La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.
Je suis saisie d'un amendement n° 4 portant article additionnel avant l'article 1er.
La parole est à Mme François Olivier-Coupeau pour soutenir cet amendement.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, monsieur le rapporteur, d'emblée nous allons donner le ton qui sera celui de nos interventions dans cette discussion puisque, à travers cet amendement, les députés du groupe SRC veulent signifier qu'ils n'adhèrent pas à la philosophie du projet de loi. Nous considérons que la gendarmerie nationale est une force armée et qu'elle ne peut être rattachée qu'au ministère de la défense. Ce sera notre leitmotiv au cours de cette matinée, s'agissant de ce texte.
Nous l'avons rappelé hier, la gendarmerie est une organisation extrêmement ancienne, qui donne la plus grande satisfaction – les Français aiment leur gendarmerie – et nous n'avons toujours pas trouvé, dans les propos du Gouvernement, d'explications satisfaisantes à la remise en question de l'état actuel des choses.
Cet amendement a une valeur symbolique particulièrement forte. Il s'agit de rappeler dès le début du texte qu'en tant que « force publique militaire », la gendarmerie fait « partie intégrante des forces armées ». Nous souhaitons rappeler également que la gendarmerie est l'armée de la loi et qu'elle tire sa force spécifique de son caractère militaire, cette dernière caractéristique faisant qu'elle relève des attributions du Chef de l'État, lequel est chef des armées.
En tant qu'armée de la loi, son deuxième employeur, après le ministère de la défense, est l'autorité judiciaire. C'est ce que nous tenons de même à rappeler avant l'article 1er.
La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur de la commission de la défense et des forces armées, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 4 .
Cet amendement est contraire à l'objectif principal du projet de loi, qui tire les conséquences des évolutions accomplies depuis 2002 en matière de transfert de compétences. En effet, il maintiendrait la gendarmerie sous l'autorité du ministre de la défense.
Cet amendement précise certes les missions essentielles de la gendarmerie, mais l'article 1er insère au sein du code de la défense un article les définissant, et la codification est préférable à une disposition isolée.
Pour ces raisons, la commission a rejeté cet amendement.
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 .
Même avis que la commission. Le projet de loi, je l'ai souligné hier, est sans aucune ambiguïté : la gendarmerie est et restera une force armée. Le texte est précis. Il n'y a pas de raison de rajouter un article qui complexifierait les choses. Donc avis défavorable.
Madame la présidente, l'amendement de Mme Olivier-Coupeau portant article additionnel avant l'article 1er réécrit de fait ce dernier mais sans reprendre un certain nombre des expressions traditionnelles qui définissent la gendarmerie.
Quand l'article 1er dispose, selon la terminologie courante, que « la gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l'exécution des lois », il utilise la définition de l'époque révolutionnaire. Et, dans l'alinéa 7, qui précise qu'« elle est destinée à assurer la sécurité et l'ordre public », il propose une rédaction beaucoup plus forte et beaucoup plus proche des textes traditionnels de la gendarmerie que celle de l'amendement de Mme Olivier-Coupeau. Finalement, cet amendement n °4 se retourne contre ses auteurs car il est beaucoup plus faible de ce point de vue que l'article 1er.
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
Sur l'article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est un événement majeur pour la gendarmerie car il traduit la volonté de garantir la pérennité de son identité militaire et de réaffirmer ses missions au service de la sécurité des Français.
Cette réforme est nécessaire, elle fait de la gendarmerie une institution moderne et encore plus efficace, adaptée aux besoins et aux évolutions que nous constatons chaque jour sur le terrain.
Me réjouissant de la clarification et de la polyvalence des attributions confiées à la gendarmerie, je souhaite insister plus précisément, à propos de ce premier article, sur la vocation rurale et périurbaine de la gendarmerie.
Dans ma circonscription rurale des Flandres, j'ai souvent l'occasion de voir les gendarmes à l'oeuvre et d'apprécier l'efficacité de leur engagement sur un territoire spécifique. D'autre part, je mesure la nécessaire complémentarité de la gendarmerie avec la police nationale chargée des zones urbaines. Nous avons tous pleinement conscience du caractère propre de chacune de ces institutions.
C'est pourquoi je tiens à réaffirmer avec la plus grande conviction qu'un maintien fort de la gendarmerie dans les zones rurales et périurbaines est indispensable. Le gendarme est un homme de terroir. Son imprégnation des spécificités locales lui permet d'offrir à nos concitoyens un service de sécurité rapide et réactif, adapté aux réalités du terrain et cela même dans les zones les plus isolées. Homme de loi, respectueux des populations et de leur quotidien, le gendarme est soucieux d'intervenir avec humanité et justice afin d'asseoir l'autorité de l'État et le principe d'équité et je mets à profit l'occasion qui m'est ici donnée de rendre hommage à toutes celles et ceux qui font la gendarmerie, pour les qualités qu'ils déploient dans l'exercice de leurs missions, en Flandres notamment.
Enfin, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je souhaite appeler votre attention sur la nécessité de renforcer les moyens de la gendarmerie dans les zones transfrontalières, qui sont, en raison même de leur situation, plus exposées aux trafics internationaux. Dans le Nord, les gendarmes doivent s'adapter au caractère doublement limitrophe du département, avec la Belgique et le Royaume-Uni.
Comme vous le savez, l'ampleur de la tâche est considérable. Des moyens humains et matériels dont disposera la gendarmerie dépendront son action de proximité et son efficacité future.
Merci, monsieur Decool, de vous être parfaitement adapté à la nouvelle règle des deux minutes.
La parole est à M. Thierry Benoit.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 1er traite des missions et du rattachement de la gendarmerie nationale. La décision majeure, qui consiste à rattacher la gendarmerie au ministère de l'intérieur afin d'accroître l'efficacité de la politique de sécurité intérieure et de mutualiser les actions avec la police nationale, est une nécessité qui n'est pas contestée.
Comme cela a été dit à plusieurs reprises dans la discussion générale, cet article va nous permettre également de rappeler la dualité de nos forces de sécurité et de réaffirmer le statut militaire de la gendarmerie. À ce propos, j'ai été ravi d'entendre vos propos hier, monsieur le ministre : vous avez levé toutes les ambiguïtés qui pouvaient exister à propos de ce projet de loi.
En effet, la mise en place de la direction générale de la gendarmerie nationale en 1920 et la création et le développement de la gendarmerie mobile rappellent le caractère militaire de la gendarmerie.
Je voudrais réaffirmer les valeurs qui animent nos gendarmes : le sens de l'honneur et de l'ordre, l'obéissance hiérarchique, la discipline, le courage et la persévérance.
Je voudrais également souligner l'esprit de réforme et de modernisation de ce projet de loi. Outre le rattachement au ministère de l'intérieur, le rôle du préfet est précisé : il dirige l'action coordonnée de l'État, mais sans que cela remette en cause le principe hiérarchique militaire. Vous l'avez affirmé, monsieur le ministre : le préfet n'exercera pas le commandement des unités de gendarmerie.
Je voudrais enfin dire un mot sur la cohérence de la politique de sécurité à travers le pays. La coordination du commandement au niveau régional et plus particulièrement au niveau départemental est organisée.
Vous allez avoir, monsieur le ministre, des défis à relever dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, avec la restitution de 1 500 postes.
Vous allez avoir à travailler à la réforme de la carte de la présence de la gendarmerie dans les territoires et, dans le même moment, à la carte du corps préfectoral. Je voudrais simplement insister sur la nécessité, monsieur le ministre, de faire travailler, dans les villes moyennes des territoires ruraux, les sous-préfets avec les commandements de compagnies de gendarmerie.
Je suis saisie d'un amendement n° 5 qui tend à supprimer l'article 1er.
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Dans cet article 1er qui modifie le code de la défense, l'alinéa 6 nous donne entièrement satisfaction puisqu'il définit la gendarmerie comme étant une force armée. Cela étant, et même si, monsieur Soisson, cet article est, peut-être, mieux écrit que mon amendement n° 4 , il était pour moi très important et très symbolique de faire figurer d'emblée dans la loi cet élément fondamental, sans attendre l'alinéa 6.
En revanche, l'alinéa 7 tel qu'il a été rédigé par la commission de la défense, et qui est très différent de celui qui avait été voté par la majorité du Sénat, nous pose question dans la mesure où il introduit la notion de mission judiciaire, ce qui, selon nous, banalise la mission de police judiciaire, compétence essentielle de la gendarmerie.
Enfin, c'est seulement à l'alinéa 13 qu'il est écrit qu'en dehors de l'exécution des missions qui relèvent d'une autre autorité, « la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur ».
Nous avons donc le sentiment que cet article n'est pas rédigé dans le bon ordre et que le plus important y vient souvent après des dispositions mineures.
Nous le répéterons autant qu'il faudra : il n'y a qu'une manière de préserver le statut militaire de la gendarmerie nationale, c'est de maintenir son rattachement au ministère de la défense. C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer l'article 1er, qui rattache une force armée à un ministère non militaire.
En tant que force militaire, non seulement la gendarmerie relève d'un rite militaire, mais tous les règlements militaires lui sont applicables. Nous insistons donc sur l'importance de préserver l'équilibre actuel, et donc la dépendance organique de la gendarmerie au ministère de la défense.
Par ailleurs, malgré les assurances que nous avons reçues du Gouvernement, nous craignons une refonte de l'organisation du ministère de l'intérieur.
Comme l'amendement n° 4 , cet amendement est contraire à l'objectif du projet de loi, qui tire les conséquences des évolutions intervenues depuis 2002 en matière de transfert de compétences.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur améliorera encore la coopération entre les deux forces de sécurité intérieure, et facilitera les mutualisations. Au reste, nous avons déjà confirmé l'importance que nous attachons à ses missions en matière de police judiciaire.
Avis défavorable.
Permettez-moi auparavant d'informer l'Assemblée de l'accident survenu à M. Jean Grellier, député des Deux-Sèvres appartenant au groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Hier, il a été renversé par un scooter, en sortant de l'Assemblée nationale. Victime d'une fracture du crâne, il a dû être hospitalisé, mais ses jours ne sont pas en danger. Nous lui souhaitons une prompte convalescence.
J'en viens à l'amendement n° 5 . Je me suis interrogé à sa lecture : que recouvre la notion de « ministère civil », qui figure dans l'exposé des motifs ? Comme tous les ministres du Gouvernement, celui de la défense est lui-même une autorité civile.
Quant au fond, les responsables de la gendarmerie rappellent eux-mêmes que, si les missions militaires sont, par définition et dans la réalité, très importantes, elles ne recouvrent quantitativement que 3 % de leurs activités. Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur pour la mission de sécurité relève donc de la simple logique.
Avis défavorable.
Cet amendement qui tend à supprimer l'article exprime l'opposition générale des députés du groupe socialiste à la philosophie du projet de loi. Le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur n'est nullement nécessaire pour garantir la synergie et la mutualisation.
Puisqu'il s'agit d'une force armée, la gendarmerie doit continuer à dépendre du ministère de la défense, même si, au quotidien, l'exécution quotidienne de ses missions dépend de plus en plus, depuis 2002, du ministère de l'intérieur considérable.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 6 .
La parole est à Mme Gisèle Biémouret.
L'amendement n° 6 tend à insérer, à la première phrase de l'alinéa 3, après le mot : « responsable », les mots : « , sous l'autorité du Premier ministre, ».
Il s'agit d'un amendement de précision. Directement issue de l'esprit de la Constitution, la formulation proposée marque la spécificité du rôle du Premier ministre. Si celui-ci est responsable de la politique conduite par le Gouvernement, l'article 21 de la Constitution lui confère en effet une responsabilité particulière en matière de défense nationale.
Notre préoccupation fait écho à celle de nos collègues du Sénat. D'ailleurs, les députés du groupe SRC comprennent mal les raisons qui ont conduit la majorité de l'Assemblée à revenir à une rédaction initiale moins précise que celle des sénateurs.
La précision que l'amendement propose d'introduire est inutile.
Avis défavorable.
Même avis. Le projet de loi de programmation militaire adopté le 16 juin précise que chaque ministre est responsable, sous l'autorité du Premier ministre, de la préparation et de l'exécution des missions de défense. Dès lors, l'amendement est redondant.
(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 7 .
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Nous avons été très étonnés de voir la commission de la défense de l'Assemblée nationale revenir sur un amendement voté par la majorité du Sénat et tendant à souligner que la police judiciaire est une mission essentielle de la gendarmerie.
Pour nous, la police judiciaire est non une mission judiciaire parmi d'autres, mais la quintessence de la mission judiciaire. Nous craignons que le texte ne la mette sur le même plan que d'autres missions de moindre importance effectuées au profit de l'autorité judiciaire, comme les extractions ou les transfèrements. Faut-il rappeler que 40 % des missions de la gendarmerie sont des missions de police judiciaire ?
Par ailleurs, il existe un débat sous-jacent sur le fait de savoir si la gendarmerie nationale doit rester une force qui assume de grandes missions de police, comme la police judiciaire, ou si elle doit devenir une simple force supplétive, cantonnée à des tâches de moindre technicité. Je rappelle que la mission de police judiciaire ne peut être assumée que par des personnels d'élite.
L'alinéa 7 accorde une place essentielle aux missions de police judiciaire, notamment dans le triptyque que forment sécurité publique, ordre public et missions judiciaires. Avis défavorable.
Je comprends l'esprit qui a présidé à la rédaction de l'amendement, mais il n'est pas question de remettre en cause la mission de police judiciaire de la gendarmerie, que le projet de loi rappelle clairement. D'ailleurs, la rédaction de l'amendement n'apporte rien de plus dans ce domaine. Les libertés publiques sont clairement garanties. Avis défavorable.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
L'amendement est satisfait par l'alinéa 7 de l'article.
En outre, préciser que la police judiciaire constitue l'une des missions essentielles de la gendarmerie ne revient-il pas à exclure ces autres missions essentielles que sont les extractions et les transfèrements ?
Je rappelle à M. le ministre que cet amendement signé par notre groupe ne fait que reprendre une disposition votée par la majorité du Sénat.
Hier soir, en écoutant s'exprimer le Gouvernement et les députés de la majorité, j'ai eu l'impression que nous étions tous d'accord sur l'importance de la gendarmerie, sur son statut militaire et sur ses missions. Pour autant, nous ne parvenons pas à la même conclusion, puisque le texte semble aller à l'encontre de ces principes.
