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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 19 septembre 2007 à 15h00
Maîtrise de l'immigration intégration et asile — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

L'article 3 alourdit encore un peu plus la suspicion pesant sur les familles mixtes et sur les étrangers qui demandent à bénéficier du regroupement familial. Au contrat d'accueil et d'intégration, purement personnel, s'ajoute désormais un contrat d'accueil et d'intégration à caractère familial, impliquant une formation sur les droits et les devoirs des parents en France, et que devront signer les parents d'enfants ayant bénéficié du regroupement familial. Vous poursuivez ainsi l'oeuvre entamée en 2003 et poursuivie en 2005 et 2006 : donner de l'étranger une image d'indésirable. En franchissant dans ce domaine un nouveau palier, vous allez entraîner de nouvelles discriminations et conduire la population française à porter un regard plus que méprisant sur les étrangers. En soumettant ces derniers à des contraintes auxquelles échappent les parents français, vous postulez en effet qu'ils seraient de mauvais parents ou, à tout le moins, que leur mode d'éducation ne serait pas adapté à la vie sur notre territoire.

Les sanctions prévues révèlent l'esprit du projet de loi, son caractère répressif, inquisitorial et discriminatoire, comme l'ont déjà illustré les articles que nous avons déjà examinés. En effet, les familles qui ne respectent pas le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille risqueront la suspension ou la mise sous tutelle des allocations familiales, ce qui sera vécu comme une authentique punition. Loin de favoriser l'intégration de ces familles, de telles mesures risquent au contraire d'accentuer leur exclusion économique et sociale et de distendre leurs liens avec les institutions françaises. C'est une indéniable atteinte au vivre-ensemble.

En cas de non-respect des stipulations du contrat, le président du conseil général pourra demander la suspension du versement de tout ou partie des prestations afférentes à l'enfant, saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ou saisir l'autorité judiciaire aux fins de versement des prestations familiales à un délégué aux prestations familiales. Ces dispositions ne s'appliquaient jusqu'à présent qu'en cas d'absentéisme scolaire, de troubles portés au bon fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale ; le non-respect du contrat d'accueil et d'intégration pour la famille constituera désormais un quatrième cas d'application.

Mais si nous élaborons la loi, c'est le juge qui dit le droit. En outre, certaines institutions comme la HALDE, instituée par votre majorité, ont été amenées à produire un avis. Or les dispositions de l'article 3 représentent incontestablement une violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prohibe les discriminations, et de son article 8, qui garantit le respect de la vie privée et familiale et s'oppose à une conception aussi intrusive de l'action de l'État. S'agissant du droit français, citons l'affirmation du principe d'égalité par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 janvier 1990 ; la Cour de cassation a eu l'occasion d'appliquer cette jurisprudence en censurant l'exclusion du bénéfice des allocations familiales au seul motif que l'enfant serait entré hors du regroupement familial. Saisie de cette même question, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, relevant l'application combinée des articles 14 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avait qualifié cette exclusion de « discriminatoire » – tout comme, d'ailleurs, la défenseure des enfants, qui avait au surplus dénoncé une violation de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Ces deux autorités administratives indépendantes ont en outre demandé l'application de la recommandation adressée à la France, en juin 2004, par le comité de suivi des droits des enfants des Nations Unies, qui avait souligné la nécessité d'accorder de plein droit les prestations familiales dès lors que les parents séjournent régulièrement en France.

Enfin, je le répète, votre projet viole manifestement les dispositions issues de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant.

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