéa 18 de l'article 2 prévoit qu'en cas d'embauche à l'issue d'un stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études, la durée de stage est déduite de la période d'essai. Il précise toutefois que cette déduction ne peut avoir pour effet « de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables ». Mon amendement propose de supprimer cette précision. La période de stage doit être déduite, dans tous les cas, de la période d'essai.
En effet, les stages intégrés à un cursus pédagogique sont assez longs. Par conséquent, si l'employeur embauche le stagiaire, c'est qu'il pense que l'expérience a été très concluante, et que cette personne fera l'affaire. Dès lors, proposer à nouveau une période d'essai ne se justifie pas.
En outre, ces stages ne relèvent pas de la formation professionnelle mais d'un autre statut. Ils concernent souvent des cadres. Il est assez paradoxal de demander à des personnes qui viennent d'effectuer un stage assez long de subir une période d'essai de trois mois.
Avis défavorable. Je comprends les motifs des auteurs de cet amendement, mais l'accord national interprofessionnel n'a pas souhaité cette disposition. Ce n'est pas pour rien qu'il a prévu que la durée du stage serait déduite de la période d'essai en précisant que cette déduction ne pourrait avoir pour effet de réduire celle-ci de plus de la moitié.
Même avis.
Je suis saisie d'un amendement n° 80 .
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.
Cet amendement va un peu dans le même sens que celui que Mme Billard vient de défendre.
Un certain nombre de cursus universitaires se concluent aujourd'hui par des stages de longue durée. Ainsi, les étudiants en master professionnel des différents instituts d'études politiques effectuent des stages dont la durée peut aller de six à douze mois. Les étudiants des écoles de commerce ou de journalisme passent eux aussi plusieurs mois en milieu professionnel.
Ces temps d'immersion professionnelle résultent, pour l'étudiant, d'un parcours d'orientation individualisé sanctionnant souvent quatre ou cinq années d'enseignement théorique.
L'objectif de ces stages de longue durée, nous le connaissons : confronter l'étudiant au monde professionnel, qu'il connaît peu, voire pas du tout ; confronter ses propres connaissances aux savoir-faire nécessaires et indispensables dans le monde du travail.
Au-delà, les stages sont aussi, tout simplement, le moyen pour les jeunes d'apprendre un métier, de les confronter à leurs convictions, et de les conforter ou non dans les choix qu'ils ont faits pour leur avenir.
Pour l'employeur, le stage est le moyen de former ou de tester un salarié potentiel pendant la durée, non négligeable, de six mois ou plus.
Les étudiants se voient souvent proposer l'opportunité d'occuper, lors de ces stages, des postes à responsabilité, et ce à temps complet.
Gages de savoir-faire et d'expertise, ces stages débouchent, pour un certain nombre d'entre eux, sur un emploi dans la structure d'accueil. Chacun y est alors gagnant : l'employeur connaît personnellement et professionnellement la personne qu'il embauche ; l'étudiant se voit proposer un poste dès l'issue de ses études, un poste dans lequel, qui plus est, il a déjà fait ses preuves.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je considère que dans le cas d'un stage de longue durée – c'est-à-dire, j'insiste sur ce point, de plus de six mois –, il convient de déduire la durée du stage de la durée de la période d'essai, et ce de façon générale. Dans ce cas, maintenir une période d'essai est en effet absurde, et signifie qu'on ne tient pas compte de la période faite précédemment.
J'ajoute que, au cours de la précédente législature, notre majorité peut s'enorgueillir d'avoir enfin mis en place un système d'indemnisation des stagiaires, qui n'existait pas auparavant. Nous nous honorerions en allant un peu plus loin.
Même avis, bien sûr, que pour l'amendement précédent. Je comprends la générosité, d'une certaine manière, de ces amendements proposant de déduire intégralement la durée des stages de la période d'essai.
Mais je ne peux que vous redire que l'accord national interprofessionnel a statué de manière très précise sur ce sujet. Il a voulu ainsi dire ce qu'il souhaitait et ce qu'il écartait.
En l'occurrence, la prise en compte intégrale de la durée d'un stage n'est pas prévue.
Cela dit, aussi bien Mme Billard que M. Mariani pensent que le mouvement de réglementation des stages – qui est assez récent, puisqu'il date de deux ans à peine – ira dans le sens qu'ils souhaitent. Aujourd'hui, les partenaires sociaux font un premier pas, qui est tout de même déjà considérable par rapport à ce qui existe aujourd'hui, c'est-à-dire rien.
Je pense qu'il faut, pour l'heure, s'en tenir aux dispositions de l'accord national interprofessionnel. Nous verrons, dans les années qui viennent, quelles sont les évolutions possibles.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement, qui fait preuve de réalisme ?
Je comprends tout à fait l'argumentation de M. Mariani. La seule chose, c'est que, encore une fois, un accord a été signé : la disposition proposée par cet amendement va au-delà, et donc modifie l'équilibre à proprement parler.
Comme nous avons eu l'occasion de le dire hier soir en abordant la question des stages, la loi de 2006 sur l'égalité des chances, portée à l'époque par Valérie Pecresse, comporte des dispositions concernant les stagiaires. Par ailleurs, nous avons pris un décret permettant leur rémunération. Je sais qu'un certain nombre de parlementaires, et notamment M. Lefebvre, ici présent, sont très attentifs à cette question de la rémunération des stagiaires, mais nous sommes aujourd'hui contraints par la loi.
Dans ces conditions, le sujet ne peut être traité que dans un autre texte que celui-ci. Voilà pourquoi je suis désolé de devoir donner le même avis défavorable que celui que vient d'émettre à l'instant M. le rapporteur.
Sans reprendre tout le débat que nous avons eu cette nuit sur les stages des étudiants des IRTS et sur la gratification, je souhaite réagir aux propos de M. le ministre. Vous ai-je bien compris, monsieur le ministre ? Est-ce que vous vous engagez à ouvrir une nouvelle discussion, peut-être législative, sur cette question des stages ?
Je n'ai rien dit de plus à l'instant, monsieur Gille, que ce que j'ai dit cette nuit. Rien.
Je suis saisie d'un amendement n° 154 .
La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.
Cet amendement procède d'un souci de sécurité juridique. L'alinéa 23 de l'article 2 dispose que « la période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance ». L'application de cette disposition risque d'être un peu compliquée. En effet, selon la jurisprudence actuelle, la durée du préavis est fixe, et le point de départ du délai de prévenance doit être inclus dans cette durée. Un certain nombre de décisions de justice, notamment de la Chambre sociale de la Cour de cassation, vont dans ce sens.
Compte tenu de la disposition prévue par ce projet de loi, la question va se poser de savoir quelle a été l'intention réelle du législateur, à savoir s'il a souhaité que le préavis de rupture de la période d'essai s'accomplisse à l'intérieur de cette période.
L'accord national interprofessionnel est extrêmement clair sur ce sujet, en prévoyant que la période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.
L'amendement de M. Tian est intéressant. Il pose en effet la question de savoir ce qui va se passer si le délai de prévenance intervient un peu trop tard, ou un peu trop près du terme de la période d'essai. Notre collègue propose une réponse radicale, qui sécuriserait, effectivement, le système, mais qui est expressément contredite par le contenu de l'accord national interprofessionnel.
Peut-être le ministre pourra-t-il éclairer la jurisprudence future sur ce point. Si le juge était saisi, il accorderait probablement au salarié concerné des dommages et intérêts à concurrence du nombre de jours de la période d'essai qu'il n'aurait pu effectuer. En tout état de cause, la commission a repoussé l'amendement.
La mission est délicate…
Impossible n'est pas français, vous le savez bien, monsieur Tian. (Sourires.)
L'actuelle rédaction de l'article L. 1221-24 répond à votre souhait, de même que la jurisprudence qui précise, de façon claire et constante, que c'est l'envoi, et non la réception, de la notification qui fixe la date de l'expression de la volonté de rupture. Le Gouvernement émet donc, comme le rapporteur, un avis défavorable.
Je suis saisie d'un amendement n° 155 rectifié .
La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.
Une autre possibilité consisterait à prévoir un délai de prévenance de quarante-huit heures au cours du premier mois de présence, et d'une semaine par mois de présence au-delà d'un mois de présence, ce qui ne laisserait plus de place à l'interprétation. Tel est l'objet de l'amendement n° 155 rectifié .
La commission a repoussé l'amendement. L'ANI ne laisse aucun doute en fixant à quarante-huit heures le délai de prévenance, quelle que soit la durée de la période d'essai.
Même avis. Cette précision figure au c) de l'article 4 de l'ANI.
Je mets aux voix l'amendement n° 155 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Cet amendement tend à supprimer l'alinéa 25 de l'article 2, qui prévoit que tout accord conclu avant la date de publication de la présente loi et fixant des durées d'essai plus courtes devra être renégocié au plus tard le 30 juin 2009. Or cette précision n'est pas dans l'accord.
Si l'ANI a prévu le maintien des accords fixant des durées plus longues que celles de la loi, il n'a, en revanche, rien précisé à propos des durées plus courtes. Et pour cause, puisque le texte fixe des maxima, soit deux mois pour les ouvriers et employés, trois mois pour les techniciens et quatre mois pour les cadres. Dès lors, il est normal que des accords puissent prévoir des durées inférieures. D'ailleurs, le rapporteur indique dans son rapport : « On peut observer qu'un tel principe de caducité, s'il a un sens dans le cadre de l'ANI qui fixe des plafonds mais aussi des planchers pour les durées de période d'essai des grandes catégories de salariés, a une portée moins évidente dans le projet de loi, dès lors que celui-ci n'a formellement repris que les durées plafond ».
Mais plus loin, il explique que, suite à la modification liée à la demande du Conseil d'État, « une majorité d'organisations signataires de l'ANI souhaitent une remise à plat des conventions de branche existantes ». Si les partenaires sociaux souhaitent remettre à plat leurs accords de branche, c'est tout à fait leur droit, mais c'est à eux d'ouvrir la renégociation. Alors que jusqu'ici nous n'avons pas eu le droit de toucher à la moindre virgule du sacro-saint accord, il est très surprenant qu'on nous demande tout à coup d'ajouter cet alinéa 25 qui, à aucun moment, n'a été prévu. Cela laisse penser que l'objectif est bien de remonter la durée des périodes d'essai au maximum de chaque catégorie, et non plus de garder une fourchette comprise entre zéro et le maximum.
Plus surprenant encore, c'est une majorité d'organisations, et non plus l'ensemble des signataires de l'accord, qui serait favorable à une telle remise à plat. Majorité qui, du reste, n'est pas clairement identifiée. Si nous connaissons les organisations signataires de l'accord, tant patronales que salariales, avec cette formule, nous sommes dans le flou absolu. Il n'est pas correct de demander au Parlement d'entériner, sur de telles bases, une modification de l'accord. D'autant que, depuis le début, le Gouvernement et le rapporteur nous répètent qu'il faut nous en tenir à l'accord.
Monsieur le rapporteur, vous vous interrogiez hier sur les motifs d'inconstitutionnalité qui pouvaient fonder la motion d'irrecevabilité que j'ai défendue. Notre amendement devrait vous éclairer un peu plus : il ne fait aucun doute que l'article 2 pourrait être attaqué devant le Conseil constitutionnel pour rupture du principe d'égalité contractuelle. Cet article dispose en effet que la durée des périodes d'essai a un caractère impératif et s'impose aux stipulations des accords de branche plus favorables mais nullement à ceux qui prévoient des durées plus longues. Vous nous proposez de fait d'adopter un principe de défaveur pour les accords existants. Cette différence de traitement des conventions en fonction de leur contenu est inacceptable, sur la forme comme sur le fond.
Nous proposons que les accords de branche conclus avant la publication de la présente loi et prévoyant une durée d'essai inférieure à la loi ne soient pas remis en cause.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 135 .
Ne voyez pas plus de collusion maintenant qu'il n'y en avait pendant la question au Gouvernement de Mme Brunel dans le fait que je soutienne le même amendement que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Sourires.)
Il est établi depuis le début de la discussion qu'il ne faut pas toucher à l'ANI au motif qu'il est issu du dialogue social. Dès lors, je ne vois pas pourquoi l'alinéa 25, qui n'y figure pas, devrait être inclus dans la loi.
J'aurais pu comprendre que cet alinéa indique un délai pour revoir les périodes d'essai supérieures à celles qui sont prévues dans la loi, de façon que les partenaires sociaux aient le temps de renégocier leurs accords de branche. Or ce sont les durées plus courtes qui sont visées, celles qui sont les plus favorables aux salariées et que retient la jurisprudence de la Cour de cassation. Il paraît donc curieux que la loi fasse obligation de renégocier les durées d'essai plus courtes pour les mettre en conformité avec ses dispositions. J'aimerais comprendre pourquoi le Gouvernement tient à cet alinéa qui n'a, à mon sens, ni fondement juridique ni fondement moral.
La commission a rejeté ces trois amendements. Il est vrai que nous répétons depuis hier qu'il faut rejeter tout ce qui n'est pas prévu dans l'ANI et que les dispositions de l'alinéa 25 n'y sont pas expressément prévues. (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mais l'ANI indique de façon très précise ce qu'il entend maintenir, et cela n'inclut pas les dispositions des accords de branche antérieurs fixant des durées d'essai plus courtes. L'accord dispose explicitement qu'il souhaite le maintien des conventions de branche antérieures prévoyant des périodes d'essai plus longues que les nouveaux maxima, ainsi que la fixation de périodes plus courtes dans les contrats de travail. Il ne parle que de cela. Pour nous, cela signifie a contrario que l'ANI ne souhaite pas que les périodes d'essai plus courtes fixées par accords de branche soient maintenues. C'est la raison pour laquelle ces amendements nous semblent devoir être rejetés.
Je crois pouvoir dire, mais je n'en ai pas discuté avec les partenaires sociaux,…
…que les signataires de l'accord sont plutôt d'accord avec cette formulation de l'alinéa 25. Je laisse à M. le ministre le soin de le préciser.
Pour la signature de l'ANI, comme pour la rédaction de ce texte, il a fallu trouver un équilibre. Nous n'avons pas travaillé tout seuls dans notre coin, mais avec l'ensemble des signataires. L'alinéa 25 permet de prolonger jusqu'au 30 juin 2009 les accords de branche prévoyant des périodes d'essai plus courtes que celles retenues par l'accord du 11 janvier. Ce délai devrait permettre aux partenaires sociaux, au niveau de la branche, de négocier de nouveaux accords prévoyant, le cas échéant, des durées plus courtes. Voilà la mécanique qui a été retenue. Supprimer cet alinéa reviendrait par ailleurs à rendre immédiatement caduques les dispositions contenues dans les accords de branche conclus avant la publication de la loi.
La rédaction du projet de loi, fondée sur les discussions avec les partenaires sociaux, prend en compte le sort des accords de branche existants dans le respect du principe constitutionnel de liberté contractuelle. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Nous n'avons pas été convaincus par l'argumentation développée par le rapporteur et le ministre, loin s'en faut ! C'était un véritable travail de dentelle. Comme l'ANI a prévu que les périodes plus courtes figurant dans les contrats de travail individuels devaient subsister nonobstant la nouvelle disposition législative, et que les durées plus longues fixées dans les accords de branche devaient être respectées, mais qu'il n'a rien dit sur les périodes plus courtes prévues dans les conventions collectives, ils en tirent la conclusion qu'il est possible de les remettre en cause. C'est proprement incompréhensible !
Il y a là un problème d'interprétation de l'accord et vous savez très bien que cette disposition est celle qui pose aux signataires de l'accord le plus de difficultés à cet égard. En outre, elle n'a aucun sens.
Jusqu'à présent – faut-il le rappeler ? – il n'y avait rien dans la loi. Le principe de la période d'essai était renvoyé à la négociation collective. La loi ne remet en cause la capacité de négociation, car, tant sur les bancs de l'opposition que sur ceux de la majorité, c'est elle que nous privilégions. La loi met en place un système de droit commun. Les partenaires sociaux sont libres ensuite, s'ils le souhaitent, de négocier pour trouver une autre solution. Or ils ont déjà négocié, affirmé leur conception. Elle est, de leur point de vue, inférieure dans la branche professionnelle à ce que sera le socle du droit commun.
