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Intervention de Martine Billard

Réunion du 16 avril 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Article 4, amendement 57

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Cet amendement porte sur l'alinéa 10 de l'article 4, et concerne l'article L. 1234-9 du code du travail qui traite des indemnités de licenciement.

Actuellement, le code du travail distingue deux cas de figure : l'indemnité de licenciement pour motif personnel ou pour motif économique. Dans les deux cas, il faut compter deux ans d'ancienneté dans l'entreprise pour prétendre à l'indemnité de licenciement. L'accord et le texte transposé prévoient de réduire de deux à un an la durée minimale de présence dans l'entreprise pour avoir droit à cette indemnité. Il s'agit là d'une évolution positive.

Cependant, l'alinéa 10 modifie la phrase suivante du code du travail actuel : « le taux de cette indemnité est différent suivant que le motif du licenciement est économique ou personnel ». Qu'est-ce que cela signifie ? À l'heure actuelle, au bout de deux ans d'ancienneté, l'indemnité se situe à un cinquième de mois par année de présence. Ainsi, un salarié faisant valoir dix ans d'ancienneté perçoit deux mois de salaire comme indemnité en cas de licenciement. Certaines affaires médiatiques ont suscité beaucoup de fantasmes à propos des indemnités de licenciement. Les salariés n'imaginent pas toujours qu'elle sont bien encadrées, et ils pensent qu'ils vont toucher le pactole. Plus dur est l'atterrissage quand ils se rendent compte que dix ans d'ancienneté ne donnent droit qu'à 2 000 euros d'indemnités de licenciement lorsqu'on gagne le SMIC. Les autres indemnités dépendent des luttes que peuvent mener les salariés pour obtenir davantage, mais elles ne sont pas prévues dans le code du travail.

Cette petite phrase du code actuel, qui prévoit une possible différence de traitement selon que le licenciement est économique ou personnel, n'est pas sans conséquences sur le montant des indemnisations, notamment en cas de licenciement économique de salariés présents dans l'entreprise depuis plus de dix ans. Ces deniers bénéficient d'une majoration de la prime d'indemnité de licenciement. Exemple : un salarié avec trente ans d'ancienneté et gagnant 2 000 euros par mois peut prétendre à une indemnité de licenciement de 17 300 euros, en l'état actuel du code du travail. Avec la nouvelle formulation que vous proposez et qui consiste à supprimer cette différence, le salarié percevra une indemnité de 12 000 euros, soit 5 300 euros ou 30 % de moins qu'auparavant. En effet, tel que l'article est rédigé, l'indemnité supplémentaire – passé les dix ans d'ancienneté en cas de licenciement économique – disparaît du texte.

Mon amendement vise donc à éviter cette situation en adoptant la formulation suivante : « Le taux de cette indemnité est identique suivant que le motif du licenciement est économique ou personnel pour les salariés ayant moins de dix ans d'ancienneté. Il peut être plus élevé en cas de licenciement pour motif économique si le salarié a plus de dix ans d'ancienneté. » Ce sera alors aux partenaires sociaux de négocier cette possible majoration.

Monsieur le rapporteur, je sais que vous allez me répondre que ce n'est pas dans l'accord. Mais que diront les salariés lorsqu'ils apprendront qu'un accord signé prévoit de réduire de près d'un tiers les indemnités des licenciés économiques avec trente ans d'ancienneté ? En ce moment, nombre d'entreprises qui ferment ou licencient sont dans ce cas : leurs salariés ont des anciennetés très élevées. Rappelons l'exemple des salariées de Moulinex dont beaucoup n'ont pas retrouvé d'emploi. Elles se sont battues ; elles ont obtenu des indemnités de licenciement plus élevées que celles prévues par le code du travail. Mais avec cette modification, dans les petites entreprises où la lutte est moins facile ou inexistante, les salariés subiront une vraie perte par rapport à ce qu'autorise aujourd'hui le code du travail. Il me semble invraisemblable que la conséquence de cet accord, tel que rédigé et transposé dans ce projet de loi, n'ait pas alarmé un peu plus l'opinion publique et provoqué une réaction massive des salariés. Car, au nom de la modernisation du marché du travail – puisque l'inventivité du droit du travail en matière de vocabulaire est assez impressionnante depuis 2002 –, les salariés seront finalement les dindons de la farce, si vous me permettez l'expression. Et ils n'y sont peut-être pas prêts.

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