La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, il y a dix ans, Michel Crépeau nous quittait. Sa disparition, nous nous en souvenons tous, survint quelques jours après un malaise qui eut lieu ici même, dans cet hémicycle, où sa voix avait tant de fois résonné tout au long de ses vingt-deux années de mandat.
Je tenais à rendre hommage au grand parlementaire que fut Michel Crépeau. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
La parole est à Mme Martine Faure, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
La France traverse la plus grave crise économique et sociale qu'elle ait connue depuis la Deuxième Guerre mondiale, avec des licenciements en cascade, des destructions d'emplois par milliers et un pouvoir d'achat en constante régression.
Loin de prendre la mesure de la situation et de regarder la vérité en face, le Gouvernement n'a toujours pas adopté un vrai plan de relance et, plus incroyable encore, continue de protéger les plus favorisés en allégeant leur contribution à l'effort national par le mécanisme du bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Injuste à son origine, il est devenu insupportable en période de crise.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !
C'est vous qui êtes insupportables ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est également insupportable d'apprendre chaque jour, dans nos circonscriptions, un nouveau dépôt de bilan, la liquidation de telle ou telle entreprise commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole, forestière ou viticole, avec, pour cause principale, le désengagement brutal des banques – ces mêmes banques qui ont obtenu des garanties considérables de l'État à condition d'accompagner les entreprises dans cette période de crise.
Si, comme vous l'avez affirmé ici même, monsieur le ministre, « l'impôt est une affaire de citoyenneté, non de confiscation », il est urgent de changer de méthode, comme vous l'avez fait avec les franchises médicales, en demandant, voire en imposant, aux Français les plus fortunés un sursaut de solidarité, voire de fraternité.
Monsieur le ministre, le bouclier fiscal est coûteux. Il est devenu le symbole de l'inégalité. Quand allez-vous le supprimer ? Et si les banques ont pour mission de secourir les entreprises comme elles ont elles-mêmes été secourues par l'État, quand allez-vous leur imposer de le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, il va falloir arrêter les mensonges au sujet du bouclier fiscal. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le bouclier fiscal, ce n'est pas un cadeau fait aux riches !
Je rappelle que les deux tiers des bénéficiaires du bouclier fiscal gagnent en moyenne 1 000 euros par mois. Je voudrais aussi vous dire, madame la députée, que le bouclier fiscal est une mesure juste. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Oui, il est juste de ne pas verser au fisc plus de la moitié de sa rémunération. J'observe d'ailleurs que nous ne sommes pas les seuls à penser cela, puisque les Allemands ont constitutionnalisé ce principe.
Je veux également vous faire remarquer que le bouclier fiscal, ça marche ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J'observe que le nombre d'évadés fiscaux a baissé de 15 % l'année dernière et que ceux qui étaient partis pour payer leurs impôts à l'étranger ont augmenté leur retour à hauteur de 9 %. On ne peut pas à la fois critiquer le fait de perdre des industriels, des capitalistes qui investissent en France, et ne pas favoriser leur retour.
Enfin, madame la députée, la vraie mesure de justice fiscale, c'est cette majorité qui l'a prise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette mesure, c'est tout simplement la suppression des niches fiscales. Tout en défendant de grands principes, notamment celui selon lequel les grandes fortunes devaient être imposées, par-derrière, vous laissiez faire une injustice, celle consistant à laisser de gros contribuables s'exonérer de l'impôt. En plafonnant les niches fiscales, cette majorité a mis fin à une véritable hypocrisie. C'est cela, madame la députée, la justice fiscale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
« L'échec nous est interdit, le monde ne le comprendrait pas, l'histoire ne nous le pardonnerait pas » déclarait ce matin dans la presse le Président de la République. Alors que s'ouvre aujourd'hui à Londres le sommet du G 20, chacun mesure ici l'importance de cet enjeu. Nous avons impérativement besoin de résultats concrets pour faire face à cette crise d'une ampleur sans précédent.
L'enjeu est en effet considérable : il faut rebâtir un nouveau système économique et social dans lequel le politique doit à la fois garantir une parfaite régulation, et trouver les moyens d'une plus grande solidarité.
La France, à travers l'action du Président de la République, a, dès le début, joué un rôle moteur dans la recherche de solutions à l'échelle mondiale. (« Fayot ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La Parlement a été associé à la réflexion, au travers d'un groupe de travail réunissant des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat dans lequel chaque groupe politique était représenté. Ce groupe a remis son rapport d'étape lundi dernier au Président de la République. Cela nous a donné l'occasion d'échanger avec lui sur les enjeux de cette grande réunion qui va commencer ce soir. Je tiens à remercier tout particulièrement les présidents des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, respectivement Jean Arthuis et Didier Migaud, pour leur implication déterminante dans nos travaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe NC.)
Dans ce contexte, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quels sont les objectifs minimaux que la France souhaite imposer à ses partenaires dans la négociation qui s'ouvre aujourd'hui ?
En outre, pour ce qui est des paradis fiscaux, nous savons qu'une liste devrait être rendue publique et que des sanctions devraient être mises en place. Mais qu'en est-il de la question de la traçabilité des flux financiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, dès le début de la crise financière, la France s'est battue pour organiser ce G 20, avec une première réunion à Washington et la seconde à Londres, afin d'engager la réforme des institutions financières. Pourquoi maintenant ? Parce que l'expérience a montré que, lorsque les crises sont passées, il n'y a plus véritablement de volonté de réformer le système qui, pourtant, a été à l'origine de la crise. C'est la raison pour laquelle il est tout à fait inutile d'opposer les mesures immédiates pour sortir de la crise et celles visant à réformer le système financier international.
Quels sont les objectifs que nous poursuivons, avec l'Allemagne en particulier, mais aussi, on vient de le voir ce matin, avec le Brésil et bien d'autres pays qui vont participer à cette réunion ?
Nous voulons d'abord que la régulation couvre l'ensemble des institutions financières, que personne n'échappe plus au système de régulation et, notamment, que les hedge funds soient désormais…
…dans un système de régulation spécifique.
Nous voulons ensuite que les règles comptables internationales soient modifiées.
Nous voulons que la rémunération des traders…
…soit encadrée.
Nous voulons que les paradis fiscaux, ou plutôt les centres non coopératifs soient listés de façon précise afin qu'on puisse, dans chaque pays, interdire à nos établissements financiers de travailler avec eux.
Enfin, nous voulons que ce G 20 soit l'occasion d'engager la réforme du Fonds monétaire international, et, pour commencer, d'augmenter considérablement les moyens d'intervention du FMI à l'égard des pays les plus modestes. L'Europe a déjà annoncé qu'elle apporterait 75 milliards d'euros au FMI. Le Japon a promis la même chose. Nous espérons que les États-Unis feront de même. Nous aurions ainsi un peu plus que doublé les fonds d'intervention du FMI. Nous espérons également que la Chine et les autres grands pays adopteront la même attitude.
Voilà, monsieur le député quels sont les objectifs de notre pays.
J'entends beaucoup de critiques sur le côté gauche de cet hémicycle. Je les trouve étonnantes. Pourquoi en effet ne pas soutenir la France et le Président de la République lorsqu'il défend précisément des positions qui sont celles de la plupart des partis socialistes européens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Pourquoi ne pas défendre le Président de la République et la France lorsque, avec le Président du Brésil ou avec Mme Merkel, il va se battre pour obtenir, sur tous ces sujets, une régulation financière efficace ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je pense que vous avez manqué encore une fois une occasion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, en deux mois, 170 000 emplois ont été rayés de la carte.
Alors, la colère monte à Gandrange, à Plastic Omnium, à Caterpillar, à la FNAC, à Continental, à Conforama, à Valéo. Les salariés ont raison de refuser d'être sacrifiés sur l'autel de la rentabilité financière.
Alors, nos concitoyens ne supportent plus les stock- options, les parachutes dorés, le bouclier fiscal et autres avantages des privilégiés du système. Nous demandons qu'une loi mette fin à ces dispositifs. Comment admettre les richesses des nantis et la pauvreté de tant d'autres ? Un million d'euros de retraite par an pour le PDG de la Société Générale, mais 1 % de plus seulement pour 12 millions de retraités. Quand des pensionnés sont sous le seuil de pauvreté, avec 677 euros par mois, et que 70 % des jeunes de notre pays disent ne plus avoir confiance en l'avenir, oui, notre société est malade de ses injustices.
Les 28 janvier et 19 mars derniers, des millions de personnes ont dit leur ras-le-bol et leur volonté que vous changiez de politique et 1ermai promet d'être exceptionnel.
Pour donner le change, après avoir glorifié le système et méprisé ceux qui montraient qu'il y a de l'argent pour répondre aux besoins sociaux, vous parlez de moraliser le capitalisme, comme si le capitalisme avait à voir avec la morale ! En tout état de cause, cela finit concrètement par un décret minimal et votre double langage éclate au grand jour, y compris dans le G 20. En fait, votre but est de protéger le coeur du système qui met la rentabilité financière avant les salariés, les sous-traitants, les territoires.
Nous demandons donc l'interdiction des licenciements et des délocalisations dans les entreprises qui font des bénéfices et distribuent des dividendes ; nous demandons des droits nouveaux pour les salariés ; nous demandons que l'État cesse d'être le principal casseur d'emplois, avec plus de 30 000 suppressions de postes dans la fonction publique ; nous demandons l'augmentation du pouvoir d'achat des salaires et des retraites, pour une relance par la consommation.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous changer de politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le député, nous sommes tous conscients que cette crise mondiale frappe durement et plus particulièrement ceux de nos compatriotes qui ont perdu leur emploi ou ont peur de le perdre. En Seine-Maritime, vous êtes bien placé pour le savoir.
Pour autant, je vais m'efforcer de vous donner une réponse qui ne sera pas une réponse de posture, en expliquant toutes les mesures que nous avons adoptées sur le front de l'emploi à travers des exemples très concrets.
L'année dernière, un salarié de la vallée de l'Arve, dans le secteur du décolletage et en activité partielle, n'obtenait que 50 % de compensation de son salaire brut, compensation qui, du côté de l'État, n'avait jamais été revalorisée depuis quinze ans. Aujourd'hui, il touchera 75 % de son salaire net et même 90 % au niveau du SMIC.
Deuxième exemple…
…quelqu'un qui était licencié d'une entreprise dans le secteur de Sandouville, chez vous, ne bénéficiait d'aucun dispositif d'accompagnement personnalisé. Grâce à la mise en place du contrat de transition professionnelle qui a été voulu par le Président de la République, il pourra au moins faire l'objet d'une vraie indemnisation et d'un véritable accompagnement personnalisé.
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Et après ?
Troisième exemple : prenons un jeune de Marseille qui a eu un contrat court de cinq mois. L'année dernière, il ne pouvait pas bénéficier d'un accompagnement dans le cadre de l'assurance chômage. Grâce à la nouvelle convention qui a été mise en place et qui a été négociée avec les partenaires sociaux, il pourra faire l'objet d'un accompagnement.
Un mot encore sur les mesures de justice telles que celles adoptées en faveur des classes moyennes modestes qui se verront envoyer des chèques emploi à domicile ou qui bénéficieront de l'exonération du deuxième tiers provisionnel pour l'impôt sur le revenu sur la tranche de 5,5 %.
Enfin, sur les stock-options, le Gouvernement s'en tient à une ligne : mieux réguler les stock-options qui sont abusives…
…mais ne pas jeter l'opprobre sur les dirigeants d'entreprise dont nous avons besoin parce que ce sont eux qui créent aussi l'emploi, précieux en cette période. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, demandez aux ministres de bien vouloir répondre aux questions !
La parole est à M. François Loos, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Comme vient de le dire Laurent Wauquiez, la crise financière inquiète nos concitoyens. Ils attendent des réponses concrètes du sommet du G20, qui se tient demain à Londres.
Notre Président de la République a déjà beaucoup fait pour que les banques puissent mieux servir les besoins de l'économie et pour qu'un plan de relance soit adopté. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Les progrès sont notables dans le domaine de la finance et pour l'économie réelle, en particulier dans les secteurs de l'automobile et du BTP.
La crise est venue des États-Unis, où des acteurs affranchis de tout contrôle et de toute morale ont dévoyé les instruments financiers. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) L'absence de contrôle, les normes comptables autoproclamées, l'utilisation inacceptable des paradis fiscaux, l'opacité des fonds spéculatifs, tout cela est à l'origine de cette crise !
Dans ce G20, les Américains, les Chinois, les Européens ont-ils les mêmes problèmes, les mêmes priorités ? Veulent-ils travailler chacun pour soi ou sont-ils prêts à engager collectivement les réformes nécessaires pour remettre la finance internationale au service de l'économie ?
C'est la France qui a demandé la réunion du premier G20 à Washington. Le second se tiendra demain à Londres. Que peut-on attendre de cette instance ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
chargée du commerce extérieur. Monsieur François Loos, la crise révèle en effet la faillite d'un système irresponsable et mal régulé. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité, dès le mois de novembre, avec le premier G20 consacré à la crise, une véritable refondation du système économique et financier mondial.
Pour parcourir le monde, je sais qu'il y a à l'égard de la France une énorme attente, à la hauteur des impulsions données par le Président de la République et autour desquelles nous devrions pouvoir nous rassembler.
Pour restaurer la confiance nous avons intérêt tout à la fois à la mise en oeuvre rapide et énergique des plans de relance et à des réformes en profondeur.
Vous m'interrogez sur les positions des différentes puissances. Les États-Unis ont fait, dans le sens de ces réformes en profondeur, des déclarations encourageantes. Le président Obama a dit qu'il ne fallait pas de demi-mesures ; nous lui faisons confiance.
La Chine, au-delà de son important plan de relance, ne doit pas redouter d'aller plus loin dans la coopération internationale pour une meilleure régulation. Elle est et sera bien évidemment un acteur majeur de la reprise.
Quant à l'Europe, le Premier ministre vient à l'instant de rappeler les propositions que nous avons mises sur la table et dans lesquelles la France et l'Allemagne engagent tout leur poids politique.
Le sommet de Londres, en 1933, avait débouché sur la spirale infernale du protectionnisme et du repli sur soi. Nous ferons tout cette fois-ci pour que prédomine l'ambition, l'état d'esprit coopératif que vous appelez de vos voeux et le sens des responsabilités collectives qu'imposent les circonstances.
La semaine prochaine, Christine Lagarde rendra compte à la commission des affaires européennes des résultats de ce sommet, que nous espérons refondateur de confiance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Ménard, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je rappellerai à M. Chatel que c'est le bouclier fiscal et l'explosion des niches fiscales sous votre majorité qui ont rendu leur plafonnement incontournable, plafonnement d'ailleurs si élevé qu'il ne concerne que très peu de personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'en viens à ma question. Le Président de la République vient d'annoncer qu'il allait recevoir les salariés de Caterpillar, sous la menace d'un plan social. Les députés socialistes de l'Isère m'ont fait part de leur inquiétude et espèrent vivement que cela ne se terminera pas comme à Gandrange ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Puis-je lui suggérer de recevoir aussi les employés de vie scolaire ? Les concernant, il s'agit non pas de plan social, mais de fin de contrats. Ils sont 40 000 à être concernés, et la responsabilité en incombe à l'État. Après la suppression de 13 500 emplois statutaires dans l'éducation nationale et la remise en cause des RASED, 40 000 personnes se verront en effet privées d'emploi, alors que leurs missions sont essentielles dans les écoles, les collèges et les lycées.
Pour une rémunération comprise entre 600 et 810 euros par mois, ces employés de l'éducation nationale participent à l'accueil des élèves, en particulier des élèves handicapés. Recrutés sur la base de contrats précaires, ils n'ont guère étés accompagnés dans leurs missions, prévues pour n'être que de courte durée. Formés sur le tas, ils ont néanmoins acquis une véritable expérience, reconnue par la communauté éducative mais non valorisable par la suite puisqu'elle ne débouche sur aucune validation des acquis. De plus, et contrairement à ce qui est spécifié dans leur contrat de travail, très peu d'entre eux ont bénéficié d'une formation.
Je vous demande, monsieur le Premier ministre, de prendre les mesures qui s'imposent afin que ces personnels disposent demain d'une véritable formation, d'un statut et d'une reconnaissance de leurs compétences professionnelles. En refusant d'entendre leurs légitimes revendications, vous les poussez à rejoindre la cohorte actuelle des chômeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Michel Ménard, je m'étonne de la manière dont vous présentez les auxiliaires de vie scolaire dans l'éducation nationale. Dans votre seul département, ils étaient 269 l'an dernier et sont 402 cette année, soit 50 % d'augmentation : on peut donc difficilement parler d'un désengagement de l'État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je rappelle qu'à la rentrée dernière nous avons recruté 2 000 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires, qui s'ajoutaient aux 2 700 que nous avions recrutés l'année précédente, ce qui permet d'accueillir 10 000 nouveaux élèves handicapés à chaque rentrée. Je ne crois pas que l'on ait fait beaucoup mieux de votre côté de l'hémicycle. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ajoute que nous avons mis en place un plan de formation pour ces personnels et qu'une convention a été signée avec les associations de parents d'enfants handicapés. Le passage d'une fonction à une autre, en particulier vers des fonctions d'accompagnement, s'organise convenablement.
Reste la difficulté que peut poser l'interruption dans l'accompagnement, en cas de fin de service de ces personnels. Nous essayons, au cas par cas, d'éviter ces effets de rupture, dans un esprit d'humanité et d'efficacité.
La promesse du Président de la République que tous les élèves handicapés seraient accueillis à l'école s'accomplit grâce à ce gouvernement, non grâce à ceux que vous avez soutenus. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture, ma question porte sur la réforme de la politique agricole commune.
Au moment où se tient le congrès de la fédération des exploitants agricoles, je veux redire que nous souhaitons tous ici, avec vous, que soit conservée la cohésion de la profession agricole. Pour cela, il faut prendre des mesures justes, qui n'opposent pas les éleveurs aux céréaliers.
Nous vous demandons d'entendre la légitime préoccupation de producteurs, notamment céréaliers (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui vont voir leurs aides diminuer et qui vont rencontrer de grandes difficultés.
Le Président de la République a entendu leurs revendications et les a reçus lundi dernier. Le président de la chambre d'agriculture de l'Yonne, qui était présent, m'a dit en sortant : « Il nous a entendus ». (Rires et vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous avez pris un certain nombre de décisions – notamment sur le recours aux références historiques – mais vous avez surtout indiqué la mise en place d'un plan d'accompagnement, doté de 170 millions d'euros de crédits nouveaux. Ce n'est pas rien !
Nous souhaiterions connaître les modalités de ce plan et les conditions de sa mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Le ministre de l'agriculture est, en France, le ministre de toutes les agricultures.
Vous le savez, monsieur Soisson, vous qui l'avez vous-même été.
Comme vous l'avez très bien souligné, il ne s'agit pas d'opposer les uns aux autres. Mon souhait est que tous continuent d'être accompagnés par une grande politique agricole européenne, la première politique économique européenne.
Pour cela, il faut la conserver. Or une politique qui n'est pas juste ne saurait durer. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Afin que cette politique soit – aujourd'hui et au-delà de 2013 – une politique juste, équitable et durable, M. le Premier ministre et moi-même avons décidé, en accord avec le chef de l'État, de procéder à une réorientation de 18 % des aides : il s'agit de soutenir des filières en voie de disparition, notamment la filière ovine, de créer un soutien économique à l'élevage à l'herbe, de soutenir un plan « Protéagineux », de mettre en place un système de gestion des risques sanitaires et climatiques.
Cela intéresse tous les agriculteurs, et tous participent à cet effort.
Ainsi que beaucoup d'entre vous me l'ont fait remarquer : un certain nombre de producteurs, notamment des producteurs spécialisés situées en zone intermédiaire, se voient demander des efforts importants. C'est pourquoi le Président de la République, sur la base des propositions que nous lui avons faites, a décidé, lundi, d'un plan d'accompagnement de 170 millions d'euros de crédits communautaires et nationaux, à destination des jeunes, sans prélèvements supplémentaires. J'ajoute que 11 % des aides qui seront découplées seront réattribuées suivant les références historiques.
Nous voulons conserver une grande politique agricole européenne.
Depuis deux ans, j'ai travaillé à une double légitimité politique…
(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
J'appelle l'attention de la représentation nationale et, au-delà, de tous les Français, sur les dangers que fait courir à notre démocratie la dérive sécuritaire du Gouvernement actuel (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC)…
…et de tous ceux qui se sont succédé depuis 2002, je pense aux lois Perben I et Perben II.
Pour illustrer mon propos, je vais citer deux affaires qui posent le problème des libertés et des droits de la défense.
Vous croyez pouvoir tout vous permettre pour casser des contre-pouvoirs qui vous déplaisent, ou pour mettre à l'écart des gens qui ont décidé de ne pas vivre selon la norme que vous avez édictée.
Je pense d'abord à cette affaire de barbouzerie : l'espionnage de Yannick Jadot, directeur des campagnes de Greenpeace pour la France, au moment même où il était l'un des interlocuteurs du Grenelle de l'environnement.
Nous demandons que des poursuites soient engagées contre EDF, commanditaire de ces actes commis par des anciens des services secrets, et qu'une commission d'enquête parlementaire soit établie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La deuxième affaire est celle de Julien Coupat, que l'on a appelée « l'affaire de Tarnac ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On s'aperçoit aujourd'hui qu'elle vire à la pantalonnade sécuritaire, et Julien Coupat paie pour cela un prix très élevé.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous exiger de Mme la garde des sceaux et de Mme la ministre de l'intérieur – sous les ordres de qui a été menée cette spectaculaire opération policière – la libération de Julien Coupat ? Allez-vous exiger que cette affaire rentre dans le droit commun, au lieu d'être considérée comme une affaire terroriste ? (Applaudissements sur divers bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Je souhaite d'abord rappeler quelques faits.
L'année dernière, des actes de malveillance graves, pouvant mettre en danger la sécurité des voyageurs, ont été commis sur des lignes SNCF. D'autres éléments ont été découverts, liés à la confection d'explosifs.
Une enquête a été ouverte, qui a conduit à l'interpellation de dix personnes. Au vu de ces éléments, le procureur a estimé que les actes revêtaient un caractère terroriste. Ensuite, compte tenu de cette qualification, une information a été ouverte, et un juge d'instruction a été nommé. Celui-ci a confirmé la qualification terroriste des actes.
Je vous rappelle qu'il avait la possibilité de ne pas le faire : il a agi en toute indépendance ! (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce même juge indépendant a saisi un juge des libertés et de la détention – lui-même indépendant – pour que certains des individus interpellés soient placés en détention. Le juge des libertés et de la détention les a placés en détention provisoire.
