La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)
Permettez-moi tout d'abord de remercier tous les orateurs qui ont apporté leur soutien à ce texte, au premier rang desquels le rapporteur général. Je veux saluer le travail qu'il a fourni tout au long de la préparation de ce texte et de la négociation dont j'ai rappelé les enjeux. Il n'y a rien de choquant à ce qu'il y ait des propositions dans une enveloppe globale, à ce qu'il y ait des discussions, des modalités d'application, des échanges, des consensus autour d'un calendrier, sachant que les objectifs sont partagés. À travers lui, je rends également hommage aux membres de la commission des finances et aux groupes de la majorité pour la qualité de nos échanges. Ceux qui attendaient des divisions ou un éclatement…
de la majorité seront une fois encore déçus. Telles sont la force de nos institutions et la détermination d'une majorité qui n'a jamais manqué les rendez-vous de responsabilité et d'exigence que nous avons vécus.
Je remercie ainsi Yves Censi, Pierre Lequiller, Yves Bur, Michel Bouvard, Serge Grouard, Hervé Mariton, Michel Piron, François Cornut-Gentille et Robert Lecou pour la qualité de leurs interventions dans cet esprit,…
…tout en affirmant leurs convictions connues, respectées, pour certaines partagées. Elles sont utiles à la bonne compréhension par la représentation nationale des enjeux de ce texte.
Avec Valérie Pécresse, je souhaite répondre point par point aux interrogations soulevées.
S'agissant tout d'abord de la Grèce, Gilles Carrez et Charles de Courson ont posé la question légitime de la participation du secteur privé au programme grec. En exprimant leur volonté de participer à une telle initiative, les investisseurs privés ont montré qu'ils avaient confiance en la capacité de la Grèce à retrouver l'accès des marchés. C'est l'un des éléments de l'accord entre le Président de la République et la Chancelière allemande. Vous savez que cette question nous a occupés pendant plusieurs mois, et ce fut l'une des conditions de l'acceptation par l'Allemagne du programme de soutien à la Grèce. Sans l'implication du secteur privé, l'Allemagne n'aurait pas apporté sa contribution et il n'y aurait pas eu d'élan naturel pour le dispositif du 21 juillet. Il a également été acté à travers cet accord, complété par les engagements que nous avons pris au G7 et au G20, que seule la Grèce était concernée par l'implication du secteur privé, pas les autres pays.
Monsieur Brard, vous avez soutenu que le plan d'aide de la Grèce ne visait en réalité qu'à secourir les banques.
Rien n'est moins vrai. Il vise avant tout à assurer la solidarité avec le peuple grec, et les obligations échangées représenteront une perte de 21 % pour leurs détenteurs.
C'est un élément important, et les sommes ont été provisionnées. C'est un élément d'interrogation qui suscite quelques rumeurs au sein des salles de marchés sur la partie spéculative de leurs activités, mais il fait partie de l'équilibre général. Les chefs d'État et de Gouvernement se sont engagés à apporter une contribution à la Grèce grâce au secteur public en allongeant la maturité des prêts et en réduisant les taux d'intérêt. Cette dernière mesure, selon le principe du parallélisme des formes, s'est appliquée peu ou prou au secteur privé à hauteur de 21 %. Vous ne pouvez pas dire qu'il s'agit là encore de sauver les banques. Ce discours trop facile n'est pas responsable et ne correspond pas à la réalité de l'accord.
Monsieur Cahuzac, vous n'avez pas manqué de soulever un certain nombre d'interrogations, par ailleurs légitimes, citant ainsi le cas de la Finlande. Sa demande de garantie soulève évidemment des difficultés. La position de la France est connue : nous n'y sommes pas favorables, à l'instar de l'Allemagne. Nous sommes de bonne volonté, nous avons travaillé au niveau des Trésors pour apporter une réponse. Nous continuons d'y réfléchir. Les Grecs et les Finlandais eux-mêmes poursuivent leurs discussions mais il est évident que c'est tout l'accord du 21 juillet et rien que l'accord du 21 juillet qui doit s'appliquer.
Au-delà de ces mesures, je voudrais revenir sur quelques points.
Certains d'entre vous, au premier rang desquels, sans doute du fait de sa place, sa situation, ses projets personnels, François Hollande, ont dénoncé la position franco-allemande sur les eurobonds. J'ai évoqué la cécité, la surdité, mais je ne peux rester silencieux sur cette question : jamais la Chancelière ni le Président français n'ont prétendu que les eurobonds n'étaient pas un sujet de discussion. Simplement, ils ne peuvent pas être le point de départ de la solution à l'instabilité de la zone euro, ils ne peuvent, éventuellement, qu'en être le point d'arrivée, parce qu'il faut procéder dans l'ordre. Et la première mise en ordre est l'addition des plans d'économies qui permettent d'atteindre les objectifs intangibles en matière de réduction des déficits publics. C'est à l'issue de ce processus d'assainissement des finances publiques, au sein de la totalité des pays de la zone euro, que pourra éventuellement se poser la question de la mutualisation de la dette à l'échelle européenne.
Il est faux et mensonger de prétendre que nous ne sommes pas favorables à ce dispositif. De même, ce serait une grave erreur de prendre ce mécanisme pour la pierre philosophale qui, si elle était mise en place aujourd'hui, apporterait la réponse définitive à la zone euro.
Pourquoi ? Parce qu'une mutualisation de nos dettes à l'intérieur de la zone euro, dans la période d'incertitude et de tension des dettes souveraines que nous traversons, ne ferait que faire peser sur l'Allemagne et la France,…
…qui représentent plus de la moitié de la richesse européenne, l'essentiel de l'effort de solidarité dont ces pays sont déjà les deux premiers contributeurs.
Retenir cette hypothèse nous mènerait droit à l'échec. Il est inutile de se leurrer davantage : cette réflexion n'arrivera pas à son terme, pas aujourd'hui du moins, et il est illusoire d'imaginer que c'est la réponse des socialistes à la problématique de la stabilité de la zone euro.
Du reste, en dehors des spéculateurs, qui le demande ? Il est assez singulier d'entendre M. Emmanuelli se faire le porte-parole des spéculateurs et de constater qu'un homme d'expérience comme François Hollande se laisse aller à des facilités de discours sans poursuivre la réflexion et sans analyser la réalité de la situation des tensions budgétaires. Une large part des tensions sur les dettes souveraines provient de l'impact puissant de la crise mondiale que nous avons traversée. On aura beau disserter sur le passé, les responsabilités, et j'en passe, la réalité est que nous devons traiter les conséquences de la crise de 2008-2009 qui a frappé le monde entier.
Monsieur Eckert, je ne peux vous laisser dire que nous n'avons pas avancé sur le dossier de la régulation financière.
Nous n'avons pas ménagé nos efforts pour mieux encadrer certaines pratiques de marché qui étaient potentiellement déstabilisatrices en situation de fortes tensions, mais je vous rappelle que ces efforts doivent être coordonnés au sein d'un maximum de pays. C'est à l'ordre du jour prioritaire des points qui ont été inscrits par la présidence française dans le cadre de la préparation du G20.
Monsieur Eckert, comment pouvez-vous parler d'allégeance aux agences de notation alors que la réglementation européenne a déjà été, sous l'impulsion de la France, significativement renforcée dès 2009, et que nous examinerons en novembre des mesures visant à une meilleure concurrence dans ce domaine ? Cette position a été défendue par le commissaire Michel Barnier au nom de la Commission européenne. Ce chantier en cours se poursuivra parallèlement aux travaux que nous mènerons au sein du G20.
J'en profite pour rappeler à Mme Guigou que la France et l'Allemagne ont pris des mesures de transparence et d'encadrement des ventes à découvert.
C'est enfin à l'initiative de la France et de l'Allemagne que la Commission européenne a déposé le 15 octobre un projet de règlement européen sur les ventes à découvert et sur les CDS souverains, ces contrats d'assurance qui s'apparentent un peu, pour la partie spéculative, à un contrat d'assurance qu'une personne prendrait sur la voiture de son voisin. C'est un point qui nous interpelle et sur lequel nous travaillons sur le plan international.
S'agissant des marchés financiers et de la règle d'or, le président de la commission des finances s'est interrogé sur la fragilité de nos banques. Rappelons que le secteur bancaire français est solide, en témoignent les tests de résistance. Le gouverneur de la Banque de France a attesté la solidité du secteur bancaire français, ce que confirme le rapport du Fonds monétaire international de juillet dans son article 4. Le gouverneur de la Banque de France a répondu au FMI la semaine dernière. Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a lui aussi, hier même à la télévision, apporté des éléments d'éclairage.
Il a mis en lumière les différences méthodologiques entre le FMI et la BCE. L'un et l'autre, avec l'autorité dont ils jouissent, ont apporté les éléments à même de rassurer sur la solidité du secteur bancaire français.
M. Cahuzac a exprimé sa vive inquiétude face aux évolutions récentes des taux des CDS souverains français. Permettez-moi d'exprimer ma surprise en constatant l'alignement de l'opposition sur les mouvements des marchés. En vous préoccupant discrètement de cette question, vous devenez des alliés objectifs desdits marchés,…
…alors que vous devriez mettre en évidence la réalité des efforts consentis par le Gouvernement depuis plusieurs mois, voire quelques années, pour réaliser des économies structurelles et des économies d'accompagnement de la croissance.
Les fondamentaux de la France sont solides : son économie est diversifiée, sa main-d'oeuvre qualifiée, son système bancaire sûr, son taux d'épargne atteint 16 %. Les banques ont augmenté leurs fonds propres et, dans l'intervalle des deux stress-tests, parmi les plus difficiles,…
…on peut noter une évolution positive.
On peut certes mettre en cause le baromètre mais la réalité est là : nous allons dans la bonne direction même si, naturellement, il convient de demeurer attentifs.
Notre propos est à la fois de réaliser des économies, de soutenir la croissance tout en constatant lucidement la réalité.
Bien sûr, nous rencontrons des difficultés ; naturellement, nous nous interrogeons sur ce qui se passe aux Etats-Unis ; évidemment, nous suivons l'ensemble des indicateurs pas à pas. Et c'est pourquoi nous sommes ici, devant vous, dans un esprit de sincérité, en vue d'adapter nos mesures d'économie à l'évolution de la réalité, qu'il s'agisse de l'impact sur notre pays de la situation aux États-Unis – ou dans le monde entier – ou de l'instabilité de la zone euro. La politique que nous vous proposons est donc cohérente, structurée et calibrée.
J'ai également été surpris par la façon dont François Hollande a évoqué la règle d'or. J'imagine que Valérie Pécresse y reviendra.
Il s'agit, dans un premier temps, pour le Gouvernement et le Parlement, de formuler ensemble une position française dans le but de lui donner le plus de poids face à nos partenaires européens ; il s'agit ensuite de voter des lois de programmation prévoyant un plafond de dépenses et un plancher de recettes devant nous conduire, année après année, à l'équilibre.
Sur le fond, en écoutant l'intervention de François Hollande, je n'ai pas noté de différences avec nos positions. Je constate qu'il est d'accord avec nous sur les principes, qu'il est désormais en phase avec le calendrier gouvernemental, qu'il s'inscrit lui-même dans une logique de programmation des finances publiques visant à atteindre un équilibre qu'il a lui aussi prévu pour la fin du mandat présidentiel 2012-2017, qu'il est favorable à la règle d'or, qu'il remercie Mme Merkel d'avoir, avec le président français, fixé en juillet 2012 ce rendez-vous obligatoire pour l'ensemble des pays européens… Mais cela tout en déclarant : non, pas ici, pas maintenant, pas vous, pas ça. De qui se moque-t-on ? Cette position ne tient pas la route une seconde : vous devez en changer, d'autant que voter le principe de la règle d'or ne vous lie en aucune façon aux résultats du Gouvernement, aux résultats du quinquennat du président Sarkozy ; vous êtes juste liés par votre responsabilité forts de laquelle vous admettez vous-même que, in fine, vous voterez en faveur de cette règle.
Très bien ! Écoutez donc M. le ministre, chers collègues de l'opposition !
Faites donc preuve d'un peu de cohérence, de cohésion, et montrez votre sens de l'intérêt général. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je ne reviendrai pas sur le scénario macroéconomique des finances publiques ; nous pourrons en discuter en d'autres lieux. Simplement, et je laisserai le soin à Valérie Pécresse de développer la position du ministère du budget, je rappellerai que ce plan de 12 milliards d'euros ne revient pas à poser des rustines, mais à aligner notre budget sur l'évolution de la croissance en fonction des indicateurs dont nous disposons. Notre démarche s'inscrit par ailleurs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques prévoyant notamment le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, le gel des dépenses de l'État, le respect de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, le gel des dotations de l'État aux collectivités locales, la suppression, votée l'an dernier, de 11 milliards d'euros de niches sociales.
Le présent plan complète par conséquent un dispositif visant à ajuster notre effort budgétaire à la réalité de l'évolution économique internationale. Il s'agit d'un effort important, puissant, substantiel, qui s'ajoute au programme de 100 milliards d'euros, l'ensemble devant permettre à la France d'atteindre en 2013 l'objectif de 3 % du PIB de déficit budgétaire. J'ai compris que sur ce point également le PS rejoignait in fine le Gouvernement – nouvelle après tout intéressante. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, je remercierai tout d'abord l'ensemble des orateurs. La discussion générale a au moins présenté un mérite, celui de faire ressortir tout ce qui nous sépare.
D'un côté, l'opposition persiste à nier certaines réalités et semble de plus en plus enfermée dans son monde.
J'avoue ne plus parvenir à comprendre comment les candidats à la primaire socialiste peuvent se convertir, l'un après l'autre, à la règle d'or, et dans le même temps refuser de la voter.
M. Hollande nous a appelé à faire preuve de cohérence. Je voudrais bien comprendre quelle est la cohérence d'un parti socialiste qui réclame d'être reçu par le Premier ministre pour pouvoir mieux rejeter ensuite la main qu'il lui a tendue.
Je voudrais comprendre la cohérence d'un parti socialiste qui avance qu'il est trop tard pour voter la règle d'or et que nous aurions dû y procéder en 2007, tout en prétendant qu'il est trop tôt et qu'il la votera en 2012. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Quand il s'agit de l'intérêt général, il n'est jamais trop tôt ni trop tard ; l'intérêt général commande d'agir maintenant, et il faut donc voter la règle d'or. Voilà quelle est la vraie cohérence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
De l'autre côté, nous avons une majorité qui fait preuve d'un remarquable réalisme et de responsabilité, une majorité qui veut agir et que je remercie pour son soutien.
J'aurai un mot tout particulier pour le rapporteur général, Gilles Carrez. Le travail d'amélioration de ce plan anti-déficit, travail que nous avons accompli ensemble dans des délais extrêmement resserrés – ainsi que l'a relevé M. Eckert –, est remarquable.
J'en suis très heureuse car cette collaboration, cette coproduction législative entre le Gouvernement et le Parlement, c'est tout l'esprit de la réforme constitutionnelle. Seulement, pour parvenir à établir un dialogue avec le Parlement, pour améliorer les textes, encore faut-il se montrer créatif, constructif, et pour cela proposer. C'est ce qu'a fait le rapporteur général avec le talent que vous lui connaissez et je l'en remercie très sincèrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'associe à ces remerciements l'ensemble des députés de la majorité parce que,…
…face à une opposition que l'imminence de ses primaires rend visiblement fébrile, elle a su faire preuve d'un grand sens des responsabilités. Les députés de la majorité ont compris qu'il fallait prendre des décisions qui ne pouvaient attendre dès lors que la parole de la France était en jeu ainsi que sa capacité à tenir ses engagements, notamment en matière de réduction des déficits.
Je salue la lucidité d'Hervé Mariton qui a parfaitement montré que la réactivité, aujourd'hui, est un gage à part entière de crédibilité. Elle doit être partagée par le Parlement comme par le Gouvernement.
Je remercie également le président Lequiller qui a remis en perspective les enjeux auxquels tous les pays d'Europe sont confrontés. Comme l'ont montré les rapports du FMI ou les avis de la Commission européenne, notre politique budgétaire est sans doute l'une des plus équilibrées d'Europe.
Nous en sommes à la distribution des bons points, attention à la suite !
Jérôme Chartier l'a souligné, notre plan anti-déficit est équilibré,…
…parce qu'il nous permet de tenir nos engagements tout en préservant la croissance. Notre effort est adapté et proportionné, parce qu'il prend appui sur une stratégie de finances publiques engagée depuis quatre ans.
Ainsi, depuis quatre ans, nous maîtrisons nos dépenses comme jamais cela n'avait été le cas.
Comme l'ont rappelé Yves Censi et François Cornut-Gentille, nous dépensons 16 milliards d'euros de moins chaque année par rapport à 2007. C'est le socle de notre politique et c'est grâce à notre détermination et au soutien de la majorité que nous avons pu la mener sans faiblir depuis 2007 et malgré la crise.
J'ai bien entendu l'appel de Michel Bouvard à persévérer dans les efforts que nous menons sur les dépenses de fonctionnement, l'immobilier et les opérateurs, souhait largement partagé sur ces bancs. Vous pouvez compter sur le Gouvernement et nous aurons l'occasion d'en discuter avec vous, avec Gilles Carrez et avec l'ensemble des députés de la majorité dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.
Serge Grouard a parfaitement démontré que tout l'enjeu, aujourd'hui, revient à baisser les dépenses quotidiennes de l'État au profit de dépenses qui stimulent la croissance et renforcent la compétitivité. Le président Cahuzac a regretté que le présent collectif budgétaire ne prévoie pas de plan d'aide à la croissance. N'oubliez pas les 35 milliards d'euros du plan d'investissement d'avenir, n'oubliez pas le crédit d'impôt recherche, dont le montant a été triplé par ce gouvernement, n'oubliez pas le plan de relance que nous avons mis en place il y a quelques années à peine.
Ce collectif budgétaire n'est pas « hors sol », il s'inscrit dans une stratégie assise sur trois piliers : d'abord le redressement des finances publiques, ensuite l'investissement dans l'université, la recherche et l'innovation comme jamais ce ne fut le cas en France,…
…enfin des réformes structurelles qui augmenteront la croissance.
Vous vouliez connaître, monsieur le président Cahuzac, la direction que nous suivions,…
…la voilà, et le collectif n'est qu'une petite pierre sur ce chemin.
Michel Piron et Robert Lecou ont souligné que la priorité absolue était bien la maîtrise des dépenses mais que nous devions aujourd'hui également redresser les recettes publiques, mises à mal non seulement par la crise, mais aussi par la multiplication des niches fiscales et sociales. Ce sont précisément les deux leviers sur lesquels s'appuie le Gouvernement pour respecter nos engagements de réduction des déficits.
Je ferai remarquer à Nicolas Dupont-Aignan que cette réduction des déficits constitue certes une priorité européenne, et la France honorera ses engagements, mais aussi une priorité de souveraineté nationale : revenir à l'équilibre, c'est préserver notre indépendance, notre avenir et les générations futures en réduisant le fardeau de la dette qui pourrait peser sur elles.
L'intérêt des Français et celui de tous les peuples européens convergent. Yves Bur a rappelé que nous avons une monnaie commune et que nous devons rapprocher nos politiques budgétaires autour de principes communs, le premier d'entre eux étant bien évidemment la règle d'or. Ce leitmotiv est celui de Charles de Courson depuis bien longtemps.
Je ne saurais vous dire combien je regrette les propos contradictoires tenus par l'opposition. Comment, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, pouvez-vous reprocher au Gouvernement de ne pas avoir réduit les dépenses, ce qui est faux, et en même temps vous être opposés systématiquement à toutes les réformes et à toutes les règles de vertu budgétaire que nous avons proposées depuis quatre ans ?