Comment, aujourd'hui, le législateur pourrait-il leur dire qu'ils sont allés trop loin dans la négociation, qu'il ne s'agit ni d'un droit des employeurs ni d'un droit des salariés, mais de ce qu'ils ont convenu ensemble dans une branche professionnelle ? Peut-on aujourd'hui leur expliquer qu'on a décidé d'ignorer l'accord interprofessionnel, qui scelle pourtant la rencontre de leurs volontés ? Cette démarche n'est pas cohérente et les explications juridiques par lesquelles M. le rapporteur a tenté de trouver, dans le silence du texte, la justification a contrario des raisons de l'ajout de l'alinéa 25 ne sont guère convaincantes.
Il me semble que, sur ce point, l'Assemblée ferait preuve de sagesse en respectant la liberté de négociation, même si celle-ci est antérieure à la loi. C'est, je crois, le message que les partenaires attendent de nous.
Nous soutiendrons donc ces amendements.
Monsieur le ministre, c'est fantastique : vous semblez penser que les partenaires sociaux sont forcément hostiles à une disposition non prévue par l'accord et qu'il convient donc de transposer l'ANI tel quel.
Vous aviez la possibilité de ne pas transposer cet accord national interprofessionnel dans le code du travail. Mais vous avez fait ce choix.
Il existe – semble-t-il – un principe de faveur dans notre pays.
À partir du moment où la période d'essai est codifiée, la loi est supérieure à la partie de l'accord qui concerne les mêmes domaines.
C'est effectivement la hiérarchie des normes.
Par des lois précédentes, vous avez modifié certains aspects de cette hiérarchie. Mais, pour le moment, la loi est toujours supérieure aux accords, y compris à un accord national interprofessionnel. Si des articles de l'accord ne sont pas transposés dans la loi, ils s'appliquent. Mais, à partir du moment où l'accord est transposé dans la loi, vous ne pouvez pas prétendre qu'il en ira de même, car c'est la loi qui s'appliquera.
Je suis inquiète, car vous ne m'avez pas répondu sur ce point. Au départ, lorsqu'il s'agissait de durée plancher et de durée plafond, on aurait pu accepter votre interprétation. En cas de désaccord, vous pouviez nous répondre que les partenaires avaient fait ce choix. Mais nous ne sommes plus dans cette situation. Lorsque notre rapporteur écrit qu'une majorité de signataires ont accepté cette formulation, c'est bien que certains d'entre eux n'étaient pas d'accord et nous ne saurons pas de qui il s'agissait. Il y a donc un problème.
J'appelle tous nos collègues, y compris ceux de l'UMP, à se prononcer en leur âme et conscience sur cet amendement, de façon que l'on parvienne à une situation claire. (« Très bien ! sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je m'adresse à mes collègues de l'UMP. Je ne comprends pas pourquoi l'alinéa 25 a été ajouté dans le projet de loi.
Je sais que vous êtes d'accord avec le PS. (Sourires.)
Les partenaires sociaux sont libres de modifier les accords de branche, s'ils le désirent. Pourquoi avoir mis cela dans le projet de loi et les obliger à négocier ? Personnellement – et, là, je ne parle pas au nom du groupe Nouveau Centre –, je pense que l'on dénature l'ANI.
J'ai rencontré un certain nombre de partenaires sociaux – parmi ceux qui ont signé – qui étaient assez choqués de l'ajout de cet alinéa. Vous pensez bien que je ne serais pas intervenu s'ils avaient considéré que cela n'était pas important. Rien n'empêche qu'un accord de branche soit négocié par le biais contractuel. Un accord national interprofessionnel a été signé, il a été décidé de ne pas le changer – si ce n'est à la marge pour apporter des précisions. Ce serait une erreur politique de conserver l'alinéa 25 de l'article 2. Je dis cela par conviction, et pas pour ennuyer le Gouvernement.
Il est évident que ce texte est plein d'incertitudes juridiques. Quand on laisse les centrales syndicales écrire un texte de loi et comme, par définition, ce n'est pas tout à fait leur métier, voilà ce qui arrive ! Il est préférable que le législateur s'en occupe. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. le ministre, qui a de très bonnes relations avec les organisations syndicales et ne semble pas d'accord.
Vous ne savez pas, madame la présidente, avec qui je ne vais pas être d'accord. (Sourires.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Avec Fillon !
Des accords de branche existent. L'accord national interprofessionnel avait-il vocation à les percuter et à les faire disparaître ? La réponse est claire. Vous savez quel prix on attache aujourd'hui, en France, aux accords de branche. C'est pourquoi il a fallu trouver une solution pour permettre de préciser, notamment, ce qu'il adviendrait des périodes conventionnelles plus courtes.
Je dénie à beaucoup de monde la possibilité de se faire le porte-parole des organisations signataires. Si vous demandez à toutes les organisations signataires si cette rédaction leur convient, la réponse sera clairement : oui.
Il est vrai que, au début, ce n'était pas facile. Ce n'était pas le sujet le plus simple à transposer. La transposition a été réalisée par les services du ministère, en liaison avec les signataires.
Il est vrai que nous innovons.
Nous mettons en place une formule nouvelle, puisque nous sommes dans le cadre de la loi du 31 janvier, votée par les parlementaires, dont certains n'ont pas été élus pour la première fois en juin 2007. Les parlementaires ont choisi de mettre en place cette nouvelle méthode de travail. En effet, sur un point comme celui-ci, nous avions le souci de ménager les accords de branche existants.
Le Gouvernement est, comme le rapporteur, défavorable à ces amendements.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine vote contre !
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 3 vise à faciliter l'accès à certains droits subordonnés à une condition d'ancienneté. Il abaisse à une année, au lieu de trois auparavant, la durée d'ancienneté nécessaire pour bénéficier de l'indemnisation conventionnelle de maladie ou d'accident.
Une fois n'est pas coutume, monsieur le ministre, nous ne contesterons pas cette disposition. Elle est d'autant plus opportune que nous sommes dans un contexte où, compte tenu de l'instauration des franchises médicales, qui s'appliquent même aux victimes d'accidents du travail, l'assurance maladie coûte très cher aux salariés. Au moins, avec cette disposition, percevront-ils un petit complément, par le biais de l'indemnisation conventionnelle.
Vous auriez pu poursuivre dans cette voie en mettant en place d'autres dispositions favorables, qui auraient modifié le texte de loi que vous nous proposez.
Mais vous avez laissé quelques thématiques de côté. Ainsi, vous avez délaissé l'orientation professionnelle, l'entrée des jeunes dans la vie professionnelle, l'accès au droit, le développement des compétences et des qualifications des salariés, la mobilité professionnelle et géographique et la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences. Ce sont autant d'éléments intéressants qui ont complètement disparu ou qui, en tout cas, ne figurent pas dans le projet de loi.
Nombre des éléments absents de votre projet de loi figuraient pourtant dans une proposition de loi qui visait à lutter contre la précarité de l'emploi que j'avais eu l'honneur de défendre en novembre 2003. Le ministre du travail de l'époque, M. Fillon, avait répondu que la proposition du groupe communiste était à l'évidence tout à fait cohérente, mais qu'il ne partageait pas cette cohérence. Ses valeurs ne rejoignaient pas les nôtres. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que vos valeurs ne rejoignent toujours pas les nôtres. Les ministres se suivent, qu'ils s'appellent M. Fillon ou M. Bertrand, mais ils se ressemblent toujours. Ils se ressemblent beaucoup. La même logique est à l'oeuvre.
Les communistes peuvent enfin évoluer !
Monsieur le ministre, j'appelle cela du psittacisme. Vous répétez en permanence la même chose. C'est une maladie gouvernementale de droite en particulier, qui consiste à faire en sorte que nous entendions en permanence les mêmes réponses.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. L'opposition aussi se répète en permanence !
Lorsque M. le rapporteur nous répond, il répète de façon régulière, presque obsessionnelle, que ce qui ne figure pas dans l'accord ne peut pas figurer dans le texte de loi, mais tout ce qui figure dans l'accord ne peut pas non plus systématiquement figurer dans le texte de loi. Où est la logique ?
Nous ne voterons pas le projet de loi, mais nous voterons l'article 3, qui est presque le seul à contenir des dispositions allant dans le bon sens.
Je suis saisie d'un amendement n° 52 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
L'article 3, comme vient de le dire mon collègue Daniel Paul, représente, du point de vue de la codification, une petite avancée pour ce qui concerne les branches où l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités de l'assurance maladie était de trois ans.
Cet amendement vise à transposer l'alinéa 2 de l'article 5, « L'accès aux droits », de l'accord national interprofessionnel : « toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise dans le cadre d'un contrat de travail sont prises en compte pour l'appréciation de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités conventionnelles de maladie prévues par les accords de mensualisation ».
Si les partenaires sociaux ont pris le soin de préciser « toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise », c'est que la nuance a son importance. Cela peut, en effet, désigner un CDD, un CDI, plusieurs CDD ou toute autre forme de contrat de travail. Or la rédaction du projet de loi est moins précise. C'est la raison pour laquelle mon amendement propose de compléter l'article 3, afin de reprendre la formulation de l'accord de manière à préciser qu'il s'agit bien de « toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise dans le cadre d'un contrat de travail ».
Je vais répondre à M. Paul qui s'est exprimé sur l'article et à Mme Billard, sur l'amendement n° 52 et sur le suivant, le n° 53, qui a le même objet.
M. Paul dit vouloir voter l'article 3, mais il fait remarquer que le projet de loi ne reprend pas l'ensemble des dispositions de l'accord national interprofessionnel. Autrement dit, il nous reproche de faire le tri entre ce qui nous arrange et ce qui nous dérange.
Monsieur Paul, je ne doute pas un seul instant que vous ayez lu l'accord. Il ne vous aura donc pas échappé que, dans les dispositions finales, les partenaires sociaux, eux-mêmes, ne demandent pas de tout transcrire dans la loi.
Ils ont bien compris que tout ne relevait pas du domaine de la loi et ils renvoient à une nouvelle négociation interprofessionnelle sur une bonne dizaine de points et d'alinéas.
Faites confiance aux partenaires sociaux, monsieur Paul !
Aux salariés !
Les partenaires sociaux renvoient ensuite aux branches professionnelles, ainsi qu'au législateur.
Il y a deux cas de figure : d'une part, la loi, c'est ce que nous sommes en train de faire, et de l'autre les décrets – à cet égard, le ministre a été remarquablement clair, comme d'habitude !...
Nullement ! (Sourires.)
En effet, c'est normal ! (Sourires).
Quatre décrets sont prévus, et, surtout, l'arrêté d'extension, qui donnera force obligatoire aux dispositions que vous préconisez dans votre amendement, madame Billard.
La commission a donc rejeté cet amendement.
Il n'y a rien à ajouter, madame la présidente, à une telle démonstration !
Même avis que la commission.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 4.
La parole est à M. Dominique Tian, premier orateur inscrit.
Le texte précise que le solde de tout compte est établi par l'employeur et que le salarié lui donne reçu. Mais, cela, c'est quand tout se passe bien. Le salarié peut aussi ne pas lui donner reçu. Que se passe-t-il dans ce cas ?
Les syndicats ont prévu que le reçu pour solde de tout compte aurait un effet libératoire, ce qui n'est pas le cas actuellement, la jurisprudence considérant qu'il n'est que la reconnaissance, par le salarié, des sommes effectivement perçues à ce titre, mais aucunement de son accord sur le principe et le détail de ces sommes.
L'intérêt d'un salarié bien conseillé serait de ne pas signer ce reçu et il n'y aurait pas d'effet libératoire. Si l'on ne veut pas inutilement encombrer les tribunaux de prud'hommes, il faut mieux encadrer le texte.
L'article 4, comme l'article 1er, pourrait être l'arbre qui cache la forêt constituée par l'article 5.
Probablement, afin de rassurer quelques syndicats – et on sait quelle méthode a été utilisée –,…
…vous réaffirmez dans cet article que « tout licenciement pour motif personnel est motivé » et vous évoquez la « cause réelle et sérieuse ».
Cependant, premier bémol, le texte ne mentionne plus la « motivation », mais la « justification ». Or la justification d'un licenciement ne renvoie pas – vous le savez bien – à une notion du droit du travail. En outre, la dissociation entre la motivation et la justification laisse entendre que les motifs énoncés dans une lettre de licenciement pourraient être flous, et que le licenciement ne serait pas motivé par une « cause réelle et sérieuse ». On peut légitimement craindre que l'article 4 ne constitue une première brèche, appelant de futures remises en cause du droit de licenciement. Eu égard à la précipitation avec laquelle vous menez vos réformes, on peut craindre de nouvelles attaques, prochainement, contre le code du travail.
Pour ce qui concerne le solde de tout compte, l'article 4 prévoit de revenir au système d'avant 2002. Il opère même d'autres retours en arrière, car il ne pose pas les règles minimales de validité du solde. Or, suite à un important contentieux, la jurisprudence a imposé un certain nombre de règles. Il serait donc nécessaire de préciser dans la loi les formes et mentions obligatoires dans le solde de tout compte, ainsi que les conditions de validité de ce document. De la même façon, il serait opportun, pour une meilleure sécurisation des droits des salariés, de préciser la portée de ce reçu. Pourquoi, par exemple, ne pas inscrire dans la loi que le reçu ne doit être signé qu'une fois le contrat de travail effectivement terminé, autrement dit une fois que le salarié est sorti du lien de subordination ?
Pourquoi, aussi, ne pas préciser que le reçu doit indiquer les raisons pour lesquelles des sommes sont dues, par exemple le versement du treizième mois ou les congés payés ?
Pourquoi, enfin, ne pas dire clairement que le délai de contestation du solde de tout compte doit être précisé sur le reçu ?
Telles sont, monsieur le ministre, chers collègues, quelques pistes de réflexion que vous seriez bien inspirés de suivre afin d'enrichir un texte qui mérite, à tout le moins, de l'être !
Je suis saisie d'un amendement n° 104 .
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
Si vous le permettez, madame la présidente, je défends en même temps l'amendement n° 105 .
Comme l'a excellemment rappelé mon collègue Daniel Paul, l'article 4 pourrait bien être l'arbre qui cache la forêt, ou celui du passage à la moulinette de l'exigence d'une « cause réelle et sérieuse » du licenciement. Certes, l'attaque n'est pas frontale. Le fait que l'article 158 de la convention de l'OIT ait été déclaré d'application directe interdit l'abrogation pure et simple de la cause réelle et sérieuse. Cette convention impose, en effet, que tout licenciement soit assorti d'un motif valable, lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur, ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, termes qui ne sont pas sans évoquer les motifs personnels et économiques retenus en droit français.
Vous avez donc pris le problème par la bande. L'accord, comme le projet de loi, se révèle, à cet égard, d'une étonnante créativité.
L'accord a d'abord réduit le domaine de la cause réelle et sérieuse par un procédé très simple, l'allongement de la période d'essai qui augmente d'autant l'ancienneté nécessaire pour bénéficier de la protection de la clause de la « cause réelle et sérieuse ». Il autorise, ensuite, un nouveau cas de recours au contrat à durée déterminée, avec le contrat à objet défini ou contrat de mission, cher au patronat, comme chacun le sait. Il plafonne la sanction de l'absence de « cause réelle et sérieuse » et il permet de déguiser la plupart des licenciements sans « cause réelle et sérieuse » en ruptures conventionnelles.
Grâce à cet accord et à votre projet de loi, les employeurs peuvent se réjouir. Ils disposent désormais d'un nouvel arsenal juridique suffisamment élaboré pour contourner sans difficulté l'exigence de la cause réelle et sérieuse.
Cerise sur le gâteau, ce fameux article 4 propose de remplacer la notion de licenciement « motivé » par celle, plus vague et sans existence juridique, de licenciement « justifié ». À nos yeux, cette formulation menace directement la solution retenue par la jurisprudence, qui considère que l'insuffisance de motifs dans la lettre de licenciement équivaut à une absence de cause réelle et sérieuse. La notion de justification signifie-t-elle qu'un employeur pourrait se contenter de mentionner comme motif de licenciement une « faute », sans viser aucun grief précis ? Nous le craignons.
L'esprit de l'accord est d'autoriser l'employeur à se contenter de motivations vagues et imprécises. Il sera toujours temps de trouver un motif plus sérieux, plus tard, devant le juge avec l'assistance d'un avocat inventif.
Vous comprendrez, dès lors, que nous tenons particulièrement à faire obstacle à cette dangereuse dérive en vous proposant de revenir à l'emploi du terme « motivé ». Tel est l'objet de nos deux amendements nos 104 et 105 .
