La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Monsieur le président, ce matin, lors d'une discussion approfondie, M. le ministre de l'immigration m'a répondu que tous les décrets d'application de la précédente loi relative à l'immigration, votée sous l'impulsion de M. Sarkozy, alors ministre d'État, ministre de l'intérieur, avaient été publiés, à l'exception d'un. Il se trouve que sur le site internet du Sénat, qui ne passe pas vraiment pour être un organe de contestation du gouvernement actuel, figure un état de l'application de la loi, ce qui apparaît somme toute normal s'agissant d'une institution parlementaire faisant sérieusement son travail. Y sont recensées toutes les mesures réglementaires prévues par la loi qui ne sont pas encore entrées en vigueur. Et il y apparaît que dix-huit décrets ne sont toujours pas publiés à ce jour.
J'en citerai quelques-uns qui se rapportent précisément aux mesures de durcissement du regroupement familial. S'agissant des conditions d'application du contrat d'accueil et d'intégration, le décret en Conseil d'État est « en attente de publication », selon le document du Sénat. Il en va de même pour la rémunération minimale pour l'étudiant étranger complétant sa formation et exerçant un emploi en relation avec sa formation, pour les conditions d'appréciation de l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, pour les conditions d'application de la dérogation accordée à l'étudiant étranger admis à suivre une formation en vue de l'obtention d'un diplôme au moins équivalent au mastère ainsi que pour la carte de séjour « compétences et talents ». Et la liste se poursuit.
Monsieur le ministre de l'immigration, vous qui avez cédé à la facilité de vouloir faire la leçon à un parlementaire, retirez au moins vos propos selon lesquels nous sommes « mal informés ». Mais peut-être est-ce le Sénat, devant lequel le Président de la République aime à se produire, qui perd la tête ?
En tout état de cause, veuillez nous éclairer sur cette liste que je remets à M. le président de la commission des lois pour que nous ayons des réponses précises sur chacun des dix-huit décrets en attente.
Il est inacceptable que la représentation nationale soit réunie pour voter un texte alors que les mesures réglementaires relatives à la loi précédente ne sont toujours pas mises en oeuvre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Monsieur le député, vous vous interrogez très légitimement sur la publication des décrets d'application. Je ne vous en fais en aucun cas le reproche, je me réjouis même que vous preniez fait et cause pour le Sénat, en vous appuyant sur des documents issus de la Haute assemblée. Les sénateurs en seront sûrement très flattés.
Cela dit, la plupart des décrets que vous évoquez ont été publiés. Le décret relatif au contrat d'accueil et d'intégration a ainsi été publié en décembre 2006, le décret concernant la carte de séjour « compétences et talents », en mars 2007 ; le décret concernant la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour ainsi que le décret relatif à l'assistance au transit dans le cadre des mesures d'éloignement par voie aérienne ont eux aussi été publiés. Je tiens à votre disposition la liste complète.
Je vous réponds de manière très apaisée, conformément à votre souhait que nous ayons un débat serein. Sachez simplement que les informations que j'ai fournies ce matin sont vérifiables. Sans doute y a-t-il un petit retard dans les mises à jour du Sénat et nous allons chercher à en connaître les raisons.
Les déclarations publiques dans les médias se sont multipliées ces dernières heures. M. le Premier ministre aurait déjà tranché s'agissant de la question des fameux tests ADN alors que nous avons seulement commencé à examiner ce projet de loi. Cela est fâcheux pour la qualité de nos débats. Quelle décision prendra la majorité présidentielle ? Nous le verrons bien dans les heures qui suivent.
Alors que nous nous apprêtons à discuter du tristement célèbre amendement Mariani, qui veut obliger les candidats au regroupement familial à passer par la « case test génétique de filiation », permettez-moi, monsieur le président, de relayer deux appels solennels.
Le premier émane de chercheurs, de professeurs, médecins, d'anciens parlementaires, de membres du comité consultatif national d'éthique, ayant contribué à l'élaboration des lois sur la bioéthique, lesquelles, je vous le rappelle, admettent la mise en oeuvre de tests génétiques ayant pour finalité l'identification d'une personne et la détermination d'une filiation seulement sur saisine judiciaire. Tous nous demandent, monsieur le ministre, de ne pas persévérer dans la voie ouverte par cet amendement, qui n'est pas digne de notre pays et de son peuple.
Selon Axel Kahn et Didier Sicard, lier filiation et regroupement familial serait une « régression radicale » car cela reviendrait à réduire le lien de filiation à la seule dimension biologique et à réintroduire un délit de bâtardise.
« Acceptons-nous que les principes moraux essentiels en ce qui concerne une famille française deviennent subalternes, appliqués à une famille étrangère ? » s'interrogent-ils.
Vous verrez qu'il s'agit bel et bien d'un rappel au règlement.
Ils nous exhortent à ne pas établir de distinction entre les droits fondamentaux des enfants légitimes et illégitimes. Considérations éthiques, me direz-vous ? Entendez plutôt Claude Huriet dénoncer un texte aux grandes implications : « On balaye aujourd'hui les considérations éthiques au nom de la lutte contre la fraude à l'immigration ? Demain, ce sera pour protéger l'ordre public. Jusqu'où ? »
Il s'agit de ne pas renoncer à nos valeurs, d'éviter toute discrimination, et de garantir à chacun, y compris aux immigrés, le respect le plus élémentaire des droits de l'homme : les immigrés ne sont pas des criminels, fussent-ils sans papiers. Ceux qui les soutiennent – associations, professeurs, citoyens, élus de la République – ne sont aucunement coupables d'un délit de solidarité. Tel est le message fort contenu dans le second appel dont je me fais l'écho, celui que huit maires de gauche du département des Hauts-de-Seine vous ont adressé, monsieur le ministre. Ils sont indignés par les mises en garde et les menaces à peine voilées de poursuites judiciaires dont ils ont été l'objet de la part du préfet. Sachez qu'ils sont déterminés, tout autant que nous, à résister aux méthodes inhumaines employées et au projet de société xénophobe qui est en train de se dessiner.
Ce matin, l'Assemblée a continué l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 180 , à l'article 4.
La parole à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 180 .
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, nous revenons ici sur la nature de vos propositions et maintenons nos positions : un conjoint de Français étant en droit de rejoindre son époux ou son épouse, on ne saurait lui imposer une condition supplémentaire. La formation envisagée ne peut être que facultative.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l'administration générale de la République.
Monsieur le président, pour la bonne organisation des débats, je demande quelques minutes de suspension de séance.
Article 4
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures vingt.)
La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 180 .
La parole est à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 180 .
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 193 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
Même avis que la commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 31 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement prévoit, comme l'amendement n° 19 à l'article 1er, une évaluation du niveau de connaissance de la langue française et des valeurs de la République atteint par l'étranger à l'issue de la formation.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 179 .
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
L'amendement tend à préciser que, pour les conjoints de Français, la formation ne peut être que facultative et gratuite.
Avis défavorable. Pour notre part, nous préférons qu'elle soit obligatoire et non payante. (Sourires.)
Même avis que celui de la commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 185 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
Nous estimons que l'on doit absolument respecter le droit de vivre en famille, surtout si le conjoint de l'étranger est Français. Ce sont nos propres concitoyens qui sont pénalisés par ce délire sécuritaire qui nous envahit !
Même avis que celui de la commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 191 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
L'amendement n° 191 vise à encadrer par des délais stricts les nombreuses formalités imposées dans les pays d'origine.
Votre souci est satisfait en partie par l'amendement suivant. Aussi la commission est-elle défavorable à cet amendement.
Défavorable.
Madame Pau-Langevin, au bénéfice de ces précisions, retirez-vous l'amendement ?
Je suis saisi d'un amendement n° 32 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à préciser que le pouvoir réglementaire devra non seulement encadrer le délai maximum dans lequel la formation sera proposée à l'étranger si le besoin en est établi, mais également le délai maximum dans lequel l'évaluation de son niveau sera organisée. Il répond donc aux préoccupations que Mme Pau-Langevin vient d'exprimer.
Le Gouvernement est favorable à la fixation d'une durée minimale de formation.
Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Cet amendement est lié à l'adoption de l'amendement n° 6 rectifié qui sera présenté ultérieurement mais que je souhaite d'ores et déjà défendre, de façon à éclairer l'Assemblée nationale.
L'un des problèmes majeurs dont nous avons débattu hier réside dans ce qu'on appelle dans la loi le délai anormalement long de traitement de la demande, qui engendre des séparations familiales douloureuses et injustifiées.
Pour les conjoints de Français, la mention de l'obligation de délivrance du visa « dans les meilleurs délais » est insuffisante, d'autant que s'ajoutent aux délais de traitement de la demande les délais pour obtenir un rendez-vous, délais qui, dans certains consulats, peuvent atteindre jusqu'à quatre semaines. S'ajoutera maintenant le délai dû à la formation sur la connaissance de la langue française et des valeurs de la République.
Une délégation de couples mixtes m'a récemment confié le cas d'une personne dont le conjoint marocain attend depuis dix-huit mois la réponse du consulat de Fès, au Maroc, pour la rejoindre en France. Voilà une situation insupportable. Afin que les conjoints puissent se rejoindre le plus rapidement possible, il faut donc encadrer les délais dans lesquels les consulats doivent statuer.
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour soutenir l'amendement n° 109 .
Monsieur le ministre, mon amendement est identique à celui de M. Pinte, mais il n'obéit pas aux mêmes motivations. Cela renforce leur bien-fondé.
Selon le texte du projet de loi, un décret précisera le délai dans lequel naît la décision implicite de rejet de la demande de visa. La formulation retenue pose réellement la question du respect des individus. Les silences de l'administration sont autant d'insultes au bon sens. Selon l'adage bien connu, qui ne dit mot consent, lequel s'applique la plupart du temps à l'administration, notamment pour l'exercice du droit de préemption. En l'absence de réponse dans un délai de deux mois, l'accord est réputé acquis. Dans le cas présent, c'est apparemment le contraire. Si le demandeur n'a pas de réponse au bout d'un certain temps – quoique très incertain, selon le témoignage de notre collègue –, cela signifie que sa demande est refusée. Je trouve, dans tous les cas, la méthode tout à fait irrespectueuse des personnes.
J'ajoute que, vu de l'étranger, une telle attitude n'est pas digne d'une administration qui se veut exemplaire et qui se doit d'être irréprochable. C'est pourquoi je propose de supprimer la fin de la dernière phrase de l'alinéa 3 de l'article 4, pour obliger l'administration à répondre dans tous les cas. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Les motifs étant différents, je réponds d'abord à Mme Hostalier. Chère collègue, l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers vous donne satisfaction car il dispose que les visas pour conjoints de Français sont obligatoirement motivés. (« Et les délais ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Par ailleurs, monsieur Pinte, deux mois ne peuvent pas suffire pour effectuer le parcours de formation et d'évaluation.
Voilà pourquoi ces amendements ne me semblent pas souhaitables. Avis défavorable.
Madame Hostalier, monsieur Pinte, je rejoins ce que vient de dire le rapporteur. Le délai de deux mois est sans doute trop court. J'indique sans ambages à la représentation nationale que, si elle votait ces amendements, nous serions dans l'incapacité de mettre en pratique la disposition qu'ils contiennent. Je vous propose donc de me laisser le temps de faire le point et de m'assurer que l'on peut aller dans le sens que vous souhaitez. Mais, en l'état, la proposition est aujourd'hui irréalisable, l'administration n'étant pas en mesure de suivre.
Monsieur le ministre, chers collègues, nous soutenons ces deux amendements qui illustrent les difficultés invraisemblables auxquelles sont confrontés les conjoints de Français et que M. Pinte a rappelées. Le Gouvernement et le rapporteur suggèrent, pour réduire les délais, des procédures totalement contraires aux valeurs de la France – je veux parler bien sûr du test génétique – et M. le ministre nous explique, à l'occasion d'un amendement de bon sens, que l'administration ne peut pas suivre, sans faire aucune contre-proposition. Pourtant, les délais ont été à juste titre dénoncés par notre collègue Étienne Pinte.
L'Assemblée devrait être sensible à la situation intolérable des conjoints de nos compatriotes et de nos compatriotes eux-mêmes. C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables à ces deux amendements ainsi qu'à un autre qui sera examiné ultérieurement, dans la mesure où ils permettent d'encadrer enfin le dispositif.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises, le texte en discussion relève parfois du domaine réglementaire. Mais, en l'occurrence, ces amendements nous donnent l'occasion de préciser la procédure et d'exprimer notre préoccupation à l'égard de nos concitoyens et de leurs conjoints.
La discussion est fort intéressante. Certains de nos collègues qui siègent à droite font passer leurs convictions, leur éthique, leur morale, avant le reste.
Parce que ce n'est pas le cas à gauche ? (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
..avant que vous n'arriviez, car vous avez eu le courage de prendre position contre un texte immoral, irrecevable, indigne, qui fait honte à notre pays.
Pour en revenir à notre sujet, dès lors qu'il s'agit de principes fondamentaux, il faut savoir surmonter les clivages. Nous connaissons la fidélité à ses convictions de M. Pinte, que nous connaissons mieux que Mme Hostalier, puisqu'il siège parmi nous depuis plus longtemps.
Tous deux ont donné la priorité au courage, plutôt qu'à l'esprit de caserne.
Monsieur le ministre, il paraît que le Président de la République dit qu'il faut aller vite : par exemple, la réforme des régimes spéciaux doit être réglée avant le mois prochain. Et, pour un sujet simple, deux mois ne suffiraient pas ! Pourtant, la volonté politique doit l'emporter sur l'administration, qui doit s'aligner. Elle est au service de la volonté politique, c'est son rôle. Or, alors qu'il s'agit des libertés fondamentales, vous mettez en avant le prétexte de la bureaucratie ! Hélas, le cas n'est pas unique : je pense aux certificats de nationalité.
Nous avons été nombreux, du temps de la défunte Union soviétique, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
..à combattre les « déchéances de la nationalité ». Mais savez-vous que, aujourd'hui, dans notre pays, nous avons la même pratique ? Par exemple, dans ma ville de Montreuil…
…depuis 2001, on refuse à des Français leur certificat de nationalité, les empêchant d'obtenir leur carte nationale d'identité. Cela ne revient-il pas de facto à les déchoir de leur nationalité et à nier leurs droits fondamentaux ? C'est à vous de décider, mes chers collègues. Le doute ne doit-il pas profiter au demandeur ? Mme Guigou n'avait-elle pas signé, du temps où elle était garde des sceaux, ministre de la justice, une circulaire rappelant ce principe à propos des certificats de nationalité ?
Alors, mes chers collègues, plutôt que l'esprit de discipline, d'obéissance et d'alignement sur le Gouvernement, écoutez la voix de votre conscience, telle qu'elle s'exprime par l'intermédiaire de Mme Hostalier et de M. Pinte.
Cette discussion est instructive, en effet, car elle met le doigt sur la réalité de ce projet de loi. Je suis très heureux de voir deux députés appartenant à votre famille politique, monsieur le ministre, vous demander de faire un geste. Depuis le début de la discussion, vous avez voulu nous faire croire, avec vos propos à tout le moins courtois, que vous étiez prêt à nous écouter. Pourtant vous avez passé votre temps à verrouiller, en ne cédant sur rien, sinon aux ultras de votre majorité.
Nous verrons d'ailleurs tout à l'heure, lorsque sera examiné cet amendement crapuleux sur le test ADN, si vous êtes capable de le jeter aux orties et de reconnaître devant la représentation nationale que votre rapporteur a fait une erreur, mais que vous voulez, quant à vous, respecter les valeurs républicaines, comme vous le demandez à ceux qui sollicitent le regroupement familial.
Ces amendements permettent de sortir enfin de l'hypocrisie et vous fournissent l'occasion de montrer que vous souhaitez que les familles divisées, séparées par un exil subi pour des raisons économiques, voire politiques, puissent se réunir et que soit favorisé dans notre pays, en vertu des valeurs qui sont les nôtres, ce que l'on appelle le « vivre ensemble ». Au lieu de cela, vous nous proposez encore et toujours des barrières qui sont autant de formes d'apartheid déguisé et de ségrégation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je viens de répondre à Étienne Pinte que le délai de deux mois me paraissait extrêmement difficile à tenir. Je ne peux pas, en responsabilité, prendre pareil engagement aujourd'hui.
Nicolas a dit : « Des résultats ! ». (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Mamère a eu l'honnêteté de reconnaître que je souhaitais que le débat soit le plus courtois possible. Il m'en a donné acte, même s'il trouve qu'il s'agissait plus de sonorités que de réalités. Il n'en demeure pas moins que je m'efforce d'écouter les demandes que vous formulez. J'ai bien compris la nature des deux amendements et des interventions des uns et des autres.
En conséquence, je proposerai donc à la représentation nationale un sous-amendement à l'amendement n° 6 rectifié , qui sera examiné ultérieurement, pour remplacer les mots « deux mois » par les mots « quatre mois ». Je vous prouve ainsi ma volonté d'avancer. Un délai de quatre mois me semble un engagement raisonnable, qui doit pouvoir être tenu.
Je suis content, monsieur le ministre, que Françoise Hostalier et moi-même ayons été entendus, au moins en partie. J'aimerais seulement que le Gouvernement soit bien conscient que, pour les Français qui souhaitent épouser un étranger ou une étrangère, le parcours du combattant est particulièrement ardu : d'abord, obtention de l'agrément pour pouvoir se marier, qui prend plusieurs mois ; ensuite, transcription de l'acte de mariage – dans le cas que j'ai cité tout à l'heure, la dame en question attend depuis dix-huit mois – sur les registres de l'état civil à Nantes. Si l'on ajoute le délai de quatre mois que vous venez de consentir aux semaines nécessaires pour obtenir un rendez-vous dans certains consulats, vous imaginez qu'il faut plusieurs mois, et même souvent plus d'un an, avant qu'un couple puisse se retrouver. J'aimerais que vous en soyez bien conscient, monsieur le ministre, tout le long du débat qui va suivre et au moment où nous parlerons du droit d'asile.
Cela étant, je suis favorable à la contre-proposition du Gouvernement.
J'y suis favorable également. Au vu de la proposition du Gouvernement, je retire l'amendement n° 109 en vous rappelant, monsieur le ministre, la garantie que vous m'avez donnée ce matin, à savoir que vous nous associeriez à la rédaction du décret d'application de la loi.
Si !
L'amendement n° 109 est retiré.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Je voudrais obtenir quelques précisions. M. Pinte a parlé à juste titre de « parcours du combattant », et je suis surprise de constater que, alors qu'on demande aux tribunaux administratifs de statuer en trois mois sur l'expulsion d'étrangers qui séjournent sur le territoire français depuis un certain temps, il faudra quatre mois pour accorder, ou non, un visa à un conjoint de Français dont le mariage a été entériné et transcrit. Nous sommes sur la bonne voie mais vous devriez, dans un souci d'équité, monsieur le ministre, faire encore un effort en alignant les deux délais.
Par ailleurs, nous devrions tous convenir que, si le délai n'a pas été respecté, le visa est de droit.
Je serai bref, monsieur le président. Parole de ministre n'est pas parole d'évangile, et ce serait d'ailleurs sacrilège de considérer qu'il en soit ainsi. Vous vous gaussiez ce matin, monsieur le ministre, de M. de Villepin – ce qui n'était pas très charitable de votre part.
Moi ?
Mais je vous donnerai un autre exemple qui vous convaincra davantage : celui de M. Estrosi. Lors du débat sur le précédent projet de loi relatif à l'immigration, nous avions évoqué ces queues de plusieurs heures devant la préfecture, dans la nuit et le froid, d'abord pour retirer un dossier, puis pour le rapporter, enfin pour retirer les documents d'identité. En signe de compromis, M. Estrosi avait accepté la proposition que j'avais faite : que les documents, une fois prise la décision de les délivrer, soient remis dans les mairies, afin de ne pas contraindre les récipiendaires à ces files d'attente inhumaines et indignes de notre pays.