Vous ne pouvez pas critiquer en permanence la révision générale des politiques publiques, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, le gel des dotations des collectivités locales, la réforme des retraites, et en même temps nous reprocher de ne jamais avoir mené ces politiques ; c'est contradictoire. Même dans la critique il faut un peu de cohérence. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Comment M. Hollande peut-il prétendre qu'il y a urgence à agir, ce qui est une évidence, et soutenir que la bonne réponse à la crise serait une grande réforme fiscale, mais sans qu'on sache laquelle ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Ah oui ? Quel en est donc le contenu, quelles en sont les modalités ? Qui va payer ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il ne suffit pas de réclamer, monsieur Eckert, du haut d'une tribune : « réforme fiscale, réforme fiscale, réforme fiscale », pour résoudre les problèmes de la France. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Vos amendements ne sont pas les réponses que notre pays attend et ils ne dessinent en rien une grande réforme fiscale. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Comment M. Hollande peut-il prétendre que nous n'avons pas respecté les règles que nous nous sommes fixées dans la loi de programmation, alors même qu'elles prévoyaient, pour la première fois dans notre histoire récente, un objectif de réduction des niches qui a été entièrement tenu par François Baroin, ministre du budget, en 2010, avec 11 milliards de suppressions, et qui sera très largement dépassé en 2012 ?
Comment pouvez-vous, sur vos bancs, dire que vous partagez l'objectif du Gouvernement de réduire à 3 % le déficit en 2013, et refuser de voter une règle d'or qui obligerait tout simplement à tenir cet engagement – mais peut-être est-ce un problème pour M. Hollande, parce que cela concernerait son éventuel programme présidentiel ? Si vous craignez les règles, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, c'est peut-être parce que vous savez pertinemment que vous ne les respecterez pas.
L'opposition reproche aujourd'hui au Gouvernement d'avoir trop d'imagination. Mais je voudrais répondre à M. Muet une bonne fois pour toutes.
Il cite en permanence un rapport de la Cour des comptes. Alors, parlons de ce fameux rapport.
Il y a aussi ce qu'écrivent vos services, madame la ministre. Il faut les lire !
Que dit-il ? D'abord, que plus de la moitié de ce déficit est hérité du passé.
Et, je le précise immédiatement, d'un passé socialiste. Mais oui !
Entre 2002 et 2007, monsieur Eckert, le déficit structurel de notre pays a baissé. Par contre, entre 1997 et 2002, il a augmenté de 2 points de PIB, alors que la croissance, pendant cette même période, aurait dû vous permettre de vous désendetter. Et qu'avez-vous fait ? Vous avez préféré dilapider les fruits de la croissance et augmenter le déficit structurel.
Nous avons donc hérité d'un déficit structurel supérieur à 4 % du PIB en 2002. Et ce déficit, nous l'avons fait baisser jusqu'en 2007. Ce rapport dit que plus de la moitié du déficit est due au passé. C'est la Cour des comptes qui l'affirme.
La Cour des comptes dit aussi que près de 40 % de notre déficit est dû à la crise économique. Parce que, avec la crise, nos recettes se sont effondrées. Je ne vous en donnerai qu'un seul exemple : l'impôt sur les sociétés. En l'espace d'un an, son produit a baissé de 60 %. Cela fait quand même la bagatelle de 30 milliards d'euros de recettes en moins pour l'État.
Dans le même temps, nous avons évidemment dû agir contre la crise, faire un plan de relance de 46 milliards d'euros. Je vous rappelle qu'à l'époque vous disiez que ce n'était pas assez, vous appeliez à dépenser deux fois plus.
Au total, si l'on suit la Cour des comptes, que vous aimez citer, monsieur Muet, c'est 90 % de notre déficit qui s'expliquait, en 2010, par des circonstances extérieures à la politique de ce gouvernement : la crise et les déficits du passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous êtes ministre : soyez sérieuse ! Ne lancez pas des chiffres en l'air !
La crise, nous l'avons combattue. Les déficits aussi. Et nous les combattons toujours. Le déficit structurel, nous sommes les premiers à nous y être attaqués, depuis 2007, en stabilisant les dépenses de l'État, en baissant les dépenses de fonctionnement, en supprimant 150 000 postes de fonctionnaires, et en supprimant, pour la première fois, les niches fiscales. Parce que, entre 1997 et 2002, vous en avez créé 150, mesdames et messieurs les socialistes. Vous ne pouvez donc pas dire que les niches fiscales, c'est la droite. Les niches fiscales, elles sont très largement partagées.
Messieurs Mallot et Goua, nous assumons parfaitement de ne pas supprimer, aujourd'hui, les exonérations qui soutiennent la croissance et l'emploi. Et c'est le cas, à nos yeux, de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui concernent 9 millions de Français, pour un montant moyen de 500 euros par an et un revenu de 1 500 euros en moyenne.
Monsieur Brard, monsieur de Rugy, il en va de même des idées que vous avez avancées. Ce n'est pas en cassant l'investissement des entreprises que l'on crée de l'emploi, bien au contraire.
Madame Guigou, je ne peux pas croire que l'ancienne garde des sceaux ignore tout de la hiérarchie des normes. Les engagements européens ont valeur conventionnelle, ils n'ont pas valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel ne peut pas vérifier la conformité des lois de finances à des engagements qui sont purement conventionnels. C'est tout l'intérêt de voter, demain, la règle d'or. Car si vous la votez demain, le Conseil constitutionnel en sera le gardien. Et cela fera, évidemment, toute la différence.
Non, Jean-Louis Debré ne veut pas, et il a raison. C'est un démocrate, lui !
Enfin, je voudrais dire au président Cahuzac que le texte qui a été voté par les deux assemblées sur la règle d'or est plus contraignant que la règle d'or allemande. Car les Allemands ont certes inscrit un chiffre dans leur Constitution, mais c'est un chiffre de déficit structurel. Et vous savez que cela peut donner lieu à tous les contournements. Notre règle, qui devrait être aussi la vôtre, est beaucoup plus simple et beaucoup plus claire. Il s'agit de dire ce que l'on va faire, comment on va le faire, et quand on va le faire. On dit ce qu'on fait, on fait ce qu'on dit.
S'obliger à tenir chaque année cet engagement, cela nous changerait. Monsieur Brard, à l'avenir, et compte tenu de votre bilan, ce serait une bonne chose que vous soyez au rendez-vous de la règle d'or.
Mais de toutes les façons, je vous l'ai déjà dit, dire ce qu'on fait et faire ce qu'on dit, c'est l'antienne du Gouvernement. Et la règle d'or, nous nous l'appliquons déjà. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle maintenant les articles de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
Je suis saisie d'un amendement n° 143 portant article additionnel avant l'article 1er A.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Je défendrai cet amendement après toutes les horreurs que nous venons d'entendre, énoncées sur le ton de l'évidence. C'est invraisemblable ! Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous invite à venir dans ma bonne ville de Montreuil. D'abord, vous pourrez visiter le parc d'attractions dont j'ai parlé cet après-midi. Mais je vous invite surtout à venir sur le marché. Et vous allez voir ce que vont vous dire les Montreuillois. Dimanche dernier, sur le marché de la Croix de Chavaux, une dame m'a interpellée : elle avait une retraite de 430 euros. Vous savez ce que cela veut dire ? Tout ce galimatias que vous nous servez à la tribune, ça sert à meubler. Mais où est le réel, là-dedans ? Vous n'y faites pas du tout écho.
J'en viens à mon amendement. Vous savez bien, madame la présidente, vous qui êtes une femme d'expérience, raffinée, que l'on apprécie les hommes et les femmes politiques non pas à ce qu'ils racontent, surtout quand ils sont à une tribune, mais à ce qu'ils font. Et donc, il faut les juger aux actes. Eh bien, nous vous donnons la possibilité de « déguster le pudding », comme disait Marx, et de nous convaincre ainsi que vous avez compris ce que nous vous disons, et surtout que vous « faites ce que vous dites », comme vous venez de l'affirmer.
Ah, c'est confus, monsieur Bur ? Évidemment, je n'ai pas la rigueur alsacienne.
J'y reviens. Mais je suis interrompu, reconnaissez-le.
Cet amendement a pour but d'interdire aux foyers fiscaux et aux personnes physiques dont le revenu net global excède 1,3 million d'euros – c'est-à-dire à des gens que vous fréquentez plus que moi, madame la ministre… –
En effet, monsieur Goasguen, Mme la ministre n'est pas seule à les fréquenter. Vous aussi, c'est vrai.
Cet amendement, disais-je, a pour but d'interdire à ces gens de prétendre au bénéfice des exonérations fiscales ou crédits d'impôt prévus par le code général des impôts.
Madame la ministre, en fixant à 1,3 million d'euros le seuil de l'assujettissement à l'ISF, vous avez fait aux nantis un cadeau de 2 milliards d'euros. Aujourd'hui, vous nous soumettez un projet de loi de rigueur qui frappe nos concitoyens les plus modestes. Et cela, nous n'en voulons pas.
Cet amendement est un amendement de bon sens. Il applique à la lettre l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Soyez fidèle à nos valeurs et à l'esprit de la Révolution.
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 143 .
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Défavorable.
Vous voyez, madame la présidente, il y a quand même un problème dans cet hémicycle, c'est la conception que le Gouvernement et sa majorité se font du débat. On nous prend pour des ânes. On ne sait dire qu'un mot : « défavorable ». Madame la ministre, vous avez dit qu'il fallait démontrer par les actes. Nous vous faisons une proposition très concrète, et qui est, en plus, une application de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il y a des gens qui nous regardent sur internet, qui échangent leurs avis sur ce que les uns et les autres disent et font. Et, pour un député, faire, c'est voter, se prononcer sur des propositions.
Je vois avec satisfaction, madame la ministre, que vous venez à résipiscence, et que vous avez envie de dire quelque chose.
Je complèterai ma réponse, parce qu'il s'agit de M. Brard et parce que nous sommes en début de soirée, mais aussi pour le débat et pour les partis minoritaires.
Nous avons désormais un plafonnement des niches fiscales qui répond totalement à votre amendement. Je crois qu'il est déjà quasiment satisfait.
(L'amendement n° 143 n'est pas adopté.)
En écoutant Mme Pécresse, je me demandais de quel collectif budgétaire nous discutions. Est-ce bien de ce collectif budgétaire qui augmente de 3,4 milliards le déficit de l'année 2011, et de 4 milliards par rapport à la loi de finances initiale ?
Vous parlez continuellement d'un objectif de déficit intangible, et vous ajoutez, en 2011, 4 milliards de déficit au budget de l'État, dont 3,4 milliards avec ce collectif.
J'en viens à mon amendement. Il vise à supprimer ce qui est à la fois une hérésie économique et une arme de destruction massive de l'emploi, je veux parler de la subvention aux heures supplémentaires. Pendant la crise, l'Allemagne dépensait 5 milliards pour réduire le temps de travail ou appliquer ce que l'on appelle le Kurzarbeit, qui correspond à du chômage partiel, grâce à quoi elle a réussi à réduire son chômage. Elle avait le même taux de chômage que nous avant la crise : 7,5 %. Elle est aujourd'hui à 6 %.
La France, elle, s'est permis cette absurdité consistant à subventionner des heures supplémentaires, avec un résultat que l'on peut lire dans les chiffres : le taux de chômage, en données harmonisées, est aujourd'hui très proche de 10 %.
Nous disons qu'il faut supprimer ce dispositif, qui est absurde dans la conjoncture actuelle. Il faut le remplacer, puisqu'il coûte 4,5 milliards, par une action forte en faveur des jeunes, par exemple la création de 300 000 emplois pour les jeunes. Cela représente 3 milliards. Et l'on peut compenser la perte de revenu, madame Pécresse, avec deux mesures : une augmentation de 40 % de la prime pour l'emploi – 1 milliard – et une augmentation du coût des heures supplémentaires pour les entreprises. L'effet sera totalement bénéfique pour notre économie : créations d'emplois, plus de croissance, plus de revenu, et plus de pouvoir d'achat.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l'amendement n° 70 .
Cet amendement est identique, et sa vocation est exactement la même.
Madame Pécresse, vous avez cité mon nom tout à l'heure en disant que vous me répondiez, mais votre fiche ne correspondait pas du tout à ce que j'avais dit. Peu importe.
Le coeur du problème, vous le savez bien, c'est que ce sont vos mesures successives, depuis quatre ans et demi, qui ont creusé les deux tiers ou les trois quarts du déficit. Ce n'est pas la crise, ce sont les mesures que vous avez prises. Et parmi celles-ci, il y a les heures supplémentaires défiscalisées et exonérées de cotisations, mesure dont le coût est compensé par le budget de l'État. Notre collègue Pierre-Alain Muet vient de rappeler que ce coût s'élève à 4,5 milliards d'euros. C'est énorme, au regard de l'intérêt de la mesure.
En effet, de deux choses l'une.
Soit les entreprises auraient vraiment besoin de faire faire des heures supplémentaires à leurs salariés, parce qu'il y aurait une forme de suractivité, par exemple de nouvelles commandes auxquelles il faudrait faire face très rapidement. Dans ce cas, il n'est nullement besoin de les défiscaliser ou de les exonérer de cotisations. Les entreprises y auraient intérêt naturellement.
Soit nous sommes dans une période de sous-emploi au cours de laquelle le chômage se développe, et c'est malheureusement le cas depuis quatre ans, et plus encore depuis la crise ; et dans ce cas il est totalement absurde de subventionner une mesure qui empêche les créations d'emplois. Je n'irai pas, comme mon collègue, jusqu'à la qualifier de mesure de destruction massive, mais elle empêche les créations d'emplois, c'est évident.
Pour finir, je souhaite faire une remarque plus générale. Vous savez très bien que lorsque cette mesure a été prise en 2007, vous étiez alors membre du Gouvernement, à un autre poste elle nous avait été vantée par Mme Lagarde et M. Woerth comme l'application du « travailler plus pour gagner plus », à défaut de supprimer les 35 heures.
Vous subventionnez cette politique, alors que vous dénonciez le fait que nous subventionnions les 35 heures.
La réalité est que si les 35 heures étaient si impopulaires que cela, si mauvaises pour l'économie, les salariés et les entreprises, vous les auriez supprimées.
Cela fait plus de neuf ans que vous êtes au pouvoir, et que vous avez la majorité à l'Assemblée et au Sénat, vous auriez pu faire passer la durée légale du travail à 39 heures. Les heures supplémentaires se déclencheraient après 39 heures, et non 35 heures. Vous ne l'avez pas fait, mais vous avez décidé cette mesure, qui coûte 4,5 milliards. Nous vous proposons de la supprimer et de contribuer ainsi à réduire les déficits budgétaires.
général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Je rappelle à M. Muet que 90 % de ces exonérations liées aux heures supplémentaires bénéficient aux salariés. Ce sont des exonérations de CSG et d'impôt sur le revenu. Qui sont les salariés qui font des heures supplémentaires ? Ce sont les salariés modestes, et en particulier les ouvriers. Il est donc hors de question de remettre en cause leur pouvoir d'achat en supprimant ces exonérations.
Monsieur Muet, en 2002, vous étiez conseiller du Premier ministre, une des causes de votre défaite cuisante à l'époque est que vous vous êtes aliéné le soutien des ouvriers, car à cause des 35 heures, ils ne pouvaient plus faire d'heures supplémentaires. Ils ont donc subi une baisse de pouvoir d'achat : ne vous étonnez pas qu'ils aient voté contre vous aux élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. de Rugy m'accuse de ne pas avoir répondu à sa question. Pour ma part, quand j'entends M. Muet, je me demande s'il m'a vraiment écoutée ce soir. Vous dites que je présente un collectif qui creusera le déficit de 3,4 milliards de plus, mais je vous ai répété toute la soirée qu'il ne s'agissait que d'un collectif, et que nous attendions pour la fin de l'année le surplus de recettes qui nous permettra de tenir l'objectif de 5,7 %. Rendez-vous en décembre, Monsieur Muet !
Nous reconnaissons, à mesure que l'information nous parvient, le montant des recettes.
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : le déficit à 5,7 % du PIB sera tenu pour 2011, et c'est pour cela que nous vous proposons une série de recettes supplémentaires.
Sur la question des heures supplémentaires, je ferai évidemment écho aux propos du rapporteur général, le succès de cette mesure ne se dément pas : 9,5 millions de Français utilisent ce dispositif pour un montant de 500 euros par an d'heures supplémentaires.
Vous devriez distribuer des billets de 500 euros à la sortie du métro, cela irait plus vite !
Monsieur Mallot, je n'accepte pas que vous dévalorisiez ainsi le travail de salariés qui gagnent 1 500 euros par mois en moyenne. Je ne crois pas que ce soit à la hauteur du débat que nous avons aujourd'hui !
Monsieur Muet, monsieur de Rugy, vous ne pouvez pas nous demander de soutenir le pouvoir d'achat et la consommation des ménages et vouloir supprimer cette mesure qui bénéficie aux salariés qui veulent travailler plus.
M. le rapporteur général s'est laissé aller à la facilité, ce qui n'est pas dans ses habitudes. Il nous a dit que nous avions perdu les élections à cause des 35 heures : nous analyserons les résultats des prochaines élections et nous verrons bien, mais il convient d'être prudent en la matière.
Surtout, monsieur Carrez, vous savez bien que les exonérations de cotisations ne profitent pas aux salariés. Cela ne fait pas un centime d'euro de plus sur la fiche de paye, c'est de la défiscalisation. Et la défiscalisation est une toute petite part du coût.
La ministre nous a donné un chiffre très intéressant : 500 euros par an en moyenne. Une simple règle de trois nous donne à peine plus de 40 euros par mois en moyenne. J'espère que vous nous direz tout à l'heure, s'agissant des différentes taxes que vous, et M. Woerth avant vous, avez créées sur les mutuelles, combien vous avez pris dans la poche des Français. Combien allez-vous leur prendre en doublant cette taxe de 3,5 % à 7 % ? Monsieur Carrez, allez-vous nous donner les chiffres, car je pense que cela fera nettement plus de 40 euros par mois en moins dans la poche de l'ensemble des salariés ou des retraités de ce pays, et vos petites mesurettes qui coûtent 4,5 milliards au budget de la nation ne pèseront pas lourd pour compenser ce que vous aurez pris.
J'invite le rapporteur général à lire attentivement l'amendement que nous proposons. En termes de pouvoir d'achat, il est totalement compensé.
Et puisque M. Carrez fait toujours allusion à la période 1997-2002, je rappelle que la hausse annuelle du pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages a été tous les ans comprise entre 3,2 % et 3,4 %. Dites-moi quand un gouvernement de droite, depuis trente ans, a réussi à faire augmenter le pouvoir d'achat des ménages de plus de 3 % ? Jamais ! Je pense que vous devriez regarder les chiffres avant de parler de ces sujets.
Un dernier mot : qui a bénéficié de la défiscalisation des heures supplémentaires ? Les ménages modestes ? Si vous voulez aider les ménages modestes, faites comme nous le proposons : augmentez la prime pour l'emploi. Vous ne l'avez jamais augmentée depuis quatre ans.
Je suis étonné que, sur ces questions, qui sont de vraies questions de politique économique, vous ne fassiez pas preuve de plus de pragmatisme.
Il y a des périodes durant lesquelles on peut subventionner les heures supplémentaires. Lorsqu'une économie est en plein-emploi, comme la France des années cinquante qui comptait 250 000 chômeurs, peut-être que cette mesure aurait pu être pertinente. Mais quand on connaît un chômage massif, c'est une hérésie économique, c'est une aberration !
Réduire ou augmenter le temps de travail n'est pas une question idéologique. Savez-vous que la durée du travail en Allemagne est de trente-cinq heures et demie ? Chez nous, elle est en moyenne de trente-huit heures. Vous voyez bien que la différence entre l'Allemagne et la France, dans cette crise, c'est que l'Allemagne aborde les problèmes de façon pragmatique là où vous faites de l'idéologie, et l'idéologie conduit à des catastrophes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(Les amendements nos 109 et 70 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 138 .
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
Je sais que je n'aurai pas de réponse du Gouvernement, puisque je ne m'appelle pasJean-Pierre Brard, mais je tente tout de même ma chance !
