J'ai déposé cet amendement avec mon collègue Dionis du Séjour. Nous sommes tous convaincus de l'utilité de la prévention, qui fait un pas en avant avec ce projet de loi, mais nous sommes aussi tous convaincus que sans sanction effective, la prévention est vouée à l'échec et la loi ne servira à rien.
Dans le texte actuel, madame la ministre, il n'y a aucune sanction dans les douze à dix-huit premiers mois, puisque la suspension, nous le savons tous, ne sera techniquement pas applicable avant que des investissements substantiels dans les réseaux et les services ne soient accomplis.
Le texte actuel fait le choix d'une sanction qui diffère la possibilité de sanctionner, alors que jamais la situation n'a été aussi grave et aussi urgente. Peut-on se permettre de perdre encore du temps ? Avec notre amendement, il y aura dès le départ une sanction : l'amende.
Le texte actuel ne prévoit qu'une seule sanction : la suspension. Nous risquons donc de ne plus avoir aucune sanction si la future directive européenne interdit la suspension, en reconnaissant par exemple un droit d'accès à l'Internet. Ce droit est d'ailleurs, je dois le rappeler, madame la ministre, mentionné par le Gouvernement dans son plan France Numérique 2012. Il vient aussi d'être massivement reconnu par le Parlement européen. Qui peut sérieusement affirmer qu'il n'y a aucun risque de voir s'imposer les orientations européennes ? Qui peut accepter de voter un texte de loi qui a fait l'impasse sur les évolutions européennes ? Qui peut accepter que tous les aspects positifs de la loi en matière de prévention – que nous reconnaissons et que nous saluons – soient remis en cause par l'absence de sanction applicable d'ici un à deux ans ?
Cet amendement et celui que nous allons examiner un peu plus tard écartent ces risques, puisqu'ils vous proposent de maintenir dans la loi la suspension, mais d'intercaler, dans la graduation des sanctions, un premier niveau, moins attentatoire à la liberté : l'amende. Ils offrent également le temps de choisir, d'ici au 1er janvier 2011, entre la suspension comme sanction ultime ou la renonciation à la suspension, et ce non pas en fonction d'a priori idéologiques mais en fonction des faits : le constat de l'efficacité de l'amende pour sanctionner, et le constat de l'euro-compatibilité de la suspension avec la nouvelle directive.
Avec cet amendement et le suivant, Jean Dionis du Séjour et moi-même vous proposons de transformer en atouts des contraintes que nous ne pouvons pas nier : les douze à dix-huit mois durant lesquels il sera impossible d'appliquer la suspension, pour des raisons techniques, ainsi que le problème de l'euro-compatibilité.
J'ajoute que si l'amende donne de bons résultats en termes de dissuasion, ce que nous souhaitons, il sera possible de mieux utiliser les 70 millions d'euros à investir dans les réseaux et les services pour permettre la suspension. En effet, en attendant deux ou trois ans, cet effort d'investissement se fera avec des technologies qui permettront non seulement de répondre aux besoins de la suspension, mais aussi et surtout de créer le nouveau mode de gestion des paquets sur l'Internet, avec gestion différenciée des paquets en fonction du niveau de qualité de service.
Attendre, donc, madame la ministre, c'est mieux dépenser pour la France numérique de 2012.
Il s'agit d'éviter que la loi, que nous apprécions pour une large partie, se trouve sans sanction, pour raison technique dans un premier temps, et ultérieurement du fait d'une éventuelle incompatibilité avec la règlementation européenne. Voilà pourquoi nous proposons, d'une part, de créer l'amende, et d'autre part, d'attendre janvier 2011 pour permettre de juger de l'application possible de la suspension, laquelle resterait inscrite dans la loi en attendant cette confirmation.