Si vous tenez à les respecter, pourquoi ne pas accepter de faire figurer dans le texte des mentions peut-être superfétatoires, mais rappelant de manière symbolique des principes chers aux législateurs ?
La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Madame Olivier-Coupeau, le bicamérisme a justement pour mérite de permettre à une chambre de corriger l'autre. Ainsi, l'Assemblée nationale a toute latitude de revenir sur le texte du Sénat.
À mon sens, la lecture de l'article 1er, aussi bref que simple, ne devrait vous inspirer aucune inquiétude. En précisant que la gendarmerie « est investie de missions judiciaires, particulièrement dans le domaine de la police judiciaire », il couvre tout le spectre des missions judiciaires de la gendarmerie. Je ne vois aucun espace laissé au moindre doute.
Je suis saisie d'un amendement n° 8 .
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Cet amendement vise à mettre fin à une mauvaise polémique sur la logique ultime du rattachement, qui suscite la crainte d'une démilitarisation de la gendarmerie, voire d'une fusion des deux corps.
Une manière de sanctuariser le statut militaire de la gendarmerie serait de mentionner dans le texte que son directeur général est un officier général de gendarmerie. Cette précision rassurerait les gendarmes en confortant l'identité militaire de la gendarmerie nationale et, partant, son efficacité, bien que jamais la nomination d'un magistrat ou d'un préfet à la tête de la gendarmerie ne l'ait empêchée de relever du ministère de la défense ni de participer à des missions qui dépassent le cadre de la sécurité intérieure.
Cette précision, qui limiterait les pouvoirs de nomination accordés au conseil des ministres, me semble inutile. Depuis 2004, le général Gilles ayant succédé au général Parayre, c'est en effet un général de gendarmerie qui assume les fonctions de directeur général de la gendarmerie nationale. Avis défavorable.
Sur la forme, cette proposition me semble contraire à l'article 13 de notre Constitution, qui dispose que le Président de la République nomme aux emplois civils et militaires de l'État, et que les officiers généraux comme les directeurs d'administration centrale sont nommés en conseil des ministres, les modalités d'application de ces dispositions relevant non de la loi ordinaire mais d'une loi organique.
Sur le fond, je pense comme le rapporteur que la nomination d'un officier général est aujourd'hui perçue comme un gage supplémentaire de cohésion de la gendarmerie nationale. Ainsi, lorsque Mme Alliot-Marie, occupait encore les fonctions de ministre de l'intérieur, deux officiers généraux ont été nommés à cette fonction.
Mais ce qui est vrai aujourd'hui peut ne plus l'être demain, et le pouvoir exécutif doit conserver une liberté de choix dans ce domaine.
Avis défavorable.
Je comprends l'esprit dans lequel l'amendement a été rédigé, mais il ne me semble pas soutenable juridiquement, puisque la disposition relève du domaine réglementaire.
En outre, laisser à l'exécutif une liberté de choix donne une portée plus grande à la décision de nommer un général de gendarmerie au poste de directeur général de la gendarmerie nationale.
Avis défavorable.
La situation de la gendarmerie a pourtant bien changé : on avait peine, il y a quelques décennies, à trouver un vivier suffisant d'officiers supérieurs à qui confier sans inquiétude une responsabilité globale. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : la gendarmerie offre un large éventail de choix au pouvoir exécutif pour la désignation de son directeur général.
Cet amendement relève tout à fait du pouvoir réglementaire et de l'article 37 de la Constitution. Si nous l'adoptions, faudrait-il aussi préciser que le directeur de l'équipement doit être un ingénieur en chef des ponts et chaussées, ou que les ingénieurs du génie maritime auront vocation à diriger tel ou tel service dans tel ou tel ministère ? Seul le Gouvernement est compétent en matière d'organisation de l'État.
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 9 .
La parole est à M. Guy Chambefort.
L'amendement n° 9 vise à rédiger ainsi l'alinéa 8 : « Elle est destinée à assurer la mission de renseignement et d'information des autorités publiques, ainsi que la protection des populations. » En effet, si la rédaction de l'alinéa choisie par les sénateurs était impropre, celle qui est issue de la commission de la défense est pire : non seulement elle persévère dans la confusion entre les notions de mission et de contribution à une mission, mais elle l'amplifie. De deux choses l'une : soit le renseignement est une mission de la gendarmerie, auquel cas elle la remplit ; soit le renseignement est une mission globale à laquelle tous les services de l'État participent, et la gendarmerie nationale y apporte sa contribution comme d'autres – à moins, bien sûr, que le renseignement ne soit une fonction préemptée par tel ou tel service qui en aurait l'exclusivité et qui accepterait toute « contribution » en en conservant l'entière responsabilité. Une telle approche serait curieuse, surtout dans un projet de loi qui a l'« efficience » pour alibi !
De surcroît, l'alinéa mentionne désormais la lutte contre le terrorisme comme « contribution » de la gendarmerie nationale. On sait l'importance de ce thème dans le discours politique du Gouvernement et de la majorité. Rappelons cependant que le terrorisme est avant tout un ensemble de modes d'action criminels et forcément haïssables. Dès lors, la notion de lutte contre le terrorisme est parfaitement contenue dans les missions de renseignement et de protection des populations.
Avis défavorable. Cet amendement tend à faire du renseignement, de l'information des autorités publiques et de la protection des populations une compétence exclusive de la gendarmerie. Il ne correspond pas à la situation actuelle ; son adoption n'est donc pas souhaitable. En effet, la gendarmerie contribue à ces missions aux côtés de la police, de la sécurité civile et des armées.
Même avis. Affirmer que la gendarmerie assure la mission de renseignement et d'information reviendrait à dire, comme l'a justement relevé le rapporteur, qu'elle en a l'exclusivité – ce qui n'est naturellement pas le cas. Dire qu'elle y contribue avec d'autres acteurs n'amoindrit en rien son rôle essentiel, et correspond de surcroît à la stricte réalité.
(L'amendement n° 9 n'est pas adopté.)
Nous en venons à l'amendement n° 10 .
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Par cet amendement, les députés du groupe SRC veulent confirmer le fait – déjà ancien – que la gendarmerie nationale s'inscrit bien dans le cadre de la politique générale de sécurité mise en oeuvre par le ministre de l'intérieur. Nous, députés socialistes, radicaux et citoyens, plaidons pour une gendarmerie nationale qui demeure sous l'autorité du ministère de la défense et qui relève du ministère de l'intérieur pour certaines de ses missions.
, rapporteur. Avis défavorable : comme les premiers amendements que vous avez défendus, celui-ci est contraire à l'objectif du projet de loi.
Même avis. Chacun aura bien compris que vous refusez le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Il va de soi que c'est votre droit ; ce n'est pas le choix du Gouvernement.
(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 11 .
La parole est à M. Philippe Nauche.
Afin de garantir le niveau actuel de formation et la spécificité du recrutement dans la gendarmerie, il importe que celle-ci reste maîtresse du recrutement et de la formation des officiers, des sous-officiers et des gendarmes adjoints. En conséquence, les écoles de formation de la gendarmerie doivent demeurer sous la responsabilité du ministère de la défense – ce qui est logique, s'agissant d'écoles militaires.
Les efforts de mutualisation sont certes nécessaires mais, selon nous, ils doivent avant tout porter sur les spécificités et sur les activités les plus techniques. La formation générale des gendarmes, elle, doit relever d'un statut militaire. C'est l'objet de cet amendement qui, à notre sens, constitue un garde-fou pour le jour où quelqu'un nous expliquera peut-être que les deux forces distinctes auront désormais une même formation – ce que nous ne souhaitons pas.
La mutualisation ne porte que sur les formations spécialisées, qui sont déjà en place ou en cours. Il s'agit par exemple des formations de plongeurs ou de cynophiles. Cela étant, il n'est pas question de mutualiser la formation initiale des deux forces, car elle constitue le creuset de leur identité propre. La gendarmerie restera donc maîtresse du recrutement et de la formation initiale – militaire en particulier – de ses personnels.
La nature même de la formation militaire impose qu'elle relève de la gendarmerie, en coopération, le cas échéant, avec les armées – je pense par exemple au collège interarmées de défense. Les autres fonctions liées aux ressources humaines relevant du ministre de l'intérieur, à l'exception du pouvoir disciplinaire à l'égard des militaires, il n'est pas pertinent de modifier la tutelle du recrutement et de la formation. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.
Même avis. Je le répète une fois de plus, même si le message est déjà passé : il va de soi que les gendarmes conserveront leur statut militaire. Dès lors, les écoles de gendarmerie et les casernes resteront des établissements militaires. Quant à la formation, la gendarmerie continuera de recruter à la sortie des grandes écoles militaires, et la formation initiale des officiers, des sous-officiers et des gendarmes adjoints restera distincte de celle des personnels de la police nationale, parce que les gendarmes sont des militaires et que c'est dans cet esprit qu'ils doivent être formés. Rien ne justifie donc que le recrutement et la formation demeurent sous l'autorité du ministre de la défense.
(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)
(L'article 1er est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 40 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
Cet amendement a trait à la spécificité du secours en zone de montagne. À ce jour, le secours en montagne est assuré par trois forces : la gendarmerie nationale, les compagnies républicaines de sécurité et la sécurité civile. Pourtant, force est de constater que les missions de secours en montagne sont doubles : elles sont liées à l'assistance mais aussi, très souvent, à l'enquête de police judiciaire – pour élucider les causes d'un accident, par exemple. Les massifs montagneux étant situés en zone de gendarmerie, celle-ci y assure la fonction d'enquête.
Dans le contexte de la RGPP et de la recherche d'économies, la duplication des moyens en la matière est-elle favorable à nos finances publiques ? En effet, en règle générale, la gendarmerie, pour accomplir sa mission d'enquête, suit directement sur le terrain l'autorité mobilisée pour les premiers secours. Dans mes précédentes fonctions de rapporteur pour avis, j'ai pu constater que, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, la sécurité civile alterne chaque semaine avec la gendarmerie pour accomplir les missions de secours, mais qu'en réalité, la gendarmerie est mobilisée tout le temps, puisqu'en sus des missions de secours, elle doit assurer les missions d'enquête judiciaire. Cette duplication pose problème.
Chacun sait que les missions de secours véhiculent une image positive, à laquelle tiennent légitimement les CRS et les personnels de sécurité civile. Par souci de cohérence, il faudrait confier l'ensemble de ces missions à la gendarmerie, ou bien – poussons la logique du système jusqu'au bout – faire basculer les zones où les CRS interviennent sous la responsabilité de la police, afin qu'elles assurent l'ensemble des missions d'intervention et de police judiciaire.
… en rappelant que le rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement en séance, et que son adoption permettrait d'apporter un élément intéressant de cohérence.
Je me permets de vous rappeler le nouveau règlement, monsieur Folliot, qui précise que les orateurs disposent de deux minutes pour présenter leurs amendements, et non trois.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 40 ?
Cet amendement a déjà fait l'objet d'une discussion en commission avec Mme Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, qui nous expliquait qu'il poserait problème. Vous l'aviez alors retiré, monsieur le député. La commission, quant à elle, l'avait rejeté ; son avis reste le même.
Étant moi-même élu de la montagne, je comprends la philosophie de cet amendement. Cependant, le mieux est souvent l'ennemi du bien : grâce à ce projet de loi, le ministre de l'intérieur aura bientôt sous son autorité la police, la gendarmerie et la sécurité civile. À trop encadrer ces dispositions par la loi, nous affecterons la qualité de l'organisation opérationnelle. Je préfère donc confier au ministre tous les moyens nécessaires afin qu'il s'adapte en fonction des besoins des territoires.
Même avis. Je comprends l'esprit de votre contribution, monsieur Folliot. Le secours en montagne est une mission ancienne de la gendarmerie, qu'elle partage – vous l'avez rappelé – avec les unités de CRS et les sapeurs-pompiers. Comme Mme Alliot-Marie, je ne souhaite pas que cet équilibre soit modifié, car ce serait préjudiciable.
Comme en commission, je retire cet amendement, mais il est important que ce débat ait lieu, y compris dans l'hémicycle, et que le ministre comprenne la volonté que nous partageons tous de promouvoir l'efficacité tout en réalisant des économies. Je retire l'amendement, mais nous aurons l'occasion d'en reparler !
(L'amendement n° 40 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 12 .
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Cet amendement rédactionnel tend à harmoniser les points de vue divergents des sénateurs et des députés de la majorité, même si, monsieur le président Teissier, je connais les mérites du bicamérisme. Quoi qu'il en soit, il n'est jamais inutile d'améliorer encore la rédaction de certains textes.
Nous craignons un risque d'atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire, car nous savons que la dualité de la police judiciaire est une garantie d'indépendance et que c'est sur elle que repose le principe du libre choix de l'autorité enquêtrice. Parce qu'il faut savoir citer ceux qui tiennent des propos pertinents, je citerai le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Vannson, qui disait de l'indépendance de la justice qu'elle doit « lui permettre de pouvoir librement choisir le service enquêteur qu'elle saisit et, si elle le juge opportun, de pouvoir le dessaisir ».
Nous proposons donc de restaurer la formulation initiale du Sénat, en précisant que ce choix est offert au procureur et au juge d'instruction.
Madame Olivier-Coupeau, nous vous avons écoutée avec attention. Nous n'avons pas l'intention d'adopter une attitude de fermeture dans ce débat, et nous ne sommes pas hostiles à votre proposition ; bien au contraire.
L'amendement n° 12 donne une valeur législative au principe de libre choix de la formation enquêtrice, tant pour le procureur de la République que pour le juge d'instruction. La commission a donc émis un avis favorable.
Une fois n'est pas coutume, j'émets un avis différent de celui de mon excellent ami, rapporteur de la commission de la défense.
Dans cet article, la commission des lois avait supprimé la référence au juge d'instruction, la jugeant inutile, voire dangereuse. En effet, l'article 151 du code de procédure pénale va déjà beaucoup plus loin en disposant que le juge d'instruction peut saisir directement les officiers de police judiciaire, alors que l'amendement suggère de limiter le libre choix aux services auxquels appartiennent les officiers de police judiciaire. Son adoption risquerait donc de créer une incohérence entre deux dispositions de nature législative, ce qui serait préjudiciable aux juges d'instruction, alors que j'ai cru comprendre que votre intention était plutôt de protéger ces derniers.