Les articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce organisent les règles de dévolution de certains revenus aux dirigeants d'entreprise des sociétés dont les titres sont cotés. Sont ainsi visés les engagements pris au bénéfice de ceux-ci correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions.
Le dispositif que nous proposons dans le présent amendement vise à soumettre la fraction des revenus correspondant à ces éléments de rémunération dont le montant annuel excède le montant annuel du salaire minimal interprofessionnel de croissance à une taxation au titre de l'impôt sur le revenu au taux de 95 %, sauf signature d'un accord spécifique conclu dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire.
Cette taxation concernerait les parachutes dorés et autres indemnités de départ, les indemnités versées à raison d'une clause de non-concurrence, les retraites supplémentaires à prestations définies.
En 2009, François Fillon, Premier ministre, annonçait son souhait de taxer les retraites chapeau de manière confiscatoire de façon à les rendre les moins attractives possible. Le taux de 95 % que nous proposons répond à cette ambition, et nous ne doutons pas que la majorité aura à coeur d'adopter notre amendement qui correspond à un voeu du Premier ministre.
La commission a repoussé cet amendement, je rappelle à M. Sandrier que nous avons fortement augmenté le forfait social. Par ailleurs, il y a deux ans, sur la base d'un amendement de notre collègue Michel Bouvard, nous avons limité la déductibilité des parachutes dorés à six fois le plafond de la sécurité sociale. J'en profite pour demander au Gouvernement quand le décret d'application de cette mesure va sortir.
Monsieur Sandrier, je ne peux pas vous laisser sans réponse. Le Gouvernement a souhaité moraliser cette pratique depuis le début, et dès la loi TEPA nous avons voulu que les parachutes dorés récompensent la performance réelle des dirigeants, et ne soient pas attribués de manière arbitraire. Nous avons ensuite taxé ces parachutes, nous les avons encadrés, et je rendrais compte au rapporteur d'ici demain de l'avancement des mesures d'application de ces textes très importants votés par l'Assemblée nationale.
(L'amendement n° 138 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 145 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Madame la ministre, vous avez bien fait d'ouvrir le dialogue, parce que je viens de recevoir un message m'informant que, déjà, il y a des réactions sur internet. Ainsi, vous êtes un peu ici comme sur la place Tahrir, vous alimentez le dialogue, et il est dommage que nos collègues de l'UMP n'y participent pas également.
Vous avez dit beaucoup de choses importantes cet après-midi, et je vais les égrener au fil du débat. Vous avez dit en particulier que chacun prendra une part équitable à l'effort demandé. Je suis étonné, car cela est très éloigné de ce que je vois dans ma circonscription.
Cet amendement est très simple : nous proposons de relever le taux de la plus haute tranche de l'impôt sur le revenu en le portant de 41 % à 45 %, et de créer une tranche supplémentaire pour la fraction supérieure à 150 000 euros, à laquelle nous proposons d'appliquer un taux marginal de 50 %.
Certains d'entre vous, horrifiés, trouveront ce taux excessif ! Mais laissez-moi vous donner quelques exemples. Chez nous, le taux marginal supérieur était de 54 % de 1945 à 1995.
Madame Pécresse, vous qui êtes une femme cultivée, qui savez beaucoup de choses, vous aimez les comparaisons internationales. Thomas Piketty a rappelé qu'en 1932, lorsque Roosevelt est arrivé au pouvoir, le taux marginal de l'impôt fédéral fut immédiatement porté à 63 %, puis à 79 % en 1936, et à 91 % en 1941, niveau qui s'appliqua jusqu'en 1964, avant d'être réduit à 77 %, puis 70 % en 1970. Pendant près de cinquante ans, des années trente jusqu'en 1980, jamais le taux supérieur ne descendit en dessous de 70 %.
Dans ces circonstances exceptionnelles, nous proposons de faire contribuer ceux qui peuvent, non pas avec les pièces jaunes ou des boutons de culotte, comme dans votre affaire de 200 millions, mais avec une vraie contribution en révisant le taux de l'impôt.
Avis défavorable pour une raison de principe : l'amendement que nous propose notre collègue est rétroactif, il s'appliquerait aux revenus de 2010. Je crois que nous devons défendre avec beaucoup d'énergie le principe de non-rétroactivité de la fiscalité.
Avis défavorable sur le fond, mais également sur le principe. Nous examinons aujourd'hui un collectif, nous n'examinerons pas une mesure qui sera présentée par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances et consiste en une contribution exceptionnelle de solidarité des très hauts revenus à la réduction des déficits. Ce débat sera important pour la majorité comme pour l'opposition, mais il aura lieu dans quelques semaines.
Le collectif budgétaire que nous examinons doit être adopté dans des délais très courts, le plan de sauvetage de la Grèce nécessite une adoption rapide.
Nous avons une obligation de sincérité, qui nous contraint à rectifier notre trajectoire de finances publiques en même temps que nous adoptons le plan de sauvetage de la Grèce.
Nous souhaitons un vote conforme au Sénat. Je ne pense pas que nous puissions ouvrir la question de la contribution des très hauts revenus ce soir dans cet hémicycle. Le Gouvernement donnera un avis défavorable sur tous les amendements qui porteront sur la modification de l'impôt sur le revenu. Il renvoie au projet de loi de finances pour en débattre.
Madame la ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'attention vos propos. Selon vous, le fait d'être pressé empêche l'adoption d'un tel amendement. C'est un sophisme, comme on dit en philosophie, parce que, évidemment, cet argument ne tient pas debout.
En revanche, vous avez indiqué que nous aurons une discussion très importante, qui va permettre de mettre à contribution les hauts revenus.
Permettez-moi de formuler un voeu. Malgré les années qui passent, je reste naïf et plein d'espoir. Puisque nous aurons une discussion très importante, je souhaite que le taux de l'impôt que vous appliquerez soit aussi important que la discussion que vous prévoyez.
Un point important vient d'être soulevé et nous allons devoir en reparler. Il s'agit de la question de la rétroactivité.
M. le rapporteur général nous a indiqué qu'il n'était pas question de prendre des mesures rétroactives. Je précise néanmoins que vous mettez en place dès aujourd'hui une taxe sur les mutuelles de santé ; je ne sais si elle est rétroactive ou non, mais elle sera en vigueur immédiatement. Je ne sais pas trop comment les sociétés mutualistes, dont les budgets annuels ont été bouclés, vont pouvoir gérer cela.
Vous mettez certaines choses en oeuvre dès aujourd'hui. La mesure sur les plus-values, dont nous reparlerons, pourrait aussi être qualifiée de rétroactive, puisqu'elle concernera des biens déjà acquis, dont les ventes sont plus ou moins prévues. En revanche, vous ne souhaitez pas instituer dès maintenant la contribution sur les hauts revenus parce que ce serait rétroactif. Compte tenu de la situation dans laquelle nous sommes, il serait bon que ce point soit clarifié car il ne prend pas toujours dans vos discours le même sens, suivant le sujet que l'on traite.
(L'amendement n° 145 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 132 .
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
L'amendement concerne les niches fiscales, qui représentent une masse financière de plus de 75 milliards d'euros, somme sur laquelle les mesures de plafonnement adoptées par la majorité n'ont jusqu'ici permis qu'une réduction de quelques centaines de millions d'euros.
Il s'agissait essentiellement de permettre aux plus privilégiés, à une poignée de grandes entreprises, de continuer à bénéficier des niches fiscales au prix d'un très léger sacrifice, en s'exonérant de toute participation à l'effort de solidarité nationale.
Cet après-midi, le rapporteur général nous a expliqué qu'il fallait raboter, mais pas trop, parce que les niches avaient été créées car les prélèvements obligatoires des entreprises étaient trop lourds. Il nous a rappelé en même temps quels étaient ces prélèvements obligatoires. Lorsque l'on sait que le taux facial de l'impôt sur les sociétés est à 33 %, que les grandes entreprises classées comme telles par une étude récente s'en acquittaient à hauteur de 19 % et celles du CAC 40, encore plus importantes, ne le payaient qu'à 8 %, on voit qu'apparemment certains bénéficient tranquillement d'un certain nombre de niches et que les prélèvements obligatoires ne sont pas trop pesants.
Une étude de l'OCDE portant sur les vingt dernières années indique que les salaires ont augmenté au cours de cette période de 81 %, alors que les dividendes ont augmenté de 355 %. Apparemment, des prélèvements existent et ils sont importants ; il faudrait les taxer et supprimer en tout cas quelques niches trop fortes aujourd'hui.
La commission n'a pas retenu cet amendement.
Le plafonnement global a été introduit par un amendement adopté à l'unanimité, il y a trois ans, par la commission des finances. Nous avons mis dans la boîte à outils de la régulation fiscale un instrument très puissant. Nous l'avions fixé à l'époque à 24 000 euros plus 10 % du revenu imposable. Il a été progressivement abaissé. Il est aujourd'hui à 18 000 euros plus 6 % du revenu imposable. Il permet de limiter la défiscalisation de façon extrêmement importante.
Lors de contrôles sur place et sur pièces que nous avons réalisés il y a trois ans, nous avons constaté que des centaines, sinon des millions d'euros de revenus pouvaient échapper en totalité à l'impôt sur le revenu par des défiscalisations massives sur des niches fiscales qui n'étaient pas plafonnées à l'époque, notamment les niches outre-mer. Nous avons mis un terme à tout cela. Nous avons plafonné les niches particulières qui ne l'étaient pas et nous avons de surcroît créé ce chapeau général qui fait qu'aujourd'hui un contribuable aisé ne peut défiscaliser que dans des limites strictes.
Même avis que la commission des finances. Le plafonnement des niches a été durci constamment depuis trois ans.
Il n'est plus possible aujourd'hui de défiscaliser massivement et de manière totalement dérogatoire, comme on pouvait le faire avant que nous ne votions ce dispositif de plafonnement. Le débat sur un éventuel durcissement du plafonnement ne peut pas être séparé de celui sur la contribution exceptionnelle qui aura lieu lors de la discussion de la loi de finances.
Le vrai débat concerne moins le plafond actuel et son abaissement que le nombre de niches qui sont sous ce plafond. Il n'y a que 22 niches sous le plafond parmi les quelque 360 niches de l'impôt sur le revenu ; cela dépend de la manière dont l'on compte.
Il serait plus intéressant de déposer des amendements pour élargir le nombre de niches sous le plafond. Sinon, que feront les ménages les plus aisés ? Au lieu d'investir dans ces niches, une fois qu'ils ont atteint le plafond, ils changent de niche pour choisir des niches hors plafond.
Ce serait plutôt dans cette direction qu'il faudrait agir.
(L'amendement n° 132 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 33 .
La parole est à M. Alain Joyandet.
Madame la ministre, le soutien de votre majorité n'exclut pas un peu de sincérité.
Je parle pour moi et pour les trente-deux collègues qui ont cosigné cet amendement. À cette heure tardive et sur un tel sujet, on peut faire preuve d'un peu d'humour.
Je ne peux pas ne pas défendre cet amendement – je vais en effet rejoindre quelques propos tenus sur les bancs de l'opposition – qui consiste à faire en sorte que l'imposition des hauts revenus prenne effet non pas l'année prochaine, mais dès cette année.
Je parle de sincérité car Mme la ministre a indiqué tout à l'heure s'être mise d'accord avec la majorité ; tout cela a été très vite.
En ce qui concerne cette contribution, le Conseil constitutionnel est clair, nous avons la possibilité de l'instituer sur les revenus de 2010. Qu'on ne vienne pas me parler de rétroactivité interdite, car nous verrons dans les amendements que nous étudierons qu'un certain nombre d'entre eux sont très clairement assis, et très largement, sur les revenus de 2010, pour l'impôt sur les sociétés.
Nous sommes en train de mettre en émoi le milieu de l'hôtellerie, un certain nombre de nos collègues ne sont pas sur la même longueur d'onde que le Gouvernement. Cette mesure aurait l'avantage, si elle était prise, de compenser la disparition de l'augmentation du taux de TVA sur les parcs d'attraction, voire plus.
J'ai compris que les contribuables concernés par cette taxe supplémentaire ont signé une tribune pour indiquer qu'ils étaient prêts à payer car ils trouvaient qu'ils ne payaient pas assez. Si on peut le faire dès cette année, pourquoi s'en priver ?
Je me suis permis de défendre cet amendement cosigné par trente-deux collègues UMP, alors que vous avez déjà dit que tout ce qui serait rétroactif recevrait un avis défavorable du Gouvernement. Mais on peut encore changer sur une petite partie de la loi de finances rectificative, cesser de mettre en émoi le milieu de l'hôtellerie et donner satisfaction aux hauts revenus qui souhaitent être taxés plus fort et plus vite.
La commission n'a pas retenu cet amendement. Mais, monsieur Joyandet, sur le fond, votre approche qui consiste à asseoir une contribution exceptionnelle sur le revenu fiscal de référence est bonne.
En effet, le revenu fiscal de référence comprend la totalité des revenus, pas seulement les éléments de rémunération, mais l'ensemble des revenus du patrimoine, et en particulier les plus-values. Il suffit d'étudier l'évolution de la composante des revenus, au fur et à mesure de leur augmentation. Pour les revenus les plus élevés, la part de rémunération liée au travail est marginale, l'essentiel est lié au capital. L'intérêt de la démarche des collègues cosignataires de l'amendement défendu par M. Joyandet est qu'on traite sur un pied d'égalité les revenus du travail et ceux du capital, en les taxant de la même manière. Tandis que l'approche qui passe par la création d'une tranche supplémentaire au barème de l'impôt sur le revenu a l'inconvénient de laisser subsister le prélèvement forfaitaire libératoire sur les revenus du capital qui est à un taux très inférieur à la tranche marginale de 41 %, puisqu'il se situe aux alentours de 19 %.
Je souscris donc totalement à l'approche de l'amendement n° 33 . Mais je pense que nous devrons avoir ce débat dans le cadre de la loi de finances pour 2012. En effet, ce qui me gêne, c'est l'aspect rétroactif, car l'on va rechercher les revenus de 2010.
Nous aurons ce débat ultérieurement et je vous soutiendrai, monsieur Joyandet.
Je partage totalement l'avis de la commission, car le Gouvernement a adopté la même conception que M. Joyandet dans son amendement.
Nous souhaitons prendre en compte le revenu fiscal de référence des contribuables pour asseoir une taxe qui permettrait de réduire les déficits et qui taxerait les plus hauts revenus.
Nous sommes d'accord sur cet amendement, mais non sur sa date d'application, car il y aurait rétroactivité et il s'appliquerait aux revenus de l'année dernière.
Nous aurons ce débat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012. Je souhaite qu'il puisse porter sur le seuil et le taux. Vous avez tous déposé des amendements en ce sens.
Je ferai deux remarques.
Premièrement, plusieurs personnes l'ont dit, taxer en septembre 2011 les revenus de 2010, alors que les gens ont déjà fait leur déclaration de revenus et que nous avons voté, ce n'est pas très raisonnable du point de vue de la stabilité fiscale.
Deuxièmement, sur le fond, nous sommes assez proches, compte tenu de deux aménagements, sur lesquels nous reviendrons. Mes chers collègues, 500 000 euros par part, qui gagne cette somme en France ? Ils sont environ 3 000 pour les plus pessimistes et 10 000 pour les plus optimistes. Prenons un chiffre moyen de 5 000 ou 6 000. Tandis qu'il y a environ 30 millions de familles au sens fiscal du terme. Ce chiffre, c'est vraiment trois caramels mous.
Ce sont les super super riches.
Dernier point sur la réflexion de notre rapporteur général.
On peut obtenir le même résultat si l'on majore du même nombre de points le prélèvement forfaitaire, car il ne faut pas dire que les revenus du capital sont imposés au taux forfaitaire, il n'y a qu'une partie de ceux-ci : les dividendes, les plus-values immobilières, les plus-values foncières. Nous reprendrons ce débat tout à l'heure. Tous les autres revenus du patrimoine sont dans le barème.
Trois caramels mous, dites-vous, mon cher collègue, mais trois caramels mous à 300 millions d'euros si je comprends bien l'exposé des motifs de l'amendement de notre collègue Alain Joyandet. Vous vous asseyez un peu rapidement sur 300 millions d'euros alors que vous dites vous-même que cela représente un pourcentage infime de contribuables. Or l'on peut considérer qu'à partir de 500 000 euros de revenu par part, c'est plutôt confortable.
Avec votre discours sur la non-rétroactivité, c'est un an de gagné – comme pour le bouclier fiscal et son application à l'ISF – pour un très petit nombre de contribuables, tout le monde le dit, mais pour un montant de 300 millions d'euros. C'est tout de même un peu fort de café.
M. de Courson vient de dire que seuls 10 000 contribuables seraient concernés. Je vous fais remarquer que cela ne vous gêne pas de faire certains textes : le bénéfice mondial consolidé, par exemple ne concerne que quatre grands groupes. Avec 10 000 contribuables, la rentabilité est meilleure et l'assiette est nettement plus large. Or notre collègue prétend que cela n'est pas raisonnable. La situation exige des actes de solidarité financés par ceux qui peuvent y contribuer. Comme le disait fort justement notre collègue Alain Joyandet avec un solide bon sens de terroir, si on peut le faire maintenant, pourquoi s'en priver ? Il a tout à fait raison.
Mme la ministre veut prendre du temps pour cette discussion. Il me semble que, pour les mutuelles, vous n'en prenez pas autant.
Je suis saisie d'un amendement n° 108 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Depuis 2008, le barème de la prime pour l'emploi est gelé. Cela signifie que le salaire de référence pour en bénéficier ne progresse plus.
Alors que 9,1 millions de foyers bénéficiaient de la PPE en 2005, ils n'étaient plus que 7,7 millions en 2010. De même, le montant moyen de PPE s'élevait à 502 euros en 2008 et à 470 euros en 2010. Nous souhaitons revaloriser ce barème car la PPE est un outil de soutien à l'emploi et au pouvoir d'achat des faibles revenus.
J'en profite pour signaler à notre assemblée un point qui m'avait échappé et qui m'a été signalé, mais vous me contredirez peut-être, madame la ministre. De nombreuses personnes qui auraient pu bénéficier de la prime pour l'emploi n'en bénéficient plus car le montant perçu au titre du RSA est déduit du montant possible de la prime pour l'emploi. Nous avons approuvé le RSA dans son principe, même si nous avons contesté un certain nombre de dispositions, notamment concernant les recettes. Cela étant, sa mise en oeuvre implique qu'un certain nombre de personnes percevant de faibles salaires ne bénéficient plus de la prime pour l'emploi, ce qui est pour le moins choquant.
La commission n'a pas retenu cet amendement, monsieur Eckert, car le RSA a pris le relais de la PPE. Le RSA se substitue à la prime pour l'emploi et présente un énorme avantage. La prime pour l'emploi, accrochée à l'impôt sur le revenu, était versée avec un an de décalage. Dans le cas du salarié modeste que vous évoquez, le RSA lui est versé immédiatement.
Même avis que la commission. Le RSA est un outil beaucoup plus puissant en faveur du retour à l'emploi et à l'activité, dans la mesure où il est mensualisé. Il permet une véritable incitation au retour à l'emploi, contrairement à la prime pour l'emploi dont le principal défaut était d'être en décalage d'un an avec le moment où l'on touchait le revenu.
Cela fait des années que l'on discute de la PPE et des différents dispositifs d'incitation au travail des travailleurs pauvres. À la commission des finances, tout le monde convient qu'il faudrait fusionner ces deux dispositifs.
Pourquoi ? Notre collègue Eckert vient de dire que la PPE est un outil de soutien à l'emploi et au pouvoir d'achat des faibles revenus. Non, il n'est pas un soutien à l'emploi. Comme l'a évoqué notre rapporteur, entre le moment où vous faites un effort et où vous augmentez vos revenus d'activité, et celui où vous allez les toucher, il peut s'écouler dix-huit mois. C'est totalement incompréhensible pour les bénéficiaires.
À la commission des finances, nous pensons – et un certain nombre de nos collègues de gauche sont de cet avis – qu'il faut rassembler ces deux dispositifs dans un dispositif de type RSA. Nous devons améliorer le RSA et supprimer la PPE.
Quant au second volet, on peut dire que la PPE est un mécanisme de soutien au pouvoir d'achat, mais difficilement compréhensible, et très décalé dans le temps. Nous devrions avoir le courage de supprimer la PPE et de redéployer ses moyens vers les systèmes d'incitation au travail des travailleurs pauvres et de récompense des travailleurs pauvres.
Nous pourrions par exemple, en utiliser une partie pour améliorer le statut des apprentis, car il existe un réel problème d'attractivité de l'apprentissage dans notre pays. Cela serait beaucoup plus efficace et beaucoup plus juste.
(L'amendement n° 108 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Ces quatre amendements ont pour objet, une nouvelle fois, de rappeler les positions des centristes sur la nécessité, dans cette période de très grande difficulté, de faire participer les contribuables les plus fortunés à l'effort de solidarité.
Comment définir les revenus les plus élevés ? Nous le disons depuis des mois, il faut un taux du même ordre que celui de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu allemand, c'est-à-dire 45 % alors que nous en sommes à 41 % actuellement en France. Le niveau de revenu de 500 000 euros par part est beaucoup trop élevé, je l'ai dit tout à l'heure, car cela ne concerne qu'entre 3 000 et 10 000 personnes, disons 5 000 à 6 000 personnes. Nous proposons 150 000 euros par part, c'est-à-dire le montant, en droit français, correspondant aux 250 000 euros allemands de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu.
Dans le cadre de la convergence franco-allemande dont nous avons beaucoup parlé lors de la réforme de la fiscalité du patrimoine, cela nous semble plus cohérent. Il faut également que le système soit permanent. Si nous revenons à l'équilibre – ce que tous les gens sérieux souhaitent – de nos finances publiques, il sera bien temps de voir quels impôts il conviendrait de baisser. Nous verrons cela dans cinq, six ou sept ans, si tout se passe bien.
Tel est l'objet de nos quatre amendements, les deux derniers visant les revenus supérieurs à 200 000 et 250 000 euros par part. Se rapprocher du taux allemand en passant de 41 % à 45 % correspond à une recette de l'ordre d'un peu moins d'un milliard. Une partie de nos concitoyens les plus fortunés demande cette solidarité et il est avéré qu'ils ont un taux décroissant d'impôt sur le revenu. C'est une réalité.
La mesure n'est donc pas contournable, car c'est plus quatre points sur l'ensemble des revenus, puisque ce sont les revenus de référence, quelle que soit leur forme.
Ces amendements augurent la discussion que nous aurons dans quelques semaines au titre de la loi de finances pour 2012.
Avis défavorable, car ce n'est pas le moment d'ouvrir ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est jamais le moment dès lors qu'il s'agit de prélever quelques piécettes dans la poche des plus riches.
Nous ne nous faisons pas trop d'illusions sur la motivation de nos collègues : le calendrier politique y est sans doute pour quelque chose. D'un seul coup, la grâce est tombée sur nos collègues du centre, qui veulent partager après avoir servi la soupe aux plus riches et à nos collègues de l'UMP depuis 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)
Madame la ministre, au lieu de renvoyer à plus tard au motif que ce n'est pas le moment, faites-le maintenant, sinon vous ne serez pas crédible. Vous allez prélever quelques petits sous sur quelques-uns. Là, nous vous offrons la possibilité de récupérer près d'un milliard, sans affamer quiconque.
Si nous étions au pouvoir, madame la ministre, nous leur en prendrions un peu plus, car il leur en resterait sous la pédale avec ce qu'ils vous proposent.
« Nous avons réduit la dépense publique et nous l'avons ramenée au niveau de 1945 », avez-vous dit. Il n'y a pas de quoi s'en vanter ! Revenir au niveau de la Libération avec les ambitions de l'époque, le programme du Conseil national de la résistance et avoir ratiboisé les dépenses de solidarité comme vous l'avez fait et vous en vanter de surcroît, il n'y a pas de quoi s'en faire gloire.
Rachetez-vous, si j'ose dire. Rattrapez-vous et prenez en compte les amendements de nos collègues centristes.
Je voterai les amendements de nos collègues centristes même si je ne suis pas dupe que le groupe Nouveau Centre essaie régulièrement de s'acheter une bonne conduite.
La conclusion logique, car manifestement vos amendements ne seront pas adoptés, serait que vous votiez contre le projet de loi de finances rectificative. Vous auriez également dû voter contre la réforme de l'ISF. M. de Courson l'a rappelé : il s'agissait de 1,8 milliard de cadeau sur le patrimoine. Là, nous parlons de revenus qui peuvent être, au moins pour une part, des revenus du travail.
Comme par hasard, c'est la part qui a été retenue – 150 000 euros par part. Un couple avec deux enfants devrait dépasser 450 000 euros de revenus, soit un très important revenu fiscal de référence. C'est bien la preuve que vos rustines successives ne suffiront pas et qu'il faudra une vraie réforme de l'impôt sur le revenu. En attendant, dans un souci de justice, je voterai pour ces amendements.
(Les amendements n°s 173 , 170 , 171 et 172 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 144 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Madame la ministre, nous allons continuer la conversation que nous avons entamée. Je reviendrai à votre propos liminaire, preuve que nous sommes attentifs et que nous exerçons notre esprit critique, contrairement à vous qui êtes plutôt dans l'idolâtrie dès lors qu'il est question du Président de la République. Vous avez indiqué que le Gouvernement avait témoigné d'une constance sans précédent – il ne s'agit d'ailleurs plus de constance mais d'entêtement, voire d'obsession – qui a permis de maîtriser les dépenses comme jamais. Or l'amendement qui vient d'être présenté vous aurait permis de rompre avec votre logique : il importe non pas de réduire les dépenses mais d'augmenter les recettes car qui dit dépenses dit solidarité et cohésion sociale. Mais je reconnais que le besoin de cohésion sociale n'est pas ressenti partout de la même façon.
Si vous acceptiez l'invitation que je vous ai faite tout à l'heure de venir dans ma bonne ville de Montreuil, vous y seriez accueillie avec la courtoisie qui caractérise les habitants de cette commune, que connaît bien Gilles Carrez, et vous vous y confronteriez au réel.
Avec cet amendement, nous proposons, comme certains de nos collègues de la majorité, la création d'un prélèvement de solidarité annuelle à compter de cette année. Comme dans les amendements de nos collègues, l'effort demandé reste très modeste puisque nous proposons de taxer au taux de 5 % les contribuables dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 300 000 euros. Cette ambition est beaucoup plus limitée que les nécessaires modifications du barème de l'impôt que nous préconisons, il s'agit donc pour nous d'un amendement de repli.
Ajoutons que cette mesure équivaudrait à 500 millions de recettes supplémentaires. Je le dis pour les gens qui nous regardent afin qu'ils puissent évaluer votre réponse à l'aune de l'engagement que vous avez pris tout à l'heure de passer aux actes.
Même avis pour les mêmes raisons que précédemment.
Je ne pourrai pas être aussi bref que M. le rapporteur général et Mme la ministre. Nous sommes dans la caricature : s'ils ont des arguments solides, pourquoi ne les ont-ils pas développés pour nous convaincre, puisqu'il s'agit d'un amendement différent des précédents, même s'il procède de la même inspiration ?
Madame la ministre, j'ai rappelé que j'avais interrogé M. Baroin à vingt-deux reprises. Je ne vous ai interrogée qu'une fois. Pour la deuxième fois, je vous demande donc s'il est vrai que Mme Bettencourt, qui paie 40 millions d'impôts cette année n'en paiera plus que de 10 millions ? Il s'agit de choses précises qui, pour les gens qui nous regardent, permettent de mesurer la sincérité de votre politique et de savoir pour qui vous roulez : pour les privilégiés ou pour les Français ?
Je crois que M. Brard ne sera pas satisfait tant que je ne lui aurai pas répondu et, comme je veux éviter qu'il répète sa question tout au long de la soirée, je lui répondrai qu'il y a quelque chose dans notre pays qui s'appelle le secret fiscal. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.). Chaque citoyen a droit au respect de sa vie privée ; il n'y a pas de citoyens de seconde zone dans notre République.
En 1995, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques alertait les autorités sur certaines dérives dans le financement des partis. Dans son rapport annuel de 2005, elle indiquait : « La liberté de création des partis politiques a pour conséquence de faciliter le détournement de la loi en favorisant la création de partis satellites : une même personne physique peut ainsi financer plusieurs partis en versant à chacun le montant plafond des dons autorisés, les partis bénéficiaires reversant ensuite l'argent récolté au parti central ».
En outre, la possibilité offerte de multiplier les dons de 7 500 euros autant de fois que le souhaite un donateur entraîne la multiplication de l'avoir fiscal, qui correspond à 66 % du montant des dons dans la limite de 20 % des revenus, ce qui aboutit, vous l'avez compris, à l'existence d'une niche fiscale.
Cet amendement entend mettre un terme au contournement de la loi de 1988 en interdisant qu'une même personne physique puisse donner plusieurs fois la somme de 7 500 euros à des partis et groupements politiques différents. Il ne s'agit pas de restreindre de quelque manière que ce soit la liberté de création des partis politique, pas plus que la liberté d'expression de nos concitoyens. Il ne s'agit pas non plus de limiter les dons à un seul parti.
Par cet amendement, nous prévoyons que les dons peuvent être consentis à des partis différents mais dans la limite de 7 500 euros par an et par personne physique.
Défavorable également.
Monsieur Mallot, je ne pense pas que l'on puisse résumer la démocratie à une question fiscale. La loi sur le financement des partis politiques a été élaborée pour protéger le pluralisme, notamment pour permettre de financer, y compris au sein des grands partis, des courants minoritaires. Je note d'ailleurs que, dans la perspective des primaires au sein du parti socialiste, les différents candidats ont créé leur propre association de financement sous forme de parti politique.
Les dons peuvent être défiscalisés à hauteur de 7 500 euros pour les candidats à la primaire du parti socialiste.
Sur les sites internet de ces associations, il est clairement indiqué : « défiscalisation à hauteur de 7 500 euros ». Alors, j'imagine que ce sont des associations de financement de type parti politique. Mais j'ai peut-être une imagination fertile. Toujours est-il que les contribuables pensent qu'ils seront défiscalisés dans ces proportions, s'ils donnent.
Il est important que l'on puisse faire vivre la démocratie.
C'est dans ce but que cette loi a été faite.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable : nous voulons le pluralisme, pas le monolithisme.
Pour ma part, je voterai cet amendement.
J'aimerais répondre à Mme Pécresse car ses propos me paraissent choquants. Ce n'est pas la loi sur le pluralisme qui est en cause mais son détournement, comme M. Mallot l'a bien expliqué. Manifestement, vous n'avez absolument pas tiré les conséquences de l'affaire dans laquelle l'un de vos prédécesseurs a été impliqué : la fameuse affaire Woerth-Bettencourt, que tout le monde connaît maintenant.
Parlez-nous plutôt des 450 millions d'euros pour les frégates de Taïwan !
Elle a montré qu'il existait un détournement de l'esprit de la loi. C'est une évolution manifeste à laquelle il faut mettre un terme. Mes collègues socialistes ont déposé une proposition de loi en ce sens, inscrite à l'ordre du jour, que vous avez refusée.
Elle entend par ailleurs mettre fin au financement par l'État du soutien aux partis politiques. Il faut bien voir qu'une partie de ces 7 500 euros sont en réalité remboursés aux contributeurs les plus riches, je dis bien les plus riches car pour pouvoir donner plusieurs fois 7 500 euros, il faut être riche. Pour Mme Bettencourt, ce n'est peut-être pas grand-chose, mais pour la plupart des Français, cela représente plusieurs mois de salaires. Cela vous gêne peut-être, madame Pécresse, que l'on en parle, mais c'est la réalité : les plus riches vont pouvoir peser outrageusement sur la vie politique française.
Le mécanisme du premier cercle qui finance l'UMP et ses divers satellites l'a montré. L'amendement proposé permettrait de mettre fin à de tels agissements et d'introduire un peu d'éthique et de transparence dans le financement des partis politiques en France.
(L'amendement n° 153 n'est pas adopté.)
Quand j'ai vu ce qui se passait en commission, je n'ai pas voulu déposer d'amendements : quelques heures après le dépôt du texte du Gouvernement, plusieurs amendements sur la taxation des plus-values immobilières ont fleuri, un véritable festival auquel ont participé nos collègues de l'UMP et du Nouveau Centre. M. Copé a d'ailleurs souligné qu'il faisait confiance aux capacités d'imagination de ses amis députés. Il est certain que lorsqu'il s'agit de réduire la taxation des plus-values immobilières, vous faites preuve d'une grande imagination, chers collègues.
Mais si les députés de la majorité sont particulièrement fébriles sur ce sujet, c'est malheureusement sans trembler qu'ils voteront le doublement de la taxe sur les contrats de mutuelle. Ils n'ont pas demandé le moindre aménagement : aucun amendement ne sera voté.
Nous avons eu confirmation dans les dernières heures que le Gouvernement a opéré un nouveau recul, après la disposition sur la taxation des parcs à thème. Il a en effet proposé un amendement à son propre texte, chose rare.
Pourtant, la mesure sur les plus-values ne concerne qu'une toute petite partie de nos compatriotes. Elle vise non pas les résidences principales mais les résidences secondaires et des biens immobiliers acquis à des fins d'investissement. Il serait d'ailleurs assez intéressant de connaître avec précision le nombre de contribuables concernés.
Que les plus-values immobilières échappent pour partie ou en totalité à l'impôt sur le revenu, contrairement à d'autres types de revenus, pose problème . Il serait intéressant, ce que vous ne faites pas, chers collègues de la majorité, de distinguer ce qui, dans la plus-value, relève des investissements effectués par les propriétaires et ce qui relève de l'effet d'aubaine. Nous savons très bien que les plus-values sont la plupart du temps liées aux effets d'aubaine qui permettent aux biens de prendre de la valeur : fluctuation des prix de l'immobilier, changements des règles d'urbanisme, investissements public à proximité.
J'exprimerai deux regrets, madame la présidente.
Premièrement, je déplore que, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent nos finances publiques, on voie déjà le Gouvernement et la majorité reculer sur l'une des rares dispositions fiscales que comportait ce texte.
Deuxièmement, il me paraît dommage que nous n'ayons pas eu un vrai débat sur la fiscalité du patrimoine, et de manière plus générale sur la fiscalité du capital. Il y a quelques années, lorsque l'imposition des plus-values a été mise en place, il existait un autre dispositif en concurrence : l'impôt foncier déclaratif annuel. Il a en quelque sorte servi de base à l'impôt sur la fortune, avec des éléments plus larges et un seuil d'imposition beaucoup plus élevé.
La question que je pose est de savoir s'il ne serait pas préférable de substituer à l'ISF et à l'imposition des plus-values immobilières une imposition généralisée sous forme déclarative portant sur l'ensemble des éléments de patrimoine. Cela permettrait d'intégrer les plus-values au fur et à mesure de leur réalisation et éviterait une fois pour toutes les problèmes de rétention que nous rencontrons avec l'imposition des plus-values, la condition étant bien sûr que les recettes obtenues soient au moins équivalentes au total du produit de l'ISF et de la taxation des plus-values immobilières avant la réforme.
Le débat qu'a lancé le Gouvernement à travers la première version de la réforme de la taxation des plus-values pose une question de fond : celle du calcul de la plus-value.
Deux thèses s'opposent.
La première, la thèse Muet, défendue depuis des années par le parti socialiste, repose sur un calcul de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat actualisé selon un indice à choisir, celui de la consommation ou un autre.
La deuxième, correspondant au dispositif existant – que nos collègues de gauche ont entièrement maintenu lorsqu'ils étaient au pouvoir, je le leur rappelle –,…
…est un système d'abattement forfaitaire.
Au cours des vingt-cinq dernières années, la durée à l'issue de laquelle on était exonéré d'impôt sur la plus-value immobilière a varié : aujourd'hui, c'est quinze ans ; jusqu'en 2006, c'était vingt-deux ans ; et, à la fin des années 1990, c'est allé jusqu'à trente-deux ans.
Pour notre part, dès que nous avons vu le texte initial, nous avons dit au Gouvernement : attention, vous abandonnez la tradition fiscale française et vous allez déstabiliser le marché de l'immobilier. En effet, cette mesure ne concerne pas seulement, comme je l'entends souvent, les résidences secondaires, mais tous les logements sauf la résidence principale. Or 58 % de nos concitoyens sont propriétaires de leur logement ; si l'on retire les 14 % environ de logements sociaux, il reste donc 7 à 8 % de résidences secondaires, mais surtout plus de 20 % de logements locatifs privés !
J'ai donc été de ceux qui, au nom du groupe centriste, ont plaidé pour un retour à la tradition française et pour un débat sur la durée d'exonération. Nous avons pour notre part proposé de doubler la durée, en passant de cinq plus dix à cinq plus vingt, soit vingt-cinq ans. Après bien des débats, le Gouvernement s'est – avec raison – rallié à cette position.
Deux questions demeurent. La première est celle du taux de l'abattement : nous avions proposé 4 % pour 25 ans ; le Gouvernement nous propose un taux fortement progressif, avec 2 % de la sixième à la quinzième année, puis 3 % les dix années suivantes, et 10 % les cinq dernières années. Cette progressivité est, nous semble-t-il, trop forte. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements pour atténuer la progressivité de ce taux.
La seconde est celle de la date d'application. Le 24 août était une pure folie. Si vous avez des collègues, des amis notaires, posez-leur la question : tout aurait été gelé ! Les droits de mutation à titre onéreux se seraient effondrés, ce qui aurait complètement plombé les finances des départements, et par répercussion celles des communes. La décision de reporter l'application au 1er février est donc raisonnable. C'est ce que nous avions demandé ; nous nous serions même contentés de la fin de l'année.
Il faut donc, je crois, travailler à partir du nouvel amendement du Gouvernement, et l'améliorer quelque peu afin d'arriver à une situation équilibrée.
Cette discussion est proprement surréaliste. Nous ne disposons d'aucune étude d'impact, d'aucun chiffrage, d'aucune donnée ; le prétendu débat qui a eu lieu en commission n'a consisté qu'à regarder les choses du point de vue du marché de l'immobilier et de l'application des textes, mais il ne nous a pas permis d'examiner les choses du point de vue budgétaire.
Vous nous dites à longueur de temps que ces mesures sont destinées à améliorer les finances publiques, mais vous êtes incapables de produire la moindre simulation du produit qui résulterait de telle ou telle version du texte, version initiale du Gouvernement, version des députés UMP, ou version déposée aujourd'hui à treize heures trente-quatre sur le bureau de la commission.
Sans chiffrage, il est impossible de se prononcer sur le fond.
Le groupe socialiste n'a pas déposé d'amendement sur cet article. Notre position est claire : il faut traiter non pas seulement des modalités de calcul de la plus-value réalisée, mais aussi et surtout du mode de taxation. Nous pensons qu'il faut intégrer les revenus issus des plus-values immobilières dans une seule et même assiette, celle du barème de l'impôt sur le revenu.
Cet impôt sera ainsi progressif, et cela permettra de ne pas entretenir ce qui est finalement une niche fiscale.
Un dernier mot à ceux qui répètent sans cesse que nous n'avons rien changé, etc., etc. : je rappelle, et je vous le rappellerai dès que j'entendrai à nouveau cet argument, que, depuis dix ans, malheureusement – mais cela va bientôt s'arrêter –, c'est votre majorité, qui dirige le pays.
Vous avez été quinze ans au pouvoir au cours des trente dernières années !
Monsieur de Rugy, vous connaissez bien mal les propriétaires de résidences secondaires ! Ce ne sont pas les très hauts revenus qui sont concernés : toute une partie de la population possède de petites résidences secondaires, et il faut en tenir compte, en Loire-Atlantique comme ailleurs. (Protestations sur les bancs du groupe GDR. — Exclamations sur les bancs du groupe NC.)
Vous avez dit, cher collègue, que le Gouvernement avait reculé. Pour ma part, je voudrais au contraire remercier le Gouvernement et le rapporteur général d'avoir négocié, afin de mettre en place cette mesure, qui va augmenter les recettes tout en conservant le système actuel. Dans le cas contraire, le marché immobilier, notamment, aurait pu rencontrer de graves problèmes. J'avais signalé ces questions des droits de mutation et de l'emploi dans le secteur de l'immobilier. Ce n'est pas rien et il faut en tenir compte !
Le compromis que nous avons trouvé est, je crois, bon, car il maintient le système actuel tout en rapportant, comme le souhaitait le Gouvernement, des recettes supplémentaires.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur général, je souhaite toutefois que nous discutions de certains cas particuliers. Il existe des gens qui sont locataires, pour des raisons fonctionnelles ou professionnelles, tout en étant propriétaires d'un autre logement. S'agit-il alors d'une résidence principale qui n'est pas habitée, ou d'une résidence secondaire ? Il faut tenir compte de ces réalités. Nous ne parlons pas là de personnes qui ont de très hauts revenus.
Nous en arrivons aux amendements à l'article 1er A.
Je suis saisie d'un amendement n° 42 .
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Le Gouvernement ayant déposé des amendements rétablissant l'exonération totale des plus-values immobilières à partir de trente ans de détention, et repoussant l'entrée en vigueur de la mesure au 1er février 2012, je retire cet amendement de suppression. Je défendrai néanmoins un sous-amendement à l'amendement n° 181 du Gouvernement.
(L'amendement n° 42 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 7 .
La parole est à M. Jean-François Lamour.
Je suis saisie d'un amendement n° 25 .
La parole est à M. Michel Bouvard.
Cet amendement pose le problème qui vient d'être évoqué par Serge Poignant. En fonction de la réponse du Gouvernement, je serai peut-être amené à le retirer pour que nous ayons une réflexion plus longue sur ce sujet, dans la perspective de la loi de finances.
Il s'agit du problème des détenteurs d'une résidence secondaire qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale. La mobilité professionnelle d'un certain nombre de concitoyens est en effet intense, ce qui les empêche d'acquérir une résidence principale : ce serait trop complexe à gérer, et trop coûteux. D'autres personnes partent à l'étranger, et sont parfois amenées à revenir pour de courtes périodes.
Il semble naturel, dès lors que ces personnes sont amenées à se fixer définitivement, quand leur mobilité professionnelle diminue ou bien quand ils prennent leur retraite, de ne pas les taxer sur le réemploi de la vente d'une résidence secondaire.
Je fais observer au Gouvernement – si le président du groupe UMP veut bien libérer l'attention de Mme la ministre…
Je me permets donc de faire observer au Gouvernement qu'à l'époque, évoquée tout à l'heure par Charles de Courson, où l'imposition sur les plus-values immobilières se faisait sur une longue durée, avant 2004, nous avions un dispositif qui prenait en compte ces situations. Quand nous avons ramené à une période de quinze ans la taxation des plus-values immobilières, cette disposition a disparu.
Dès lors que nous en revenons à une période longue, il y a lieu de reposer le problème.
Il existe parfois, je le sais, des facilités pour déclarer comme résidence principale une résidence qui ne l'est pas réellement. Mais chacun est alors à la merci de l'interprétation des services fiscaux, avec les risques que cela comporte en termes de contrôles et de rectification.
J'attends donc la réponse du Gouvernement. Nous ne traiterons pas le problème ce soir, j'en ai bien conscience ; mais je souhaitais poser ce problème, comme l'a fait Serge Poignant, de manière à y revenir, le cas échéant, en loi de finances.
La commission n'a pas retenu cet amendement. Nous sommes en effet parvenus à un accord avec le Gouvernement, accord que je crois tout à fait bon.
Mais Michel Bouvard a tout à fait raison de soulever la question de la résidence principale. Même dans la version qui fait l'objet d'un accord entre nous, il y a en effet désormais une différence de fiscalisation très importante entre la résidence principale et les autres. Or, vous le savez, beaucoup de gens sont locataires de leur résidence principale – notamment dans le cas de la mobilité professionnelle – tout en détenant par ailleurs un bien immobilier ; ils peuvent être conduits à vendre celui-ci, et précisément pour acquérir une résidence principale.
Il y a aussi le cas des grandes villes, et Mme la ministre rencontre, j'en suis sûre, ce problème dans son secteur : les prix de l'immobilier sont tellement élevés que même des ménages qui disposent de revenus moyens, voire moyens supérieurs, ne peuvent pas envisager d'accéder à la propriété. Parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement, ils sont donc locataires de leur résidence principale, et ils protègent leur épargne en acquérant par exemple un bien immobilier en province.
Il faudra donc bien traiter toutes ces situations. Michel Bouvard l'a reconnu : ce n'est pas ce soir que nous pourrons le faire. Mais, dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2012, nous aurons un peu de temps devant nous pour traiter ces problèmes. C'est en effet une question d'équité : il faut, madame la ministre, traiter de façon équitable ceux de nos concitoyens qui sont locataires de leur résidence principale essentiellement pour des raisons de mobilité professionnelle.
Tout en soulignant que Michel Bouvard a parfaitement raison de poser le problème, je souhaite donc le retrait de cet amendement.
Même avis que celui de la commission, pour les mêmes raisons.
Il existe, vous le savez, une exonération pour les expatriés qui n'habiteraient pas leur résidence secondaire en France. Une telle exonération n'existe pas pour ceux qui, notamment pour des raisons de mobilité professionnelle mais aussi, comme l'a rappelé M. le rapporteur général, pour des raisons de prix de l'immobilier dans certaines grandes métropoles, ne peuvent pas être propriétaires de leur résidence principale mais ont décidé d'investir dans une résidence secondaire : ils se trouvent donc aujourd'hui pénalisés par la taxation de la plus-value.
Ce système qui existe aujourd'hui, on pourrait dire qu'il est déjà mal fait. Il s'agit là d'un sujet d'équité et, comme le rapporteur général, je pense qu'il faut y réfléchir. Ce n'est pas en vingt-quatre heures que l'on réforme un système en place depuis sept ans, mais votre intuition était très bonne, monsieur le député.
Je retire l'amendement au bénéfice du projet de loi de finances. (Sourires.)
La situation évoquée par M. Bouvard était prévue il y a une dizaine d'années : une personne non propriétaire de sa résidence principale bénéficiait de la défiscalisation pour la première mutation de sa résidence secondaire.
À vouloir toujours protéger d'une fiscalisation abusive, j'ai l'impression qu'on se déconnecte complètement de la réalité du marché immobilier. Actuellement les prix explosent…
…dans des conditions contraires à l'intérêt du marché immobilier lui-même. À mes yeux, la fiscalisation telle qu'elle existe est un accélérateur du processus de ventes à prix non contrôlés. Je continue à penser que l'explosion des prix de l'immobilier est due en grande partie à l'avantage que le propriétaire tire des stratégies d'aménagement et d'infrastructures conduites par les villes. Il faudra bien, un jour, prendre en compte, dans les gains excessifs réalisés par les propriétaires, le retour sur investissement des collectivités.
Le problème n'est pas seulement celui de la résidence secondaire acquise en vue des vieux jours. Le problème, c'est que le marché du locatif, accentué d'ailleurs par les dispositifs fiscaux que vous mettez en place, est actuellement activé par des ventes exclusivement effectuées pour le profit. C'est pourquoi le système de fiscalisation des mutations foncières devra être revu, dans d'autres conditions que celles que vous proposez.
J'abonde dans le sens de ce qui vient d'être dit. Nos collègues de la majorité usent d'arguments qui sont de faux prétextes. Les cas mis en avant sont extrêmement rares (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) puisqu'il s'agit de gens qui ont acheté une résidence secondaire qu'ils ont pu occuper un jour à titre de résidence principale. Ne l'occupant plus, ils la gardent très peu de temps et font une grosse plus-value. Vous voudriez donc qu'ils ne soient pas taxés.
Vous n'avez rien compris !
Quant à votre argument, monsieur Bouvard, si les prix n'augmentent pas partout, là où ils restent stables, il n'y a pas de plus-value et donc pas de problème.
Mais je constate que, dans beaucoup d'endroits, sur le littoral ou dans les grandes villes, les prix des résidences secondaires ou des biens d'investissement immobilier explosent et que la plus-value est un pur effet d'aubaine. Vous savez comme moi que les agents immobiliers harcèlent les propriétaires lorsqu'ils ont dépassé la durée de défiscalisation – encore une ! On oublie de dire que les gens ayant investi dans l'immobilier locatif ont bénéficié d'une défiscalisation. Dès que les neuf ans sont écoulés, ils sont harcelés sur le mode : « Vendez, vous ferez une plus-value. » À un moment, il est normal que le budget général de l'État et celui des collectivités locales bénéficient en retour de ces effets d'aubaine.
M. de Courson a avancé en commission un argument qu'il n'a pas voulu évoquer en séance publique : si l'on taxe trop les plus-values, il y aura de la triche, des dessous-de-table. De qui parle-t-on ? Qui est prêt à payer des dessous-de-table de 50 000 ou 100 000 euros pour échapper à une taxation des plus-values ? Nos concitoyens doivent savoir qu'en réalité c'est cela que vous cherchez à défendre, et pas du tout à résoudre le problème du logement. Comme l'a dit notre collègue Le Bouillonnec, si vous vouliez vous attaquer à l'explosion des prix dans les grandes villes, vous prendriez des mesures pour en finir avec des dispositifs tels que le Scellier.
Les interventions de nos collègues montrent à l'évidence que, dans son architecture générale, la mesure proposée par le Gouvernement durcissant la fiscalisation des plus-values immobilières est bonne. Tout le monde en est d'accord : il est de l'intérêt général de ne pas courir le risque de voir l'épargne des Français, surtout dans une période aussi troublée où la Bourse connaît des chutes brutales, se reporter massivement, en dehors de la valeur refuge de l'or, sur l'immobilier, ce qui aurait pour effet d'accentuer l'envolée des prix, l'offre, notamment en constructions nouvelles, étant malheureusement rigide par rapport à la demande, en particulier dans les zones tendues.
La question est donc de savoir où placer le curseur. Le Gouvernement et la majorité ont élaboré une proposition.
En tout cas, j'insiste sur l'existence d'un accord total de la majorité – et, je crois le comprendre, de l'opposition – sur la nécessité aujourd'hui de durcir la fiscalisation des plus-values immobilières.
(L'amendement n° 25 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 181 du Gouvernement, qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement entérine l'accord auquel nous sommes parvenus au terme d'une très longue discussion avec les parlementaires de la majorité de la commission des finances. Il s'agit de revenir au système actuel d'abattements mais de doubler la durée sur laquelle ils s'étendent, en passant de quinze à trente ans. Le Gouvernement consent ainsi un effort important puisque, au lieu de la fiscalisation totale envisagée au départ, il admet la totale exonération de la plus-value au bout de trente ans.
Trente ans, c'est la durée que les parlementaires, dans leur grande sagesse et forts de leur expérience du terrain, ont estimée pertinente pour être celle d'un projet de vie ou de la durée de vie d'une résidence secondaire. Trente ans, c'est une génération, et cela nous a paru judicieux. Mais trente ans, cela demande aussi au Gouvernement de gros efforts financiers car, avec ce nouvel échéancier, de 2,2 milliards d'euros initialement prévus, le rendement de la mesure n'est plus que de 2,05 milliards.
Le fonctionnement est le suivant : pendant cinq ans, et comme aujourd'hui, il n'y a pas d'abattement pour éviter les phénomènes spéculatifs ; ensuite, pendant dix ans, l'abattement est de 2 %, puis de 3 % également pendant dix ans ; enfin il est porté à 10 % par an pendant les cinq dernières années. La pente est très faible au début et s'accélère à la fin pour éviter le phénomène de rétention des biens à la vente, qui aujourd'hui bloque le marché de l'immobilier. Si, chaque année, le gain est important, de 4 % ou 5 %, chaque année, le propriétaire est tenté d'attendre pour gagner encore 5 %. C'est le système actuel, et il conduit à la rétention, au gel du marché, à l'explosion des prix et à des phénomènes spéculatifs auxquels nous voulons mettre fin. Une pente plate au début empêche les propriétaires d'avoir un comportement d'attente lié à une défiscalisation excessive chaque année.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir le sous-amendement n° 189 .
Ce sous-amendement augmente la cadence de progression par un abattement de 8 % pour chaque année de détention au-delà de la quinzième. Ainsi, l'exonération totale des plus-values immobilières interviendrait au bout de vingt-cinq ans.
Il ne s'agit pas là, j'y insiste, de défendre les plus riches. C'est M. Dupont ou Mme Durand, qui ont une petite maison de famille, un terrain et qui, un jour, pour diverses raisons familiales – décès, divorce, accident de la route, logement des enfants, chômage –, décident de vendre leur bien. Ces gens-là vont être durement touchés par la fiscalité nouvelle que nous aurons votée. Cela me préoccupe de toucher au petit patrimoine de nos concitoyens.
Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement comporte une faille puisqu'il ne prend pas en compte l'inflation entre la fin des années 80 et le début des années 90. Je souhaite que l'on revoie cela.
J'aimerais que mon sous-amendement soit voté, ou au moins celui d'Hervé Mariton, qui va dans le même sens et est sûrement plus élaboré. En tout cas, une chose est certaine : il faut absolument que l'un d'eux puisse passer parce que nous touchons là directement au petit patrimoine du peuple français. Quand vous prendrez votre décision, pensez au chômeur qui est obligé de vendre la petite maison de la grand-mère pour survivre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement n° 193 .
J'ai rappelé, dans mon intervention sur l'article, que la position des centristes était de maintenir le système d'abattements, ce que nous avons obtenu. Nous avions proposé une durée de vingt-cinq ans ; le Gouvernement voulait gagner cinq ans pour réduire le coût, nous avons donc donné notre accord pour trente ans. Par contre, nous ne sommes pas d'accord sur les abattements de 2 %, 3 % et 10 %, qu'il nous semble préférable de fixer à 2 %, 4 % et 8 %.
Avec une pente aussi progressive, au bout de quinze ans, l'abattement n'est que de 20 % ; il est de 35 % au bout de vingt ans, de 50 % au bout de vingt-cinq ans et de 100 % au bout de trente ans. La pente est beaucoup trop forte les cinq dernières années.
Madame la ministre, permettez-moi de ne pas avoir la même analyse du marché que vous. Si votre thèse selon laquelle le système actuel à 10 % d'abattement aboutit à une rétention était exacte, on n'aurait pas la distribution actuelle des ventes. Le rapporteur général nous a donné les chiffres, la pointe des ventes intervient au bout de sept ans. Or, au terme de cette durée, dans le système existant, il n'y a que 20 % d'abattement. Il n'y a donc pas du tout d'effet de rétention. Mais il y en aura un dans le sens inverse, car on passera brutalement d'abattements très faibles de 2 % puis 3 % à 10 %. C'est beaucoup trop ! Nous proposons donc des abattements de 2 %, 4 % et 8 %.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir le sous-amendement n° 195 .
L'économie de l'amendement du Gouvernement est excellente, mais elle présente une difficulté : alors que l'exonération de la plus-value intervient au bout de trente ans, à vingt-cinq ans l'imposition est encore de 50 %. Or il s'agit de légiférer pour aujourd'hui et pour les mois et les années à venir.
À la fin des années 80 et au début des années 90, la France a connu une inflation importante. Sur les vingt-cinq dernières années, elle atteint 65 %. Le projet initial du Gouvernement prévoyait une exonération de 65 % de la plus-value au bout de vingt-cinq ans, contre 50 % maintenant. La pente est donc excessivement concentrée sur la fin et, pour des biens détenus depuis vingt-cinq ans, le niveau de fiscalité devient excessif, pire que ce que prévoyait votre projet initial qui était déjà violent.
Or l'objet de la discussion entre la majorité et le Gouvernement était d'améliorer le projet, non de le dégrader. Voilà pourquoi je propose les sous-amendements nos 195 et 196 qui prévoient de porter le taux d'abattement applicable entre la quinzième et la vingt-cinquième année de détention à 4 % et de le ramener à 8 % entre la vingt-cinquième et la trentième année. Il s'agit, d'une part, en particulier pour les biens détenus depuis vingt-cinq années environ, de remédier à l'effet massif pénalisant que vous proposez aujourd'hui, involontairement je pense, et, d'autre part, de mieux prendre en compte l'inflation.
La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir le sous-amendement n° 194 .
Madame la ministre, je souhaite vous faire part de mon opposition au dispositif prévu par le Gouvernement.
En effet, dans certains métiers, les obligations professionnelles font que l'investissement immobilier se porte forcément sur une résidence secondaire. Je pense par exemple aux militaires, que vous connaissez bien en tant qu'élue de Versailles, aux commerçants qui vivent au-dessus de leur pas-de-porte et à toutes celles et ceux qui ne peuvent pas acheter une résidence principale compte tenu du coût de l'immobilier dans certaines grandes villes et qui décident de ce fait d'investir dans la pierre en zone rurale.
Je veux surtout dénoncer l'iniquité de ce dispositif qui va toucher les classes moyennes et les classes moyennes supérieures par rapport à ce que vous nous proposez en termes de taxation des hauts revenus. À cet égard, je me livrerai à un calcul simple.
Avec votre système d'abattements, un Français qui achète une maison 150 000 euros et la revend dix ans plus tard 300 000 euros sera amené à payer une taxe sur la plus-value de 45 000 euros environ. Dans le même temps, en vertu de la mesure prévue par le Gouvernement de taxer à 3 % les revenus supérieurs à 600 000 euros, un couple dont le revenu fiscal de référence est de 1,2 million paiera 36 000 euros à ce titre. Un Français de la classe moyenne qui revend son bien au bout de dix ans sera donc imposé davantage qu'un foyer qui perçoit un revenu annuel supérieur à un million d'euros.
Nous considérons donc que le dispositif prévu par le Gouvernement a une pente qui ne permet pas une bonne évolution de la taxation de la plus-value immobilière.
La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir le sous-amendement n° 196 .
Même esprit que le précédent. J'espère que le Gouvernement a compris qu'il faut trouver la bonne pente.
La parole est à M. le rapporteur général, pour donner l'avis de la commission sur les sous-amendements à l'amendement n° 181 .
Les amendements de Charles de Courson et d'Hervé Mariton permettent d'améliorer un peu la pente de progressivité des abattements au fur et à mesure de la durée de détention. Le Gouvernement propose la pente suivante : aucun abattement au titre des cinq premières années de détention, un abattement de 2 % entre la sixième et la quinzième année de détention, un abattement de 3 % entre la seizième et la vingt-cinquième année de détention, enfin, pour terminer en beauté si je puis dire, un abattement de 10 % au-delà de la vingt-cinquième année de détention. C'est donc seulement à la vingt-cinquième année que l'on bénéficie d'un abattement de 50 %.
Ces sous-amendements ont l'avantage de traiter des biens qui ont été acquis il y a quinze à vingt-cinq ans, c'est-à-dire quand l'inflation était encore à un niveau élevé. Votre première idée, madame la ministre, consistait à prendre en compte l'inflation en contrepartie de la suppression totale des abattements. Il faut donc garder en tête ce référent d'inflation et surtout, monsieur Morin, trouver le système le plus équitable possible.
Nous sommes d'accord !
Il faut bien voir, en effet, que la France est le pays d'Europe qui compte le plus de résidences secondaires, ou plus exactement de biens immobiliers qui ne sont pas des résidences principales. Identifier ces biens comme des résidences secondaires, apanage de ménages aisés ou très aisés, est une erreur. Je vous signale que 1,4 million de ménages déclarent des revenus fonciers en dessous du seuil du micro-foncier qui est de 15 000 euros.
Je pense que ces sous-amendements constituent des améliorations. Nous devons travailler dans cette direction.
Quant au sous-amendement de M. Grand, j'y suis défavorable. Mais j'ai bien noté que le sous-amendement n° 195 de M. Mariton répondrait pour partie à sa préoccupation, c'est-à-dire mieux lisser la pente annuelle d'abattement.
Pensez aux familles modestes qui ont un bien immobilier et qui considèrent, comme elles le disent souvent aux notaires, que c'est « la poire pour la soif » qui leur servira en cas de problème, d'accident, pour leur retraite, ou encore pour aider les enfants à acquérir une résidence principale.
Nous devons donc présenter un dispositif dont on ne puisse dire à aucun moment qu'il est injuste.
Le Gouvernement est sensible aux arguments qui viennent d'être développés par les auteurs des sous-amendements et par le rapporteur général, mais pas à tout ce qu'il a entendu.
Comme le rapporteur général, nous avons détecté ce soir une légère anomalie dans l'évolution des prix ces vingt-cinq dernières années, l'inflation ayant été très forte dans les années 80. En revanche, depuis 1998, elle est inférieure à 2 % par an. Avec l'euro et la BCE, nous avons une monnaie stable.
Les parlementaires, notamment Hervé Mariton et Gilles Carrez, ont retracé la courbe de l'inflation et se sont aperçus qu'effectivement un pic d'inflation avait eu lieu dans les années 80, qu'il faut compenser pour des raisons de justice et d'équité. Nous émettons un avis défavorable au sous-amendement de M. Grand, car si les taux d'abattement sont trop élevés, on incite à la rétention des logements, à différer la vente dans le temps. La pente doit donc croître doucement, surtout les premières années. J'ajoute que la plus-value est plus faible lorsque l'on vend rapidement.
Mais le Gouvernement souhaite rectifier son amendement n° 181 pour tenir compte des propositions contenues dans les sous-amendements de MM. de Courson et Mariton, dont nous demandons par conséquent le retrait.
L'amendement n° 181 rectifié propose qu'aucun abattement ne soit pratiqué les cinq premières années de détention, un abattement de 2 % entre la sixième et la seizième année de détention, un abattement de 4 % au-delà de la dix-septième année et un abattement de 8 % au-delà de la vingt-quatrième année, c'est-à-dire que l'on diminue la pente des six dernières années.
Cette nouvelle pente entraîne un surcoût de 30 millions d'euros par an par rapport à l'accord qui avait été trouvé entre le Gouvernement et la majorité. Mais elle prend en compte l'inflation constatée dans les années 80, qui doit être compensée pour des raisons d'équité.
D'abord, je me réjouis de l'esprit de coopération du Gouvernement pour parvenir au bon réglage d'une mesure à laquelle nous souscrivons pleinement dans sa finalité, c'est-à-dire durcir la fiscalité des plus-values immobilières.
La proposition initiale du Gouvernement, telle qu'elle résulte de la lettre rectificative approuvée en conseil des ministres le 31 août dernier, posait deux problèmes.
Le premier était lié à la rapidité, pour ne pas dire la brutalité de sa mise en oeuvre. Je rappelle qu'il était prévu que le nouveau dispositif, la suppression de tout abattement, entrerait en vigueur dès les compromis de vente signés à compter du 24 août.
Sur ce point, les collègues ont été unanimes pour souligner le danger de provoquer une paralysie du marché immobilier. Si l'environnement fiscal est radicalement modifié, le réflexe naturel d'un vendeur potentiel est de différer la mise du bien sur le marché. Or ce délai provoquerait de très gros problèmes de recettes, pour l'État s'agissant de la fiscalité sur les plus-values, et pour les collectivités locales, en particulier les départements, dont les droits de mutation sont une ressource essentielle.
Pour régler ce premier problème, le Gouvernement propose, dans son amendement n° 182 rectifié , une période de transition permettant de bénéficier du régime actuel jusqu'à la signature d'actes authentiques survenant au plus tard le 31 janvier prochain. Cela va maintenir la fluidité du marché, voire le stimuler. Des transactions qui étaient encore à l'état d'intention vont peut-être se concrétiser. C'est dans l'intérêt de tous : d'une part, l'État et les collectivités locales percevront des recettes fiscales supplémentaires ; d'autre part, un afflux de biens sur le marché accélérera la baisse des prix de l'immobilier qui a commencé à s'amorcer. Je remercie donc le Gouvernement de cette proposition.
Le deuxième problème est celui des abattements. La fiscalité sur les plus-values immobilières a été appliquée en 1963 aux terrains à bâtir et étendue quelques années plus tard aux biens immobiliers. Sous tous les gouvernements et toutes les majorités, elle a toujours comporté des abattements grâce auxquels, au terme d'un délai de détention – de 30 ans, il a été porté à 32 ans, est revenu à 22 ans et est de 15 ans depuis 2004 – les plus-values sont exonérées d'impôt. Passer à une imposition perpétuelle serait une erreur. Dans notre société aux racines rurales, un bien provient souvent de la famille, voire des ancêtres. Le vendre a aussi une dimension psychologique. Il faut conserver l'exonération après un certain laps de temps. Le Gouvernement nous propose de conserver ce principe de l'abattement, mais juge que le délai de quinze ans est trop court et favorise la rétention. Il propose trente ans. La commission des finances s'était prononcée, quasiment à l'unanimité, pour vingt-cinq ans. Nous acceptons de passer à trente ans. Nous sommes donc parvenus à un dispositif parfaitement équilibré.
Beaucoup, sur tous les bancs, ont demandé comment la mesure était gagée. C'est une question importante, en effet. Distinguons ce qu'il en est pour 2011 de ce qu'il en sera ensuite en régime de croisière.
Pour 2011, la mesure sera gagée en anticipant le passage de 5 % à 10 % de la quote-part pour frais et charges liée aux plus-values sur la cession de titres de participation. De surcroît, nous allons mettre fin au régime du bénéfice mondial consolidé des groupes, et ce dès 2011 lorsqu'il n'y a pas de renouvellement d'agrément dès cet exercice : c'est encore une recette.
Enfin, la commission des finances vous proposera ensuite de voter un excellent amendement de Jérôme Chartier qui porte sur le point suivant. Ces dernières années, se sont multipliées les SCI pour des biens immobiliers très importants – du type de la villa Léopolda – afin de pouvoir en céder les parts à l'étranger, en se soustrayant ainsi aux droits de mutations et à la fiscalité sur les plus-values. Il est proposé de traiter par acte authentique, dès la promulgation de la loi, cette cession de parts de SCI, dès lors qu'il s'agit de biens immobiliers situés en France. Les recettes que cela procurera serviront aussi à compenser le manque à gagner dû au rétablissement d'un régime d'abattements.
Au passage, comme l'a proposé la commission, l'amendement du Gouvernement prévoit, pour éviter les abus, que d'ici au 1er février prochain on ne puisse pas transformer un bien détenu en propriété unipersonnelle ou en indivision en SCI. Une famille se livrant à cette opération pourrait ainsi purger la plus-value dans le cadre du régime d'exonération actuel, c'est-à-dire une exonération totale si le bien a été acquis il y a plus de quinze ans. Nous ne voudrions pas que de tels actes se multiplient dans les semaines à venir. Vous le voyez, nous prenons le maximum de précautions pour protéger la recette fiscale.
Ces dispositions fournissent un gage solide. Encore une fois, il n'est pas question que la majorité propose des amendements entraînant des pertes de recettes sans s'obliger à les gager de façon sérieuse et certaine par la création de recettes équivalentes.
Je me félicite donc de l'accord qui a été passé et qui ne compromet pas notre engagement de réduire le déficit en 2011 puis en 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je tiens à souligner l'esprit de coresponsabilité qui anime les parlementaires et le Gouvernement. Nous menons un travail exemplaire, tout à fait conforme à l'esprit de la réforme constitutionnelle.
Des parlementaires, sur le terrain, perçoivent l'existence d'un problème particulier : ils le signalent, et, grâce à leur expérience, leur vécu, on peut améliorer le texte. Nous le faisons en séance, mais sans perdre de vue notre volonté intangible de réduire les déficits publics. Au terme du débat, les propositions de recettes ou de diminution des dépenses compenseront à l'euro près les dépenses supplémentaires demandées au Gouvernement par les parlementaires.
Cette méthode de travail que nous avons mise au point pour l'examen du collectif, nous devrons la reprendre pour le PLF 2012 et pour le PLFSS. C'est ainsi que le Gouvernement tirera le meilleur parti de la créativité et de l'expérience du terrain des parlementaires, et que ceux-ci lui permettront de se montrer toujours plus dynamique et audacieux pour poursuivre le désendettement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Avant d'interroger les auteurs des sous-amendements sur le sort qu'ils souhaitent leur donner, je donne à nouveau la parole à M. le rapporteur général.
Je voudrais faire à Mme la ministre une proposition honnête, car j'ai senti chez elle une petite réticence. En élus très raisonnables que nous sommes, nous venons d'accepter cette nouvelle orientation qui, sans correspondre exactement aux demandes de M. Mariton et de M. de Courson, est quand même une amélioration. Néanmoins, Mme la ministre a chiffré la perte de recettes à une quarantaine de millions d'euros. Puisque nous nous sommes engagés à gager les dépenses nouvelles à l'euro près, je propose en outre de supprimer l'abattement forfaitaire de 1 000 euros que le Gouvernement réintroduisait à l'alinéa 8. Cela procurera une recette de 40 millions d'euros et Mme la ministre pourra dormir tranquille. (Sourires.)
L'amendement n° 181 rectifié serait ainsi modifié :
« I – Rédiger ainsi les alinéas 2 à 7 » et non « 2 à 8. » : […]
« II. – Supprimer l'alinéa 12 » et non « les alinéas 10 à 12 ».
Madame la ministre, monsieur le rapporteur général, je veux bien tout ce que vous voulez. Mais quel message envoyons-nous ce soir aux deux catégories de personnes qui vendent des biens immobiliers ?
Il y a d'abord ceux dont vendre est le métier, et qui réalisent des plus-values. Évidemment, ils n'attendent pas trente ans pour vendre un bien. Si vous augmentez la fiscalité sur les plus-values, ils augmenteront donc les prix de vente, ne vous y trompez pas.
Il y a ensuite tous les braves gens qui possèdent un petit bien immobilier. On vient de leur dire, tranquillement, qu'il faudra qu'ils attendent trente ans avant de vendre pour ne pas être soumis à une imposition supplémentaire. Croyez-vous que nous avons été élus pour leur envoyer ce message ? Pour ma part, je ne le crois pas.
Je maintiens donc mon sous-amendement. Je n'adhère pas à votre philosophie et contrairement à ce que vous pensez, il ne s'agit pas d'un bon accord.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.
J'avoue mon désarroi, mes interrogations et même mes doutes sur ce que nous faisons. Est-ce bien intelligible, est-ce bien réglementaire ?
Un amendement n° 181 rectifié nous a été distribué il y a un instant mais il ne comporte pas la deuxième rectification qui vient d'être présentée par le rapporteur général. Je précise que nous parlons bien de la deuxième rectification d'un amendement du Gouvernement et non d'un sous-amendement : cette nouvelle version aurait donc dû nous être présentée par Mme la ministre.
Au-delà de ce détail de nature réglementaire, j'avoue que je me trouve dans un grand désarroi parce que je suis incapable de savoir ce qu'on me demande de voter dans l'amendement rectifié par Mme la ministre, appuyé et à nouveau rectifié par le rapporteur général. En effet, j'étais déjà en désaccord avec le principe posé par l'amendement du Gouvernement…
Ce serait une manoeuvre dilatoire : mieux vaut prendre quelques minutes, voire profiter de la demande par un président de groupe d'une suspension de séance, pour nous interroger sur la modification qui vient d'être proposée à bientôt une heure du matin sans que personne n'ait pu l'étudier.
Les membres de mon groupe les plus compétents en la matière, comme Charles de Courson, Nicolas Perruchot ou Philippe Vigier, en sont à tenter d'estimer si la pente est corrigée de 10 de 20 ou de 40 % ! Finalement, personne n'est en mesure d'émettre un vote en sachant exactement de quoi il retourne. Madame la ministre, monsieur le rapporteur général, cela ne me paraît pas raisonnable. En tout cas, pour ma part, je n'approuve pas cette démarche.
Par ailleurs, j'ai entendu le rapporteur général parler à plusieurs reprises d'une mesure qui prendrait effet après le 31 janvier 2012 ou à compter du 1er février 2012. Or l'exposé sommaire de l'amendement n° 181 comportait l'alinéa suivant : « Afin d'éviter que le report de la date d'application du nouveau régime de taxation des plus-values immobilières conduise à une optimisation fiscale, l'amendement propose que l'application des nouvelles dispositions soit au 25 août 2011 pour les apports d'immeubles ou de droits sociaux à des SCI familiales. » Vos rectifications n'ont rien changé à ce paragraphe. Il reprend les propos du Premier ministre, qui a annoncé en plein été que toutes les transactions signées à compter du 25 août seraient taxées. Cela me semble particulièrement injuste pour nos concitoyens qui ont passé un accord sur le prix en juin ou juillet en remettant la signature au mois de septembre.
Pour en revenir à mon rappel au règlement, je souhaite seulement que nous votions sur un amendement qui nous ait été expliqué et distribué. Dans la mesure du possible, il faudrait aussi qu'il ait été évalué, ce qui ne me semble pas avoir été le cas, si l'on excepte l'explication donnée par Mme la ministre.
Je rappelle que nous avons voté une réforme de la Constitution qui, contrairement à ce que certains prétendaient, a donné au Parlement plus de pouvoirs. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois à laquelle j'appartiens, insiste souvent sur l'importance des études d'impact. Disposons-nous d'une étude impact de l'amendement rectifié que l'on nous demande de voter ? Je ne le crois pas. Ce travail sera fait lors de l'examen par le Sénat, me répond-on. Mais je n'ai pas été élu pour que le Sénat fasse mon boulot !
J'avoue que je reste interrogatif et dubitatif et que je suis même dans le désarroi. Je ne me sens pas à même d'approuver une mesure fiscale corrigée de cette façon alors qu'elle concerne des dizaines de milliers voire des centaines de milliers de Français.
Monsieur le vice-président Lagarde, dès lors que le rapporteur général propose de modifier l'amendement du Gouvernement et que ce dernier l'accepte, il est tout à fait possible de rédiger un amendement de deuxième rectification.
Vous comprendrez par ailleurs qu'il soit difficile de distribuer un texte alors même que nous sommes encore en train d'en discuter et que les choses ne sont pas figées.
Je tenais à vous apporter ces précisions quant aux questions formelles posées par votre rappel au règlement. Pour ce qui est des questions de fond, je donne la parole à Mme la ministre.
Monsieur Lagarde, je veux vous rassurer à propos de cet amendement.
Depuis une semaine, nous avons engagé un débat avec l'ensemble des membres de la commission des finances,…
…et singulièrement avec le rapporteur général. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons eu un débat que nous avons même poursuivi en dehors de la séance…
Madame la ministre, ce n'est pas un jeu ! Nous faisons la loi de la République !
Soyez honnêtes messieurs, pendant l'audition de la commission des finances, un certain nombre de députés présents ce soir, parmi lesquels MM. de Courson, Mariton, Bouvard et Carrez, ont proposé un report et un étalement des abattements dans le temps. La question de la taxation perpétuelle ou de l'allongement de la période permettant l'exonération totale de la plus-value a été posée, dès mon audition par la commission des finances puis à plusieurs reprises. Le président Cahuzac et le rapporteur général Gilles Carrez ne me démentiront pas sur ce point.
Nous sommes partis de cette proposition des parlementaires de droite et de gauche. Nous avons ensuite établi la courbe des ventes de résidences secondaires pour constater un pic de cessions entre la cinquième et la septième année, ce qui nous a conduits à maintenir une absence d'abattement pour les cinq premières années. En étudiant cette même courbe, notamment avec Michel Bouvard et Gilles Carrez, nous nous sommes aperçus qu'un deuxième pic se situait autour de la trentième année.
Ces constatations nous ont conduits à retenir trente ans comme la durée de vie longue d'une résidence secondaire. Les durées choisies ne l'ont donc pas été « hors-sol », sans contact avec la réalité de la vie de nos concitoyens. Nous avons raisonné à partir des transactions telles qu'elles sont constatées aujourd'hui pour mettre en place un régime de taxation fondé sur les comportements des Français.
Quant au problème de la pente, nous l'avons évoqué pendant une longue réunion du groupe de la majorité présidentielle de la commission des finances…
…à laquelle, si je ne m'abuse assistait Charles de Courson. Il avait d'ailleurs estimé, si ma mémoire est bonne, que la proposition du Gouvernement était acceptable. Cette mesure ne semblait pas poser problème.
Hervé Mariton revient aujourd'hui sur ce régime car il a décelé un problème lié à la prise en compte de la très forte inflation de la fin des années 1980. Le dispositif rectifié par le Gouvernement serait ainsi moins avantageux que la prise en compte de l'inflation prévue initialement. C'est pour corriger cette anomalie que nous vous proposons une nouvelle pente qui tient compte de l'inflation durant les vingt-cinq dernières années.
Nous pouvons tous en convenir : nous faisons en ce moment du travail de commission. Nous n'avons vraiment pas l'habitude d'être aussi mal préparés pour aborder dans l'hémicycle un débat qui porte tout de même sur 2 milliards d'euros. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, il est tout à fait normal que vous ayez des contacts avec votre majorité. En revanche, vous n'avez pas le droit de dire, comme vous l'avez fait, qu'il y a eu un travail en commun entre le Gouvernement et l'ensemble des parlementaires de la commission des finances. Ce n'est pas vrai.
Nous avons disposé de la première version de l'amendement n° 181 vers quatorze heures trente. Une prétendue affaire de bourrage de photocopieur a été invoquée…
Mais non !
C'est ce qu'on nous a dit : lisez le compte rendu de la réunion de la commission de ce jour.
Finalement, il s'agissait plutôt d'attendre un arbitrage ultime et nous n'avons pas travaillé sur le sujet. Cette réunion, dite de l'article 88 du règlement, devait être sérieuse et permettre d'avancer puisque, mercredi dernier, tous les amendements avaient été laissés en suspens par les élus de la majorité le temps du week-end. Il n'en a rien été. Vous n'avez pas le droit de parler d'un travail approfondi.
J'ajoute que nous avons eu de cesse d'annoncer que nous vous laisserions débattre entre vous. Pour notre part, nous vous l'avons répété, nous étions partisans de l'intégration de la plus-value à l'assiette de l'impôt sur le revenu. Il n'en reste pas moins que nous tenons à disposer d'une information sur les montants en jeu. En cela, nous rejoignons M. Lagarde. M. le rapporteur général évoque les mesures de gage mais il ne fournit aucun chiffre. Combien rapportent vos amendements ? J'ai cru comprendre qu'il manquait 150 millions d'euros – en raison du passage de 2,2 milliards à 2,05 milliards d'euros évoqué par la ministre – et que les dernières rectifications coûteraient 30 millions d'euros supplémentaires.
De quels montants parlons-nous ? Nos collègues du Nouveau Centre ont totalement raison : il n'y a ni étude d'impact ni simulation financière. Nous travaillons un peu à l'aveugle.
Les simulations financières du dispositif proposé cet après-midi par le Gouvernement puis des rectifications que nous souhaitons apporter ont été fournies par le Gouvernement et par le rapporteur général il y a un instant.
Nous sommes parvenus à un schéma satisfaisant qui prend en compte les différentes dimensions du débat. J'en remercie le Gouvernement et retire mes amendements.
Je veux répondre aux rappels au règlement.
Nous ne devons pas oublier la priorité de ce projet de loi de finances rectificative qui vise à réagir très rapidement à la révision des perspectives de croissance pour tenir l'objectif de réduction des dépenses publiques et celui de ramener le déficit à 5,7 % du PIB. Dès lors que nous considérons qu'il s'agit d'une priorité, chacun peut comprendre que d'étude d'impact, il n'y en ait point puisque l'urgence commande et impose de délibérer rapidement.
Dire que le travail avec les parlementaires n'a pas été réalisé est faux. Deux réunions de la commission des finances ont eu lieu.
Elles se sont déroulées de la façon habituelle aux yeux de ceux qui suivent régulièrement ses travaux. De surcroît, un travail a eu lieu avec la majorité parlementaire depuis le dépôt du projet de loi de finances rectificative et particulièrement de la lettre rectificative. Autrement dit, un travail approfondi a bien été mené. L'amendement d'Hervé Mariton, par exemple, a fait l'objet d'une discussion durant tout l'après-midi,…
…ce qui a permis d'effectuer des simulations et de respecter l'engagement de la majorité parlementaire – en particulier du rapporteur général – à l'égard du Gouvernement : aucune modification ne viendrait grever le déficit budgétaire. En l'occurrence, Gilles Carrez a donné son plein accord à la suppression de l'abattement de 1 000 euros, ce qui permet de retrouver l'épure budgétaire et de respecter l'objectif de réduction des déficits pour 2011.
Je veux ajouter, à l'attention de celles ou ceux qui s'interrogent sur les dates d'effet ou d'autres points techniques, que les travaux de la commission des finances sont ouverts à tous les députés, y compris à ceux qui n'en sont pas membres. Leur présence leur aurait permis de comprendre le cheminement de mesures comme celles relatives aux dates d'effet, lors des deux réunions de la commission.
Bref, un véritable travail technique et politique est mené depuis quelques jours et continue de l'être. C'est vrai – pourquoi le nier ? –, le Gouvernement travaille avec la majorité parlementaire. Il y a, me semble-t-il, tout lieu de s'en féliciter.
Je souhaiterais que nous revenions à certains éléments fondamentaux que l'on a tendance à oublier. On a en effet le sentiment, en vous écoutant, qu'il n'existe aucune spéculation immobilière dans notre pays, ce qui est d'autant plus aberrant que nous avons débattu à d'autres moments, dans cet hémicycle, des moyens de maîtriser cette spéculation. En tout état de cause, l'opposition estime que la fiscalisation de bénéfices inacceptables est une stratégie pertinente pour tenter d'éviter l'augmentation des prix. Je rappelle à l'attention de notre collègue Jean-Pierre Grand que nous ne parlons pas ici des résidences principales ni des mutations provoquées par les divisions matrimoniales ou successorales, qui relèvent du droit de partage, lequel a d'ailleurs été révisé au mois de juillet dernier ; nous ne parlons que des ventes volontaires.
Madame la ministre, je suis extrêmement sceptique quant au critère que vous avez retenu, à savoir que le pic des ventes de biens susceptibles de produire une plus-value interviendrait au bout de sept ans. Ce chiffre correspond en effet au délai moyen actuel de vente des patrimoines immobiliers, c'est-à-dire, massivement, des résidences principales, et il s'explique par un phénomène que nous constatons tous dans nos zones urbaines : l'accélération de la mobilité, qu'elle soit due à une vente volontaire ou à une rupture matrimoniale. Encore une fois, les statistiques concernent l'ensemble des mutations, lesquelles ne s'accompagnent pas toutes de plus-values.
Je rappelle que la fiscalisation porte sur le bénéfice réalisé, en tenant compte du prix d'achat revalorisé par année auquel on intègre les travaux effectués ainsi que l'ensemble des frais. On ne peut pas empêcher un tel bénéfice, qui sera toujours réalisé, notamment par les spéculateurs. Ce que nous demandons, c'est que l'État et les collectivités ne regardent pas le train passer, surtout lorsqu'ils ont contribué à l'augmentation de la valeur des biens en réalisant des travaux d'infrastructure. Ainsi, je puis vous dire que les spéculateurs sont déjà à l'oeuvre dans le cadre du Grand Paris, dont les dépenses sont pourtant assumées par les collectivités territoriales et l'État.
Faute d'une fiscalisation réelle des plus-values, celles-ci demeureront importantes et nous ne freinerons pas la spéculation. Tel est le problème de fond. Or, seule la proposition qui consiste à réintégrer ce bénéfice dans le revenu annuel peut le régler. Aucune des solutions prônées par la majorité ne permettra d'atteindre cet objectif.
Madame la ministre, la semaine dernière, en commission des finances, il était impossible de trouver une solution pour cette taxation soudaine des plus-values immobilières. Du chemin a donc été fait. Mais il me paraît nécessaire de savoir où nous en sommes, à l'issue des avancées proposées par le Gouvernement et de la discussion des sous-amendements.
Charles de Courson a proposé qu'au bout de vingt-cinq ans, les plus-values soient totalement exonérées ; le dispositif que vient de proposer le Gouvernement maintient, quant à lui, une fiscalisation de 40 %. Autrement dit, madame la ministre, vous avez fait un effort de 10 % par rapport à votre proposition initiale. Pour nous, c'est insuffisant. Je ne comprends pas pourquoi, alors que vous refusez certaines de nos propositions visant à durcir la fiscalité au motif qu'il faut attendre la loi de finances pour 2012 ou que ces propositions ne sont pas assorties d'études d'impact, il faudrait agir rapidement en matière de plus-values immobilières, même si vous êtes revenue sur la date d'application initialement prévue.
Nous maintenons, quant à nous, la proposition de Charles de Courson, qui consiste à prévoir une exonération totale au bout de vingt-cinq ans, avec une linéarité parfaite – j'insiste sur ce point. Et, puisque le Nouveau Centre est toujours au rendez-vous de la cohérence financière, nous avons déposé d'autres amendements qui permettent de compenser cette moindre recette puisque, entre 100 % d'abattement et 60 % d'abattement, il est vrai qu'il y a quelques dizaines de millions d'euros qui se promènent.
Nous vous avons fait une première proposition, qui consisterait à appliquer aux très hauts revenus – à partir de 500 000 euros pour une part, soit, pour un couple avec deux enfants, 1,5 million d'euros de revenu fiscal de référence, c'est-à-dire 2,2 millions de revenus – une taxe de 3 %, soit 36 000 euros. En revanche, nous souhaitons épargner le petit contexte patrimonial, c'est-à-dire une maison achetée 40 000 euros que l'on revendra 200 000 euros au bout de quinze ans. Mais je n'y reviens pas : Hervé Morin a fait la démonstration tout à l'heure.
Madame la ministre, pour nous, le compte n'y est pas. Je salue l'engagement du rapporteur général, qui a tenté de nous convaincre en faisant valoir que le Gouvernement avait fait un pas. Mais il faut savoir que, demain, ceux qui auront une résidence secondaire ou un bien autre que leur résidence principale, seront fortement taxés. C'est un très mauvais signe, car l'équité n'est pas au rendez-vous. Or, ainsi que je le disais tout à l'heure, il faut semer de petits cailloux blancs. On ne peut pas, d'un côté, taxer l'immobilier brutalement et rapidement parce que c'est facile et, de l'autre, attendre et voir en ce qui concerne les hauts revenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
L'opposition est presque spectatrice de ce débat, mais je dois dire qu'il est très instructif.
Tout d'abord, on s'aperçoit de l'impréparation totale du Gouvernement. Il paraît que ces mesures avaient pour objectif de rassurer les marchés financiers ; j'espère qu'ils ne suivent pas nos débats, car ils doivent être inquiets. Comme ils sont très fébriles, il y a fort à parier que la bourse baissera dès demain…
Ensuite, nous entendons les arguments les plus contradictoires. Monsieur le rapporteur général, vous qui faites souvent preuve d'une certaine sagesse, vous nous avez dit qu'il s'agissait de protéger – M. Vigier a essayé de nous tirer des larmes, mais ne tournons pas autour du pot – des biens qui sont possédés depuis la nuit des temps ; je ne sais pas ce que cela veut dire. Mme la ministre, quant à elle, a été beaucoup plus concrète, puisqu'elle nous a indiqué que le pic des ventes se situait entre cinq et sept ans. Mais si la fiscalité était dissuasive, le pic aurait lieu bien plus tard. Voilà une première contradiction. Par ailleurs, alors que votre objectif, même si vous ne le dites pas, est de protéger la plus-value, vous prétendez vouloir faire baisser les prix de l'immobilier, autrement dit faire fondre les plus-values.
Il n'a rien compris !
En réalité, vous accumulez les faux-semblants et les mensonges.
M. Le Bouillonnec a rappelé quelles étaient les raisons des plus-values. Les gens qui font des travaux pour améliorer leurs maisons ne sont pas taxés sur ces améliorations : ils travaillent plus pour gagner plus, en quelque sorte. Mais il est d'autres cas – et ils sont très nombreux dans ma ville –, dans lesquels la valeur d'une maison augmente de 20 %, 30 % ou 40 % uniquement parce que le PLU a été modifié ; il s'agit donc d'un strict effet d'aubaine. Si une collectivité fait construire un tramway, ce dont je me félicite, la valeur des habitations augmente, mais le bénéfice va au propriétaire, et non à la collectivité.
Pour terminer, madame la présidente, je souhaiterais vous soumettre les résultats d'un petit calcul auquel je me suis livré, afin que nous ayons un peu de recul au moment de voter cet amendement. L'UMP et le Nouveau Centre ont déposé trente-trois amendements sur cet article, six sur l'article 3, qui concerne les taxes sur les mutuelles !
Enfin, nous avons appris une chose, par déduction. Nous nous demandions de quoi vous parliez dans les réunions du Premier cercle. Eh bien, s'il est un sujet qui doit revenir souvent dans les conversations, c'est bien celui de la taxation des plus-values immobilières. Pour que vous passiez autant de temps sur cette question, elle doit vraiment préoccuper les adhérents qui donnent 7 500 euros à l'UMP et à vos micro-partis. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La première qualité d'un impôt, c'est sa simplicité. Simple, l'article initial du Gouvernement l'était incontestablement. En revanche, les amendements et sous-amendements dont nous débattons depuis plus d'une heure ne méritent pas ce qualificatif. Ils sont en effet d'une extraordinaire complexité, alors qu'il nous faudrait simplifier les choses.
La deuxième qualité d'un impôt, c'est d'être juste. Quand elle est réalisée, une plus-value est un revenu ; il est donc normal de la taxer comme les autres revenus. Ce qui est juste, c'est de ne pas imposer de la même façon la personne qui a un très petit revenu et qui réalise une vente immobilière et celle qui a un haut revenu et qui réalise la même vente immobilière.
Elles n'ont pas les mêmes facultés contributives. La solution la plus simple consiste donc à soumettre les éventuelles plus-values au barème de l'impôt sur le revenu. C'était d'ailleurs le cas avant 2004, et le dispositif était même assez intelligent, puisqu'il comprenait un système de quotient. Vous avez remplacé ce dispositif par un prélèvement libératoire de 16 %, qui est passé à 19 %, de sorte qu'aujourd'hui, chacun, quel que soit son revenu, est traité de la même façon. Puisque vous consacrez une heure, voire deux heures, à discuter du point de savoir si l'exonération doit être totale au bout de quinze ou de trente ans, je vous conseille de prendre un peu de temps pour vous demander s'il ne faudrait soumettre à nouveau les plus-values au barème de l'impôt sur le revenu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, je souhaiterais obtenir quelques précisions avant le vote sur l'amendement n° 181 deuxième rectification, qui est assez controversé. En effet, entre la version initiale de cet amendement et sa deuxième rectification, toute référence aux dates a disparu. Or des engagements assez précis avaient été pris sur ce point. Peut-être s'agit-il d'un problème de procédure. En tout cas, nous n'avons plus la certitude que cette réforme s'appliquera à compter du 31 janvier. Il serait utile que nous disposions de ces précisions avant le vote.
Non.
Je suis saisie d'un amendement n° 9 rectifié .
La parole est à M. Lionel Tardy.
L'article 1er A comporte deux alinéas, nos 9 et 13, qui raccourcissent de deux mois à un mois le délai pour procéder aux opérations d'enregistrement et de publicité foncière des actes, avec effet au 1er novembre prochain. L'intérêt de cette disposition – nous en avons discuté rapidement en commission – est de gagner un mois dans la perception des droits, mais c'est bien son seul avantage car, pour le reste, cette mesure va poser des problèmes. Ce raccourcissement des délais est un objectif souhaitable, vers lequel nous devons tendre, mais cela se fera progressivement, grâce à une amélioration du fonctionnement des études notariales et des services fiscaux de l'enregistrement et de la publicité foncière.
On imagine bien que cela se fera de façon très progressive, et que l'on ne parviendra pas à mettre cette mesure en oeuvre d'ici au 1er novembre – surtout en l'ayant découverte le 31 août. Si c'est jouable dans certains endroits, dans d'autres, en revanche, notamment à Paris, les délais d'attente pour l'enregistrement sont de cinq mois, faute d'effectifs suffisants dans les services fiscaux – je me suis renseigné sur ce point. En fait, nous risquons de déstabiliser encore davantage les services fiscaux, qui seront obligés d'accorder des remises de pénalités, les retards leur étant imputables. Nous avons là, me semble-t-il, un vrai problème.
Défavorable. L'un des intérêts du dispositif permettant d'accélérer les rentrées sur l'exercice 2011 est précisément la réduction de deux mois à un mois. J'ai consulté les notaires, qui m'ont affirmé être tout à fait capables d'assumer cette réduction de délai. Par ailleurs, ce que vous dites des services de l'État m'étonne beaucoup, et je pense que Mme la ministre ne manquera pas de vous répondre sur ce point : à mon avis, les services de l'État chargés de l'encaissement de recettes sont, eux aussi, parfaitement capables d'assumer une réduction de délai d'un mois.
Je pense effectivement que les services de l'État sont tout à fait à même d'absorber le raccourcissement du délai d'un mois. J'ajoute que cette mesure aurait, en termes de trésorerie, un impact très positif sur les finances des collectivités locales, puisque nous parlons d'une somme de l'ordre de 476 millions d'euros.
Je suis saisie d'un amendement n° 78 .
La parole est à M. Jérôme Chartier.
M. le rapporteur général m'a fait l'honneur, il y a quelques instants, de présenter cet amendement qu'il a qualifié de bon. Je m'en tiens à cette appréciation flatteuse et considère qu'il est défendu, madame la présidente.
Nous avons compris que l'avis de M. le rapporteur général sur cet amendement était très favorable. Le Gouvernement partage sans doute cet avis ?
C'est en effet un excellent amendement.
(L'amendement n° 78 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 183 .
Cet amendement est-il maintenu, monsieur Tardy ?
Je suis saisie d'un amendement n° 76 .
La parole est à M. le rapporteur général.
L'amendement n° 76 concerne le cas des ventes par adjudication. Le délai de 45 jours proposé à l'acquéreur pour le paiement dans le cadre de cette procédure particulière n'étant pas compatible avec un délai d'un mois imposé au notaire, nous proposons de conserver le délai de deux mois pour l'enregistrement de la formalité fusionnée.
Favorable.
(L'amendement n° 76 est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° 32 tombe.
Je suis saisie d'un amendement n° 182 rectifié du Gouvernement.
La parole est à Mme la ministre.
Pour des raisons d'équité, les parlementaires ont demandé une entrée en vigueur différée du dispositif de taxation des plus-values immobilières, permettant à ceux disposant de droits à défiscalisation acquis dans l'ancien système de réaliser leur vente dans les six mois qui viennent. L'entrée en vigueur de la réforme est donc différée au 1er février 2012, date de la signature de l'acte authentique.
Mes chers collègues, j'attire votre attention sur le fait que Mme la ministre vient bien de défendre l'amendement n° 182 rectifié , qui va vous être distribué dans quelques instants.
Sur l'amendement n° 182 rectifié , je suis saisie d'un sous-amendement n° 187 .
La parole est à M. le rapporteur général.
La rédaction initiale de l'alinéa 14 de l'article 1er A prévoyait que la disposition relative à la réduction de deux mois à un mois du délai dans lequel les notaires doivent accomplir la formalité fusionnée auprès de la conservation des hypothèques serait applicable au 1er novembre 2011. Le sous-amendement n° 187 vise à maintenir cette application.
À propos de l'amendement n° 182 rectifié , je voudrais répondre à plusieurs questions qui ont été posées au sujet des dates d'entrée en vigueur des différentes mesures de la réforme. Ce matin, le Gouvernement avait proposé un amendement global apportant ces précisions, mais la séance a souhaité le scinder afin de faciliter la discussion,…
…et les dates d'entrée en vigueur figurent donc maintenant dans l'amendement n° 182 rectifié . Ce qui devait faciliter la discussion a suscité beaucoup d'interrogations, mais les dates sont bien précisées, en particulier celle, générale, du 1er février 2012.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
(Le sous-amendement n° 187 est adopté.)
(L'amendement n° 182 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 110 , portant article additionnel après l'article 1er A.
La parole est à M. Christian Eckert.
Il s'agit de supprimer la possibilité offerte aux contribuables les plus aisés d'opter pour un prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu pour leurs revenus du capital.
Le principe de ce dispositif introduit en 2006 est de substituer à l'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu une imposition proportionnelle au taux de 19 % depuis le 1er janvier 2011.
Or il faut rappeler que moins d'un contribuable sur dix paye un impôt sur le revenu dont le taux moyen dépasse 10 %. Ceux qui bénéficient du prélèvement libératoire, s'ils optent pour ce prélèvement, sont une faible minorité : ceux qui perçoivent les revenus les plus élevés.
Parallèlement, il est proposé de soumettre à un taux de 25 %, retenu à la source, les dividendes distribués à des personnes non résidentes fiscalement, contre 19 % actuellement.
Il s'agit là, me semble-t-il, d'un amendement de bon sens, permettant d'introduire une plus grande égalité entre les revenus du capital et ceux du travail. Puisque vous souhaitiez le faire, nous vous proposons de mettre vos paroles en pratique.
Sur ce sujet bien connu, l'avis de la commission est défavorable.
Le prélèvement forfaitaire libératoire s'est développé dans tous les pays européens. En ce qui concerne nos voisins allemands, alors même qu'ils adoptaient une tranche supplémentaire à l'impôt sur le revenu, ils ont soigneusement conservé les prélèvements forfaitaires libératoires sur tous les produits du capital.
Défavorable.
Je rappelle à notre rapporteur général que le taux moyen de l'impôt sur les sociétés du CAC 40 est d'environ 8 %. Étant donné ce taux, il me semble que les dispositifs censés éviter la double imposition n'ont plus lieu d'être.
(L'amendement n° 110 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de deux amendements, nos 112 rectifié et 82 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l'amendement n° 112 rectifié .
Je considère que cet amendement de repli est défendu, madame la présidente.
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour soutenir l'amendement n° 82 rectifié .
Je rappelle d'abord que nous nous battons pour trouver 900 millions d'euros sur un déficit global de 95 milliards d'euros. Nous ne pouvons donc pas faire l'économie d'un débat sur la taxation comparée du travail et du capital, même si l'on sait que d'autres débats auront lieu ultérieurement. Je souhaite vraiment que l'on ne passe pas à côté de l'ensemble des taxations sur le capital, qu'il s'agisse de la niche de l'exonération des plus-values au-delà de deux ans, des grandes compagnies ou du relèvement du prélèvement libératoire.
À ce sujet, je trouve que le terme même de « prélèvement libératoire » est très révélateur de la façon dont les impôts sont considérés. Pour permettre la convergence entre la taxation du travail et celle du travail, au profit du travail et au détriment du capital, nous proposons d'augmenter le prélèvement libératoire en le portant de 19 % à 25 %.
Monsieur le rapporteur général, toute démarche fiscale consistant à invoquer un risque vis-à-vis de l'extérieur interdit la mise en oeuvre d'une politique d'optimisation et de justice. Je vous rappelle que l'Europe suit nos débats et que nous atteignons quasiment les 100 milliards d'euros de déficit cette année. Il va bien falloir prendre des décisions, et je ne crois pas que quelques mesures provisoires particulières soient à la hauteur de l'enjeu. Je souhaite donc, pour ma part, que le prélèvement libératoire passe de 19 % à 25 %.
Je n'ignore pas l'existence de l'ensemble des contributions complémentaires en matière sociale, mais je ne crois pas que cela constitue un risque majeur de départ des capitaux. Quand bien même ce serait le cas, je vous propose de revenir à la question consistant à rattacher l'impôt au passeport et non plus à la résidence.
La commission n'a pas retenu ces deux amendements.
Je veux dire à M. Borloo que je partage son sentiment au sujet de l'expression « prélèvement libératoire », qui me paraît détestable car elle donne à penser qu'il n'est rien de plus important que de se décharger d'un fardeau insupportable. Cela étant, nous avons considérablement augmenté les prélèvements forfaitaires libératoires au cours de l'année écoulée. Il y a à peine un an, la taxation des plus-values immobilières est passée de 16 % à 19 %. Les prélèvements sociaux sont, eux, passés de 10 % à 13,5 %. Enfin, la taxation des dividendes est passée de 18 % à 19 %. Certes, il y a toujours de la marge, mais ce qui m'inquiète, c'est de voir que nos voisins ne touchent pas, actuellement, aux prélèvements forfaitaires, si ce n'est pour diminuer ces prélèvements sur l'épargne.
Je pense, madame la ministre, qu'il faut absolument engager la réflexion sur l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, mais aussi se pencher, au niveau européen, sur la question des produits de l'épargne. On ne peut pas supporter de telles divergences entre les États européens, en particulier entre la France et l'Allemagne : aujourd'hui, il y a cinq points d'écart en matière de prélèvements fiscaux forfaitaires libératoires sur les revenus de l'épargne !
Il y a donc, à mon sens, deux sujets à traiter en priorité : d'une part, l'impôt sur les sociétés, d'autre part, celui que vous évoquez de façon tout à fait légitime. En attendant, compte tenu des efforts qui ont été faits en matière d'augmentation depuis un an, il ne me paraît pas raisonnable de faire passer brutalement le prélèvement forfaitaire libératoire à 25 %.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, pour les raisons invoquées par M. le rapporteur général. Nous avons, dans le cadre la loi de finances pour 2011, relevé d'un point le taux d'imposition des plus-values de valeurs mobilières, faisant passer ce taux de 18 % à 19 % – en supprimant de surcroît le seuil de cession, de sorte qu'elles sont imposables dès le premier euro de cession depuis le 1er janvier 2011.
De même, le prélèvement forfaitaire sur les revenus de capitaux mobiliers, notamment sur les intérêts et les dividendes, a été porté de 18 % à 19 %.
À cela s'ajoutent l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux. Ceux-ci, calculés au taux global de 12,3 % depuis le 1er janvier 2011, vont être portés à 13,5 % par l'article 4 du présent collectif budgétaire. Le prélèvement fiscal et social applicable aux revenus et gains du capital s'établit désormais à 32,5 %. Ce n'est pas négligeable ! Peu de Français sont taxés à ce taux sur les revenus de leur travail.
Sous le bénéfice de ces explications, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, je solliciterai leur rejet.
(Les amendements nos 112 rectifié et 82 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 66 .
La parole est à M. le président de la commission des finances.
Cet amendement est relatif aux plus-values sur les cessions de valeurs mobilières. Après un long débat, nous avons majoré la fiscalité sur les plus-values de cessions immobilières. J'avoue mal comprendre les raisons pour lesquelles, alors que nous augmentons considérablement la taxation des valeurs immobilières, nous ne ferions rien s'agissant des cessions mobilières. Au nom de quoi taxer le foncier davantage que les revenus du capital, en l'occurrence ceux qui résultent des valeurs mobilières ?
C'est la raison pour laquelle je vous propose de supprimer l'abattement d'un tiers par année de détention supplémentaire au-delà de cinq ans. En effet, ce dispositif aboutit, au bout de huit ans, à supprimer toute assiette de taxation des plus-values. Sans reprendre forcément mot à mot l'argumentation de certains de nos collègues qui viennent de s'exprimer, je pense que les temps sont suffisamment difficiles pour qu'un effort soit aussi consenti à cet égard, même si j'ai bien entendu l'argument de Gilles Carrez sur ce qui se passe en Allemagne. Je crois malgré cela que l'état des finances publiques – en Allemagne probablement, en France certainement – est tel qu'il faudra en venir à une fiscalisation très comparable, sinon identique, entre les revenus du capital et ceux du travail. Ce que je vous propose s'inscrit dans cette démarche que je crois tout à fait nécessaire et qui verra un jour les revenus du travail et les revenus du capital soumis au même barème de l'impôt sur le revenu.
Je comprends qu'il faille des étapes pour y parvenir, mais en attendant, et puisque le système que je propose de réformer s'applique dès le 1er janvier 2012, je crois utile que cet amendement soit adopté par l'Assemblée nationale. En effet, si nous ne le faisons pas, à partir de l'année prochaine ce dispositif, élaboré en loi de finances rectificative pour 2005, commencera à s'appliquer et il deviendra extrêmement délicat de le réformer, au nom d'arguments que l'on a déjà entendus : la rétroactivité, la parole de l'État, ou encore la stabilité fiscale – et j'en passe. À ce jour, ce système, qui vide l'assiette d'un tiers par année de détention au-delà de cinq ans, n'est pas encore entré en vigueur. Je crois qu'il serait utile pour l'État de l'abroger avant que cela ne se produise.
La commission a rejeté l'amendement de son président, mais elle a adopté un autre amendement que j'ai proposé. Il viendra un peu plus loin et vise au même objet.
En fait, le président de la commission veut faire entrer en vigueur la suppression de l'exonération progressive des plus-values mobilières dès maintenant. Pour ma part, je considère que, comme cette exonération ne va commencer à s'appliquer qu'à partir de l'année prochaine – elle n'a donc pas d'incidence sur l'année 2011 –, il faut proposer sa suppression en seconde partie du PLF.
J'appelle l'attention de Mme la ministre sur ce point : alors que nous sommes en train de supprimer ou réduire tout un ensemble d'avantages fiscaux, et que nous venons en particulier de réduire fortement le dispositif fiscal extrêmement avantageux sur les plus-values immobilières, il serait paradoxal d'ouvrir une autre niche, colossale, car elle coûte 1 milliard d'euros.
Il faut donc absolument traiter ce problème avant que des droits ne commencent d'être constitués, ce qui sera le cas à partir du 1er janvier prochain. En effet, tout le monde l'a oublié, mais nous avons voté ce dispositif d'exonération des plus-values mobilières en loi de finances rectificative pour 2005, avec application différée à partir de 2012. Il faut aujourd'hui bloquer son application, ou en tout cas la repousser à des jours meilleurs.
Le président Cahuzac propose de supprimer l'abattement d'un tiers par année de détention, au-delà de cinq ans, applicable aux gains nets de cessions de valeurs mobilières réalisées par les particuliers, y compris son volet spécifique applicable aux dirigeants de PME partant à la retraite.
Je ne suis pas favorable, en l'état, à cette proposition. Certes, dans le contexte économique actuel, il n'est pas illégitime de s'interroger sur la justification d'une exonération totale d'impôts sur une catégorie de revenus. Le rapporteur général l'a lui aussi souligné. Il faut savoir si le gain qui en résulte pour le contribuable est bien en adéquation avec les objectifs des politiques publiques et les avantages que la collectivité peut en attendre. Cependant, la disposition proposée, avec son caractère un peu radical, me pose problème car elle met un terme brutal au dispositif d'accompagnement, notamment pour les départs à la retraite des dirigeants de PME.
Je vous propose d'approfondir la réflexion dans la perspective du PLF pour 2012, puisque nous avons encore le temps d'avoir ce débat, sur la base d'objectifs que nous pourrions partager, à savoir recentrer davantage le dispositif sur les PME, et éventuellement imaginer un mécanisme qui garantisse le réemploi des fonds issus du produit de cession des titres de PME dans de nouvelles entreprises.
Cela pourrait fonctionner et cela aménagerait parallèlement le dispositif pour la retraite des dirigeants de PME. Dès lors que les retombées sur la collectivité nationale, en termes de financement des PME, seraient garanties, l'exonération actuelle gagnerait en légitimité. Ainsi, ce sujet mérite d'être débattu dans le cadre du prochain PLF, et non dans le cadre de ce collectif budgétaire qui, comme vous l'avez compris depuis le début de cet après-midi, traite du sauvetage de la Grèce et de mesures de redressement d'urgence pour garantir notre déficit budgétaire.
(L'amendement n° 66 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 165 .
La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
Cet amendement a peu d'incidence sur le plan budgétaire, mais on ne comprend pas pourquoi les chevaux de course ne sont pas dans le droit commun. Après tout, il n'y a pas beaucoup de raisons, que ce soit en termes d'efficacité économique ou de justice sociale, expliquant qu'une plus-value réalisée sur un cheval de course donne droit à un abattement supplémentaire. Nous vous proposons donc de supprimer cette toute petite niche.
Et une petite niche pour un cheval, c'est rare ! (Sourires.)
(L'amendement n° 165 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 113 rectifié .
La parole est à M. Christian Eckert.
Vous savez qu'il existe un abattement proportionnel de 40 % sur le montant des dividendes perçus. Il était censé éviter une double imposition – j'y faisais allusion tout à l'heure –, si l'on considère que les dividendes perçus ont déjà été soumis à l'impôt sur les sociétés. Lorsque celui-ci approchait le taux de 33 %, on pouvait éventuellement le concevoir. Mais, comme on l'a rappelé, le taux réel d'imposition pour les grandes sociétés est aujourd'hui autour de 12 % – on parle même de 8 % pour les sociétés du CAC 40. Cet abattement de 40 % n'a donc plus lieu d'être. Il conviendrait de le ramener à 20 %. Ce est d'autant plus vrai qu'une grande part de l'assiette des bénéfices échappe maintenant à l'impôt sur les sociétés ; c'est l'effet de la fameuse niche Copé, dont nous avons souvent parlé ici et dont j'imagine que nous reparlerons à l'occasion de cette loi de finances rectificative. Il s'agit, là encore, d'une préconisation du Conseil des prélèvements obligatoires. Vous dites vouloir réduire le déficit. Or on a là, à l'évidence, un abattement qui ne se justifie absolument pas. Nous vous tendons encore une fois la perche pour rétablir plus de justice et pour réduire le déficit en ramenant cet abattement à 20 %.
(L'amendement n° 113 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je ferai au préalable, madame la présidente, une brève remarque sur le déroulement de nos travaux. Il est une heure quarante. En principe, la séance doit reprendre demain matin à neuf heures trente. Il importe de respecter le délai normal entre la fin d'une séance et le début de la suivante.
Cela ne m'a pas échappé. Je lèverai bien évidemment la séance de façon que nous puissions reprendre nos travaux demain à neuf heures trente.
L'amendement n° 117 vise à vous rappeler une mesure que vous avez prise dans le précédent collectif budgétaire, en juillet, qui a consisté à diviser par deux l'impôt de solidarité sur la fortune et à faire 1,8 milliard d'euros de cadeaux fiscaux à 500 000 contribuables parmi les plus fortunés.
À un moment où la situation de nos finances publiques nécessite un effort de tous, notamment des plus fortunés de nos concitoyens, nous considérons que cette mesure est d'une totale injustice. Par conséquent, la première décision à prendre est de revenir sur cette réforme. Nous proposons donc de rétablir le barème de l'ISF tel qu'il était antérieurement. Faire un cadeau de 1,8 milliard sur les revenus des capitaux de cette fin d'année et sur ceux de l'année prochaine – puisque les tranches supérieures seront abaissées l'an prochain – est parfaitement injustifié.
Il est tout à fait possible de supprimer cette mesure immédiatement, puisque la déclaration d'ISF doit être faite au mois de septembre, tandis que l'abaissement des taux ne sera appliqué que l'an prochain. On peut certes s'interroger sur une réforme de l'imposition du patrimoine, mais je pense que s'il y a une réforme inopportune, c'est bien celle qui a été faite en juillet.
La parole est à M. François de Rugy, pour défendre l'amendement n° 71 .
Cet amendement procède du même esprit que celui de Pierre-Alain Muet. Il s'agit d'ailleurs en quelque sorte d'un amendement de repli. Il tend à rétablir ce qu'était l'impôt de solidarité sur la fortune avant la réforme que vous avez fait voter il y a à peine plus de deux mois et qui, comme on le sait, divise par deux les recettes de cet impôt pour l'État. Je rappelle à cet égard que, contrairement à ce qui a souvent été dit par la majorité, il n'entraînait pas du tout une fuite des capitaux de la France vers l'étranger, puisque, en réalité, il avait un rendement croissant au fil des années : il y avait de plus en plus d'assujettis et il rapportait de plus en plus, ce qui prouve que cet impôt était plutôt efficace pour les finances publiques.
Nous proposons de le réintroduire dès 800 000 euros de valeur nette taxable du patrimoine, au lieu de 1,3 million, et de créer quatre tranches contre deux à l'heure actuelle. Il s'agit de montrer que l'on s'est privé, il y a quelques mois seulement, d'une recette de quasiment 2 milliards d'euros à l'occasion du projet de loi de finances rectificative. Vous avez dit, madame la ministre, qu'il nous fallait tenir nos objectifs en matière de déficit. Or vous aviez là une façon simple de ne pas l'aggraver. Vous ne l'avez pas fait – au contraire.
Il est encore temps d'y revenir, comme l'a dit notre collègue Pierre-Alain Muet. Après tout, nous avons entendu à l'instant le rapporteur général nous expliquer qu'une mesure votée en 2005, c'est-à-dire par la même majorité, et dont l'application était prévue en 2012, devait être renvoyée à plus tard ou abandonnée. Il n'y a pas de mal à reconnaître ses erreurs, bien au contraire. C'est ce que nous vous invitons à faire en votant cet amendement, qui vous rendrait d'ailleurs plutôt plus populaires que vous ne l'êtes actuellement !
Avis défavorable. Nous n'allons pas refaire, à cette heure tardive, le débat du mois de juin.
Je veux juste rappeler que la diminution de l'ISF a été gagée à l'euro près par l'augmentation des droits de succession sur les grosses successions, par le fait de repasser de six à dix ans le délai de rappel fiscal, par la suppression du bouclier fiscal, et enfin par la création de l'exit tax. Cette réforme a été totalement gagée. Il est donc faux, monsieur Muet, de prétendre qu'elle a aggravé le déficit.
Même avis que le rapporteur et même remarque : la réforme de l'ISF a été supportée par les plus hauts patrimoines.
L'ISF est certes un impôt critiquable par bien des aspects – son assiette notamment est très imparfaite – et il serait justifié d'engager une vraie réflexion sur une réelle réforme de l'imposition du patrimoine, mais je pense sincèrement qu'avoir choisi le moment où les finances publiques sont au plus mal pour réduire l'assiette et les recettes que procure cet impôt est tout à fait irresponsable.
Je rebondis sur l'intervention de M. le rapporteur général. Puisqu'il a ouvert la boîte en parlant du bouclier fiscal, allons-y !
Le bouclier fiscal n'a pas été supprimé, monsieur le rapporteur général, le bouclier fiscal a été rendu inutile, ce qui n'est pas la même chose. Parler de jeu de chaises musicales, de vases communicants, de non-compensation de je ne sais quoi à un moment où les finances publiques sont dans l'état que vous connaissez et qui est de votre fait est assez indécent. Alors que vous nous dites que c'est la faillite, que les déficits se creusent, qu'il faut faire des économies et racler les fonds de tiroirs – ce que vous faites dans ce projet de loi de finances rectificative en discutant pendant des heures pour ajuster des mesurettes en vue de gratter un million par-ci, deux millions par-là – vous avez, il y a quelques semaines, réduit l'impôt de solidarité sur la fortune de 1 856 millions d'euros ! C'est une réalité.
À chaque étape, vous essayez de nous beurrer les lunettes avec des mesurettes qui n'atteignent pas leur objectif, qui ne servent quasiment à rien parce que vous passez votre temps à protéger les plus riches de ce pays alors même que nous vous signalons des niches et des mesures qui pourraient vous procurer des milliards.
On a passé du temps sur la défiscalisation et l'exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires, qui représentent 4,5 milliards. Cela a du sens d'aller chercher ces milliards-là. Quand on dit qu'il faut revenir à un impôt de solidarité sur la fortune digne de ce nom, revenir sur cette réduction de 1 856 millions, cela a également du sens. Cela permettrait de rétablir partiellement mais réellement l'équilibre des finances publiques.
Mais vous refusez ces démarches et vous vous enfermez dans des palinodies, des débats polémiques inutiles, qui n'apportent aucun remède aux finances publiques.
Nous maintenons cet amendement et nous souhaitons qu'il soit voté.
Nous maintenons bien sûr notre amendement et souhaitons également qu'il soit voté, mais je voudrais surtout répondre au rapporteur général.
Vous savez bien, monsieur Carrez, que c'est un artifice de langage de dire que la réforme de l'ISF était gagée. Nous avons toujours combattu le bouclier fiscal. En 2007, vous l'aviez institué en arguant qu'il faisait partie de vos promesses, que vous entendiez appliquer – on a vu d'ailleurs comment cela a été reçu par les Français. Mais vous n'étiez pas obligés de donner une contrepartie à la suppression du bouclier fiscal. De même l'exit tax pouvait être créée sans ce motif. Quant au relèvement des droits de succession, c'est une mesure qui pouvait être prise de toute façon. On n'est pas du tout dans le même registre.
La réforme serait gagée s'il s'agissait de la même assiette d'imposition. Ce n'est pas le cas.
En revanche, c'est la même logique : vous avez profité du fait que vous reveniez enfin sur le bouclier fiscal, et encore de façon progressive, pour faire un cadeau beaucoup plus important sur le patrimoine.
Toute la discussion que nous avons eue cette nuit le démontre : vous êtes extrêmement vigilants, extrêmement pointilleux, dès qu'il s'agit de l'imposition sur le patrimoine ou dès qu'on pourrait toucher d'une quelconque façon à des revenus qui n'ont rien à voir, il faut le rappeler, avec l'économie productive, avec le produit tiré des investissements ou du travail. On n'est pas dans le « travailler plus pour gagner plus », on est dans l'économie de la rente, on favorise des gens qui vont profiter d'un effet d'aubaine : cette réduction de l'ISF, ils ne vont pas travailler une minute de plus pour l'avoir !
Votre discours sur le gage, monsieur le rapporteur général, vous le savez parce que vous êtes plutôt responsable en matière financière, contrairement au Président de la République et au Gouvernement, c'est du pipeau ! La réalité, c'est que ce sont des cadeaux supplémentaires. Les Français le savent très bien, et comptez sur nous pour le dire et le redire dans les mois qui viennent.
(L'amendement n° 117 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 71 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 166 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Il s'agit de raboter et même de diviser par deux le bénéfice lié à la disposition qui permet de réduire son ISF en investissant en fonds propres dans les PME. Il est possible de déduire 50 % du montant de l'investissement avec un plafond de 45 000 euros, ce qui est considérable puisque cette niche sur l'ISF a été évaluée à 661 millions d'euros en 2009, 768 millions d'euros en 2010, et encore 733 millions en 2011. Encore une fois, il s'agit d'une niche dont profite un faible nombre de contribuables, environ 80 000 ménages.
Je vous signale, mes chers collègues, qu'à l'époque, en 2007, cette disposition avait été évaluée, dans les documents qui nous avaient été distribués, à 380 millions d'euros, c'est-à-dire à la moitié de ce qu'elle a finalement coûté. Nous proposons de revenir, en divisant par deux le taux de l'incitation, aux 380 millions d'euros prévus initialement.
J'ajoute que ce même investissement dans les PME bénéficie d'une réduction de 25 % lorsqu'il est fait au titre de l'impôt sur le revenu. Nous proposons donc d'aligner le régime applicable à l'ISF sur celui qui existe pour l'impôt sur le revenu.
Même avis.
(L'amendement n° 166 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, mercredi 7 septembre 2011 à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 7 septembre 2011, à une heure cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron