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Intervention de Martine Billard

Réunion du 16 avril 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Madame la présidente, je n'avais pas d'a priori philosophique contre la rupture conventionnelle. Dans des temps, comme au début des années soixante-dix, où il était facile de retrouver un emploi, un tel dispositif n'aurait pas posé de problèmes graves, mais en avait-on même besoin ? Aujourd'hui en revanche, dans un contexte marqué par le chômage, la précarité, les bas salaires, la rupture conventionnelle prend une autre signification.

On nous a opposé l'argument que les employeurs pouvaient aujourd'hui contraindre un salarié à démissionner. C'est vrai, mais la rupture conventionnelle ne vas pas forcément y changer grand-chose puisque cette rupture suppose l'accord des deux parties : un chef d'entreprise pourra en refuser le bénéfice au salarié et le prier de prendre la porte s'il veut partir. Cet article n'apporte pas, en la matière, de garantie supplémentaire.

Ce type de rupture entre employeur et salarié existe déjà, même si ce n'est pas vraiment légal et si les ASSEDIC protestent énergiquement. L'employeur demande souvent au salarié une garantie écrite, par laquelle, même si elle n'a pas de caractère officiel, le salarié reconnaît avoir demandé la rupture et s'engage à ne pas poursuivre l'entreprise devant les prud'hommes. Le système fonctionne même s'il est hors de tout cadre légal.

Si cette rupture conventionnelle peut résoudre certains cas, il en est d'autres où il est un motif d'inquiétude. Les orateurs précédents ont souligné l'absence d'égalité entre le salarié et l'employeur. Je veux pour ma part évoquer plus particulièrement les cas de harcèlement et de discrimination dans les entreprises, qui sont aujourd'hui reconnus et réprimés par la loi, et donc plus souvent dénoncés qu'auparavant.

Dans des situations de ce genre, notamment en cas de harcèlement, le salarié est évidemment poussé vers la porte ; il est fréquent qu'il tombe en dépression et multiplie les arrêts maladie. En effet, quand vous êtes l'objet d'un harcèlement qui rend le climat dans l'entreprise irrespirable, vous n'avez évidemment pas vraiment envie de revenir travailler. On pourrait donc penser que ces salariés aimeraient bénéficier de cette rupture conventionnelle.

Cependant il est déjà arrivé dans de tels cas que des salariés – j'en connais – se heurtent au refus de leur patron de négocier un accord, parce que celui-ci veut les contraindre à partir sans indemnité. Je ne suis donc pas convaincue que cet article réglera de telles situations.

En ce qui concerne notamment les situations de harcèlement et de discrimination, étant donné la façon dont l'accord a été retranscrit, le dispositif de rupture conventionnelle offre quand même assez peu de garanties aux salariés victimes de tels agissements, alors qu'il existe des possibilités d'obtenir réparation par voie judiciaire. À partir du moment où le salarié aura accepté, parfois sous la pression, de signer une convention de rupture, aura-t-il toujours la possibilité de poursuivre l'employeur pour harcèlement ou discrimination ?

Je tiens pour finir à revenir sur un point déjà évoqué : le droit aux prestations des ASSEDIC n'est pas précisé dans le projet de loi. On nous répond que cette question sera réglée dans le cadre des négociations sur l'UNEDIC qui devraient s'ouvrir à la mi-mai. Il vaudrait mieux que la loi précise que l'article 5 portant sur la rupture conventionnelle n'entrera en vigueur qu'une fois la nouvelle convention d'assurance chômage négociée, afin de garantir le droit à l'assurance chômage des salariés qui signeraient une convention de rupture. Nous jetterions sinon ces salariés dans l'incertitude juridique la plus totale. En effet, les ASSEDIC pourraient parfaitement leur opposer l'absence de disposition prévoyant leur indemnisation.

Ce sera le sens d'un de mes amendements. Même s'il a été refusé en commission, je pense qu'il offre une porte de sortie. Il n'est pas rare en effet que la loi suspende l'entrée en vigueur d'une disposition à la réalisation d'une condition définie. Ce serait le moyen de régler cette situation puisque nous nous sommes tous prononcés en commission en faveur du droit à cette indemnisation.

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