Je ne comprends pas votre conclusion, monsieur Muzeau. Si j'ai bien compris, vous voulez revenir au terme « motivé », mais je vous rappelle que le terme employé dans le code du travail est « justifié ». Je vous renvoie à l'article L. 1232-1 : « Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ».
Le code du travail emploie bien le terme « justifié ». Si vous souhaitez y voir figurer le terme « motivé », il faudrait modifier le code du travail. On ne peut donc pas vous suivre sur ce point.
Par ailleurs, il a semblé à la commission que les choses étaient plus claires et correspondaient mieux – comme vous l'avez dit, je vous en donne acte – mieux aux termes de l'accord national interprofessionnel, si nous arrivions à différencier ce qui relève de la forme et ce qui relève du fond. « Motivé » renvoie à la forme du licenciement et « justifié » au fond. Cette distinction est conforme à l'esprit de l'ANI.
La motivation est une exigence de forme.
L'employeur doit indiquer au salarié les raisons du licenciement. La justification est une exigence de fond. C'est la raison pour laquelle cela figure ainsi dans le code du travail. Le licenciement est bel et bien subordonné à l'existence d'une « cause réelle et sérieuse ». Cette distinction, bien connue des juristes, est une garantie pour les salariés.
Par ailleurs, il n'est pas question d'abandonner la cause réelle et sérieuse, bien au contraire. C'est même l'enjeu d'un certain nombre d'articles du projet de loi.
Avis défavorable.
Laissez-moi vous dire, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Vous jouez sur les mots et vous n'avez lu qu'une partie du code du travail
Dans le code du travail, c'est « justifié » !
Que signifie un licenciement « justifié » ? Est-ce une notion juridique ?
Justifié par qui ? En fonction de quoi ?
Les deux notions « justifié » et « motivé » figurent dans le code du travail. On ne peut pas, comme vous vouliez le faire avec le CPE, supprimer toute obligation pour l'employeur qui veut licencier. L'employeur n'est plus obligé ni de justifier ni de motiver le licenciement. Il peut, sur un coup de tête, décider de licencier, au motif, par exemple, que l'employé ne l'a pas salué. Il s'agit donc d'un sérieux recul, car le code du travail prévoit les deux expressions. Vous vous êtes contenté de lire ce qui vous arrange, monsieur le rapporteur.
Vous êtes peut-être motivé, monsieur Gremetz, mais ce n'est pas justifié ! (Sourires.)
Vous avez tout à fait le droit de vous exprimer, monsieur Gremetz, mais évitez les dialogues entre vous !
Moi, j'ai écouté avec patience mes collègues, le rapporteur et le ministre ; ils doivent faire de même à mon égard.
Merci, madame la présidente.
Aussi, calmez-vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et écoutez-moi jusqu'au bout ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous mets au défi de sortir le code du travail : vous y trouveriez bien les deux termes.
En plus, qui décide que le licenciement est justifié ? Un employeur pourra toujours dire qu'un licenciement est justifié. Il ne va tout de même pas dire le contraire ! Tout cela, c'est une question de bon sens. Mes chers collègues, je crois que, tout à l'heure, vous avez montré que vous commenciez à prendre conscience des tours qu'on veut vous jouer. Alors ne vous laissez pas abuser.
Dans sa version actuelle, le texte va poser beaucoup de problèmes. Si vous voulez multiplier les procédures en contestation de licenciement – multiplication dont on se plaint par ailleurs –, ne touchez pas au texte, ne venez pas vous plaindre, demain, que les prud'hommes sont surchargés et qu'aucun problème ne peut être réglé ailleurs qu'au tribunal.
Une précision semble nécessaire, parce que la réponse du ministre et celle du rapporteur ne sont pas suffisantes. J'ai évoqué la jurisprudence, les arrêts de la Cour de cassation et la convention n° 158 de l'OIT. Les jugements contiennent bien les expressions « motivation non définie » et « absence de motivation ».
C'est ainsi que s'est construite la jurisprudence. Elle sera mise à mal demain si ce texte est voté en l'état. J'ai donné des arguments. Vous répondez comme vous le voulez, mais…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Heureusement !
J'ai bien compris, mes chers collègues, que vous n'avez strictement rien à faire de ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Personne ne vous retient, on va discuter avec le ministre et le rapporteur, et vous n'aurez qu'à revenir au moment du vote. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le ministre, je souhaite que vous répondiez à mon argumentation concernant le contournement qui vise à mettre à bas une partie de la jurisprudence.
Je suis saisi d'un amendement n° 126 .
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.
L'amendement vise à compléter l'alinéa 7 de cet article par les mots : « définie à l'article L. 1233-3 ». Je rappelle que, même si les articles L. 1233-2 et L. 1233-3 se suivent, la précaution consistant à préciser que la cause économique réelle et sérieuse est définie à l'article L. 1233-3 nous paraît nécessaire. En effet, cette précision permet de circonscrire clairement la notion de « cause réelle et sérieuse », qui a toujours fait l'objet de grands débats. Il y a eu aussi une jurisprudence en matière de licenciement économique. La cause économique réelle et sérieuse étant définie par la loi, il convient d'empêcher toute interprétation qui élargirait les motifs économiques licites de rupture du contrat de travail au-delà des hypothèses expressément prévues par le législateur.
Comme vous me semblez un peu hermétique à tout cela, je vais prendre l'exemple de Flodor – que vous connaissez, monsieur le ministre, puisque la société était située dans votre région.
L'entreprise a été volontairement mise en faillite par le groupe italien Unichips, et la direction a prétendu qu'elle ne pouvait pas reclasser les salariés, qu'elle n'en avait pas la possibilité. Elle a ajouté qu'il ne lui restait rien, qu'elle ne pourrait même pas verser la prime de licenciement puisque l'entreprise était en faillite. Le groupe Unichips a indiqué qu'il n'avait plus rien à voir avec elle – au point d'ailleurs d'en changer le nom : la société s'appelle maintenant Péronne Industrie, et non plus Flodor. Mais nous et les salariés, nous n'avons pas accepté ce stratagème, et nous avons entamé une procédure en mettant en question, parce qu'il y a un groupe, la cause réelle et sérieuse invoquée, à savoir l'impossibilité de reclasser les salariés. Et, pour la première fois dans l'histoire – ça, c'est une jurisprudence ! –, un tribunal, celui d'Amiens, a condamné le groupe Unichips. Il a dénoncé les manoeuvres consistant à modifier les statuts considérant que la direction du groupe était responsable de toutes ses filiales, y compris dans la Somme, et devait appliquer le droit français ; comme elle ne voulait pas le faire, elle a été condamnée à proposer des reclassements, et, en plus, à payer.
Ce jugement change toute la donne. En effet, pour déterminer la prime de licenciement, on ne prend plus en compte la petite société mise en faillite, avec ses petits résultats, mais l'ensemble des actifs du groupe. Au bout de deux ans et demi de procédure, les salariés, ont gagné, en fonction des années d'ancienneté, 65 000 euros chacun en moyenne !
Je prendrai un autre exemple, monsieur le ministre, si vous n'êtes pas encore convaincu : Abelia Decors, groupe allemand, cette fois – que vous connaissez aussi sans doute. Il n'est pas italien, mais l'histoire est la même : lutte des salariés, puis on liquide parce que cela arrange ; le groupe est vendu par petits morceaux ; il n'existe plus ! Mais au terme de la procédure, le tribunal dit : « Messieurs, vous n'existez plus, mais vous existiez au moment où vous avez décidé ces licenciements. Cela veut dire que vous allez réparer ce que vous avez fait. » Le tribunal d'Amiens vient de condamner ce groupe qui n'existe plus à payer un chèque de plus de 60 000 euros par salarié. C'est un moyen de dissuader ceux qui prétendent licencier pour des causes réelles et sérieuses, mais qui espèrent ne pas être touchés parce qu'ils sont un groupe étranger.
Mon objectif est atteint : il y a maintenant une nouvelle jurisprudence, et les groupes étrangers, sachant ce qu'ils vont devoir payer, y regarderont à deux fois. Je ne veux pas les faire partir, mais les dissuader de licencier et de fermer des groupes ou des entreprises en France.
Monsieur Dord, n'étant pas originaire de Picardie, vous ne connaissez pas ces deux jugements, mais M. le ministre, lui, les connaît. Vous seriez donc bien inspiré de lui conseiller d'en tenir compte. Tout le monde, toute la presse en a parlé. Acceptez cet amendement qui vise à empêcher des groupes de déroger à cette jurisprudence. Comme je sais que vous n'êtes pas les défenseurs des grands groupes – vous l'avez répété cet après-midi, et la porte-parole de l'UMP a dit qu'il fallait les faire payer un peu plus –, je crois que vous serez d'accord avec cet amendement, à moins que M. le ministre ne veuille beaucoup de mal à M. Fillon – mais je n'ose y penser.
Pardonnez-moi de ne pas être picard, monsieur Gremetz : je ne suis que savoyard. M. le ministre ne m'en veut pas non plus : c'est sympathique. (Sourires.)
L'amendement a été repoussé par la commission. L'argumentation que vous avez développée, monsieur Gremetz, n'a pratiquement aucun rapport avec votre amendement : c'est la vieille argumentation…
…sur laquelle nous avons déjà débattu ensemble à l'occasion de la suspension de la loi de modernisation sociale, puis quand nous étions tous deux à l'UDF, vous vous en souvenez (Sourires), et au moment de l'examen de la loi de cohésion sociale. Pour vous, il s'agit de redéfinir et de réécrire l'article L. 1233-3. C'est d'ailleurs là-dessus que vous avez argumenté, et absolument pas sur l'amendement que vous deviez soutenir. Pourquoi ne pas avoir ce débat à l'occasion d'une loi sur le licenciement économique ? Mais, ici, vous êtes complètement en dehors du champ.
C'est bien vu.
Même avis que la commission.
Monsieur Gremetz, je ne voterai pas votre amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L'alinéa 7 va en effet avoir une conséquence très importante pour les petites entreprises. Je me bats depuis sept ans – j'ai présenté plusieurs fois un amendement en ce sens, qui a toujours été rejeté – pour mettre fin à la double peine dont sont victimes les petites entreprises qui font un licenciement économique, mais se trompent dans la procédure. Aujourd'hui, le licenciement économique est automatiquement requalifié en licenciement abusif. Dès lors, non seulement l'entreprise est condamnée à payer pour l'erreur de procédure, mais, en plus, pour licenciement abusif.
L'alinéa 7 précisera une fois pour toutes qu'un licenciement économique est un motif réel et sérieux, et si l'entreprise se trompe dans la procédure, elle devra effectivement payer à ce titre, mais pas plus. La requalification en licenciement abusif a fait tomber un grand nombre de PME, qui ont dû payer de lourdes indemnités parce qu'un comptable s'était trompé dans une procédure qui, on le sait, est assez compliquée en matière de licenciement économique. Je pense donc qu'il faut laisser l'alinéa 7 tel qu'il est. Je suis très satisfait de la conséquence qu'il aura pour les petites entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Vercamer vient d'avouer ! Il vient de reconnaître que, si l'on complète l'alinéa 7 par la précision que je propose, chacun sera tenu de respecter la règle du motif sérieux pour un licenciement.
Monsieur Vercamer, vous ne voulez pas que les entreprises payent. Le Gouvernement n'ose pas le dire, mais vous, vous le dites tout haut.
Les salariés peuvent discuter, mais vous voulez qu'aucune procédure juridictionnelle ne soit engagée. Cela veut dire que l'on pourra licencier bien plus facilement, sans motif sérieux.
Pour ma part, je tiens beaucoup à cet amendement. C'est pourquoi je demande un scrutin public.
Nous allons voter sur cet amendement. Quand vous voulez un scrutin public, demandez-le en temps et en heure, ce sera beaucoup plus clair.
Je peux le demander quand je veux, pas forcément cinq minutes à l'avance, madame la présidente ! Le règlement ne le prévoit pas !
C'est en entendant les réponses du Gouvernement que l'on décide de demander ou non un scrutin public.
Vous n'avez pas la parole ! Qui préside ? Un peu de respect pour la présidente !
Vous n'avez pas la parole, monsieur Gremetz.
Je suis saisie d'un amendement n° 57 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
Je connais vos habitudes ! Il s'agit de ne pas gêner vos amis ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il n'est pas question de ne pas gêner mes amis, monsieur Gremetz ! Je vous demanderai de retirer vos propos qui sont une insulte à la présidence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je ne retirerai rien, car je m'en tiens au règlement. Consultons le règlement, s'il vous plaît.
Madame Martine Billard, vous avez la parole pour soutenir l'amendement n° 57 .
Cet amendement porte sur l'alinéa 10 de l'article 4, et concerne l'article L. 1234-9 du code du travail qui traite des indemnités de licenciement.
Actuellement, le code du travail distingue deux cas de figure : l'indemnité de licenciement pour motif personnel ou pour motif économique. Dans les deux cas, il faut compter deux ans d'ancienneté dans l'entreprise pour prétendre à l'indemnité de licenciement. L'accord et le texte transposé prévoient de réduire de deux à un an la durée minimale de présence dans l'entreprise pour avoir droit à cette indemnité. Il s'agit là d'une évolution positive.
Cependant, l'alinéa 10 modifie la phrase suivante du code du travail actuel : « le taux de cette indemnité est différent suivant que le motif du licenciement est économique ou personnel ». Qu'est-ce que cela signifie ? À l'heure actuelle, au bout de deux ans d'ancienneté, l'indemnité se situe à un cinquième de mois par année de présence. Ainsi, un salarié faisant valoir dix ans d'ancienneté perçoit deux mois de salaire comme indemnité en cas de licenciement. Certaines affaires médiatiques ont suscité beaucoup de fantasmes à propos des indemnités de licenciement. Les salariés n'imaginent pas toujours qu'elle sont bien encadrées, et ils pensent qu'ils vont toucher le pactole. Plus dur est l'atterrissage quand ils se rendent compte que dix ans d'ancienneté ne donnent droit qu'à 2 000 euros d'indemnités de licenciement lorsqu'on gagne le SMIC. Les autres indemnités dépendent des luttes que peuvent mener les salariés pour obtenir davantage, mais elles ne sont pas prévues dans le code du travail.
Cette petite phrase du code actuel, qui prévoit une possible différence de traitement selon que le licenciement est économique ou personnel, n'est pas sans conséquences sur le montant des indemnisations, notamment en cas de licenciement économique de salariés présents dans l'entreprise depuis plus de dix ans. Ces deniers bénéficient d'une majoration de la prime d'indemnité de licenciement. Exemple : un salarié avec trente ans d'ancienneté et gagnant 2 000 euros par mois peut prétendre à une indemnité de licenciement de 17 300 euros, en l'état actuel du code du travail. Avec la nouvelle formulation que vous proposez et qui consiste à supprimer cette différence, le salarié percevra une indemnité de 12 000 euros, soit 5 300 euros ou 30 % de moins qu'auparavant. En effet, tel que l'article est rédigé, l'indemnité supplémentaire – passé les dix ans d'ancienneté en cas de licenciement économique – disparaît du texte.
Mon amendement vise donc à éviter cette situation en adoptant la formulation suivante : « Le taux de cette indemnité est identique suivant que le motif du licenciement est économique ou personnel pour les salariés ayant moins de dix ans d'ancienneté. Il peut être plus élevé en cas de licenciement pour motif économique si le salarié a plus de dix ans d'ancienneté. » Ce sera alors aux partenaires sociaux de négocier cette possible majoration.
Monsieur le rapporteur, je sais que vous allez me répondre que ce n'est pas dans l'accord. Mais que diront les salariés lorsqu'ils apprendront qu'un accord signé prévoit de réduire de près d'un tiers les indemnités des licenciés économiques avec trente ans d'ancienneté ? En ce moment, nombre d'entreprises qui ferment ou licencient sont dans ce cas : leurs salariés ont des anciennetés très élevées. Rappelons l'exemple des salariées de Moulinex dont beaucoup n'ont pas retrouvé d'emploi. Elles se sont battues ; elles ont obtenu des indemnités de licenciement plus élevées que celles prévues par le code du travail. Mais avec cette modification, dans les petites entreprises où la lutte est moins facile ou inexistante, les salariés subiront une vraie perte par rapport à ce qu'autorise aujourd'hui le code du travail. Il me semble invraisemblable que la conséquence de cet accord, tel que rédigé et transposé dans ce projet de loi, n'ait pas alarmé un peu plus l'opinion publique et provoqué une réaction massive des salariés. Car, au nom de la modernisation du marché du travail – puisque l'inventivité du droit du travail en matière de vocabulaire est assez impressionnante depuis 2002 –, les salariés seront finalement les dindons de la farce, si vous me permettez l'expression. Et ils n'y sont peut-être pas prêts.