Par ailleurs, comme je viens de le préciser, pour le juge d'instruction, le principe du libre choix du service enquêteur a déjà un caractère législatif, grâce à l'article 151 du code de procédure pénale. Dans un souci de cohérence, il convient de profiter de ce projet de loi pour donner un caractère législatif à ce principe en ce qui concerne le procureur de la République. Il n'est donc pas opportun d'alourdir notre rédaction en citant à nouveau le juge d'instruction.
Le Gouvernement, ayant bien entendu les arguments des deux rapporteurs, s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Le groupe Nouveau Centre est très favorable à cet amendement.
Comme l'a souligné le rapporteur, la précision qu'il apporte est particulièrement importante. Son adoption réaffirmerait symboliquement la nécessité de maintenir la liberté du choix, pour l'autorité judiciaire.
Puisque le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée, j'incite cette dernière à voter cet amendement.
Après l'article 1er bis, je suis saisie d'un amendement rédactionnel n° 42.
(L'amendement n° 42 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
L'article 2 du projet de loi supprime la réquisition. Or l'élimination de la procédure de réquisition écrite pour l'emploi de la force armée dans des missions de maintien de l'ordre public n'est pas un acte anodin.
N'est-il pas paradoxal de réaffirmer le caractère militaire de la gendarmerie tout en prenant le risque de la banaliser ? La réquisition constitue, tout de même, l'une des caractéristiques du statut militaire. Les préfets, actuellement donneurs d'ordres, pourraient demain se comporter comme des chefs hiérarchiques. La chaîne de commandement de la gendarmerie, organisée selon un schéma militaire, ne risque-t-elle pas d'être ainsi remise en cause ?
Qu'apporte la réquisition aux citoyens et aux gendarmes ? Elle donne, tout d'abord, aux citoyens l'assurance que les armées ne peuvent pas s'immiscer dans des missions de maintien de l'ordre sans une autorisation explicite de l'autorité civile. Pour les gendarmes, ensuite, la réquisition assure, certes, un certain formalisme, mais elle représente, surtout, l'avantage indéniable de permettre de dissocier la décision d'emploi de la force de son déploiement effectif.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé un amendement qui tend à supprimer l'alinéa 3 de l'article 2.
Nous en venons aux amendements à l'article 2.
Je suis saisie d'un amendement de suppression n° 1.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
L'article 2 prévoit la suppression de la procédure de réquisition pour l'engagement des unités de gendarmerie mobile en matière de maintien de l'ordre.
Exclure la gendarmerie de la réquisition, c'est clairement lui dénier l'une des spécificités des forces militaires ; c'est mettre en cause un héritage de la Révolution française transcrit dans le code de la défense qui dispose qu'« aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civile sans une réquisition légale ».
Il est spécieux de justifier cet abandon comme étant la conséquence du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, au motif que la réquisition permet à l'autorité civile d'obtenir la mise en oeuvre de moyens dont elle ne dispose pas. Le ministre pourrait parfaitement continuer à disposer de ces moyens sans que la procédure de réquisition soit supprimée, même si elle doit être modernisée.
Cette procédure n'est pas une entrave à l'efficacité. Elle est avant tout le signe de la subordination et de l'obéissance des armées aux autorités civiles ; elle est aussi, pour les commandants d'unités, une garantie écrite contre d'éventuels excès de pouvoir. Elle permet enfin une « traçabilité » des décisions.
Par ailleurs, l'emploi de la gendarmerie dans des opérations de maintien de l'ordre sans réquisition écrite serait une grave atteinte aux principes républicains. Ce danger n'a pas échappé à trois anciens directeurs de la gendarmerie nationale, qui ont estimé que le projet de loi « détruit toute garantie tendant à vérifier la légalité et la régularité de l'ordre d'agir donné à la gendarmerie par une autorité requérante civile ou militaire. Remplaçant la règle de la réquisition par un simple ordre verbal, il ouvre la voie à toutes les aventures, et, d'une simple crise, peut faire une émeute et parfois plus. »
Par ailleurs, ce qui ressemblait à un garde-fou, ajouté par le Sénat, a été supprimé par la commission. Les conditions d'utilisations des armes à feu étaient en effet renvoyées à un décret en Conseil d'État, ce qui n'est plus le cas.
L'article 2 ouvre la voie à des complications et des alourdissements multiples : nous demandons sa suppression.
Avis défavorable.
M. Candelier avait retiré son amendement en commission après que nous lui avions apporté les informations confirmant que, dès lors que la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, le maintien de la procédure de réquisition pour son emploi par son autorité civile de tutelle perd de sa pertinence.
Avis défavorable.
La réquisition permet concrètement à l'autorité civile d'obtenir la mise en oeuvre de moyens dont elle ne dispose pas. À partir du moment où ce projet de loi sera adopté, cette procédure formelle n'aura plus lieu d'être, la gendarmerie étant intégrée au ministère de l'intérieur.
Il serait tout de même curieux – et le mot est faible – que le ministre de l'intérieur soit contraint de requérir une force dont il dispose.
Je suis saisie d'un amendement n° 13 .
La parole est à Mme Olivier-Coupeau.
Afin de mieux affirmer le caractère militaire de la gendarmerie, par analogie avec les trois armées, nous vous avons proposé tout à l'heure de pérenniser la présence d'un officier général à sa tête.
Cet amendement vise à ne pas supprimer la réquisition. Une telle suppression contribuerait à dissocier encore plus la gendarmerie des armées ; cela lui ferait perdre l'une des caractéristiques de son statut militaire. Vous nous dites, et je vous crois sincères, que vous souhaitez que la gendarmerie ne perde pas ce statut, mais dans le même temps, petit à petit, ce projet de loi le vide de sa substance !
Par souci de cohérence, je vous demande de revenir sur la suppression de la réquisition.
(L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
L'article 3 vise à renforcer les pouvoirs du préfet.
Il donne consécration législative à une situation qui existe déjà. En effet, le décret du 29 avril 2004 dispose que « le préfet de département a la charge de l'ordre public, de la sécurité et de la protection des populations ». Pourtant, il me semble que certaines précisions doivent être apportées, quant à la répartition des rôles et à la couverture du territoire.
En vertu de la présente loi, les unités territoriales de gendarmerie seront placées sous le contrôle direct du préfet. Concrètement, cela signifie que les préfets pourront réquisitionner dans leur département aussi bien des policiers que des gendarmes. Concomitant à une réduction d'effectifs dont prend acte la loi de finances – environ 8 300 postes seront supprimés d'ici à 2011, 3 500 dans la gendarmerie et 4 800 dans la police –, le rattachement hiérarchique est, certes, nécessaire, mais il doit se faire en prenant garde au rôle de chacun. La gendarmerie nationale, bien mieux ancrée dans nos territoires ruraux que la police nationale, ne doit pas servir de force d'appoint ou de variable d'ajustement, sauf, évidemment, en cas de situation difficile ; elle ne doit pas servir à combler le manque d'effectifs de la police nationale.
La nécessaire mutualisation des moyens ne doit pas être synonyme de régression pour la sécurité de nos concitoyens.
Il y a, en effet, un risque qu'entre la ville et la campagne, le fossé ne se creuse encore un peu plus en termes de présence des forces de l'ordre. Nous craignons que le préfet ne soit tenté, ou contraint, de redéployer les unités de gendarmerie dans les villes, au détriment des endroits plus reculés. Les territoires ruraux ont, eux aussi, besoin d'une présence forte et stable des gendarmes car, malheureusement, les grandes agglomérations n'ont pas le monopole de la délinquance – dans mon département, par exemple, le nombre de crimes et délits n'a cessé d'augmenter depuis le 1er janvier 2009.
Après l'article 1er qui place la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur, et l'article 2 qui supprime la réquisition, l'article 3 complète le dispositif. Il place les « responsables départementaux » des unités de services de la gendarmerie nationale sous l'autorité du préfet du département.
Cet article a été remanié par les sénateurs, qui n'approuvaient pas les intentions gouvernementales. Ainsi, ils ont encadré le champ de l'autorité du préfet en rappelant que celle-ci s'exerce « dans le respect du statut militaire ».
La version d'origine prévoyait de plus que tous les responsables de la gendarmerie seraient placés sous l'autorité du préfet.
Cet article introduit une double hiérarchie : la hiérarchie préfectorale s'insère à l'intérieur de la hiérarchie militaire de la gendarmerie nationale au niveau des départements.
Nous ne contestons pas le rôle de coordination confié aux préfets. En revanche, nous souhaitons éviter la subordination hiérarchique des forces de gendarmerie et la distorsion introduite dans la chaîne de commandement.
L'article 3 est source de dysfonctionnements. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.
L'article 3 place les responsables départementaux et les unités de la gendarmerie sous l'autorité du préfet, représentant de l'État dans le département. La gendarmerie devra lui rendre compte de l'exécution et des résultats de ses missions.
Ainsi, alors que l'article 2 du projet de loi supprime la procédure de réquisition, garde-fou par lequel l'obéissance de l'autorité militaire à l'autorité civile prend forme, son article 3 place l'autorité militaire sous la tutelle de l'autorité administrative, rompant la chaîne hiérarchique propre à la gendarmerie.
Il aurait pourtant été possible de concilier obéissance à l'autorité civile et respect de la chaîne hiérarchique propre au statut militaire : l'exécution des missions confiées par le préfet pouvait rester sous l'autorité hiérarchique du commandement régional de la gendarmerie.
Ce système est en réalité déjà en vigueur depuis 2002, puisqu'il revient aux préfets de demander l'intervention des forces de gendarmerie. Pourquoi donc l'inscrire dans la loi, si ce n'est pour ouvrir des brèches dans le statut militaire de la gendarmerie, et préparer le terrain pour des aménagements ultérieurs ?
Encore une fois, loin de permettre une simplification, ces nouvelles dispositions compliquent considérablement les choses, puisque les brèches dans le statut militaire de la gendarmerie en font un corps mixte, à part, placé sous deux autorités, civile et militaire, qui s'entrecroisent sans cesse et entrent en conflit.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement n° 14 .
Cet amendement tend également à supprimer l'article 3, lequel place sous l'autorité des préfets de département les commandants de groupement départemental.
Les députés du groupe SRC ne peuvent suivre le Gouvernement dans cette voie, même si les dispositions initiales ont été améliorées par le Sénat. En effet, la stricte séparation entre administration civile et hiérarchie militaire est un fondement de la démocratie. Les exceptions à ce principe – on peut notamment évoquer les préfets maritimes, amiraux en charge de l'action de l'État en mer – se justifient par le caractère spécialisé des tâches confiées. Or le préfet de département est tout sauf un spécialiste. Dès lors, en quoi est-il nécessaire qu'il ait autorité sur un officier supérieur de gendarmerie ?
J'ajoute que, depuis 2002, dans la pratique, le préfet assure la coordination des forces en charge de la sécurité publique dans le département et qu'à ce jour, cette coordination n'a en rien été empêchée par le fait que le seul supérieur du commandement de groupement départemental est le commandant de région de gendarmerie. Revenir sur les principes de respect de la hiérarchie militaire serait source de confusion et reviendrait à nier l'essence militaire de la gendarmerie – sauf à militariser le corps des préfets !
L'autorité des préfets s'exerce dans le respect du statut militaire de la gendarmerie et est limitée à l'ordre public et à la police administrative. Cette autorité, qui consiste à fixer des objectifs aux responsables départementaux, c'est-à-dire aux commandants de groupement, qui lui rendent compte de l'exécution et des résultats de leurs missions, ne se substitue pas à l'autorité hiérarchique interne à la gendarmerie. La commission a donc rejeté ces deux amendements.
Madame la députée, je ne manquerai pas de réfléchir à votre proposition, fort originale, de militariser le corps préfectoral. (Sourires.) Plus sérieusement, je vous rappelle que l'autorité des préfets sur les forces de gendarmerie n'est en aucun cas contraire au principe d'obéissance hiérarchique propre au statut militaire.
Le préfet a autorité sur ces responsables et il convient de l'indiquer clairement. Bien réelle, cette autorité est cependant circonscrite à l'exercice de l'ordre public et de la police administrative. Au reste, le texte précise explicitement que les responsables des services de police et des unités de gendarmerie rendent compte aux préfets de leurs missions « en ces matières ».
Enfin, cette autorité s'applique aux responsables départementaux, ce qui supprime toute ambiguïté sur le commandement des brigades territoriales.
Nous émettons donc un avis défavorable à ces amendements.
S'il est vrai que le préfet n'est pas un spécialiste, il est néanmoins responsable de la sécurité publique et de la conduite des opérations de maintien de l'ordre public dans son département et, à ce titre, il doit rendre compte au ministre de l'intérieur. De même que ce dernier doit avoir autorité sur la gendarmerie, de même le préfet doit avoir autorité, en particulier pour les opérations de maintien de l'ordre, sur le commandant de groupement ou sur le responsable de l'unité. C'est une question de cohérence, d'efficacité et même de simple bon sens.
(Les amendements identiques nos 2 et 14 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisie d'un amendement n° 15 .
La parole est à Mme Gisèle Biémouret.
Cet amendement vise à rédiger ainsi l'alinéa 2 : « Dans le respect du statut militaire et des principes hiérarchiques qui y sont liés pour la gendarmerie nationale, les seuls responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous sa coordination et l'informent de l'exécution et des résultats de leurs missions en ces matières, particulièrement lorsque celles-ci s'effectuent dans le cadre d'une réquisition prévue à l'article L. 1321-1 du code de la défense. »
La coordination des efforts est un sain principe de gestion de l'État. Nous proposons donc que la loi confie au préfet le rôle de coordinateur des politiques départementales de sécurité. En revanche, il nous paraît nécessaire de préserver le principe républicain de séparation de l'administration civile et de la hiérarchie militaire. C'est pourquoi les députés du groupe SRC ne peuvent approuver la création d'une hiérarchie préfectorale qui aurait pour principal effet de parasiter la hiérarchie militaire.
Le statut militaire impose le respect du principe d'obéissance hiérarchique ; il n'y a donc pas lieu de le préciser. Cet amendement, s'il était adopté, maintiendrait le principe de la réquisition pour l'emploi de la gendarmerie. Le rôle du préfet serait limité à celui de coordinateur et ne lui laisserait pas la moindre prérogative pour fixer des objectifs en matière d'ordre public ou de police administrative. Les responsables départementaux l'informeraient au lieu de lui rendre compte ; l'autorité préfectorale serait donc amoindrie. Ainsi que vient de le rappeler notre collègue Diefenbacher, le préfet est responsable de l'ensemble de la sécurité publique dans son département. Nous émettons donc un avis défavorable à cet amendement.
