Si vous le permettez, madame la présidente, je défends en même temps l'amendement n° 105 .
Comme l'a excellemment rappelé mon collègue Daniel Paul, l'article 4 pourrait bien être l'arbre qui cache la forêt, ou celui du passage à la moulinette de l'exigence d'une « cause réelle et sérieuse » du licenciement. Certes, l'attaque n'est pas frontale. Le fait que l'article 158 de la convention de l'OIT ait été déclaré d'application directe interdit l'abrogation pure et simple de la cause réelle et sérieuse. Cette convention impose, en effet, que tout licenciement soit assorti d'un motif valable, lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur, ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service, termes qui ne sont pas sans évoquer les motifs personnels et économiques retenus en droit français.
Vous avez donc pris le problème par la bande. L'accord, comme le projet de loi, se révèle, à cet égard, d'une étonnante créativité.
L'accord a d'abord réduit le domaine de la cause réelle et sérieuse par un procédé très simple, l'allongement de la période d'essai qui augmente d'autant l'ancienneté nécessaire pour bénéficier de la protection de la clause de la « cause réelle et sérieuse ». Il autorise, ensuite, un nouveau cas de recours au contrat à durée déterminée, avec le contrat à objet défini ou contrat de mission, cher au patronat, comme chacun le sait. Il plafonne la sanction de l'absence de « cause réelle et sérieuse » et il permet de déguiser la plupart des licenciements sans « cause réelle et sérieuse » en ruptures conventionnelles.
Grâce à cet accord et à votre projet de loi, les employeurs peuvent se réjouir. Ils disposent désormais d'un nouvel arsenal juridique suffisamment élaboré pour contourner sans difficulté l'exigence de la cause réelle et sérieuse.
Cerise sur le gâteau, ce fameux article 4 propose de remplacer la notion de licenciement « motivé » par celle, plus vague et sans existence juridique, de licenciement « justifié ». À nos yeux, cette formulation menace directement la solution retenue par la jurisprudence, qui considère que l'insuffisance de motifs dans la lettre de licenciement équivaut à une absence de cause réelle et sérieuse. La notion de justification signifie-t-elle qu'un employeur pourrait se contenter de mentionner comme motif de licenciement une « faute », sans viser aucun grief précis ? Nous le craignons.
L'esprit de l'accord est d'autoriser l'employeur à se contenter de motivations vagues et imprécises. Il sera toujours temps de trouver un motif plus sérieux, plus tard, devant le juge avec l'assistance d'un avocat inventif.
Vous comprendrez, dès lors, que nous tenons particulièrement à faire obstacle à cette dangereuse dérive en vous proposant de revenir à l'emploi du terme « motivé ». Tel est l'objet de nos deux amendements nos 104 et 105 .