Les parties ont fait appel : la chambre de l'instruction, composée de trois juges indépendants, a confirmé la détention provisoire. Encore une fois, c'est en toute indépendance que ces décisions sont prises.
Nous sommes très attachés à ce que chacun ait droit à la même justice sur tout le territoire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous ne sommes pas pour une indépendance à géométrie variable. Vous voulez que les juges soient indépendants lorsque cela vous arrange, et lorsque cela vous arrange vous faites appel à nous pour qu'ils ne le soient plus !
Nous sommes pour une justice indépendante et égale pour tous. Nous sommes également attachés à la présomption d'innocence, tant que le jugement n'est pas rendu, ce qui est le cas.
Je vous invite également à vous associer à la réforme du code de procédure pénale et du code pénal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur divers bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de la culture et de la communication, le projet de loi « Internet et création » qui est en cours de discussion dans notre assemblée vise, il faut le rappeler, à assurer de façon pédagogique la protection de la création sur Internet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je me doutais que cela provoquerait quelques réactions.
Il s'agit non de stigmatiser, mais de rappeler que le piratage est une spoliation.
Il contribuera, je n'en doute pas, à la prévention du téléchargement illégal pour lequel, malheureusement, la France détient un triste record.
Je rappelle, pour mémoire, que les activités culturelles représentent une part très importante du PIB et de l'emploi en France. En effet, plus de 220 000 personnes en dépendent, tous secteurs confondus – musique, audiovisuel, édition. Il faut mettre fin à la très forte destruction de valeurs dans notre pays : le DVD a connu une baisse de 35 % et la musique de 50 % en cinq ans. Le piratage représente un manque à gagner annuel de plus de 1 milliard d'euros, sans compter les 10 000 emplois perdus.
En novembre 2007, quarante-sept organisations et entreprises, qui représentent, faut-il le rappeler là aussi, la totalité des acteurs de la culture et des communications électroniques, se sont mises d'accord pour faire de la suspension de l'accès à Internet à domicile la mesure de dissuasion la plus ultime.
Cette mesure pourrait être prise à l'issue d'une succession d'avertissements gradués – courriel, lettre recommandée, transaction. Elle concernerait donc uniquement des internautes indélicats et surtout particulièrement obstinés.
Caricaturant cet accord, aujourd'hui certains estiment la suspension de l'accès Internet disproportionnée.
Ils prétendent qu'elle rencontrerait des difficultés techniques, qu'elle représenterait des coûts très importants, trop importants pour les opérateurs, et ils considèrent que l'amende serait une meilleure solution.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous expliquer le choix du Gouvernement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, vous l'avez rappelé très justement, c'est l'ensemble des professionnels de la télévision, des sociétés d'auteurs, des ayants droit…
… qui, au fil de plusieurs mois de négociations, ont proposé la suspension de l'accès à Internet. C'est d'abord le signe que cette suspension est possible : ces personnes ne sont pas incompétentes au point de proposer quelque chose qui serait impossible.
De surcroît, ces personnes ont voulu sortir de la logique pénale que sous-tendaient la prison et l'amende, pour une logique pédagogique, vous l'avez très justement rappelé : mail d'avertissement, lettre recommandée et, seulement en fin de course, suspension de l'accès à Internet. La démarche est réellement pédagogique puisque c'est précisément grâce à leur accès Internet que les internautes incriminés effectuent leurs actions de piratage et de téléchargement illégal.
Je souligne en outre que l'on peut garder un accès Internet ailleurs ou se servir d'autres accès Internet. C'est donc une sanction tout à fait mesurée.
À titre personnel, le principe de l'amende me gêne beaucoup, car je la crois vraiment inappropriée.
Soit l'amende est faible, représentant l'équivalent de quatre ou cinq CD, auquel cas c'est vraiment un droit à pirater que vous donnez après toute une série d'avertissements et une lettre recommandée.
Soit l'amende est forte et elle est injuste parce que si vous avez de l'argent, elle est indolore, mais si vous êtes étudiant, elle peut être une catastrophe.
Pour toutes ces raisons, je pense que la suspension est in fine une bonne solution. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Grellier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La situation du groupe Heuliez dans les Deux-Sèvres a été fortement médiatisée au cours de la semaine dernière. Plus de 1 000 emplois et autant d'induits sont en jeu sur un territoire qui a pourtant su montrer ses capacités de développement et son savoir-faire fondé sur l'innovation.
La recapitalisation nécessaire de l'entreprise a connu une panne à cause du comportement incompréhensible des dirigeants du Fonds stratégique d'investissement.
Malgré les difficultés que l'entreprise connaît depuis plusieurs mois, qui auraient d'ailleurs pu être évitées si les deux principaux constructeurs français avaient fait preuve d'une plus grande solidarité, Heuliez a su rebondir en créant plusieurs modèles de véhicules électriques pouvant être industrialisés et commercialisés dès le début de l'année 2010, ce qui correspond pleinement aux orientations du Grenelle de l'environnement.
Pour assurer sa pérennité et celle de ses emplois, il faut que le Fonds stratégique d'investissement se montre plus offensif sur les projets innovants pour conforter l'entreprise et rassurer ses partenaires potentiels.
Par ailleurs, il est impératif de trouver de nouvelles solutions pour éviter une casse sociale supplémentaire et le traumatisme de licenciements déjà trop nombreux dans notre pays. Le contexte local peut permettre l'expérimentation de solutions innovantes qui ne doivent pas forcément passer par la case du tribunal de commerce.
Sur le cas particulier de l'entreprise Heuliez, et d'une manière plus générale, le Gouvernement peut-il préciser à la représentation nationale le véritable rôle du Fonds stratégique d'investissement, ainsi que ses méthodes de fonctionnement et de gouvernance ?
Enfin, le Gouvernement est-il prêt à s'engager aux côtés de l'entreprise, des partenaires sociaux, des collectivités locales, notamment de la région Poitou-Charentes, pour traduire dans les actes, même de façon expérimentale, ce que les discours nomment « la sécurisation des parcours professionnels » ? Cette procédure pourrait éviter les licenciements et permettre à l'entreprise et à ses salariés de passer une période transitoire pour préparer une nouvelle étape de son projet industriel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, comme vous le savez puisque vous suivez ce dossier avec les parlementaires du département et de la région depuis longtemps, l'État est engagé depuis de nombreux mois aux côtés d'Heuliez ; il n'a pas attendu ces derniers jours pour se mobiliser.
Nous le savons tous, les difficultés d'Heuliez ne sont pas nées de la crise ; elles sont malheureusement antérieures. L'entreprise a perdu la moitié de son chiffre d'affaires en moins de deux ans. Elle est passée de 3 000 à 1 000 salariés sur le site de Cerizay en moins de cinq ans, et elle a perdu un certain nombre de marchés importants chez ses clients constructeurs, notamment dans le domaine du toit rétractable.
Le constructeur Heuliez rencontre donc aujourd'hui de graves difficultés, et c'est ce qui justifie l'engagement de l'État.
Le Président de la République a rappelé ce matin que nous étions prêts à intervenir à hauteur de 10 millions d'euros, via le Fonds stratégique d'investissement, pour aider l'entreprise à sortir de cette phase difficile. Mais nous avons besoin, pour cela, d'un vrai partenariat, c'est-à-dire d'autres partenaires financiers et d'un projet industriel viable. J'entends bien en effet, ici ou là, des acteurs s'exprimer – ainsi, Mme Royal a dit tout à l'heure : « Si j'étais là, Heuliez serait sauvée ». Je constate simplement que le véhicule électrique que fabrique Heuliez et qui représente une vraie perspective d'avenir ne concerne que quarante-cinq salariés sur les plus de 900 qui travaillent sur le site. Nous avons donc à trouver ensemble une solution industrielle d'avenir et pérenne. C'est ce que nous nous efforçons de faire.
Plusieurs réunions se sont tenues depuis le début de la semaine. L'État sera aux côtés des salariés d'Heuliez, monsieur le député, je m'y engage. Nous sommes prêts.
Nous continuons à rencontrer l'ensemble des partenaires pour trouver une solution à chacun des salariés d'Heuliez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, quand la crise fait rage, c'est aux plus fragiles que nous devons venir en aide : chômeurs, travailleurs partiels et salariés précaires. Ce sont eux qui sont le plus durement frappés par la crise, et c'est à ceux qui souffrent que nous avons l'obligation morale de tendre la main. Face à cette situation, les Français doivent savoir que nous ne sommes pas restés ballants. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette main secourable, nous l'avons tendue en répondant un « oui » massif au plan de relance qui nous était soumis, qui prévoit 25 % de crédits en plus pour la politique de l'emploi, et porte l'indemnité d'activité partielle de 50 à 60 % du salaire brut. Tels sont les résultats de notre action.
Cette main fraternelle, nous l'avons tendue en prenant des mesures énergiques en faveur de ceux qui ont perdu leur emploi. Ils recevront 80 % de leur salaire brut pendant les huit premiers mois en cas de licenciement économique, et le contrat de transition professionnelle sera étendu aux bassins d'emplois les plus sinistrés.
Voilà encore des preuves tangibles de notre résolution.
Cette main solidaire, nous continuons de la tendre, puisque la convention d'assurance chômage que vous avez vous-même négociée avec les partenaires sociaux entre en vigueur aujourd'hui.
C'est cette convention que je vous serais obligé de bien vouloir présenter à notre assemblée. (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, vous m'interrogez sur la nouvelle convention d'assurance chômage. Soyons honnête : il n'a pas été facile d'aboutir. Ce texte a été négocié avec les partenaires sociaux. Certains avaient prédit son échec, mais, conformément aux souhaits du Premier ministre, nous avons tout fait pour rassurer les partenaires sociaux et leur expliquer les différents éléments dont ils avaient besoin pour l'agréer. Elle entre en vigueur aujourd'hui même.
Dans cette période de crise, personne n'aurait compris que l'opportunité d'une nouvelle convention d'assurance chômage ne soit pas saisie pour améliorer la situation de ceux qui perdent leur emploi. Cette convention l'améliore sur trois plans en proposant un dispositif plus lisible, plus juste et plus sûr.
Sur le plan de la lisibilité, songeons qu'il existait jusqu'à présent quatre filières différentes fondées sur la même logique de statut et d'injustice. Quelqu'un qui effectuait un contrat de quinze mois avait droit uniquement à un an d'indemnisation. S'il travaillait seize mois, il avait droit à deux ans d'indemnisation. Allez comprendre ! Le nouveau dispositif sera beaucoup plus simple : un jour travaillé donnera droit à un jour indemnisé.
Il sera aussi plus juste, notamment pour ceux qui effectuent des contrats courts pendant cette période et qui n'étaient pas pris en charge. Désormais, ils seront pris en charge par l'assurance chômage dès qu'il auront travaillé quatre mois, avec une aide du Gouvernement de 500 euros pour les salariés, notamment les jeunes, qui auront effectué des contrats courts.
Le troisième point, cher à de très nombreux députés, concerne le régime des saisonniers.
Celui-ci représente 40 000 emplois en France, qui bénéficient principalement aux jeunes. Grâce à la nouvelle convention, ils seront sécurisés.
Ainsi, quand le Gouvernement travaille de façon constructive avec les partenaires sociaux, il parvient à améliorer les dispositifs. Avec la nouvelle convention, notre pays s'est doté de l'assurance chômage la plus performante au niveau européen. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de l'intérieur, le Gouvernement ne cesse de mettre en avant les impératifs de sécurité pour restreindre le champ des libertés publiques. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La liste est longue : loi contre la récidive qui remet en cause le principe d'individualisation de la peine ; loi pénitentiaire qui n'en finit pas d'être reportée, alors que la surpopulation carcérale entraîne des drames insupportables – 97 suicides en 2007 et 115 en 2008 – ; rétention de sûreté qui revient sur le principe fondamental selon lequel tout individu n'est responsable que des actes qu'il a commis et non de ceux qu'il pourrait commettre.
En même temps, le nombre des gardes à vue explose. Elles ont concerné près de 600 000 personnes en 2008, soit une personne sur cent, ce qui représente une augmentation de 50 % en huit ans. Les perquisitions dans les rédactions des journaux se multiplient, ainsi que les enquêtes à l'encontre des journalistes et des sites Internet qui diffusent, par exemple, les images menaçantes du Président de la République.
Pour les reconduites à la frontière, l'obsession du chiffre incite aux contrôles discriminatoires envers les étrangers et amène les force de l'ordre à procéder à des interpellations aux sorties d'école, sur les lieux de travail ou à l'hôpital. L'encouragement à la délation est devenu, s'il faut en croire un porte-parole de l'UMP, « un devoir républicain ».
Les fichiers non déclarés ou très mal tenus comme le STIC se multiplient. Lundi dernier, on a donné l'ordre d'intimider, à Paris, des opposants à la Cité de l'immigration et, à Strasbourg, des protestataires à banderoles.
Enfin on ne compte plus les petites phrases gouvernementales ou présidentielles qui dénigrent les associations de défense des droits de l'homme, les travailleurs sociaux, les magistrats ou les citoyens attachés aux libertés.
Madame la ministre, sécurité et liberté ne sont pas opposables. N'est-il pas temps de donner un coup d'arrêt à ce recul des libertés publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en tant que ministre de l'intérieur, je suis chargée de la protection des personnes, des biens et des libertés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) C'est un fondamental de mon action.
Cette protection dépend aussi de la loi que vous votez, laquelle est d'abord destinée à protéger les plus faibles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Je rappelle que les forces de police et de gendarmerie sont là pour veiller à la protection des personnes et au respect de la loi que vous avez votée à cette fin. Monsieur le député, vous n'allez pas reprocher aux forces de sécurité de veiller à leur application.
Quant aux exemples que vous avez cités, ils relèvent tous de la décision du juge, qui appliquent la loi.
Enfin, la police et la gendarmerie exécutent les décisions des juges, qui décident qu'une enquête doit être menée ou qu'il faut procéder à une interpellation ou à une garde à vue. (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC.)
Certes, vous pouvez considérer que vous êtes dans cet hémicycle pour contester l'ensemble de l'autorité, (Murmures sur les bancs du groupe SRC) mais je vous rappelle que celle de l'État, sereine mais déterminée, est un fondement de la démocratie et de la République et que, pour notre part, nous n'y renoncerons jamais. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. (« Encore ! » sur les bancs du groupe GDR.)
Face à la crise économique et au chômage, vous exprimez chaque jour, monsieur le secrétaire d'État, les engagements forts du Premier ministre et du Gouvernement : développement des services à la personne, soutien aux seniors, allocation de chômage après quatre mois de travail, prime pour les salariés précaires, moyens humains supplémentaires dont vont bénéficier aussi les agences du Pôle emploi sur le terrain.
Conscient de la gravité du chômage qui frappe de plus en plus les jeunes, diplômés ou non, qualifiés ou non, vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a quelques jours à Bercy, mobilisé les acteurs de l'accompagnement et de l'insertion professionnelle des jeunes. M. Martin Hirsch s'est également exprimé avec détermination.
Monsieur le secrétaire d'État, comment entendez-vous rendre plus efficaces tous les dispositifs existants, des contrats d'apprentissage et de professionnalisation aux contrats CIVIS et contrats aidés ? Comment mieux mobiliser les entreprises et branches professionnelles à fort potentiel, mieux former aux métiers porteurs et développer les chantiers d'insertion dans nos communes où, en tant que maires, nous devons tous nous mobiliser ?
Nous savons qu'il faut nous adapter aux problèmes spécifiques de chaque territoire, favoriser la mobilité, apporter des réponses aux jeunes, qui sont de plus en plus nombreux à nous interpeller.
Dans cet esprit, quel bilan tirez-vous de l'action menée jusqu'à présent par les 480 missions locales implantées sur le territoire ? Quelles priorités sont les vôtres pour rendre espoir aux jeunes confrontés à l'échec, et faire davantage pour eux, selon la volonté exprimée par le Président de la République il y a quelques jours dans son discours de Saint-Quentin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur Bernard Perrut, je souhaite d'abord, comme j'ai eu l'occasion de le faire en installant avec vous le Conseil national des missions locales,…
…souligner l'attachement du Gouvernement au rôle que jouent les missions locales. Les professionnels qui les animent essayent, sur le terrain, d'accompagner les jeunes, comme c'est le cas dans la mission locale de votre ville de Villefranche, et dans cette période de crise, nous avons besoin d'eux.
Ne nous cachons pas la réalité : dans cette crise, les premières victimes sont les jeunes, et c'est d'abord sur eux qu'il faut cibler nos mesures. En effet, ils n'arrivent plus à entrer sur le marché de l'emploi, où les offres se sont raréfiées. Une fois leur diplôme obtenu, ils risquent donc de se heurter à un plafond de verre, sans pouvoir acquérir une expérience professionnelle.
Pour les jeunes, l'heure est à l'urgence et il nous faut agir très rapidement pour l'emploi. Pour cela, il faut non pas inventer de nouvelles usines à gaz, mais s'appuyer sur les dispositifs qui ont fait leurs preuves. Il y en a trois.
Il s'agit d'abord des contrats d'alternance et de professionnalisation. Huit jeunes sur dix qui s'engagent dans cette voie trouvent un emploi durable en moins d'un an. Il faut notamment cibler les filières qui continuent à recruter et dynamiser ces outils.
Ensuite, il faut abattre des barrières très concrètes à l'emploi des jeunes – ce que j'appelle retirer les cailloux des chaussures – s'agissant de la mobilité, du logement, de l'illettrisme, questions sur lesquelles nos dispositifs sont trop administratifs, lourds, insuffisamment adaptés aux réalités de terrain. Dans ce domaine, nous avons déjà augmenté les crédits mis à disposition des missions locales de l'emploi, mais cela ne suffit pas, il faudra aller au-delà.
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Donnez-leur les moyens !
Il s'agit enfin du dispositif anti-décrochage : dans notre pays, trop de jeunes quittent le système scolaire sans que l'éducation nationale ait plus rien à leur offrir.
Ni usines à gaz ni dispositifs utopiques donc, mais des mesures immédiatement opérationnelles, voilà comment nous voulons aider nos jeunes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Inquiétant ! A la veille de la réunion à Londres des chefs d'Etats des vingt pays les plus riches du monde, les informations les plus confuses circulent sur les désaccords qui pourraient apparaître à l'occasion de ce sommet, censé poser les fondements d'une nouvelle architecture financière mondiale.
En effet, depuis quelques heures notre Président de la République se livre à des gesticulations solitaires, semble d'ores et déjà très mécontent des conclusions, pourtant longuement négociées au plus haut niveau, et menace de quitter un sommet qu'il avait lui-même appelé de ses voeux !
C'est très inquiétant. L'échec de ce sommet serait très grave, mais sa réussite ne peut être atteinte qu'avec l'union de tous, pour réformer le système monétaire mondial, assainir les pratiques bancaires et mettre en place un véritable plan de relance mondial, toutes mesures souhaitées par le Fonds monétaire international.
Monsieur le Premier ministre, la crise économique poursuit chaque jour ses ravages, et en France, elle est aggravée par une politique économique et fiscale que vous refusez de remettre en cause La récession est là, nous avons déjà perdu des centaines de milliers d'emplois et des milliers d'entreprises sont au bord du gouffre.
Le Président de la République n'est pas crédible quand il prétend vouloir donner des leçons au monde alors que dans son propre pays, les moyens qu'il a choisis pour lutter contre la crise se révèlent chaque jour insuffisants, mais qu'il s'obstine à ne rien changer.
Les Français sont inquiets. Aussi les socialistes sont-ils résolus à présenter sans relâche leurs propositions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) contre les dérégulations, les licenciements, et, prochainement, pour supprimer le bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), système injuste, déséquilibré, qui illustre tout à fait la situation qui a conduit à la crise.
A la veille du Sommet, nous vous appelons, monsieur le Premier ministre, à changer de politique pour que la France soit véritablement entendue dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député Lambert, le sommet du G 20 qui se tiendra demain à Londres constitue une étape décisive d'un processus historique qui a été initié par Nicolas Sarkozy, lors de son discours devant les Nations unies en septembre dernier. Le premier, face à la crise financière, il a appelé de ses voeux une telle réunion, pour fonder un nouveau capitalisme, qui soit régulé. C'est lui qui, en tant que président de l'Union européenne, a pris l'initiative de réunir l'Eurogroupe pour coordonner l'action de l'Europe en matière financière, puis de réunir le Conseil européen, afin de préparer cette première étape que fut le sommet de Washington.
Un certain nombre de principes y ont été fixés. Il faut, demain, concrétiser ce engagements. Le gouvernement français a trouvé des partenaires, et l'Europe parlera d'une seule voix sur les différents sujets. Sur la régulation des marchés financiers, il faudra avancer notamment sur les hedge funds et les agences de notation. Sur les paradis fiscaux, nous exigerons que des décisions concrètes soient prises dans les jours suivant le G 20 avec l'établissement d'une liste de ces paradis fiscaux, qui sera rendue publique, les engagements que nous attendons d'eux…
…et les conséquences auxquelles ils s'exposeraient s'ils ne s'y pliaient pas. Sur les rémunérations des dirigeants également, nous attendons des avancées.
Le système mondial qui nous a conduit à la faillite actuelle ne peut pas continuer en l'état. Le Président de la République et le Gouvernement, avec nos partenaires européens et du monde entier, comme l'a rappelé le Premier ministre, sont totalement mobilisés pour obtenir des résultats ambitieux. Ceux qui ont pris l'initiative de ce sommet ne se contenteront pas, à Londres, de faire de la figuration. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Daniel Poulou, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, le Grenelle de l'environnement a été un moment de mobilisation active aussi bien pour l'État et les collectivités locales que pour les entreprises et les consommateurs.
Cette mobilisation se poursuit tous les jours comme l'atteste la place croissante qu'occupent ces sujets dans la presse quotidienne. Les projets toujours plus nombreux portés par nos concitoyens dans le cadre de la semaine du développement durable en témoignent également.
Aujourd'hui de plus en plus de consommateurs sont intéressés par des produits qui s'inscrivent dans la perspective du développement durable. Aussi sont-ils prêts à acheter des biens bénéficiant de l'écolabel français ou européen. La perspective d'un affichage du contenu en carbone des produits ne devrait-il pas accroître cet intérêt, comme l'a montré l'exemple du bonus-malus automobile ?
Beaucoup de Français se demandent comment consommer « durablement », et des efforts sont sans doute à faire en termes de pédagogie.
Madame la secrétaire d'État, au-delà des actions spécifiques menées dans le cadre de la semaine du développement durable, je vous serais reconnaissant de bien vouloir indiquer à la représentation nationale quelles actions le Gouvernement envisage de mener en ce sens. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Monsieur Poulou, le Grenelle de l'environnement représente un potentiel de 440 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2020, et de 250 000 emplois d'ici à 2012. Nous ne le réaliserons qu'en menant une politique de consommation et de production durable. En effet, notre bilan d'émissions de gaz à effet de serre montre que 50 % d'entre elles sont directement liées au process de consommation et de production. Par ailleurs, aujourd'hui, dans toutes les enquêtes d'opinion, la crise est directement associée à la « déconsommation ». Or notre message ne consiste pas à dire qu'il faut systématiquement consommer moins ; en revanche nous voulons que l'on consomme mieux.
Dans le cadre de la semaine du développement durable, le nombre d'opérations visant à éduquer nos concitoyens a été multiplié par plus de deux ; on en compte aujourd'hui plus de 4 200. Plus largement, le Grenelle de l'environnement a permis de mettre en place un plan pour la consommation durable qui s'appuie principalement sur trois piliers.
Le premier est l'information, car plus de la moitié de nos concitoyens ne savent pas comment faire. Nous avons mobilisé 40 millions d'euros sur la seule année 2009 pour expliquer comment faire des économies d'énergie et comment consommer mieux.
Le second est la stimulation de l'offre. À cet égard, je vous donne un seul exemple : dans le cadre du Grenelle de l'environnement, plus de 1,2 milliard d'euros supplémentaires seront consacrés à la recherche durant les trois prochaines années.
Enfin, il y a la stimulation de la demande. Nous connaissons l'exemple réussi du bonus-malus, grâce auquel la France est désormais en tête des pays européens pour les ventes de véhicules les moins émetteurs de gaz à effet de serre. Dans ce domaine, nous poursuivrons la négociation relative à la TVA à taux réduit sur les produits verts.
Au-delà de ces mesures, un point nous tient à coeur avec Jean-Louis Borloo : nous voulons inscrire cette politique dans une logique d'équité sociale, car la politique de consommation durable n'est pas réservée aux plus nantis. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur, vous avez admis devant nous que de nombreuses universités ont vu leur dotation budgétaire diminuer en 2009 seront appelées à rendre des postes.
La vingtaine de petites universités pluridisciplinaires, les plus concernées, constate que la dotation budgétaire 2009 introduit à leur égard une discrimination.
Aujourd'hui, elles sont encore plus sous-dotées qu'elles ne l'étaient hier : elles bénéficient de la plus faible augmentation de DGF avec une progression de 3,62 %, contre 6,5 % pour la moyenne nationale ; elles connaissent une inflation de 2 %, voire supérieure, et subissent la plus forte perte d'emplois, avec une baisse de 0,4 %, alors que le recul de la moyenne nationale est de 0,2 %.
Le Président de la République s'était engagé à apporter un milliard d'euros supplémentaires au profit de toutes les universités. Or les universités dont je parle n'ont rien eu d'autre que cette promesse. Il s'agit pourtant d'universités de proximité et de qualité qui permettent à un grand nombre d'étudiants, souvent issus de milieux modestes, d'accéder à l'université. Elles mènent aussi une recherche de qualité et, pour y parvenir, elles ont souvent noué de nombreux partenariats. Elles partagent des unités de recherche, et elles ont des formations communes. En raréfiant leurs moyens, vous pariez sur leur déclin. Malheureusement, les victimes en seront, à la fois, les étudiants et la recherche.
En ce qui concerne les étudiants, nous sommes loin des moyens nécessaires pour parvenir à l'objectif que vous avez annoncé : diviser par deux, d'ici à 2012, le taux d'échec en première année, c'est-à-dire augmenter de 25 % la réussite scolaire.
S'agissant de la recherche, selon vos propos du 23 juillet 2007, vous entendiez donner la priorité à un seul modèle : celui des classements internationaux que vous vous étiez d'ailleurs proposée de réformer en promouvant un modèle de classement européen à l'occasion de la présidence française de l'Union.
S'agissait-il uniquement de promesses ou attendez-vous…
(Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la députée, permettez-moi de vous dire que je suis absolument scandalisée (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) d'entendre le parti socialiste dire que les budgets de l'université sont en trompe-l'oeil. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous voulez la vérité des chiffres, la voici : l'université du Mans, la vôtre, madame Karamanli, a vu ses moyens de fonctionnement augmenter en 2007 de 105 000 euros (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) ; en 2008, de 200 000 euros (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; et en 2009, de 562 000 euros ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il faut y ajouter 1,1 million d'euros pour la mise en sécurité des locaux, ce qui donne, au total, une augmentation de près de 10 %, soit deux fois plus que l'année dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame Karamanli, continuons à faire le tour des universités de l'ouest.
Pour l'université de Tours, l'augmentation a été, en 2007 de 82 000 euros (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) ; en 2008, de 430 000 euros (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; en 2009, de 3,2 millions d'euros (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) auxquels s'ajoute 1,1 million d'euros pour la mise en sécurité des locaux. Au total, l'augmentation est de 18 %, soit trois fois plus que l'année dernière !
À Angers, en 2007, l'augmentation a été de 170 000 euros (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) ; en 2008, de 275 000 euros (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; et en 2009, de 4,1 millions d'euros (Applaudissements et vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) auxquels il faut ajouter 1,1 million d'euros pour la mise en sécurité des locaux. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. –Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est six fois plus que l'année dernière !
Nous finirons à Nantes, pour faire plaisir au président Ayrault (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…
À Nantes, 60 000 euros d'augmentation en 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; 640 000 euros en 2008 (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) ; 1,3 million d'euros en 2009 ! (Applaudissements et vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Enseignement supérieur
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 381 à l'article 2.
Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement et concerne le déroulement de nos travaux.
Chacun a remarqué que, sur ce projet de loi, l'opposition a pour objectif de faire un travail pédagogique. Nous nous opposons à ce texte, certes, mais de manière constructive, puisque nous formulons des contre-propositions. Nous avons ainsi défendu notamment la contribution créative à propos de la rémunération du droit d'auteur à l'ère numérique.
Ce faisant, les membres du groupe SRC et du groupe GDR sont amenés à avancer des arguments d'ordre technique – quelques-uns de nos collègues étant extrêmement compétents sur le sujet – et juridique. Ces arguments juridiques sont d'autant plus importants qu'ils ont trait à la défense de l'État de droit. Nous souhaitons en effet que les internautes soient avant tout considérés comme des citoyens, qui doivent bénéficier, dans le cadre du dispositif proposé dans ce texte, des garanties offertes par toute procédure judiciaire : présomption d'innocence, droits de la défense, procédure contradictoire.
Notre démarche est, je le répète, constructive. Nous avons déposé de nombreux amendements, certes, mais ceux-ci ne sont pas répétitifs, et personne ne peut nous accuser de vouloir prolonger indéfiniment les débats. Nous n'avons demandé que peu de suspensions de séance, et celles-ci ont, du reste, souvent eu pour origine des provocations émanant des bancs de la majorité.
Aussi souhaitons-nous, pour le bon déroulement de nos travaux – qui sont suivis par des millions d'internautes, comme en témoigne l'explosion du nombre des connexions sur le site de l'Assemblée nationale –, obtenir des réponses qui soient au niveau de nos questions. Nombre d'entre elles, qu'elles soient de nature juridique ou technique, n'ont en effet reçu, à ce jour, aucune réponse de la part de la ministre ou des rapporteurs. Et quand ceux-ci nous ont répondu, ils se sont contentés de faire référence à des enquêtes dont on ne connaît ni le fondement ni l'origine ou à des présupposés sur l'efficacité de la riposte graduée. Nous attendons au moins du Gouvernement et des rapporteurs qu'ils étayent davantage leurs arguments.
Ces rappels au règlement sont utiles, au moment où nous reprenons l'examen du texte car, en situant le débat, ils permettent que nos travaux se déroulent paisiblement par la suite.
Nous avons beaucoup parlé de pédagogie, car nous avons à coeur d'expliquer avec méthode les enjeux du texte aux personnes qui nous écoutent. Le rapporteur aussi, parle de pédagogie ; mais la sienne, c'est celle du knout, qui était en vigueur avant l'Émile de Rousseau ! Nous allons donc continuer d'expliquer et de démontrer que vous voulez bâillonner les libertés de tous ces jeunes qui ont recours à Internet et auxquels vous voulez infliger des punitions.
Toutefois, un élément nouveau nous laisse espérer que la position du Gouvernement peut évoluer. En effet, il semble enfin que l'on revienne à la norme – même si c'est dans un domaine différent de celui qui nous occupe –, puisque nous avons appris que M. Pérol faisait l'objet d'une enquête préliminaire, après sa nomination arbitraire par le Président de la République. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
J'espère que cette mesure sera étendue à M. Milhaud et à M. Forgeard, notamment. Mais nous verrons ! Ce n'est pas le sujet…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ah ça, non !
Madame la ministre, en tant que membre du Gouvernement, vous connaissez certainement les intentions du Premier ministre. Aussi, pourriez-vous nous indiquer si vous entendez renoncer à votre dispositif coercitif et à son espèce de juridiction d'exception, pour revenir à des pratiques plus républicaines, plus respectueuses de notre droit, et laisser la justice faire son oeuvre ? En bref, allez-vous renoncer à l'article 2 du projet de loi ? Cela nous permettrait d'avancer beaucoup plus vite vers la conclusion de notre discussion, puisque l'essentiel de nos amendements n'aurait plus d'objet.
Mon rappel au règlement vise à donner davantage de contenu à nos travaux et davantage de matière aux réponses que vous apporterez à nos questions, monsieur le rapporteur et madame la ministre. Deux points en particulier méritent d'être évoqués : le premier appelle quelques éclaircissements de votre part ; le second consiste en un rappel de la vérité.
Tout d'abord, nous vous avons alertés sur le fait que les dispositifs de sécurisation des connexions Internet que vous proposez sont à l'opposé de ce qui est acceptable pour le logiciel libre.
Dès lors, soit vous considérez que celui-ci n'a pas d'importance, et vous décrétez l'indifférence nationale à son égard – nous comprendrions alors votre silence sur ce point ; soit vous nous expliquez en quoi ce dispositif est compatible avec le logiciel libre. En tout état de cause – mais peut-être avons-nous tort, et c'est à vous de nous le démontrer –, il nous semble qu'à l'instar des DRM, la sécurisation de l'accès Internet que vous proposez est incompatible avec le logiciel libre.
J'en viens maintenant à mon second point, qui est un rappel de la vérité. Vous nous avez dit, madame la ministre, que la riposte graduée n'est pas une exception française, qu'elle fonctionne et prolifère à travers le monde. Vos paroles étant écoutées avec attention, un certain nombre d'experts vous ont répondu sur ce point. Or, si l'on examine le paysage international, on constate que très peu de pays appliquent la riposte graduée ou envisagent de le faire. Le seul qui ait mis en place un tel dispositif – au moins sur le papier –, c'est l'Irlande. Mais il n'est pas appliqué par tous les fournisseurs d'accès. Il s'agit donc d'un exemple partiel.
L'Italie n'a pas encore mis en oeuvre la riposte graduée ; elle attend. Quant au Canada, il a en effet opté assez tôt pour une forme de bridage des réseaux, mais il ne s'agit pas d'une riposte graduée, puisque le dispositif retenu consiste à réduire le débit des internautes utilisant des logiciels peer to peer.
Cela doit d'ailleurs être très difficile à appliquer : va-t-on limiter la connexion d'un internaute qui a utilisé des logiciels comme eMule ou BitTorrent pour télécharger des contenus que vous considérez vous-même comme légaux ? Là où le procédé a été tenté ou partiellement expérimenté, il ne semble donc pas susciter une puissante adhésion.
Certains pays ont fait machine arrière…
C'est le cas de la Nouvelle-Zélande, monsieur le rapporteur, et du Royaume-Uni, qui avaient envisagé d'instaurer la riposte graduée : le Parlement britannique a reculé sur cette question.
D'autres ont refusé, comme la France pourrait le faire aujourd'hui.
Ainsi la Norvège ou l'Allemagne.
D'autres enfin – les États-Unis ou le Japon – hésitent, mais n'ont pas franchi le pas.
Les rapporteurs auraient pu faire l'analyse à laquelle je viens de me livrer, au lieu de brandir des coupures de presse : vous aviez tout loisir de vous exprimer dans votre rapport, monsieur le rapporteur pour avis. Nous y aurions ainsi vu plus clair.
La riposte graduée risque d'être le nouveau nom de l'exception française. Pour nous, l'exception française, c'était l'exception culturelle ; ce sera désormais – merci, monsieur Lefebvre – l'exception répressive ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je voulais simplement faire une mise au point en réponse à M. Paul. On compare souvent la situation française à celle de l'étranger.
Je n'en disconviens pas, la France est pionnière : c'est dans notre pays que l'on télécharge le plus ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je parlais des pays comparables.
Nous sommes les mieux équipés, notamment en ce qui concerne l'ADSL et le haut débit en général. Voilà justement pourquoi nous sommes pionniers en matière de piratage, et voilà pourquoi mes homologues, que je rencontre souvent, sont très attentifs à ce que nous allons faire.
Il existe des ripostes graduées sans suspension, avec avertissement. En Norvège, les internautes reçoivent systématiquement un message d'avertissement contenant la menace d'un recours ultérieur au juge. Il en va de même en Autriche et en Allemagne. Je vous signale que 50 000 contentieux sont en cours en Allemagne : le système explose.
Au Royaume-Uni, l'accord du 24 juillet 2008 entre les fournisseurs d'accès et les industries culturelles prévoit des avertissements et l'instauration d'une sanction, laquelle n'est pas précisée à ce stade. Il n'y a eu aucun recul. Une évaluation a été menée pendant six mois, et le taux de désincitation atteint déjà 70 %.
Je n'ai pas dit le contraire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Au Japon, un accord conclu en mars 2009 prévoit l'envoi de messages d'avertissement par les fournisseurs d'accès.
Quant aux pays qui envisagent une suspension, en Corée du Nord (Rires, exclamations et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR) – je veux dire du Sud –, un projet de loi prévoyant de recourir à l'avertissement et à la suspension de l'accès a été déposé devant l'Assemblée nationale.
En Irlande, un accord conclu en janvier 2009 entre le principal fournisseur d'accès à Internet et les industries culturelles prévoit également la suspension.
Celle-ci est aussi utilisée par de nombreuses universités américaines, et nous savons qu'elles s'en félicitent.
La mesure a en effet été votée en Nouvelle-Zélande ; pour l'instant, les discussions entre fournisseurs d'accès et ayants droit – qui, en France, ont eu lieu en amont du projet de loi – sont ouvertes.
En somme, il existe dans tous les pays des procédures incluant des avertissements, souvent la menace d'un recours au juge, et la suspension est fréquemment envisagée.
Il est vrai que nous sommes pionniers…
… puisque, à la suite d'un long processus pédagogique, nous défendons l'idée de la suspension, issue, je l'ai rappelé, des discussions interprofessionnelles, ce qui est un argument de poids. Nous assumons cette position et cette attitude pédagogique.
Quant aux logiciels libres,…
… lorsque l'on achète un pack Microsoft avec Word, Excel, Powerpoint, qui ne sont pas des logiciels libres (Rires sur les bancs du groupe GDR), il existe des pare-feux, des logiciels de sécurisation ; mais les logiciels libres peuvent aussi être assortis de pare-feux. (Rires sur quelques bancs du groupe UMP.) Ainsi, au ministère de la culture, nous utilisons le logiciel libre Open Office,…
… et un logiciel de sécurisation l'accompagne. Les éditeurs de logiciels libres fournissent les pare-feux, et même des pare-feux gratuits. Cet argument est donc dépourvu de fondement.
C'est vous qui avez besoin de pare-feux ! L'esprit de Kim Jong-Il règne !
Madame la ministre, si la France pouvait éviter d'être pionnière dans l'absurdité, nous serions tous fiers d'être français. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Dans la liste que vous venez de dresser, vous avez plusieurs fois mentionné la menace d'un recours ultérieur au juge. Tel est précisément le sens de mon amendement, aux termes duquel on ne pourrait recourir à des sanctions sans saisine de la juridiction judiciaire.
À propos de sécurité, notamment dans les ministères, il est intéressant de lire ce que dit de la loi Hadopi l'auteur du logiciel P2P utilisé par la gendarmerie et par les services de police. Vous nous avez expliqué que, pour détecter les téléchargements abusifs, on repérera sur le réseau les adresses IP susceptibles d'être à l'origine de l'obtention de manière illicite de fichiers correspondant à des oeuvres. Or tout dépendra du mode opératoire utilisé pour détecter l'éventuel téléchargement illicite.
Selon ce concepteur, en effet, « établir une liste de diffuseurs potentiels » – ce que vous prévoyez de faire – « n'est pas suffisant ». « Je pense », ajoute-t-il, « que, le téléchargement lui-même ne constituant qu'un commencement de preuve, la simple liste apparaît comme un commencement de commencement de preuve... pas grand-chose, en fait ».
« Quel impact peut avoir l'exigence de télécharger le contenu sur chacune des adresses IP pour éviter les faux positifs ? », lui demande-t-on. « C'est colossal », répond-il. « De toute façon, il convient de télécharger des contenus pour valider le constat d'infraction. Or tenter de télécharger tout ce qui semble être diffusé est hypothétique, et de toute façon il n'en reste pas moins qu'il faudrait finalement saisir et analyser les disques. »
Question subsidiaire : « En cas de faux positif, la ministre de la culture propose aux internautes de fournir leur disque dur comme preuve de leur bonne foi. Que pensez-vous de cette proposition ? »
« C'est absurde », répond-il. « Tout d'abord, c'est contraire aux usages : l'utilisateur n'a pas à prouver qu'il est innocent, mais plutôt qu'il n'est pas coupable. Ensuite, une infime fraction des utilisateurs d'ordinateurs sait ce qu'est un disque dur. Le reste des utilisateurs sait effacer toute trace ou connaît quelqu'un qui sait le faire. »
Madame la ministre, nous y insistons depuis le début : vous n'êtes pionnière que dans l'impossibilité technique d'appliquer le texte que vous tentez de nous vendre depuis plusieurs jours.
Vous demandez donc au Parlement de voter une loi qui ne sera pas applicable, comme l'a fait votre prédécesseur avec la loi DAVDSI. Vous vendez un mythe aux auteurs attachés à juste titre à leur droit, lequel n'est pas seulement patrimonial, mais moral : vous leur faites croire que vous avez sorti de votre chapeau un système magique où Open Office contient un pare-feu – ce qui n'est absolument pas le cas. Tous, dans cette assemblée, nous sommes équipés en logiciels libres sur nos postes de travail,…
…ce qui est une très bonne chose ; et nous avons des anti-spams qui laissent malheureusement encore passer quelques spams, car il n'existe pas de protection absolue. Tel est le principe même d'un logiciel informatique : on peut toujours développer un nouveau logiciel qui permet de passer outre le premier, d'où une course constante entre logiciels à qui aura le dernier mot.
Je commençais justement ma phrase de conclusion.
Afin d'éviter que des personnes de bonne foi ne soient frappées de sanctions qu'elles ne méritent pas, car elles n'ont commis aucun acte illégal, mieux vaut, à ce stade de la procédure, en appeler à la justice, puisque c'est à celle-ci qu'il incombe d'apporter la preuve de la culpabilité ou de la non-culpabilité, et que chacun peut y protester de son innocence par des témoignages, et échapper à des sanctions qui n'ont plus lieu d'être.
Madame Billard, vos phrases de conclusion sont un peu longues. (Rires.)
Il s'agit d'un point très important. Nous réclamons depuis le début que toutes ces procédures soient soumises au contrôle du juge, car, contrairement à ce qu'a dit Mme la ministre, la procédure envisagée isolerait totalement la France dans le monde.
Même les pays qui ont instauré des systèmes d'avertissement ne l'ont fait que sous deux formes : soit par des procédures contractuelles entre ayants droit et FAI, qui ressortissent au fond au droit du commerce ; soit, dans quelques-uns d'entre eux, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. La France, pionnière navrante en la matière, s'apprête à s'engager dans une troisième voie : celle d'une justice d'exception et d'une police administrative spécifiquement créée pour chasser les supposés délinquants de l'Internet.
Si nous sommes en effet pionniers, c'est donc de la pire manière possible. Nous serons tout à fait isolés sur la scène mondiale : aucun autre pays n'a jamais envisagé de procéder ainsi, de sanctionner par une coupure de l'abonnement Internet décidée par une autorité administrative qui n'a plus rien d'indépendant depuis que l'on sait que son président sera nommé par décret, et qui est exclusivement composée des représentants de ceux qui, professionnellement, ont intérêt à chasser le « délinquant » du Net.
Il y a là quelque chose de profondément choquant.
À l'appui des propos de Mme Billard, on constate d'ores et déjà les effets induits de cette mesure : sur le Net, apparaissent des logiciels permettant de crypter les adresses IP, comme le logiciel Multiproxy qui les modifie automatiquement toutes les dix minutes, ce qui rend la « chasse » impossible ; les newsgroups cryptés vont se multiplier.
Cela alerte et indigne plusieurs personnalités qui font légitimement la chasse aux vrais délinquants sur Internet et dont la tâche sera considérablement compliquée par votre loi. D'une certaine manière, celle-ci va sanctuariser les usages illégitimes du Net. C'est là une faute très grave, à laquelle vous n'avez pas suffisamment réfléchi : pour faire plaisir à quelques industries obsolètes, on s'apprête à compromettre des démarches parfaitement légitimes.
Enfin, alors que Google annonce le lancement du téléchargement gratuit en Chine, pays où l'on télécharge le plus, après un accord avec les quatre majors de l'industrie de la musique – EMI, Sony, Universal et Warner –, comment pouvez-vous croire que, dans notre monde globalisé, nous pourrons, cet exemple sous les yeux, appliquer une logique de répression pour répondre aux lamentos des coffre-forts de l'industrie musicale ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons besoin de précision, car nous sommes écrasés sous la pression de l'industrie musicale et cinématographique, qui envoie chaque jour de nouveaux fantassins au front. Nous avons reçu aujourd'hui une lettre de cinéastes, assez éclairante quant à l'incompréhension et à l'instrumentalisation dont ils sont victimes de la part de l'industrie. Ces cinéastes croient en effet que la loi va simplement empêcher le téléchargement, alors qu'il s'agit de couper l'accès à Internet : ils imaginent, les malheureux, que l'on peut faire le tri dans les usages de l'Internet et que les FAI n'auront qu'à interdire aux « délinquants » de télécharger ! C'est évidemment absurde, et cela fait rire tous ceux qui connaissent un tant soit peu le secteur,…
…mais cela montre à quel point on intoxique des créateurs de bonne foi, en leur faisant croire que cette loi est faite pour eux, alors qu'elle ne sert qu'à protéger le monopole de distribution de quelques-uns ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
En matière d'intoxication, MM. Mathus, Bloche et Paul sont passés maîtres.
Il faut dire les choses telles qu'elles sont. Premièrement, les autorités administratives indépendantes peuvent décider de sanctions. Je citerai le cas, parmi d'autres, de l'AMF, …
…ou de la CNIL. Pourquoi l'HADOPI serait-elle la seule à ne pas en avoir la possibilité ?
Deuxièmement, le principe du contradictoire est totalement respecté dans le projet de loi.
Troisièmement, je le répète, les internautes qui se verraient sanctionner auront la possibilité de former un recours devant le juge judiciaire, …
Le projet de loi précise toutes les garanties juridiques nécessaires. Essayons donc d'en rester au texte et aux amendements et cessez de dire autant de contrevérités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Je m'associe aux propos du rapporteur. Nous avons rappelé à de nombreuses reprises que les autorités administratives indépendantes étaient pleinement habilitées à prononcer des sanctions, les exemples sont multiples. En outre, toutes les procédures prévues à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme sont scrupuleusement respectées, en particulier le recours devant le juge ou la procédure contradictoire. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Enfin, monsieur Paul, je le répète, les milieux du cinéma et de la musique nous soutiennent massivement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Et il me paraît absolument inouï que vous considériez que nous les intoxiquons…
… alors que, lorsqu'ils sont à vos côtés, vous estimez qu'ils sont parfaitement éclairés et qu'ils font le juste choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les leçons et les absurdités, nous voyons parfaitement d'où elles viennent.
Mme la ministre a eu parfaitement raison de souligner que nous pouvions être fiers d'être des pionniers en ce domaine. Je voudrais rappeler à M. Françaix et à M. Mathus, que j'ai connus plus ardents dans la défense de la création et de l'exception culturelle française, que si nos prédécesseurs avaient capitulé, comme ils le font, devant certains problèmes de technologie, par définition appelée à évoluer au service des usagers, notre pays n'aurait plus de production cinématographique ou musicale propre.
Vous savez parfaitement que l'exception culturelle française, la spécificité de notre cinéma et de notre musique ont été bâties …
Je n'ai jamais rien dit de tel, mais certains de nos ancêtres y sont, eux, pour quelque chose, je pense à certains gaullistes qui ont su s'élever pour les défendre.
Aujourd'hui, vous comparez ce qui n'est pas comparable. Vous oubliez que si personne n'avait défendu l'exception culturelle française, le seul débat que nous aurions serait de nature économique, comme c'est le cas dans d'autres pays.
Par ailleurs, vous ne cessez de faire croire que nous manipulons les artistes et intoxiquons l'opinion publique.
Vous seriez les seuls à avoir tout compris – apparemment vraiment les seuls, car vos collègues du Sénat vont dans notre sens. Bref, vous seriez plus intelligents que tout le monde !
Ce faisant, vous ne cessez de dresser les uns contre les autres : le monde de la création contre le monde des nouvelles technologies. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est vous qui les dressez les uns contre les autres alors qu'il faudrait les rassembler.
Mais vous oubliez de dire que la rédaction de projet de loi est issue des accords de l'Élysée, signés par le monde de la création comme par le monde de l'Internet.
Puisque vous en appelez aux internautes, matin, midi et soir, je vais faire de même. Chacun peut savoir quels sont les signataires des accords de l'Élysée. Beaucoup d'acteurs légaux d'Internet – je sais que vous n'aimez pas raisonner en termes de légalité – défendent ce projet de loi, car ils savent pertinemment que les dispositifs proposés constituent le meilleur moyen de lutter contre la concurrence déloyale qu'ils subissent de la part de pirates – un mot que vous n'aimez pas non plus –, qui sont de véritables voleurs utilisant la gratuité et les internautes pour s'en mettre eux-mêmes plein les poches.
Parmi ces sites légaux, je citerai l'exemple de Deezer : avec cinq millions d'utilisateurs, c'est l'un des sites musicaux les plus visités en France.
Deezer est peut-être un site commercial gratuit, avec de la publicité, mais il est honnête ! Il verse des droits aux auteurs : l'argent va aux artistes.
En revanche, les sites pirates, que vous défendez parce que vous êtes les avocats des illégaux, se mettent tout dans les poches.
Voilà la réalité de notre débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole : notre débat, particulièrement complexe, dépasse les clivages entre la droite et la gauche et il me paraît bon que chaque groupe puisse s'exprimer au moins une fois sur chaque amendement ou groupe d'amendements. Le déroulement de nos travaux ne peut qu'en être amélioré.
À ce moment critique de nos débats, nous tenons à rappeler le positionnement centriste.
Nous soutenons la riposte graduée, car nous estimons qu'en matière de proportionnalité et de répression, il n'existe pas de meilleure solution. Nous sommes donc opposés aux amendements n° 381 et n° 265 , car, selon nous, il y a une logique à ce qu'une autorité administrative puisse prononcer des sanctions.
Cela dit, ce débat ne doit pas être caricaturé, et je m'adresse à Frédéric Lefebvre. Un choix a été fait dans la construction du dispositif de la riposte graduée et il est mauvais : le projet de loi a retenu la coupure de la connexion à Internet plutôt que l'amende. Et, madame la ministre, il faut cesser d'affirmer que l'amende relève de la licence globale. C'est quelqu'un qui a porté le combat contre ce système qui vous le dit.
Je n'ai jamais dit cela !
Vous avez parlé de « droit à pirater » lors de la séance des questions au Gouvernement !
Je souhaite que l'on pose plus rigoureusement les termes du débat car ces deux types de sanction n'ont rien à voir.
L'amende s'applique à chaque délit. Elle est de nature progressive et peut être majorée afin de tenir compte de la récidive. Par ailleurs, elle est d'application immédiate alors que la coupure de la connexion ne pourra entrer en vigueur qu'en 2011. Êtes-vous favorables, chers collègues, à ce qu'il n'y ait aucune sanction pendant plus d'un an et demi contre le téléchargement illégal ? Voulez-vous envoyer un message d'encouragement à toutes les personnes qui le pratiquent en leur disant qu'elles peuvent y aller franco pendant toute cette période ? En outre, l'amende, d'une mise en oeuvre simple, fait partie de notre culture administrative : elle sanctionne de multiples infractions comme le mauvais stationnement ou le dépassement de vitesse. Enfin, elle rapporte de l'argent à l'État : son produit est estimé à environ 7 millions d'euros par an.
S'agissant de la coupure de la connexion, je rappelle les questions déjà posées hier soir puisque certains collègues n'étaient pas présents : d'abord, le problème du délai que je viens d'évoquer ; ensuite, son coût élevé – 70 millions d'euros – ; enfin, elle comporte plusieurs dangers.
Il faut en effet se demander si la coupure de l'accès Internet implique la coupure de l'accès à la messagerie, qui peut être assimilée à du courrier personnel. Vous ne m'avez pas répondu hier sur ce point, madame la ministre, alors même que vous vous exposez à un risque juridique non négligeable.
Par ailleurs, la coupure peut conduire à isoler des familles et à les mettre physiquement en danger : le courrier électronique est le support de services de télémédecine et de systèmes d'alerte contre les risques météorologiques, comme les inondations et les tempêtes.
Il faut savoir aussi si une telle coupure n'est pas contraire aux droits de l'homme, la procédure supposant la constitution d'une liste noire d'usagers.
Enfin, madame la ministre, comment pouvez-vous prétendre que nous ne sommes pas isolés juridiquement alors que nous sommes le seul pays à légiférer en ce sens ?
Et si tous les pays ayant renoncé à la solution de la coupure de la connexion avaient raison, chers collègues de la majorité présidentielle ?
Parce que nous sommes viscéralement attachés à l'exception culturelle française, parce que nous voulons que le droit d'auteur perdure et puisse s'adapter aux évolutions technologiques comme il l'a toujours fait depuis deux siècles, nous refusons obstinément de rentrer dans la logique binaire dans laquelle vous voulez nous enfermer. Selon vous, il faudrait être soit du côté des artistes, soit du côté des internautes. Eh bien, nous refusons de choisir un camp contre l'autre ! Nous voulons concilier l'intérêt des internautes et l'intérêt des artistes.
Nous nous désolons de voir des artistes qui ont accès aux médias se tromper aussi lourdement sur ce qui se passe actuellement à l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Et s'ils se trompent lourdement, c'est que vous les avez trompés !
D'ailleurs, de manière révélatrice, M. Lefebvre, en bon porte-flingue qu'il est, a affirmé avec sa brutalité coutumière qu'il fallait tuer l'illégalité.
Selon les artistes qui se sont exprimés à l'Odéon lundi matin, la gratuité serait du vol et il faudrait la supprimer. Mais comment expliquer, de manière pédagogique, aux internautes que la gratuité serait du vol alors que des sites gratuits comme Deezer, cité en exemple par M. Lefebvre lui-même, leur permettent d'accéder légalement à des milliers de contenus musicaux ?
Voilà toute l'ambiguïté de votre démarche. C'est en cela que vous trompez les artistes. Votre projet de loi ne rapportera pas un euro de plus à la création, car il ne prévoit aucun nouveau mode de rémunération.
Vous auriez dû nous écouter : grâce à une contribution de quelques euros sur chaque abonnement à Internet, des centaines de millions d'euros auraient pu être consacrées à la création.
Vous avez allégrement institué une taxe sur les fournisseurs d'accès à Internet à l'automne dernier afin de compenser le manque à gagner des recettes publicitaires de France Télévisions. Mais pourquoi n'avoir pas fait bénéficier la création des 380 millions d'euros de son produit ?
On voit très clairement qui est pour et qui est contre la création dans ce pays !
Si nous entendons, par cet amendement, soumettre au contrôle du juge la coupure de la connexion Internet, qui remet en cause un droit essentiel de nos concitoyens, c'est que nous avons à l'esprit certaines décisions du Conseil constitutionnel.
Quand M. le rapporteur répète après Mme la ministre qu'une autorité administrative indépendante peut décider de la suspension de l'accès à Internet, il a tort. Certes, les pouvoirs publics ont la faculté de déléguer certaines de leurs compétences à des autorités administratives indépendantes, mais le Conseil constitutionnel a posé, à plusieurs reprises, des conditions à cette délégation : elle ne doit pas mettre en jeu des décisions privatives de libertés individuelles. Or ce serait bien l'effet de la coupure de la connexion à Internet.
Monsieur le président, je demande la parole, car j'ai été mis en cause personnellement.
Monsieur Françaix, les faits personnels ont lieu en fin de séance.
La parole est à Mme Martine Billard.
M. le rapporteur nous a accusés de nous répéter et de répéter des contrevérités. Mais avec M. Lefebvre, on est servi ! Aussi les internautes devraient-ils lui faire savoir un certain nombre de choses.
J'ai été stupéfaite de l'entendre considérer comme scandaleux de décider de capituler devant des problèmes technologiques. Je trouve le mythe de la technologie fabuleux, même si, au cours de l'histoire, il a pu avoir des conséquences désastreuses. C'est ainsi que Staline, qui voulait faire pousser du blé au-delà du cercle polaire, a mis en prison ceux qui n'y sont pas parvenus. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Je suis inquiète pour M. Lefebvre car, s'il n'arrive pas à démontrer, une fois cette loi votée, qu'il n'a pas la maîtrise sur la technologie, que fera de lui le Président de la République ?
Heureusement pour lui, la Bastille a été détruite !
Monsieur Lefebvre, il ne s'agit pas seulement d'un problème de sites pirates, ceux-ci entrent tout à fait dans le cadre de la loi DADVSI. Les échanges de fichiers ne se font pas seulement par le biais des sites, mais aussi grâce à de nombreux autres systèmes, comme le peer to peer, les pièces jointes ou le bluetooth qui se développe massivement. Il y a donc des tas de façons de télécharger des fichiers, dont certains peuvent être des fichiers d'oeuvres, pour lesquels effectivement n'auront été respectés ni le droit moral de l'auteur ni la rémunération qui lui était due.
Nous le répétons, nous le martelons, votre loi est incohérente. En tant que législateurs, il est irresponsable de faire des lois inapplicables, comme nous l'avons fait avec la loi DADVSI. C'est l'honneur de notre Parlement que de se préoccuper des conditions techniques de l'application d'une loi.
Ne nous contentons pas de voter des lois bavardes, pour reprendre une expression de l'ancien président de l'Assemblée nationale. Mieux vaut voter des lois qui donnent des orientations, fixent des droits et des devoirs, mais aussi qui soient applicables techniquement. Nous ne sommes plus au XIXe siècle ; il faut tenir compte de la technologie existante.
Je constate que M. Lefebvre, une fois de plus, joue à l'intermittent de la séance puisqu'il s'en va. Mais nous sommes habitués !
Enfin, madame la ministre, quand on en arrive à l'étape de la sanction de la coupure de l'Internet, compte tenu des difficultés pour prouver la commission de l'acte délictueux, il est normal de demander la saisine du juge. Je ne comprends pas votre obstination. Vous dites que cette loi a un caractère pédagogique, qu'avec les messages d'avertissement 90 % des internautes qui se livrent à des téléchargements illicites s'arrêteront. S'il n'en reste que 10 %, cela ne concernera pas des dizaines de milliers d'internautes et il n'y aura donc pas de problème pour saisir la justice. Il est donc normal qu'elle puisse intervenir et conduire une procédure contradictoire d'un autre niveau que l'échange de mails.
(L'amendement n° 381 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 265 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 393 .
Notre discussion est très intéressante, car elle permet de faire comprendre à ceux qui nous regardent la réalité des intentions gouvernementales.
Tout à l'heure, monsieur Riester, vous nous avez accusés de nous répéter. Mais mieux vaut se répéter que se contredire.
Du reste, vous-même marchez comme ces 78 tours rayés : vous répétez toujours la même chose, avec de plus en plus de grésillement, si bien que votre propos est de moins en moins intelligible.
Madame la ministre, tout à l'heure Mme Billard, en citant Frédéric Aidouni, le concepteur du logiciel de la gendarmerie, a démontré à quel point nous étions dans l'irréel, car vous voulez réglementer ce qui n'est pas véritablement réglementable.
En réalité, vous refusez d'écouter la voix de la jeunesse qui vient des profondeurs du pays (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),...
..cette jeunesse qui prépare l'avenir. Vous êtes enfermée dans votre conservatisme, au sens étymologique du terme.
Vous êtes réactionnaire, comme on le disait sous le second Empire – puisque maintenant nous sommes sous le troisième.
Nous sommes en train de sombrer dans l'absurde. Jusqu'à présent, l'absurde c'était plutôt Kafka, l'empire austro-hongrois en train de mourir.
Vous dites que nous sommes des pionniers. Peut-être êtes-vous une pionnière dans l'esprit du sapeur Camember ! (Sourires.) Au cours de l'histoire, nous avons souvent été des pionniers : avec la déclaration des droits de l'Homme, avec le 20 septembre 1792, avec les lois sur l'école de 1881, 1882 et 1883, avec le droit de vote des femmes même s'il est intervenu un peu tardivement,...
..avec l'abolition de la peine de mort. Madame la ministre, si vous voulez rejoindre au Panthéon de la culture, quand le moment sera venu, André Malraux, Michel Guy ou Jacques Duhamel, renoncez à votre projet liberticide !
D'une certaine manière, vous êtes une pionnière puisque vous inventez une nouvelle sorte de muselière pour une technologie nouvelle. Comme l'a dit Martine Billard, parce qu'investi par le Président de la République, M. Lefebvre veut commander aux technologies. Mais cela ne peut pas marcher ! Décidément, il ressemble de plus en plus à son homonyme et il faut le qualifier de lefebvriste. Il est comme l'évêque du même nom : un intégriste ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Que signifie le monde de la création pour le Président de la République ? Doc Gynéco, M. Karmitz ou un salmigondis de tout cela ?
Je demande aux internautes d'envoyer des mails à M. Lefebvre – L-E-F-E-B-V-R-E –,...
..pour lui dessiller les yeux, le mettre enfin en contact avec la vie réelle et l'aider à renoncer à être seulement le porte-parole des privilégiés.
Monsieur Lefebvre, tout à l'heure, quelqu'un a dit que vous étiez ici une sorte d'intermittent.
En réalité, vous venez pointer vos collègues, comme les surveillants d'internat.
Avec cet amendement, nous voulons respecter le principe du contradictoire qui doit s'appliquer à tous les moments de la procédure.
Si la matérialité des faits n'est pas prouvée, si aucune preuve tangible ne démontre que l'abonné a téléchargé ou mis à disposition des oeuvres protégées par un droit d'auteur, si l'abonné n'a pas les éléments pour se défendre, alors ce que vous appelez une procédure contradictoire n'est qu'une mesure d'affichage.
Monsieur Brard, vous avez commencé à défendre votre amendement au bout de cinq minutes. Forcément, vous avez dépassé votre temps de parole.
Avis défavorable.
La commission de protection des droits, composée de trois magistrats indépendants – je le répète pour que vous compreniez bien qu'ils sont indépendants – respectera la procédure contradictoire. Les sanctions ne seront prononcées que si le manquement à l'obligation prévue à l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle est avéré. Il n'y a donc aucune crainte à avoir quant au respect de la procédure contradictoire.
Avis défavorable.
Je rappelle que le présent projet de loi repose non sur la violation des droits d'auteur et des droits voisins mais bien sur le défaut de surveillance de l'accès à Internet. En réalité, c'est une responsabilité éminente des abonnés, souvent des parents et des familles, de surveiller l'accès à Internet.
À l'occasion d'une expérience réalisée sur eDonkey, qui est un protocole pirate, on s'est aperçu que 40 % des titres de films pour les enfants étaient des films pornographiques. Les enfants qui tapent Winnie l'ourson, ont 40 % de risques de tomber sur des films pornographiques.
Monsieur Bloche, peut-être souhaitez-vous que vos enfants voient des films pornographiques à l'âge de dix ans, mais ce n'est pas le cas de tout le monde !
Jusqu'à présent, on nous accusait d'être les complices des délinquants. Maintenant, nous serions les complices des pornographes ! Et pourquoi pas des pédophiles et des terroristes tant que vous y êtes ?
Monsieur le président, après les propos que vient de tenir Mme la ministre, je demande une suspension de séance de cinq minutes pour réunir mon groupe.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)
Patrick Bloche a demandé une suspension de séance en réaction à vos propos, madame la ministre. En effet, une fois de plus, vous avez caricaturé les points de vue que défendent les députés de l'opposition, notamment ceux du groupe socialiste.
Certainement pas !
Il faut voir dans vos propos caricaturaux un signe de désarroi. Vous savez en effet fort bien que ce nouveau projet de loi sur Internet débouchera sur le vide pour la simple raison qu'il ne sera pas applicable. Face à la révolution technologique permanente que nous vivons, il faut prendre des mesures plus innovantes et plus créatives pour répondre à l'exigence, tout à fait défendable, de financement de la création et de soutien aux artistes.
Avec ce texte, vous êtes comme le général Gamelin assurant qu'il défendrait le territoire grâce à la ligne Maginot.
Si ce projet de loi est adopté, comme il ne sera pas opérationnel, il ne réglera rien. La nouvelle loi risquera même d'être en contradiction avec le droit européen actuellement en construction.
Je le répète : on ne peut pas, en matière de financement de la création ou de respect des droits d'auteur, répondre par une ligne Maginot qui n'apportera aucune protection ! C'est la raison pour laquelle nous nous efforçons de vous expliquer, et de vous convaincre, mesdames et messieurs de la majorité, que la contribution créative que nous vous proposons d'instaurer sera la réponse de notre époque à une question essentielle : celle du financement, en France, de la création artistique.
Si vous nous suiviez en instaurant un prélèvement modeste sur les internautes, des montants très élevés pourraient être collectés, constituant une manne utile pour le développement de la création culturelle, qui fait tant défaut à notre pays.
En tant que ministre de la culture, vous devriez nous suivre, madame. Vous avez en effet paupérisé le budget de la culture, si bien que notre pays n'a plus de grande ambition culturelle, alors que le droit à la culture et à la création, ainsi que la défense d'une certaine identité et originalité culturelles de la France étaient une de nos spécificités nous permettant de rayonner dans le monde. Aujourd'hui, cette ambition n'est plus au rendez-vous : ce que nous proposons au pays, ainsi qu'à vous-même, c'est de renouer avec elle !
Si notre point de vue était plus difficile à expliquer lorsque fut examinée la précédente loi sur Internet, aujourd'hui, nos idées progressent. Ceux qui comprennent qu'il faut se battre pour donner une réponse adéquate considèrent désormais avec attention la contribution créative que nous proposons d'instaurer parce que, je le répète, elle constitue la vraie réponse. Du reste, nous ne sommes pas les seuls à le prétendre puisque des débats sur ce sujet ont lieu au Parlement européen. Pourquoi rester sourde et aveugle à ce point et refuser d'apporter une solution adéquate à un vrai problème de société ?
Si vous ne le faites pas, madame la ministre, vous aurez failli à vos responsabilités. Laissez-moi vous le dire sans esprit de polémique, ce projet de loi aura fait de vous le général Gamelin de la politique culturelle française : vous la conduisez à la défaite, ce que nous ne voulons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai eu le sentiment de faire un mauvais rêve : j'ai en effet entendu M. Lefebvre expliquer avec suffisance, sinon arrogance, que l'exception culturelle doit tout à l'actuelle majorité et que l'opposition ne s'est jamais intéressée à la culture ! Or qui a raboté depuis plusieurs années le budget de la culture ? Qui empêche le spectacle vivant de prendre toute sa place ? Qui, il y a quelques semaines à peine, ne voulait plus du prix unique du livre ?
Qui, en revanche, a mené en France une politique du cinéma lui permettant de continuer de vivre ? Vous prétendez, madame la ministre, vouloir sauver le cinéma français : or ce sont toutes les lois qui ont été adoptées à partir de la présidence de François Mitterrand qui l'ont permis, alors que le cinéma italien ou d'autres cinémas mourraient. Vous affirmez que le cinéma va mal et que le texte améliorera sa situation : vous savez bien que ce n'est pas vrai puisque, nous nous en félicitons tous, du reste, les spectateurs ont été plus nombreux à aller au cinéma en 2008 que l'année précédente. Vous luttez donc contre un phénomène qui ne s'est pas produit.
Par ailleurs, sans vouloir être désagréable, dois-je vous rappeler ce que vous avez fait des intermittents ? Vous avez un souffleur spécialiste assis derrière vous. C'est bien qu'il en existe encore, car savez-vous qu'au théâtre les souffleurs étaient tous des intermittents du spectacle ?
Il en reste !
Je suis heureux de constater que vous en avez encore besoin. Sauvons aussi le statut des intermittents du spectacle car, sur le plan culturel, il n'y a pas photo !
Il ne s'agit ni de se laisser instrumentaliser par un texte dont on ignore les conséquences ni de défendre quelques industriels qui trouveraient leur compte à son adoption, mais de défendre le monde de la culture et l'ensemble des artistes. Aujourd'hui, ce n'est pas le piratage qui inquiète les chanteurs, les musiciens ou les cinéastes qui essaient de débuter dans leur profession, mais bien plutôt le fait de savoir s'ils auront des moyens pour assurer la diversité culturelle. Tel est, mes chers collègues, le souci qui devrait retenir toute votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Puisque la parole m'est enfin donnée, je souhaiterais, avant de défendre mon amendement, revenir sur des sujets qui ont déjà été abordés, notamment les accords de l'Élysée, Linux et les pare-feux.
Les accords de l'Élysée ont été évoqués hier soir et à l'instant par Frédéric Lefebvre. Pour ma part, je voudrais revenir sur le coût du dispositif et sur l'engagement des fournisseurs d'accès à Internet. On nous dit en effet que les accords de l'Élysée permettraient de répondre à tout. Or je tiens à préciser qu'ils ne prévoient rien en matière de prise en charge par les FAI du coût d'HADOPI, que le marché estime, compte tenu de l'inflation, à quelque 100 millions d'euros, puisqu'il faudra modifier les systèmes, identifier les IP – quelques euros –, envoyer des courriels et procéder à la suspension des abonnements – environ 100 euros par suspension. C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, nous vous demandons des informations précises sur le sujet.
En ce qui concerne, toujours dans le cadre des accords de l'Élysée, les engagements des FAI, les prestataires techniques s'engagent, d'une part, à envoyer les messages d'avertissement dans le cadre du mécanisme d'avertissement et de sanction, sous le timbre de l'autorité, ainsi qu'à mettre en oeuvre les décisions de sanction et, d'autre part, dans un délai ne pouvant excéder vingt-quatre mois à compter de la signature de l'accord, à collaborer avec les ayants droit sur les modalités d'expérimentation des technologies de filtrage des réseaux disponibles et à les déployer si les résultats s'avèrent probants. Tels sont les deux engagements pris par les FAI : je n'en ai vu aucun autre dans les accords de l'Élysée.
Cela signifie que la prise en charge par l'État des coûts a bien été confirmée – j'ai joint des responsables de FAI au téléphone – au travers de plusieurs demandes faites au ministère, conformément à la décision de 2002. Comment l'identification d'un pirate ne serait-elle pas prise en charge par l'État alors que celui-ci rembourse les FAI pour toute demande relative à des actes de terrorisme ou de pédophilie ?
En ce qui concerne les moyens de protection relatifs aux logiciels libres, qui sont des logiciels légaux que nous utilisons à l'Assemblée, je doute fortement de la validité des contre-mesures proposées par l'HADOPI.
Monsieur le député, je vous prie d'en arriver à la défense des deux amendements identiques.
Ne vous inquiétez pas, monsieur le président : je vais y venir, j'ai cinq minutes !
Par ailleurs, les logiciels libres sont téléchargeables dans le cadre des réseaux peer to peer : comment l'HADOPI pourra-t-elle faire la distinction entre les actes de piratage et les téléchargements de logiciels libres ? Deviendra-t-on hors-la-loi si on recourt aux logiciels libres, ceux-là même qu'on utilise à l'Assemblée nationale ?
Pourrait-on également nous expliquer ce qu'est un pare-feu, puisqu'il est présenté comme la solution à tout ? En l'attente d'une définition, je me contenterai d'indiquer les problèmes que le pare-feu ne permet pas de résoudre. Loin de représenter une sécurité absolue – bien au contraire –, les pare-feux n'offrent de protection que s'ils sont correctement configurés et dans la mesure où l'ensemble des communications vers l'extérieur passent systématiquement par un intermédiaire. Il est très facile de contourner un pare-feu – ce qui représente autant de failles de sécurité – du fait qu'il exige un paramétrage très spécifique et donc une veille de sécurité. Comment un utilisateur lambda pourra-t-il surmonter de telles difficultés alors que chacun sait qu'il est déjà très difficile de maîtriser son antivirus ?
Je rappellerai enfin – cela a été souligné – que l'amendement n° 188 a été adopté par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Contrairement au Gouvernement, qui considère que la suspension de l'abonnement à Internet que pourra décider par l'HADOPI au terme de la procédure ne sera qu'une sanction administrative, j'estime que seul un juge devrait avoir le pouvoir de la prononcer, dans le cadre d'une procédure respectant les grands principes constitutionnels – respect des droits de chaque partie et défense du contradictoire. Du reste, dans ses observations, la Commission européenne a posé au Gouvernement une question très pertinente : comment justifier le fait qu'un organe administratif – l'HADOPI –, et non judiciaire, disposera du pouvoir de décider s'il y a eu ou non violation d'un droit d'auteur ? J'ai déjà posé la question hier soir : j'aimerais obtenir une réponse.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé plusieurs amendements dans en ce sens.
Je tiens à rappeler à chacun que nous en sommes à l'examen des amendements : il convient, dans ses interventions, d'évoquer l'amendement en discussion et non pas d'aborder un autre sujet.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable pour les mêmes raisons.
Puisque les députés du groupe GDR ont déjà déposé un amendement similaire, ils voteront celui de M. Tardy, adopté par la commission des affaires économiques.
Madame la ministre, il faudrait veiller à ne pas effrayer nos concitoyens. J'espère, ce texte devant malheureusement être voté,…
…que l'HADOPI ne commettra pas les mêmes erreurs que celles que vous multipliez en séance.
Ainsi, le protocole que vous avez dénoncé comme pirate est en fait un protocole peer to peer.
Nous avons déjà abordé la question du peer to peer lors de l'examen de la loi DADVSI. Certains députés de l'UMP souhaitaient carrément interdire ce protocole au nom de la logique selon laquelle, au lieu de chercher le responsable du délit, on préfère interdire l'objet du délit.
Or, en l'occurrence, cet objet est neutre. On peut faire ce que l'on veut avec le peer to peer, de même qu'avec l'Internet qui peut être un outil fantastique – nous-mêmes, en tant que députés, en profitons à chaque instant –, aussi bien qu'un outil terrible quand on songe, par exemple, aux sites pédophiles. Seulement, dans ce dernier cas, madame la ministre, ce n'est pas l'outil qui est responsable, puisqu'il est neutre. Aussi le protocole peer to peer ne peut-il être considéré comme un protocole pirate.
On note d'ailleurs une grande avancée y compris sur les sites pirates. Vous auriez pu prendre l'exemple du site Pirate Bay, madame la ministre, et si vous y aviez cherché Winnie l'ourson, vous seriez tombée sur Winnie l'ourson et non sur des films pornographiques ! Ce site permet de transgresser les droits d'auteur, à notre grand regret, mais ses responsables ne souhaitent pas pour autant violer systématiquement la loi et ont fait en sorte que l'on ne puisse tomber sur des films pornographiques.
Ne semons donc pas la panique dans les foyers. Et même si certains réseaux de l'Internet ne sont pas épargnés, les exemples que vous avez donnés n'étaient pas les bons.
Le sujet est si complexe que l'on se prend à espérer qu'avec la réforme de la Constitution, à supposer que l'on dispose du temps nécessaire – or l'urgence a été déclarée sur ce texte –,…
…ce type de projet, qui combine des aspects culturels, techniques et juridiques, fasse l'objet d'un travail approfondi en commission. Ainsi eût-il été profitable que nous disposions des outils nécessaires pour bien comprendre les notions auxquelles a recours le présent texte. OpenOffice, par exemple, est une suite bureautique qui n'a rien à voir avec les anti-spam.
Si l'on ne veut pas induire nos concitoyens en erreur sur le fondement d'inexactitudes proférées en séance – et qui n'en commet ? –, que ce soit de manière délibérée ou non, il faut pouvoir maîtriser l'ensemble des techniques. Reconnaissons que nous ne pouvons pas être omniscients. Peut-être pourrez-vous transmettre à qui de droit, monsieur le président, cette requête visant à travailler à l'aide de supports techniques de façon à bien comprendre les implications des dispositions que nous examinons.
Je souhaite faire une observation sur le déroulement de nos travaux et poser une question au rapporteur.
Sur le premier point, comme l'a très bien dit Martine Billard qui, une fois de plus, a pris le bon exemple, les logiciels de peer to peer ne sont pas des logiciels de piratage mais d'échanges utilisés par des milliers d'entreprises à travers le monde, y compris pour échanger des logiciels. Je relève ainsi de nombreuses approximations dans ce débat, et nous recevons en permanence des rectificatifs de la part d'entreprises d'informatique, d'artistes, d'internautes.
Je m'adresse aux internautes, qui suivent nos débats grâce au canal Internet de l'Assemblée, pour les remercier de leurs messages d'encouragement et pour leurs précisions techniques, qu'ils feraient bien d'envoyer aussi à nos collègues de la majorité. Comme ils ne pourront écrire à tous, je propose que l'un d'entre nos collègues de l'UMP centralise ces messages.
Ils pourront ainsi envoyer leurs courriels à l'adresse électronique suivante :flefebvre@assemblee-nationale.fr. M. Lefebvre sera ainsi en mesure de redistribuer les milliers de courriels qui vont lui parvenir ! Nous rappellerons ces coordonnées au début de la séance de ce soir.
C'était une remarque d'ambiance. Vous allez en apprendre beaucoup, monsieur Lefebvre, mais ne me remerciez pas.
En ce qui concerne les deux amendements identiques,…
Monsieur Riester, si vous souhaitez une suspension de séance parce que vous fatiguez un peu...
J'ai une question sur la procédure qui doit être appliquée par l'HADOPI. Vous nous indiquez qu'elle est contradictoire – nous avons quelques doutes – et que les recours seront possibles. Nous avons relu le texte et restons sur l'idée qu'ils ne sont pas suspensifs et que la coupure, au cours de ce processus de sanction et de répression, surviendra avant que les internautes aient pu faire valoir leurs arguments, leur droit à être entendus devant une juridiction.
Nous vous demandons donc, puisqu'il en est encore temps, de prévoir au moins que le recours devant une juridiction soit suspensif. Si vous nous entendiez sur ce point, nous pourrions voter cet amendement, même si nous ne voterons pas la loi, demeurant radicalement opposés à sa philosophie en ce qu'elle n'apporte rien aux artistes et criminalise des générations d'internautes. Si vous aviez le souci, au nom de la protection des droits de la défense, de prévoir qu'il ne peut y avoir de coupure avant le passage devant un tribunal en cas de recours, il s'agirait d'une bien modeste avancée, mais au moins auriez-vous entendu l'une de nos suppliques.
Je suis bien d'accord avec vous, monsieur Paul ! Je ne comprends pas pourquoi M. Bloche, qui a soulevé cette question en commission des lois, ne vous a pas informé que celle-ci a voté des amendements allant dans le sens que vous souhaitez !
Vous allez pouvoir constater que les amendements adoptés à la suite de vos propositions – vous voyez bien que nous sommes à votre écoute ! –, tiennent compte de vos remarques relatives à la suspension de l'abonnement et précisent les délais de recours et les délais avant lesquels le juge devra se prononcer.
Le recours sera suspensif, et le décret d'application le précisera clairement.
Demandez donc à M. Bloche, nous en avons discuté en commission des lois !
Monsieur Paul, le recours sera suspensif et la décision du juge sur le caractère suspensif, ou non, du recours sera prise avant la suspension de l'abonnement.
Les amendements votés en commission le prévoient et ces dispositions, comme c'est d'ailleurs le cas pour toute procédure contradictoire, figureront dans le décret d'application.
Je ne souhaitais pas m'exprimer sur cet amendement mais, dans la mesure où M. Paul a cru utile…
…de proférer à mon encontre des propos peu amènes en considérant que j'étais un sleeping partner,…
…j'entends apporter une précision. Chacun est libre de faire valoir, avec son tempérament, les arguments qu'il entend. En ce qui me concerne, monsieur Paul, chacun sait qu'à titre personnel je n'étais pas favorable à cet amendement mais que je suis tenu par l'avis de la commission des affaires économiques.
Aussi, par correction, j'ai, en toute conscience, demandé à l'orfèvre qu'est M. Tardy de présenter son amendement quand bien même mon avis différait du sien. Il s'agit de l'amendement de la commission. J'ai donc agi de façon parfaitement éthique en la circonstance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
…de prendre la décision de suspension de l'accès à Internet ni qu'il faille avoir recours au juge à chaque fois, alors même qu'on peut y avoir recours si l'on est sanctionné. Le dispositif proposé pourrait faire exploser tout le projet de loi.
Madame la ministre vient de tenir des propos aussi importants qu'inexacts : elle a dit des magistrats de l'HADOPI qu'ils étaient des juges – ce qui n'est pas le cas !
Leur rôle n'est pas de juger ; c'est la justice qui juge. Quand on se trouve à ce point dans la confusion, je me demande comment on peut rédiger une loi clairement.
Je rappelle qu'il y a une tierce partie à nos débats : les internautes, qui nous regardent et nous envoient des courriels. Je prendrai l'exemple de celui que j'ai reçu de Mme Isabel Saij et de M. Jean-Pierre Dubois qui écrivent : « Pouvez-vous dire [à Mme Albanel] de cesser d'affirmer ce qui est totalement faux ? Les artistes ne se composent pas que de chanteurs ou musiciens. Il y a d'autres pratiques artistiques (arts plastiques, littérature, […].) Dans TOUS les domaines artistiques, les artistes qui publient sous licence libre sont opposés à la loi idiote et inapplicable proposée […]. Cette dernière parle de création "libre de droit". Cette affirmation est également fausse. Les licences libres, comme la licence art libre, se basent sur le droit d'auteur. Elles ne sont aucunement "libres de droit". Enfin, l'affirmation [de Mme Albanel] sur les "créations libres" faciles à télécharger quand, dans le même temps, il est question de labellisation, prête pour le moins à caution. »
Je souhaitais apporter cet avis au débat et terminerai en citant M. Xavier Niel, actionnaire majoritaire de Free : « Nous avons d'abord envie de nous battre contre la loi HADOPI qui crée une haute autorité de lutte contre le piratage sur Internet, un organisme destiné à donner des coups de bâton sur les doigts des Français. »
Vous n'allez tout de même pas bâillonner l'opposition, madame Militello !
Madame Militello, où vous croyez-vous ? Nous ne sommes pas au Soviet suprême, ici !
Nous sommes à l'Assemblée nationale et nous avons le droit de nous exprimer librement ! De quel droit voulez-vous me bâillonner ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons tous la même légitimité et la mienne est même double car, en plus d'être présent ici, je suis fidèle à l'intérêt de ceux qui m'ont élu…
Nous représentons nous aussi des électeurs, et vous n'avez pas le monopole du service de leurs intérêts !
…et je ne suis pas là, madame Militello, pour défendre les intérêts des majors !
Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 53 rectifié , 11 rectifié , 189 , 263 et 382 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
Plusieurs amendements comparables ont été déposés, qui visent à éviter un inconvénient supplémentaire, à savoir la possibilité d'un cumul de sanctions : suspension, limitation des services et injonction.
La procédure présente, de notre point de vue, bien des inconvénients. Je voudrais d'ailleurs en profiter pour répondre au rapporteur qui, avec beaucoup d'insistance, dit que la commission de protection des droits est composée de magistrats indépendants. Bien sûr, elle comprend un membre de la Cour des comptes, un membre du Conseil d'État et un membre de la Cour de cassation. Mais je lui ai déjà fait remarquer à plusieurs reprises que ce n'est pas parce que la commission de protection des droits est composée de magistrats indépendants que, de ce fait, nous nous trouvons dans un contexte de procédure judiciaire. Ce n'est pas une procédure judiciaire.
C'est d'ailleurs l'un des reproches que nous faisons à l'HADOPI : elle est en quelque sorte juge et partie. Elle est à la fois l'organisme qui va instruire la plainte des ayants droit et l'instance qui va décider de la sanction. Dans une procédure judiciaire, il y a une séparation – et nous le savons, puisqu'elle est actuellement remise en cause – entre celui qui instruit et celui qui juge.
Non seulement l'HADOPI n'est pas un organisme judiciaire, non seulement la procédure de sanction n'est pas une procédure judiciaire – si tel était le cas, les droits de la défense, le principe du contradictoire, la présomption d'innocence seraient respectés –, mais en plus, et ceci est une grave rupture d'égalité, ce texte ouvre la voie à l'arbitraire de l'HADOPI, étant donné le caractère aléatoire des mesures qu'elle peut prendre. Elle peut envoyer un ou plusieurs mails d'avertissement, envoyer une recommandation, décider de la suspension de l'abonnement, ou au contraire envoyer une injonction. Ce sera, je le répète, à la tête de l'internaute. Vous aurez peut-être la chance de n'avoir qu'une injonction après la recommandation, ou – pas de bol – vous verrez votre abonnement à Internet suspendu.
Ce caractère aléatoire, arbitraire, des mesures prises par l'HADOPI, nous conduit à répéter avec insistance que nous ne sommes pas dans une procédure judiciaire. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un certain nombre d'amendements, qui, hélas, ont tous été rejetés. Et nous les avons déposés parce que nous prenons en compte le contexte européen, notamment le contenu même de l'amendement n° 138 et aussi parce que, encore une fois, même si les pouvoirs publics peuvent confier à une autorité administrative la possibilité de prendre des sanctions, nous sommes dans un domaine de restriction des libertés individuelles. Et le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que seul le juge peut prendre des sanctions lorsqu'elles sont privatives de libertés individuelles.
L'amendement, assez unanime, que nous présentons aujourd'hui vise à éviter un inconvénient supplémentaire, qui serait, en plus de tout le reste, de par la rédaction adoptée par le Sénat, un cumul de sanctions. On imagine mal qu'il puisse y avoir à la fois suspension ou limitation des services et injonction. Ce cumul est d'ailleurs par nature contradictoire : s'il y a injonction, il n'y a pas de suspension de l'abonnement à Internet.
Certains collègues de l'UMP embrument le débat. Tout à l'heure, M. Gosselin, avec des trémolos dans la voix, voulait nous faire croire que la chute des ventes était liée au téléchargement.
C'est comme si vous disiez, monsieur Gosselin, que si la tempête souffle au moment où vous êtes frappé d'un infarctus, c'est la tempête qui l'a provoqué.
Vous pratiquez le sophisme pour tromper les gens qui nous regardent. C'est si vrai que Xavier Niel, que je citais tout à l'heure et qui est au premier rang des gens concernés, puisqu'il est fournisseur d'accès, déclare ceci, en parlant du téléchargement : « Économiquement, cela n'a aucun impact sur nous,…
…mais certaines de ses dispositions nous paraissent liberticides. Car ce qui se dessine, en dépit de l'opposition de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, du Conseil d'État et du Parlement européen, c'est bel et bien le flicage systématique de nos abonnés. »
Avec cet amendement, de quoi s'agit-il ? Tout d'abord, la sanction de réduction du débit ou celle de suspension de l'accès est déjà doublée du paiement de l'abonnement alors que la connexion est coupée ou ralentie. Double peine, déjà. Mais en outre, c'est comme au casino : les frais de résiliation sont également au frais de l'internaute. Triple peine !
Tout cela ne saurait s'accompagner d'autres sanctions, comme l'injonction à prendre des mesures de sécurisation ou la publication dans les journaux, aux frais de l'internaute, ce qui serait une quadruple peine.
De plus, le texte précise que « la ou les » sanctions peuvent être prononcées. Mais comment sera fait l'arbitrage entre les sanctions ? À la tête de l'internaute ? Au contenu téléchargé ? Si ce sont des artistes connus, y aura-t-il coupure ? Si ce sont des artistes en devenir et encore inconnus, y aura-t-il simple limitation de l'accès? Si ce sont des produits culturels diffusés par les majors, ce sera la coupure plus la publication dans les journaux ? C'est le règne de l'arbitraire.
Le vide juridique laisse donc la place à cet arbitraire que nous ne voulons pas, alors que vous avez refusé, et ceci est significatif, qu'un membre de la CNIL entre dans le collège de l'HADOPI, et alors que le président de la commission sera nommé quasiment à l'instar des présidents des chaînes de l'audiovisuel public, renforçant ainsi la mainmise du pouvoir présidentiel sur la société française.
Favorable.
Nul n'est censé ignorer la loi, mais la loi n'est pas non plus censée ignorer les nuls. Manifestement, en matière d'Internet, de peer to peer, de confusion, la nullité est diversement partagée un peu partout. En tout cas, l'ignorance ne saurait justifier des prises de décision ou des réponses totalement floues, et de la part de l'exécutif et de la part du rapporteur.
Tout à l'heure, monsieur Riester, nous vous avons posé des questions précises sur le caractère suspensif du recours. Et vous nous avez répondu, de manière parfaitement emberlificotée, que le recours était suspensif si le juge décidait qu'il le serait. C'est quand même incroyable !
Peu de temps auparavant, madame la ministre, vous avez manifestement confondu le partage et le piratage. Nous avons été quelques-uns à vous expliquer que le peer to peer n'était pas du piratage. Le mot partage n'est ni un anagramme de piratage ni un mot grossier. Le partage, cela existe, et cela a même une réalité économique, une réalité que vous n'êtes pas censée ignorer, madame la ministre, puisque les Employeurs du Libre contre HADOPI vous ont écrit le 30 mars dernier, en vous rappelant la réalité de leur secteur, les emplois qu'ils créent dans l'économie française, et le fait que non seulement ils ne sont pas déconnectés des droits d'auteur – au contraire –, mais que votre loi, si elle était adoptée, ajouterait à la discrimination dont leur secteur fait déjà l'objet depuis la loi DADVSI. Prenez tout cela en compte, répondez aux questions précises, légitimes, normales, basiques que nous vous posons, ne confondez pas tout.
En tout cas, si vous faites ce que vous faites par ignorance, maintenant que vous êtes éclairée par l'Assemblée nationale, par la délibération collective, répondez et tenez compte de ce que nous vous disons.
(Les amendements identiques nos 53 rectifié , 11 rectifié , 189 , 263 et 382 sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 470 deuxième rectification.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
J'ai déposé cet amendement avec mon collègue Dionis du Séjour. Nous sommes tous convaincus de l'utilité de la prévention, qui fait un pas en avant avec ce projet de loi, mais nous sommes aussi tous convaincus que sans sanction effective, la prévention est vouée à l'échec et la loi ne servira à rien.
Dans le texte actuel, madame la ministre, il n'y a aucune sanction dans les douze à dix-huit premiers mois, puisque la suspension, nous le savons tous, ne sera techniquement pas applicable avant que des investissements substantiels dans les réseaux et les services ne soient accomplis.
Le texte actuel fait le choix d'une sanction qui diffère la possibilité de sanctionner, alors que jamais la situation n'a été aussi grave et aussi urgente. Peut-on se permettre de perdre encore du temps ? Avec notre amendement, il y aura dès le départ une sanction : l'amende.
Le texte actuel ne prévoit qu'une seule sanction : la suspension. Nous risquons donc de ne plus avoir aucune sanction si la future directive européenne interdit la suspension, en reconnaissant par exemple un droit d'accès à l'Internet. Ce droit est d'ailleurs, je dois le rappeler, madame la ministre, mentionné par le Gouvernement dans son plan France Numérique 2012. Il vient aussi d'être massivement reconnu par le Parlement européen. Qui peut sérieusement affirmer qu'il n'y a aucun risque de voir s'imposer les orientations européennes ? Qui peut accepter de voter un texte de loi qui a fait l'impasse sur les évolutions européennes ? Qui peut accepter que tous les aspects positifs de la loi en matière de prévention – que nous reconnaissons et que nous saluons – soient remis en cause par l'absence de sanction applicable d'ici un à deux ans ?
Cet amendement et celui que nous allons examiner un peu plus tard écartent ces risques, puisqu'ils vous proposent de maintenir dans la loi la suspension, mais d'intercaler, dans la graduation des sanctions, un premier niveau, moins attentatoire à la liberté : l'amende. Ils offrent également le temps de choisir, d'ici au 1er janvier 2011, entre la suspension comme sanction ultime ou la renonciation à la suspension, et ce non pas en fonction d'a priori idéologiques mais en fonction des faits : le constat de l'efficacité de l'amende pour sanctionner, et le constat de l'euro-compatibilité de la suspension avec la nouvelle directive.
Avec cet amendement et le suivant, Jean Dionis du Séjour et moi-même vous proposons de transformer en atouts des contraintes que nous ne pouvons pas nier : les douze à dix-huit mois durant lesquels il sera impossible d'appliquer la suspension, pour des raisons techniques, ainsi que le problème de l'euro-compatibilité.
J'ajoute que si l'amende donne de bons résultats en termes de dissuasion, ce que nous souhaitons, il sera possible de mieux utiliser les 70 millions d'euros à investir dans les réseaux et les services pour permettre la suspension. En effet, en attendant deux ou trois ans, cet effort d'investissement se fera avec des technologies qui permettront non seulement de répondre aux besoins de la suspension, mais aussi et surtout de créer le nouveau mode de gestion des paquets sur l'Internet, avec gestion différenciée des paquets en fonction du niveau de qualité de service.
Attendre, donc, madame la ministre, c'est mieux dépenser pour la France numérique de 2012.
Il s'agit d'éviter que la loi, que nous apprécions pour une large partie, se trouve sans sanction, pour raison technique dans un premier temps, et ultérieurement du fait d'une éventuelle incompatibilité avec la règlementation européenne. Voilà pourquoi nous proposons, d'une part, de créer l'amende, et d'autre part, d'attendre janvier 2011 pour permettre de juger de l'application possible de la suspension, laquelle resterait inscrite dans la loi en attendant cette confirmation.
Monsieur Martin-Lalande, en ce qui concerne l'Europe, beaucoup de choses ont été dites depuis le début de notre débat, mais elles ne sont pas précises. La semaine dernière, un rapport d'un député européen grec a été voté. Mais ce n'est qu'un rapport ! Ce n'est absolument pas une préparation de directive.
Ce rapport n'a pas de portée juridique. Il porte essentiellement sur le domaine de l'éducation et pour une très petite partie sur Internet, et précise que l'accès à Internet doit être garanti.
Monsieur Martin-Lalande, ce qui fait la force de ce projet de loi, c'est que la sanction – la suspension de l'accès à Internet d'un titulaire – ne surviendra qu'après plusieurs avertissements pédagogiques. Cela n'empêcherait nullement le titulaire de l'accès Internet, comme l'a rappelé Mme la ministre à plusieurs reprises, d'accéder à Internet sur d'autres points d'accès : dans une mairie, chez son voisin, dans sa famille. On n'empêche pas l'internaute d'aller sur Internet ; on l'empêche simplement de le faire à partir du poste qui a servi à une série de téléchargements illégaux.
Pour reprendre l'exemple utilisé par M. Lefebvre il y a quelques jours, c'est différent de la suspension du permis de conduire, car dans ce dernier cas vous ne pouvez alors plus conduire, quelle que soit la voiture.
Par ailleurs, le fameux amendement Bono, dont on a parlé l'an dernier, a été repoussé par le Conseil des ministres de l'Union européenne. On peut toujours tirer des plans sur la comète, et penser qu'un futur amendement prévoyant ceci ou cela sera voté dans l'avenir. Mais, à ce moment-là, on ne voterait plus rien en France, car on craindrait en permanence que des directives européennes ne soient en contradiction avec ce que nous aurions décidé.
Je ne suis pas souverainiste. J'estime que le parlement français doit pouvoir continuer à voter la loi, sans attendre en permanence ce que va décider l'Union européenne.
M. Martin-Lalande a expliqué qu'il était important de compléter le dispositif de sanctions pour qu'il soit applicable plus rapidement et de prévoir des amendes.
Les amendes vont à l'encontre de ce que nous voulons faire avec ce projet de loi, c'est-à-dire de la pédagogie. Si l'on veut faire de la pédagogie, il faut exclure l'aspect répressif inhérent à l'amende. Actuellement, nous avons des procédures pénales avec des peines d'amende et de prison.
Nous voulons faire preuve de pédagogie, afin que la sanction ne soit pas vécue comme répressive. Mais nous voulons en même temps que la sanction soit dissuasive, sinon le poids de la pédagogie sera moins important.
Je vais répondre aux questions techniques posées par MM. Martin-Lalande et Dionis du Séjour. Les fournisseurs d'accès Internet ont signé les accords de l'Élysée. Ils savaient que dans ces accords figurerait un dispositif qui comporterait, dans la partie sanctions, une suspension de l'abonnement. Ils ont donc signé ces accords en toute connaissance de cause.
Lorsque nous avons reçu les fournisseurs d'accès Internet en commission des lois, ils nous ont tous dit d'abord que c'était techniquement tout à fait faisable…
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est faux !
Monsieur Brard, le directeur d'Iliad – société qui fait partie de Free au niveau de la fourniture d'accès Internet – a clairement dit qu'il tiendrait son engagement et que, techniquement, la suspension de l'accès Internet était faisable.
Pour les zones non dégroupées, c'est effectivement plus difficile. Il faut attendre un petit peu, avant que la suspension ne soit possible. Mais, mes chers collègues, ce projet de loi vise d'abord à faire de la pédagogie et il faudra un peu de temps avant que la suspension soit applicable. En effet, il faudra envoyer un premier mail d'avertissement, puis éventuellement un deuxième, et ensuite une lettre recommandée. Cela laissera le temps aux fournisseurs d'accès Internet de mettre en place le système permettant la suspension de l'accès Internet. (Rires sur plusieurs bancs.) Il est clair que l'on peut appliquer très rapidement la sanction.
Monsieur Dionis du Séjour, en ce qui concerne le triple play, les fournisseurs d'accès Internet ont très clairement dit aussi qu'ils pourraient suspendre la partie Internet sans couper le téléphone et la télévision. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Bloche, vous êtes venu à certaines auditions de la commission des lois, mais vous auriez dû aussi assister à celles des fournisseurs d'accès Internet, qui se sont clairement exprimés.
En ce qui concerne le coût, les fournisseurs d'accès Internet ont signé là aussi les accords de l'Élysée en toute connaissance de cause. Ils savaient qu'il y aurait des coûts inhérents à la mise en place de ce dispositif. Arrêtons, là encore, d'être plus royalistes que le roi et en tout cas que les fournisseurs d'accès Internet ! Ils feront des économies de bande passante – il ne faut pas l'oublier et ils l'ont rappelé. En effet, le téléchargement illégal est très consommateur de bande passante. À partir du moment où nous lutterons efficacement contre le téléchargement illégal, les FAI pourront réduire le débit des bandes passantes et donc réaliser des économies.
Monsieur Dionis du Séjour, je suis d'accord avec votre argument selon lequel la suspension de l'abonnement ne rapporte rien.
Cela rapportera d'autant moins que, sur votre proposition et sur celle de députés socialistes, nous avons voté en commission des lois un amendement, que nous examinerons ultérieurement, visant à ne pas faire payer les abonnés à Internet dont l'accès sera suspendu, contrairement à ce qui était prévu dans le texte.
En ce qui concerne les artistes, nous sommes fondamentalement en désaccord sur la philosophie du projet de loi. Ce dernier vise à créer une sécurité juridique pour la consommation de biens culturels sur Internet et à faire en sorte que toutes les offres légales mises à disposition sur Internet puissent ne pas subir de concurrence déloyale, c'est-à-dire des sites ou des services proposés sans payer les fournisseurs – les créateurs et les auteurs. Il est donc nécessaire d'avoir un environnement sécurisé, sans concurrence déloyale, pour que suffisamment de financement remonte aux créateurs et aux auteurs. C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables à ce projet de loi, à la lutte contre le téléchargement illégal.
S'agissant de l'accès Internet, notre volontarisme en France est logique. Comme l'a rappelé Mme la ministre, nous voulons défendre notre exception culturelle, car des emplois y sont associés. Nous continuerons, en Europe, à être volontaristes sur les accès Internet.
Monsieur Dionis du Séjour, quel montant sera choisi pour les amendes si l'on retient cette sanction ? Mme la ministre a répondu sur ce sujet lors des questions au Gouvernement cet après-midi. Soit le montant de l'amende est très faible – onze, trente-huit euros – et ce sera un permis de charger illégalement. Soit le montant est élevé – 150, 200 ou 300 euros – et ce sera catastrophique pour celles et ceux qui seront sanctionnés.
La sanction de la suspension d'accès à Internet concilie à la fois la dissuasion nécessaire pour que la pédagogie porte ses fruits et une certaine justice entre celles et ceux qui peuvent ou non payer l'amende.
Tels sont les éléments que je voulais évoquer pour marquer la différence entre l'amende et la suspension d'accès Internet. Il est donc important compte tenu de la philosophie du projet de loi – c'est le coeur du dispositif – que l'on maintienne la suspension de l'accès Internet comme sanction.
M. Franck Riester vient de faire une réponse très complète et exhaustive. Je m'associe évidemment à tous les arguments qu'il a développés avec précision et talent.
Nous sommes sans cesse en discussion avec les fournisseurs d'accès Internet. Je vois souvent M. Lombard, M. Levy.
Évidemment !
Les propos des fournisseurs d'accès Internet varient parfois en fonction d'autres dossiers. Je pense à la quatrième licence.
Plusieurs députés du groupe SRC. Quel rapport ?
Cela a un rapport !
Plusieurs députés du groupe SRC. Chantage !
Laissez-moi parler !
Tous les fournisseurs d'accès Internet ont signé les accords et proposé – personne ne les y a obligés – la suspension de l'abonnement Internet, preuve qu'il s'agissait de la solution la plus appropriée et que c'était évidemment possible tout de suite et non dans dix ans.
Je rappelle que les accords ont été signés fin 2007. On peut donc parfaitement les appliquer, y compris l'aspect suspension, dans quelques mois. C'est ce que nous espérons. Les fournisseurs d'accès Internet, au plus haut niveau, ne disent pas le contraire.
Je persiste à penser qu'il est pédagogique, souhaitable et approprié de suspendre l'abonnement. Quand on en arrive à ce stade, c'est que l'on est un téléchargeur tout à fait obstiné. Je rappelle que ce ne sont pas les pirates, les adresses IP, qui sont pistés sur Internet ; ce sont les oeuvres.
Pour tomber sur des adresses IP, qui vous renvoient toujours à la même personne sur une longue période, après un mail, puis deux et enfin une lettre recommandée, il ne peut s'agir que d'un téléchargeur très obstiné.
Proposer une amende de première catégorie – trente ou quarante euros, soit le prix de trois CD –, …
Un CD, ce n'est pas dix euros ! Vous n'en achetez jamais, on vous les offre !
… après cette longue période, ces avertissements et cette prise de conscience, c'est vraiment rien du tout, c'est un droit de pirater.
Prévoir une amende plus élevée, ce qui serait normal après un processus d'avertissement et de prise de conscience aussi élaboré, je le répète, me semble injuste. Entre le téléchargeur qui aura beaucoup de moyens et pour qui l'amende sera indolore et l'étudiant qui télécharge trop mais qui a très peu de moyens, il y aura une grande injustice.
La suspension de l'accès Internet telle que nous l'avons prévue, après un long processus, est la solution préconisée par les ayants droit et les fournisseurs d'accès. C'est également celle que nous préconisons très fermement.
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 507 .
La parole est à M. Marc Le Fur.
Madame la ministre, je comprends votre logique. Vous voulez sanctionner, et vous considérez que la sanction est un élément de la pédagogie. Je ne vous fais aucun procès d'intention. Encore faut-il que la sanction soit adaptée, et non disproportionnée. Celle que vous nous proposez m'inquiète. Vous allez envoyer des milliers de lettres recommandées. Nous aimerions avoir des chiffres plus précis. On nous parle parfois de dizaines de milliers de lettres. Elles vont arriver dans les familles. Que se passera-t-il ?
Les parents n'iront pas voir l'artiste people ou l'HADOPI. Ils viendront dans nos permanences et poseront des questions au législateur. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
S'agissant de la suspension de l'accès Internet, je vous renvoie au rapport de l'ARCEP, la plus grande autorité technique dans ces domaines. Celui-ci nous alerte sur le risque selon lequel l'accès à Internet dans les zones rurales non dégroupées, supprimera aussi la liaison téléphonique. M. le rapporteur nous rétorque qu'il suffira d'aller dans la bibliothèque du coin, mais dans certaines communes de ma circonscription, la première bibliothèque se trouve à plus de dix kilomètres. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Comment fera-t-on dans ce cas ?
Mes chers collègues, ne soyons pas exagérément schizophréniques ! Nous nous battons tous pour que nos communes rurales disposent d'une liaison Internet à haut débit et, une fois créée, nous la supprimerions à certaines familles ? Vous comprenez bien que c'est incohérent !
C'est pourquoi mon sous-amendement prévoit une sanction de deuxième classe, ce qui est loin d'être négligeable. Ce sera toutefois moins cher que la suppression du raccordement à Internet, qui n'exonère pas du paiement de l'abonnement. Cet abonnement de 29 euros et quelque continuera à être dû chaque mois !
Soyons donc raisonnables et, puisque la sanction est un élément de pédagogie, sanctionnons dans cette perspective, mais pas au-delà.
Je connais votre investissement sur ce sujet, monsieur le rapporteur, et je salue votre compétence. Pour autant, nous devons respecter les intérêts des uns et des autres. En l'occurrence, ce qui est en cause, c'est notre rapport avec la jeunesse, ces huit millions d'adolescents qui sont potentiellement concernés.
Je souhaiterais, madame la ministre, avoir des éléments de réponse très précis à mes questions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Avis défavorable. La jeunesse n'a pas envie d'avoir des amendes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le texte veut sortir de la répression, monsieur Le Fur. Nous voulons dépénaliser le téléchargement illégal et faire comprendre aux jeunes, et aux moins jeunes, qu'il est nécessaire de télécharger légalement…
…pour financer la création dans notre pays.
Nous espérons qu'après plusieurs avertissements, y compris par lettres recommandées, nos concitoyens auront compris qu'il ne faut pas continuer à télécharger illégalement. On ne va tout de même pas renoncer à appliquer une sanction pour ceux qui, en dépit des avertissements et des lettres recommandées, continuent de télécharger illégalement alors qu'ils ont été avertis de la possibilité de le faire légalement !
Par ailleurs, vous savez bien que des solidarités se nouent dans les zones rurales. Je suis certain que sans avoir à se rendre à la bibliothèque du coin, la personne concernée pourra aller chez son voisin ou dans sa famille. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Avis défavorable également. Monsieur Le Fur, les logiciels de sécurisation sont très répandus dans de nombreuses entreprises ou dans les ministères. Quant aux endroits où l'on ne peut pas avoir accès à Internet, ils sont très rares.
Y compris dans mon Ariège natal, figurez-vous, monsieur Roy !
S'agissant du triple play, qui est une vraie question,…
…on nous a garanti, à de multiples reprises (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
Si, monsieur Dionis du Séjour ! Les fournisseurs d'accès ont garanti qu'il était tout à fait possible de découpler l'accès à Internet de la télévision et du téléphone.
Si c'était impossible, il y aurait une injonction pour installer un logiciel de sécurisation, parce que cela serait illégal. Selon un spécialiste d'Orange, « les technologies de canaux virtuels permettent de protéger et d'identifier les flux sécurisés comme la voix et la télévision. Il est donc tout à fait possible au niveau des équipements des opérateurs de laisser passer la voix et la télévision en suspendant l'accès à Internet, moyennant quelques modifications de procédures dans la gestion des réseaux. »
Évidemment ! Cela prendra quelques mois, mais c'est parfaitement possible !
Et plutôt que se précipier à la permanence du député pour protester lorsqu'ils recevront une lettre recommandée, j'espère que les abonnés se précipiteront d'abord dans la chambre de leur enfant pour lui dire de cesser de pirater ! Ce serait plus logique !
On aura tout entendu dans cet hémicycle ! Le rapporteur, Franck Riester, n'a-t-il pas prétendu que la coupure d'Internet ne serait pas grave et qu'il suffirait d'aller à la mairie ou chez son voisin ? M. Riester est maire de Coulommiers et député d'une partie de la Brie. Au cas, où vous ne le sauriez pas, chers collègues, la Brie est une région exposée au vent, sans végétation, avec des maisons isolées lorsque vous vous dirigez en direction de Meaux , la circonscription de M. Copé, l'aiglon de Meaux ! Je vous laisse imaginer la scène : une coupure d'Internet un soir du mois du décembre et il faut sortir dans le froid et le vent pour aller chez son voisin ou à la mairie ! (Sourires.)
Mais peut-être s'agissait-il d'une annonce destinée aux seuls habitants de Coulommiers ? M. Riester a peut-être voulu annoncer que la mairie de Coulommiers resterait ouverte aux internautes n'ayant plus de liaison Internet. J'en doute fort !
Il a été tout à l'heure question d'un rapport d'un député grec dont M. Riester a, fort loyalement, lu un extrait : « L'accès à Internet doit être garanti ». Il y a là une différence de fond entre nous. Pour notre part, nous considérons que la liberté de communication est une liberté fondamentale et nous ne sommes pas les seuls à penser ainsi. Je vous invite, chers collègues de la majorité, à consulter le site des « jeunes pop » d'Asnières, autrement dit les jeunes de l'UMP, car on y lit des choses extraordinaires. Écoutez, madame la ministre – ce sont les vôtres qui parlent ! – ce qu'ils pensent de votre projet de loi : « C'est un projet de loi archaïque ». Ils ont de l'humour ! « Ce projet revient à construire un gratte-ciel pour récupérer un chat apeuré perché dans un arbre. » Ou encore : « L'autisme a atteint nos ministres et députés, espérons que l'Europe les envoie se faire soigner ! » (Sourires.)
Je poursuis les citations : « Remerciez l'UMP et la femme du Président, si on perd les prochaines élections, ce genre de broutilles anti-démocratiques peut coûter très cher. » Un autre « jeune pop » déclare quant à lui : « Je serai pour cette loi le jour où elle respectera les procédures pénales, la présomption d'innocence et non de culpabilité. »
Je terminerai en citant une autorité, un sage depuis longtemps. Ancien gaulliste, puis UDR – les jeunes comme Franck Riester n'ont pas connu l'UDR ! –, encarté pendant des années il déclare : « Je ne peux cautionner une loi aussi liberticide et arriérée. Même à mon âge, on ne peut admettre qu'une milice privée fasse la chasse aux internautes sans possibilité de se justifier devant un juge. »
En dépit de la grande urbanité de notre collègue Martin-Lalande, il y a une divergence entre nous dans la mesure où il est, lui aussi, obsédé par la punition. Nous, nous sommes obsédés par la protection des libertés.
Selon M. Martin-Lalande, la punition ne pourrait s'appliquer à certains, dans un intervalle de dix-huit mois, parce que le dispositif technique ne sera pas efficient.
Monsieur Martin-Lalande, chers collègues de l'UMP, écoutez vos jeunes de l'UMP ! Donnons dix-huit mois de sursis aux internautes afin qu'ils ne soient pas sanctionnés tout de suite et au Gouvernement afin qu'il sorte de son aveuglement et de son erreur.
Si d'aventure, on votait l'amendement de M. Martin-Lalande, les jeunes seraient punis tout de suite. Je vous invite à faire preuve de mansuétude à l'égard du Gouvernement. Donnez-lui la possibilité de revenir sur son erreur et ne votez pas l'amendement de M. Martin-Lalande !
Je souhaite rendre hommage à nos collègues de la majorité qui s'efforcent d'enrichir ce texte en apportant leurs compétences et qui dénoncent l'absurdité des principes qui sont à la base de ce projet de loi. Il s'agit de principes et d'une philosophie qui ont été pensés et élaborés il y a plus de dix ans quand l'Internet émergeait à peine, lorsque ses lois élémentaires n'étaient pas encore connues. Un tel texte pose donc de nombreuses interrogations.
C'est en quelque sorte une loi-gruyère, une loi inapplicable qui provoquera beaucoup de dégâts dans les familles et suscitera un nombre astronomique de contentieux. Nous ne pouvons donc que saluer tous les efforts entrepris pour tenter d'arrêter ce qui paraissait irréversible il y a quelques jours encore, le vote d'une sanction suprême, sous forme de coupure à l'accès Internet, hors de toute garantie en matière de droits de la défense.
Nos positions se fondent sur une philosophie que je veux rappeler : nous sommes favorables à la rémunération, mais pas à la sanction. Le texte, qui est favorable à la sanction, ne règle rien s'agissant de la rémunération des artistes. Nous pourrons voter des amendements qui s'éloigneront de la sanction pour aller vers une réelle prise en compte des droits des artistes, par une rémunération juste et, si possible, substantielle et équitable, en nous écartant du spectre de la sanction.
Pour autant, nous ne pouvons pas accompagner des tentatives qui conduiraient à mettre en place d'autres types de sanctions, même si nous accompagnons le processus chaque fois que l'on essaie de trouver un moyen de sortir de la philosophie répressive. J'exprime le point de vue des membres du groupe socialiste, radical et citoyen. Notre ligne directrice est la suivante : nous voulons trouver une rémunération nouvelle pour les artistes. Nous ne voulons pas mettre en place une logique de répression.
Nous reviendrons sur la décision de nos collègues socialistes.
Pour ma part, j'ai salué les accords de l'Élysée, car, pour la première fois, le monde de la culture et celui des télécommunications se sont parlé. L'événement était historique, mais pour autant il ne s'agissait que d'accords de principe car toutes les parties prenantes n'y étaient pas présentes. Où étaient les consommateurs ? Il nous incombe ici de faire la loi, mais on ne peut pas nous objecter les accords de l'Élysée !
Ce sont des accords partiels entre deux branches. C'est au Parlement de défendre l'intérêt général et de rassembler la Nation. De grâce, cessez de nous parler des accords de l'Élysée, qui sont des accords entre deux branches socioprofessionnelles qui se respectent.
En aucun cas, ces accords ne peuvent nous être opposés dans la définition de l'intérêt général, surtout en l'absence des consommateurs, des internautes et des jeunes.
Je vous en conjure, chers collègues de la majorité : ne faites pas çà ! Nous avons déjà vécu un naufrage législatif avec la DADVSI. Je vous mets en garde contre une position trop politique de soutien au Gouvernement. Nous devons avant tout nous intéresser à la faisabilité et la technicité de la chose.
Le 17 février dernier, Mme la ministre parlait de 1 000 coupures par jour. Pouvez-vous imaginer ce que représentent 220 000 coupures par an, et êtes-vous disposés à prendre cette responsabilité ? Ce n'est pas possible !
Mais non ! Ce n'est pas ça du tout !
J'ai entre les mains un communiqué établi le 11 mars 2009 par la Fédération française des Télécoms – qui rassemble l'ensemble des opérateurs – dans lequel elle rappelle sa position. Premièrement, « une lutte efficace contre le piratage suppose nécessairement qu'une offre légale riche soit proposée aux internautes » ; deuxièmement, « les mesures d'avertissement prévues dans le mécanisme de riposte graduée sont certainement de nature à contribuer utilement au changement d'attitude du grand public vis-à-vis du téléchargement illégal » ; troisièmement, « s'agissant des mesures de sanction, naturelles dans une démarche pédagogique, la Fédération française des Télécoms soutient les amendements parlementaires préconisant des alternatives à la suspension de l'accès à Internet telles que le principe d'une amende ». Puisque les opérateurs le disent expressément, il ne faut pas venir nous raconter d'histoires !
Il est également dit dans ce communiqué que « la Fédération française des Télécoms alerte les pouvoirs publics sur le fait qu'il sera impossible de généraliser, pour tous et partout, avant un délai minimum d'un an à partir du vote de la loi, l'accès restreint à Internet – en ne conservant que la télévision et la téléphonie sur IP. Elle attire également l'attention du Gouvernement sur le coût très élevé de mise en oeuvre de ce dispositif chez l'ensemble des opérateurs. Des études de faisabilité sur l'exécution des sanctions ont été réalisées postérieurement aux accords de l'Élysée et démontrent que les mesures de sanction, notamment la suspension de l'accès à Internet, ne sont pas applicables immédiatement dans des conditions économiques raisonnables ». La FFT fait ainsi état d'un montant minimal de plus de 70 millions d'euros selon le rapport du Conseil général des technologies de l'information et de 100 millions d'euros selon les opérateurs.
La FFT estime également que « les mesures de sanction ne sont pas applicables immédiatement dans des conditions techniques raisonnables en raison des conséquences sur les processus industriels et les systèmes d'information des opérateurs » et qu'elles ne sont pas applicables « dans des délais compatibles avec les objectifs d'efficacité visés par la loi ».
Je vais conclure, monsieur le président, mais le document que je suis en train de citer est très important dans la mesure où il montre que, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, le secteur des télécoms n'est pas d'accord avec la position du Gouvernement. Des études de faisabilité ont été réalisées après les accords de l'Élysée, qui ont toutes montré que la loi ne serait pas appliquée avant 2011.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance afin de permettre à l'ensemble de nos collègues de prendre connaissance de ce document.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° 383 . Mme Billard n'est pas là…
Je suis saisi de trois amendements, nos 190 , 122 et 484 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 190 et 122 sont identiques.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l'amendement n° 190 .
La commission des affaires économiques a adopté cet amendement qui vise à remplacer la suspension de l'accès à Internet par une amende. À titre personnel, j'y suis défavorable.
Le projet de loi prévoit que le piratage soit sanctionné par la suspension de l'accès à Internet : le pirate est ainsi puni par là où il a fauté. Toutefois, la mise en oeuvre de cette mesure comporte des difficultés qui la rendent difficilement applicable.
Premièrement, cela va à l'encontre de la politique que nous menons depuis plusieurs années, visant à développer l'accès à Internet à haut débit pour tous – je pense notamment au plan numérique 2012. Dans cette logique, je suis sincèrement convaincu que l'accès à Internet devrait plutôt être un service public universel ne pouvant être complètement coupé, comme l'électricité ou le téléphone.
Deuxièmement, d'un point de vue technique, il est impossible de généraliser le dispositif en l'état actuel, comme cela a été dit et redit par Mme la ministre et M. le rapporteur. Dès lors, les mesures de suspension d'accès seront ou non applicables selon que l'on se trouvera à la ville ou à la campagne, ou « en fonction de l'état de l'art », pour reprendre la fameuse formule que nous avons évoquée hier soir ; on pourra aussi éventuellement réduire le débit. Enfin, dans les cas où ces mesures ne seront pas applicables, on obligera l'internaute concerné à installer un logiciel anti-téléchargement. Cela pose un véritable problème d'égalité des abonnés qui va exposer le texte à un fort risque de censure par le Conseil constitutionnel.
Troisièmement, la mise en oeuvre du dispositif de suspension va être extrêmement coûteuse pour l'État, contrairement au système d'amendes. Nous en sommes déjà à plus de 100 millions d'euros, mais le coût total sera beaucoup plus élevé. Dans le cas de Free, par exemple, c'est l'ensemble des boîtiers électroniques qu'il faudra remplacer. Qui le fera, qui paiera ? Nous ne disposons d'aucun renseignement sur ce point – si ce n'est que le système, en dépit de son coût, pourra facilement être contourné.
Enfin, comme nous l'avons déjà dit, un grand nombre de décisions seront prises à tort, l'adresse IP ne constituant pas une preuve irréfutable. Le cas des foyers est souvent cité en exemple par ceux qui se félicitent que les mesures envisagées puissent avoir pour effet de susciter l'ouverture d'un dialogue entre parents et enfants au sein des familles. Peut-être, mais il n'y a pas que les foyers ! Comment fera-t-on pour les entreprises, les collectivités, les hôpitaux, qui utilisent Internet tous les jours ? Il est impensable de suspendre leur accès. Quant à la solution du pare-feu, elle ne saurait répondre à toutes les situations et demande, en tout état de cause, un paramétrage spécifique et très facilement contournable. Dans la mesure où bon nombre de décisions vont être prises à tort – je peux expliquer à nouveau ce qu'est une adresse IP, pour ceux qui ne seraient pas convaincus –, il faut bien se poser la question des dommages et intérêts. Quid des dommages et intérêts dès lors que des décisions seront prises à tort ? Demain, vous condamnez une entreprise et vous lui coupez son accès à Internet. Mais si cette entreprise obtient gain de cause auprès de la justice – le jugement comme celui du tribunal de Guingamp risque très rapidement de faire jurisprudence –, qui paiera les dommages et intérêt ? On parle ici, non plus de 100 millions, mais de sommes extraordinaires.
Je vous en conjure une fois encore, mettez en place un système d'amende. Cette dernière, au moins, est contestable et laissera la possibilité de travailler aux entreprises. Cela permettra en outre d'introduire une procédure contradictoire car, avec ses trois membres, la commission de protection des droits aura bien du mal à le faire.
Enfin, la restriction d'accès à Internet n'a aucun sens dès lors qu'elle n'intervient que dans un seul pays. On l'a vu, l'une des façons de contourner la loi consiste à se connecter par des VPN sur des serveurs étrangers. Le réseau Internet étant intrinsèquement mondialisé, ces mesures de restriction ou de suspension d'accès au réseau ne seraient opérantes que dans un contexte international qui déciderait de prendre simultanément des mesures identiques à celles du projet de loi sur la HADOPI. Or la création de telles instances de régulation mondiale d'Internet est loin d'être à l'ordre du jour.
Voilà toutes les raisons pour lesquelles je vous demande, par cet amendement, de remplacer la suspension par une amende qui sera parfaitement applicable, pour tous, sur tout le territoire et immédiatement.
Mon rappel au règlement porte sur le déroulement de nos travaux.
À l'issue de la suspension de séance, je suis revenue dans l'hémicycle quelques secondes après que la sonnerie eut retenti mais je n'ai pas pu défendre mon amendement car je n'étais pas présente lorsque vous l'avez appelé, monsieur le président. Or nous sommes sur un débat de fond. Tout à l'heure déjà, vous ne m'avez pas donné la parole considérant qu'un seul orateur par groupe pouvait s'exprimer. Là, je n'ai pas pu présenter mon amendement. Je participe pourtant assidûment à la discussion de ce texte depuis le début de nos travaux.
Vous le savez, je n'ai dû m'absenter que cinq minutes en tout et pour tout depuis le début de l'examen du projet. Je trouve donc un peu dur de ne pas pouvoir m'exprimer sur l'alinéa 76 de l'article 2, qui est au coeur de ce texte. Je n'avais pas un quart d'heure de retard à la reprise de la séance : juste quelques secondes.
Madame Billard, vous suivez en effet ce texte avec beaucoup d'attention. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, après que la sonnerie eut retenti, j'ai attendu un peu – certes pas dix minutes – avant de reprendre nos travaux. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je pensais vraiment que vous n'alliez pas venir et c'est pour cela que je suis passé sur votre amendement.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l'amendement n° 484 .
Cet amendement vise à substituer la coupure de l'accès à Internet par une amende pour les raisons déjà évoquées.
À ce stade du débat, trois positions se détachent : la riposte graduée avec coupure d'accès à l'Internet, soutenue par le Gouvernement et la majorité de l'UMP ; la riposte graduée avec amende, soutenue par un certain nombre de membres de l'UMP et le Nouveau Centre ; enfin, la contribution créative, soutenue par l'opposition, qui ne réclame pas de sanction en attendant.
Peut-être, en effet que, dans le long terme, tout cela se terminera par la mise en place d'un mécanisme comparable à la contribution créative ou à la licence globale.
Je suis ouvert à cette idée et je reste très modeste à cet égard. Mais, pour l'heure, je suis un adversaire de la licence globale.
Cela étant, il faut gérer le court terme. Je fais observer à mes collègues socialistes que le Gouvernement doit précisément le prendre en charge. C'est pour cela que nous soutenons la riposte graduée, au bémol près que nous pensons vraiment que la coupure de l'accès à Internet est un mauvais choix, politique, symbolique, technique et financier. Je mets donc mes collègues socialistes devant leurs responsabilités : le court terme existe. Pourquoi refuser de le prendre en compte ?
J'ai noté qu'une majorité en faveur du maintien de la coupure de l'accès à Internet se dessinait. Je le regrette compte tenu de l'accumulation des arguments présentés contre cette solution. J'appelle l'attention de mes collègues sur le fait qu'en prenant cette décision, ils vont aussi déclarer qu'il y aura, jusqu'en 2011, une période blanche pendant laquelle on pourra faire tout ce qu'on veut.
Avez-vous bien mesuré la responsabilité que vous allez prendre ? Madame la ministre, cela a été dit, le 11 mars par la Fédération française des télécoms : il vous sera impossible de mettre en oeuvre votre loi avant 2011 pour des raisons juridiques. Dans certaines régions, en effet, il n'y a pas de dégroupage et les trois informations – téléphone, télévision et Internet – passent par le même canal physique.
Chers collègues, êtes-vous d'accord pour envoyer ce message très clair aux contrevenants : « Vous pouvez y aller franco pendant dix-huit mois » ? Ou êtes-vous ouverts à une solution qui permettrait de mettre en place un système adapté pendant cette période, et d'envisager ensuite la suspension ? Telle est la question qui est posée aujourd'hui et à laquelle tente de répondre un sous-amendement de M. Martin-Lalande.
En attendant que le sous-amendement de M. Martin-Lalande soit distribué, je suspends la séance.
Article 2
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures.)
La séance est reprise.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour défendre le sous-amendement n° 509
L'amendement de Jean Dionis du Séjour introduit l'amende dans un dispositif qui est bon, mais dont toute la crédibilité s'effondre sans elle. En effet, pendant les douze à dix-huit premiers mois, aucune sanction technique ne sera possible puisque, même s'il ne reste que trois ou quatre communes qui ne peuvent faire l'objet d'une suspension, la mise en oeuvre de la suspension de l'accès à Internet constituerait une rupture de l'égalité devant la loi.
L'amende est donc la seule sanction possible dans les faits, au moins dans un premier temps. Mon sous-amendement propose que la suspension ne rentre en application qu'au 1er janvier 2011, sous réserve que l'amende en question n'ait pas permis de réduire significativement les manquements à la loi.
Si l'amende s'est avérée assez dissuasive, tant mieux. N'empilons pas les sanctions. Dans le cas contraire, il faudra avoir recours à la suspension, si toutefois elle est eurocompatible. Cette suspension sera un recours ultime contre les manquements les plus graves.
Sur le vote des amendements identiques n° 190 et 122 , de l'amendement n° 484 et du sous-amendement n° 509 , je suis saisi par le groupe Nouveau Centre de trois demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 484 et le sous-amendement n° 509 ?
J'ai déjà longuement développé toutes les raisons pour lesquelles mon avis était défavorable.
Avis défavorable également. Je rappelle que l'HADOPI disposera comme toutes les autorités administratives d'une palette de sanctions, parmi lesquelles l'injonction à installer un logiciel de sécurisation et la suspension de l'abonnement.
Pour ce qui concerne le triple play, je répète que dans les rares endroits où il ne sera pas possible de découpler, il est prévu expressément à l'article L. 331-28 qu'il ne sera procédé à aucune coupure mais que sera demandée l'installation d'un logiciel de sécurisation.
Quant au fait que l'application de la suspension ne puisse se faire dès demain et exige un petit délai…
Mais non, quelques mois seulement ! Cela participe du processus pédagogique.
Les mails, les lettres recommandées comme la suspension doivent aider à une prise de conscience. Le délai nécessaire pour mettre en oeuvre cette dernière ne me dérange pas, car je ne tiens pas à assommer les jeunes avec des amendes. En catégorie 2, l'amende atteint 70 euros, soit l'équivalent de cinq CD ; pour celui qui pratique le téléchargement avec obstination, c'est un véritable droit à pirater !
À entendre le rapporteur et la ministre, l'amende serait injuste car elle ne tiendrait pas compte des revenus. Cet argument pourra désormais être utilisé dans les prétoires, puisque notre droit français n'est pas avare en contraventions de ce type, et je ne doute pas que les avocats sauront le resservir à bon escient.
Vous nous expliquez par ailleurs que vous étendez échapper avec ce projet de loi à la logique répressive et que c'est la raison pour laquelle vous refusez le principe de l'amende. À vos yeux donc, la suspension n'est pas de la répression, ce qui me paraît surprenant. Je ne suis pas convaincue en effet que les personnes qui auront à subir une suspension de leur connexion Internet considéreront qu'il ne s'agit pas d'une sanction.
Enfin, je rappelle au rapporteur qui aime les comparaisons automobiles, qu'il existe des voitures sans permis.
Pour rester dans le même ordre d'images, j'avais moi-même d'abord abordé le problème en termes de gestion des flux. Considérant que ce qui rend possible le téléchargement massif, c'est le haut débit, j'avais pensé qu'il suffisait de réduire le débit pour limiter le téléchargement illégal. Je me suis renseignée et me suis aperçue que mon idée, pleine de bon sens en apparence, ne valait rien technologiquement parlant, quand bien même Frédéric Lefebvre considère que l'on peut passer outre la technologie. Non, on ne peut pas réduire le débit.
Concernant les problèmes de mono-VC et de multi-VC, vous venez d'admettre, madame la ministre, contrairement à ce que vous disiez auparavant, que, lorsqu'on est sur du canal unique – ce qui concerne près de trois millions d'internautes – la coupure est impossible. Pour ce qui est du multicanal, les fournisseurs d'Internet expliquent que, dans un certain nombre de cas, le canal qui sert à la connexion Internet sert aussi à transmettre des informations nécessaires au téléphone et à la télévision. Dans ces cas, la coupure du canal Internet a des conséquences sur la télévision ou le téléphone, et les fournisseurs d'accès vont donc devoir transformer leurs réseaux et passer sur du bicanal pour pouvoir différencier les différents flux et autoriser la suspension de la connexion Internet, ce qui va prendre du temps.
Par ailleurs, M. Dionis du Séjour, dont je salue l'obstination, rappelait que l'article 1er de la loi pour la confiance dans l'économie numérique établissait que les services de messagerie sont des services de communication électronique qui ne relèvent pas de la catégorie des services de communication publique en ligne. La coupure de la connexion Internet pose donc, là encore, problème.
Je vous l'ai dit, madame la ministre ; c'est comme si vous interrompiez le courrier !
Enfin, un rapport du conseil général des technologies de l'information, dont le principal rapporteur est M. Berbinau, a étudié la question de la coupure dans le cas du mono-VC et du multi-VC.
Dans le premier cas, il conclut que « puisque l'accès aux différents services est réalisé sur un même canal, faute d'être à même de trier dans ce dernier des paquets préalablement “taggés”, la coupure du canal serait en contradiction avec l'exigence prise par l'article L. 331-28 en son troisième alinéa. Cette solution est donc à écarter. »
Dans le cas du multi-VC, il explique que « techniquement, et sous réserve des répercussions admises sur les services de messagerie, cette double limitation peut être satisfaite si l'accès aux différents services est réalisé sur des canaux différents ». « Néanmoins, ajoute le rapport, l'objectif étant la lutte contre le téléchargement illicite, et ces services pouvant en être l'un des vecteurs, il n'est pas exclu que le législateur en vienne à les englober, quitte à rendre obligatoires des mesures permettant à l'abonné de récupérer les messages de son courrier électronique à partir d'un autre accès. » Cette dernière recommandation n'a pas été reprise.
M. Berbinau considère donc que la coupure n'est pas la bonne solution, que l'on soit dans le cas d'un canal unique ou dans celui du multiplay dégroupé. À un moment donné, il faut donc savoir tenir compte des réalités et renoncer à la coupure.
Quant à l'amende, les députés du groupe GDR ne prendront pas part au vote.
D'abord, parce que, en l'état il est impossible de garantir la fiabilité du relevé des adresses IP et que la justice n'est pas saisie dans cette partie de la procédure ; ensuite, parce que nous ne voulons pas remplacer une sanction par une autre. C'est la manière dont le principe même de la sanction est conçu avec laquelle nous sommes en désaccord.
Notre rapporteur reproche à l'opposition de ressortir les mêmes arguments depuis le début de nos débats. À lui qui ne cesse de répéter que cette loi doit être pédagogique, je répondrai que nous voulons faire ici de la pédagogie, pédagogie, laquelle est, chacun le sait, l'art de la répétition : la répétition fixe la notion. Nous continuerons donc à développer nos arguments pour que vous puissiez enfin les comprendre, même s'il est vrai que la pédagogie est davantage pratiquée de notre côté de l'hémicycle que de l'autre côté, où siègent les adeptes de la « Sarkologie » (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Au risque donc de me répéter, je considère que l'accès à Internet est aujourd'hui un droit qui doit être garanti à tous et partout. On nous rétorque qu'en cas de coupure de la connexion, il suffit d'utiliser un autre poste. Je ne reprendrai pas l'excellente intervention de M. Brard sur la mairie de Coulommiers, ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, du 1er janvier au 31 décembre, qu'il vente, qu'il pleuve ou qu'il neige. Dans la réalité, il y aura des endroits en France qui seront désavantagés par rapport au reste du territoire.
Certains Français ne pourront donc pas avoir accès à l'Internet, que chaque jour qui passe rend pourtant, on le sait, plus indispensable, non seulement pour la musique ou le cinéma, mais aussi pour des démarches administratives.
Je ne répète pas combien nous pensons que la HADOPI revêt un caractère arbitraire, voire burlesque et M. Bloche a déjà souligné que seul le juge devait pouvoir sanctionner.
Pour autant, nous partageons le point de vue de Mme Billard : nous sommes hostiles à l'amende.
Notre hostilité à ce texte est d'ailleurs renforcée par le bilan désastreux du ministère de la culture pour ce qui est des créateurs.
Il n'y a rien de nouveau dans ce texte sur le budget du ministère : pas d'investissements, pas d'argent distribué aux créateurs de France. La ministre ne défend que quelques grands artistes, quelques grandes majors, un chanteur helvéto-monégasquo-belgo-quelque chose dont le nom m'échappe. Rien, en revanche, pour les créateurs !
En tant que ministre, vous pourriez intervenir et pas seulement dans le domaine financier. J'attends ainsi toujours que vous encouragiez les médias à faire valoir la diversité culturelle. Dites-moi, madame la ministre, vous qui restez sourde, comment écouter sur les télévisions et les radios du jazz, du rock ou du métal ! C'est absolument impossible.
Le groupe SRC ne participera pas au vote sur l'amende.
Avec ce sous-amendement et l'amendement n° 484 , nous vous proposons une solution centriste. (Rires et exclamations sur de nombreux bancs.)
Il y a des centristes à l'UMP, vous me l'avez toujours dit !
De la promulgation de la loi jusqu'en 2011, nous proposons que la sanction soit une amende.
Je souligne que si vous votez comme unique sanction la coupure de l'accès à Internet, vous n'en aurez en réalité aucune. Vous envoyez un signal aux contrevenants : mes amis, allez-y franco !
Pas du tout !
Bien sûr que si, madame la ministre. Je prends date !
La fédération française des télécoms alerte les pouvoirs publics sur le fait qu'il sera impossible de généraliser l'accès restreint à Internet avant un délai minimum d'un an à compter de la promulgation de la loi. Vous pouvez ne pas l'écouter, mais c'est dommage !
Pendant cette période – qui sera un trou noir si vous vous décidez pour la coupure de l'accès à Internet – nous proposons une amende alors que votre solution, c'est : rien. Vous pourriez au moins entendre cet argument.
Nous proposons d'évaluer le dispositif en 2011. Si l'amende a suffi, eh bien, nous la conserverons ; sinon, nous pourrons choisir de revenir vers la suspension.
Cet amendement est donc un ensemble de compromis.
Je vois bien comment les choses sont en train de s'organiser. Sur le Titanic, nombreux étaient ceux qui avaient dit au commandant qu'il y avait des icebergs sur la route nord ; mais ce dernier avait répondu à chacun qu'il prendrait néanmoins la route nord. De même le Parlement européen, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, les télécoms, les consommateurs vous disent qu'il y a des icebergs, mais vous persévérez à vouloir passer par la route nord ! Vous subirez le même sort que le Titanic !
Je regrette la position de nos collègues socialistes, qui ne veulent pas assumer le court terme, qui ne veulent pas assumer un volet de sanctions. Je regrette aussi la position du Gouvernement. Pour le reste, nous avons pris date.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 11
Contre 49
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur le sous-amendement n° 509 .
Les débats sont terminés. J'ai donné la parole à un orateur de chaque groupe. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 11
Contre 47
(Le sous-amendement n° 509 n'est pas adopté.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 484 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 8
Contre 47
(L'amendement n° 484 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande pour défendre l'amendement n° 471 .
Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger quelques arguments sur cet amendement.
Il s'agit de proposer que la suspension ne rentre en application qu'au 1er janvier 2011, sous réserve que la sanction prévue sous forme d'amende – dans les amendements que nous avons examiné précédemment – ne s'avèrent pas suffisante pour faire cesser les manquements constatés.
Sans vouloir insister trop longuement, je regrette que certains de nos collègues ne semblent pas prendre au sérieux ce que nous disons sur le risque d'une loi sans sanction : pour une raison technique au départ, puisqu'il n'y aura rien avant douze à dix-huit mois, c'est-à-dire tant que la même sanction ne pourra pas être infligée sur l'ensemble du territoire ; mais aussi parce que, dans deux ans à deux ans et demi, il y aura sans doute un nouveau cadre juridique européen.
Or, malgré les propos de notre excellent rapporteur, refuser de voir dans le vote massif du Parlement européen une orientation forte de l'ensemble des pays de l'Union vers la définition du droit d'accès à l'Internet comme un droit fondamental, c'est à mon avis de l'aveuglement, même si, bien sûr, le vote du Parlement n'aura pas un effet juridique immédiat.
Ne pas prendre en compte cet état d'esprit pour considérer qu'il y a au moins un risque de ne disposer d'aucune sanction applicable risque de déboucher sur une loi sans sanction ; nous aurons refusé d'appliquer pour la partie relative aux sanctions ce que nous avons fait pour la partie relative à la prévention : une graduation.
Pourquoi, quand il s'agit de sanctions, nous limiterions-nous à une seule carte, mauvaise qui plus est ? Pourquoi, à la suspension, n'ajouterions-nous pas l'amende ? Cela permettrait de disposer d'une sanction immédiatement applicable. Cela crédibiliserait la prévention dès le vote de la loi. Les tarifs d'une amende peuvent être tout à fait raisonnables – dissuasifs sans être éreintants.
Au 1er janvier 2011, nous disposerions de surcroît d'un recul suffisant pour juger de l'efficacité de l'amende face au téléchargement illégal. Si elle était suffisante, pourquoi ne pas renoncer à la suspension ? Si elle se révélait insuffisante, et si le cadre européen permettait la suspension, nous pourrions alors nous tourner vers cette suspension comme sanction ultime, pour les cas les plus difficiles, afin de marquer plusieurs étapes dans la sanction.
C'est la seule manière d'éviter que nous ne votions une loi dépourvue de sanctions applicables, comme le souhaitent sans doute certains de nos collègues de gauche, la loi y perdrait une partie de son efficacité et manquerait notre objectif commun, qui est de protéger la création tout en permettant l'accès de tous aux biens culturels.
Il est dommage que l'amendement précédent soit tombé. C'était un amendement de repli, mais qui ne touchait pas au fond de la loi, qui nous déplaît.
Un internaute, étudiant en IUT d'informatique, nous a envoyé un très long mail ; il nous dit que le téléchargement illégal ne se limite pas au peer-to-peer : nous allons voir arriver en masse des forums donnant des liens vers un serveur sur lequel un mot de passe permettra de télécharger des fichiers. Comment, demande cet internaute, la HADOPI détectera-t-elle ce type de téléchargement sans espionner les connexions, c'est-à-dire sans violer de façon éhontée la vie d'autrui ?
Les propositions des amendements précédents amélioraient la proposition gouvernementale. Or Mme la ministre propose, vous l'avez entendu, une sorte d'amende au quotient familial.
C'est quelque chose que l'on n'a encore jamais vu, mais il faudra soumettre cette proposition à Mme Alliot-Marie, pour les radars.(Sourires.)
Notre amendement n° 389 renvoie quant à lui à l'alinéa 68 de cet article 2 : « Les mesures prises par la commission de protection des droits sont limitées à ce qui est nécessaire pour mettre un terme au manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3. »
Il est simpliste de penser que suspendre la ligne ne servirait qu'à empêcher les personnes de continuer à télécharger. Une coupure d'Internet, d'un mois à un an, peut entraîner – suivant l'excellente formule de Didier Mathus – une forme de mort sociale électronique.
Si vous étiez cohérente, madame la ministre, vous conviendriez que, dans un souci de pédagogie – je parle de la vraie pédagogie, celle qui est issue de la meilleure pédagogie française, je pense à Rousseau, à Condorcet, non à la Sarkologie qu'évoquait tout à l'heure notre collègue Roy…
Je ne veux pas vous faire offense, monsieur Gosselin, mais moi qui ai appris mon métier à l'école normale, je n'ai pas encore détecté en vous, malgré ma volonté de vous être agréable, des talents de pédagogue.
Si vous distribuez les bons points, je vais me mettre à trembler. Je ne dormirai pas cette nuit.
Pour l'instant, ma réserve de bons points est intacte. Vous n'en avez gagné aucun.
Madame la ministre, si vous étiez cohérente, vous conviendrez, puisque vous brandissez la pédagogie comme un étendard depuis le début du débat, qu'une suspension d'un an, c'est beaucoup ; cela correspond presque à la perpétuité pour un jeune de dix-huit ans. Cette mesure peut avoir des conséquences bien trop lourdes, bien trop coûteuses sur la vie des citoyens, disproportionnées par rapport au délit.
Vous n'avez cessé d'insister, tout au long de ces débats, sur la dimension pédagogique de la loi. Permettez-moi de m'interroger sur la pertinence de votre pédagogie quand celle-ci consiste à couper les citoyens d'un accès au réseau Internet, donc à les déconnecter d'un pan énorme du monde de la culture, du monde de l'information, de la vie sociale, surtout quand ils vivent, comme dans la circonscription de M. Riester, dans un habitat isolé.
Monsieur Riester, pensez à vos électeurs du village de Pommeuse : ils seront informés de ce que nous avons dit et ils sauront que vous ne les avez pas défendus.
Défavorable parce que la durée de suspension proposée dans l'amendement est vraiment trop courte et que la procédure de transaction qui est prévue permettra de réduire la durée de la suspension.
Avis défavorable à l'amendement n° 389 pour les mêmes raisons que précédemment
Un des éléments spécifiques de ce projet de loi est ce que l'on appelle la transaction, qui vise à réduire la sanction à partir du moment où l'internaute prend l'engagement de ne plus télécharger illégalement. Pour que le fait de s'engager à ne plus télécharger illégalement présente un avantage, il faut que la sanction soit plus faible.
Le texte initial, avant le passage au Sénat, précisait que la durée minimale de suspension était de trois mois pour une sanction et d'un mois pour une transaction. Le Sénat a ramené à un mois la durée minimale pour la sanction. Pour que l'internaute ait vraiment intérêt à recourir à la transaction, il est important de différencier la durée minimale de suspension. C'est la raison pour laquelle nous proposons que cette dernière soit de deux mois pour la sanction, c'est-à-dire une durée bien supérieure au mois retenu pour la transaction.
Avis favorable.
Nous revenons toujours à la même chose : la riposte graduée est une illusion. Nous en avons fait la démonstration au fil des heures de débat dans cet hémicycle et, même si les bancs de l'UMP se regarnissent régulièrement lorsqu'il faut voter, j'espère que tous ceux qui ont suivi consciencieusement les discussions seront convaincus de l'illusion de la loi HADOPI, qui complète la loi DADVSI. En effet, je le répète, à l'attention de ceux qui, dans les rangs de l'UMP, n'auraient pas bien compris : ce projet de loi n'annule pas la loi précédente, contrairement à ce qu'a cherché à faire croire la campagne de propagande qui a été menée à la suite de l'accord de l'Élysée.
Madame la ministre, vous stigmatisez souvent les jeunes, mais les suspensions trop longues risquent en outre d'être anti-économiques. Je voudrais vous lire un extrait d'une lettre que m'a envoyée un illustrateur indépendant qui travaille à son domicile pour l'industrie du jeu vidéo.
Il m'écrit : « Prenons un exemple, admettons que je fasse partie des adresses IP faussement présentes sur les réseaux pirates – nous avons fait la démonstration que l'on pouvait être présenté par erreur parce que quelqu'un a utilisé votre adresse IP malhonnêtement – ; je me fais donc couper la ligne Internet. Je ne peux plus effectuer correctement mon travail. Cela implique que je suis dans l'obligation d'aller chez un ami ou dans un cybercafé pour communiquer chaque jour avec mes employeurs. Je ne peux plus envoyer mes illustrations au jour le jour. Je risque fortement de perdre mes clients réguliers. Je ne peux plus accéder au serveur FTP de mes employeurs où ils me mettent en ligne les documents nécessaires pour que je réalise les travaux qu'ils me demandent. Il serait indispensable que je leur demande de m'envoyer cela par CD. En effet l'industrie du jeu vidéo est une industrie qui a besoin d'aller vite. »
« Il n'est pas rare que j'échange plus de 500 méga-octets de données chaque jour avec mes employeurs. À chaque nouvelle version d'une image sur laquelle je travaille, je l'envoie à mon directeur artistique qui me fait des retours, m'envoie une version annotée sur laquelle je dois rebondir. Je ne peux plus accéder à tous les sites d'images libres de droit, qui sont pourtant nécessaires à mon travail de documentation pour réaliser mes illustrations. Cela implique, encore une fois, que je ne peux plus travailler. »
Je passe les appréciations sur la communication avec la famille. Il poursuit :
« Je ne peux plus accéder à mon abonnement Le Monde en ligne – je ne suis pas abonné au journal papier, seulement à la version électronique. Je ne peux plus acheter en ligne alors que j'achète environ 200 à 300 euros par mois à des entreprises comme Amazon, EDiscount, etc. Donc il y aura un manque à gagner pour l'État avec la TVA en moins. »
Je crois, madame la ministre, chers collègues, que vous mesurez mal les effets de ce projet mal confectionné. Il provoquera de nombreux contentieux, qui risquent de coûter très cher à l'État parce que, quand une entreprise sera injustement pénalisée, autant vous dire qu'elle vous demandera des comptes et qu'il faudra provisionner beaucoup d'argent pour indemniser en responsabilité. Les contentieux de la responsabilité seront lourds de conséquence parce que la fabrication des preuves est complètement aléatoire. De nombreuses personnes passeront à travers les mailles du filet et, finalement, vous ne prendrez que celles qui n'auront pas fait très attention, pas les gros poissons.
Madame la ministre, réfléchissez encore. À chaque intervention, nous vous donnons l'occasion de bien réaliser ce que vous faites. Ce projet de loi ne concernera pas seulement des adolescents qui téléchargent des disques ; il touchera aussi des entreprises qui pourront être victimes de gens qui utilisent leurs accès Wi-Fi ou de salariés. Imaginez-vous les conséquences de ce que vous faites ?
L'amendement de M. Brard va bien évidemment dans le bon sens mais, au bout du bout, je crois que le système s'écroulera sur lui-même. Nous aurons suffisamment fait la preuve par l'absurde que cette loi ne fonctionnera pas ; mais le temps qu'elle se mette en route et qu'elle produise des effets, M. Dionis du Séjour l'a bien montré, il se sera écoulé beaucoup de temps.
(L'amendement n° 55 est adopté.)
Je regrette qu'il ait été jugé que mon amendement n° 471 rectifié tombait. Cela n'aurait pas dû être le cas.
L'amendement n° 474 a pour objectif de permettre de bénéficier d'une sanction par l'amende en attendant d'y voir plus clair sur le plan européen et que la suspension puisse éventuellement être mise en oeuvre techniquement, avec des délais appropriés.
A été plusieurs fois développée l'idée que l'amende serait une sanction très injuste parce que très inégalement supportable. En comparaison, la suspension serait une sanction tout à fait supportable. Je ne suis pas d'accord avec cette argumentation. Bien sûr, une amende forfaitaire est toujours un peu plus lourde pour celui qui a moins de revenus que pour celui qui a plus de revenus, mais cela est vrai pour toutes les amendes. Néanmoins la suspension non plus n'a pas les mêmes conséquences selon la situation dans laquelle on se trouve.
Pour la personne qui télétravaille à son domicile à plein temps – M. Gagnaire vient d'évoquer ce cas – la coupure de son accès à l'Internet n'a pas la même portée que pour quelqu'un qui se sert de l'accès en ligne uniquement pour se divertir. La sanction n'aura pas le même poids.
De même, la suspension de l'accès à Internet n'aura pas le même effet pour un abonné qui est isolé ou pour quelqu'un qui partage son accès au sein d'un groupe familial ou d'un groupe d'amis. La suspension n'aura pas non plus la même portée pour quelqu'un qui vit en zone rurale, où Internet est le seul point de communication avec tout ce qui est un peu éloigné, et une personne qui vit en zone urbaine où il suffit de descendre au cybercafé, au jardin public à Paris ou chez un proche voisin, pour trouver un accès Wi-Fi. Ce n'est pas du tout pareil.
Très franchement, la suspension est un système de sanction tout aussi susceptible d'inégalité de traitement que l'amende.
Défavorable. Je veux simplement préciser, pour rassurer M. Martin-Lalande, que le projet de loi dispose que « la commission peut, après une procédure contradictoire, prononcer, en fonction de la gravité des manquements et de l'usage l'accès, la ou les sanctions suivantes » parmi lesquelles figure l'injonction d'installer un logiciel de sécurisation. Cela prouve qu'il y a bien une prise en compte des cas où l'accès est professionnel. Il s'agit d'une précaution importante.
Je ne sais pas s'il existe des décorations à l'UMP mais, incontestablement, notre collègue Patrice Martin-Lalande mériterait sinon de la patrie du moins de la majorité de cette assemblée.
Avec une compétence que tout le monde ne peut que lui reconnaître et beaucoup de constance, amendement après amendement, il essaie…
Moi aussi.
Non, vous allez voir.
…il essaie tout simplement de sauver la majorité du mauvais pas dans lequel elle s'est mise.
Plutôt que de vous réjouir, monsieur Gosselin, vous feriez mieux de porter attention au fait qu'avec des arguments d'une grande pertinence, Patrice Martin-Lalande, comme Lionel Tardy ou Jean Dionis du Séjour, essaie de sauver la majorité.
C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas participé au vote qui visait à substituer à la suspension de l'abonnement Internet une amende. Nous n'avons pas vocation, en tant que députés de l'opposition, à sauver la majorité ; les choses sont claires.
Ainsi Jean Dionis du Séjour a souligné qu'il y avait trois écoles dans cette assemblée. Nous, nous affirmons, depuis l'ouverture de ce débat, que ce projet de loi est un pari perdu d'avance, qu'il sera inapplicable et donc inappliqué comme l'a été la loi DADVSI. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé comme alternative la création d'une contribution créative afin de trouver un nouveau mode de rémunération pour la création culturelle dans notre pays.
Et pour ne pas perdre à nouveau de temps !
Le président Ayrault a qualifié tout à l'heure cette loi de nouvelle ligne Maginot. Nous savons ce qu'il advient des lignes Maginot, mais que de temps perdu !
Quel temps perdu pour les artistes qui, depuis trois ans, auraient pu bénéficier d'un nouveau mode de rémunération prenant en compte les nouvelles évolutions technologiques !
Si M. Martin-Lalande essaie désespérément de vous sauver, c'est parce que la suspension de l'abonnement à Internet présente trois défauts majeurs.
Premièrement, elle ne sera pas applicable techniquement avant douze à dix-huit mois. Le projet de loi que vous voulez nous faire adopter définitivement le 9 avril 2009 ne sera donc pas mis en oeuvre avant le 1er janvier 2011. Quelle est cette pédagogie à retardement ? Par ce débat, vous prétendez alerter nos concitoyens, tous nos concitoyens et non pas seulement les plus jeunes, puisque, dans un pays qui compte 18 millions d'abonnés au haut débit, tout le monde télécharge ; il ne s'agit donc pas de donner un coup de règle sur les doigts à quelques enfants. Mais quel effet pédagogique aura une loi votée en avril 2009, qui ne s'appliquera que le 1er janvier 2011 ?
Deuxièmement, il est probable que le Conseil constitutionnel, que nous ne manquerons pas de saisir, considérera que la suspension de l'abonnement à Internet, décidée par une haute autorité administrative indépendante, et privative de liberté, introduit une rupture de l'égalité entre citoyens.
Troisièmement, le droit européen vous rattrapera avant que votre loi soit techniquement applicable. On rappellera à la France que l'accès à Internet est un droit fondamental qui ne peut pas être interrompu dans n'importe quelle condition. Les discussions actuelles sur le nouveau paquet Telecom montrent bien que vous allez à l'encontre de l'évolution du droit communautaire.
C'est pourquoi, chers collègues, nous ne participerons pas au vote. Nous ne nous mêlons pas de vos affaires.
Mais aidez au moins le soldat Martin-Lalande à sauver la majorité !
(L'amendement n° 474 n'est pas adopté.)
À l'alinéa 77, les sénateurs ont prévu qu'en cas d'impossibilité de couper l'accès à Internet, il serait procédé à une réduction du débit « en fonction de l'état de l'art », formule qui semble signifier que la mesure sera juridiquement applicable si elle est techniquement possible.
Outre la grande complexité technique d'une telle opération – laquelle introduirait entre ceux qui disposent de lignes dégroupées ou non dégroupées une inégalité, ce qui va nous exposer à la censure du Conseil constitutionnel –, le CSTI a chiffré son coût pour les opérateurs à 70 millions d'euros. Or la loi ne précise pas qui devra le supporter. J'ai posé la question à plusieurs reprises sans obtenir de réponse à ce sujet.
N'en rajoutez pas : nous sommes favorables à votre amendement, monsieur Tardy !
De deux choses, l'une : soit la mesure est applicable, soit nous imposerons la mise en place d'un logiciel anti-chargement dont nous ne savons rien pour l'instant, mais évitons d'inscrire dans la loi cette formule sur « l'état de l'art », qui ne signifie rien !
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l'amendement n° 278 .
Loin de moi l'envie d'être désagréable envers nos collègues du Sénat, mais l'idée de lutter contre le téléchargement en réduisant le débit est absurde, quand on sait que les fichiers de musique sont petits et qu'il existe des techniques de compression.
Un mot encore à l'intention de nos collègues socialistes.
Je respecte leur culture du Grand soir, mais, de temps en temps, il faut gérer le court terme. C'est ce que nous avons essayé de faire. Non sans ironie, ils nous ont félicités pour notre tentative de sauver la majorité. Ils auraient mieux fait de mettre, comme nous, les mains dans le cambouis.
Favorable.
Je tenais à préciser que je suis favorable aux amendements. Vouliez-vous vous priver de ce plaisir, chers collègues ? À vrai dire, je regrette même de ne pas avoir déposé un amendement identique à ceux-ci.
N'accablons pas nos collègues du Sénat, qui étaient sans doute de bonne foi.
Toutefois un réseau n'est pas un robinet, sur lequel on pourrait installer un réducteur de débit. D'ailleurs, quand on demande à un fournisseur d'accès d'augmenter le débit, il accepte toujours, car il s'agit non de dilater un tuyau, mais de faire intervenir des canaux distincts. Aujourd'hui, tous les fournisseurs d'accès prévoient le débit maximum, sans plus se soucier d'introduire des différences de débit, qui coûtent finalement très cher. En somme, la réduction proposée ne serait pas impossible techniquement, mais les fournisseurs d'accès y sont réticents pour des raisons financières. Le plus sage est donc de supprimer l'alinéa 77.
Nous sommes favorables à ces amendements, qui permettront de rectifier une mesure techniquement invalide. Au reste, il est intéressant que nos collègues du Sénat se soient rendu compte que la coupure totale d'Internet – que j'avais comparée à une mort sociale électronique – est difficile à imposer. Les positions du Parlement européen et d'autres instances vont dans ce sens. La connexion à Internet sera sous peu reconnue comme un droit fondamental. Ce n'est peut-être qu'une question de mois. Toute la société évolue dans ce sens. Seule l'UMP rame à contre-courant et tente d'imposer par la répression un modèle qui ne fonctionne plus.
Monsieur Dionis du Séjour, nous n'avons pas souscrit aux amendements, plus acceptables, il est vrai, qui proposent l'amende comme sanction alternative. En effet, comme ceux qui préconisent la suspension, ils reposent sur un même postulat, que nous dénonçons : le flicage généralisé du net. Considérant au contraire que la connexion à Internet est en train de devenir un droit fondamental, nous défendons dans ce débat un nouveau modèle économique permettant de rémunérer les échanges et les créateurs. Cela dit, nous voterons votre amendement.
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
(En conséquence, les amendements nos 57 rectifié , 266 , 384 , 12 rectifié et 191 tombent.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma