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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 1er avril 2009 à 15h00
Protection de la création sur internet — Article 2, amendements 53 11 189 263 382

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Plusieurs amendements comparables ont été déposés, qui visent à éviter un inconvénient supplémentaire, à savoir la possibilité d'un cumul de sanctions : suspension, limitation des services et injonction.

La procédure présente, de notre point de vue, bien des inconvénients. Je voudrais d'ailleurs en profiter pour répondre au rapporteur qui, avec beaucoup d'insistance, dit que la commission de protection des droits est composée de magistrats indépendants. Bien sûr, elle comprend un membre de la Cour des comptes, un membre du Conseil d'État et un membre de la Cour de cassation. Mais je lui ai déjà fait remarquer à plusieurs reprises que ce n'est pas parce que la commission de protection des droits est composée de magistrats indépendants que, de ce fait, nous nous trouvons dans un contexte de procédure judiciaire. Ce n'est pas une procédure judiciaire.

C'est d'ailleurs l'un des reproches que nous faisons à l'HADOPI : elle est en quelque sorte juge et partie. Elle est à la fois l'organisme qui va instruire la plainte des ayants droit et l'instance qui va décider de la sanction. Dans une procédure judiciaire, il y a une séparation – et nous le savons, puisqu'elle est actuellement remise en cause – entre celui qui instruit et celui qui juge.

Non seulement l'HADOPI n'est pas un organisme judiciaire, non seulement la procédure de sanction n'est pas une procédure judiciaire – si tel était le cas, les droits de la défense, le principe du contradictoire, la présomption d'innocence seraient respectés –, mais en plus, et ceci est une grave rupture d'égalité, ce texte ouvre la voie à l'arbitraire de l'HADOPI, étant donné le caractère aléatoire des mesures qu'elle peut prendre. Elle peut envoyer un ou plusieurs mails d'avertissement, envoyer une recommandation, décider de la suspension de l'abonnement, ou au contraire envoyer une injonction. Ce sera, je le répète, à la tête de l'internaute. Vous aurez peut-être la chance de n'avoir qu'une injonction après la recommandation, ou – pas de bol – vous verrez votre abonnement à Internet suspendu.

Ce caractère aléatoire, arbitraire, des mesures prises par l'HADOPI, nous conduit à répéter avec insistance que nous ne sommes pas dans une procédure judiciaire. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un certain nombre d'amendements, qui, hélas, ont tous été rejetés. Et nous les avons déposés parce que nous prenons en compte le contexte européen, notamment le contenu même de l'amendement n° 138 et aussi parce que, encore une fois, même si les pouvoirs publics peuvent confier à une autorité administrative la possibilité de prendre des sanctions, nous sommes dans un domaine de restriction des libertés individuelles. Et le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que seul le juge peut prendre des sanctions lorsqu'elles sont privatives de libertés individuelles.

L'amendement, assez unanime, que nous présentons aujourd'hui vise à éviter un inconvénient supplémentaire, qui serait, en plus de tout le reste, de par la rédaction adoptée par le Sénat, un cumul de sanctions. On imagine mal qu'il puisse y avoir à la fois suspension ou limitation des services et injonction. Ce cumul est d'ailleurs par nature contradictoire : s'il y a injonction, il n'y a pas de suspension de l'abonnement à Internet.

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