Je termine, monsieur le président.
L'engagement de M. Estrosi figure au Journal officiel, mais il n'a toujours pas été tenu. Comme vous avez prononcé votre promesse mezza-voce, hors micro, je souhaiterais que vous la renouveliez à haute et intelligible voix afin qu'elle soit consignée au Journal officiel – ce qui n'est pas encore une garantie, l'exemple de M. Estrosi en témoigne.
Compte tenu des engagements du ministre et du sous-amendement à l'amendement n° 6 rectifié à venir, je retire l'amendement n° 7 .
Nous ne changeons pas de sujet : s'agissant du droit, qui est reconnu et n'est pas négociable, de pouvoir rejoindre son conjoint français, il est impossible que la demande de visa puisse être rejetée au motif que la formation n'a pas été suivie avec suffisamment d'assiduité ou que la personne n'a pas réussi l'examen. C'est certainement implicite, puisque nous sommes tous d'accord que cette formation doit être faite au bénéfice du conjoint de Français et ne pas être une sanction. Sans doute cela va sans le dire, mais c'est plus clair en le disant !
rapporteur. Je répète que la formation est gratuite et qu'il n'y aura pas d'examen, mais que l'on exigera assiduité et suivi. Avis défavorable, par conséquent.
Même avis. Mme Pau-Langevin propose quasiment un amendement de suppression !
Ces deux amendements se rejoignent : l'un et l'autre veulent éviter les décisions arbitraires s'agissant des dispenses de formation.
Les demandeurs de regroupement familial viennent bien souvent de pays extrêmement pauvres, aux régimes autoritaires voire tyranniques. Leurs conditions de vie sont telles qu'il leur sera difficile de se rendre dans les consulats ou les bureaux de l'Alliance française pour y apprendre le français. Dans la mesure où le Gouvernement ne veut pas que la représentation nationale définisse les conditions de l'exemption, nous souhaitons que son champ soit le plus large possible et que l'on précise dans le texte au moins certains cas de dispense, notamment en raison de la distance géographique, de la situation politique du pays ainsi que de la situation économique et personnelle du demandeur.
Il faudrait aussi lier cet amendement à ce que nous avions dit lorsque le Gouvernement avait fixé la liste des pays dits « sûrs » : on sait bien qu'un bon nombre ne le sont pas. Certains Algériens qui, mariés à des Français, doivent, suivant les conditions que vous avez fixées, retourner dans leur pays pour obtenir un visa de long séjour, risquent ainsi de ne jamais revenir en France parce qu'ils seront retenus contre leur gré, pour des raisons politiques ou autres. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Je répète qu'une situation géographique troublée rend parfois le regroupement familial vital – sans que l'on soit pour autant dans le cadre du droit d'asile. Je citais tout à l'heure l'exemple des familles assyro-chaldéennes d'Irak : demandera-t-on à ces ressortissants ou aux conjoints de filer à Bagdad braver les dangers pour faire un test et une évaluation ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est un exemple concret, qui peut parfaitement se présenter puisqu'il existe une importante communauté assyro-chaldéenne en Ile-de-France ! Cet exemple m'est venu immédiatement à l'esprit, mais on voit bien que la disposition est inopérante et qu'il faut préciser les conditions de dispense.
rapporteur. Nous avons déjà eu la même discussion sur l'article 1er. S'agissant de l'exemple de Bagdad – auquel, pour des raisons que j'ignore, M. Blisko semble particulièrement attaché (Sourires) –, ...
rapporteur. ...je rappelle que, compte tenu du contexte, il s'agirait dans ce cas nécessairement de droit d'asile et que les réfugiés politiques sont exemptés de formation. Avis défavorable.
Monsieur Mamère, docteur Blisko, nous pouvons continuer ainsi indéfiniment : nous avons eu exactement le même débat sur l'article 1er,…
… les uns et les autres utilisant d'ailleurs les mêmes mots ! J'indique à MM. Mamère et Blisko que ce sera un décret, et non un texte législatif, qui précisera quels motifs légitimes – c'est le terme utilisé – dispensent l'étranger du test et de la formation.
Je suis entièrement d'accord avec ce que vient de dire le docteur Blisko.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ici, il est député et non docteur !
Il a choisi l'exemple de l'Irak, mais il en existe bien d'autres. Nous recevons ainsi dans nos permanences parlementaires des gens qui sont poursuivis, pourchassés, menacés dans leur vie ou leur liberté en raison de leur religion. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne les considère pas comme des réfugiés politiques, et ils ont beaucoup de difficultés à être reconnus par les institutions. Je pense notamment à une petite communauté religieuse, qui est pourchassée…
Non, rassurez-vous, les Verts se portent bien. Ils ne sont pas encore une secte !
Vous aussi avez votre lot d'intégristes ! On l'a vu durant la discussion – et ce n'est pas fini…
Et ça ne va pas en s'arrangeant, c'est certain !
Dans d'autres cas, les raisons ne sont pas religieuses mais politiques. Demandez ainsi à un Kurde de Syrie ce qui lui arrivera s'il revient dans ce pays, qui, comme chacun le sait, n'est pas particulièrement démocratique ? Je pourrais parler aussi des juifs syriens ou des juifs iraniens, qui ont subi des tortures et des emprisonnements inacceptables. Nous devons adopter l'un ou l'autre de ces amendements pour protéger les demandeurs de regroupement familial qui risquent des problèmes et la prison s'ils retournent dans leur pays demander un visa de long séjour.
Je suis saisi d'un amendement n° 33 rectifié .
La parole est à monsieur le rapporteur, pour le soutenir.
Favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 34 .
La parole est à monsieur le rapporteur, pour le soutenir.
rapporteur. C'est le pendant de l'amendement n° 22 à l'article 1er, qui a été adopté par l'Assemblée.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 98 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Cet amendement revient sur des propositions formulées depuis le début de cette discussion. Aujourd'hui, le contrat d'accueil et d'intégration – CAI –, signé par les conjoints de Français lorsqu'ils obtiennent un titre de séjour en France, prévoit que l'évaluation du niveau de langue et les formations linguistiques sont prises en charge par l'État. Pour clarifier les choses et montrer notre volonté d'intégration et de regroupement familial, nous proposons d'adopter un système similaire lorsque ces mesures sont mises en oeuvre dans le pays d'origine.
Il vous sera difficile de rejeter cet amendement. Vous refusez que l'évaluation et la formation se fassent dans le pays d'accueil parce qu'il y a déjà le CAI, que vous avez institué par la loi de 2006 et dont l'évaluation n'a pas encore été faite. Et vous n'attendez même pas d'en connaître l'impact pour proposer quelques mois plus tard, pour des raisons purement idéologiques, un autre système qui consiste à demander aux conjoints de Français de retourner dans leur pays pour obtenir un visa de long séjour ! Pourquoi ne pas étendre le champ du CAI à cette nouvelle disposition ?
Le bilan du CAI a déjà commencé, monsieur Mamère : j'en fais état à la page 63 de mon rapport. Je l'ai du reste indiqué ce matin lorsque, au cours de l'examen de l'article 1er, j'ai donné le pourcentage de réussite en Gironde.
En ce qui concerne l'amendement n° 98 , l'avis de la commission est défavorable. En effet, bien que l'évaluation et la formation du ressortissant étranger ne soient pas payantes en elles-mêmes, il ne saurait être question d'inscrire la gratuité dans la loi du fait que les frais de visa sont de 99 euros – je réponds par la même occasion à une question qui m'a été posée sur le sujet.
Je l'ai dit : l'examen n'est pas payant en lui-même, mais le visa n'est pas gratuit.
Monsieur Mamère, nous avons déjà évoqué cette question ce matin. Il n'appartiendra ni aux contribuables français ni aux contribuables étrangers installés sur notre territoire de supporter le coût de cette formation et de cette évaluation qui fera l'objet d'une mutualisation adaptée à ceux qui souhaitent venir s'installer en France.
Je suis saisi d'un amendement n° 110 .
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour le soutenir.
Monsieur le président, pensant obtenir de M. le ministre à propos de cet amendement les mêmes garanties que celles que j'ai obtenues ce matin à propos de l'amendement n° 105 à l'article 1er, qui est son symétrique,…
Vous avez raison de le penser, madame la députée.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
…je retire l'amendement n° 110 .
L'amendement n° 110 , retiré par Mme Hostalier, est repris par M. Brard.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
Mme Hostalier a raison de retirer son amendement puisque, celui-ci étant effectivement le pendant de l'amendement n° 105 , les garanties sont les mêmes. Je tiens à rappeler que l'obligation de formation en France est déjà prévue dans le cadre du CAI.
Je ne répéterai pas une énième fois ce que j'ai déjà dit ce matin : je me contenterai de le confirmer.
Cet amendement est excellent, madame Hostalier. Laissez-moi simplement vous faire partager une expérience. En effet, en se contentant de dire qu'il confirme ce qui a été dit auparavant, le ministre réussit l'exploit de ne pas faire figurer son engagement au Journal officiel !
Vous avez dit que l'amendement n° 110 était le pendant de l'amendement n° 105 !
On peut en conclure que ce qu'a dit M. Mariani et ce que n'a pas dit M. Hortefeux ne sont que promesses de Gascon ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mes chers collègues, il n'aura échappé à aucun d'entre vous que je faisais référence à Montaigne !
Votre amendement, madame Hostalier – je le répète –, est excellent : il est donc très important que l'Assemblée puisse se prononcer sur lui. Je note seulement que nombre de nos collègues, qui siègent sur vos bancs, ont l'habitude de déposer des amendements pour se donner bonne conscience et de les retirer ensuite, n'ayant pas le courage d'assumer leurs opinions. En reprenant votre amendement et donc en soutenant votre propre texte, je vous donne l'occasion de ne pas avoir de remords.
Cet amendement se situe effectivement dans la ligne de ceux que Serge Bliko et moi-même avons déjà déposés. Nous savons très bien qu'un grand nombre de personnes qui arrivent de pays désorganisés en raison de troubles graves seront dans l'impossibilité de suivre la formation prévue. M. Mariani nous répond que ces personnes n'auront qu'à demander l'asile politique. Mais vous savez très bien, d'une part, que certaines ne l'obtiendront pas – il ne sert de rien alors de faciliter leur installation – et, d'autre part, que d'autres, bien que venant de pays troublés ou déstabilisés, ne souhaitent pas demander l'asile politique parce qu'elles souhaitent pouvoir, à l'occasion d'une amélioration de la situation, retourner dans leur pays où elles ont encore de la famille.
Du reste, monsieur le rapporteur, vous le savez si bien que c'est la raison pour laquelle vous organisez des tests ADN, prenant en considération le fait qu'il existe des pays où l'état-civil est inexistant ou peu fiable. Vous reconnaissez donc que dans ces pays il ne sera pas possible à l'ambassade de France d'organiser des formations.
De plus, le présent projet de loi n'annule pas les dispositions existantes qui prévoient la formation en France. Celle-ci demeurant plutôt la règle – le projet de loi ajoute la possibilité de se former à l'étranger –, je ne vois pas pourquoi, s'il n'est pas possible pour des raisons matérielles ou d'ordre public d'organiser la formation dans le pays d'origine, vous n'accepteriez pas que le conjoint puisse la suivre en France.
Je tiens à remercier M. Brard de la considération qu'il me porte. Toutefois, j'ai la faiblesse de croire en la parole du ministre.
Pour le reste, soyez assuré, monsieur Brard, qu'en cas de manquement je serai assez grande pour me défendre moi-même. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi d'un amendement n° 240 .
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.
Monsieur le ministre, vous ne pourrez qu'être favorable à un amendement dont l'adoption vous permettrait de faire des économies !
L'amendement n° 240 prévoit en effet que « lorsque la demande de visa émane d'un étranger dont le mariage a été célébré à l'étranger et dont le conjoint de nationalité française a dû retourner en France, l'évaluation de son degré de connaissance de langue et des valeurs de la République n'est pas requise ».
En guise d'argumentation, je me contenterai de donner deux exemples – je pourrais en donner bien d'autres, venant de recevoir des représentants de la CIMADE, organisme que M. Mariani évoque régulièrement.
Le 4 mars 2004, Mme S., ressortissante malienne, a épousé à Bamako M. S., citoyen français. Dans le courant du mois, Mme S. a déposé une demande de visa en qualité de conjointe de Français pour rejoindre son mari en France. Un an plus tard – le 5 avril 2005 –, alors qu'elle n'a toujours pas obtenu de visa, les autorités consulaires justifient de la longueur de l'attente par toutes les vérifications devant être effectuées lors de la transcription de l'acte de mariage. Aujourd'hui encore, après trois ans d'attente, Mme S. est toujours retenue au Mali, faute d'avoir reçu son visa en qualité de conjointe de Français. Or cette séparation est d'autant plus douloureuse que, le 9 novembre 2004, elle a donné naissance à un enfant, qui est privé jusqu'à ce jour de son père, ce qui est contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la Convention internationale des droits de l'enfant.
Second exemple : le 16 août 2005, M. B. a épousé à Istanbul Melle D., de nationalité française, mariage transcrit le 2 juin 2006 par le consulat général de France. Le 8 juin 2006 M. B. a déposé une demande de visa en qualité de conjoint de Français, mais le 20 octobre 2006, les services consulaires l'informaient que son dossier avait été transmis à la sous-direction de la circulation des étrangers au ministère des affaires étrangères, alors même que toutes les vérifications avaient déjà été effectuées en vue de la transcription du mariage. À ce jour, c'est-à-dire deux ans et demi plus tard, M. et Mme B. sont toujours séparés.
Monsieur Brard, ne sombrons pas dans la caricature !
Ce que je pense, c'est que l'amendement est mal rédigé, car il peut recouvrir quasiment tous les cas ! Il est vrai en effet qu'un problème existe lorsqu'un citoyen français doit retourner brusquement chez lui. Peut-être, monsieur le ministre, ce problème pourrait-il être résolu dans le cadre des décrets d'application. En tout cas, je ne saurais émettre un avis favorable à cet amendement qui n'a pas été examiné en commission et dont la rédaction, je le répète, n'est pas assez précise.
Défavorable.
Monsieur Braouezec, vous proposez, en fait, de créer une nouvelle catégorie d'exceptions alors même que nous cherchons à établir un régime général.
De fait, votre proposition aurait dû prendre en compte le sous-amendement que le Gouvernement a déposé et qui porte à quatre mois le délai prévu.
Les cas soulevés par M. Braouezec – j'en ai cité un équivalent – nous posent un grave problème qui devrait nourrir vos réflexions, monsieur le ministre. Est-il en effet normal qu'on exige d'un étranger souhaitant épouser une Française – ou inversement – trois enquêtes, à savoir une première pour lui donner l'autorisation de se marier, une deuxième pour la transcription et une troisième pour la délivrance du visa ? C'est intolérable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je suis saisi d'un amendement n° 6 rectifié .
Cet amendement fait l'objet d'un sous-amendement, n° 272 , présenté par le Gouvernement, qui porte de deux à quatre mois le délai maximal de traitement de la demande.
Nous pouvons estimer que l'amendement et le sous-amendement ont déjà été examinés.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Je tiens en effet à rappeler, monsieur le président, que nous avions demandé à M. le ministre ce qui adviendrait en cas de non-réponse dans le délai prévu. Or M. le ministre ne nous a toujours rien dit sur le sujet.
Je suis surpris, madame Pau-Langevin, de votre question. La règle habituelle prévaudra et une absence de réponse équivaudra à un refus !
Monsieur Brard, je vois mal comment je pourrais prendre une position différente de celle qui repose sur la pratique habituelle.
Monsieur le ministre, quand l'administration ne répond pas, elle est au contraire réputée avoir accepté !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 272 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié , modifié par le sous-amendement n° 272 .
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
L'alinéa 5, que l'amendement vise à supprimer, constitue vraiment une régression par rapport à la loi de 2006. Nous avions alors obtenu, à l'issue d'une discussion très soutenue, de nombreux exemples à l'appui – le rapporteur de l'époque, M. Mariani déjà, nous en avait donné acte –, qu'un étranger marié en France et qui y vit depuis six mois n'avait pas à retourner dans son pays d'origine pour demander son visa de long séjour, quelles que soient les menaces reçues ou les difficultés rencontrées. Au contraire ici, vous ne contribuez pas au rapprochement, mais organisez le départ du conjoint étranger,…
…impliquant un délai supplémentaire pour l'obtention du visa de long séjour et donc vous séparez ceux qui vivaient ensemble, en famille.
Les exemples donnés par nos collègues montrent bien, en effet, que ces délais peuvent atteindre des années, que les enquêtes prévues – ainsi que l'a souligné M. Pinte – sont redondantes, sans intérêt puisque la situation des couples en question est connue, les individus concernés eux-mêmes sont connus. Bien plus que de les ennuyer, on est en train de mettre en difficulté ceux qui ont commis la « sottise » de se marier à un étranger.
Je souhaite attirer votre attention sur les difficultés extrêmes que peuvent vivre les familles concernées, et qui vous mettront vous-mêmes dans l'embarras, à moins que vous n'ayez des oeur de pierre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Imaginez que le conjoint étranger retourne dans son pays d'origine et que son conjoint français resté en France tombe malade. Celui qui est parti ne peut plus rentrer pour s'en occuper. Sachez que les Français qui se marient avec un étranger ne sont pas tous jeunes et en bonne santé.
On est donc en train de créer pour ces personnes des obstacles insupportables et cruels – je ne crains pas d'employer le terme – en essayant d'accroître leurs difficultés. Nous constatons tous les jours le cas de gens totalement « coincés », les uns à l'étranger, les autres ici en train d'attendre un conjoint qui mettra des mois voire des années à venir parce qu'un consulat est débordé, parce qu'une enquête consulaire ne peut être menée.
Je vous adjure par conséquent de revenir à l'esprit de la loi de 2006. M. Mariani n'a tout de même pas changé…
Le ministre de l'intérieur d'alors est devenu Président de la République. Qu'est-ce qui justifie donc cette régression par rapport à 2006 ?
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 243 .
Non, je n'ai pas changé, comme dit un chanteur célèbre, mais M. Mariani, lui, en revanche, a quelque peu changé.
J'irai dans le même sens que Serge Blisko. Vous nous présentez l'aller-retour comme une opération tout à fait naturelle, ne posant aucun problème et se réalisant sans turpitude à l'encontre des intéressés. Or ce n'est pas le cas et Serge Blisko l'a bien montré. En effet, certains couples vivaient depuis plus de six mois ensemble – car on peut être marié depuis six mois mais avoir vécu plus longtemps ensemble – et vous allez casser cette structure familiale en prétendant que cet aller-retour n'est qu'une simple formalité alors que le conjoint étranger ne pourra revenir en France qu'après tout une procédure administrative.
À quoi cela sert-il ? Pourquoi cette suspicion vis-à-vis d'une personne que l'on va renvoyer dans son pays d'origine alors qu'elle est mariée depuis plus de six mois à un Français ou à une Française et au sujet de laquelle on va encore mener des enquêtes, à laquelle on va demander de repasser des tests linguistiques, des tests sur les valeurs républicaines ? alors que, j'insiste, elle vivait en France dans une situation sans doute tout à fait normale et légitime !
Si M. le ministre le permet, je souhaite d'ores et déjà défendre l'amendement n° 205 . Il n'est en effet un secret pour personne – en tout cas, pas pour ceux qui ont suivi les auditions de la commission – que la rédaction de l'article 4 posait problème.
Quelle est la situation ? Nous nous trouvons dans le cas de personnes qui se marient en France – il peut s'agir d'un coup de foudre…
Cela existe, monsieur Mariani ! J'espère d'ailleurs que vous l'avez connu une fois dans votre vie car cela fait du bien, vous savez !
Tout comme vous, monsieur Braouezec. J'espère même que vous l'avez connu plusieurs fois. (Sourires.)
Nous sommes donc dans le cas d'une personne de nationalité étrangère qui se marie en France alors qu'elle bénéficie d'un visa touristique – elle y réside donc forcément depuis moins de trois mois –, ou bien qui se marie sans visa parce que, tout simplement, elle peut être de nationalité américaine, auquel cas elle n'a pas besoin de visa pour séjourner en France pour une durée de moins de trois mois.
Or l'article 4, s'il est voté en l'état, oblige dans un premier temps cette personne à retourner dans son pays d'origine pour demander un visa de long séjour au consulat français, puisqu'un tel visa constitue la « porte d'entrée » normale. Il l'oblige ensuite, une fois qu'elle est revenue en France, à reprendre la voie classique et à se présenter à la préfecture pour obtenir un titre de séjour.
Pour être honnête – et j'en ai fait part au Gouvernement –, je considérais qu'il y avait une étape de trop. C'est pour cette raison, monsieur Blisko – je poursuis mon raisonnement –, que je suis opposé à vos amendements et que je propose un amendement n° 205 qui présente l'avantage d'innover et qui dessine la piste que le Gouvernement et l'administration doivent explorer à moyen terme. Il s'agirait pour la personne concernée de retourner dans son pays d'origine et de passer au consulat de France pour retirer un visa de long séjour qui vaudra en même temps titre de séjour pour un an. Autrement dit, cette personne se rend au consulat et, une fois en France, elle est en règle et n'a pas à repasser par la « case préfecture » pour demander un titre de séjour d'un an.
Mais quelle garantie a-t-elle d'être reçue au consulat de France dans son pays d'origine ?
L'objectif visé, à l'instar de ce que font déjà certains pays, est de pouvoir délivrer dans les consulats un titre de séjour d'un an et donc d'éviter une démarche supplémentaire et va dans le sens d'une simplification administrative.
Voilà, monsieur Blisko, pourquoi je m'oppose à l'amendement que vous présentez tout en reconnaissant qu'il soulève un vrai problème. L'amendement n° 205 évite donc une démarche administrative, tout en préservant la logique selon laquelle les conditions de séjour sont vérifiées par le consulat français dans le pays d'origine, lequel consulat délivre, le cas échéant, les visas de long séjour.
L'avis du Gouvernement est le même que celui de la commission.
Je rappelle néanmoins qu'il est exact – il n'est pas question de le nier – qu'en 2006, le Parlement avait souhaité une simplification des démarches afin de faciliter la vie des conjoints de Français. Ainsi avait-il adopté des dispositions permettant – à titre exceptionnel – que le visa de long séjour puisse être délivré en France par l'autorité administrative compétente.
J'ai dit ce matin que ce système – dont je ne conteste pas la générosité – se révélait « impraticable ».
Une circulaire de plus de quinze pages a été rédigée pour le mettre en oeuvre et a abouti en réalité à des imbroglios.
La nécessité de contacts permanents…
C'était une proposition généreuse ! Aussi je vous remercie de me donner l'occasion de souligner, à nouveau, la générosité du ministre d'État, ministre de l'intérieur d'alors.
Plus sérieusement, ce dispositif donnait lieu à des allers et retours incessants entre préfectures et consulats, et se révélait donc, je répète, impraticable. C'est pour cela que nous proposons de revenir à la règle de droit commun : le visa de long séjour ne pouvant être demandé et obtenu qu'à l'étranger.
Je ne vais pas vous réciter une nouvelle fois la liste de tous les pays dans lesquels une telle pratique est en vigueur. Nous ne prétendons pas à l'originalité et souhaitons donc revenir au système précédent qui fonctionnait mieux que celui que nous avons tenté de mettre en place.
Cela dit, sur le fond, je suis très favorable à toutes les expérimentations. Quand une expérience marche, eh bien, il faut l'appliquer gaiement et à fond ; en revanche, si jamais elle ne donne rien, il faut sans doute revenir en arrière.
Le débat, depuis la discussion ce matin d'un amendement similaire, me paraît avancer quelque peu puisqu'il paraît que le rapporteur admet l'existence d'un problème. En effet, les conjoints de Français, qui, arrivés pour certains en France pourvus d'un visa de trois mois, se voient contraints de retourner dans leur pays d'origine pour y rester probablement au moins quatre mois, le temps d'obtenir un visa de long séjour. Ce qui signifie qu'une famille sera séparée pendant quatre mois.
En fait, si M. Mariani reconnaît l'existence du problème et propose une simplification des démarches – ce qui pourrait être une bonne chose –, mais cela ne concerne que celles qui ont lieu en France. Son amendement ne résout absolument pas la question du retour dans le pays d'origine.
Ce matin, nous avons interrogé à trois reprises M. le ministre sur le fait que le Parlement était invité par le Gouvernement à défaire ce que le législateur avait fait en 2006 et qui avait donné lieu à une circulaire en mars 2007. Vous nous avez répondu qu'il était évident que cette disposition votée en 2006 était inapplicable ; vous dites maintenant qu'elle est « impraticable ».
De deux choses l'une. Soit le Gouvernement dispose d'une évaluation de la mesure votée par le Parlement en 2006 et nous aimerions dès lors en prendre connaissance. Soit la volonté du Gouvernement est simplement de revenir sur ce que le Sénat avait voté avec beaucoup de bon sens et, dans ce cas, vous placez dans des situations juridiques inextricables les conjoints non-expulsables de ressortissants français et, une fois de plus, vous fabriquez des catégories d'étrangers sans-papiers, alors qu'ils ont vocation à rejoindre la communauté nationale.
Je ne peux qu'abonder dans le sens des propos de notre collègue Batho. Au cours des débats de ce matin, j'ai cité un exemple, donné par la CIMADE, d'un couple franco-algérien qui a mis plusieurs mois – et bien plus de quatre mois, chers collègues – pour obtenir un titre de long séjour, le consulat compétent fermant régulièrement et systématiquement ses portes aux candidats au regroupement familial. Vous vous trouvez donc dans une sorte de monde idéal où les consulats seraient très ouverts à ces demandes ; or vous savez très bien que tel n'est pas le cas.
D'autre part, le ministre Hortefeux nous a expliqué ce matin qu'on ne pouvait pas multiplier les fonctionnaires dans les consulats. Nous allons donc nous retrouver une fois encore dans des situations inextricables.
Le ministre de l'immigration nous dit que le dispositif de la loi de juillet 2006 était très généreux. Or, aujourd'hui, vous souhaitez restreindre une disposition pourtant conforme à la Convention européenne des droits de l'homme et au droit de vivre en famille,…
…qui est tout de même un droit fondamental et constitutionnel, sous prétexte qu'elle constituerait une usine à gaz impossible à faire fonctionner.
Pour notre part, nous pensons, comme les sénateurs, que doit être maintenue la disposition de juillet 2006 qui autorisait la délivrance par l'autorité administrative compétente d'un titre de séjour à un conjoint de Français régulièrement établi dans notre pays depuis six mois et marié depuis six mois. Tous les aménagements que vous proposez à ce sujet ne sont que des bricolages et des sparadraps sur une jambe de bois.
J'avoue ne pas comprendre l'argumentation de l'opposition et je voudrais soulever une simple question de bon sens. Il me semble que si l'on veut venir en France pour s'y marier, on n'y vient pas avec un visa touristique mais avec un visa de long séjour.
Cela me paraît être une évidence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L'amour ne se commande pas sur le catalogue de la CAMIF, monsieur Ciotti !
Je suis saisi d'un amendement n° 205 .
Il a déjà été défendu par M. le rapporteur.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Favorable.
Vous savez que nous ne sommes pas d'accord avec la procédure proposée. Toutefois, comme l'amendement va quelque peu dans le bon sens, nous allons nous abstenir. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cet amendement introduit un dispositif transitoire afin que les conjoints de Français qui satisfont aux conditions d'obtention d'un visa de long séjour ou qui sont sur le point d'y parvenir ne se voient pas opposer un refus qui n'aurait pu être anticipé.
L'amendement aboutira, dans les faits, à une mesure transitoire de trois mois. Le Gouvernement y est favorable.
Je m'interroge sur la cohérence entre le délai de quatre mois prévu entre le dépôt d'une demande de visa long séjour par un conjoint de Français auprès d'un consulat et la réponse, et celui de trois mois qu'instaure cette disposition transitoire.
La proposition de notre rapporteur est l'illustration parfaite du bricolage auquel il se livre, alors même qu'il serait si simple de revenir à la loi de juillet 2006.
Plutôt que de faire du bricolage avec des solutions transitoires, monsieur le rapporteur, acceptez donc que soit accordé un visa long séjour à tout ressortissant étranger marié à un Français et vivant depuis six mois dans des conditions régulières !
, rapporteur. Je ne sais pas, monsieur Mamère, si je fais du bricolage, mais l'amendement n° 96 , que vous aviez rédigé et qui est tombé pour des raisons rédactionnelles, avait, avec d'autres mots, le même objet. Autrement dit, nos amendements défendent exactement la même idée. Si je fais du bricolage, nous en faisons donc tous les deux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 4.
Je suis saisi d'un amendement n° 8 rectifié .
La parole est à M. Étienne Pinte, pour le défendre.
Nous avons déjà beaucoup parlé cet après-midi des délais. Il convient également en cas, sinon de « suspicion », du moins de doutes sérieux sur la validité d'un mariage célébré à l'étranger, que le procureur de la République puisse être saisi le plus rapidement possible par l'autorité diplomatique chargée de transcrire l'acte de mariage. À l'heure actuelle, en effet, le délai peut être de plusieurs mois, ce qui n'est pas normal et rallonge d'autant la période de séparation du couple.
C'est la raison pour laquelle je propose que la saisine du procureur de la République intervienne dans le délai d'un mois suivant le dépôt de la demande de transcription, étant entendu que les intéressés sont informés de cette saisine et des motifs qui y ont présidé.
Il est indispensable de clarifier le plus rapidement possible la situation des demandeurs, sachant que les maires sont déjà obligés, lorsqu'il y a doute, de saisir le procureur de la République dans les plus brefs délais.
Défavorable, monsieur le président.
L'obligation de motiver la décision du procureur en matière de transcription se justifie pleinement. Instituer une autre motivation en amont sera plutôt source de contentieux supplémentaire.
Même avis que la commission. En vérité, une telle disposition concernerait plutôt la Chancellerie.
Comme il s'agit d'instaurer une garantie en fixant, comme nous le souhaitons, un délai, nous sommes favorables à cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 259 .
Pour le soutenir, la parole est à Mme Mamère. (Rires et exclamations sur tous les bancs.) Voilà ce qui arrive, à force d'entendre parler de regroupement familial ! Veuillez excuser ce lapsus, monsieur Mamère.
Si je comprends bien, je vais peut-être pouvoir procéder bientôt à Bègles à des mariages enfin acceptés par la loi ! (Sourires.)
Notre amendement tend, purement et simplement, à revenir à la loi de juillet 2006, c'est-à-dire à supprimer tous les bricolages – je maintiens mon expression – que nous propose M. le rapporteur. Il convient, en effet, de revenir à des conditions beaucoup plus décentes en matière de regroupement familial.
Voilà pourquoi nous proposons, après notre collègue M. Pinte, de permettre l'attribution automatique du visa de long séjour à toute personne vivant depuis plus de six mois avec son conjoint sur le territoire français.
Cet amendement a pour objectif de dispenser de visa de long séjour le conjoint de Français qui séjourne en France depuis plus de six mois, ce qui va exactement à l'inverse de ce qui a été voté à l'article 4. Par cohérence, le Gouvernement y est défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 35 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Cet amendement tend à permettre une meilleure articulation entre la nouvelle procédure d'évaluation et le contrat d'accueil et d'intégration. Si l'étranger arrivé en France peut attester qu'il a atteint un certain niveau de connaissance de la langue, notre proposition permettra de lui éviter une nouvelle évaluation dans le cadre de la procédure du contrat d'accueil et d'intégration. On saura immédiatement quel nombre d'heures il lui reste à faire en France.
Le Gouvernement est favorable à une cette articulation cohérente entre le test à l'étranger et le contrat d'accueil et d'intégration en France.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.
La parole est à Mme Françoise Hostalier.
Monsieur le ministre, cet article, ainsi que je l'ai indiqué lors de la discussion générale, m'inquiète.
Il est, d'abord, discriminatoire et risque d'être déclaré anticonstitutionnel. Des dispositions équivalentes votées par l'Assemblée nationale lors de l'examen d'un projet de loi précédent ont été rejetées à deux reprises par le Sénat au motif qu' « il n'y a pas lieu d'établir de discrimination s'agissant des ressources entre la situation des familles étrangères et celle des familles françaises. Par conséquent, s'il est considéré qu'un revenu égal au SMIC permet à une famille française de vivre dans des conditions acceptables, il en est de même pour une famille étrangère. »
À l'heure actuelle, plus de 17 % des ressortissants français, ce que l'on ne peut que déplorer, vivent avec moins que le SMIC. On ne peut exiger des familles étrangères qu'elles aient toutes un revenu nettement supérieur.
De plus, cet article, apparemment amendé, me semble extrêmement complexe à mettre en oeuvre. J'en veux pour exemple le montant du SMIC, lequel déterminera le niveau de ressources exigibles. Ce montant peut, en effet, évoluer entre le moment où la demande de regroupement familial a été déposée et celui où la réponse sera apportée, ne serait-ce qu'en raison des délais imposés, même si nous avons essayé de les raccourcir. De même, qui instruira les dossiers et procédera aux vérifications ? Si cela revient, une fois de plus, à nos services consulaires, cela posera de sérieux problèmes.
Par ailleurs, quels justificatifs accepter ? S'agira-t-il uniquement des bulletins de paye, ou faudra-t-il présenter des déclarations sur l'honneur, voire diverses attestations de ressources ?
La mise en oeuvre de la mesure de façon transparente et, surtout, équitable, ne pourra être que très compliquée. Aussi, je crains que cet article ne pose de graves problèmes.
En fin de compte, instituer un revenu plancher exclura du regroupement familial les catégories de personnes qui, pourtant, ont le plus besoin d'en bénéficier. J'y reviendrai à l'occasion lors d'un amendement que je présenterai.
Je développerai, ce qui ne manquera peut-être pas de vous étonner, mes chers collègues, exactement les mêmes arguments que notre collègue Mme Hostalier, qui appartient pourtant au groupe de l'UMP.
Depuis la loi de 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, une personne migrante souhaitant être rejointe par sa famille dans le cadre du regroupement familial doit justifier de revenus au moins équivalents au SMIC. Cependant, contrairement aux avis émis à deux reprises par le Sénat, vous voulez rendre encore plus difficile le regroupement familial en modulant le niveau de ressources exigibles en fonction de la taille de la famille, ce qui est contraire à des droits fondamentaux et ce qui empêchera de nombreux demandeurs de regroupement familial de voir leur famille les rejoindre.
Mme Hostalier vient d'évoquer les raisons du rejet par le Sénat de la disposition que vous aviez essayé d'introduire en 2003. Il n'est pas inutile d'y revenir, en citant à nouveau la Haute assemblée : « Dans la mesure où le montant du SMIC mensuel est considéré comme assurant un niveau de vie suffisant pour les Français, il semble raisonnable de considérer que les étrangers atteignant ce niveau ont des ressources suffisantes. » Dois-je rappeler que la majorité au Sénat est de droite ?
En 2006, une nouvelle tentative a été effectuée, que le Sénat a de nouveau rejetée, cette fois à l'unanimité des groupes de droite et de gauche, estimant « qu'il n'y a pas lieu d'établir de distinction, s'agissant des ressources, entre la situation des familles étrangères et celle des familles françaises » – motif qui laisse d'ailleurs apparaître de manière subreptice la question de la ségrégation. La Haute assemblée poursuivait ainsi : « Par conséquent, s'il est considéré qu'un revenu égal au SMIC permet à une famille française de vivre dans des conditions acceptables, il en va de même pour une famille étrangère. »
Cet argument du Sénat, fondé sur des raisons économiques, nous servira à l'occasion de l'examen du fameux amendement relatif au test ADN. Il est, en effet, impossible aujourd'hui d'exiger d'une famille française ce que vous voulez exiger d'une famille étrangère,...
..sinon sur injonction judiciaire ou pour raisons médicales.
Déjà que les personnes concernées sont fragilisées par les conditions de vie qu'elles ont connues dans un pays pauvre et par l'élément de stress et de déstabilisation que constitue leur séparation d'avec leur famille, voilà que vous voulez ajouter une condition d'ordre économique alors, je le répète, qu'il s'agit de populations vulnérables, telles parfois que des retraités ou des personnes handicapées ! Décidément, vous allez trop loin.
Vous devez d'ailleurs savoir, puisque vous n'êtes pas censés ignorer la loi, que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, institution qui a été créée par la majorité à laquelle vous appartenez, a estimé, en décembre 2006, que la condition de ressources appliquée à des personnes handicapées constituait non seulement une atteinte au droit de ces personnes à mener une vie familiale normale, mais encore une discrimination indirecte et que « si la règle posée par l'article L. 411-5 répond à un objectif légitime, […] elle s'avère en revanche injustifiable dans le cas des travailleurs handicapés bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé ».
Sans vouloir à tout prix vous embarrasser avec des exemples, je crois tout de même utile d'éclairer la représentation nationale sur la situation catastrophique imposée à certains demandeurs de regroupement familial. L'exemple que je vais citer à cet égard a été donné par une association qui a l'estime et le respect de notre rapporteur, je veux parler de la CIMADE : « Monsieur S., Sénégalais, présent en France depuis 1977 a été reconnu handicapé par la COTOREP avec un taux d'invalidité de 80 %. En 2002, il a sollicité un regroupement familial en faveur de son épouse et de ses deux filles mineures. Un refus lui a été opposé au motif que ses ressources sont inférieures au SMIC. En effet, la préfecture indique que les ressources du demandeur font “apparaître une ressource moyenne mensuelle nette de 817,92 euros inférieure au SMIC mensuel net qui est alors d'un montant de 820,44 euros”.
« C'est donc parce qu'il lui manque trois euros par mois – trois euros ! – que M. S. ne peut faire venir sa famille auprès de lui, alors que son invalidité rend la présence de ses proches indispensable.
« Un recours gracieux est adressé à la préfecture montrant que les ressources de M. S. ont augmenté. Celle-ci décide pourtant de maintenir sa décision, refusant de prendre en compte les éléments survenus postérieurement à sa réponse.
« Un recours contentieux est alors déposé devant le tribunal administratif qui, après presque cinq ans de procédure – que valent les malheureux quatre mois que vous nous avez concédés comme le fait du prince ? –, reconnaît à M. S. le droit de faire venir son épouse et ses enfants, en estimant que la décision de la préfecture porte une atteinte disproportionnée à son droit de vivre en famille. Malheureusement – ce n'est ni Love Story ni une série de TF 1 –, M. S. ne connaîtra pas cette joie puisqu'il est décédé peu de jours avant que le tribunal ne rende sa décision. Il était hospitalisé depuis plusieurs mois, car sa perte d'autonomie rendait son maintien à domicile difficile en l'absence de proches pouvant l'aider dans les actes de la vie quotidienne. »
Voilà quelle est votre vision du monde et du vivre ensemble ! Voilà comment vous traitez des étrangers qui ont beaucoup travaillé pour notre pays et qui veulent simplement que leur famille les rejoigne quand, comme le disait Montaigne cité tout à l'heure par M. Brard, « ils sont empêchés de leur corps » et encore plus en difficulté.
Faut-il le répéter ? Cette loi, monsieur le ministre, sera surtout dure pour les pauvres, car c'est le type d'immigration dont vous ne voulez pas. Vous dites en effet très clairement qu'ils auront le droit de vivre en famille à condition de gagner plus que de quoi se débrouiller. C'est une conception de la vie de famille que le groupe socialiste est loin de partager.
Exiger un revenu au moins égal au SMIC peut sembler raisonnable. C'est oublier que, très souvent, ces gens aident des personnes âgées ou gardent des enfants à domicile, font le ménage dans les bureaux ou travaillent dans les cafés, mais ni à temps complet ni « officiellement », pour s'assurer un complément de revenu. Ceux-là ne pourront donc pas vivre en famille.
Et quand bien même ils gagneraient le SMIC, cela ne serait encore pas suffisant. Vous exigez que l'étranger gagne plus et vive plus confortablement que le Français. Par conséquent, un simple SMIC n'est pas acceptable ; il faut qu'il gagne 1,2, 1,3 ou 1,5 SMIC ! Vous avez de bons rapports avec le patronat. Peut-être pourriez-vous lui suggérer d'attribuer une prime en fonction de la taille des familles. Nous ne serions pas contre et il y aurait une certaine cohérence. En tout cas, vous ne pouvez pas tirer argument de l'insuffisance des salaires pour empêcher les gens de vivre en famille.
Je partage tout à fait les propos de M. Mamère. Il est en effet très choquant que des gens ayant travaillé en France et qui, à la suite d'un accident du travail, sont devenus handicapés ou invalides – et ne perçoivent donc pas un SMIC complet –, se voient privés de leur famille, alors que c'est précisément leur état qui rend nécessaire la présence de leurs proches auprès d'eux. Les associations qui s'occupent du sida notamment s'inquiètent de ce que des personnes malades vivant avec des allocations ne peuvent pas être aidées par des membres de leur famille.
Pour toutes ces raisons, cet article est insupportable. Encore une fois, vous devriez vous interroger sur les conséquences des textes que vous proposez !
Une fois de plus, vous introduisez une discrimination, que le Sénat avait déjà rejetée lorsque vous aviez essayé de la placer dans un texte examiné en juin 2006, ainsi que l'ont rappelé Mme Hostalier et M. Mamère. Pourquoi une famille pourrait-elle vivre avec un SMIC quand une autre, d'origine différente, ne le pourrait pas ? Je n'arrive pas à comprendre. Peut-être l'augmentation du SMIC au 1er juillet n'était-elle pas suffisante pour que tout le monde puisse en profiter ?
En outre, cela a déjà été dit, on ne voit pas comment les retraités qui, au terme d'une vie de travail en France, aspirent à un peu de bonheur, pourront bénéficier du regroupement familial avec une pension équivalant à 70 % ou 60 % du SMIC. Il en sera de même pour ces personnes, que nous recevons tous dans nos permanences, qui ont été victimes d'un accident de la vie et perçoivent une allocation COTOREP inférieure au SMIC. Outre la souffrance du handicap, elles se verraient interdire le bonheur d'avoir leurs proches auprès d'elles par cette mesure très contraignante. Mme Pau-Langevin a évoqué le sida. Pour ma part, je travaille beaucoup avec la CATRED, qui rencontre tous les jours de telles situations. Les démarches nécessaires pour demander un regroupement familial sont déjà assez difficiles aujourd'hui. Une telle mesure est scandaleuse !
L'article 2 pose le problème essentiel de la marge de manoeuvre que nous laisse la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Notre rapporteur a cité dans son rapport écrit trois décisions – du 13 août 1993, du 15 décembre 2005 et du 20 juillet 2006 – qui limitent singulièrement les pouvoirs du législateur et du Gouvernement.
Lors de la réunion du groupe de l'UMP, monsieur le ministre, nous vous avons fait part de notre souhait d'aller plus loin et, pour ce faire, d'utiliser d'autres voies, en particulier en envisageant les conditions dans lesquelles une révision des dispositions constitutionnelles pourrait être décidée. Je ne suis pas certain, par exemple, que le Conseil constitutionnel trouverait acceptables les amendements de certains de mes collègues, en particulier celui de M. Mallié portant les conditions de ressources de 1,2 SMIC à 1,5 SMIC, ou celui du rapporteur tendant à passer d'un SMIC ou 1,2 SMIC à 1,3 SMIC.
Je crois qu'il faudra établir des règles beaucoup plus strictes si nous voulons véritablement limiter le regroupement familial…
…et opérer le basculement que vous souhaitez de l'immigration familiale vers l'immigration économique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La jurisprudence du Conseil constitutionnel nous impose des limites. Il faudra sans doute que le Gouvernement nous propose d'adopter en Congrès des mesures qui nous permettent d'aller plus loin. Cette loi est bonne. Elle n'est qu'une étape vers une limitation plus importante du regroupement familial. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je remercie M. Soisson, dont on connaît la très grande expérience parlementaire et ministérielle, de sa franchise. Nous avons bien compris que nous n'en sommes qu'aux hors-d'oeuvre et que le plat principal va bientôt arriver !
En tant que législateur – certes plus jeune que M. Soisson –, je suis profondément choqué qu'on puisse considérer aujourd'hui le Conseil constitutionnel, non plus comme le gardien de la loi fondamentale ou comme un observateur sagace des dérives auxquelles, dans la nuit, une assemblée trop pressée pourrait se laisser aller, mais comme un risque, un frein, un obstacle. J'ai même eu l'impression qu'on voulait supprimer ce gêneur à l'occasion d'une prochaine révision constitutionnelle ! Pour ma part, je ne crois pas un instant que le Conseil constitutionnel, souhaité par le général de Gaulle, qui, pendant cinquante ans, a su protéger et délimiter le domaine de la loi, puisse être considéré comme un risque pour le législateur. Si le garde-fou de sa jurisprudence vous embarrasse, c'est qu'effectivement votre projet de loi n'est pas bon. Il frise l'anticonstitutionalité et c'est une raison supplémentaire pour supprimer l'article 2, à défaut de retirer tout le projet de loi, parfaitement inutile.
Pour aller dans le sens du projet de loi, je propose de jouer à un quiz, qui pourrait être soumis aux personnes souhaitant s'établir sur notre territoire. Monsieur le rapporteur, l'Union européenne dédie chaque année à un thème particulier. Connaissez-vous celui qui a été retenu pour 2007 ?
Je ne savais pas que le parti communiste y était aussi attentif ! Vous allez me l'apprendre ! (Sourires.)
Sachez que nous sommes dans l'année européenne de l'égalité des chances pour tous. (Murmures.)
Normalement, dans toute l'Europe, des actions sont menées pour soutenir la lutte contre toutes les formes de discrimination, qu'elles soient liées à l'origine, aux croyances, au genre, à l'âge, au handicap ou encore à l'orientation sexuelle.
En l'évoquant, je souhaite en appeler – j'espère encore ! – sinon au coeur, du moins à la raison des parlementaires. Je veux bien comprendre, même si je ne la partage pas, la logique purement idéologique des articles 1er et 4 : vous souhaitez écarter certains ressortissants étrangers pour protéger l'identité nationale. Convenez que l'article 2 – cela a été dit par un certain nombre de nos collègues – ne vise que les plus démunis, les plus pauvres. Cela montre le caractère de ce texte. Et si vous voulez prouver le contraire, supprimez cet article.
Je ne vois pas pourquoi – ce qui serait contraire à tous les traités européens – on exigerait davantage d'un ressortissant étranger. Monsieur Soisson, il ne s'agit pas de 1,2, ou de 1,3 voire de 1,5 SMIC ! Le seul chiffre qui vaille, c'est 1 ! En effet, un homme vaut un homme, une femme vaut une femme. À partir du moment où l'on considère que les Français peuvent vivre avec le SMIC sur notre territoire, puisqu'on ne l'augmente pas, on peut aussi considérer qu'une famille étrangère qui n'a jamais eu de problème avec les lois de la République peut vivre décemment, de la même façon qu'un Français, sur notre sol. Si vous me démontrez le contraire, je voterai cet article, mais vous n'y parviendrez pas.
Je voudrais répondre à un certain nombre d'intervenants qui se sont exprimés sur le revenu minimum.
Chacun doit comprendre l'objectif de ce texte : il s'agit de faire en sorte que les familles qui arrivent sur notre territoire soient le plus autonomes possible. A cette fin, nous avons instauré une obligation linguistique. Une deuxième obligation concerne les revenus. Au 1er juillet, le SMIC s'élevait à 1 005 euros net ; 1,2 SMIC représente donc 1 206 euros. Quant au salaire médian d'un ouvrier qualifié, il est de 1 320 euros. Un revenu de 1,2 SMIC me paraît être un minimum pour qu'un famille nombreuse étrangère puisse financer son installation.
Monsieur Braouezec, je ne dis pas que comparaison soit raison, mais nous nous inspirons de ce qui se pratique en Europe. Vous pensez que les conditions doivent être identiques pour les Français et les étrangers. Or la directive européenne de 2003 sur le regroupement familial prévoit très explicitement que les États peuvent fixer des planchers de ressources tenant compte de la taille de la famille.
Qui peut sérieusement imaginer qu'un étranger résidant en France peut y accueillir sa femme et ses quatre enfants alors que son revenu est seulement égal au SMIC ? (« Qu'en est-il des Français ? » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Combien de familles françaises sont dans ce cas-là ?
Si une famille nombreuse ne dispose que d'un seul SMIC pour vivre, ses conditions de vie seront malheureusement le plus souvent inhumaines, en matière de logement notamment. Le risque majeur est de livrer ces étrangers aux marchands de sommeil contre lesquels nous luttons.
Il ne faut pas leur offrir une main-d'oeuvre qu'il puisse exploiter, pressurer. Nous proposons donc de tenir compte de la taille de la famille.
Madame Pau-Langevin, je comprends la sincérité de votre comparaison, mais cette dernière ne tient pas : les familles françaises peuvent mobiliser des réseaux très importants de solidarité familiale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) pour l'accès au logement, pour l'accès à l'emploi, pour la garde des enfants. Qui peut nier que la garde des enfants repose pour une grande majorité de familles sur la solidarité familiale ?
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Les étrangers aussi !
Cela fonctionne différemment pour une famille étrangère.
Il faut garder le sens de la mesure. Pour cela, le Gouvernement propose de retenir comme plafond 1,2 SMIC. C'est le maximum que l'administration imagine être en droit de pouvoir exiger d'un candidat au regroupement familial.
M. Bodin propose 1,5 SMIC, M. Mallié et M .Goasguen proposent 2 SMIC et le rapporteur, lui, propose 1,33 SMIC. Nous devons réfléchir ensemble à trouver le bon équilibre. En tout cas, aller trop loin reviendrait à méconnaître les dispositions constitutionnelles protégeant le regroupement familial.
J'ai déjà défendu l'amendement lors de mon intervention sur l'article 2.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l'amendement n° 146 .
Pour défendre mon amendement, je citerai un exemple concret. M. L., citoyen marocain, arrivé en France en 1963 à l'âge de vingt-neuf ans, a travaillé quarante-quatre ans jusqu'à sa retraite prise en janvier 2001, date à laquelle il a fini par demander, dans le cadre du regroupement familial, à faire venir sa femme qu'il n'avait vue que lors d'allers-retours réguliers tout au long de ces années. Un refus lui est opposé en février 2007, au motif que ses ressources sont inférieures au SMIC – M. L., dont le salaire n'était pas très élevé, perçoit une retraite de 785 euros net et une complémentaire de 80 euros ; et ses ressources n'ont guère de chance d'augmenter puisqu'il ne peut plus exercer d'activité professionnelle. Voilà donc comment est remercié cet homme qui a donné une vie de travail à notre pays.
Quant aux réseaux de solidarité, les étrangers en disposent autant que les Français, n'en déplaise à la droite qui fait l'éloge des uns tout en considérant les autres comme une menace communautariste, une menace pour l'identité nationale. Il est heureux que ces réseaux de solidarité entre les étrangers vivant sur notre territoire existent car ils permettent à un certain nombre de travailleurs étrangers privés d'emploi de ne pas se retrouver mendiants ou SDF.
Il faut bien mesurer la signification de l'article 2 et ce à quoi il renvoie. Cet article est discriminatoire. Les arguments de M. le ministre ne reposent sur rien. Si un Français peut faire vivre sa femme avec le SMIC ou un peu moins, pourquoi un étranger ne pourrait-il pas, avec la même somme, faire vivre la sienne ? Pourquoi n'en serait-il pas capable ? D'ailleurs, il a souvent dû faire preuve d'astuces pour subvenir à ses besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 171 .
Je suis surprise du nombre d'aveux qui ont été faits dans cet hémicycle.
Le premier aveu, c'est M. Soisson qui l'a fait et il concerne les intentions réelles de ce projet de loi. Selon lui, ce texte est un premier pas pour limiter « véritablement le regroupement familial ». Les intentions du projet de loi sont donc claires : il s'agit de limiter drastiquement le regroupement familial et en aucun cas d'en accélérer la possibilité, comme M. Mariani semble le prétendre pour justifier son amendement sur les tests ADN.
Le deuxième aveu nous a été fait par M. le ministre et concerne sa vision de la politique familiale. Il est intéressant que le ministre de l'identité nationale – titre qui laisse encore songeur – renvoie les familles françaises à la solidarité familiale et en aucun cas à la solidarité nationale. Et même s'il est à la mode de remettre en cause le contrat social français, tous les socles de notre « vivre ensemble », de tels propos sont tout à fait étonnants.
Hier, le Président de la République renvoyait la prise en charge de la dépendance aux ressources respectives des familles. Aujourd'hui, nous venons d'entendre un ministre de la République nous expliquer que, désormais, les familles françaises devront, pour continuer à vivre, recourir uniquement et exclusivement à la solidarité familiale. Si elle n'existe pas, tant pis pour elles !
La législation actuelle exige que l'étranger qui désire être rejoint par sa famille dispose d'un revenu au moins égal au SMIC, sans tenir compte de la taille de sa famille – c'est ce que nous avions voté en 2006.
Le Gouvernement a proposé une modification de ce dispositif afin de mettre en oeuvre l'engagement pris par le Président de la République pendant la campagne électorale selon lequel un candidat au regroupement familial devait disposer d'un travail lui permettant de faire vivre sa famille sans recourir aux prestations sociales. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Si un revenu équivalent au SMIC doit pouvoir permettre à un couple avec un enfant de mener une vie familiale dans des conditions acceptables, ces ressources ne permettent pas à une famille très nombreuse de pouvoir vivre dans de bonnes conditions. En effet, la taille d'une famille – qu'on le veuille ou non – a, hélas, une incidence directe sur son niveau de vie, donc sur ses conditions de vie.
Certains considèrent qu'il n'y aurait pas lieu d'opérer une distinction entre les familles françaises et les familles étrangères. Il s'agit en réalité d'une distinction entre les familles déjà présentes sur le territoire – qu'elles soient françaises ou étrangères – et celles qui aspirent à s'installer sur notre territoire.
Dans le droit actuel, il existe déjà une condition de logement, qui varie selon la taille de la famille. L'exigence d'un niveau de ressources égal au SMIC constitue d'ores et déjà une exigence supplémentaire imposée aux familles qui veulent venir en France, par rapport aux familles déjà présentes sur le territoire et dont certaines vivent, hélas, avec des revenus inférieurs au SMIC.
Pour toutes ces raisons, l'article 2 du projet de loi présenté par le Gouvernement me semble pleinement justifié et j'émets donc un avis défavorable à l'ensemble des amendements qui nous sont soumis. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Avis défavorable, conformément aux propos tenus par Brice Hortefeux tout à l'heure.
Je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. Étienne Mourrut, pour le soutenir.
Mon amendement vise, d'une part, à préciser qu'il ne s'agit que d'une fourchette de revenu minimum à atteindre et, d'autre part, à encourager la mobilité de ces populations vers d'autres quartiers et communes contribuant ainsi à l'objectif de mixité sociale.
Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 229 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
En effet, cet amendement est tout à fait justifié.
Avec l'article 2, le Gouvernement revient sur la règle qui prévalait jusqu'ici, à savoir l'exigence d'un revenu minimum égal au SMIC indépendamment du nombre de personnes composant la famille. Les arguments du ministre de l'immigration nous ont paru bien vagues. Comme notre collègue Mazetier, nous doutons de sa volonté de solidarité, laquelle revient à laisser les gens se débrouiller. C'est du reste ce que le Président de la République a laissé entendre hier lorsqu'il a parlé de la nécessité de recourir aux assurances privées pour financer une partie de la solidarité, aujourd'hui battue en brèche.
Vous estimez que si les familles françaises peuvent s'entraider, c'est très bien, mais lorsqu'il s'agit de familles étrangères, vous les accusez immédiatement de communautarisme – M. Braouezec l'a fort justement fait remarquer.
Nous souhaitons revenir à la loi en vigueur. C'est parce que vous voulez limiter le regroupement familial et élever des barrières que vous nous proposez d'aménager les conditions de revenu minimum. En fait, comme nous n'avons cessé de le répéter, les uns et les autres, vous voulez tout simplement empêcher les plus pauvres d'accéder au regroupement familial. Vous ne voulez pas d'une certaine couleur de l'immigration, pas plus que vous ne voulez de pauvres dans notre pays, qu'ils soient français d'origine ou qu'ils soient étrangers.
Avis défavorable.
Nous avons déjà expliqué, monsieur le président, pourquoi il était légitime de moduler le niveau de ressources exigé en fonction de la taille de la famille. La question qui se pose est celle du niveau adéquat des ressources correspondant aux besoins d'une famille en fonction de sa taille. Le Gouvernement a choisi de permettre une différence de 20 % des ressources exigées : pouvoir aller jusqu'à 1,2 SMIC. Cela signifierait que l'incidence d'une famille nombreuse sur le niveau de vie d'une famille ne dépasserait pas 20 %, à revenu égal.
Il a semblé à la commission des lois que la baisse de niveau de vie induite par une famille nombreuse dépassait largement 20 % comme le montrent les exemples des pays qui pratiquent une telle modulation. En Allemagne, les ressources exigées augmentent de 208 euros par enfant, et même de 278 euros pour les enfants de plus de quatorze ans.
Nous vous proposons une solution qui nous semble tout à fait raisonnable. Pour une famille de moins de six personnes, on ne pourra exiger plus de 1,2 fois le SMIC, mais à partir de six personnes, il sera possible d'exiger jusqu'à 1,33 le SMIC, soit 1 336 euros nets par mois.
Mon amendement vous propose de passer de 1,2 SMIC à deux SMIC. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pourquoi ? Il faut vivre avec son temps : nous sommes au XXIe siècle, à l'époque de la mondialisation, où les échanges entre les pays sont facilités – Dakar est à quatre heures d'avion de Paris et Tunis à deux heures de Malte. Il est donc important d'ouvrir les yeux car l'Europe et notre système social font trop souvent figure d'eldorado, grâce notamment à la télévision par satellite.
Dès lors il me semble normal qu'une famille avec six enfants puisse au moins disposer de deux SMIC pour prétendre au regroupement familial. Les prestations sociales ne doivent entrer en ligne de compte – car c'est l'état d'esprit qui règne – pour faire venir sa famille.
M. Mallié vient de défendre une proposition proche de la mienne. Mais après avoir écouté avec attention les explications de M. le ministre, je veux bien convenir qu'il n'est pas nécessaire de faire monter les enchères. Je retire donc mon amendement.
L'amendement n° 63 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux autres amendements ?
Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai développés tout à l'heure. J'indique que la position du Gouvernement en la matière est très claire : avis défavorable à l'amendement n° 67 de M. Mallié – même s'il a bien compris le sens de sa démarche ; avis défavorable aussi à l'amendement de M. Bodin, mais celui-ci n'a pas été maintenu.
Quant à l'amendement n° 23 de la commission qui propose d'aller jusqu'à 1,33 SMIC pour les familles les plus nombreuses, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Je note que vous nous invitez à faire preuve de sagesse, monsieur le ministre, pour savoir si nous devons choisir entre un et deux SMIC.
Cela, c'est votre proposition, monsieur le rapporteur, mais d'autres voix se sont fait entendre.
Concernant la modification des conditions de ressources, je comprends, sur le plan du droit, que l'éventualité d'une censure du Conseil constitutionnel ait pu être évoquée, notamment par M. Soisson.
Au plan de la solidarité – et je reprends les propos de M. Mamère –, je considère qu'il ne faut surtout pas créer une République à deux vitesses, notamment pour ceux qui sont Français et qui vivent en France. Nous nous intéressons en effet à un Français dont le conjoint est étranger. Et nous créons une discrimination entre Français. Il ne faut pas donner à penser qu'il s'agit d'une discrimination entre Français et étrangers.
C'est très important de le souligner. Il s'agit d'un Français qui demande un rapprochement familial, et la discrimination dont il fait l'objet est inconstitutionnelle.
Procédons à une analyse complète. Si l'on ajoute aux conditions de revenus l'obligation d'avoir un logement décent, la personne qui souhaite faire venir son conjoint va cumuler les handicaps. Au demeurant, il est de la responsabilité de l'État d'assurer au peuple français des conditions de logement décentes. N'oublions pas que l'échec patent de la politique d'intégration au cours de ces dernières années est, en partie, dû à la discrimination par l'habitat parce qu'on a laissé se développer des ghettos urbains, justement là où se trouvent les familles dont nous parlons.
Nous devons faire preuve de sagesse en considérant l'accumulation de ces handicaps. Il faut donc revenir à 1 SMIC, ce qui, de mon point de vue, serait la moindre des choses, en tout cas la plus respectueuse.
Quelqu'un a parlé tout à l'heure de parcours du combattant. Or vous instaurez un double parcours, en France et à l'extérieur de la France. Songez à la difficulté de sortir du pays et faire mille kilomètres pour faire établir des papiers dans de mauvaises conditions, de plus avec un test dont la charge financière incombe aux demandeurs eux-mêmes. Et sur le sol français, vous créez un deuxième niveau de discrimination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Autant j'approuve votre amendement, monsieur le rapporteur, sur les tests ADN qui permettront aux plus démunis de pouvoir se défendre en cas de trafics de papiers, autant je voterai contre ces amendements-là.
C'est déjà beaucoup d'exiger d'une famille étrangère qui s'installe sur le territoire français qu'elle dispose d'un niveau de revenu égal au SMIC. Une fois installée, et dès qu'elle aura des papiers, elle bénéficiera des prestations familiales. On ne peut tout de même pas demander à une famille étrangère beaucoup plus qu'à une famille française. Je voterai donc contre ces amendements.
Aux yeux du groupe UMP, l'amendement n° 23 du rapporteur paraît très sage et très pertinent. La possibilité de moduler le seuil jusqu'à 1,33 SMIC pour les familles d'au moins six enfants…(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
…nous paraît tout à fait raisonnable. Qui peut croire que l'on puisse vivre décemment avec moins de 1,33 SMIC lorsqu'on a une famille de six enfants ?
Quatre ! Mais vous n'avez pas lu le texte ! Vous êtes recalé au test de compréhension !
Une famille de six personnes, excusez-moi. C'est donc une mesure de bon sens…
Je note du reste que de telles dispositions se retrouvent déjà dans notre réglementation. La modulation du seuil de revenus existe pour l'accès aux logements HLM…
…où le plafond de ressources est fixé à un SMIC pour une personne, à 1,3 SMIC pour deux personnes, à 1,57 pour trois, à 1,86 pour quatre, et à 2,1 pour cinq. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cette litanie est inutile ! Nous avons des HLM dans nos circonscriptions ! Nous connaissons ces tables par coeur !
L'amendement de M. le rapporteur vise seulement à permettre à des familles de six personnes de pouvoir vivre dans des conditions décentes, et à éviter les drames auxquels nous avons assisté dans des familles contraintes à la misère et à la précarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En conséquence, l'amendement n° 67 tombe.
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
La séance est reprise.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 107 , 135 , 5 rectifié , 94 rectifié et 172 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour défendre l'amendement n° 107 .
Cet amendement, monsieur le ministre, ne mettra pas en péril l'équilibre migratoire en France. Il s'agit seulement d'apporter un peu de solidarité à des personnes qui en ont besoin.
Le texte qui nous est proposé ne prend pas en compte la question spécifique des travailleurs handicapés, ou, de façon plus générale, des populations particulièrement vulnérables – retraités, malades ou invalides – dont le niveau de ressources est bien souvent inférieur au SMIC et qui ont encore plus besoin que d'autres d'être entourés de leurs proches.
La HALDE, haute autorité dont personne ne peut mettre la moralité en doute, dans une délibération de décembre 2006, a estimé que la condition de ressources appliquée à des personnes handicapées constituait non seulement une atteinte au droit de ces personnes à mener une vie familiale normale, mais encore une discrimination indirecte et que « si la règle posée par l'article L. 411-5 répond à un objectif légitime [...] elle s'avère en revanche injustifiable dans le cas des travailleurs handicapés bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé ».
Aussi mon amendement n° 107 propose-t-il de compléter l'alinéa 2 par la phrase : « Cette condition de ressources n'est pas opposable au demandeur retraité ou qui, en raison de trouble de santé invalidant ou d'un handicap, rencontre des restrictions dans l'accès à une activité professionnelle rémunérée. »
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l'amendement n° 135 .
Cet amendement, à la défense duquel j'associe mon collègue Yvan Lachaud, participe du même esprit que celui défendu par Mme Hostalier.
Chacun conviendra de la nécessité d'amender le texte dans le sens que nous proposons : les conditions de ressources sont parfois difficilement remplies par les personnes atteintes d'un handicap. Même si des mesures ont été prises pour améliorer leur situation, il est nécessaire de ne pas opposer la condition de ressources « au demandeur qui, en raison d'un handicap, rencontre des restrictions dans l'accès à une activité professionnelle rémunérée », comme le précise mon amendement n° 135 .
Il est important, me semble-t-il, que nous puissions tous nous retrouver sur cette affaire.
La parole est à M. Étienne Pinte, pour défendre l'amendement n° 5 rectifié .
Cet amendement avait fait l'objet d'un sous-amendement n° 270 , déposé par M. Goulard.
En effet, monsieur le président. Et je suis d'autant plus d'accord avec ce sous-amendement que nous l'avons d'ores et déjà intégré sous forme de rectification.
Ainsi rectifié, l'amendement n° 5 va tout à la fois plus loin et moins loin que les deux précédents en proposant de compléter l'article 2 par l'alinéa suivant :
« Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation adulte handicapé ou d'une pension d'invalidité d'un taux supérieur à un minimum fixé par décret. »
En effet, bon nombre de personnes handicapées qui perçoivent l'allocation adulte handicapé ont des ressources inférieures au SMIC si elles ne perçoivent que cette allocation. C'est le cas de l'immense majorité des bénéficiaires de l'AAH, qui se verraient privés de leur droit au regroupement familial, sauf si le préfet fait usage de son pouvoir d'appréciation.
Comme l'a rappelé Françoise Hostalier, la HALDE s'est émue de cette situation et a estimé dans un avis du 11 décembre 2006 que la condition de ressources était discriminatoire lorsqu'elle était appliquée à des personnes handicapées titulaires de l'AAH.
C'est pourquoi l'amendement n° 5 rectifié vise à supprimer la condition de ressources pour le bénéficiaire de l'allocation adulte handicapé pour l'exercice du regroupement familial. Qui plus est, contrairement aux amendements précédents, il propose d'étendre la dispense de la condition de ressources aux titulaires d'une pension d'invalidité dont le taux sera déterminé par décret.
La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l'amendement n° 94 rectifié .
Nous retrouvons les arguments que nous avons développés lors de la discussion sur l'article 2 : malgré des divisions en son sein, la majorité a voté des conditions financières insupportables pour tous ceux qui demandent un regroupement familial. Il s'agit d'une première atteinte à ceux qui sont marqués des stigmates de la pauvreté dans leur pays : ils n'auront pas les mêmes droits que les familles françaises, puisque vous leur imposez une forme de ségrégation insupportable dans un pays démocratique – et de surcroît anticonstitutionnelle.
Comme si cela ne suffisait pas, vous ajoutez une autre discrimination touchant cette fois des populations encore plus vulnérables, à savoir les handicapés et les retraités. La HALDE, comme l'a justement souligné notre collègue Étienne Pinte, s'est opposée à la mesure que vous aviez proposée dans la loi du 24 juillet 2006. Vous y revenez aujourd'hui, comme vous êtes revenus, avec la question du SMIC, sur des mesures votées à l'unanimité au Sénat en 2003 et en 2006. Tout ça pour ça ! Tout ce bruit à l'Assemblée nationale pour des dispositions touchant au plus dix mille familles, et encore !
C'est de l'affichage ! Vous procédez à des amalgames pour rassurer le bon peuple de France qui, inquiet de la crise et de l'avenir, s'invente des boucs émissaires. Vous nous faites croire que votre texte vise à régler le problème de l'immigration clandestine, alors qu'il concerne le regroupement familial : il n'intéresse donc pas seulement les étrangers, mais aussi des Français ayant des conjoints étrangers. Comme l'a fort justement observé notre collègue Serge Letchimy, vous instaurez des discriminations non seulement entre Français et étrangers, mais aussi entre les Français eux-mêmes.
Il y a déjà beaucoup de discriminations dans notre pays : elles se sont violemment exprimées lors des émeutes de novembre 2005, et cela risque de se reproduire à cause du sentiment d'humiliation de nos compatriotes issus de l'immigration, qui se sentent comme étrangers de l'intérieur, bien qu'étant aussi Français que vous et moi.
Les dispositions que vous proposez, s'agissant de personnes que leur état physique ou leur situation économique rend encore plus vulnérables, sont inacceptables. Nous ne pouvons donc que nous rallier aux amendements précédents et vous demander, au nom même des valeurs républicaines que vous prétendez défendre et voulez inculquer aux candidats au regroupement familial, d'accepter l'amendement n° 94 rectifié .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 172 .
Cette partie du texte sous-tend une conception de la société, et plus généralement de l'humanité, proprement inacceptable.
Je profite de la défense de notre amendement n° 172 , qui va lui aussi dans le sens des précédents, pour dire combien est choquante la politique réservée aux étrangers retraités, invalides ou handicapés : d'un côté, vous refusez le regroupement familial au nom de l'insuffisance des ressources ; de l'autre, vous refusez également le bénéfice de la prestation du fonds de solidarité à celui qui retourne dans son pays d'origine !
Cela devrait vous inciter à la réflexion : pourquoi n'acceptez-vous pas que les vieux travailleurs vivant seuls dans des foyers qui ressemblent de plus en plus à des maisons de retraite bénéficient des prestations du fonds national de solidarité lorsqu'ils rentrent dans leur pays ? La situation que vous créez est inacceptable car, je le répète, vous leur refusez cela aussi, en considérant qu'ils n'ont qu'à mourir tout seuls en France.
Bien que ces amendements aient à peu près le même objet, la commission est défavorable aux amendements nos 94 rectifié et 172 , qui sont à mon sens trop vagues, ainsi qu'aux amendements nos 107 et 135 ; avis favorable, en revanche, à l'amendement n° 5 , rectifié dans le sens du sous-amendement n° 270 .
Tous ces amendements sont inspirés par un souci d'humanité que le Gouvernement partage totalement.
Cependant, les dispositions proposées divergent. Aussi le Gouvernement préfère-t-il s'inspirer des préconisations de la HALDE. Dans cet esprit, il est défavorable aux amendements nos 107 , 135 , 94 rectifié et 172 , mais favorable à l'amendement n° 5 rectifié comme l'avait proposé M. Goulard dans son sous-amendement.
Je suis bien entendu favorable à l'amendement de M. Pinte. Mais j'aimerais savoir, monsieur le ministre, ce qu'il en sera exactement des retraités dont les pensions sont bien souvent inférieures au SMIC. Seront-ils totalement exclus du droit au regroupement familial ?
La loi Borloo de mars 2007 prévoit déjà, dans le cadre de l'aide au retour, un dispositif spécifique pour les vieux travailleurs migrants : il convient donc de se référer à ce texte.
Nous vivons dans un monde étrange : aux discriminations par l'argent s'ajoutent des discriminations par l'âge… La HALDE va devoir sérieusement examiner la situation !
Le montant des retraites des catégories les plus modestes, même avec une carrière complète, est très souvent inférieur au SMIC, autrement dit aux conditions de ressources que vous exigez. Vous allez donc empêcher un retraité de faire venir son conjoint au motif qu'il ne dispose pas de revenus suffisants. Cette mesure discriminatoire est d'une dureté extraordinaire, et de surcroît, pardonnez le terme, totalement médiocre vis-à-vis des personnes âgées. Vous nous faites vivre dans un monde d'une dureté infinie, que d'ailleurs vous ne pourrez pas maintenir longtemps car vous serez condamnés par tous les tribunaux, et vous exposez la France à une condamnation pour discrimination par la Cour européenne des droits de l'homme. Je vous demande de vous ressaisir et de considérer la situation des retraités, des personnes handicapées et des invalides !
Mon propos va dans le même sens que celui de mon collègue et je vais vous montrer les contradictions qui existent entre les différents dispositifs destinés à soutenir les plus démunis.
Il y a deux ans, monsieur le ministre, nous avons institué le régime social des indépendants pour que des personnes qui ont travaillé pendant de nombreuses années sans pouvoir cotiser puissent racheter des années de cotisation et bénéficier au moins du minimum vieillesse. Toutefois, celui-ci ne pouvant égaler le SMIC, ces personnes ne pourront pas prétendre au regroupement familial. Ainsi, dans ma circonscription de Martinique, environ 900 artisans taxis ne percevront pour minimum vieillesse que la moitié du SMIC. Le régime social des indépendants leur permettra de tenir le coup, sans parler de la couverture maladie. Mais pour bénéficier du regroupement familial, il faut avoir moins de soixante-cinq ans, ce qui constitue une discrimination.
Vous avez eu raison, madame Hostalier, de présenter un tel amendement et je salue publiquement votre courage.
Ce que vous avez fait n'était pas facile. J'espère que l'Assemblée en tiendra compte et montrera son respect en renonçant à exclure de ce dispositif plusieurs milliers de personnes qui ne disposeront pas de revenus suffisants.
J'abonde dans le sens de mes deux collègues. On a le sentiment que vous appliquez au regroupement familial les mêmes principes qu'à l'assurance maladie avec les franchises médicales… Pour vous, seules les familles bénéficiant d'un certain revenu auront le droit de vivre en famille, alors qu'il s'agit pourtant d'un droit constitutionnel, d'un droit fondamental. Au motif d'économiser quelques euros, vous imposez des règles insupportables !
Nous avons tout à l'heure évoqué l'exemple présenté par la CIMADE d'une personne handicapée qui n'a pas pu faire venir son épouse parce que ses revenus étaient inférieurs de trois euros au seuil requis. Dans quel monde vivons-nous ? Trois euros, quand vous donnez 13 milliards aux plus riches ! Vous allez finir par vous casser la figure à force de marcher sur une seule jambe !
Je mets aux voix l'amendement n° 107 .
(L'amendement est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En conséquence, les amendements nos 135 , 5 rectifié , 94 rectifié et 172 tombent.
La parole est à M. le rapporteur.
Je voudrais faire une remarque : l'amendement n° 107 de Mme Hostalier, qui vient d'être adopté, concerne les personnes retraitées, handicapées ou non – ce qui, en clair, exclut une personne handicapée qui ne serait pas retraitée – alors que l'amendement de M. Pinte visait les personnes handicapées non retraitées. Il est dommage que l'adoption de l'amendement n° 107 fasse tomber les autres amendements.
Peut-être avez-vous raison sur le fond, monsieur le rapporteur, mais du strict point de vue de la discussion parlementaire, l'adoption de l'amendement n° 107 a bel et bien fait tomber les autres. Je vous rappelle que la navette vous donnera l'occasion d'y revenir. Le pouvoir exécutif, à l'Assemblée nationale, n'est pas totalement démuni…
C'est une autre possibilité, mais je n'ose la suggérer au Gouvernement…
Je suis saisi d'un amendement n° 24 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
La loi du 24 juillet 2006 a ajouté une troisième condition au regroupement familial : le demandeur doit désormais se conformer aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Dans le projet de loi initial, il était fait référence aux « principes qui régissent la République française ». À l'initiative du Sénat, ce sont les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » qui furent retenus. Cette rédaction a entraîné une réserve de la part du Conseil constitutionnel, du fait de son sens très précis en droit constitutionnel français. Le Conseil a en effet précisé qu'elle devait être comprise au regard des travaux parlementaires, indiquant que le législatif avait entendu se référer aux « principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil ».
Aussi, afin de rendre la loi plus intelligible, l'amendement n° 24 vise-t-il à retenir cette formule. La situation est ainsi parfaitement claire : pour obtenir le regroupement familial, le demandeur doit respecter les règles qui régissent la vie familiale en France – la monogamie, l'égalité des sexes, le respect des droits de l'enfant et l'obligation d'assiduité scolaire.
Où est le respect des droits de l'enfant quand il n'a ni son père ni sa mère à ses côtés ?
Cet amendement a pour objet de tenir compte de la précision du Conseil constitutionnel à propos de la loi de juillet 2006. Le Gouvernement y est donc favorable.
Franchement, je me demande à quoi sert cet amendement… M. Mariani vient de se faire prendre le doigt dans le pot de confiture. L'intention qui se cache derrière est claire : il faut que le demandeur s'engage à être monogame… Encore une fois, on suspecte les familles qui demandent le regroupement de ne pas satisfaire aux principes de notre République, de pratiquer une religion non conforme à nos principes démocratiques, d'être des polygames qui égorgent des moutons dans leur baignoire, voire des terroristes en puissance… Tout cela sent mauvais ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi d'un amendement n° 173 .
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
Notre amendement vise à préciser que cette disposition n'est pas applicable lorsque la demande de regroupement familial répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels. De telles situations nécessitent en effet un traitement plus doux que le régime de rigueur auquel nous soumet ce projet de loi.
Cet amendement de repli correspond à des situations de vulnérabilité extrême pour lesquelles le regroupement familial s'impose de lui-même. Nous ne disposons pas de statistiques, mais nous avons l'impression qu'un peu d'humanité permettrait de traiter un certain nombre de cas douloureux, dans le respect des personnes, et d'éviter des situations de crise telles que celles qui ont été décrites tout à l'heure.
Avis défavorable. Cet amendement n'est pas nécessaire puisque le préfet peut déjà accorder le regroupement familial dans une telle hypothèse.
Même avis.
Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 25 , portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
La carte de résident de longue durée-CE a été créée par la loi du 24 juillet 2006 afin de transposer la directive du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée. Elle est délivrée aux étrangers provenant de pays extérieurs à l'Union européenne, qui acquièrent, pour eux-mêmes et leur famille, un droit au séjour privilégié dès lors qu'ils ont séjourné plus de cinq ans dans un État membre.
Je vous rappelle que ces étrangers sont autorisés à faire venir en France leur conjoint et leurs enfants sous réserve de disposer de ressources stables et suffisantes ainsi que d'une assurance maladie. Pour l'appréciation de la condition de revenu, les mêmes ressources sont exigées que dans le cadre de la procédure du regroupement familial : des ressources atteignant un niveau au moins égal au salaire minimum de croissance, hors prestations sociales.
Dans la mesure où l'article 2 du projet de loi modifie la condition de revenu exigée des demandeurs du regroupement familial, il était donc nécessaire d'en faire de même pour les titulaires d'une carte de résident de longue durée-CE qui souhaitent faire venir leur famille en France. Il s'agit donc d'un amendement de coordination avec l'article 2.
Cet amendement a fait l'objet de deux sous-amendements, nos 108 et 82 rectifié , qui peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour soutenir le sous-amendement n° 108 .
Ce sous-amendement est motivé par les mêmes raisons que l'amendement n° 107 : afin de protéger les personnes les plus vulnérables, il n'y a pas lieu d'introduire une discrimination entre les ressortissants des pays de l'Union européenne et ceux des autres pays.
La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir le sous-amendement n° 82 rectifié .
Mon sous-amendement se situe lui aussi dans la droite ligne de l'amendement n° 5 rectifié qui, malheureusement, est tombé, alors qu'il nous semblait juridiquement plus précis sur le plan juridique que l'amendement n° 107 .
Pour mémoire, madame Hostalier, la HALDE n'a dénoncé qu'une seule situation, celle des bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé. C'est le seul cas sur lequel la HALDE se soit prononcée. Mais, j'y insiste, le projet de loi dont nous débattons ne change en rien la situation des retraités. Il n'existe pas de statistiques précises, mais je ne mentirai pas en disant que, pour les vieux migrants qui vivent le plus souvent en foyer-logement et n'ont pas de pension contributive, je l'évoquais tout à l'heure, la loi Borloo a institué un dispositif qui fera l'objet d'un décret dans les prochaines semaines. J'espère avoir répondu à votre préoccupation. Voilà pourquoi je suis défavorable aux sous-amendements nos 108 et 82 , qui reprennent l'idée d'une exemption de la condition de ressources pour les retraités, et favorable à l'amendement n° 25 .
Le sous-amendement de Mme Hostalier diffère légèrement de celui que M. Goulard et moi-même avons défendu tout à l'heure. Comme l'a rappelé, à juste titre, M. le ministre, le sous-amendement de Mme Hostalier est beaucoup plus large que le mien et ne répond pas aux observations de la HALDE. Voilà pourquoi, comme l'amendement adopté tout à l'heure, ce sous-amendement me semble inapplicable.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 108 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n° 82 rectifié .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 241 .
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.
J'ai le sentiment que certains membres de la majorité seront sensibles à cet amendement. Afin que les femmes étrangères qui subissent des violences conjugales ne soient plus, de surcroît, pénalisées par le retrait de leur titre de séjour, nous proposons que l'autorité administrative ne puisse y procéder et soit dans l'obligation d'en accorder le renouvellement.
Défavorable. Cette obligation ne me semble pas souhaitable. Que faire si, par ailleurs, il y a une menace à l'ordre public ?
Même avis que celui de la commission.
Cet amendement devrait recueillir l'assentiment général. L'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne protège pas les victimes de violences conjugales lorsque celles-ci viennent d'entrer sur le territoire français et n'ont pas encore obtenu un titre de séjour. Nous proposons de compléter le quatrième alinéa de cet article pour combler cette lacune. Car aujourd'hui, seules les victimes de violences qui ont un titre de séjour sont protégées. J'ai eu connaissance de situations dramatiques, s'agissant de femmes qui venaient d'entrer sur le territoire français et n'avaient pas encore obtenu un titre de séjour.
Mon amendement étant identique à celui de Mme Brunel, je me rallie évidemment à son argumentation.
Comme je l'ai indiqué hier dans mon intervention, je suis ouvert à des améliorations lorsqu'il y a un vide juridique, et c'est le cas pour les femmes que vient d'évoquer Chantal Brunel. Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements.
Je suis saisi d'un amendement n° 95 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Cet amendement vise à protéger les personnes vulnérables. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, il s'agit notamment des personnes handicapées et des retraités. Nous proposons de donner une plus grande latitude au préfet pour accepter le regroupement familial même si toutes les conditions ne sont pas remplies. Cela servirait « l'objectif d'intégration » affiché par le Gouvernement, qui figure dans l'exposé des motifs, mais non dans le texte même du projet !
Défavorable. Cela reviendrait à accepter que les ressources puissent être inférieures au SMIC. M. Mamère nous propose en fait de revenir à la situation antérieure à la loi de 2006.
L'amendement de M. Mamère vise en réalité à supprimer toute condition de ressources…
… à l'inverse de ce que nous proposons depuis le début de ce débat. Avis défavorable.
Il semble que vous ayez une lecture sélective des amendements que nous proposons puisqu'il est bien indiqué dans celui-ci qu'il concerne les personnes vulnérables. Nous les avons décrites lors de l'examen des différents amendements présentés cet après-midi. Nous savons que ces publics ne sont pas bénéficiaires du SMIC. Serge Letchimy a expliqué tout à l'heure la différence entre le minimum vieillesse et le SMIC : ce n'est pas tout à fait la même chose. Ces gens devraient pouvoir bénéficier du regroupement familial.
Monsieur Mamère, ce n'est pas indiqué dans l'amendement, mais seulement dans l'exposé des motifs, lequel, vous le savez, ne figure pas dans la loi…
Nous proposons de modifier le dernier alinéa de l'article L. 431-2, car les dispositions adoptées ne permettent aux victimes de violences conjugales d'obtenir le renouvellement de leur titre de séjour que si elles ont mis fin elles-mêmes à la communauté de vie. L'amendement n° 76 étend cette possibilité aux conjoints battus répudiés par le conjoint violent.
Mon amendement n° 129 est identique. Je partage l'argumentation de Mme Brunel.
Même avis que celui de la commission. Peut-être ces amendements seront-ils adoptés à l'unanimité…
L'article 3 est symbolique du travail de parachèvement que constitue ce projet de loi, dans la continuité des lois du 26 novembre 2003, du 10 décembre 2003 et du 24 juillet 2006.
Conformément à l'engagement présidentiel, ce texte témoigne d'une démarche cohérente et pragmatique. En effet, ce nouveau volet législatif est le fruit d'une action qui aura permis, en l'espace de quatre années, de rénover, de réformer, d'adapter, d'équilibrer notre politique d'immigration, en la traitant sous ses différents aspects et en l'articulant autour de principes forts : justice et humanité, réalisme et fermeté.
Notre action est fortement empreinte de pragmatisme en ce qu'elle s'appuie sur un véritable retour d'expérience. En légiférant par étapes, selon une logique claire allant de la maîtrise des flux de l'immigration à l'intégration, les parlementaires et le Gouvernement ont, à la lumière des faits, le recul nécessaire pour procéder au réajustement de certaines dispositions. C'est notamment le cas de l'article 2 relatif au renforcement de la condition de ressources exigée pour le regroupement familial.
Dans le prolongement de l'article 2 et de l'article 1er, consacré à la préparation du parcours d'intégration, l'article 3, qui s'attache à l'intégration familiale, constitue un point essentiel. La création du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille, par lequel les parents s'obligent à suivre une formation sur leurs droits et devoirs, n'a rien d'idéologique, mais résulte au contraire de l'observation d'une réalité quotidienne.
Dans le Vaucluse, où l'immigration familiale a été importante, les élus locaux, les acteurs sociaux, les responsables éducatifs connaissent en effet toute la difficulté de l'intégration des familles et surtout tous les dangers de leur non-intégration. Le défi de l'intégration est celui de la cohésion même d'une communauté humaine, au sens large du terme. Le contraire de l'intégration, c'est la ghettoïsation urbaine, sociale, économique, intellectuelle et culturelle ; c'est le développement de zones de non-droit où les repères familiaux, les codes sociaux, les principes de mixité, de parité et d'égalité des chances volent en éclat. Les premières victimes de l'échec en ce domaine sont les familles elles-mêmes et tous ceux qui aspirent à vivre paisiblement, à éduquer leurs enfants dans le respect des lois, à s'élever par le travail et les études.
Nombreux sont ceux d'entre nous qui, dans l'exercice de leur mandat, rencontrent, chaque semaine ou presque, des parents démunis face à des enfants qu'ils ne maîtrisent pas, des mères ou des jeunes filles enfermées dans des chemins communautaires dont elles ne sortiront jamais. Parfois, les parents sont d'autant plus dépassés que, arrivés en France à l'âge adulte, ils se heurtent aux barrières de la langue et de l'écriture. Pour certaines démarches, ils doivent s'en remettre à leurs enfants, lesquels deviennent alors l'interface entre les institutions, les administrations et la famille. De telles situations peuvent évidemment poser le problème de l'autorité et de la responsabilité parentale vis-à-vis des siens et de la société. C'est cela, l'échec de l'intégration.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser sacrifier une nouvelle génération. Aussi, l'obligation d'une connaissance minimale de notre langue, des valeurs républicaines, des devoirs et des droits des parents est-elle une condition préalable à l'immigration et constitue-t-elle un réel progrès dans la conception même du parcours d'intégration. Acquérir un bagage minimum, adhérer au contrat d'accueil et d'intégration ne constitue pas un renoncement de la famille à sa culture d'origine, mais une ouverture sur son pays d'accueil et une acceptation des fondements sociaux et politiques de ce dernier. Il s'agit là d'une démarche indispensable.
Depuis des années, les élus, les travailleurs sociaux, les animateurs et les éducateurs se battent sur le champ de l'intégration : alphabétisation, soutien scolaire, dispositif d'animation, aide à la réalisation de projets personnels et professionnels, politique de la ville. À n'en pas douter, les outils se sont étoffés et améliorés au fil du temps. Pourtant, force est de constater que leurs chances de succès restent aléatoires et qu'ils nécessitent une incroyable mobilisation de toutes les énergies face à des situations parfois irrattrapables. D'une part, ces dispositifs interviennent en aval de l'installation sur notre territoire, d'autre part, ils relèvent de l'adhésion volontaire des familles, ce qui implique l'existence d'une volonté forte pour aller à la rencontre des parents, leur rappeler leurs obligations envers leurs enfants, les persuader du bien-fondé de telle ou telle mesure, les convaincre de l'utilité de tel ou tel dispositif, les encourager dans telle ou telle voie.
L'article 3 du projet de loi, à l'instar des articles 1er et 2, a d'abord la vertu de l'anticipation, de la préparation. Il ne s'agit plus de courir après l'objectif d'intégration, mais de créer les conditions de sa réussite.
Il présente ensuite l'avantage d'instituer de véritables sanctions en cas de non-respect des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille. La possibilité de mettre sous tutelle les allocations familiales, qui participent de l'exercice même de la responsabilité parentale, apparaît parfaitement justifiée lorsque cette responsabilité fait défaut ou lorsque le contrat d'accueil est manifestement ignoré. À ce titre, je me réjouis des amendements présentés par notre rapporteur, Thierry Mariani, et adoptés en commission : ils donnent de la portée au dispositif de l'article 3 et sont gages d'efficacité.
Maîtriser l'immigration en tenant compte des capacités d'accueil de la France et de ses besoins ; autoriser le regroupement familial en s'assurant, par des conditions ne heurtant pas la dignité humaine, de la volonté réelle d'intégration ; encadrer le parcours d'intégration et faire qu'il devienne une réalité : ces dispositions, attendues par nos concitoyens et nécessaires pour compléter notre législation, permettront de parachever notre politique d'immigration, dont l'objectif est clair et légitime : améliorer la vie de ceux qui viennent s'installer, et offrir des talents, des compétences et des énergies nouvelles au pays qui les accueille. Je voterai donc l'article 3 avec conviction.
L'article 3 alourdit encore un peu plus la suspicion pesant sur les familles mixtes et sur les étrangers qui demandent à bénéficier du regroupement familial. Au contrat d'accueil et d'intégration, purement personnel, s'ajoute désormais un contrat d'accueil et d'intégration à caractère familial, impliquant une formation sur les droits et les devoirs des parents en France, et que devront signer les parents d'enfants ayant bénéficié du regroupement familial. Vous poursuivez ainsi l'oeuvre entamée en 2003 et poursuivie en 2005 et 2006 : donner de l'étranger une image d'indésirable. En franchissant dans ce domaine un nouveau palier, vous allez entraîner de nouvelles discriminations et conduire la population française à porter un regard plus que méprisant sur les étrangers. En soumettant ces derniers à des contraintes auxquelles échappent les parents français, vous postulez en effet qu'ils seraient de mauvais parents ou, à tout le moins, que leur mode d'éducation ne serait pas adapté à la vie sur notre territoire.
Les sanctions prévues révèlent l'esprit du projet de loi, son caractère répressif, inquisitorial et discriminatoire, comme l'ont déjà illustré les articles que nous avons déjà examinés. En effet, les familles qui ne respectent pas le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille risqueront la suspension ou la mise sous tutelle des allocations familiales, ce qui sera vécu comme une authentique punition. Loin de favoriser l'intégration de ces familles, de telles mesures risquent au contraire d'accentuer leur exclusion économique et sociale et de distendre leurs liens avec les institutions françaises. C'est une indéniable atteinte au vivre-ensemble.
En cas de non-respect des stipulations du contrat, le président du conseil général pourra demander la suspension du versement de tout ou partie des prestations afférentes à l'enfant, saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ou saisir l'autorité judiciaire aux fins de versement des prestations familiales à un délégué aux prestations familiales. Ces dispositions ne s'appliquaient jusqu'à présent qu'en cas d'absentéisme scolaire, de troubles portés au bon fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale ; le non-respect du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille constituera désormais un quatrième cas d'application.
Mais si nous élaborons la loi, c'est le juge qui dit le droit. En outre, certaines institutions comme la HALDE, instituée par votre majorité, ont été amenées à produire un avis. Or les dispositions de l'article 3 représentent incontestablement une violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prohibe les discriminations, et de son article 8, qui garantit le respect de la vie privée et familiale et s'oppose à une conception aussi intrusive de l'action de l'État. S'agissant du droit français, citons l'affirmation du principe d'égalité par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 janvier 1990 ; la Cour de cassation a eu l'occasion d'appliquer cette jurisprudence en censurant l'exclusion du bénéfice des allocations familiales au seul motif que l'enfant serait entré hors du regroupement familial. Saisie de cette même question, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, relevant l'application combinée des articles 14 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avait qualifié cette exclusion de « discriminatoire » – tout comme, d'ailleurs, la défenseure des enfants, qui avait au surplus dénoncé une violation de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Ces deux autorités administratives indépendantes ont en outre demandé l'application de la recommandation adressée à la France, en juin 2004, par le comité de suivi des droits des enfants des Nations Unies, qui avait souligné la nécessité d'accorder de plein droit les prestations familiales dès lors que les parents séjournent régulièrement en France.
Enfin, je le répète, votre projet viole manifestement les dispositions issues de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Rappelons que les prestations familiales sont versées pour l'enfant et participent aux conditions de son éducation et de son développement. Dès lors, prévoir la possible suspension de cette allocation au seul motif que les parents ne respecteraient pas le contrat d'accueil et d'intégration contrevient indéniablement à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l'article 3 et en réclamerons la suppression.
Je suis saisi d'un amendement, n° 147 , visant à supprimer l'article 3, et que M. Mamère vient de défendre.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
Défavorable.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 235 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Même avis.
Nous proposons, dans la première phrase de l'alinéa 2, de substituer aux mots : « intégration républicaine de la famille dans la société française » les mots : « accueil des membres de la famille organisé par les mairies en lien avec les citoyens ». En effet, l'intégration républicaine ne correspond à rien. Mieux vaut organiser, pour les membres nouvellement arrivés au titre du regroupement familial, un accueil citoyen.
Avant de réformer une nouvelle fois le regroupement familial, le ministre de l'immigration aurait été bien inspiré de veiller à ce que la procédure se déroule dans des conditions normales et respectueuses de la dignité des personnes. Il n'est pas acceptable que les délais moyens de traitement des demandes atteignent dix-huit mois dans certains départements alors que le délai légal est de six mois. Outre une séparation extrêmement difficile à supporter pour les familles, ces délais abusifs peuvent faire courir des risques à certaines personnes, notamment les conjoints de réfugiés.
Enfin, il n'est pas tolérable que les consulats de France mettent si souvent en doute l'authenticité des actes d'état civil provenant de certains pays – Haïti, Congo, Comores, Guinée – et refusent, sur ces motifs, la délivrance d'un visa malgré l'accord donné au regroupement familial par les autres administrations françaises, à commencer par l'ANAEM.
Même avis. Je suis par ailleurs un peu surpris d'entendre M. Lecoq affirmer que « l'intégration républicaine ne correspond à rien ». C'est un grand point de désaccord : pour notre part, nous y croyons beaucoup...
Je suis saisi d'un amendement n° 231 .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 232 .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
Même avis.
Dans la mesure où le président du conseil général peut être conduit à mettre en oeuvre un contrat de responsabilité parentale en cas de non-respect des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille, il doit pouvoir être informé en amont de la conclusion d'un tel contrat.
Favorable, mais j'aurais l'occasion de revenir plus précisément sur cette question lors de l'examen de l'amendement de M. de la Verpillière.
Je ne comprends pas à quoi sert cet amendement. Pourquoi informer le président du conseil général, à moins de vouloir favoriser le clientélisme ou l'arbitraire ? Qui peut connaître les conceptions d'une personne élue à ce poste en matière de protection de l'enfance ou d'intégration des familles ? M. le ministre ne vient-il pas d'expliquer que l'intégration républicaine ne voulait rien dire ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il a dit exactement le contraire !
Nous savons en tout cas que cette notion est à géométrie variable dans notre pays !
N'oublions pas que nous avons institué, avant l'élection présidentielle, des conseils en charge de ces dossiers et qu'il reviendra désormais aux maires de désigner les familles qui s'intègrent mal ! La législation forme un tout. On ne peut pas considérer les lois de façon séparée, en tranches de saucisson. Or, en rapprochant ce projet de loi de textes déjà adoptés, on s'aperçoit que vous laissez la main libre à des responsables locaux sans instaurer la moindre garantie. C'est la porte ouverte à l'arbitraire ! En informant les présidents de conseils généraux de la conclusion des contrats, vous ne ferez que politiser encore un peu plus un dossier qui s'en passerait bien.
Nous examinons le troisième alinéa de l'article 3 aux termes duquel le préfet demande au président du conseil général de bien vouloir suspendre les prestations familiales en vertu de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles.
Nous sommes totalement opposés à cet alinéa dans la mesure où nous allons, encore une fois, punir les plus fragiles, ceux qui ont peut-être besoin de plus d'attention, ceux qui sont très éloignés des modèles que nous souhaiterions voir le plus largement développés dans notre pays et même au-delà. Cette sanction est excessive et totalement contraire aux engagements internationaux de la France et notamment à la Convention des droits de l'enfant, comme cela a été exposé à plusieurs reprises. La suppression en tout ou en partie des allocations familiales ne saurait trouver sa cause dans le non-respect d'une clause d'un contrat d'accueil et d'intégration. Il me paraît évident que nous nous situons dans deux champs différents. Puisque le CAIF ne fonctionne pas, veillons à ce que ces familles soient intelligemment prises en charge par les services sociaux, sans brandir en permanence des bâtons à l'égard des plus vulnérables ! Ces mesures exceptionnelles, quand elles sont employées, sont révélatrices d'une grave carence éducative et familiale. Tel ne paraît pas être le cas ici puisqu'on ne saurait affirmer que le non-respect pour diverses raisons – matérielles, pratiques ou techniques – du contrat d'accueil est une carence de l'éducation familiale. C'est un échec qu'il convient d'examiner avec la famille.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement n° 234 .
En quoi le non-respect du contrat d'accueil et d'intégration – déjà très contestable – peut-il être assimilé à un manquement des parents à leur devoir d'éducation des enfants ? Rappelons que les mesures prévues à l'article L. 222-4-1 du CASF s'appliquent traditionnellement en cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au bon fonctionnement d'un établissement scolaire ou de tout autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale. Le fait d'être étrangers et parents est il la preuve d'une carence de l'autorité parentale ?
En cas de non-respect par les parents du contrat d'accueil et d'intégration, les mesures prévues à l'article L. 222-4-1 du CASF s'appliquent. Elles consistent à demander la suspension de tout ou partie du versement des prestations familiales afférentes à l'enfant, à saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale et à saisir l'autorité judiciaire aux fins de versement des prestations familiales à un délégué aux prestations familiales. Je rappelle que les mesures susmentionnées s'appliquent traditionnellement en cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au bon fonctionnement d'un établissement scolaire ou de tout autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale. Vous prévoyez d'ajouter un quatrième cas d'application de ces mesures lié au non-respect du contrat d'accueil et d'intégration familial. Le projet de loi prévoit ainsi de mettre en oeuvre des mesures qui n'ont aucun rapport avec le supposé manquement constaté.
Avis défavorable. À partir du moment où l'on crée une obligation, il faut qu'il y ait une sanction si celle-ci n'est pas respectée.
Docteur Blisko – puisque c'est ainsi que l'on vous appelle depuis le début de l'après-midi –…
…il y a effectivement une différence entre nous. Pour vous, ce contrat d'accueil et d'intégration peut rester lettre morte ; c'est un chiffon de papier. Pour nous, tel n'est pas le cas : c'est bel et bien un contrat, qui suppose des droits et des devoirs. On doit pouvoir en tirer les conséquences avec la mesure que nous préconisons.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable à ces amendements.
Cette initiative est extrêmement dangereuse : elle vise en fait à créer un régime spécial « immigrés » des allocations familiales, et c'est en cela qu'elle est particulièrement grave. Pour l'heure, la suspension des allocations familiales peut découler d'un non-respect de certains éléments précédemment cités. Or en quoi le non-respect de l'obligation scolaire, par exemple, ne vaut-il pas pour les parents français comme pour les parents immigrés ? Il existe aujourd'hui en matière de droit commun les outils qui permettent aux proviseurs, instituteurs, de signaler les conséquences sur la scolarité des enfants.
Vous créez ici un régime spécifique tendant à suspendre les prestations familiales quand bien même le non-respect du contrat n'aurait aucune conséquence sur la scolarisation des enfants, sur leur réussite à l'école. Si le non-respect du contrat entraîne demain des problèmes de scolarisation ou d'éducation des enfants, le droit commun permettra de le constater. Les procédures existent aujourd'hui pour n'importe quelle famille. Vous mettez ici le doigt dans un engrenage à nos yeux particulièrement dangereux.
Il conviendrait pour commencer de préciser ce qui figure dans le contrat. Quelle est la nature exacte de ce contrat ? En quoi y aura-t-il faute à ne pas le respecter et quelle sera sa nature ? Les règles de l'autorité parentale en France sont extrêmement complexes. Lorsque vous assistez à un mariage, observez la réaction des familles à la lecture des articles concernant les enfants : je vous mets au défi de démontrer que 100 % des familles françaises connaissent parfaitement le droit de l'autorité parentale… C'est le véritable problème juridique. Toute mesure de suppression d'allocations familiales – c'est d'ailleurs le cas dans les articles auxquels vous faites référence – est susceptible d'appel. Comment fonder un appel d'une suspension elle-même infondée ? Si je pouvais prendre connaissance de ce contrat, peut-être pourrais-je alors en discuter. Cette mesure me semble donc juridiquement irrecevable. Je ne vois pas comment vous pouvez qualifier le non-respect de ce contrat. Comment pouvez-vous démontrer que l'enfant souffrira de l'absence de respect de ce contrat ?
Je suis saisi de trois amendements, nos 66 , 210 et 57 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Claude Bodin, pour soutenir l'amendement n° 66 .
Cet amendement d'efficacité consiste à modifier l'alinéa 3 en remplaçant « peut saisir » par « saisit ».
Le respect du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille a un caractère obligatoire. Sa violation doit donc entraîner nécessairement des sanctions qui doivent être mises en oeuvre de façon rapide et efficace. En conséquence, l'intervention du préfet ne doit pas être seulement une possibilité, mais une obligation.
L'amendement n° 210 est retiré.
La parole est à M. Charles de la Verpillière, pour soutenir l'amendement n° 57 rectifié .
En cas de méconnaissance du contrat d'accueil et d'intégration dont nous venons de parler, le projet de loi prévoit que le préfet saisira ou pourra saisir le président du conseil général. Celui-ci pourra alors lui-même conclure avec la famille un nouveau contrat : le contrat de responsabilité parentale. Si ce second contrat est méconnu à son tour, le président du conseil général pourra saisir le procureur de la République et demander, selon le cas, la suspension ou la délégation des prestations familiales.
Ce dispositif ne me paraît pas être le plus efficace pour remédier à des carences éducatives qui peuvent être graves. Il fait se succéder deux contrats et les mesures curatives ne pourront être prises que dans un troisième temps et fait intervenir une autorité décentralisée – le président du conseil général – dans un processus que l'État aura engagé en concluant le premier contrat : le contrat d'accueil et d'intégration. L'État doit, au contraire, aller jusqu'au bout du processus concernant l'entrée et le séjour des étrangers en France.
Je propose donc par l'amendement n° 57 rectifié de confier au seul préfet la mise en oeuvre des mesures prévues aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, à savoir : demander la suspension ou la délégation des prestations familiales, saisir le procureur de la République en cas d'infraction pénale.
Simultanément, le préfet informera le président du conseil général afin, seulement si c'est utile, de coordonner l'action des services de l'État et des services du département dans l'intérêt des enfants.
La commission avait, dans un premier temps, repoussé les deux amendements. Mais après avoir entendu les arguments de notre collègue de la Verpillère et examiné de nouveau son amendement n° 57 rectifié lors de la réunion de la commission au titre de l'article 88 – et chacun sait dans quelle condition les amendements y sont examinés – je serais tenté de m'en remettre à une « sagesse positive ». (Sourires.)
Deux propositions nous sont ici soumises. La première consiste, selon M. Bodin, à impliquer plus concrètement et plus lourdement le président du conseil général. La seconde, celle de M. de la Verpillère, suggère, au contraire, que le président du conseil général en soit dégagé.
Le dispositif s'avère assez simple : dans un premier temps, il y a le constat du préfet, ensuite, une information et une liaison avec le président du conseil général avant de porter l'affaire devant le juge civil.
La question a naturellement été posée à l'Association des départements de France, présidée par M. Claudy Lebreton. Celle-ci n'a pas fait de remarque particulière sur ce sujet. Je comprends donc votre souci et votre démarche. À la vérité, la responsabilité de l'État est tout de même davantage engagée que celle du président du conseil général.
Comme M. Thierry Mariani, j'ai également évolué sur cette position. Je m'en remets, en conséquence, à la sagesse de l'assemblée.
Je n'entrerai pas dans le détail. Je ne suis toutefois pas sûr qu'en cette matière le préfet puisse court-circuiter le président du conseil général.
Au-delà de cette analyse qui mériterait d'être approfondie, je mets à nouveau en garde – Mme Lebranchu s'est également exprimée sur ce point – sur le monde extraordinairement dur et sans aucune échappatoire dans lequel vous voulez enfermer ces familles.
Puisqu'on m'appelle beaucoup « docteur » cet après-midi, je vous dirai, monsieur Bodin, que vous développez une pathologie : l'obsession de la punition, de la sanction. Ce serait un monde impitoyable où la moindre erreur, la moindre non-application d'une loi complexe – le débat de ce soir montre que nous-mêmes parlementaires ne sommes pas très sûrs de nous – entraînera une sanction de ces familles, avant même une intervention des services sociaux, non prévue dans ce dispositif, qui au demeurant surchargera les services préfectoraux ou départementaux de tâches qu'ils n'ont pas vocation à accomplir.
Mme Lebranchu l'a parfaitement expliqué, il ne s'agit pas de sanctionner des erreurs que toutes les familles, qu'elles soient étrangères ou françaises, peuvent commettre. Le fait de ne pas envoyer ses enfants à l'école peut être sanctionné quelle que soit la nationalité de la famille. En revanche, le non-respect d'un contrat d'accueil peut être dû à une maladie d'un des membres de la famille, à un problème d'emploi du temps ou d'éloignement géographique, l'absence de moyen de locomotion ne permettant pas de se rendre sur le lieu de formation. Pourrait-on essayer de comprendre avant de sanctionner ?
Il ne s'agit pas d'excuser mais, avant de passer à un système où préfet, procureur et président du conseil général sont là avec leurs ciseaux pour couper les allocations familiales, il faut se demander ce qui se passe exactement dans cette famille. C'est d'un élémentaire bon sens de ne pas se lancer avant une enquête sérieuse.
Je n'ai pas bien compris la position du ministre, mais peut-être n'étais-je pas assez attentive…
Je ne pense pas que le préfet puisse prendre une telle mesure. S'il le faisait sans en référer au président du conseil général, ce serait forcément dans le cas d'une procédure judiciaire en cours : il n'a aucune autorité, me semble-t-il, pour supprimer une prestation servie par le conseil général. Il faudrait donc être plus précis. Sinon, on aura un texte inapplicable.
On n'arrive pas à m'expliquer ce qu'est le contrat, je pense que c'est un stage. Je regrette mais, lorsque vous êtes employé d'un commerce ou d'un certain nombre de sociétés de nettoyage et que vous devez être au travail de cinq heures à neuf heures du matin à tel endroit, vous ne pouvez être au stage à huit heures. Comme on l'a connu ici, dans l'enceinte même de l'Assemblée nationale, vous aurez plein de gens qui auront tellement peur de perdre leur boulot qu'ils n'iront pas au bon endroit au bon moment. Et, sans chercher à savoir pourquoi, le préfet ou le président du conseil général supprimerait une allocation ? C'est discriminant et humiliant !
Dans un certain nombre de procédures, les gens avaient tellement peur de ne pas comprendre, de prendre des risques, qu'ils ne se sont pas rendus aux convocations. Et, pour cela, ils ne recevraient plus d'allocations familiales et les enfants seraient en difficulté ? Je crois qu'il faut faire attention à ce que nous sommes en train de faire.
Madame Lebranchu, peut-être me suis-je mal exprimé, mais il n'est pas question que le préfet décide unilatéralement. Il saisit un magistrat, qui constate le non-respect du contrat. Il n'a aucun pouvoir de décision et d'exécution, il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.
Nous sommes là sur le difficile problème de l'accompagnement à la fonction parentale. On aura d'ailleurs l'occasion d'y revenir lorsque nous parlerons de la branche famille dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il me semble que c'est une erreur de proposer à des familles un contrat avec d'éventuelles sanctions, parce qu'on stigmatise les parents concernés en les désignant comme de mauvais parents potentiels. Or il y a très rarement de mauvais parents, il est très rare que des parents baissent les bras d'un seul coup. Il y a des parents en difficulté, qui ne savent plus comment faire avec leurs enfants ou leurs adolescents, et il faut aborder ce problème avec la plus grande humilité. Qui, dans cette enceinte, peut assurer que, demain, il n'aura pas de problème avec son propre enfant ? Il est si difficile d'exercer la fonction parentale… Plutôt que de stigmatiser ces gens comme de mauvais parents potentiels, ce qui ne fait que rajouter à la difficulté de l'enfant, il vaudrait mieux donner des moyens à l'éducation nationale, aux services sociaux ou aux fédérations d'éducation populaire, de façon à créer, comme cela commence à se pratiquer sur le terrain, partout où des enfants sont accueillis, un espace où les parents puissent venir en toute confiance exprimer leurs difficultés du moment. Les professionnels, travaillant en réseau, mobiliseront alors ceux qui pourront répondre à ces parents qui ont besoin d'accompagnement et non pas de sanctions et de stigmatisation.
Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 233 .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le défendre.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 28 rectifié .
La parole est M. le rapporteur, pour le défendre.
Afin de rendre effective l'obligation de suivre les stipulations du CAIF, il est proposé de s'inspirer de la sanction retenue en cas de non respect du CAI.
Favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)
Nous en venons à des amendements, précédemment réservés, tendant à insérer un article additionnel après l'article 3.
Je suis saisi d'un amendement n° 255 .
La parole est à M. le ministre, pour le défendre.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire hier : nous croyons à l'intégration par le travail, et le moment me paraît venu de proposer à tous les étrangers signataires d'un contrat d'accueil et d'intégration un véritable bilan de compétences professionnelles.
Cela a été dit par plusieurs intervenants, le taux de chômage de la communauté immigrée légale en France est un peu moins de trois fois supérieur à celui de l'ensemble de la communauté nationale. Si l'on veut le réduire significativement, il faut impérativement prendre une telle initiative. Tel est l'esprit de l'amendement n° 255 .
Nous partons du principe qu'un étranger qui vit régulièrement en France a les mêmes droits sociaux ou autres qu'un Français. Par conséquent, je ne suis pas contre cette proposition, mais je n'en vois pas l'intérêt : il n'y a aucune raison, si un chômeur peut bénéficier d'un tel bilan de compétences, qu'un étranger n'en bénéficie pas. Pourquoi prévoir une disposition spécifique ?
Cela dit, quand on parle du taux de chômage des étrangers, il faut faire la part des choses. Vous avez l'air d'insinuer que, s'ils sont au chômage, c'est un peu de leur faute. Or il y a différentes situations. Un certain nombre d'ouvriers sont au chômage parce qu'à partir d'un certain âge, ils sont licenciés, ou parce qu'ils ne sont plus aptes à travailler en raison de leur état de santé ou n'ont plus la force de faire ce pour quoi on les a fait venir. Vous avez aussi des étrangers, parfois jeunes, qui sont diplômés mais qui sont au chômage parce que, de manière tout à fait injustifiée, on n'a pas confiance en eux pour exercer les emplois que leur niveau de qualification leur permettrait d'exercer. Par conséquent, quand vous annoncez que le taux de chômage des étrangers est de 20 %, ce n'est peut-être pas faux mais cette formulation globalisante ne tient pas compte de la diversité des situations.
Si l'on veut véritablement lutter contre ce phénomène, il y a des mesures diversifiées à prendre et le bilan de compétences en soi n'est pas la panacée. Cela dit, cela ne fait pas de mal et nous pourrons voter cet amendement, mais, honnêtement, le problème est beaucoup plus complexe que vous ne voulez le dire.
Madame Pau-Langevin, votre conclusion me rassure, parce que j'étais un peu inquiet par votre argumentation.
Naturellement, le groupe UMP se réjouit de cet amendement du Gouvernement. Il traduit à lui seul toute la philosophie qui nous inspire dans ce texte : favoriser l'intégration des étrangers, leur donner les chances de s'intégrer à la communauté nationale et avoir les conditions d'un épanouissement personnel. Rendre obligatoire un bilan de compétences nous paraît essentiel pour lutter contre les disparités à l'emploi qui s'opposent aujourd'hui à l'intégration des étrangers.
Cet amendement prévoit une prise en compte systématique par le préfet du non respect manifeste du contrat d'accueil et d'intégration au moment du renouvellement de la carte de séjour. Le préfet pourra néanmoins décider de renouveler la carte de séjour s'il estime que c'est opportun.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour défendre le sous-amendement n° 187 .
Il me semble que nous sommes en train de tout compliquer. Je propose d'ajouter le mot « notamment » afin de ne pas enserrer l'administration dans un carcan trop rigide.
Défavorable. Entre nous, je ne vois pas tellement de quoi d'autre on peut tenir compte pour le renouvellement de la carte.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Je mets aux voix le sous-amendement n° 187 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Avant les articles additionnels après l'article 5, sur lesquels nous allons sans doute beaucoup discuter, cet article concerne ce que vous appelez les valeurs de la République.
C'est une extension de la loi CESEDA. Il s'agit de préciser les modalités d'évaluation de l'insertion de l'étranger dans la société française, condition exigée depuis la loi du 24 juillet 2006 pour obtenir une carte de séjour temporaire sur le fondement des liens personnels et familiaux – catégorie de carte de séjour dont, reconnaissez-le, les contours restent assez flous.
La loi du 24 juillet 2006 prévoit qu'une carte de séjour temporaire est délivrée aux personnes étrangères qui justifient de liens personnels et familiaux, au regard de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ces liens, de leurs conditions de vie et de leur insertion sur le territoire français. Votre projet de loi ajoute que cette insertion doit être évaluée en fonction de leur connaissance des « valeurs de la République ».
Les textes sur l'immigration que nous avons précédemment été amenés à examiner dans cette enceinte prenaient déjà le problème à l'envers en subordonnant l'accès à une carte de résident à une intégration réussie dans la société française, au lieu de considérer, comme nous le faisons, que c'est justement l'accès à une carte de résident qui permet cette intégration.
De la même façon, le texte que vous nous proposez est incohérent puisqu'il faudra d'abord connaître les valeurs de la République pour pouvoir être régularisé et avoir la possibilité de suivre, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, une formation aux valeurs de la République ! Il y a bien une contradiction avec les articles précédents, qui imposent qu'on apprenne la langue et les valeurs de la République dans le pays d'origine.
Nous avons déjà souligné à plusieurs reprises au cours du débat qu'on ne savait pas bien ce que recouvrait la notion de « valeurs de la République ». La dernière loi sur l'immigration comportait une notion voisine : les « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », que le Conseil Constitutionnel avait jugée trop large et sur laquelle il avait émis une réserve d'interprétation dans sa décision du 20 juillet 2006. C'est pourquoi vous parlez désormais de « principes essentiels ».
L'absence de précisions de cette notion totalement floue et subjective ne fera que renforcer l'inégalité de traitement et le risque d'arbitraire. Des demandes de régularisation pourront aisément être rejetées au motif d'un défaut d'insertion des intéressés, les laissant dans la clandestinité et anéantissant du même coup leurs possibilités d'intégration. On voit bien, là encore, que derrière l'apparence très généreuse de la notion de « valeurs de la République », on renforce l'arbitraire et la discrimination. Voilà pourquoi cet article 5 n'a absolument pas sa place dans notre droit et doit être retiré. C'est la position que nous défendons.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, du contrôle des connaissances aux tests ADN, c'est un grand malaise que suscite ce projet de loi dans sa globalité, après d'autres lois discriminantes, qui n'ont cessé de se succéder sans autre raison que de flatter les extrêmes et d'instrumentaliser l'électeur.
Vous aviez déjà inventé de soumettre à un véritable parcours du combattant des enfants qui ne demandent qu'à faire valoir leurs droits d'enfant, c'est-à-dire tout simplement rejoindre leur famille – on devrait plutôt parler d'un « parcours du combattu », qui passe dès seize ans par une évaluation des connaissances, appréciées de façon arbitraire. Connaître un peu, beaucoup, passionnément la langue française, bien réciter les valeurs de la République : autant d'épreuves pour organiser la sélection économique. Cela ne suffisait pas : voici qu'arrive le test ADN…
Je propose que vous utilisiez la culture et la langue françaises, que nous revendiquons, pour leur expliquer ce que vous leur proposez. Vous, les représentants de la République ; vous, les bons Français de pure souche, plus blancs que blancs, vous les beaux parleurs, vous les beaux penseurs, vous qui savez : enseignez-leur la langue française, la langue de Molière et de Hugo ! Enseignez-leur nos valeurs, celles que nous partageons sans toujours les mettre en pratique. Enseignez-leur donc la culture de ce pays qui les accueillera bras ouverts, après qu'ils auront satisfait aux contrôles de connaissance, suivi le stage de formation, subi le test ADN : mais que d'embûches pour un accueil !
Enseignez-leur Albert Einstein, le plus universel : « Le nationalisme est une maladie infantile, c'est la rougeole de l'humanité ». Enseignez-leur Malraux : « L'humanisme, ce n'est pas dire "ce que j'ai fait, aucun animal ne l'aurait fait", c'est dire "nous avons refusé ce que voulait en nous la bête" ». Enseignez-leur Jaurès : « Quel que soit l'être de chair et de sang qui vient à la vie, s'il a figure d'homme, il porte en lui le Droit Humain ». C'est bien de Droit Humain qu'il s'agit, car à travers ce projet de loi dans sa globalité, à travers l'article additionnel qui va suivre, c'est la convention internationale des droits de l'enfant qui est bafouée, ce sont les droits de la famille, c'est le Droit Humain qui est piétiné ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Imprégnez-vous vous-même d'abord de cette culture française. J'aime mon pays, et j'aime la langue française quand elle est la langue de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la langue qui porte qualité, honneur et humanisme, ces valeurs inscrites dans notre histoire par la plume de nos grands hommes.
Mes chers collègues, quelle que soit votre place sur ces bancs, vous ne pouvez pas voter cet article additionnel sans manquer à la dignité. Noël Mamère le disait nauséabond, et c'est vrai qu'il ne sent pas bon : il sent le dérapage malheureux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Inutile de nier l'évidence, monsieur le ministre : le test ADN a pour but de ficher…
…– sinon pourquoi le mettre en oeuvre ; de discriminer, puisqu'en France la paternité est déclarée, reconnue, et non pas approuvée par test génétique.
Ils seront comptés comme on compte les bêtes, ils seront triés. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Honte et déshonneur pour la République ! (Mêmes mouvements.)
Vous nous dites, monsieur le ministre, que d'autres pays en Europe agiraient déjà de la sorte : et alors ? Ce n'est pas un argument. Qu'y a-t-il de honteux à être plus réfléchi et plus humaniste que d'autres ? L'Assemblée nationale française se grandirait aux yeux du monde en repoussant aujourd'hui une proposition aussi terrible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cet article est effectivement au coeur de votre conception de la place de l'étranger dans la société française. Comme je l'ai déjà dit, la récurrence de cette formule me semble indiquer que vous doutez vous-même de la capacité de rayonnement de ce pays.
Encore une fois, la France est un grand pays ; la littérature française est réputée. Il n'y a pas si longtemps, on parlait français dans beaucoup de pays – pensez aux romans russes – parce que la langue, la littérature et les valeurs françaises étaient universellement respectées.
Le paradoxe de l'histoire c'est que durant toute une période vous les avez répandus partout, et qu'aujourd'hui vous avez l'air de douter vous-même d'être capables de susciter chez des étrangers une adhésion aux valeurs de la République. Ne croyez-vous pas que s'ils viennent ici, c'est bien parce qu'en quelque façon ils ont une image positive de la culture et des valeurs de notre pays ? Mais vous réduisez la motivation de tous ceux qui rejoignent notre pays à l'intérêt pur et simple. On a l'impression qu'à vos yeux seul l'appât du gain peut conduire un étranger en France, dans l'espoir de « gratter » un peu d'argent : à vous entendre, on ne vient en France que pour de bas motifs, et l'on n'y reste que par vénalité.
Mais essayez de comprendre qu'on peut parfaitement vivre dans ce pays, habiter ce pays, même si on est étranger, par adhésion à ses valeurs !
Lors des dernières guerres, des étrangers sont venus de partout apporter leur contribution à la défense de la République et à ce qu'incarne la France à travers le monde. Comment pouvez-vous donc être aussi frileux, douter à ce point quel les gens aient véritablement envie de vivre dans ce pays, d'y rester, d'y travailler, d'y fonder une famille, parce qu'ils adhèrent d'une façon ou d'une autre à ce que représente ce pays ?
Si vous saviez le nombre de vétérans d'Afrique – je le sais, parce que le phénomène était du même ordre aux Antilles, même s'il s'agit de départements français – de la guerre de 14 et de celle de 39-45, qui ont appris à leurs enfants La Madelon, et pleins d'autres choses de ce genre, qui, sans être des « valeurs de la République », sont un peu de notre France de tous les jours. Arrêtez donc de penser que les étrangers qui viennent en France ne comptent dans leurs rangs que des profiteurs qui n'adhèrent pas à ces valeurs. Et je ne pense pas qu'un M. Lambda sera à même d'évaluer cette adhésion à coup d'examens.
Cette loi est de quelque façon une loi de défiance contre le rayonnement de la France. Encore une fois, je vous demande de dire que cet article n'a pas de sens. Ce n'est pas en rabâchant l'antienne des « valeurs de la République » qu'on les fait partager ; c'est en vivant la République d'une manière humaniste, dans le respect de ses principes fondamentaux qu'on les fait rayonner.
Ce n'est pas par ce type de loi, par des QCM, comme on l'a dit, que vous parviendrez à susciter la moindre adhésion aux valeurs de la République : c'est en nous conduisant comme une société juste, humaine, respectueuse des droits de la personne et des droits de l'enfant. C'est comme cela que vous ferez respecter les valeurs de la République.
Je suis extrêmement tourmenté (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)…
Mme Pau-Langevin a raison : avec ces « valeurs de la République », nous sommes au coeur du problème. Nous ne voulons pas limiter le débat à la définition de ce qu'on entend par ces mots.
Mais il y a quand même quelque chose de très choquant, et Mme Pau-Langevin y a fait allusion, avec un sens de la mesure dont on n'a pas toujours fait preuve sur d'autres bancs de cette assemblée. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Projetez-vous par l'imagination un petit peu plus tôt dans notre histoire, et pensez à ces étrangers qui sont venus combattre pour la France, certains dans des régiments de la Légion étrangère, d'autres dans des unités régulières. Auriez-vous exigé d'eux qu'il maîtrise la langue française ? Il suffit d'entendre d'anciens légionnaires très âgés s'exprimer à la télévision pour mesurer combien leur français est parfois difficile à comprendre. Auriez-vous soumis les dizaines de milliers d'étrangers qui se sont engagés en 1939 pour défendre la France contre l'invasion allemande à des tests de français, auriez-vous pris leur empreinte génétique avant de les juger dignes d'être versés dans les unités de première ligne ?
Pensez-vous que ceux dont le beau film Indigènes raconte l'histoire, qui dans les années 1942-1943 en Afrique du nord, à l'appel de la France libre, se sont engagés…
Non, ils n'étaient pas français : ils relevaient du statut colonial parce que vous aviez refusé le projet Blum-Violette. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'était véritablement des indigènes, et ce film montre à quel point ils ont été maltraités, jusqu'à bien après la guerre puisqu'il a fallu une décision toute récente de M. Chirac pour qu'ils obtiennent enfin la décristallisation de leurs pensions.
Êtes-vous sûrs que tous ceux-là, tous ceux qui sont tombés au champ d'honneur, tous ceux que nous honorons le 8 mai, ceux que nous honorons le 25 août à Paris, les républicains espagnols dont les chars ont été les premiers à libérer Paris le 25 août 1944, tous ceux-là auraient réussi leur évaluation ? Pensez-vous que les FTP-MOI auraient passé avec succès leur test de français ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Telle est la vérité, mes chers collègues, en dépit de vos ricanements, qui ne trahissent pas un respect excessif de tous ceux qui sont morts pour notre liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh oui ! Et vos ricanements, vos rires, votre attitude, vos examens, vos tests génétiques n'y pourront rien. Ce sang, qu'ils ont versé pour vous, qu'ils verseraient encore demain, vous voulez l'examiner pour y rechercher la preuve de la tricherie et de la fraude.
Cette étroitesse d'esprit, cette méconnaissance de notre histoire, de ce qu'est l'histoire de la France…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous connaissons l'histoire de la France aussi bien que vous !
Vous n'ignorez pas alors combien les Français d'origine étrangère ont été nombreux à répondre à l'appel lancé par de Gaulle le 18 juin, tandis que les élites se complaisaient paresseusement dans l'attentisme, quand ce n'était pas la collaboration. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est la vérité ! Et tous ces étrangers qui ont servi de Gaulle, c'est eux que vous insultez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Ciotti, qui êtes le porte-parole de l'UMP sur ce texte. êtes-vous certain que les hommes qui ont débarqué en Provence le 15 août 1944, dans votre circonscription ou dans une circonscription voisine, étaient de la bonne couleur ? D'où venaient-ils ? D'où venait, pour 90 %, l'armée d'Afrique ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous le savez très bien, mais vous avez mis des années à faire quelque chose. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous pouvez crier, mais c'est la réalité !
Vous stigmatisez l'étranger, en en faisant un objet de QCM. Je ne parle pas des harkis, monsieur Ciotti, qui sont nombreux dans votre région, et dont vous nous rappelez toujours – vous les défendez, d'ailleurs, à juste titre – qu'ils ont payé gravement. Combien d'entre eux sont morts après 1962 parce pour avoir défendu la France ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Combien de familles ? Mais comment, aussi, les avez-vous traités, en 1962, dans les camps forestiers, alors que nous, nous avons fait un effort ? Voilà ce que c'est que la France : elle est faite aussi bien du sang des Français que du sang des étrangers, et ça, vous ne pourrez pas l'oublier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je dirai très calmement au docteur Blisko, s'il veut bien me regarder et m'écouter, que j'ai commandé une harka en Algérie. Nombreux sont, parmi mes harkis, ceux qui sont tombés au champ d'honneur et ont payé de leur sang le droit d'être français. Je n'accepte pas les propos que vous avez tenus sur les indigènes. Cela est déshonorant dans une assemblée parlementaire française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je rappellerai encore au docteur Blisko par une phrase que j'ai retenue de la présentation du projet de loi par M. Hortefeux : « Être français, ce n'est pas être blanc ou noir, chrétien ou musulman. C'est défendre les valeurs de la République ». Nous sommes quelques-uns ici qui nous battrons pour défendre les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Blisko pourra faire tout à l'heure, s'il le souhaite, un rappel au règlement.
Avant d'en venir aux amendements, je vous indique que, sur le vote de l'article 5, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi d'un amendement n° 149 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Je ne répéterai pas ce qui a été dit excellemment, avec beaucoup de force et de conviction, par le docteur Blisko. Pardonnez-moi cependant, chers collègues qui siégez sur les bancs de la droite, de vous dire que les explications de notre collègue Blisko sur les indigènes sont justes. Une catégorie de ceux qui ont été colonisés par notre pays a en effet été considérée comme constituée de sous-citoyens et il ne faut pas s'étonner qu'il y ait aujourd'hui dans notre pays des Français qui se considèrent comme des indigènes de la République parce qu'ils se considèrent comme des étrangers, compte tenu de la considération qu'on leur porte.
Si nous demandons la suppression de l'article 5, c'est parce que nous considérons que vous jouez avec les symboles, que vous jouez avec le feu et que vous êtes des apprentis sorciers, en amalgamant la question des valeurs de la République à celles de l'immigration et de l'identité nationale. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que nous battre contre cet article 5. Comme vient, en effet, de le rappeler très justement Serge Blisko, combien d'hommes, combien de femmes, dans notre histoire récente, ont donné leur liberté et leur sang pour notre pays sans en être ressortissants, parce qu'ils ont cru à la liberté et à ce qu'ont porté nos pères fondateurs dès 1789 ? Ici même a été rappelé l'esprit de Valmy. Ceux qui ne pouvaient pas bénéficier de ces valeurs démocratiques, de ce contrat qui nous lie depuis deux cents ans maintenant, sont venus dans notre pays pour participer non seulement à son développement, mais à ce vivre ensemble. Nous n'avons pas le droit aujourd'hui de les traiter comme des citoyens de seconde zone et de traiter les étrangers comme des indésirables.
Un pays qui se referme est un pays qui se meurt. (« Caricature ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Un pays qui regarde les autres comme autant de menaces est un pays menacé de péricliter. Vous faites aujourd'hui que notre pays se referme et nous n'avons pas le droit d'accepter cette logique, cette spirale qui va contribuer à détruire le pacte social de notre pays. Voilà pourquoi nous nous battons contre cet article 5 avec autant de fermeté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Afin de préciser davantage les critères d'attribution de la carte de séjour attribuée en raison de liens personnels et familiaux, le projet de loi propose de compléter le septième paragraphe de l'article L 311-7 du code de séjour des étrangers. Ainsi, la notion d'insertion dans la société française, qui peut en effet paraître assez floue, sera évaluée en tenant compte de la connaissance par le demandeur des valeurs de la République.
Dans la mesure où les conditions d'une vie familiale normale, dont le respect doit justifier l'attribution d'une carte de séjour, sont celles qui prévalent en France, il est logique de tenir compte des efforts d'intégration faits par le demandeur d'une carte de séjour, et notamment de sa connaissance des valeurs de la République.
Je vous rappelle que la notion de « valeurs de la République » n'est pas une nouveauté dans le code de séjour des étrangers, puisqu'elle a déjà été citée à l'article 311-9. Compte tenu de la nature de ces valeurs – égalité entre les sexes, laïcité, interdiction de toute forme de discrimination –, le législateur peut légitimement estimer qu'une personne les ignorant n'a pas fait la preuve d'une insertion satisfaisante dans la société française.
J'ajouterai enfin un mot à titre personnel : tous les débats peuvent donner lieu à des tirades évoquant à la Libération, telle ou telle guerre, Valmy ou je ne sais quoi. J'ai trouvé comique, pour ma part, d'entendre M. Blisko faire référence à la Légion étrangère. Je pensais en effet au premier rapport que j'ai présenté, lors de mon premier mandat à l'Assemblée nationale. Mme Guigou était alors ministre de la justice et, à l'époque, vous refusiez d'accorder la nationalité française aux légionnaires blessés au combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'était à l'époque une proposition de la droite. Nous sommes tous très satisfaits, certes, qu'on valorise aujourd'hui la Légion étrangère, mais à l'époque, même un légionnaire blessé au combat n'avait pas droit à une procédure dérogatoire.
Monsieur Blisko, étant l'élu d'une circonscription qui abrite un régiment de la Légion étrangère, je vous rappelle que, lorsqu'un légionnaire s'est engagé, la première chose que fait la Légion étrangère est de l'envoyer à Castelnaudary, où la première chose qu'on lui fait est de lui apprendre le français car, pour commander des troupes, il faut un minimum de connaissance du français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il faut aller à l'essentiel : nous voulons que tous les étrangers puissent avoir la possibilité de connaître et de partager les valeurs de la République. Or ce que vous proposez concrètement, ce sont des systèmes de dispense ou d'exemption, c'est-à-dire précisément l'inverse de ce que nous proposons.
Avis défavorable, donc. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je me contenterai d'apporter une précision à M. Mariani, qui expliquera peut-être mieux ce que je voulais dire à propos de la Légion étrangère. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Écoutez donc : c'est important.
J'ai cité les étrangers qui se sont portés volontaires dès le 1er septembre 1939 pour défendre la France face aux Allemands et qui ont été versés immédiatement dans des régiments de marche de volontaires étrangers. La situation était alors très différente de ce qu'elle est aujourd'hui, et on ne leur proposait pas d'apprentissage du français. Mieux encore, monsieur Mariani, et c'est là un point d'histoire peu connu, l'engagement dans cette Légion étrangère valait alors naturalisation automatique pour les survivants.
En 1940, le gouvernement de Pétain a immédiatement supprimé cette mesure. Je le sais parfaitement bien, parce que mon père, qui était au 23e régiment de marche des volontaires étrangers, a été français, puis dénaturalisé au bout de quelques semaines, en 1940. Je tenais à vous dire que la France n'a pas toujours traité ses volontaires étrangers comme elle le fait aujourd'hui à Orange et comme vous nous le décrivez, monsieur Mariani. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi ces cris ? C'est l'histoire. Ne pouvez-vous même pas regarder notre propre histoire ?
En outre, il n'y a pas, et c'est heureux, que ceux qui meurent dans les guerres : il y en a encore beaucoup d'autres. On n'a pas examiné leur niveau de français ou fait passer de test génétique pour connaître leur degré de consanguinité lorsqu'on a mis les Polonais dans les mines, les Italiens dans la sidérurgie et d'autres encore aux travaux agricoles. C'est allé très vite, et c'était très dur.
Tout cela, ainsi que votre difficulté à connaître ou à analyser notre propre histoire, montre bien que vous êtes sur la pente fatale de l'enfermement et du refus de l'étranger. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera donc, bien évidemment, contre l'article 5.
Je suis saisi d'un amendement n° 244 .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
Puisque nous n'avons pas obtenu la suppression de l'article 5, nous allons proposer à M. le ministre une sortie honorable, en lien avec les valeurs de la République.
L'amendement n° 244 propose donc de remplacer le deuxième alinéa de l'article 5 par une phrase qui correspond pratiquement à la position que vous venez d'indiquer, monsieur le ministre, et qui devrait donc vous permettre, en toute logique, d'émettre un avis favorable : « L'accueil de l'étranger dans la société française se fera par une présentation des éléments fondant la démocratie de la République ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette proposition me laisse perplexe, car je ne vois guère ce que cela veut dire. Toujours est-il que cette formation existe déjà dans la formation civique du contrat d'accueil d'intégration. Avis défavorable.
Même avis que la commission : défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 190 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
L'amendement n° 190 se situe en quelque sorte dans le prolongement du débat que nous avons eu précédemment.
Il semble que les débats portant sur des sujets tels que celui que nous examinons ce soir, et notamment sur les valeurs de la République, se révèlent tout de suite difficiles. Nous nous apercevons en effet qu'il est difficile de définir ce dont nous parlons et que l'évocation de certains souvenirs historiques provoque, je ne sais pourquoi, une sorte de drame absolu, comme s'il y avait sur certains bancs de l'Hémicycle une volonté d'oublier ce qui n'est autre que notre histoire commune.
Lorsque le docteur Blisko a cité le film Indigènes, il n'a pas repris ce terme à son compte en traitant quiconque d'« indigène », mais il a évoqué un film qui existe, et qui a d'ailleurs été tellement important que le Président de la République lui-même en a été ému et a rectifié certaines injustices de notre système.
Plusieurs députés du groupe de l'union pour un mouvement populaire. C'est faux !
Ce qui est choquant n'est pas qu'on emploie le terme, mais que, dans une république qui avait pour principes : « Liberté, égalité, fraternité », on ait distingué plusieurs catégories d'habitants, dont certains, en outre, n'étaient pas des citoyens, mais avaient le sous-statut d'« indigènes ». Ce n'est pas nous qui l'avons inventé : c'est la réalité historique de la France.
Certes, il est aujourd'hui de mode de nous dire que cela n'a pas existé, que l'on ne regrette rien et qu'il n'y aura pas de repentance, mais nous n'allons pas réécrire l'histoire et trouver d'autres mots pour désigner des catégories juridiques qui ont été définies avant nous et hors de nous.
Il faut une instance officielle qui définisse bien de quoi nous parlons. Puisqu'il s'agit des valeurs de la République, un décret en Conseil d'État me semble fournir les garanties suffisantes pour savoir ce que nous allons demander à ces étrangers et pour que cela ne soit pas laissé à l'appréciation, voire à l'arbitraire de tel ou tel.
Au lieu de vouloir exiger des seuls étrangers qu'ils connaissent ces valeurs, je suis, pour ma part, étonnée que, dans les écoles – j'ai eu tout de même trois enfants et j'ai bien vu ce qui leur était enseigné –, on apprenne si peu l'éducation civique (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
Avis négatif, madame la députée. D'abord, c'est assez paradoxal de vouloir définir dans un décret des valeurs qui sont inscrites dans notre constitution.
Et puis je vous rappelle qu'à l'article premier et à l'article 4, nous avons voté la création d'une commission qui définira le corpus des questions qui pourront être posées. Je pense donc que votre amendement est satisfait.
Même avis, pour très exactement les mêmes raisons.
Monsieur le rapporteur, vous venez de dire quelque chose d'extrêmement intéressant…
Si le fondement même de ce sur quoi on va interroger les gens, ce sera le préambule de la Constitution, nous sommes d'accord. S'ils doivent connaître la déclaration des droits de l'homme, le préambule de la Constitution, c'est une avancée extrêmement intéressante. Mais je ne vois dès lors pas pourquoi on aurait besoin d'une commission pour redéfinir des textes qui sont très bien écrits, très clairs et que tout le monde connaît ou peut connaître.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'article 5.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 132
Majorité absolue 67
Pour l'adoption 101
Contre 31
L'article 5 est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 57, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile :
Rapport, no 160, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République,
Avis, no 112, de M. Philippe Cochet, au nom de la commission des affaires étrangères.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton