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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 19 septembre 2007 à 15h00
Maîtrise de l'immigration intégration et asile — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

..sinon sur injonction judiciaire ou pour raisons médicales.

Déjà que les personnes concernées sont fragilisées par les conditions de vie qu'elles ont connues dans un pays pauvre et par l'élément de stress et de déstabilisation que constitue leur séparation d'avec leur famille, voilà que vous voulez ajouter une condition d'ordre économique alors, je le répète, qu'il s'agit de populations vulnérables, telles parfois que des retraités ou des personnes handicapées ! Décidément, vous allez trop loin.

Vous devez d'ailleurs savoir, puisque vous n'êtes pas censés ignorer la loi, que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, institution qui a été créée par la majorité à laquelle vous appartenez, a estimé, en décembre 2006, que la condition de ressources appliquée à des personnes handicapées constituait non seulement une atteinte au droit de ces personnes à mener une vie familiale normale, mais encore une discrimination indirecte et que « si la règle posée par l'article L. 411-5 répond à un objectif légitime, […] elle s'avère en revanche injustifiable dans le cas des travailleurs handicapés bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé ».

Sans vouloir à tout prix vous embarrasser avec des exemples, je crois tout de même utile d'éclairer la représentation nationale sur la situation catastrophique imposée à certains demandeurs de regroupement familial. L'exemple que je vais citer à cet égard a été donné par une association qui a l'estime et le respect de notre rapporteur, je veux parler de la CIMADE : « Monsieur S., Sénégalais, présent en France depuis 1977 a été reconnu handicapé par la COTOREP avec un taux d'invalidité de 80 %. En 2002, il a sollicité un regroupement familial en faveur de son épouse et de ses deux filles mineures. Un refus lui a été opposé au motif que ses ressources sont inférieures au SMIC. En effet, la préfecture indique que les ressources du demandeur font “apparaître une ressource moyenne mensuelle nette de 817,92 euros inférieure au SMIC mensuel net qui est alors d'un montant de 820,44 euros”.

« C'est donc parce qu'il lui manque trois euros par mois – trois euros ! – que M. S. ne peut faire venir sa famille auprès de lui, alors que son invalidité rend la présence de ses proches indispensable.

« Un recours gracieux est adressé à la préfecture montrant que les ressources de M. S. ont augmenté. Celle-ci décide pourtant de maintenir sa décision, refusant de prendre en compte les éléments survenus postérieurement à sa réponse.

« Un recours contentieux est alors déposé devant le tribunal administratif qui, après presque cinq ans de procédure – que valent les malheureux quatre mois que vous nous avez concédés comme le fait du prince ? –, reconnaît à M. S. le droit de faire venir son épouse et ses enfants, en estimant que la décision de la préfecture porte une atteinte disproportionnée à son droit de vivre en famille. Malheureusement – ce n'est ni Love Story ni une série de TF 1 –, M. S. ne connaîtra pas cette joie puisqu'il est décédé peu de jours avant que le tribunal ne rende sa décision. Il était hospitalisé depuis plusieurs mois, car sa perte d'autonomie rendait son maintien à domicile difficile en l'absence de proches pouvant l'aider dans les actes de la vie quotidienne. »

Voilà quelle est votre vision du monde et du vivre ensemble ! Voilà comment vous traitez des étrangers qui ont beaucoup travaillé pour notre pays et qui veulent simplement que leur famille les rejoigne quand, comme le disait Montaigne cité tout à l'heure par M. Brard, « ils sont empêchés de leur corps » et encore plus en difficulté.

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