Comme le préjuge Mme Billard, la commission a rejeté cet amendement pour deux raisons. D'abord, parce qu'il ne reprend pas les termes de l'accord national interprofessionnel. Surtout, parce que cette mesure renvoie à un décret qui devra préciser les choses.
L'articulation entre les dispositifs du licenciement pour motif économique ou pour motif personnel n'est pas très claire au sujet de l'indemnisation. Au moment de l'élaboration du décret – ce qui est du ressort du ministre –, on peut donc imaginer que les partenaires sociaux seront appelés à se retrouver pour s'accorder sur une rédaction qui convienne à tous. C'est à cette occasion, probablement, que la correction que vous évoquez sera transcrite ou fera au moins l'objet de discussions.
Mais, pour nous en tenir à une argumentation de forme, nous considérons que le dispositif prévu par votre amendement relève plutôt du domaine réglementaire et qu'il est donc inutile de l'inscrire dans la loi. Par ailleurs, il ne figure pas – tel que vous le souhaitez en tous les cas – dans l'accord national interprofessionnel.
Pour être exhaustif – vous nous l'avez demandé et nous l'avons été –, je voudrais juste apporter une précision : j'ai transmis la rédaction des décrets aux présidents des différents groupes ainsi qu'au rapporteur et au président de la commission. D'habitude, on distingue le champ législatif du champ réglementaire. Mais, je vous l'ai indiqué en commission, je souhaite que nous travaillions dans la transparence la plus complète.
En revanche, un décret n'est pas encore rédigé : celui qui couvre cette partie. Les partenaires sociaux doivent discuter entre eux pour déterminer le montant retenu. Dès qu'ils auront trouvé un point d'accord, avant la publication du décret, je vous le transmettrai par souci de transparence. Voilà pourquoi il n'est pas possible, aujourd'hui, de légiférer à leur place, et voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Ils ne vont pas décider de revoir le dispositif à la baisse, quand même !
Monsieur le ministre, les réponses données à l'interprétation de Mme Billard n'étant pas celles que j'attendais, je me demande si nous ne faisons pas une mauvaise lecture du texte.
La situation actuelle est assez simple : les licenciements de droit commun donnent droit à un montant d'indemnités minimales – un dixième du salaire mensuel par année de présence – ; lorsqu'il s'agit de licenciements économiques, les indemnités sont majorées à un cinquième du salaire mensuel. Le texte en discussion prévoit d'aligner l'indemnité du droit commun sur celle – plus favorable – du licenciement économique : un cinquième pour tout le monde.
Mais, dans le droit positif actuel, dans la partie réglementaire du code du travail, une majoration spécifique est prévue pour les seuls salariés victimes d'un licenciement économique et qui ont plus de dix ans d'ancienneté. Cela soulève deux questions. Monsieur le ministre, l'exemple donné par Mme Billard est-il juste ? Je pensais, au contraire, que le texte ne changeait pas la situation des licenciés économiques puisque le décret existe et que la majoration persistera. Selon moi, il ne subsistait qu'une seule question en suspens : l'alignement favorable prévu dans l'accord entraîne-t-il aussi la majoration pour les licenciés de droit commun avec plus de dix ans d'ancienneté ? Mais vous semblez incapable de répondre à Mme Billard que son exemple est faux et qu'un licencié économique ne pourra pas perdre jusqu'à 30 % de son indemnité ! Il faut que nous ayons immédiatement une réponse du Gouvernement, car c'est une question importante qui surgit à ce stade du débat.
Ce n'est pas une question de décret d'application, mais de lecture et d'objectifs du texte.
Je ne comprends pas cette réserve. Comment essayer de nous faire voter un texte qui ne prévoit pas le montant de l'indemnité de licenciement ? C'est tout de même extraordinaire ! Nous votons d'abord, et un décret réduira ensuite le montant de l'indemnité à sa guise ? Ce sera le fait du prince ?
Qui est le prince ?
C'est vous le prince ! Petit prince, mais prince tout de même ! Prince de Picardie, ni plus, ni moins !
Comment voulez-vous faire voter les parlementaires sans leur donner de réponse sur ce point ? Impossible ! D'ailleurs, monsieur le ministre, vous pourriez me répondre que l'accord indique que « la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. » Nous pourrions nous contenter de cela, si l'indemnité n'était pas fixée par décret. Dans le système actuel, certains salariés perçoivent beaucoup plus que ce minimum dont ils risquent de devoir se contenter à l'avenir. Je ne peux pas voter un tel engagement ! Une convention de rupture contient au moins – c'est ce qui a été convenu, me semble-t-il, avec les partenaires sociaux – les conditions de celle-ci, le montant de l'indemnité, la date de rupture. Or on nous dit : votez, on fixera ensuite les montants par décret. Ce n'est pas possible ! Si on vous proposait de définir par décret le montant de vos indemnités futures…
…je ne crois pas qu'il y aurait beaucoup de partisans de la méthode ! Pourtant, ce Gouvernement décidé à raboter toutes les dépenses devrait commencer par nos indemnités, avant de remettre en cause les allocations familiales ou le remboursement des verres de lunettes ! Il devrait commencer par les députés ! Eh bien, donnez pleins pouvoirs au ministre…
…pour rédiger un décret dans lequel il décidera du montant de vos indemnités à venir ! J'espère que vous ne percevrez pas plus de 2 000 euros ! Cela revient tout de même à cela. Vous ne l'accepteriez pas, au nom de la démocratie, à juste titre. Mais nous ne pouvons pas accepter, non plus, de voir appliquer la méthode à l'ensemble des salariés.
Voilà pourquoi nous soutenons l'amendement défendu par Mme Billard.
Je souhaite apporter une précision pour clarifier le débat.
L'alinéa 2 de l'article L. 1234-9 du code du travail dispose que « le taux de cette indemnité est différent suivant que le motif du licenciement est économique ou personnel », ce taux étant défini par décret.
Or le projet de loi prévoit de supprimer cet alinéa, ce qui réduirait à néant, pour les indemnités, la possibilité de distinguer entre licenciement économique et licenciement personnel. Mon amendement vise à rétablir cette possibilité, tout en renvoyant la fixation du montant, qui ne regarde évidemment pas la loi, à un décret.
En tout état de cause, monsieur le ministre, si la loi ne permet plus une telle différence, comment pourrez-vous la faire valoir dans un décret ? Pourquoi donc supprimer cette disposition aujourd'hui prévue dans le code du travail ? Même si les partenaires sociaux veulent revoir le montant différencié de l'indemnité, il convient de laisser dans la loi la possibilité de renvoyer à un décret.
Nous souhaitons une suspension de séance, madame la présidente, mais je cède volontiers la parole à M. Muzeau.
Ce débat est important. Depuis hier, on nous rebat les oreilles avec la transposition stricte et intégrale de l'ANI. Or on a bien vu, avec l'alinéa 25 de l'article 2, que le Gouvernement pouvait ajouter ce qui lui convenait.
Notre débat intéresse les professionnels et les juristes. En écoutant Martine Billard, j'ai ainsi parcouru quelques documents. Emmanuel Dockès, professeur à l'université Lyon 2 et directeur de l'Institut d'études du travail de Lyon, précise que, en cas de licenciement pour motif économique, le code du travail prévoit déjà ce qui est dans l'accord. Toutefois, selon son analyse, les dispositions actuelles du projet de loi feraient perdre à un salarié ayant vingt-cinq ans d'ancienneté l'équivalent de deux mois de salaire en termes d'indemnités. Je vous passe le détail de l'analyse qui le conduit à cette conclusion, mais je crois qu'il faut prendre en compte les arguments de Martine Billard : nous ne pouvons pas laisser faire un tel mauvais coup.
Nous allons tenter, pendant la suspension de séance, de cerner le problème.
Je ne reviendrai pas sur l'analyse, très claire, d'Alain Vidalies. Nous n'étions pas prêts à voter l'amendement de Martine Billard, car nous estimions que son interprétation du texte n'était pas la bonne. Mais, en nous répondant sur un autre terrain, monsieur le ministre, vous n'avez pas levé nos doutes : les salariés licenciés après plus de dix ans d'ancienneté pourront-ils bénéficier de l'indemnité majorée ? Tous les salariés sont concernés, et pas seulement ceux qui font l'objet d'une rupture conventionnelle.
Si l'interprétation de Mme Billard était la bonne, il va de soi que cela changerait complètement notre analyse du texte. L'enjeu n'est donc pas mince. Aucune des organisations syndicales que nous avons consultées ne nous a alertés sur les dispositions dont nous discutons : on peut donc supposer qu'elles avaient une autre lecture que Martine Billard, sans quoi elles se seraient à coup sûr manifestées.
J'appelle donc votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que votre réponse est susceptible de changer le sens de notre vote.
Je crois nécessaire d'entendre M. le ministre avant la suspension de séance.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
Du point de vue juridique, les dispositions proposées par l'amendement n° 57 relèvent du domaine réglementaire : elles n'ont rien de législatif. Il y a donc un problème de répartition des compétences.
Si c'est tout ce que vous trouvez à dire alors que j'ai à peine commencé mon propos, madame Billard, c'est que vous n'avez sans doute pas l'intention de m'écouter !
Je le répète, votre amendement empiète sur le domaine réglementaire. La hiérarchie des normes, que je connais comme vous, n'a rien à y voir.
Ce n'est pas le problème, madame Billard : la Constitution, dans ses articles 34 et 37, a défini la répartition entre le législatif et le réglementaire, voilà ce qui importe.
La vraie question est de savoir si un salarié ayant plus de dix ans d'ancienneté et licencié pour un motif économique verra son indemnité diminuer. Cela n'a pas encore été complètement tranché par les partenaires sociaux.
Il y a une partie réglementaire – le nouveau décret reprendra les éléments de la discussion entre les partenaires sociaux – et une partie conventionnelle : les syndicats de salariés y sont particulièrement attentifs. Aujourd'hui, la règle pour les indemnités est la suivante : un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté, à quoi, comme le rappelait M. Vidalies, s'ajoute une majoration d'un quinzième par année à partir de dix ans d'ancienneté. Ces montants sont doublés pour les licenciements économiques.
La question posée, je le répète, est la suivante : sur quelle base les accords conventionnels pourront-ils apporter la majoration prévue pour les salariés ayant plus de dix ans d'ancienneté et licenciés pour des raisons économiques ? Les partenaires sociaux ne sont pas encore parvenus à un accord sur ce point précis : c'est la raison pour laquelle il ne figure pas parmi les décrets qui vous ont été transmis. Toutefois, le cas d'un salarié ayant plus de dix ans d'ancienneté et licencié pour motifs personnels retient également notre attention, comme celle des partenaires sociaux.
Tels sont, pour ces derniers, les enjeux des discussions à venir.
Article 4
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, nous vivons un moment important de notre débat. Mme Billard vient d'attirer notre attention sur un problème que nos travaux et les auditions auxquelles nous avons procédé ne nous avaient pas permis d'identifier : ce texte pourrait avoir de lourdes conséquences sur le montant des indemnités de licenciement pour certains salariés. Selon Mme Billard, il pourrait remettre en cause la majoration spécifique accordée à des personnes qui ne sont pas directement concernées par le texte, mais qui ont plus de dix ans d'ancienneté et qui sont licenciées pour motif économique.
Leur situation nous semblait inchangée, compte tenu de l'alignement de l'indemnité de licenciement de droit commun et de l'indemnité de licenciement économique, et du maintien de l'indemnité majorée, qui relève du domaine réglementaire.
La situation est la suivante : tout le monde se demande si le rapprochement entre indemnité de licenciement de droit commun et indemnité de licenciement économique pourrait conduire à étendre cette majoration aux salariés victimes d'un licenciement de droit commun – question qui fera naturellement l'objet d'une discussion entre les partenaires sociaux –, mais personne ne s'est aperçu que cette modification rédactionnelle faisait courir à des milliers de salariés ayant plus de dix ans d'ancienneté, mais victimes d'un licenciement économique, le risque de voir le montant de leur indemnité de licenciement réduit de 30 % !
Monsieur le ministre, notre question est très simple : les salariés victimes d'un licenciement économique après plus de dix ans d'ancienneté – qui, je le rappelle, ne sont pas concernés par ce texte – subiront-ils ou non une réduction de leurs droits ? Ce risque existe-t-il ? Vous comprendrez aisément l'importance de votre réponse.
Sur le vote de l'amendement n° 57 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre.
Et mon rappel au règlement, madame la présidente ? Je l'avais demandé avant la suspension de séance !
Monsieur Gremetz, vous n'avez pas renouvelé votre demande et, lorsque nous avons repris la séance, vous étiez absent ! Le ministre va s'exprimer, après quoi je vous donnerai la parole pour un rappel au règlement.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
Afin de répondre avec précision à M. Vidalies et aux différents intervenants, je rappelle que la fixation du montant de l'indemnité relève du domaine réglementaire, et non de la loi. Il sera donc fixé, lorsque les discussions entre les partenaires sociaux auront abouti, par décret en Conseil d'État.
Il n'est évidemment pas question, pour le Gouvernement, de signer un décret qui impliquerait une réduction de l'indemnité à laquelle les salariés licenciés ont droit aujourd'hui. Pour être plus précis, s'agissant des licenciements pour motif économique de salariés ayant plus de dix ans d'ancienneté, les discussions entre partenaires sociaux se poursuivent depuis la signature de l'accord du 11 janvier. Mais, je le répète, il n'est pas question de signer un décret qui aboutirait à une diminution de leurs droits. La position du Gouvernement est claire, et j'ai le sentiment que nous allons, les uns et les autres, dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Selon le règlement, les demandes de scrutin public déposées par un président de groupe n'ont effet que si sa présence est constatée en séance au moment où le texte est mis aux voix, et non cinq minutes avant, madame la présidente, et la même obligation de présence personnelle est exigée du membre du groupe à qui le président a délégué son droit de demander le scrutin. Vous admettrez, madame la présidente, que vous n'avez pas respecté cet article du règlement.
Nous venons de demander un scrutin public sur l'amendement n° 57 . Si Mme Billard devait le retirer, nous le reprendrions et nous entendons qu'il soit soumis à un scrutin public. J'ai été délégué du personnel assez longtemps pour savoir que, tant qu'un accord n'est pas signé, rien n'est sûr, et nous n'avons pas pu aboutir à un accord avec les partenaires sociaux. Or je me souviens d'une affaire importante, qui a fait beaucoup de bruit à l'époque, et pour laquelle nous avions obtenu le soutien du Premier ministre. Cela n'a malheureusement pas été suivi d'effet ! Je ne voudrais pas que, demain, nous nous retrouvions dans la même situation. Pour ma part, je ne crois aux engagements que quand ils figurent dans un texte. Je n'ai pas envie d'entendre, une fois le projet voté, qu'on n'avait pas pensé à telle ou telle impossibilité juridique. Quoi qu'il en soit, si les organisations syndicales veulent signer un texte en accord avec votre projet de loi, nous refusons d'y prendre part, car nous voyons bien quel est son objet !
J'ai pris bonne note de l'engagement que vous venez de formuler, monsieur le ministre. Je ne le mets pas en doute, mais que vaut-il après que vous avez affirmé, au début de l'examen de l'amendement de Mme Billard, vous en remettre à la négociation entre partenaires sociaux ? Depuis hier, vous reprenez cet argument pour nous empêcher de modifier le texte. Je me demande donc, monsieur le ministre, quelle position vous allez tenir. Le Parlement ne doit pas laisser aux partenaires sociaux la possibilité de revoir ces droits à la baisse. La négociation ne doit pas donner lieu à une éventuelle modulation de l'indemnisation et, dans le doute, j'estime qu'il est de la responsabilité du Parlement de poser des garde-fous.
Enfin, vous vous réfugiez derrière l'argument selon lequel cette question ne relève pas du domaine législatif, mais réglementaire. Pourtant, vous avez bien fait entrer dans la loi des dispositions qui étaient de l'ordre du contrat !
Admettez donc que nous pratiquions la même entorse à la règle pour empêcher que la négociation réduise ces droits acquis. Il s'agit d'une question essentielle, car, chaque année, des dizaines de milliers de salariés sont licenciés. Posons ce garde-fou et inscrivons-le dans la loi, sous une forme appropriée dont nous, législateurs, pourrons décider.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas étonné que je maintienne cet amendement, déposé au nom des députés Verts, car il met un problème en évidence. Un accord ayant été signé entre les partenaires sociaux, il n'y a, selon vous, plus de difficultés, et nous ne faisons que l'inscrire dans la loi. Or nous sommes au coeur du débat et nous nous apercevons qu'il reste plusieurs problèmes à résoudre.
Monsieur le ministre, j'ai bien compris ce qui est du domaine de la loi et ce qui relève du règlement, et c'est la raison pour laquelle notre amendement ne visait pas à inscrire dans la loi le montant de l'indemnité à verser aux salariés ayant plus de dix ans d'ancienneté, mais seulement la possibilité qu'il y ait une différence – possibilité qui figurait jusqu'ici dans le code. Je m'étonne que cela soit aujourd'hui devenu impossible.
Il existe plusieurs possibilités : maintenir la situation actuelle en l'état, augmenter le montant des indemnités de licenciement – je n'en demande pas tant – ou le réduire, de façon qu'il soit le même pour tous les salariés, qu'ils aient ou non plus de dix ans d'ancienneté, comme le demande le MEDEF. On n'a pas laissé, jusqu'ici, aux partenaires sociaux la possibilité d'arriver à un accord. Pour l'instant, le Parlement laisse la porte ouverte, mais n'agit pas et ne donne aucun signe. Je prends acte de votre engagement, monsieur le ministre, mais, si la négociation aboutissait à un accord réduisant ces indemnités, que feriez-vous ? Refuseriez-vous de transposer cet accord ? Si oui, j'en prends acte, car cela signifie que vous pourriez agir de même dans d'autres cas.
Madame la présidente, puisqu'il nous reste encore quarante-cinq secondes avant l'expiration du délai de cinq minutes…
Nous comprenons, sur ces bancs, les interrogations de nos collègues de l'opposition. Nous partageons leur souci que rien ne vienne amputer les droits actuels des salariés qui subissent un licenciement économique.
J'ai confiance, pour ma part, en la parole du ministre, que je remercie pour sa réponse claire. Et je le remercie par avance de faire exception à la parole qu'il a donnée hier – cette exception étant parfaitement légitime –, s'il considérait que les accords passés entre les partenaires sociaux étaient défavorables aux salariés sur ce sujet. Il nous a assuré qu'il refuserait d'en prendre acte. Le groupe UMP votera donc contre cet amendement.
Arrêtons de théoriser et de laisser accroire que ce qui a été dit hier diffère de ce qui est dit aujourd'hui. Le rapporteur l'a expliqué tout à l'heure, certaines dispositions sont transposables directement à partir de cette loi, d'autres figureront dans un décret – c'est le cas –, d'autres encore feront l'objet d'accords complémentaires. Ce sujet n'est ni de droite ni de gauche, et ce serait méconnaître les partenaires sociaux, et notamment les syndicats de salariés, que d'imaginer un seul instant qu'ils acceptent une diminution de ces indemnités.
Je suis en cohérence avec les travaux que nous avons menés avec eux et il ne s'agit pas aujourd'hui d'introduire une exception. C'est un accord de progrès social et économique, qui permet de revenir vers le plein-emploi : cela ne signifie pas une régression des droits. Voilà pourquoi j'ai pris cet engagement. Je ne suis pas le porte-parole des partenaires sociaux, mais je puis vous dire qu'ils ne sont pas disposés à accepter une diminution de ces droits.
Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous avez terminé votre intervention en déclarant que si, à l'issue des négociations entre partenaires sociaux, les salariés devaient se retrouver désavantagés, vous ne signeriez pas le décret. Si tel est le cas, je ne comprends pas pourquoi vous vous réfugiez maintenant derrière l'argument selon lequel les syndicats, de toute façon, ne signeraient pas un accord qui désavantagerait les salariés.
Or ce qui, dans l'ANI, est analysé par des juristes…
Non, par vous, monsieur Paul !
Je ne suis pas professeur de droit ! Ce qui a été lu il y a quelques minutes par M. Muzeau…
Cela relève de la discussion générale !
…montre que l'ANI désavantage les salariés. Mme Billard l'a rappelé en présentant son amendement n° 57 : un salarié bénéficiant de trente ans d'ancienneté pourrait voir son indemnité diminuée de 30 %. Nous savons bien dans quelles conditions a été négocié l'accord du mois de janvier dernier, et les pressions qui ont pu l'accompagner. On peut aussi imaginer celles qui pourraient s'exercer dans les semaines à venir. Ma question est simple, monsieur le ministre : si, à l'issue de ces discussions, les partenaires sociaux aboutissaient à un accord en recul par rapport aux droits actuels des salariés, refuseriez-vous, au nom du Gouvernement, de signer le décret correspondant ? Si oui, je ne vois pas pourquoi ne figurerait pas dans le texte une formule, une simple phrase, que je vous laisse le soin de trouver avec vos services, disposant qu'en aucun cas le Gouvernement n'acceptera de revenir sur les droits acquis des salariés. La sécurisation des salariés mérite cette garantie.
Je voudrais d'abord rappeler que nous sommes en train de discuter des conséquences d'une amélioration très importante pour l'ensemble des salariés, puisque le texte dont nous parlons entraîne le doublement des indemnités de droit commun, ce qui n'est pas rien. Je tiens à rappeler que cela figure dans l'accord, et c'est pour cette raison que nombre d'organisations syndicales l'ont signé.
Un autre point était de savoir, comme l'a demandé Mme Billard, si, dans le cas d'un salarié licencié pour motif économique et ayant plus de dix ans d'ancienneté, ses indemnités pourraient se trouver réduites. Le ministre a répondu non. Nous en prenons acte.
Reste la question – que j'ai déjà évoquée lors de la discussion générale – de savoir si tous les salariés doivent bénéficier d'une majoration après dix ans. Adopter cet amendement et maintenir une différence dans le montant des indemnités selon qu'il s'agit d'un licenciement économique ou d'un licenciement de droit commun reviendrait à figer les choses et à compromettre une éventuelle négociation sur ce point.
L'engagement pris par le Gouvernement a levé toute ambiguïté sur l'interprétation qu'il faut donner à cet article. De plus, on ne voit pas comment les organisations syndicales pourraient signer un texte entérinant une régression. Dès lors, si une négociation est encore nécessaire, elle ne peut porter que sur le bonus supplémentaire attribué après dix ans d'ancienneté. Il appartient aux partenaires sociaux de décider s'il doit aussi bénéficier aux salariés licenciés pour raisons personnelles.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 57 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 12
Contre 45
L'amendement n° 57 est rejeté.
Favorable.
Les alinéas 11 à 13 de l'article 4 disposent que le reçu pour solde de tout compte devient libératoire au bout de six mois. Après ce délai, un salarié ne peut plus en contester la validité, même s'il s'aperçoit qu'il n'a pas obtenu l'intégralité du paiement de ses congés payés ou des indemnités auxquelles il avait droit.
Rappelons qu'un salarié licencié pour raison économique bénéficie pendant un an d'une priorité de réembauche dans son ancienne entreprise. Dans une zone où le chômage est important, le mince espoir de retrouver son ancien poste pourrait le conduire à s'abstenir de déposer un recours.
Pourquoi avoir réduit à six mois – si tant est qu'une modification était nécessaire – un délai qui était auparavant de cinq ans ? Une telle disposition va à l'encontre des intérêts des salariés, qui sont nombreux à ne pas connaître leurs droits, surtout dans les petites entreprises car, dans les grandes, les syndicats sont là pour les leur rappeler. Le temps de réaliser qu'ils n'ont pas obtenu tout ce à quoi ils avaient droit, les six mois se seront écoulés.
Je n'aurais peut-être pas eu la même réaction si le caractère libératoire du solde de tout compte avait été fixé à un terme plus éloigné, mais en l'état de leur rédaction, je propose la suppression de ces alinéas.
Avec cet amendement, identique au précédent, nous abordons en effet la question épineuse du caractère libératoire du solde de tout compte, qui avait été supprimé en 2002.
Aujourd'hui, la signature du reçu, qui récapitule les sommes versées par l'employeur à l'occasion de la rupture, ne peut avoir pour effet d'empêcher le salarié d'en contester le montant après son départ.
Néanmoins, désormais, le reçu pour solde de tout compte ne pourra plus être dénoncé dans les six mois suivant la signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur. On en revient ainsi au système qui prévalait avant 2002. Cela constitue même un recul de plusieurs décennies, car le projet de loi n'intègre pas les améliorations apportées par la jurisprudence à la suite d'un important contentieux.
Elle a ainsi détaillé les conditions pour que le solde de tout compte soit valable : le reçu ne peut être signé qu'une fois le contrat effectivement terminé, le salarié étant hors du lien de subordination, et une fois les sommes perçues ; le reçu vaut uniquement pour les sommes qui y sont versées sans réserves et avec indication de leur cause ; seules les sommes perçues dont le montant est précisément connu au moment de la signature peuvent figurer sur le reçu ; il ne vaut pas pour les sommes qui pourraient être dues après la rupture ou pour les sommes sujettes à contestation ; le délai de contestation doit être précisé sur le reçu ; enfin, le salarié garde le droit de contester le bien fondé de son licenciement.
Au lieu de quoi, votre texte se limite sans plus de précautions à réduire de cinq ans à six mois le délai de contestation en matière de salaires. Nous trouvons le procédé un peu léger ; c'est un euphémisme.
Il s'agit d'une nouvelle atteinte aux droits de recours des salariés qui n'est pas sans rappeler, dans son esprit et dans sa portée, la proposition de loi qui vise à ramener de trente à cinq ans la prescription extinctive en matière de discrimination au travail et à modifier la manière pour le salarié d'en apporter la preuve et d'en obtenir réparation. En dépit des conséquences graves qui pourraient résulter de l'application de ce texte, adopté au Sénat le 21 novembre dernier, le Gouvernement ne s'est pas engagé à le retirer de l'agenda parlementaire.
Pour l'heure, nous ne pouvons que vous inviter à revoir votre copie et à supprimer ces dispositions improvisées et aux conséquences incertaines.
La commission a rejeté ces amendements.
Si le précédent soulevait un vrai problème juridique, et révélait une zone de flou sur laquelle le ministre a pu apporter une réponse claire, il n'en va pas de même de ceux-là. L'article 11 de l'accord national interprofessionnel est en effet très clair : il précise que le reçu aura désormais un caractère libératoire. Il n'est donc pas question pour nous de supprimer cette disposition.
Même avis, pour les mêmes raisons.
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour défendre l'un amendement n° 141 .
Cet amendement de précision indique les formalités à observer pour la signature du reçu pour solde de tout compte. L'ajout proposé ne fait que reprendre les termes de l'article L. 122-17 du code du travail tels qu'ils existaient avant la loi de modernisation sociale.
La commission a rejeté l'amendement, non pour des raisons de fond, mais parce qu'il nous semble de nature réglementaire. Il s'insérerait en effet parfaitement après les articles D. 1 234-7 et D. 1 234-8 qui régissent aujourd'hui – de manière d'ailleurs fort succincte – le reçu pour solde de tout compte.
Cette disposition relève en effet du domaine réglementaire. En outre, elle ne paraît pas indispensable, la mention de la signature étant déjà prévue à l'article 4. Je serais donc tenté de suivre l'avis de la commission.
Pour faire avancer le débat, monsieur Gremetz, et obtenir toutes les précisions nécessaires.
Il s'agit également d'un amendement de précision.
Il convient de permettre de dénoncer le reçu pour solde de tout compte de manière écrite et motivée. Cet ajout ne fait que reprendre les termes de l'article L. 122-17 du code du travail tels qu'ils existaient avant la loi de modernisation sociale.
Il paraît en outre cohérent que le salarié explique pourquoi il dénonce le solde. Contrairement à ce qui a été dit en commission, une telle référence n'existe pas dans la partie réglementaire.
La commission a rejeté l'amendement, considérant, là encore, qu'il relevait du domaine réglementaire. Le ministre pourra sans doute compléter cette réponse.
Il est vrai que l'on est dans le domaine réglementaire. En outre, l'article 1234-8 du code du travail exige déjà l'écrit, puisqu'il précise que le reçu pour solde tout compte est dénoncé par lettre recommandée. Enfin, la jurisprudence sociale rendue avant l'entrée en vigueur de la loi de 2002 exigeait déjà une motivation en la matière. L'amendement est donc satisfait, et mon avis est défavorable.
Monsieur Gremetz, évitez d'employer des expressions peu orthodoxes !
La parole est à M. Dominique Tian, pour défendre l'amendement n° 83 .
En l'état actuel de la jurisprudence, une insuffisance dans l'énonciation des motifs du licenciement est assimilée à une absence de cause réelle et sérieuse. Ce point, mentionné à l'article 11 de l'accord national interprofessionnel, doit donc être repris dans la loi, d'autant qu'il permet de clarifier le rôle du juge. Je propose donc de compléter l'article 4 par l'alinéa suivant :
« 5° Le premier alinéa de l'article L. 1 235-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : “Dans le cas où l'employeur n'a pas invoqué de motifs ou si ils sont insuffisants, le juge recherche dans ce cas la cause du licenciement et statue sur son caractère réel et sérieux.”. »
La commission a rejeté cet amendement, non pour des raisons de fond, mais parce que l'article 11 de l'ANI, dans le paragraphe intitulé : « La réparation judiciaire du licenciement », renvoie cette question à une discussion ultérieure.
Ce sujet est tellement précis et demande un travail si approfondi que les partenaires sociaux ont souhaité la constitution d'un groupe de travail tripartite. La réflexion vient d'être engagée. Une première réunion de ce groupe s'est tenue le 31 mars dernier au ministère du travail ; une autre est programmée à la fin du mois de mai. Je m'engage, messieurs Tian et Poisson, à vous tenir informés de l'évolution de ces discussions et à vous y associer.
L'adoption d'un tel amendement impacterait, en tout état de cause, totalement la décision des partenaires sociaux et réduirait à néant le travail engagé.
Cet amendement suscite un débat de fond.
J'évoquais tout à l'heure le cas où l'erreur de procédure entraînerait un licenciement abusif. Il n'en ira plus ainsi grâce à ce projet de loi, puisque, si le licenciement est motivé, on ne pourra plus le requalifier en licenciement abusif. Le problème est ici différent, puisqu'il s'agit du licenciement qui ne serait pas motivé.
Il me paraît essentiel de laisser se dérouler le dialogue social. En effet, si le législateur considère qu'en cas de licenciement non motivé, il reviendra au juge d'en préciser la cause à la place de l'employeur, on risque d'avoir, à terme, des lettres de licenciement sans motif. Nous devons être vigilants en la matière. La Convention 158 de l'OIT oblige à motiver les licenciements. Il faut donc respecter le droit international.
De plus, le salarié doit tout de même savoir pourquoi il est licencié.
C'est le fondement d'un licenciement.
La rupture d'un contrat, quelle que soit sa nature, doit être motivée.
Telles sont les observations que je souhaitais faire. Je suis donc d'accord avec M. le ministre : cet amendement n'est peut-être pas le bienvenu.
Si j'ai bien compris, l'amendement de M. Tian tend à préciser que, si l'employeur ne peut pas démontrer la cause sérieuse du licenciement, il faudra demander au juge de faire le travail à sa place. Ce dernier devra donc monter le dossier et argumenter !
Vous êtes extraordinaire, monsieur Tian ! Votre amendement est, en effet, ainsi rédigé : « Dans le cas où l'employeur n'a pas invoqué de motifs ou s'ils sont insuffisants, le juge recherche dans ce cas la cause du licenciement et statue sur son caractère réel et sérieux. » Si un employeur décide qu'il y a une cause sérieuse et réelle et qu'il est incapable d'avancer les arguments pour le démontrer, cette tâche reviendra au juge !
Je savais que vous « penchiez » un peu du côté des employeurs, mais, là, vous leur donnez un rude coup de main ! Vous en connaissez beaucoup, à mon avis, qui comptent sur une telle procédure pour invoquer des motifs réels et sérieux de licenciement qui n'en sont pas !
Il est dommage, monsieur Gremetz, que vous n'ayez pas lu l'ANI ! Vous auriez alors pu constater que les partenaires sociaux en ont discuté longuement à l'article 11.
C'est un problème de forme. La lettre de licenciement est, bien évidemment, précédée d'une lettre de convocation et d'un entretien. Évoquer simplement l'absence de motif dans ladite lettre posait des problèmes. J'essayais donc de simplifier la procédure.
Cela dit, nous n'allons pas entamer un débat sur ce point. Je n'aime pas votre façon de caricaturer les choses.
Monsieur Vercamer, cet amendement n'a rien de choquant, puisqu'il y a la lettre de convocation, les motivations et la possibilité d'être assisté. Je pensais qu'il était intéressant d'améliorer le texte.
Je retire toutefois bien volontiers cet amendement.
L'amendement n° 83 est retiré.
Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 5, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Dominique Tian.
Madame la présidente, monsieur le ministre, selon certains, la rupture conventionnelle introduite par cet article 5 serait l'équivalent du divorce par consentement mutuel dans les affaires familiales : bonne entente, séparation raisonnable pour éviter les conflits. Pourtant, rappelons que notre droit prévoit déjà la possibilité de rupture négociée, également dénommée rupture amiable, ou départ volontaire. Que cache donc ce nouveau mode de rupture du contrat de travail, présenté dans la presse comme rupture « de gré à gré » ?
Pour l'employeur, cette rupture conventionnelle constitue avant tout un cadre légal avantageux pour des démissions déguisées. Si on la compare au licenciement, le changement est de taille ! Si on la compare à la rupture négociée, un élément change également la donne en faveur de l'employeur : aujourd'hui, tout employeur peut pousser un salarié à la démission ou le faire consentir à une rupture à l'amiable. Cependant, comme le salarié ne bénéficie pas, dans ces deux cas, de l'indemnité de chômage, il essaie souvent de résister aux pressions de l'employeur, afin de ne pas se retrouver « sans rien » à la fin du contrat. Avec le nouveau mode de rupture de contrat, les résistances du salarié à quitter son emploi seront contrebalancées par le fait qu'il aura droit aux indemnités. Cet élément poussera probablement certains d'entre eux à accepter la rupture conventionnelle pour mettre fin à une situation difficile. Les procédures du droit du licenciement seront ainsi facilement mises de côté, notamment l'exigence d'une cause réelle et sérieuse pour licencier un salarié.
En revanche, si la rupture conventionnelle émane du salarié, quel intérêt un employeur aura-t-il à l'accepter, puisqu'il pourra toujours forcer le salarié à la démission ? Le rapport de force n'est pas comparable.
Certes, me direz-vous, le droit à l'indemnité de licenciement et aux indemnités de chômage permises par la rupture conventionnelle sera garanti au salarié par ce nouveau mode de rupture de contrat, ce qui n'était pas le cas avec la rupture négociée. Toutefois, quels salariés en bénéficieront vraiment ? Aujourd'hui, ceux qui souhaitent quitter leur emploi le font généralement soit parce qu'ils y sont poussés par l'employeur, soir parce qu'ils ont trouvé un nouvel emploi. Dans le premier cas, l'indemnisation était déjà due ; dans le second, elle est inutile. Ainsi, les seuls véritables bénéficiaires de l'accord seront les salariés qui quitteront volontairement leur emploi, sans avoir subi de pressions, mais sans non plus avoir de nouvelle perspective d'embauche. Seront-ils cependant vraiment nombreux, alors que le chômage est élevé et que l'ANPE procède à des radiations ?
Démonstration a donc été faite que le salarié ne sera pas sur un pied d'égalité avec son employeur. Les situations où il pourrait tirer profit de ce type de rupture de contrat seront a priori très rares. En revanche, le bénéfice est certain pour l'employeur : se dispenser des procédures de licenciement pour contourner un droit jugé « rigide ». Licencier un salarié dans les deux premières années ne coûte quasiment rien, 800 000 à 900 000 salariés sont licenciés chaque année et, dans neuf cas sur dix, à l'exception des licenciements économiques, les procédures sont extrêmement simples : entretien, puis envoi d'une lettre précisant les motifs. Avouez que l'on est loin de la rigidité tant décriée.
Enfin, s'agissant du contrôle de la réalité du « consentement mutuel », le syndicat des avocats de France et la Fondation Copernic soulignent que la procédure ne sera soumise qu'au contrôle du directeur départemental du travail. Or, compte tenu des moyens de plus en plus réduits de cette autorité administrative, on peut se demander si le contrôle sera aisé.
En outre, le Syndicat des avocats de France souligne que l'existence d'une décision administrative validant l'accord posera une difficulté procédurale majeure. En effet, quelle juridiction sera à même d'être saisie par un salarié qui mettrait en avant les pressions qu'il a subies pour signer la rupture du contrat : le juge prud'homal ou la juridiction administrative ?
J'ai bien entendu les propos de notre collègue Daniel Paul. Pour ma part, je salue les objectifs assignés à l'ANI, à savoir trouver des moyens – même si ce n'est pas facile, ce que l'on sent à la lecture de l'accord – de sortir d'une logique de conflit à ce moment particulier et extrêmement compliqué qu'est la rupture du contrat. Je vous renvoie à l'article 12 de l'ANI qui affiche clairement l'objectif de minimiser les sources de contentieux. Aux termes de cet article, cette recherche de solutions négociées « ne doit pas se traduire par une quelconque restriction des capacités des salariés à faire valoir leurs droits en justice mais au contraire se concrétiser dans des dispositifs conçus pour minimiser les sources de contentieux. »
Cette rupture conventionnelle pose, de mon point de vue, trois questions, relatives à la garantie de la pleine liberté de consentement du salarié, à l'équilibre de la négociation et de l'assistance du salarié – dont nous allons débattre longuement lors de l'examen de cet article – et à l'ouverture des droits aux allocations de chômage. Ce dernier point a donné lieu à deux semaines de débats : l'amendement a été rejeté, au cours de la première semaine, dans la perspective de la discussion en séance, pour être accepté au cours de la seconde. Nous aurons donc probablement des précisions sur ce point.
En ce qui concerne le consentement, le dispositif présenté dans l'accord national interprofessionnel me semble équilibré, avec la possibilité d'avoir plusieurs entretiens, l'existence d'un délai de rétractation, la nécessité d'une homologation par la direction du travail et, ce qui n'a l'air de rien, mais a tout de même son importance, l'utilisation d'un formulaire type.
Comme il s'agit essentiellement, à ce moment privilégié de la négociation, de discuter des montants des indemnités de sortie, je comprends les interrogations de certains représentants des salariés et celles de l'Ordre des avocats : comment être sûr que le salarié qui entame ces négociations et ces entretiens est suffisamment défendu et assisté ?
Je tiens à préciser un point : l'article dont nous débattons précise clairement que, dans le cas où le salarié choisit de se faire assister, l'employeur peut, à son tour, le faire. Dès lors, cet équilibre peut-il être atteint dans le cadre de cette assistance ? J'ai comme beaucoup d'entre vous sans doute reçu un certain nombre de courriers de l'Ordre des avocats.
D'autres démarchent aussi, monsieur Gremetz !
Je comprends que les avocats s'interrogent, mais, très franchement, il me gêne de considérer, à ce moment de la discussion, que des représentants du personnel ou des délégués syndicaux ne pourraient pas alerter le salarié sur les points particuliers auquel il doit être attentif au moment de l'entretien.
De plus, rien de définitif, comme la signature, ne doit intervenir lors de ces entretiens. Le salarié pourra toujours se rétracter. Donc, même si je comprends l'interrogation et le souci parfaitement légitime des avocats d'assurer la défense des salariés, ce qui les honore, mais ne m'étonne pas de leur part, le groupe UMP ne votera pas les amendements prévoyant la présence des avocats lors de l'entretien.
Enfin, concernant l'ouverture des droits aux ASSEDIC, l'esprit et la lettre de l'accord national interprofessionnel sont très clairs. Ainsi, aux termes de l'article 12 a) de l'accord : « L'accès aux indemnités de rupture et aux allocations du régime d'assurance chômage est assuré[…] par le versement des allocations de l'assurance chômage dans les conditions de droit commun dès lors que la rupture conventionnelle a été homologuée par le directeur départemental du travail. »
Il est donc clair que l'esprit de l'accord que nous transposons va vers le versement de ces allocations au salarié dans le cas d'une rupture conventionnelle. Nous discuterons sans doute tout à l'heure pour savoir si c'est l'existence de la rupture ou bien son homologation, ainsi que l'avait défendu Martine Billard en commission, qui valide ce droit.
Reste à régler la question épineuse du calendrier. Que se passera-t-il entre l'entrée en vigueur de ce texte et la conclusion de l'accord de l'UNEDIC qui prévoirait une indemnisation ?
Enfin, nous serons très attentifs à la question des droits ASSEDIC. Il est hautement souhaitable que la rupture conventionnelle ne puisse pas être considérée comme étant à l'initiative du salarié, et qu'elle ouvre donc droit à tous les dispositifs d'assurance chômage en vigueur.
L'article 5, tout le monde l'a compris, introduit une disposition centrale, une nouveauté notoire dans le code du travail.
Jusqu'à présent, pour la rupture entre l'employeur et le salarié, il y avait soit le licenciement à l'initiative de l'employeur soit la démission à l'initiative du salarié. Nous introduisons une nouvelle forme de rupture exclusive des autres avec la rupture conventionnelle, mesure qui, d'un certain point de vue, vient encadrer et moraliser une pratique qui existe déjà.
Pour les uns, cela permettra d'éviter de motiver un licenciement. Les autres, paradoxalement, craignent que ce ne soit un cadre légal pour des démissions déguisées. On pourrait y voir une sorte d'équilibre. C'est en tout cas de la démocratie sociale et il y a eu un accord entre les partenaires sociaux, mais personne ne peut vraiment dire comment ils vont se saisir concrètement de cette mesure.
Cela dit, la démarche est bien balisée, avec quatre phases : élaboration d'une convention entre le salarié et l'employeur, pour laquelle il faudra se poser la question de l'assistance éventuelle des salariés ; période de rétractation de quinze jours ; homologation par la DDTE après envoi par la partie la plus diligente – notre héroïne du jour, Mme Chantal Brunel (sourires), avait d'ailleurs demandé en commission, de façon pertinente, encore une fois, ce qui se passerait si personne n'envoyait le texte, et je défendrai d'ailleurs un amendement à ce sujet ; enfin renvoi éventuel devant les prud'hommes.
Mme Parisot, pour parler de la rupture conventionnelle, fait toujours le parallèle avec le divorce par consentement mutuel, ce qui est un peu surprenant. Ce dernier est homologué et prononcé par le juge. Peut-être anticipe-t-elle puisque certains voudraient qu'il soit homologué par le notaire, mais nous n'en sommes pas là. Le juge, dans le divorce, s'assure que la volonté de chacune des parties est réelle, que leur consentement est libre et éclairé et qu'aucune d'elles n'est lésée. La rupture conventionnelle, elle, sera homologuée par l'autorité administrative. Elle relève plutôt d'une sorte de constat à l'amiable partagé.
Personne n'a la naïveté de croire que les employeurs n'exerceront aucune pression sur les salariés. Il y en a déjà, me direz-vous, et on force des salariés à démissionner. Dans la rupture conventionnelle, le salarié bénéficiera au moins de l'assurance chômage.
L'essentiel, – je l'ai dit en commission – est constitué, pour nous par un point de principe, c'est que l'on ouvre les droits à l'assurance chômage dans les conditions du droit commun. Cela est clairement indiqué dans l'accord mais pas dans le projet, et le rapporteur s'est opposé à l'un de mes amendements tendant à reprendre le texte de l'ANI même si, ensuite, comme l'a souligné M. Poisson, cet amendement a été adopté par la commission. Le fait qu'il y ait ouverture des droits aux ASSEDIC ou non change totalement, vous le comprenez bien, la nature de la rupture conventionnelle.
Je sais que l'on va nous répondre que la question est renvoyée à la négociation sur l'assurance chômage, mais une telle réponse est inquiétante. Il ne vous a pas échappé, en effet, que, depuis deux ou trois jours, le Gouvernement propose de sanctionner les demandeurs d'emploi qui refuseraient deux offres valides d'emploi, par exemple en amputant une partie de leur indemnité chômage. On voit ainsi apparaître l'idée de faire la même chose pour les salariés engagés dans une rupture conventionnelle. Certains commencent à se demander pourquoi celui qui est licencié et celui qui choisit de s'engager dans la rupture conventionnelle bénéficieraient du même taux d'assurance chômage. Ils s'inquiètent en effet, de l'impact financier de la rupture conventionnelle sur l'UNEDIC. Il aurait mieux valu d'ailleurs réaliser des études d'impact, comme le demande l'Europe sur ce genre de sujets. Ce qu'ils veulent en fait, c'est récupérer les excédents de l'UNEDIC pour financer les déficits des comptes sociaux.
Nous faisons, nous, dans la rupture conventionnelle de l'ouverture des droits à l'assurance chômage dans les conditions de droit commun une question de principe. Sinon, ce serait trahir l'accord et remettre en cause le paritarisme de l'UNEDIC. Nous avions posé la question au moment de la fusion entre ANPE et ASSEDIC et Mme Lagarde nous avait garanti que le paritarisme resterait la règle. Or tout le monde est déjà en train de se jeter sur les excédents de l'UNEDIC pour savoir comment les utiliser.
L'article 5 a pour objet d'instaurer la rupture conventionnelle exclusive de la démission et du licenciement. On peut y voir une forme d'aboutissement négocié de l'intention de Mme Parisot d'instaurer une séparabilité à l'amiable. Espérons qu'il n'en est rien.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, tend à moderniser le marché du travail. Sur un marché, on achète, on vend, on conclut, on dénonce, on rompt des contrats, on en conclut d'autres, entre partenaires égaux. Or, nous le savons, la relation entre l'employeur et le salarié n'est pas équilibrée, n'est pas égale dans le contrat de travail. C'est d'ailleurs pourquoi nous sommes en train de légiférer pour instaurer des protections afin d'aider le salarié à se défendre.
Le contrat de travail pourrait être rompu d'un commun accord. Or, en l'état actuel du texte, il faut bien le reconnaître, la rupture conventionnelle est relativement déséquilibrée au bénéfice de l'employeur. Le salarié, pour l'obtenir et échapper à la démission, a peu de moyens de pression à l'encontre de l'employeur. Inversement, ce dernier, pour amener le salarié à l'accepter, a tout de même des moyens d'incitation, pour ne pas parler de pression : l'indemnité de rupture par exemple.
Je n'insiste pas sur ce qui a été dit tout à l'heure sur le contexte. Je ne sais pas si le moment a été bien choisi, mais le Président Sarkozy nous a expliqué que, désormais, des sanctions seront appliquées aux demandeurs d'emploi qui refuseraient deux offres raisonnables d'emploi, proposant par exemple 70 % de la rémunération antérieure. C'est totalement inacceptable.
Par ailleurs, en lisant cet article, je ne peux pas ne pas me rappeler ce qui était dit à l'époque de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement. Il fallait assouplir, faire sauter les verrous administratifs et cela allait nécessairement créer un appel d'air en faveur l'embauche.
En effet ! Or on n'a jamais vu ces emplois. Le dispositif que vous nous proposez aura-t-il des effets ? On peut l'espérer. Je suppose que vous pensez qu'ils ne seront pas de même nature.
Je remarque que vous réintroduisez dans votre dispositif, qui n'est pas tout à fait une usine à gaz mais qui y ressemble, l'intervention d'une autorité administrative, pour homologuer la convention.
Mme Brunel, célèbre depuis cet après-midi,…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.Elle était déjà célèbre !
…encore plus célèbre, a posé en commission la question des moyens dont disposeront les directions du travail pour instruire ces dossiers supplémentaires, à un moment où le Gouvernement dégraisse, revoit les politiques publiques et ne remplace pas un fonctionnaire sur deux partant en retraite.
Vous assumez vos positions, nous assumons les nôtres !
La mise en oeuvre de votre dispositif, monsieur le ministre, nécessitera évidemment des textes réglementaires. Je vous remercie de nous avoir informés de l'état d'avancement du décret relatif à la phase de conciliation aux prud'hommes. Reste à nous donner des précisions sur le décret concernant les indemnités. En particulier, l'indemnité de rupture, ne saurait être inférieure à celle de licenciement.
Je veux enfin revenir sur un élément de la réponse que vous avez faite à Alain Vidalies en début d'après-midi, monsieur le ministre, et qui m'a un peu inquiété.
Le dispositif que vous nous proposez prévoit la possibilité pour le salarié de se faire assister au cours des entretiens préalables à la mise en oeuvre de la rupture conventionnelle. Cela suppose qu'il y ait une vie syndicale dans l'entreprise. Dans les petites entreprises notamment – vous me voyez venir – il serait bon que les dispositions prévues par l'accord signé en décembre par toutes les centrales syndicales avec l'Union professionnelle artisanal s'applique effectivement.
Monsieur Mallot, vous avez terminé votre contrat : vous avez dépassé les six minutes !
Or, monsieur le ministre, dans votre réponse à Alain Vidalies, vous avez établi un lien entre l'extension effective de cet accord et l'approbation par l'UPA de la position prétendument commune sur la représentativité. Sans parler de chantage, établir un tel lien ne laisse pas d'inquiéter.
Mme Parisot nous a dit à ce sujet que le syndicalisme n'était pas une question de financement. Cela dit, ça aide ! Quand elle invoque la lourdeur des charges qui pèsent sur les entreprises, son argument n'est pas recevable.
Bref, la position à géométrie variable du Gouvernement sur les accords négociés est inquiétante. Il serait bon, monsieur le ministre, que vous nous en disiez un peu plus.
La parole est à M. Marc Dolez. Je rappelle que les interventions ne doivent pas excéder cinq minutes.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la rupture conventionnelle de l'article 5 est souvent présentée comme la mesure phare de l'accord, alors qu'elle est, au contraire, une régression considérable.
En réalité, cette mesure reprend la revendication patronale de « séparabilité à l'amiable », en créant une nouvelle catégorie de rupture du contrat de travail, de gré à gré. Cette rupture de gré à gré postule l'égalité des parties à la négociation. Or nous n'avons pas à répéter une nouvelle fois, dans cette enceinte que la relation entre employeur et salarié est inégalitaire en raison de la subordination dans laquelle se trouve toujours le salarié.
Il y a là une régression considérable, en ce que cette mesure constitue en réalité un puissant moyen d'écarter l'application du droit du licenciement. En effet, la rupture conventionnelle présentera pour l'employeur l'intérêt indéniable de ne pas être suspendue à la condition de l'existence d'une cause réelle et sérieuse, exigence qu'on ne retrouve pas ici, en violation de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail. En effet, l'employeur ne sera plus soumis au respect de cette condition : il lui suffira d'obtenir le consentement du salarié.
Avec l'assurance d'une indemnisation de la rupture conventionnelle et du chômage, il y a fort à parier que l'employeur pourra plus facilement obtenir le consentement du salarié. Il existe donc un risque réel que la plupart des licenciements sans cause réelle et sérieuse soient désormais déguisés en rupture conventionnelle. En effet, quand on regarde le texte de près, l'évidence éclate d'un déséquilibre flagrant au bénéfice de l'employeur : alors que le salarié n'a que peu, voire pas de moyens de conduire l'employeur à accepter la rupture conventionnelle au lieu de la démission pure et simple, l'employeur ne manque évidemment pas de moyens de faire accepter cette modalité de rupture du contrat de travail au lieu du licenciement.
Le texte ne prévoit d'ailleurs pas non plus de protection sérieuse des droits des salariés victimes de la pression de l'employeur. Pour masquer la gravité de l'atteinte, on met en avant de nouvelles garanties procédurales, telles que le droit de rétractation dans un délai de quinze jours, ou l'homologation par l'autorité administrative. Toutefois elles sont à vrai dire de bien peu de poids par rapport aux garanties prévues par le droit du licenciement tel qu'il existe aujourd'hui : obligation de convoquer le salarié à un entretien préalable ; obligation de notifier le licenciement par lettre recommandée détaillant les motifs réels et sérieux du licenciement ; obligation de proposer un reclassement au salarié ; obligation de respecter certains délais, prévus pour garantir une décision réfléchie.
Au contraire l'homologation, présentée comme l'ultime protection du salarié, sera réputée acquise au-delà d'un délai de quinze jours, absolument dérisoire aux yeux des inspecteurs du travail.
Autant de raisons pour lesquelles, en ce qui me concerne, je soutiendrai les amendements de suppression de cet article et de ce dispositif de rupture conventionnelle. Si ces amendements devaient ne pas être adoptés, je soutiendrais alors les amendements précisant que la convention de rupture doit mentionner qui est à l'initiative de la rupture et prévoyant que la rupture conventionnelle doit être motivée dans le cas où l'initiative de la rupture appartiendrait à l'employeur. Une telle précision contribuerait à ne pas aggraver l'inégalité entre l'employeur et le salarié.
Madame la présidente, je n'avais pas d'a priori philosophique contre la rupture conventionnelle. Dans des temps, comme au début des années soixante-dix, où il était facile de retrouver un emploi, un tel dispositif n'aurait pas posé de problèmes graves, mais en avait-on même besoin ? Aujourd'hui en revanche, dans un contexte marqué par le chômage, la précarité, les bas salaires, la rupture conventionnelle prend une autre signification.
On nous a opposé l'argument que les employeurs pouvaient aujourd'hui contraindre un salarié à démissionner. C'est vrai, mais la rupture conventionnelle ne vas pas forcément y changer grand-chose puisque cette rupture suppose l'accord des deux parties : un chef d'entreprise pourra en refuser le bénéfice au salarié et le prier de prendre la porte s'il veut partir. Cet article n'apporte pas, en la matière, de garantie supplémentaire.
Ce type de rupture entre employeur et salarié existe déjà, même si ce n'est pas vraiment légal et si les ASSEDIC protestent énergiquement. L'employeur demande souvent au salarié une garantie écrite, par laquelle, même si elle n'a pas de caractère officiel, le salarié reconnaît avoir demandé la rupture et s'engage à ne pas poursuivre l'entreprise devant les prud'hommes. Le système fonctionne même s'il est hors de tout cadre légal.
Si cette rupture conventionnelle peut résoudre certains cas, il en est d'autres où il est un motif d'inquiétude. Les orateurs précédents ont souligné l'absence d'égalité entre le salarié et l'employeur. Je veux pour ma part évoquer plus particulièrement les cas de harcèlement et de discrimination dans les entreprises, qui sont aujourd'hui reconnus et réprimés par la loi, et donc plus souvent dénoncés qu'auparavant.
Dans des situations de ce genre, notamment en cas de harcèlement, le salarié est évidemment poussé vers la porte ; il est fréquent qu'il tombe en dépression et multiplie les arrêts maladie. En effet, quand vous êtes l'objet d'un harcèlement qui rend le climat dans l'entreprise irrespirable, vous n'avez évidemment pas vraiment envie de revenir travailler. On pourrait donc penser que ces salariés aimeraient bénéficier de cette rupture conventionnelle.
Cependant il est déjà arrivé dans de tels cas que des salariés – j'en connais – se heurtent au refus de leur patron de négocier un accord, parce que celui-ci veut les contraindre à partir sans indemnité. Je ne suis donc pas convaincue que cet article réglera de telles situations.
En ce qui concerne notamment les situations de harcèlement et de discrimination, étant donné la façon dont l'accord a été retranscrit, le dispositif de rupture conventionnelle offre quand même assez peu de garanties aux salariés victimes de tels agissements, alors qu'il existe des possibilités d'obtenir réparation par voie judiciaire. À partir du moment où le salarié aura accepté, parfois sous la pression, de signer une convention de rupture, aura-t-il toujours la possibilité de poursuivre l'employeur pour harcèlement ou discrimination ?
Je tiens pour finir à revenir sur un point déjà évoqué : le droit aux prestations des ASSEDIC n'est pas précisé dans le projet de loi. On nous répond que cette question sera réglée dans le cadre des négociations sur l'UNEDIC qui devraient s'ouvrir à la mi-mai. Il vaudrait mieux que la loi précise que l'article 5 portant sur la rupture conventionnelle n'entrera en vigueur qu'une fois la nouvelle convention d'assurance chômage négociée, afin de garantir le droit à l'assurance chômage des salariés qui signeraient une convention de rupture. Nous jetterions sinon ces salariés dans l'incertitude juridique la plus totale. En effet, les ASSEDIC pourraient parfaitement leur opposer l'absence de disposition prévoyant leur indemnisation.
Ce sera le sens d'un de mes amendements. Même s'il a été refusé en commission, je pense qu'il offre une porte de sortie. Il n'est pas rare en effet que la loi suspende l'entrée en vigueur d'une disposition à la réalisation d'une condition définie. Ce serait le moyen de régler cette situation puisque nous nous sommes tous prononcés en commission en faveur du droit à cette indemnisation.
J'avoue que je suis un peu surpris qu'on examine ce texte comme si tout allait bien dans les entreprises...
..comme si les rapports humains y étaient idylliques, comme si on ne savait pas ce qui s'y passe aujourd'hui : des salariés se suicident, y compris des cadres. Pourquoi ces suicides ? Ils étaient un peu givrés, ou quoi ? Vous voyez bien ce qui se passe chez Renault.
Et chez les cheminots !
Cela vous fait sourire, messieurs : on voit que ce n'est pas vous qui travaillez dans ces entreprises et que vous n'êtes pas soumis à la pression que les salariés subissent aujourd'hui.
Je ne parle même pas des caissières ; je ne parle même pas des nombreuses entreprises à main-d'oeuvre féminine. Je ne parle pas non plus de la dégradation continue des conditions de travail.
J'ai évoqué il y a peu le cas de Goodyear. De trente et un repos annuels, on est passé à huit : huit repos seulement à consacrer à sa famille ! Et imposer les 4x8 au prix du bouleversement de toute l'organisation professionnelle et familiale ! Et ces entreprises où le harcèlement moral sévit comme jamais, sans parler de la répression, des sanctions !
Pendant ce temps, on nous dit que ça va beaucoup mieux : la lutte des classes est dépassée, employeurs et salariés vont s'entendre pour se libérer mutuellement. Comme si l'employeur et le salarié étaient dans la même situation !
Des études ont été faites – et sans doute le rapporteur et le ministre les ont-ils lues – pour savoir quelle est la demande en la matière dans les entreprises : pas un salarié ne demande à partir ainsi.
Qui plus est, il ne semble pas que votre dispositif tienne compte de la situation du chômage. Les gens qui viennent me voir ne viennent pas me dire qu'ils veulent aller ici ou là, mais qu'ils voudraient un travail ; et il ne s'agit pas seulement de non-diplômés, mais aussi de bac + 5 ou bac + 6.
Allons donc ! Je vais envoyer tous les Picards qui n'ont pas de travail dans votre région ?
Voilà donc le contexte dans lequel on nous propose ce texte. C'est extraordinaire !
Ce que veulent les patrons, c'est la flexisécurité. Si le terme n'est pas utilisé dans le texte, tout le monde aborde la question : c'est cela, le grand projet.
La flexisécurité à la française, est-elle, comme sa version suédoise, une flexibilité dans la sécurité ? Il s'agit, en fait, de la possibilité pour les employeurs de virer les salariés quand ils veulent. Aujourd'hui, ils ne peuvent pas le faire, car un licenciement coûte cher : à cause du code du travail, il faut engager une longue procédure et démontrer qu'il existe une cause réelle et sérieuse, puis il y a appel. Les employeurs veulent la mobilité et la sécurité, ne plus être embêtés par des procédures, des conseils de prud'hommes et des tribunaux qui leur disent qu'ils vont devoir payer très cher pour un licenciement non justifié.
Voilà le contexte dans lequel ce texte nous est soumis. Si vous croyez que les salariés sont demandeurs, vous rêvez : ne voyez-vous pas les mouvements sociaux qui se manifestent partout contre les conditions de travail, contre les pressions exercées pour faire partir les salariés, contre les mises au placard et contre la répression, pas seulement, d'ailleurs, envers les syndicats. (« Ségolène » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
On nous parle de « rupture conventionnelle ». Les patrons sont contents, mais cette procédure n'intervient jamais à l'initiative d'aucun salarié (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), sinon peut-être dans quelques cas particuliers, qui ne suffisent pas à justifier qu'on l'inscrive dans la loi.
Il semble que je doive vous informer que les licenciements négociés existent déjà ! (« Merci ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Que les deux parties s'arrangent si chacune y trouve son intérêt, cela ne pose aucun problème. En faire la règle, c'est une autre paire de manches ! C'est un véritable recul et je pèse mes mots.
Monsieur le ministre, je sais bien que vous avez d'autres préoccupations, mais permettez-moi de vous dire que vous n'auriez pas dû intituler votre projet de loi : « Modernisation du marché du travail », mais : « La casse du code du travail ». Ce vieux rêve du capital – des salariés sans organisation pour négocier, c'est-à-dire des salariés qui ne puissent pas négocier et auxquels on peut imposer de partir – les patrons ne l'ont pas encore obtenu et j'espère qu'ils ne l'obtiendront pas, car on verrait alors le licenciement de délégués du personnel, de membres des comités d'entreprise, d'élus qui gênent parce qu'ils s'opposent à ces procédés.
Vous auriez atteint votre objectif, monsieur Bertrand : dessaisir les salariés de ce pays de toute possibilité de se défendre. Quelle fête pour le MEDEF, une fête au-delà de ses espérances ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Gremetz, vous avez parlé huit minutes. Je vous prie de bien vouloir conclure.
Nous en venons aux amendements à l'article 5.
La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 107 .
Cet amendement vise à supprimer l'article 5, porteur d'une mesure qui met à bas quarante ans de construction des protections contre le licenciement arbitraire.
Que signifie en effet cette nouvelle modalité de rupture, qui s'ajoute aux dispositifs existants de rupture négociée, sinon la possibilité de contourner radicalement l'obligation de motiver les licenciements sur le fondement d'une cause réelle et sérieuse ? La revendication patronale de la mise en place de la « séparabilité » trouve ici son aboutissement et, avec elle, disparaît la reconnaissance du caractère inégalitaire de la relation contractuelle de travail, qui est au coeur de notre droit.
Cette mesure représente donc un recul fondamental, car c'est un recul que de postuler l'égalité des parties à la négociation quand l'employeur détient seul le pouvoir et le capital. Vous connaissez les réactions qu'ont eues plusieurs organisations syndicales, partis politiques de gauche, associations et organisations progressistes, dont le Syndicat des avocats de France et la Fondation Copernic. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le contenu de l'accord du 11 janvier, en particulier la mise en place de cette rupture conventionnelle.
Le professeur Emmanuel Dockes a évoqué à ce propos la mise en oeuvre d'un cadre légal avantageux pour les démissions déguisées et d'un puissant moyen d'écarter le droit du licenciement. Le même auteur souligne avec justesse qu'il est certes aujourd'hui « possible de pousser un salarié à la démission ou de le faire consentir à une rupture “amiable” », mais que, dans ces deux cas, « le salarié est privé d'indemnisation chômage », circonstance qui peut le faire reculer et contrebalancer les effets des pressions exercées par l'employeur.
Or il n'en ira plus de même désormais et il suffira à l'employeur, comme le souligne encore Emmanuel Dockes, « de menacer le salarié de ne rien payer dans l'immédiat, de lui rappeler le coût et la lenteur des procès, de le menacer du licenciement pour faute grave ou, plus simplement, d'abuser de l'habitude d'obéissance dans laquelle sont certains salariés » pour obtenir leur consentement.
Dans tous les cas, le salarié signera, et ce ne sont pas les maigres garde-fous que vous prévoyez, comme le délai de rétractation ou l'homologation, généralement tacite, par le directeur départemental du travail qui le protégeront. Reste le juge, mais son pouvoir se trouve terriblement affaibli.
Devant l'ampleur des régressions dont est porteuse une telle mesure, qui a vocation à se substituer au licenciement, y compris au licenciement économique, en empêchant la défense collective de l'emploi, nous ne pouvons évidemment que demander la suppression pure et simple de ce dispositif.
La commission a, bien entendu, rejeté cet amendement.
Je tiens par ailleurs à dire que les interventions que nous venons d'entendre sont insultantes pour quatre organisations syndicales de salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
Ce sont les dirigeants de certaines organisations syndicales qui sont en cause !
…qui ont débattu et négocié des jours durant pour parvenir à un accord, qu'il s'agisse de la CFDT, de FO, de la CGC ou de la CFTC. Ces gens n'auraient-ils donc rien compris ?
Il est insultant pour eux de parler, comme vous le faites, de « rétrograder ». Serions-nous ici les détenteurs de la vérité sociale et toutes ces organisations, tous ces responsables se tromperaient-ils donc ?
Ils ne sont pas dans les entreprises. Certains d'entre eux ont oublié ce qui s'y passe !
Cher collègue, après vous avoir écouté pendant de longues minutes, je tenais à vous dire en quelques secondes ce que je ressens profondément. Il n'y a dans mes propos aucune manipulation, mais je trouve les vôtres insultants pour tous ces gens qui ont négocié. Seraient-ils, non pas des responsables syndicaux, mais des « irresponsables » syndicaux ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dites-le donc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
C'est ce qui s'appelle remettre les pendules à l'heure. Même avis que la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La question n'est pas de savoir si vous l'acceptez ! (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Depuis le début de nos débats a été constamment rappelé le contexte dans lequel intervient ce projet de loi. Votre objectif, que l'on peut d'ailleurs comprendre et dont certains d'entre vous ne se cachent pas, est de remettre en cause les droits acquis par les salariés… (« Qui ? Qui ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Prouvez-le ?
…et d'adapter notre pays à ce que j'appelle dans mon jargon les exigences du capitalisme financier. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il y a des mots qui fâchent ! Cela porte pourtant un nom, monsieur le rapporteur : c'est la lutte des classes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nier cela, c'est tout simplement nier la réalité.
Quant à ce que vous appelez les négociations, voici comment elles se déroulent : le Président de la République, le Premier ministre et le ministre du travail font comprendre aux « partenaires sociaux » – j'ai déjà dit hier que je n'aime pas cette expression (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) – qu'il leur faut parvenir à un accord conforme aux objectifs affirmés par le Président de la République et la majorité lors des campagnes électorales. On leur fait comprendre de la façon la plus claire possible que, faute d'accord sur ces objectifs, le Gouvernement présentera un texte bien plus dur. Je ne mets nullement en cause, bien entendu, les responsables syndicaux, dont certains sont amenés à penser qu'il vaut mieux un mauvais compromis que des décisions défavorables aux salariés qui leur seraient imposées.
Voilà donc où nous en sommes.
Cerise sur le gâteau, que vous avez ajoutée voilà quelques jours : vous demandez aux parlementaires, particulièrement à ceux de la majorité, de ne pas toucher à cet accord. Non content de ficeler les mains des partenaires sociaux, tout particulièrement des syndicats – car je ne doute pas que les liaisons aient été faciles entre l'UMP et, notamment, le MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) –, vous avez voulu empêcher les parlementaires de mettre leur nez dans cette affaire…
…et vous leur avez en quelque sorte demandé de se contenter de signer.(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est parce que nous avons obtenu de pouvoir le faire, monsieur le rapporteur.
Ne dites pas que nous prétendons que les organisations syndicales ne sont pas responsables.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quelle mauvaise foi !
Le fait est que vous avez obtenu de certaines d'entre elles qu'elles acceptent de signer devant la menace d'un texte gouvernemental plus dur. (« Très bien » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
… aujourd'hui, vous en revenez à la lutte des classes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Rappelons tout de même qu'il s'agit d'un accord national interprofessionnel, négocié et signé par quatre organisations syndicales sur cinq et qu'il ne fait que transcrire une pratique qui existe depuis un certain temps déjà. Je ne compte pas les fois où, en tant que conseiller prud'homal, j'ai assisté à la conclusion d'accords par conciliation tout à fait analogues à ceux qui font l'objet de l'article 5. Simplement, ce texte entend les encadrer et les faire contrôler par l'administration afin d'éviter tout préjudice aux salariés.
Certes, il convient d'être vigilants et nous comptons sur le Gouvernement pour apporter toutes les précisions nécessaires au cours du débat. Pour autant, inutile d'invoquer la lutte des clases : certains propos vont trop loin, à mon avis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'aimerais évoquer un fait d'une actualité brûlante : la société GT Logistics a été condamnée pour « atteinte manifeste au droit de grève » ; et sans doute l'avez-vous encouragée, monsieur le ministre !
Il me faut ici citer l'article dont je tire mes sources :
« Le 12 février, après deux débrayages consécutifs à l'échec de négociations salariales, le président de GT, Éric Sarrat, avait fait une offre inhabituelle à ses personnels basés à Tarnos : chaque salarié pouvait recevoir une “avance permanente” de 1 000 euros s'il promettait de maintenir la “permanence de sa prestation”, la somme étant remboursée en cas de non-respect du « deal ». Cette démarche avait été formalisée dans un “contrat de garantie” – ce que vous nous proposez ici – ; une quarantaine de personnes l'avait signé, d'après Pierre Prat de la CFDT, environ soixante selon la direction.
« Estimant que leur employeur cherchait à racheter le droit de grève, une partie des salariés a saisi la justice. L'audience s'est tenue le 1er avril. Dans son ordonnance, le TGI de Dax a indiqué que l'initiative de GT Logistics “équivaut à exercer une menace ou une pression sur chaque salarié”. Elle constitue même une “atteinte au droit de grève” car elle pose comme condition au maintien des 1 000 euros “ le renoncement à toute action de grève ou débrayage futurs”. Le juge a, en conséquence, ordonné l'annulation du “contrat de garantie”. »
Voilà un bon exemple de ce que vous allez générer !
Nous en venons à l'amendement n° 159 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Favorable.
La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l'amendement n° 109 rectifié .
Nous proposons avec cet amendement de compléter la rédaction de l'article 5 en précisant clairement que la rupture doit être motivée. Nous pourrions même soutenir que nous présentons un amendement de précision, car il s'agit en fait de rappeler simplement qu'il y a toujours obligation de motiver la rupture du contrat de travail.
La convention n° 158 de l'OIT fixe les grands principes juridiques applicables en cas de licenciement et en définit ainsi le champ d'application : « Aux fins de la présente convention, le terme de licenciement signifie la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur ».
La rupture conventionnelle du contrat de travail, si elle est conclue à l'initiative de l'employeur, se trouve donc de fait soumise aux exigences de la convention internationale, à moins de considérer que la convention de rupture constitue un renoncement anticipé au droit du licenciement, ce qui est une pratique prohibée.
Notre raisonnement se trouve du reste conforté par un arrêt récent de la Cour de cassation, en date du 5 mars 2008, qui précise que, dans le cas d'une convention de reclassement personnalisé, « une rupture qui est réputée d'un commun accord ne prive pas le salarié de la possibilité d'en contester le motif économique ». On ne peut être plus clair.
C'est parce qu'il y aurait dans l'absence de toute obligation de motivation un évident motif d'inconstitutionnalité de votre texte que nous vous proposons de l'amender ainsi.
La commission a rejeté cet amendement.
Je comprends la logique de M. Paul, qui en reste à l'idée que la rupture ne peut être véritablement conventionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) De là vient une incompréhension majeure par rapport au principe même de l'article 5, qui précise bien que la rupture « ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties » et qu'elle n'a pas à être motivée, puisqu'elle intervient d'un commun accord.
Les garanties, que vous vous refusez à prendre en compte, sont pourtant bien réelles ; elles sont même encadrées par des règles de procédure : assistance du tiers, délai de rétractation, …
…homologation administrative et, bien évidemment, possibilité de recours contentieux afin que le juge puisse sanctionner d'éventuels détournements de la procédure, à travers l'appréciation du « libre consentement », qui vous chiffonne tant.
La rigueur de la Cour de cassation dans le contrôle de la « volonté claire et non équivoque des deux parties » en cas de rupture négociée ne laisse aucune place à l'inquiétude. Les abus de faiblesse et les pressions continueront d'être systématiquement sanctionnés.
Avis défavorable également.
Je mets aux voix l'amendement n° 109 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour défendre l'amendement n° 19 .
L'amendement n° 19 est retiré.
Nous en venons donc à l'amendement n° 31 rectifié .
La parole est à M. Jean Mallot, pour le soutenir.
M. Gille a déjà souligné le caractère déterminant de cet amendement dans son intervention.
Si le dispositif prévu à l'article 5 devait conduire à écarter les salariés de la possibilité de bénéficier de l'assurance chômage, nous serions contraints de changer la position qui était la nôtre jusqu'à présent.
Notre amendement a donc pour objet de faire en sorte que « les salariés dont la rupture du contrat de travail résulte d'une rupture conventionnelle […] bénéficient du versement des allocations d'assurance chômage dans des conditions de droit commun, dès lors que la rupture conventionnelle a été homologuée par l'autorité compétente. » Nous reprenons les termes exacts de l'ANI, tels qu'ils figurent à la page 14 de la version la plus diffusée.
Cette précision est indispensable. En effet, les dispositions générales relatives à l'indemnisation précisent que seuls « les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement ». Or les salariés dont la rupture du contrat de travail relève d'un commun accord ne sauraient être considérés comme tels. On peut donc craindre qu'une contradiction de ce type n'ait des conséquences inacceptables.
Ne pas retenir cet amendement serait trahir l'accord. Il a d'ailleurs été soutenu par la commission, même si certains de ses membres appartenant à la majorité ont invoqué l'argument selon lequel notre proposition pourrait coûter cher à l'UNEDIC, argument bien évidemment irrecevable. Si vous voulez instaurer cette modalité de rupture conventionnelle, il faut en assumer les conséquences. Il ne peut pas y avoir que des avantages pour les employeurs !
Cet amendement a donné lieu à de nombreux débats en commission. Sur le fond, tout le monde s'accordait sur le principe du droit à indemnisation mais certains, dont je suis, estimaient qu'une telle disposition n'était pas du ressort de la loi, d'autant que nous devons attendre que les modalités d'indemnisation soient définies par convention.
En outre, se pose toujours le problème de la période intermédiaire, sur lequel nous avons aussi beaucoup discuté.
Cependant, la commission l'a finalement accepté. Le Gouvernement pourrait sans doute en faire de même.
Je tiens à m'expliquer sur cet amendement.
Il a toujours été clair dans notre esprit que la rupture conventionnelle ouvrait droit à l'indemnisation du chômage. C'est la raison pour laquelle M. le président de la commission a pu se poser la question de l'impact d'une telle mesure sur les comptes de l'assurance chômage.
Cela étant, si nous n'avons pas intégré cette précision dans la transposition de l'accord, c'est parce que nous estimons qu'elle renvoie à une décision de la responsabilité des partenaires sociaux. Il leur appartiendra d'en juger au moment où ils auront à renégocier le dispositif de l'assurance chômage.
D'ailleurs, monsieur Gille, – et n'y voyez aucune cruauté de ma part –…
…n'y a-t-il pas dans votre propos une contradiction, qu'un esprit malin ou chagrin aurait d'ailleurs pu déceler ?
Vous avez en effet plaidé avec talent pour le paritarisme alors même que votre amendement va à son encontre puisque vous demandez au législateur d'intervenir dès aujourd'hui sur cette question dont on peut penser qu'elle relève au contraire de la compétence pleine et entière des responsables paritaires de l'assurance chômage.
Justement !
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée, tout simplement parce qu'il y va du respect des partenaires sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Poisson et M. Lefebvre sont intervenus à plusieurs reprises pour exprimer leur souhait que la lumière soit faite sur ce point. Je sais que sur les bancs de l'UMP, cette position est largement partagée, mais je pense avoir été particulièrement clair à ce propos.
Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cet amendement vise à offrir aux salariés la possibilité d'un conseil extérieur à l'entreprise, lors des entretiens prévus à l'article L. 1237-12 du code du travail. L'enjeu a été clairement souligné par le Conseil national des barreaux et nous partageons leurs conclusions.
Le texte proposé par le Gouvernement pour l'article L. 1237-12 prévoit que le salarié peut se faire assister, soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. Il s'agit des mêmes personnes que celles qui peuvent assister le salarié lors de l'entretien préalable au licenciement. C'est donc une simple transposition. Or les deux situations sont pourtant très différentes. Le rôle de l'assistant, limité dans le cas de l'entretien préalable, devient beaucoup plus important dès lors qu'il s'agit de conseiller un salarié sur le principe de la rupture de son contrat de travail.
Dans le cas d'une rupture conventionnelle, le rôle de l'assistant sera nécessairement celui de conseil juridique supposant non seulement d'être à même d'éclairer le salarié sur le principe, mais aussi les incidences et les modalités de la rupture conventionnelle, dans un contexte où il est probable que des différends apparaîtront sur les conditions dans lesquelles pourrait intervenir cette rupture.
Il nous paraît ainsi particulièrement utile de prévoir que le salarié peut se faire assister par un conseil extérieur à l'entreprise, l'avocat présentant toutes les aptitudes et compétences nécessaires.
J'ajoute que cet amendement va dans le même sens que l'amendement n° 132 de Mme Billard.
Ce n'est pas moi qui vous dirai que le magistère, l'entremise, l'intervention de l'avocat serait sans efficacité. Je note que, sur ce point, M. Paul est en total désaccord avec M. Gremetz qui, en commission, a plaidé contre cet amendement au motif qu'il introduit une forme de défiance à l'égard des représentants habilités des salariés et de leur efficacité.
En l'occurrence, la commission estime qu'il faut suivre la position de M. Gremetz et repousser cet amendement.
Je crois pouvoir dire que les signataires de l'accord national interprofessionnel qui ont évoqué la question ont décidé de calquer leur position sur celle prise en cas de licenciement. Comme vous le savez, le salarié ne peut alors pas se faire assister par un avocat. En application du principe d'égalité des armes, si je puis dire, entre l'employeur et l'employé, la Cour de cassation applique la même restriction à l'employeur.
Nous savons que l'ordre des avocats souhaiterait pouvoir entrer dans cette procédure. Sans lui faire insulte, je crois qu'il est plus raisonnable d'en rester à ce qu'ont voulu les partenaires sociaux, c'est-à-dire aux modalités qui existent pour le droit du licenciement et de repousser l'office de l'avocat.
Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Apporter une modification à l'accord national interprofessionnel changerait sa nature. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point ce soir car le débat est intéressant.
Par ailleurs, je rappelle que la jurisprudence de la Cour de cassation est constante et qu'elle apporte des garanties afin d'éviter tout déséquilibre dans les représentations et les assistances de l'une ou l'autre des parties.
Comme je l'ai dit en commission, je suis contre cet amendement.
Ce n'est pas alors que l'on remet de plus en plus en cause les représentants du personnel, des comités d'entreprise, des délégués du personnel, qu'on leur donne de moins en moins de pouvoir et qu'on désigne des délégués aux prud'hommes, mais aussi des salariés chargés de représenter les salariés qu'il faut les dévaloriser en demandant la présence d'un avocat.
En général, les syndicats ont leur propre avocat. Aussi, ceux qui pensent pouvoir récupérer un marché supplémentaire – j'ai reçu un courrier de quelqu'un qui estimait que les avocats n'avaient pas assez de clients – se trompent. Qu'ils cherchent ailleurs ! Mais là n'est pas la question.
On n'est donc pas toujours obligé d'avoir recours à un avocat – de surcroît cela coûte moins cher –, sauf si l'on considère que les représentants des salariés n'ont aucune formation, aucune connaissance du code du travail.
Qu'un avocat intervienne sur ces questions pourrait déclencher la suspicion.
Je m'intéresse d'autant plus à ce sujet que les partenaires se sont inspirés d'un texte relatif à l'entretien préalable qui prévoit la présence d'un délégué syndical ou d'un délégué du salarié ; il s'agissait en fait d'un texte du groupe socialiste, dont j'avais été le rapporteur dans les années 90.
Le parallélisme retenu par les partenaires sociaux a-t-il un fondement au titre de la défense des intérêts des individus ? Je pense qu'en la matière ils sont allés un peu vite en besogne.
Alors que, au moment de l'entretien préalable, il faut tenter d'éviter le licenciement, lors de la rupture conventionnelle, ce sera tout à fait autre chose puisqu'il s'agira d'organiser les conditions de la séparation. Je pense donc que là, comparaison n'est pas raison.
L'amendement ne prévoit pas qu'il serait obligatoire de se faire assister par un avocat. Il s'agirait seulement d'une possibilité et l'aide juridictionnelle pourrait également fonctionner dans ces cas-là. C'est plutôt une liberté supplémentaire qu'on accorderait. On ne priverait personne d'aucun droit puisqu'il n'y aurait aucune obligation.
Je rappelle également que des délégués syndicaux font parfois appel à des avocats pour intervenir à leurs côtés ; il en est de même pour les employeurs.
Parce que l'engagement que prendra le salarié est très important, il doit être éclairé sur son éventuel accord en cas de rupture conventionnelle.
L'avis du Gouvernement est favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 10 .
(L'amendement est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant modernisation du marché du travail.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma