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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 16 avril 2008 à 15h00
Modernisation du marché du travail — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Cet amendement vise à supprimer l'article 5, porteur d'une mesure qui met à bas quarante ans de construction des protections contre le licenciement arbitraire.

Que signifie en effet cette nouvelle modalité de rupture, qui s'ajoute aux dispositifs existants de rupture négociée, sinon la possibilité de contourner radicalement l'obligation de motiver les licenciements sur le fondement d'une cause réelle et sérieuse ? La revendication patronale de la mise en place de la « séparabilité » trouve ici son aboutissement et, avec elle, disparaît la reconnaissance du caractère inégalitaire de la relation contractuelle de travail, qui est au coeur de notre droit.

Cette mesure représente donc un recul fondamental, car c'est un recul que de postuler l'égalité des parties à la négociation quand l'employeur détient seul le pouvoir et le capital. Vous connaissez les réactions qu'ont eues plusieurs organisations syndicales, partis politiques de gauche, associations et organisations progressistes, dont le Syndicat des avocats de France et la Fondation Copernic. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le contenu de l'accord du 11 janvier, en particulier la mise en place de cette rupture conventionnelle.

Le professeur Emmanuel Dockes a évoqué à ce propos la mise en oeuvre d'un cadre légal avantageux pour les démissions déguisées et d'un puissant moyen d'écarter le droit du licenciement. Le même auteur souligne avec justesse qu'il est certes aujourd'hui « possible de pousser un salarié à la démission ou de le faire consentir à une rupture “amiable” », mais que, dans ces deux cas, « le salarié est privé d'indemnisation chômage », circonstance qui peut le faire reculer et contrebalancer les effets des pressions exercées par l'employeur.

Or il n'en ira plus de même désormais et il suffira à l'employeur, comme le souligne encore Emmanuel Dockes, « de menacer le salarié de ne rien payer dans l'immédiat, de lui rappeler le coût et la lenteur des procès, de le menacer du licenciement pour faute grave ou, plus simplement, d'abuser de l'habitude d'obéissance dans laquelle sont certains salariés » pour obtenir leur consentement.

Dans tous les cas, le salarié signera, et ce ne sont pas les maigres garde-fous que vous prévoyez, comme le délai de rétractation ou l'homologation, généralement tacite, par le directeur départemental du travail qui le protégeront. Reste le juge, mais son pouvoir se trouve terriblement affaibli.

Devant l'ampleur des régressions dont est porteuse une telle mesure, qui a vocation à se substituer au licenciement, y compris au licenciement économique, en empêchant la défense collective de l'emploi, nous ne pouvons évidemment que demander la suppression pure et simple de ce dispositif.

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