Je partage l'avis du rapporteur. Quelle est la répartition des compétences ? Le préfet fixe les missions dans son domaine de compétence, le commandant de groupement les traduit en ordres, les fait appliquer et rend compte ensuite au préfet de l'exécution de ces missions et de leurs résultats. Compte de l'évolution en cours, la simple coordination ne suffit plus. Le projet de loi garantit la clarté et la cohérence ainsi que l'efficacité de l'action de l'État. Donc, avis défavorable.
Le ministre a raison. L'État est un ; dans le département, son représentant est le préfet, point à la ligne. Toutes les forces de police et de gendarmerie sont placées sont sous l'autorité du représentant de l'État. Sinon, c'est le désordre ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 41 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
Monsieur le ministre, ainsi que je l'indiquais dans la discussion générale, le groupe Nouveau Centre souhaite améliorer et préciser ce texte. Tel est l'objet de cet amendement, qui vise à substituer aux termes un peu vagues de « statut militaire » les mots : « principes d'organisation d'une force armée », laquelle se caractérise par la pyramide hiérarchique. Cette précision me paraît utile et apporterait des garanties pour l'avenir, le statut militaire étant susceptible d'évoluer.
Comme nous l'avons déjà dit, le statut militaire impose des règles ; il n'y a pas de raison d'en rajouter. Avis défavorable donc.
Je comprends votre préoccupation, monsieur Folliot, mais les interrogations qui pouvaient subsister sur la nature de l'autorité des préfets ont trouvé une réponse dans la formule retenue par le Sénat, qui a précisé que cette autorité devait s'exercer « dans le respect du statut militaire de la gendarmerie ». Cette formule me paraît claire et permet de respecter pleinement le principe d'obéissance hiérarchique, qui est un élément fondamental du statut général des militaires.
La formule de substitution que vous proposez est intellectuellement très intéressante – je vous remercie et vous félicite de votre créativité –, mais le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
Notre groupe votera cet amendement, car nous estimons que plus le texte est clair, mieux c'est. Puisque nous sommes tous attachés au statut militaire de la gendarmerie, mettons-le en évidence.
(L'amendement n° 41 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 43 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
Monsieur le ministre, je propose au passionné de rugby que vous êtes de transformer l'essai. Le Sénat a en effet amélioré l'article 3, mais il me paraît nécessaire d'aller plus loin. Dans la rédaction actuelle, la spécificité de la gendarmerie est, certes, reconnue : si mon précédent amendement n'a pas été voté, l'expression « statut militaire » est suffisamment explicite. Toutefois, je souhaiterais que nous précisions les choses pour l'avenir.
Notre collègue Soisson a fort justement rappelé que l'État était un dans le département. Néanmoins, il convient de préciser que, si la police nationale est placée sous l'autorité du préfet, ce dernier donne des directives aux commandants de groupement de la gendarmerie nationale. Nous aurions ainsi un schéma très clair, qui reconnaîtrait la dualité des forces, en plaçant celles-ci sous l'autorité du préfet selon des modalités différentes.
L'autorité préfectorale, qui fait l'objet de l'article 3, s'exerce sans préjudice des prérogatives des autorités militaires ou judiciaires. Elle est conçue comme une capacité à fixer des objectifs en matière d'ordre public et de police administrative aux responsables départementaux, ou à leur équivalent, qui lui rendent compte de l'exécution de leurs missions et des résultats obtenus dans ces domaines. Il n'y a donc pas lieu de substituer une autre expression à celle d'autorité préfectorale. De fait, celle-ci s'exerce déjà depuis 2002. Avis défavorable.
Les interrogations qui ont pu être formulées quant à la nature de l'autorité des préfets sur les responsables départementaux n'ont plus lieu d'être. Le Sénat a contribué à les lever, en précisant que cette autorité doit s'exercer « dans le respect du statut militaire de la gendarmerie ». Cette formule, parfaitement conforme à la conviction du Gouvernement, me paraît suffisamment claire et précise. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable à votre amendement, monsieur Folliot, tout en rappelant que nous avons déjà retenu l'une de vos propositions, ainsi que je l'ai indiqué hier.
(L'amendement n° 43 n'est pas adopté.)
Volontiers, madame la présidente. Ces trois amendements, qui se justifient par leur texte même, visent respectivement à rédiger ainsi les alinéas 4, 6 et 8 de l'article 3 : « Dans le respect du statut militaire et des principes hiérarchiques qui y sont liés pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les seuls responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous sa coordination – il s'agit du préfet – et l'informent de l'exécution et des résultats de leurs missions en ces matières. »
Je tiens à rassurer notre éminent collègue Soisson : jamais nous n'avons eu la volonté de remettre en cause l'État – celui-ci doit rester solide – ou de faire une révolution. De même, nos amendements ne traduisent aucune défiance à l'égard des préfets : le corps préfectoral est remarquable. Nous souhaitons simplement que soient respectés la chaîne de commandement militaire et le principe de la hiérarchie militaire, qui sont consubstantiels au statut des gendarmes, que nous entendons maintenir.
Le statut militaire impose le respect du principe d'obéissance hiérarchique ; il n'y a donc pas lieu de le préciser. En outre, l'appellation « responsables départementaux » est inappropriée pour les territoires qui ne sont pas des départements – je pense en particulier à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Par ailleurs, si cet amendement était adopté, le rôle du préfet serait limité à celui de coordinateur, et ne lui laisserait pas la moindre prérogative pour fixer des objectifs en matière d'ordre public ou de police administrative. Les responsables départementaux l'informeraient au lieu de lui rendre compte. L'autorité préfectorale serait donc amoindrie. Avis défavorable.
Comme je l'ai déjà indiqué, le préfet fixe les missions dans son domaine de compétence, le commandement de groupement les traduit en ordres qu'il fait appliquer, et rend compte au préfet de l'exécution de ces missions et de leur résultat.
C'est là un facteur de clarté et de cohérence, ainsi que la garantie de l'efficacité de l'action de l'État. La rédaction actuelle étant satisfaisante, je suis défavorable à ces amendements.
Je vais maintenant mettre successivement aux voix les trois amendements nos 16 à 18 , défendus par Mme Olivier-Coupeau et faisant l'objet d'avis défavorables de la commission ainsi que du Gouvernement.
(Les amendements nos 16 à 18 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L'article 3 est adopté.)
L'article 3 bis ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets aux voix.
(L'article 3 bis est adopté.)
Nous en venons à deux amendements portant articles additionnels après l'article 3 bis.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l'amendement n° 36 .
La loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République et le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration font de cette dernière la règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les différents échelons des administrations civiles de l'État. Le ministère de la défense est donc tout naturellement écarté du champ d'application de cette loi. Toutefois, le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur crée une situation inédite, puisque la gendarmerie, force armée, va être rattachée à une administration civile.
Intégrer la gendarmerie nationale dans le périmètre des services déconcentrés de l'État présenterait le risque majeur de lui ôter sa souplesse d'action, déterminante en période de crise, de la sortir de l'organisation militaire territoriale, pourtant garante de son efficacité, et de bouleverser les principes du code de la défense.
D'où le présent amendement.
Les forces armées n'étant pas des administrations civiles, la précision que tend à apporter cet amendement est inutile. Il entretient par ailleurs une confusion entre l'autorité civile exercée par les ministres et les administrations civiles. Ainsi, la gendarmerie est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur mais ne perd nullement son statut de force armée et n'intègre aucune administration civile. La commission est donc défavorable à cet amendement.
L'avis du Gouvernement rejoint celui de François Vannson, rapporteur pour avis – qui est également celui du Sénat. Intégrant le ministère de l'intérieur, la gendarmerie restera une force armée, comme cela a déjà été dit clairement hier soir. Elle ne sera donc pas une administration civile au sens de la loi de 1992 sur la déconcentration. C'est pourquoi il ne me paraît pas nécessaire de modifier la loi pour lui faire dire ce qu'elle dit déjà et – même si je sais que ce n'est pas votre intention – alimenter les suspicions et créer un climat de méfiance : nous devons au contraire veiller à préserver un climat de confiance.
(L'amendement n° 36 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l'amendement n° 37 .
Je présente l'amendement n° 37 en mon nom et au nom des membres du groupe Nouveau Centre mais, à sa demande, j'y associe également M. Louis Cosyns, député du Cher.
L'histoire de la force publique française est celle de son dualisme, qui fait cohabiter, sur l'ensemble du territoire national, deux forces de statuts différents mais qui ont, toutes deux, une compétence nationale.
En même temps qu'il place sous la même autorité police et gendarmerie nationales, le présent projet de loi doit être l'occasion de consacrer le principe de compétence exclusive de la police et de la gendarmerie nationales dans leurs propres zones de compétence. Il existe en effet un risque de voir les autorités d'emploi, sous la pression des chiffres de la délinquance dans les zones urbaines et périurbaines, détourner une partie des capacités consacrées aux zones rurales et périurbaines. Il s'agit d'une question d'équilibre essentielle, à laquelle il convient d'apporter une réponse dépourvue de toute ambiguïté.
Tel est l'objet du présent amendement, qui entend clarifier les responsabilités de sécurité publique de la police et de la gendarmerie nationales.
Madame la présidente, je veux tout d'abord saluer l'arrivée de M. le ministre de la défense…
Et le départ imminent du ministre de l'intérieur ! (Sourires.)
Vous avez des obligations, ce que nous comprenons fort bien, monsieur le ministre. L'essentiel est que la relève soit assurée !
Votre amendement, M. Folliot, vise à consacrer le monopole de la police et de la gendarmerie en matière de sécurité et de paix publiques. Même s'il n'est nullement question de remettre en cause leur prééminence ou leurs missions, il faut écarter cette solution, ne serait-ce que pour préserver les pouvoirs de police dévolus au maire d'une commune et aux policiers municipaux ou aux gardes champêtres. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Monsieur le député, vous vous faites l'écho d'inquiétudes exprimées par un certain nombre d'élus locaux, et dont j'ai moi-même rapidement pris la mesure depuis mon entrée en fonction. Que les choses soient claires : il n'est pas question de détourner les effectifs de la gendarmerie pour renforcer au quotidien la police nationale dans sa zone de compétence. Toutefois, cela n'empêche nullement que policiers et gendarmes puissent se prêter main-forte mutuellement dans des circonstances exceptionnelles, comme c'est déjà le cas depuis quelque temps.
Je vous remercie de me donner également l'occasion de préciser que, s'il n'est pas question de revenir sur le principe des zones de compétence, il peut exister des nécessités d'adaptation de part et d'autre. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 37 n'est pas adopté.)
Nous en venons à deux amendements portant articles additionnels avant l'article 4.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l'amendement n° 39 .
En même temps qu'il a annoncé le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, le Président de la République a manifesté le souhait que soit instaurée, entre forces de gendarmerie et de police nationales, une parité globale de traitement. Une évaluation continue de la condition des gendarmes et des policiers doit en effet être réalisée, afin que l'équité de conditions puisse être préservée au fil du temps et qu'aucune des deux institutions ne puisse ressentir une disparité de traitement.
Je profite de la présence de M. le ministre de la défense pour rappeler que cette évaluation pourrait être utilement confiée à une autorité indépendance existante qui ne saurait être soupçonnée de parti pris, le Haut comité d'évaluation de la condition militaire. Tel est l'objet du présent amendement.
Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire n'a pas à s'intéresser à des obligations civiles. La commission est donc défavorable à cet amendement.
La parole est à M. le ministre de la défense, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je souhaite vous rappeler quelques éléments, monsieur le député. Premièrement, nous avons déjà un rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire qui, en février 2007, faisait un état très précis de la parité de traitement entre forces de sécurité en tenue et militaires. Ce rapport est aujourd'hui mis en oeuvre puisque l'énorme effort de réorganisation du ministère de la défense comprend un plan d'amélioration de la condition militaire de plus de 300 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable. Nous avons commencé, en 2008, par les militaires du rang, dont nous n'avions pas besoin de modifier les statuts particuliers et les grilles indiciaires. Le cas des militaires du rang, des sergents en début de carrière et des gendarmes a été traité. Nous abordons maintenant celui des sous-officiers et des officiers en mettant l'accent, en 2009, sur les officiers subalternes et les sous-officiers en début de carrière. Nous terminerons, en 2010, par les officiers supérieurs et les sous-officiers, adjudants-chefs et majors. Ce plan s'accompagne du PAGRE et d'un certain nombre d'éléments complémentaires.
Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire continuera à accomplir ce travail. Ce n'est pas parce que la gendarmerie est rattachée budgétairement au ministère de l'intérieur qu'elle sera séparée de ses frères d'armes, s'agissant d'évaluer la condition militaire.
Je suis saisie d'un amendement n° 38 .
La parole est à M. Philippe Folliot.
L'amendement n° 38 , qui s'inscrit dans la lignée de celui qu'a présenté Mme Olivier-Coupeau précédemment, vise à préciser que le directeur général de la gendarmerie nationale est nommé par décret du Président de la République en conseil des ministres, sur proposition du ministre de l'intérieur et parmi les officiers généraux de la gendarmerie nationale.
Je ne pense pas que cette précision constitue une limitation de la liberté de choix du Président de la République, d'autant que tout le monde reconnaît que, comme nous l'a dit Mme la ministre de l'intérieur en commission, la désignation du général Parayre en 2003 et celle de son successeur, le général Gilles, en 2008, ont établi une forme de jurisprudence. Il s'agit là d'un élément symbolique et décisif pour la façon dont ce texte va être reçu par la communauté des gendarmes. Peut-on imaginer un instant que le chef d'état-major de l'armée de terre ne soit pas un officier supérieur de l'armée de terre, ou que le chef d'état-major de la marine ne soit pas un officier supérieur de la marine ? Puisque nous affirmons depuis tout à l'heure être attachés au statut militaire de la gendarmerie, nous disposons là d'une occasion unique et forte sur le plan symbolique de montrer cet attachement.
L'adoption de cet amendement constituerait un signe fort et positif adressé à l'ensemble de la gendarmerie.
Je veux simplement mentionner le fait que cette disposition existe dans les textes italiens. Certes, la législation italienne n'est pas la législation française, mais il faut savoir que d'autres ont jugé utile d'introduire une telle précision – et à ma connaissance, la gendarmerie italienne se porte très bien.
(L'amendement n° 38 n'est pas adopté.)
L'article 4 vise à relever la limite d'âge dans le grade de sous-officier du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale. À l'inverse du service de santé des armées ou de la délégation générale pour l'armement, la gendarmerie nationale n'a créé que récemment, en 1998, un corps technique et administratif. Les militaires de ce corps sont affectés à des emplois d'administration et ne participent pas aux missions organiques de l'arme. Ils sont recrutés par un concours distinct de celui des gendarmes. Leurs évolutions de carrière sont différentes. Leur solde est notablement inférieure.
Pour des raisons financières, il a été décidé de supprimer à terme des emplois de gendarmes et de les remplacer par des militaires du corps administratif. La justification avancée est qu'il est inutilement coûteux d'employer des gendarmes à des tâches administratives pouvant être remplies par un personnel moins formé et moins coûteux. C'est dans l'optique de l'augmentation des effectifs du corps administratif que s'inscrit le relèvement de la limite d'âge dans le grade. En effet, par un simple effet mécanique, la possibilité de conserver ces sous-officiers d'administration plus longtemps permettra de faire gonfler les effectifs plus vite.
Par ailleurs, il est à noter que ce relèvement des limites d'âge est appelé de leurs voeux par les militaires concernés. En effet, le système militaire utilise des limites d'âge très basses – 45 ans pour un sergent-chef ; 50 ans pour un adjudant – pour pousser dehors les sous-officiers qui ne sont pas admis au grade supérieur. Il en résulte des déroulements de carrière marqués du sceau de la concurrence, dans la mesure où le nombre de postes à pourvoir au grade supérieur est toujours inférieur à celui du grade considéré.
En revanche, cette mesure pourrait se révéler particulièrement dommageable pour le personnel militaire du corps administratif si, par défaut de crédits, les postes et grades supérieurs n'étaient pas en nombre convenable. En effet, si la base de la pyramide des grades se révélait être exagérément large et son pyramidion trop étroit, le personnel serait condamné à stagner dans des corps intermédiaires pendant de longues années. Cette considération a son importance dans chaque corps mais elle deviendrait vite prégnante dans un corps dont les soldes sont déjà moins élevées que celles des vrais gendarmes.
Monsieur le député, chaque fois que je me suis rendu dans une compagnie ou une unité de gendarmerie, j'y ai rencontré des hommes et des femmes de ce corps de soutien qui demandaient, au contraire, à bénéficier des mêmes dispositions statutaires que les gendarmes.
Grâce à la présente mesure, des sous-officiers du corps de soutien pourront avoir des carrières plus longues, ce qui nous permettra de bénéficier plus longtemps de leurs connaissances et de leur professionnalisme. Ils pourront aussi cotiser plus longtemps pour leur retraite.
Cette disposition répond donc à une « revendication », si je puis dire, de longue date du corps de soutien des sous-officiers.
(L'article 4 est adopté.)
La parole est à M. Philippe Nauche, premier orateur inscrit sur l'article.
L'article 5 crée un chapitre à l'intérieur de la quatrième partie du code de la défense. Ce nouveau chapitre s'insère donc dans la partie du code qui traite du statut général des militaires et, plus spécifiquement, des dispositions particulières à certaines catégories de militaires. Il ne traite par conséquent que du personnel militaire de la gendarmerie nationale, à l'exclusion du personnel civil.
Cet article a été ajouté par le Sénat. Il poursuit plusieurs objectifs et les dispositions adoptées sont les suivantes : définition des catégories statutaires de personnels qui composent le personnel militaire de la gendarmerie nationale, y compris les réservistes ; affirmation de l'existence de conditions particulières d'exécution des missions, qui justifient les obligations en matière d'emploi et de logement en caserne ; obligations et sujétions particulières des officiers et sous-officiers de gendarmerie qui justifient un classement indiciaire et un régime indemnitaire particuliers.
Ainsi, le Sénat place bien les réservistes de la gendarmerie au sein du personnel militaire. Il s'agit d'éviter, à terme, une fusion des réserves avec celles de la police nationale, créées en 2003.
La question des conditions d'emploi et de logement est cardinale. Les grandes caractéristiques de l'arme de la gendarmerie sont le statut militaire des gendarmes, la disponibilité et son corollaire, le logement sur place pour nécessité absolue de service.
La question du logement sur le lieu de travail est au coeur du texte. Nous savons que des organisations représentatives de certaines catégories de personnels de la police nationale s'en sont emparées : il s'agit pour ces fonctionnaires de présenter le logement en casernes comme un avantage, voire un privilège. Dans l'article 5, les sénateurs affirment, à juste titre, une vision différente de ce point important : le logement en caserne est une sujétion et non un avantage. Il est le corollaire de la disponibilité, très grande, des gendarmes. Si avantage il y a, c'est au bénéfice du commandement qui dispose aisément de ses gendarmes.
Enfin, disponibilité et sujétion entraînent de fait des conditions de rémunération et d'indemnisation différentes de celles des autres catégories militaires. On peut aussi comprendre que si ces deux caractéristiques de la gendarmerie disparaissaient, plus rien ne fonderait le classement indemnitaire spécifique de la rémunération des gendarmes.
Voilà pourquoi nous avons déposé des amendements tendant à préciser les choses.
(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
On peut se féliciter des précisions apportées par le Sénat au texte initial. Nous savons tous combien les réserves sont importantes pour la gendarmerie. Elles sont en effet opérationnelles et jouent un rôle majeur, par exemple dans certaines manifestations. Leur professionnalisme est égal à celui des unités d'active. Il fallait le souligner.
S'agissant du logement attribué aux gendarmes pour nécessité absolue de service, je veux revenir sur ce qu'on présente parfois comme un avantage – M. Nauche y a fort justement insisté. Cet avantage est tout à fait relatif. La vie en caserne entraîne en effet un certain nombre de contraintes personnelles et familiales qu'il faut avoir l'honnêteté de reconnaître. D'autant, et je l'ai souligné dans mon intervention dans la discussion générale, que le recrutement des gendarmes est aujourd'hui différent de ce qu'il était. Aujourd'hui, les jeunes gendarmes sont souvent issus des milieux urbain et civil, et non plus des milieux militaire et rural. La culture d'origine est donc sans doute différente.
Au-delà, c'est la situation du parc immobilier de la gendarmerie qui pose un problème. Un tiers des logements est en effet soit dégradé soit vétuste. Cet élément doit être pris en considération dans l'appréciation que l'on porte sur « l'avantage » d'être logé. Ayant été dans une vie professionnelle antérieure directeur d'un organisme HLM, je peux vous dire que nous n'aurions jamais osé louer dans le cadre du parc HLM certains des logements qu'occupent les gendarmes pour nécessité absolue de service.
Je veux insister sur un sujet qui m'est cher. Vous avez parlé du casernement en précisant qu'il s'agissait d'un avantage tout à fait relatif, je veux quant à moi qu'on n'oublie pas la situation des épouses de gendarme – les époux de gendarme sont moins nombreux. Elles sont obligées de vivre en caserne, subissent les mutations et ont souvent du mal à retrouver du travail. Je voulais qu'on évoque leur sort, notamment parce que je suis toujours contente qu'on cite les épouses dans cet hémicycle.
Je suis saisi d'un amendement n° 19 .
La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Cet amendement vise à compléter le titre du chapitre V par les mots «, sujétions particulières et classement indiciaire spécifique ». Cela justifie les alinéas 10 et 11 de l'article 5. Tout le monde devrait se rallier à cet amendement qui confirme la spécificité de l'arme. Sans ces précisions, rien ne justifierait la création d'un chapitre V au sein du titre IV du livre Ier de la quatrième partie du code de la défense.
Monsieur le ministre de la défense, on nous a expliqué que les gendarmes ne se plaignaient pas de ce rattachement et de ces évolutions. Mais il y a une raison à cela. L'un d'entre eux, très connu, s'est exprimé contre ce texte. Or il a eu la désagréable surprise d'être convoqué devant un conseil d'enquête – c'est le niveau disciplinaire maximal. Nous comprenons mieux pourquoi les gendarmes sont extrêmement silencieux.
Ce gendarme avait pensé devoir s'exprimer, hors l'obligation de réserve. Il y a d'ailleurs beaucoup de choses à dire en droit sur le contenu de l'obligation de réserve.
Si elle est absolue, monsieur le président, alors on ne peut pas prendre pour argument le fait que les gendarmes ne se sont pas prononcés contre ce projet de loi : ils n'avaient pas le droit de le faire !
L'article 5 insère un nouveau chapitre au titre du code de la défense consacré aux dispositions particulières à certaines catégories de militaires. Or chaque chapitre de ce titre mentionne seulement le nom de la catégorie concernée : officiers généraux, militaires servant au titre de la réserve, etc. L'amendement propose de modifier ce système en introduisant dans le titre le contenu de ces dispositions spécifiques. Ce choix affaiblit la lisibilité et la compréhension du code et nuit à la cohérence entre les chapitres. Avis défavorable.
Défavorable.
(L'amendement n° 19 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
Cet amendement vise à compléter l'article 5 par un alinéa portant article L. 4145-4. Les modifications apportées au statut militaire des gendarmes posent de nombreuses questions quant aux disparités qui existent entre les deux grandes forces de sécurité intérieure de notre pays, pour ce qui est de la rémunération, des conditions et du temps de travail.
Le rapprochement opéré par ce texte ne manquera pas de donner lieu à des revendications de la part de l'une ou de l'autre de ces forces. Il serait en effet fâcheux et gênant que les gendarmes, constatant qu'ils n'ont plus que les inconvénients du statut militaire et aucun avantage, en viennent à revendiquer l'alignement pur et simple.
Voici ce qui est dit dans une dépêche d'agence datée du 24 juin à propos du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur : « Ce rapprochement engagé depuis janvier dernier, et qui n'est pas une fusion, suscite l'inquiétude tant du côté des militaires que des policiers. »
Nicolas Comte, secrétaire général de l'Union syndicale majoritaire, l'a dit : « Nous voulons que M. le ministre de l'intérieur établisse une parité stricte entre la police et la gendarmerie en respectant une réelle égalité entre les deux corps, tant au niveau des conditions de travail que du pouvoir d'achat. »
Cet amendement vise à renforcer le rôle du conseil de la formation militaire de la gendarmerie. Je suis évidemment très attaché aux instances de concertation mais elles ne sauraient rendre un avis qui lierait le Gouvernement sur des questions de rémunération. Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 20 .
La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Nous avons déjà dit ce que nous pensions de la mesure visant à faire nommer les réservistes par le ministre de l'intérieur. En outre, le texte prévoit que les dispositions relatives à certaines affectations de réservistes – administration, établissement public administratif, organisation internationale – peuvent être prises « dans l'intérêt de la défense ». Comment le ministre de l'intérieur pourrait-il, dans ces conditions, décider de ces affectations ? Cette concertation avec le ministre de l'intérieur n'a pas lieu d'être. Jean-Pierre Soisson va sûrement voter cet amendement. C'est l'intérêt même de la défense qui est en jeu.
Monsieur Soisson, dans votre respect des grandes prérogatives de l'État, je suppose que vous nous suivrez sur cet amendement.
Compte tenu du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministre de l'intérieur, seul ce dernier pourra désormais avoir compétence pour admettre les réservistes de la gendarmerie nationale à servir auprès d'une administration.
Par ailleurs, l'article 5 bis modifié par la commission de la défense précise que cette admission à servir peut être décidée dans l'intérêt de la sécurité nationale, et non seulement de la défense. Avis défavorable.
Un mot pour vous rassurer, madame Lebranchu. S'il s'agit de réservistes de la gendarmerie qui vont servir avec les forces armées en opérations extérieures, il est évident que cela dépendra du ministre de la défense. Mais lorsqu'il s'agit de forces de gendarmerie réservistes qui servent avec la gendarmerie départementale, par cohérence, il est logique que ce soit le ministre de l'intérieur qui ait cette responsabilité.
Sauf erreur de ma part, monsieur Soisson, vous n'avez pas sollicité la parole.
Madame Lebranchu, retirez-vous votre amendement ?
Non, car la notion de concertation répond à l'argument du rapporteur sur le budget et les nécessités d'affectation. Elle permet que l'affectation soit aussi conforme aux souhaits du ministère de l'intérieur. Je ne vois donc pas ce qui vous rebute dans cet amendement.
(L'amendement n° 20 n'est pas adopté.)
(L'article 5 bis est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°21 , visant à supprimer l'article 5 ter.
La parole est à M. Philippe Nauche.
Il s'agit d'un amendement de cohérence avec ceux précédemment déposés. L'article modifie les dispositions relatives à l'appel aux réservistes qui ont signé une clause de réactivité. Ces réservistes, dont le contrat comporte une clause spéciale, peuvent être appelés au service par arrêté du ministre de la défense avec un préavis maximum de quinze jours. L'article 5 ter du projet de loi propose que l'arrêté de convocation soit signé par le ministre de l'intérieur pour les réservistes de la gendarmerie nationale. Cette modification est inutile. En effet, les textes réglementaires d'application permettent au ministre de la défense de rappeler ces réservistes et de les affecter dans des services et unités placés pour emploi sous le ministre de l'intérieur. En revanche, s'agissant de réservistes militaires de la réserve opérationnelle des forces armées, permettre leur convocation par un ministre « civil » reviendrait à changer la nature même de la réserve militaire, qui, par définition, n'est pas civile.
Compte tenu du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministre de l'intérieur, seul ce dernier pourra désormais avoir compétence pour mettre en oeuvre la clause de réactivité de la gendarmerie nationale. Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n°22 , visant à supprimer l'article 5 quater.
La parole est à M. Philippe Nauche.
L'article prévoit le remboursement au ministère de l'intérieur de la solde des réservistes de la gendarmerie nationale affectés au sein de certaines entreprises. Or l'article L. 4221-7 du code de la défense prévoit que le service d'un réserviste auprès d'une entreprise ne peut se faire que « dans l'intérêt de la défense, auprès d'une entreprise qui participe au soutien des forces armées ou accompagne des opérations d'exportation relevant du domaine de la défense ». L' « intérêt de la défense » ou les « opérations d'exportation relevant du domaine de la défense » n'ont évidemment que fort peu à voir avec le ministère de l'intérieur, sauf à considérer que le ministère de la défense n'est qu'une annexe du ministère de l'intérieur et que les attributions et les compétences de ce derniers deviennent fort multiples.
En l'état actuel du droit, il n'est donc pas possible de prévoir des remboursements de solde de réservistes à un ministère de l'intérieur qui n'a pas qualité pour les affecter dans des entreprises. Dans tous les cas, il appartient au ministère de la défense de prendre toute mesure pour faire rembourser l'État du montant des soldes de réservistes, que lui seul a le pouvoir d'affecter en entreprise dans « l'intérêt de la défense », comme c'est le cas actuellement.
Cet amendement de suppression n'est pas justifié. La solde versée aux réservistes servant auprès d'une entreprise devra en effet être remboursée au ministère de l'intérieur, désormais responsable du budget de la gendarmerie. Avis défavorable.
Sur l'article 5 quinquies, je suis saisi d'un amendement n° 23 rectifié .
La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
Il s'agit d'abroger l'article L. 46 du code électoral. Je profite de ce débat sur le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur pour aborder une nouvelle fois la question des droits politiques de nos militaires, citoyens à part entière de notre République, au point qu'ils acceptent, au quotidien, d'engager leur vie pour elle – ce qui est assez exceptionnel, chacun en conviendra.
Lors du débat sur la révision du statut général des militaires, j'avais déjà relevé la duplicité qu'il y avait à soutenir, dans l'article 3 de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, que « les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens », quand on sait quelles restrictions s'appliquent à eux.
En effet, si, après en avoir été privés pendant près de soixante-dix ans, ils jouissent du droit de vote depuis l'ordonnance du 17 août 1945 – ordonnance postérieure à celle du 21 avril 1944, accordant ce même droit de vote aux femmes –, ils ne sont cependant guère éligibles à l'ensemble des mandats électoraux.
L'élection implique de renoncer à sa solde, ce qui ne pose guère de problème pour un parlementaire, mais se révèle plus difficile si l'on veut être conseiller municipal, général ou régional, bref un citoyen engagé sur son territoire.
Les amendements déposés à l'époque de la révision du statut général des militaires avaient été rejetés, et la question demeure donc pendante. Le plein exercice de la citoyenneté de nos militaires, et en particulier de nos gendarmes, mérite d'être reconsidérée.
Cet amendement tend à supprimer les incompatibilités prévues par le code électoral entre les fonctions de militaire de carrière ou assimilé en activité de service et les mandats électoraux de député, de conseiller général et de conseiller municipal notamment. Ce faisant, il porte atteinte à l'un des principe du statut des militaires qui exige une totale neutralité politique. Avis défavorable.
Même avis. Il n'est pas question de revenir sur un principe majeur pour la cohésion nationale.
(L'amendement n° 23 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 24 .
La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
Il s'agit d'un amendement de repli. Dans la mesure où l'article 46 demeure, se pose la question des réservistes opérationnels, laquelle a fait débat au Sénat et dans nos commissions.
En effet, un sort particulier est fait aux gendarmes réservistes opérationnels par rapport aux réservistes opérationnels des autres armées – terre, air et mer –, et cette forme de suspicion à leur encontre n'est pas acceptable.
J'entends bien qu'un certain nombre d'entre eux, réservistes opérationnels, peuvent être amenés à intervenir en tant qu'officiers de police judiciaire. Mais certains maires ou certains adjoints sont également officiers de police judiciaire. Je ne vois donc pas ce qui justifie que l'on fasse un sort particulier aux gendarmes réservistes opérationnels.
À tout le moins, la rédaction de cet article est malheureuse, et il conviendrait de rétablir l'égalité de traitement entre tous les réservistes opérationnels.
Monsieur Viollet, nous avons eu en commission une discussion intéressante à ce sujet, mais l'amendement que vous présentez tend à supprimer l'incompatibilité entre l'exercice de mandats électoraux comme ceux de député, de conseiller général ou de conseiller municipal et l'activité de réserviste de la gendarmerie nationale, exercée au sein de sa circonscription d'élection.
Cette suppression romprait avec le principe de neutralité des militaires fixé par le code électoral en son article L. 46, rendant incompatible la fonction de militaire et l'exercice de mandats électoraux.
Je rappelle par ailleurs que l'exercice de fonctions dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale confère des prérogatives de puissance publique et la qualité d'agent de police judiciaire. Dès lors, il n'est pas souhaitable qu'un élu assure de telles missions dans le ressort de sa circonscription d'élection. Avis défavorable.
Le Sénat a souhaité lever l'incertitude juridique, mais la commission des lois a jugé que cette rédaction n'était pas satisfaisante et qu'il était nécessaire de repréciser l'article L. 46 du code électoral.
Je tiens cependant à rappeler que les réservistes sont des agents de police judiciaire, et que cette fonction est incompatible avec l'exercice d'un mandat. Nous avons donc émis un avis défavorable.
Cette interdiction est limitée à la circonscription d'élection, et il est logique qu'on ne puisse permettre à un élu de participer, en tant que réserviste opérationnel, à une enquête judiciaire dans le cadre d'une période de réserve. Avis défavorable.
Je rajouterai à ce qu'a dit M. Viollet que ce qui est vrai pour les gendarmes l'est aussi pour les policiers, qui n'ont pas le droit, dans l'exercice de leurs fonctions, de se présenter, fût-ce sur des listes municipales. Ils sont, comme nous le souhaitons, logés à la même enseigne.
Il me semble que nous inversons le problème. Ce qui n'est pas souhaitable, c'est que l'on puisse être élu sur un territoire et exercer dans le même temps des fonctions de police judiciaire.
L'incompatibilité ne se crée qu'à partir du moment où les gens sont élus – ce qui ne les empêche pas de se présenter. Qu'en revanche on prévoit que, lorsque les gens exercent un mandat électif, ils ne puissent exercer leurs fonctions de réserve dans le territoire où ils sont élus, me paraît une bonne chose.
Je pense donc que l'amendement défendu par Jean-Claude Viollet est nécessaire. Par ailleurs il me semble qu'une mesure visant à établir ce type d'incompatibilité relève davantage du domaine réglementaire que du domaine législatif.
Dès lors que l'on inverse le raisonnement et si l'on admet que l'on ne peut mener une enquête en occupant des fonctions électives, la question mérite réflexion.
La CMP permettrait sans doute d'aboutir à une rédaction d'équilibre, préservant la neutralité de l'enquête…
Je rappelle que la commission mixte paritaire ne s'exprimera que s'il y a contradiction entre le texte du Sénat et celui de l'Assemblée.
Je voulais dire que supprimer cet article entraînerait la réunion d'une CMP. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
Que les choses soient claires, monsieur le ministre : vous souhaitez vous assurer que l'article soit abordé en commission mixte paritaire.
Pour qu'il y ait divergence, il faut que l'amendement soit adopté. Donnez-vous un avis favorable ?
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Monsieur le ministre, il y aura forcément une commission mixte paritaire : le texte est déjà différent de celui du Sénat, car il a été modifié en commission.
Vous avez raison.
J'invite alors simplement l'Assemblée et le Sénat à réfléchir à une disposition qui permettra de tenir compte de cette remarque qui, en effet, permettrait de remettre les choses en ordre.
J'invite dès lors les auteurs de l'amendement à le retirer. Vous pourrez vous prévaloir par la suite de l'absence d'un vote négatif ! Ce serait plus intelligent.
Monsieur le président, je gagne des points de QI en vous écoutant. (Sourires.)
Nous allons effectivement retirer l'amendement, car nous sommes extrêmement satisfaits de la réponse du ministre.
Ces paroles seront notées au Journal officiel : nous nous appuierons sur ces propos pour proposer un texte qui convienne et intègre les remarques faites ce matin.
(L'amendement n° 24 est retiré.)
Nous devons effectivement nous habituer au nouveau Règlement : c'est le texte de la commission que nous examinons.
Au nom de la commission des lois, je suis tout à fait prêt à aborder ce problème lors d'une CMP, qui aura de toute façon lieu.
Je suis saisi d'un amendement n° 25 , visant à supprimer l'article 6.
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Nous considérons que cet article 6 est emblématique de l'imbroglio statutaire et juridique que crée ce texte. Aux termes de cet article, le ministère de la défense reste compétent pour une partie des questions statutaires, des questions disciplinaires et de la formation initiale. Le ministère de l'intérieur est compétent pour tout le reste : recrutement, emploi, gestion des carrières, cessation d'activité, etc.
Nous proposons de simplifier la simplification et de supprimer l'article.
Si cet amendement de suppression était adopté, il serait impossible de transférer les personnels de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Cela rendrait le projet de loi sans objet. Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 26 , visant à supprimer l'article 6 bis.
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Cet amendement est, comme les suivants, un amendement de cohérence. Il est défendu.
(L'amendement n° 26 n'est pas adopté.)
(L'article 6 bis est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 27 , visant à supprimer l'article 6 ter.
Il est défendu, madame Olivier-Coupeau ?
Je suis saisi d'un amendement n° 28 , visant à supprimer l'article 6 quater.
Est-il également défendu, madame Olivier-Coupeau ?
Je suis saisi d'un amendement n° 29 , visant à supprimer l'article 6 quinquies.
Est-il également défendu, madame Olivier-Coupeau ?
Je suis saisi d'un amendement n° 30 , visant à supprimer l'article 6 sexies.
Est-il également défendu, madame Olivier-Coupeau ?
Je suis saisi d'un amendement n° 31 , visant à supprimer l'article 6 septies.
Est-il également défendu, madame Olivier-Coupeau ?
Je suis saisi d'un amendement n° 32 , visant à supprimer l'article 6 octies.
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Cet article me paraît extrêmement révélateur de ce qui se passe dans cet hémicycle depuis hier soir.
Je vous rappelle les termes de l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : « Le fait de révéler, par quelque moyen d'expression que ce soit, l'identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires ou de personnels civils du ministère de la défense ou d'agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l'anonymat, est puni d'une amende de 15 000 euros. »
Or que nous propose cet article ? Il propose d'ajouter les gendarmes aux personnels déjà énumérés ici, qui comprennent déjà les fonctionnaires de police et les militaires. Cela veut dire que l'on consacre l'idée que les gendarmes ne sont plus des militaires !
Dans sa rédaction actuelle, l'article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse protège l'identité des fonctionnaires de la police nationale, des militaires et des personnels civils du ministère de la défense. Le rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur nécessite une modification rédactionnelle de cet article, afin que ces militaires conservent cette protection. La commission a donc rejeté cet amendement : avis défavorable.
J'aurais eu exactement les mêmes mots que le rapporteur.
Je ne comprends pas ! Je dois avoir, comme Marylise Lebranchu, un QI un petit peu plus bas que la moyenne.
Soit les gendarmes sont des militaires, et il n'est pas nécessaire de rappeler qu'ils sont concernés par cet article ; soit les gendarmes ne sont pas des militaires, et il faut le dire !
(L'amendement n° 32 n'est pas adopté.)
(L'article 6 octies est adopté.)
Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l'article 6 octies.
Je suis saisi d'un amendement n° 44 .
La parole est à M. le ministre de la défense.
Aujourd'hui, le reclassement des volontaires servant en gendarmerie nationale – couramment appelés gendarmes adjoints volontaires – devenus inaptes ne peut être opéré qu'au profit d'un corps de fonctionnaires relevant du ministre de la défense.
Or le transfert des attributions au ministre de l'intérieur en matière de déroulement et de sortie de carrière impose d'ouvrir une possibilité de reclassement des gendarmes adjoints volontaires devenus inaptes au profit d'un corps de fonctionnaires relevant du ministère de l'intérieur. C'est l'objet de cet amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 45 .
La parole est à M. le ministre de la défense.
L'objet de cet amendement est de prévoir la possibilité pour les conjoints et partenaires liés par un pacte civil de solidarité à des personnels militaires de la gendarmerie nationale décédés en service d'être recrutés, à titre exceptionnel, au sein du corps administratif des secrétaires administratifs du ministère de l'intérieur.
L'article 7 ne fait l'objet d'aucun amendement.
(L'article 7 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 33 , visant à supprimer l'article 8.
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
L'article 10 ne fait l'objet d'aucun amendement.
(L'article 10 est adopté.)
Député d'une circonscription qui compte, avec Satory, l'une des plus grosses implantations de la gendarmerie en France, je m'en tiendrai à ce stade du débat à quelques très rapides observations.
Le débat a été riche, et j'espère qu'il aura apporté un certain nombre de réponses claires aux interrogations des gendarmes, tant en matière de maintien du statut militaire qu'en matière de missions – je pense notamment aux missions de police judiciaire, car un certain nombre de magistrats m'ont eux-mêmes rappelé tout l'intérêt qu'ils portaient au libre choix des services de police ou de gendarmerie à même d'instruire une affaire.
Des interrogations subsistent toutefois dans mon esprit, je l'avoue. J'espère qu'elles trouveront leur réponse dans les rapports d'évaluation, et c'est pourquoi j'interviens maintenant.
Je pense notamment à la mutualisation : si j'y suis favorable dans le principe, je conserve quelques interrogations sur la formation. Il me semble qu'il conviendra de préserver une certaine spécificité des formations de la gendarmerie.
Je tiens également à mentionner l'équité de traitement des personnels de l'État : il conviendra, là encore, de veiller à ce que la gendarmerie ne soit pas une sorte de force à moindre coût, à cause de son statut militaire. Je pense notamment à l'obligation de logement en caserne, qui est un point qui m'intéresse tout particulièrement puisque les casernements de Satory vieillissent très sérieusement. Voilà de longues années que leur rénovation est sans cesse repoussée : les personnels ressentent mal ce qui est parfois perçu, à tort ou à raison, comme un manque de considération. J'espère très vivement, monsieur le ministre, que les services de l'État nous apporteront prochainement en ce domaine une très bonne nouvelle.
Je suis saisi d'un amendement n° 34 .
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.
Le débat sur cet amendement a donné lieu à un échange très intéressant au sein de la commission. L'article 11 prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur l'impact de la loi tous les deux ans. Nous proposions que ce rapport soit annuel.
Mme Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, a estimé lors de son audition en commission qu'un rapport annuel avait peu d'intérêt, car un minimum de recul était nécessaire pour prendre la mesure d'une évolution. Nous lui avons alors demandé si elle s'engageait à venir tous les ans devant la commission. Elle a donné son accord.
M. le président Teissier a noté que de toute façon, ce serait le cas à l'occasion du débat budgétaire. Jean-Claude Viollet a remarqué que l'enveloppe prévue dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure étant annualisée, cela pourrait être l'occasion de faire le point non seulement sur les aspects budgétaires, mais également sur l'application de la réforme.
Si le nouveau ministre de l'intérieur reprend à son compte l'engagement pris par Mme Alliot-Marie, nous retirerons notre amendement, car il nous semble que l'audition du ministre par la commission peut constituer une bonne formule.
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)
Le débat en commission était effectivement intéressant.
Ce rapport d'évaluation, réalisé par un organisme extérieur aux deux forces, sera proposé tous les deux ans. Nous ne croyons pas qu'il soit possible de remettre annuellement un tel rapport. La commission a donc donné un avis défavorable.
Madame la présidente, je n'imagine pas un seul instant que Brice Hortefeux puisse refuser de venir devant la commission de la défense et des lois pour faire un point précis sur le sujet. N'oublions pas que les membres du Gouvernement sont à la disposition du Parlement.
Avant d'être membre du Gouvernement j'ai été parlementaire et je vous rappelle que j'étais entré dans cette maison en 1987. Je ne comprends pas cette volonté des parlementaires de demander à l'exécutif des rapports. Si l'on considère qu'une démocratie bien faite, c'est un Gouvernement qui exécute et un Parlement qui contrôle, permettez-moi de vous dire que c'est d'abord aux parlementaires de faire des rapports pour contrôler l'action du Gouvernement. Je ne comprends pas cette volonté incessante du Parlement de demander au Gouvernement de fournir des rapports.
Le ministre a tout à fait raison : nous submergeons le Gouvernement de demandes de rapports. Et, plus nous en demandons, moins le Gouvernement peut nous les fournir. Nous sommes dans une situation grotesque.
C'est à nous, parlementaires, qu'il revient de contrôler l'action du Gouvernement. Nous n'avons pas à demander des rapports au Gouvernement sur sa propre action. Je veux bien voter l'article 11, qui vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport tous les deux ans, mais cela ne veut rien dire.
À chacun son métier. Faisons le nôtre. Nous ne le faisons pas et nous en sommes responsables !
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 7 juillet, après les questions au Gouvernement.
Article 11
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures quinze.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (nos 845, 926, 1766).
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
La mobilité, le parcours professionnel, la carrière d'un fonctionnaire : voilà l'objet du projet de loi que je vous présente aujourd'hui. Il était temps de se préoccuper de ces règles de base de la gestion des ressources humaines. Il était temps de permettre juridiquement à l'État, aux collectivités locales et aux établissements hospitaliers d'encourager la mobilité et d'enrichir les parcours de leurs agents.
Ce projet de loi relève du bon sens : sans mobilité, sans parcours de carrière, comment rendre les carrières plus attractives ? Comment attirer les meilleurs ? Comment permettre aux fonctionnaires de s'épanouir tout au long de leur carrière?
Grâce à ce projet de loi, les fonctionnaires pourront découvrir les différents métiers et territoires de l'État et les employeurs publics s'assurer que chaque fonctionnaire qui le souhaite pourra changer de métier ou de région. Nous avons l'ambition de faire circuler les hommes, les idées, les compétences. À cette condition, notre fonction publique sera moderne et dynamique. À cette condition, nos fonctionnaires seront heureux et fiers de leur travail.
Nous voulons faire de l'employeur public, non pas seulement le premier employeur de France, mais aussi et surtout le meilleur employeur de France. En la matière, nous avons des progrès à faire.
Le Président de la République l'a parfaitement énoncé : il faut gérer davantage des hommes et des femmes et moins des catégories juridiques. Le fonctionnaire en tant que personne ne doit pas s'effacer derrière des statuts. Des procédures ne doivent pas entraver l'expression des talents. Nous devons sortir d'une approche trop mécanique, égalitariste et anonyme, pour remettre de l'humain, de l'individualité dans la gestion de la fonction publique. Ainsi, un adjoint administratif du ministère de la culture doit pouvoir intégrer sans contrainte inutile un poste équivalent au ministère de l'équipement.
Nous voulons répondre avec pragmatisme aux demandes concrètes des agents que nous rencontrons au quotidien : leur parcours de carrière ne doit plus être un parcours du combattant.
Alors, bien sûr, le chemin est long : aujourd'hui, moins de 5% des fonctionnaires servent hors de leur corps d'appartenance. La mobilité, peu développée, concerne avant tout l'encadrement supérieur et correspond rarement à une mobilité entre ministères ou entre fonctions publiques. Surtout, elle se heurte à des obstacles structurels, qui résultent du cloisonnement des corps, de la lourdeur des procédures, de la multiplicité des régimes indemnitaires.
Il arrive que, pour simplement changer de direction au sein d'un même ministère et d'un même bâtiment, il faille changer de corps, avec toute la paperasse et les tracasseries que cela implique. C'est inacceptable.
Comment s'étonner dès lors que la mobilité soit la préoccupation centrale des fonctionnaires ? Nous l'avons directement observé lors de nos déplacements sur le terrain. Selon une enquête IPSOS, 86% des fonctionnaires estiment qu'une fonction publique moderne doit donner à ses agents la possibilité de changer de métier.
Ce projet de loi est le fruit d'une intense concertation et je mesure la qualité du travail du rapporteur. Vous ne pourrez pas dire que ce texte a été écrit en catimini, sans concertation, sans discussion, sans dialogue. Certes, tout le monde n'est pas d'accord sur tout, mais de multiples échanges ont eu lieu, notamment avec les partenaires sociaux. Nous avons d'ailleurs beaucoup discuté des points de désaccords et répondu à leurs interrogations.
Trois débats ont été organisés au Conseil supérieur de la fonction publique les 16 octobre, 18 décembre 2007 et 18 mars 2008. Le premier portait sur les principes, le deuxième sur les mesures concrètes qui nourrissent le projet de loi et les décrets qui l'accompagnent, le troisième sur le texte lui-même. Les conseils supérieurs de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale ont également été consultés les 21 et 26 mars 2008.
Il ne s'est pas agit pas de faire des réunions pour le plaisir de se rencontrer, mais d'enrichir considérablement la première version du texte. Je voudrais en prendre deux exemples.
S'agissant de la réorientation professionnelle, source d'inquiétudes et de malentendus, le texte a été substantiellement réécrit, pour bien montrer que l'objectif de cette disposition était précisément d'accompagner les fonctionnaires et de prendre des engagements précis en termes de formation ou de propositions d'emplois. Il n'y a pas d'arrière-pensée.
Quant au cumul d'emplois à temps non complet, nous avons répondu aux deux demandes des syndicats : la somme des emplois ne pourra excéder un temps plein et parmi les emplois, l'un sera au moins à mi-temps.
Personne ne pourra reprocher au gouvernement de n'avoir pas engagé de dialogue sur ce projet de loi. Cela étant, engager la concertation ne signifie pas revenir sur ses objectifs, galvauder un texte ou renoncer à ses convictions. Nous avons pris acte de désaccords avec les syndicats sur certaines orientations politiques tout en restant ouverts sur leurs modalités de mise en oeuvre.
Ce texte est ambitieux car les fonctionnaires, nous le savons, ne se satisferont pas de grands discours ou de demi-mesures. Ils veulent des changements concrets, ciblés et immédiats. Voilà pourquoi nous construisons ce texte autour d'un principe simple : un agent qui souhaite diversifier son parcours professionnel ne doit plus être pénalisé mais récompensé. Plus la carrière sera longue, plus la mobilité devra être forte.
Trois grands objectifs en découlent.
Il convient tout d'abord de lever les obstacles juridiques à la mobilité des fonctionnaires. Les entraves statutaires qui existent trop souvent pour exercer des missions de niveau comparable sont supprimées. Le texte simplifie et systématise ainsi les possibilités de détachement et d'intégration dans des corps ou cadres d'emplois de niveau comparable. Il ouvre une possibilité d'intégration directe. Il crée un droit à la mobilité pour tous les agents. Il supprime les obstacles statutaires au retour des agents après une mobilité.
Le critère de l'appartenance statutaire ne doit plus prévaloir sur celui de la compétence.
Permettez-moi d'illustrer mon propos par quelques exemples.
Aujourd'hui, une secrétaire administrative qui aurait des connaissances en matière de dossiers de subventions agricoles, du fait de son parcours antérieur, ne peut pas exercer cette mission au sein de la direction départementale de l'agriculture car le statut particulier du corps de « technicien supérieur de l'agriculture » ne prévoit pas le détachement en son sein d'une secrétaire administrative. L'article 1er de la loi lèvera cette difficulté en faisant primer la qualification, la compétence, l'expérience sur l'appartenance à un corps.
Aujourd'hui, un attaché de la fonction publique territoriale qui souhaite poursuivre sa carrière dans la fonction publique de l'État doit obtenir un détachement, qui n'a qu'un caractère temporaire – souvent deux ou trois ans renouvelables. L'article 2 de la loi lui permettra, si son administration en est d'accord, d'être directement intégré dans la fonction publique de l'État, sans période transitoire. Sa situation ne sera alors pas remise en cause à échéance régulière.
Aujourd'hui, un attaché de préfecture que la direction
départementale de l'équipement accepte de recruter sur un poste vacant peut voir son départ refusé par la préfecture pour des raisons d'opportunité. Grâce à l'article 4 de la loi, dès lors que la direction départementale de l'équipement aura donné son accord au recrutement, la préfecture ne pourra retenir l'attaché plus de trois mois, sauf à démontrer que des nécessités absolues de service s'y opposent. La mobilité deviendra ainsi un droit effectif.
Aujourd'hui, un agent en direction régionale qui, dans le cadre d'une restructuration, partirait dans la fonction publique territoriale, perdrait de l'argent car le niveau des primes y est moindre. L'article 6 de la loi permettra de compenser le différentiel de primes: la mobilité n'entraînera pas de perte financière pour l'agent.
Voilà quatre exemples de ce que le projet de loi changera pour les fonctionnaires. Nous avons voulu nous placer du point de vue de l'agent, face aux difficultés concrètes qu'il rencontre aujourd'hui dans sa mobilité.
Enfin, ce texte met en place des outils, notamment financiers, pour encourager la mobilité. La rémunération d'un agent pourra ainsi être maintenue dans les cas de mobilités liées à un changement de service ou à un projet professionnel particulier. Les décrets pris en avril 2008 en accompagnement de ce projet de loi créent des primes pour encourager la mobilité, accompagner la réorganisation des services ou permettre un départ volontaire.
Deuxième objectif: créer les conditions qui permettront de moderniser et d'assurer la continuité et l'adaptabilité du service. Il sera possible de remplacer un fonctionnaire momentanément absent par un contractuel et de recourir à l'intérim dans les trois fonctions publiques. Il généralise la possibilité de cumuler des emplois à temps non complet et facilite la réorientation professionnelle des fonctionnaires dans le cadre de la réorganisation d'une administration ou d'un service.
Je voudrais revenir sur la réorientation professionnelle article 7. La réforme de l'État va conduire à des restructurations de services. On peut s'en féliciter ou le déplorer : c'est un fait. Pour ma part, je pense que c'est une nécessité. Dans ce cadre, si l'on s'en tenait strictement au droit actuel, le fonctionnaire dont l'emploi serait supprimé serait livré à lui-même pour rechercher un nouveau poste.
L'administration serait simplement tenue de lui proposer un seul poste, sans aucune garantie en matière de localisation géographique ou de respect de ses aspirations. S'il le refuse – c'est le droit actuel, qui n'est pas suffisamment connu –, il est réputé démissionnaire de la fonction publique. Serait-ce là une façon décente pour l'État de traiter ses agents ? Ceux qui contestent notre proposition voudraient-ils réellement que nous la retirions ?
Nous proposons au contraire un dispositif d'accompagnement personnalisé, intervenant aussi en amont que possible, dans le cadre d'engagements réciproques de l'agent et de son administration.
La réorientation professionnelle cesse lorsque le fonctionnaire accède à un autre emploi, dans un champ que nous souhaitons très ouvert.
Beaucoup de choses ont été dites à tort sur les conditions dans lesquelles le fonctionnaire en réorientation professionnelle pourrait être mis en disponibilité d'office : on a même parlé de licenciement ! L'objectif n'est évidemment pas de créer un dispositif de licenciement déguisé, comme j'ai pu le lire ou l'entendre ici ou là. Il s'agit simplement de disposer d'une mesure dissuasive vis-à-vis d'agents qui refuseraient le principe même de la suppression de leur poste. Cette mesure est particulièrement encadrée puisque l'agent devra refuser, non pas un, mais trois postes.
Qui peut donc présenter toutes ces mesures de bon sens, qui ne sont en rien inéquitables par rapport à celles qui régissent les salariés du secteur privé, comme des atteintes au statut des agents publics alors même qu'elles ouvrent un nouveau droit pour tous les fonctionnaires : celui d'être véritablement accompagné lorsque l'administration évolue ? Ce qui est moderne, et sans doute nouveau, c'est que l'administration prenne soin de l'évolution de la carrière de ses agents ! Dans le cadre du texte, nous avons du reste beaucoup travaillé sur la question des emplois qui seront proposés : ils devront être cohérents avec la localisation géographique de l'agent et correspondre à son emploi et à sa compétence. Dans ces conditions, le fait pour l'agent de refuser les trois emplois proposés permettra de s'interroger sur sa réelle volonté de rester dans la fonction publique. Ce texte est donc très respectueux à la fois des fonctionnaires, de l'administration et des usagers du service public.
Je voudrais également revenir sur la question, taboue, de l'intérim, qui est interdit aujourd'hui dans l'administration en vertu d'une jurisprudence du Conseil d'État du 18 janvier 1980.
Or, comment procéder concrètement, lorsqu'un agent part en arrêt maladie pour trois semaines, alors que sa présence à cette période de l'année est indispensable pour faire face à un pic d'activité ? Le recrutement d'un vacataire prend nécessairement du temps. L'intérim, qui n'est pas la jungle, offre une solution.
Il convient en effet de se garder de toute assimilation de l'intérim à la précarité. Plaçons-nous, là encore, du point de vue de la personne. Est-il préférable d'enchaîner des contrats de vacation de quinze jours ou d'être le salarié d'une société d'intérim reconnue, qui fournit un statut et des avantages définis par le code du travail et lui procure des missions ? L'intérim, ce n'est pas plus de précarité dans l'administration, c'est moins de précarité pour les personnes concernées.
Le troisième objectif est de mettre en oeuvre des mesures de ressources humaines modernes afin de faciliter les parcours de carrière et de valoriser le mérite. Nous souhaitons permettre l'accès par concours et par promotion aux grades supérieurs des corps de la fonction publique de l'État et de la fonction publique hospitalière pour les catégories A et B, ce qui facilitera les parcours de carrière pour les agents qui progressent.
Nous souhaitons généraliser les entretiens professionnels d'évaluation, en lieu et place de la notation, dans la fonction publique de l'État. Le bilan sur l'expérimentation de la suppression de la notation et la mise en oeuvre de l'entretien professionnel, présenté au Conseil supérieur de la fonction publique de l'État le 9 avril dernier, est très encourageant. Neuf ministères sur douze se sont d'ores et déjà approprié le nouveau dispositif et près d'un quart des fonctionnaires – hors enseignants – a pu en bénéficier. C'est un outil plus constructif que la procédure de notation qui existait précédemment et était mal employée. Il contribue en effet à enrichir le dialogue entre les supérieurs hiérarchiques et leurs collaborateurs. Telle est notre volonté : la note doit être l'expression d'un dialogue que personne n'a à redouter.
Enfin, toujours dans l'idée d'apporter plus de souplesse aux gestionnaires, nous voulons mettre en place des statuts d'emploi dans la fonction publique territoriale, qui n'en a pas, à l'instar de ce qui existe dans la fonction publique de l'État.
Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi, pour conclure, de citer le Président de la République, alors candidat, dans son discours du 7 juillet 2005 : « L'attachement au service public ne se mesure pas au nombre des cris que l'on pousse à son sujet. Il se mesure à la hauteur de l'ambition que l'on a pour lui, de la volonté que l'on met pour le faire changer, des moyens qu'on lui donne pour y parvenir, de la confiance qu'on lui fait pour réussir. »
Le projet de loi s'inscrit pleinement dans cette ambition. Ne nous trompons pas de débat : vouloir changer les règles de fonctionnement de la fonction publique, c'est encourager ses agents à améliorer la qualité du service public. Vouloir ne rien y changer, c'est décourager ces mêmes agents et tuer lentement mais sûrement le service public. Nous sommes partisans du statut, nous ne sommes pas partisans du statu quo…
…parce que nous croyons, nous, à l'avenir de la fonction publique et du service public.
Tel est l'esprit qui anime le projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui.
Ce projet de loi a mis beaucoup de temps – ce n'est pas M. Bénisti qui me démentira – pour passer du Sénat à l'Assemblée nationale, ce qui a permis à un texte très exposé d'avoir bénéficié des conseils de chacun dans le cadre d'une très longue concertation. Ce projet est d'une très grande utilité pour la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je demande la parole pour un rappel au règlement, fondé l'article 58, alinéa 1.
M. le ministre sera d'autant plus attentif à ce rappel au règlement que, sortant de la commission des finances où le rapporteur général évoquait la loi fiscale, nous avons été surpris d'apprendre que l'examen du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, qui devait débuter cet après-midi, démarrait de manière précipitée. On nous a même dit, monsieur le ministre, que vous avez été quasiment réquisitionné pour venir lancer le débat, alors même que le texte, sur lequel, comme sur bien d'autres, l'urgence avait été déclarée – une urgence retardée, semble-t-il –, était en souffrance depuis son adoption au Sénat il y a plus d'un an.
Le débat a donc débuté dans un hémicycle vide, à la surprise des parlementaires, y compris ceux de la majorité.
Plusieurs députés du groupe UMP. Nous sommes là !
En revanche, M. Bernard Derosier, qui doit défendre la motion de rejet préalable du texte, avait prévu de venir à quatorze heures,…
…puisque la commission des lois, en vertu de l'article 88 de notre règlement, est convoquée à quatorze heures trente pour examiner les amendements.
C'est une bien curieuse façon de démarrer des travaux que de le faire de manière impromptue, avant la réunion de la commission prévue au titre de l'article 88.
M. le ministre a déclaré qu'il était favorable au statut, mais non au statu quo : c'est un projet de loi important puisqu'il touche au statut de la fonction publique. C'est pourquoi le Gouvernement n'aurait pas dû déclarer l'urgence sur ce texte qui, de plus, doit être examiné dans l'hémicycle selon l'emploi du temps prévu.
Voilà pourquoi, madame la présidente, j'élève une protestation à l'attention du Bureau de l'Assemblée nationale, que, je n'en doute pas, vous lui transmettrez, d'autant que je me suis laissé dire que c'était pour convenance personnelle que l'emploi du temps avait été bouleversé.
Monsieur Bapt, je vous propose de vous reporter au feuilleton de l'Assemblée nationale : l'ordre du jour de la séance de neuf heures trente comporte bien aujourd'hui deux points : la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la gendarmerie, et la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d'urgence, relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.
Il n'y a donc aucune surprise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
De plus, monsieur Bapt, vous êtes député depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'il n'est pas rare que la commission se réunisse au titre de l'article 88 alors même que l'examen du texte est déjà commencé, d'autant que le délai de dépôt des amendements, à titre exceptionnel, expirait aujourd'hui.
Vous nous avez fait part de l'agenda personnel de l'orateur du groupe socialiste. Compte tenu de l'heure tardive, la motion de rejet préalable ne sera de toute façon pas examinée ce matin, ce qui permettra à l'orateur d'arriver pour la séance de quinze heures.
La parole est à M. Jean-Marc Roubaud.
Je suis heureux que le groupe socialiste ne soit pas favorable au statu quo, le débat portant sur la modernisation de la fonction publique. Il ne s'agit pas en effet d'un texte qui vise à martyriser les fonctionnaires et à faire éclater leur statut, comme nous l'avons trop entendu, mais à adapter la fonction publique à de nouvelles missions.
J'espère que l'état d'esprit avec lequel vous abordez cette discussion nous permettra d'avancer dans l'intérêt de la fonction publique.
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l'administration générale de la République.
de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et l'administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si un texte était vraiment attendu par l'ensemble des fonctionnaires de notre pays, c'était bien celui-là !
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que le projet remportait l'adhésion de 85 % des fonctionnaires : c'est presque 100 % – peut-être 15 % des agents n'y sont-ils pas favorables.
En effet, le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique améliorera considérablement le déroulement des carrières et offrira de nouveaux droits aux agents, notamment à ceux de la fonction publique de l'État.
Le projet de loi comporte trois grands volets.
Le premier volet, relatif à la mobilité, vise à faciliter le passage d'un corps à l'autre et d'une fonction publique à une autre. Du reste, j'ai pu constater, lors des auditions, que les grandes lignes et les avancées notables que le texte comporte en matière de mobilité faisaient presque l'unanimité. Le détachement est généralisé à la quasi-totalité des corps et cadres d'emploi. Il ne pourra plus faire obstacle à la carrière de l'agent ou se traduire par un ralentissement de celle-ci, grâce à un système de prise en compte de l'avancement reçu dans le corps d'accueil.
De même, tous les corps civils, à l'exception, évidemment, des corps juridictionnels, pourront être intégrés directement par des fonctionnaires exerçant des fonctions de même niveau.
De plus, l'administration ne pourra plus, sauf circonstances exceptionnelles, s'opposer au départ d'un agent – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Elle pourra tout au plus lui demander de respecter un délai de préavis, ce qui permettra aux agents de bénéficier d'une carrière plus enrichissante et de ne pas rester cantonnés à un seul corps. Il s'agit donc d'une avancée importante en direction d'une fonction publique de métiers, en totale cohérence avec la politique du Gouvernement en matière de fusion des corps.
Par ailleurs, le fait de créer de nouvelles passerelles entre les trois fonctions publiques permettra enfin de réaffirmer le principe d'unité de la fonction publique, qui peut parfois paraître virtuel face à la réalité du cloisonnement en corps.
Le deuxième volet est relatif à l'accompagnement des changements d'emploi, notamment dans le cadre des restructurations d'administrations de l'État. Plutôt que de procéder à des mutations sèches, comme c'est le cas aujourd'hui – on l'oublie trop souvent –, l'État mettra en oeuvre toute une procédure de réorientation professionnelle des agents, individualisée, avez-vous précisé, monsieur le ministre, et accompagnée d'actions de formation qui faciliteront leur reclassement. Aujourd'hui, lorsqu'un agent voit son poste supprimé, il est très souvent muté sur un autre poste qui peut être situé à des centaines de kilomètres, ce qui pose des problèmes, parfois dramatiques pour les familles, en termes de rapprochement de conjoint ou de changement d'école des enfants. Désormais, le fonctionnaire aura le droit de se voir proposer au moins trois emplois qui tiennent compte, d'abord, de son projet d'évolution professionnelle, ensuite, de sa situation familiale.
En outre, son régime indemnitaire antérieur sera maintenu, même s'il accepte un emploi dans un autre corps ou dans une autre fonction publique. C'est donc un progrès considérable pour les droits des agents par rapport au système antérieur. J'ajoute que ces dispositions législatives s'accompagnent d'un volet réglementaire créant des primes de restructuration pour les agents concernés.
Le troisième et dernier volet vise à faciliter la gestion des ressources humaines, notamment par l'amélioration des possibilités de remplacement des fonctionnaires absents ou le dossier individuel dématérialisé.
Le point particulier de l'appel à l'intérim a bien sûr suscité quelques inquiétudes de la part des organisations syndicales – et j'ai moi-même fait partie, dans un premier temps, de ceux qui se sont montrés inquiets. Cette inquiétude s'explique principalement par une mauvaise compréhension de cette disposition.
Aujourd'hui, on recrute en effet déjà des personnels d'appoint. Lorsque l'État a un besoin urgent et temporaire, par exemple lorsqu'un agent part du service, il recrute des contractuels ou des vacataires. Ces agents sont souvent en situation de grande précarité puisqu'ils sont recrutés seulement pour la période de recherche d'un remplacement.
Les salariés intérimaires, en revanche, bénéficient de dispositions législatives plus protectrices contre la précarité. Je tiens de plus à signaler que le recours à des agents non titulaires devrait se réduire grâce à la mobilité instaurée par le texte : il deviendra plus facile de pourvoir des postes lorsque la bourse nationale de l'emploi public en cours de création permettra de recueillir toutes les candidatures d'agents publics, quelle que soit leur fonction publique d'origine.
Il s'agit d'un projet avec lequel l'ensemble des différents corps, l'ensemble des fonctions publiques, l'ensemble des fonctionnaires, sont d'accord.
En outre, un problème se posait pour la fonction publique territoriale – je l'ai évoqué. Aussi ai-je proposé un amendement, adopté par la commission, qui rappelle que ce sont d'abord les centres de gestion qui mettent à disposition des fonctionnaires lorsqu'une collectivité territoriale a un besoin ponctuel de recrutement, laissant ainsi la collectivité prendre son temps pour recruter un agent compétent sur le poste manquant, et non pas dans la précipitation comme c'est souvent malheureusement le cas. Le recours à l'intérim devrait donc rester très rare.
En commission, le texte a été enrichi de nouvelles dispositions. En premier lieu, la commission a aménagé les dispositions relatives aux fonctionnaires privés d'emploi dans la fonction publique territoriale. Il s'agit d'un problème majeur pour les centres de gestion et le CNFPT, qui doivent parfois assurer la prise en charge d'agents pendant plusieurs années. Or, plus un agent reste pris en charge longtemps, plus ses possibilités de retrouver un emploi diminuent – il s'agit d'une réalité. Il ne faut pas non plus se cacher que certains agents s'accommodent très bien de la prise en charge et ne consentent aucun effort pour trouver un emploi. Je citerai l'exemple de tel fonctionnaire qui a passé quinze ans dans un centre de gestion de la grande couronne. Pour éviter ces problèmes, la commission a prévu des mesures préventives et des mesures dissuasives.
Ainsi, pour limiter le nombre d'agents pris en charge, les conditions de suppression d'un emploi seront encadrées afin d'éviter que cette procédure ne soit, comme dans certains cas, une sanction déguisée. Les possibilités de reclassement des fonctionnaires concernés seront donc élargies. En revanche, les obligations de l'employeur précédent seront renforcées.
Du reste, un véritable dispositif de suivi de la recherche d'emploi sera mis en place pour s'assurer que les fonctionnaires pris en charge par un centre de gestion effectuent activement et réellement une recherche d'emploi. S'ils ne respectent pas leurs obligations, ils seront placés en disponibilité d'office.
En deuxième lieu, la commission a adopté un amendement de son président, Jean-Luc Warsmann, pour améliorer les conditions de saisine de la commission de déontologie en cas de départ d'un agent public vers le secteur privé. Le principe de la saisine obligatoire est rétabli pour les membres de cabinet, aussi bien pour l'État que pour les collectivités territoriales. De plus, la commission de déontologie pourra s'autosaisir dans le cas où l'agent n'aura pas respecté l'obligation de saisir la commission.
Quelques adaptations mineures ont également été apportées au régime du cumul d'emplois défini par la proposition de loi que j'avais présentée en 2007 sur la modernisation de la fonction publique. La durée totale autorisée de cumul pour création d'entreprise est portée de deux à trois ans. Le président de la commission de déontologie pourra donc aussi statuer par ordonnance pour régler les cas les plus simples de création d'entreprise.
Enfin, pour répondre favorablement à certains syndicats, les agents à temps non complet dont la durée de travail est comprise entre 50 et 70 % de la durée légale seront soumis au même régime dérogatoire que les agents effectuant moins d'un mi-temps.
Un autre amendement adopté par la commission pérennise aussi le système de l'entretien professionnel pour évaluer les fonctionnaires de l'État. Ce système a été expérimenté depuis quelques années – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – et permet une appréciation beaucoup plus fine des mérites et des compétences des agents qu'une note chiffrée, dont tout le monde pensait qu'elle ne signifiait plus rien. À cet égard, il est très satisfaisant que le système puisse être enfin mis en place officiellement dans la fonction publique territoriale.
Plusieurs amendements prévoient l'alignement des droits des agents territoriaux sur les nouveaux droits reconnus aux agents de l'État en matière de rémunération, de compte épargne temps et de protection sociale. Ensuite, un nouvel article définit les conditions dans lesquelles les employeurs locaux pourront participer au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents. Enfin, la commission a habilité le Gouvernement à modifier par ordonnance le code de justice administrative afin, notamment, d'améliorer le statut et les conditions de recrutement.
En conclusion, ce texte représente une grande avancée, aussi bien pour les droits des agents publics que pour la gestion des ressources humaines dans l'administration. C'est la raison pour laquelle la commission vous propose, mes chers collègues, de l'adopter sans aucune retenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite du projet de loi relatif à la mobilité dans la fonction publique.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma