Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la rupture conventionnelle de l'article 5 est souvent présentée comme la mesure phare de l'accord, alors qu'elle est, au contraire, une régression considérable.
En réalité, cette mesure reprend la revendication patronale de « séparabilité à l'amiable », en créant une nouvelle catégorie de rupture du contrat de travail, de gré à gré. Cette rupture de gré à gré postule l'égalité des parties à la négociation. Or nous n'avons pas à répéter une nouvelle fois, dans cette enceinte que la relation entre employeur et salarié est inégalitaire en raison de la subordination dans laquelle se trouve toujours le salarié.
Il y a là une régression considérable, en ce que cette mesure constitue en réalité un puissant moyen d'écarter l'application du droit du licenciement. En effet, la rupture conventionnelle présentera pour l'employeur l'intérêt indéniable de ne pas être suspendue à la condition de l'existence d'une cause réelle et sérieuse, exigence qu'on ne retrouve pas ici, en violation de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail. En effet, l'employeur ne sera plus soumis au respect de cette condition : il lui suffira d'obtenir le consentement du salarié.
Avec l'assurance d'une indemnisation de la rupture conventionnelle et du chômage, il y a fort à parier que l'employeur pourra plus facilement obtenir le consentement du salarié. Il existe donc un risque réel que la plupart des licenciements sans cause réelle et sérieuse soient désormais déguisés en rupture conventionnelle. En effet, quand on regarde le texte de près, l'évidence éclate d'un déséquilibre flagrant au bénéfice de l'employeur : alors que le salarié n'a que peu, voire pas de moyens de conduire l'employeur à accepter la rupture conventionnelle au lieu de la démission pure et simple, l'employeur ne manque évidemment pas de moyens de faire accepter cette modalité de rupture du contrat de travail au lieu du licenciement.
Le texte ne prévoit d'ailleurs pas non plus de protection sérieuse des droits des salariés victimes de la pression de l'employeur. Pour masquer la gravité de l'atteinte, on met en avant de nouvelles garanties procédurales, telles que le droit de rétractation dans un délai de quinze jours, ou l'homologation par l'autorité administrative. Toutefois elles sont à vrai dire de bien peu de poids par rapport aux garanties prévues par le droit du licenciement tel qu'il existe aujourd'hui : obligation de convoquer le salarié à un entretien préalable ; obligation de notifier le licenciement par lettre recommandée détaillant les motifs réels et sérieux du licenciement ; obligation de proposer un reclassement au salarié ; obligation de respecter certains délais, prévus pour garantir une décision réfléchie.
Au contraire l'homologation, présentée comme l'ultime protection du salarié, sera réputée acquise au-delà d'un délai de quinze jours, absolument dérisoire aux yeux des inspecteurs du travail.
Autant de raisons pour lesquelles, en ce qui me concerne, je soutiendrai les amendements de suppression de cet article et de ce dispositif de rupture conventionnelle. Si ces amendements devaient ne pas être adoptés, je soutiendrais alors les amendements précisant que la convention de rupture doit mentionner qui est à l'initiative de la rupture et prévoyant que la rupture conventionnelle doit être motivée dans le cas où l'initiative de la rupture appartiendrait à l'employeur. Une telle précision contribuerait à ne pas aggraver l'inégalité entre l'employeur et le salarié.