La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
Nous en venons aux amendements à l'article 9.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l'amendement n° 401 .
Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, tirant les conséquences de la suppression par l'article 12 des deux contrats aidés que sont le contrat d'avenir et le contrat insertion-revenu minimum d'activité, le deuxième alinéa de l'article 9 abroge les dispositions du code du travail en application desquelles les titulaires de tels contrats de travail ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise.
S'agissant des titulaires d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi ou d'un contrat initiative-emploi, les dispositions restent inchangées.
Ces salariés, bien que présents physiquement dans l'entreprise et titulaires d'un contrat de travail, continueront à ne pas être comptabilisés dans les effectifs de l'entreprise – qui servent notamment de référence à l'électorat des élections professionnelles.
Ces salariés n'existent pas, ils ne comptent pas – exception faite, tout de même, de l'application des dispositions légales relatives à la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les employeurs échappent ainsi à nombre de leurs obligations sociales.
Certes, ces contrats sont atypiques, puisque aidés ; il n'en demeure pas moins que leurs titulaires sont des salariés à part entière, contribuant à la vie de l'entreprise et à la création de richesses, tout comme les salariés à temps partiel ou les salariés mis à disposition – y compris les salariés temporaires, lesquels sont en revanche pris en compte dans l'effectif à due proportion de leur présence dans l'entreprise.
Notons également que les salariés en question sont titulaires d'un contrat de travail en bonne et due forme, non d'un simple sous-contrat ou pré-contrat, qui peut même devenir, désormais, un contrat de travail à durée indéterminée.
Pourquoi alors priver ces salariés de dispositions protectrices du code du travail, en matière de représentation des salariés, donc de santé et de sécurité au travail ou d'emploi des personnes handicapées ?
La question des seuils sociaux et de leurs conséquences sur les instances représentatives du personnel taraude depuis longtemps le MEDEF et la droite de ce pays. Les rapports de Virville puis Attali ont recommandé la neutralisation de l'impact du franchissement des seuils de vingt et de cinquante salariés pour les entreprises. Aux partenaires sociaux de décider si la fusion de l'ensemble des instances représentatives du personnel – délégué du personnel, délégué syndical, CE, CHSCT – en une seule instance dans toutes les entreprises de moins de 250 salariés est une proposition acceptable, conforme au principe de participation résultant du préambule de notre Constitution !
Pour l'heure, notre amendement propose simplement de reconnaître aux salariés titulaires d'un CIE ou d'un CAE, comme à tous les autres salariés, le droit de participer, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion de l'entreprise.
La parole est à M. M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
Avis défavorable : pour des raisons de forme d'abord, puisque les alinéas concernés ne font effectivement que tirer les conséquences de l'abrogation du CI-RMA, sans rien modifier du droit actuel ; pour des raisons de fond ensuite, la commission ayant considéré qu'il risquait de créer des effets de seuil, qui constitueraient des freins à l'embauche.
La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Madame la présidente, permettez-moi d'abord de saluer votre première présidence de séance.
Sur l'amendement n° 401 , l'avis du Gouvernement est défavorable : il est vrai que ces salariés sont de droit commun, qu'ils ont les mêmes droits que les autres, mais qu'ils ne sont pas comptés pour le calcul des seuils d'effectifs de l'entreprise. Je tiens à signaler que les acteurs du Grenelle de l'insertion, qui ont pu débattre de cette question, n'ont pas demandé une telle modification. Lors des discussions devant le Conseil supérieur de l'emploi, les syndicats de salariés n'ont pas davantage émis de souhaits de ce genre, et ont donné un avis favorable au projet de loi. Nous n'avons pas voulu prendre le risque que certaines entreprises hésitent à recruter des salariés en insertion ; aussi avons-nous maintenu les dispositions existantes.
(L'amendement n° 401 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 130 .
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
Cet amendement, que je présente au nom de la commission, est rédactionnel.
(L'amendement n° 130 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 318 .
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Je voudrais revenir sur la situation des personnes qui, bien qu'ayant un emploi, vont recevoir le revenu de solidarité active et pourront, néanmoins, avoir encore besoin d'un accompagnement. Si, comme nous le proposons par cet amendement, nous insérons les mots « ou en situation de précarité » à l'alinéa 9, après le mot « emploi », ces personnes pourront éventuellement bénéficier d'un accompagnement social. Elles n'en auront certainement pas toutes besoin, mais il est important de les inclure. Encore faut-il que les financements correspondants soient garantis, qu'ils relèvent de la responsabilité de l'État ou, éventuellement, des conseils généraux.
Par ailleurs, monsieur le haut-commissaire, je saisis cette occasion pour vous reposer une question déjà abordée mardi dernier, et à laquelle votre réponse jusqu'alors est restée pour le moins floue. M. Sarkozy a laissé entendre à Laval que les personnes qui refuseraient une proposition d'emploi pourraient se voir supprimer le revenu minimum garanti ; ce ne serait donc plus un minimum garanti… Nous voulons savoir très clairement si, oui ou non, vous reprenez à votre compte les propos du président de la République.
Avis défavorable. Le but de l'insertion par l'activité économique n'est pas de s'adresser à des personnes ayant un emploi, fussent-elles en situation de précarité. D'autre part, le grand intérêt du projet de loi du Gouvernement est de s'adresser également – M. le haut-commissaire l'a dit à plusieurs reprises – à des travailleurs en situation de précarité : le texte prévoit un accompagnement social et professionnel, avec un référent unique. Votre préoccupation, légitime, est d'ores et déjà satisfaite.
Avis défavorable. L'article 9 ne concerne pas le RSA ; concernant ceux qui en bénéficieront, vous verrez, au cours de la discussion, que votre préoccupation est satisfaite. En revanche, pour bénéficier de l'insertion par l'activité économique, il faut être sans emploi – c'est bien une situation de précarité !
S'agissant du revenu minimum garanti, les choses sont simples : nous avons prévu de maintenir le pouvoir du président de conseil général de suspendre l'allocation versée, s'il l'estime justifié. C'est déjà le cas aujourd'hui : si un président de conseil général constate qu'une personne dispose en réalité d'un travail, donc de ressources, et que dès lors sa déclaration d'absence de ressources ne se justifie pas, il peut, après une procédure contradictoire, suspendre la prestation, voire radier le prestataire. Nous ne faisons donc que maintenir l'existant, qui a toujours fait consensus.
J'entends bien vos arguments sur les personnes en recherche d'emploi. Mais il faut avant tout tenir compte de la réalité des situations ; or notre amendement n° 318 propose d'élargir ce dispositif à un plus grand nombre de personnes en situation de précarité. Il s'agit de traiter au mieux, dans sa globalité, le problème des « travailleurs pauvres », suivant une formule fréquemment utilisée.
C'est pourquoi je ne comprends pas la position du Gouvernement. Vous affirmez que ce dispositif a pour vocation de traiter la pauvreté et de la précarité dans leur ensemble ; et quand nous proposons des amendements qui veillent à n'oublier personne, à permettre d'accompagner, dans le champ de l'insertion par l'activité économique, ceux qui en ont grand besoin parce qu'ils sont grandement exclus, vous nous répondez que cela n'est pas souhaitable – puisqu'ils seraient déjà compris dans d'autres dispositifs.
Votre logique n'est pas claire ; qui peut le plus peut le moins : pourquoi refuser d'intégrer les personnes en situation de grande précarité ?
Nous ne refusons évidemment pas d'intégrer les personnes en situation de grande précarité ! Mais les acteurs de l'insertion par l'activité économique –associations, entreprises d'insertion, etc. – considèrent que leur vocation est de permettre un premier pas vers un emploi de droit commun, donc d'aider des personnes en situation de précarité, parce que sans emploi, en leur donnant la possibilité de retravailler ; ensuite, celles-ci pourront ou bien demeurer dans le domaine de l'insertion, ou bien rejoindre le droit commun. N'inversons pas la marche des choses. Ces acteurs ne demandent pas, au demeurant, à élargir leur vocation.
On verra clairement, au moment de la discussion sur les articles relatifs au revenu de solidarité active proprement dit, qu'en matière d'allocation comme d'accompagnement, le projet prend en compte des personnes qui, éventuellement, disposent déjà d'un emploi. N'allez pas chercher je ne sais quel loup derrière cette motivation !
Un nombre important de ceux qui disposent d'un emploi, mais pour un nombre d'heures insuffisant, devraient pouvoir bénéficier de l'insertion par l'activité économique. C'est tout le sens de notre amendement.
Ce n'est pas un problème d'insertion !
(L'amendement n° 318 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 91 de la commission répond à une préoccupation exprimée à la fois par les associations, les entreprises d'insertion et plusieurs députés de divers horizons, de proposer aux salariés des entreprises d'insertion des périodes d'immersion en entreprise. Le terme d'« immersion » a été choisi de manière à laisser une certaine souplesse, le but étant que l'intéressé puisse se familiariser avec d'autres milieux professionnels et développer d'autres compétences que celles qu'elle a acquises par l'expérience.
Le Gouvernement a déposé un sous-amendement de précision ; j'indique d'ores et déjà que la commission y est favorable.
Le Gouvernement est favorable au dispositif proposé par la commission, qui permet de suspendre le contrat pendant que le salarié s'immerge dans une autre entreprise, à condition que ce dispositif ne se prête pas à des manoeuvre.
Nous vous proposons donc de le compléter par un sous-amendement précisant que ces contrats peuvent prévoir par avenant une période d'immersion auprès d'un autre employeur dans les conditions prévues à l'article L.8241-2, lequel fait référence au secteur non lucratif, et préciser par décret la durée, les conditions d'agrément et d'exécution de cette période d'immersion afin que personne ne puisse se faufiler.
Je suis heureux de la façon dont démarrent nos travaux : le haut-commissaire semble enfin avoir compris que le patronat n'est pas uniforme et que les risques de dérive sont permanents.
C'est bien pour cela que nous voulons les conjurer.
Votre sous-amendement n'est pas inutile. Vous avez raison, monsieur le haut-commissaire, de prendre garde et de surveiller en permanence vos côtés et vos arrières, car le patronat n'est pas prêt de céder aux appels du pied que vous leur lancez pour faire diminuer la précarité dans l'emploi et augmenter les salaires qui aujourd'hui sont, dans bon nombre de professions, misérables.
L'amendement n° 92 a fait l'objet d'un débat en commission. Sur un nombre de structures d'insertion nous ont demandé d'inscrire une durée plus faible que les six mois prévus dans le projet initial du Gouvernement pour les CDD d'insertion conclus par les entreprises d'insertion, le but étant de faciliter la prise en charge des personnes et de faire intervenir, le cas échéant, une structure d'accompagnement social adaptée.
Plusieurs parlementaires, dont M. Vercamer, proposaient de ramener la durée à trois mois. M. Pinte, que je salue à nouveau c'est en grande partie grâce à lui que nous avons pu adopter à l'unanimité la semaine dernière le fameux amendement Emmaüs a suggéré de porter cette durée à quatre mois de telle sorte qu'elle coïncide avec le dispositif d'hébergement temporaire sur lequel il a rédigé un rapport particulièrement pertinent. Voilà pourquoi nous avons choisi quatre mois.
La parole est à Mme Colette Le Moal, pour soutenir l'amendement n° 365 .
Le groupe Nouveau Centre était motivé par les mêmes raisons. Il se rallie à l'amendement de la commission.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. Nous comprenons fort bien la volonté de souplesse qui anime ses auteurs mais le fait de prévoir une limite minimale à l'engagement de l'employeur, en l'occurrence six mois, ne nous semble pas mauvais, toujours dans notre souci d'exercer une vigilance. Cela n'interdit pas au salarié de démissionner au bout de quatre mois ou d'interrompre son contrat pour intégrer un stage d'immersion.
Laisser entendre que les contrats aidés ne peuvent être conclus que pour une période de quatre mois alors que nous essayons par ailleurs de renforcer la formation, ne nous paraît pas un signal très pertinent. Dans la mesure où le salarié peut lui-même résilier son contrat au moment où il se sent prêt à passer à autre chose, le fait de pouvoir compter sur un horizon de six mois est pour lui une garantie. Or vous savez que plus on donne de temps aux personnes en situation de précarité, mieux elles se portent.
(L'amendement n° 92 est adopté.)
Mon intervention vaudra pour les amendements nos 242 , 243 et 244 rectifié .
L'article 9 unifie les conditions d'emploi des salariés embauchés dans le cadre de l'insertion par l'activité économique, sur la base d'un contrat à durée déterminée d'insertion.
Défendue durant le Grenelle de l'insertion, la question de l'unification du cadre juridique des contrats d'insertion est globalement bien appréciée par les partenaires. Toutefois, les associations que j'ai auditionnées lors de la phase préparatoire à nos débats, ont fait état d'une déception certaine à la lecture des articles du titre consacré aux politiques d'insertion, pour ce qu'ils contiennent - ou plutôt ne contiennent pas.
Alors que la feuille de route du Grenelle affirmait que les entreprises devaient s'engager à « faire évoluer les pratiques de recrutement en contrat aidé pour qu'à terme les employeurs ne recrutent en contrat aidé que lorsque est organisé un accès à l'emploi durable ou une formation certifiante ou qualifiante pendant le contrat », le projet de loi oublie ce volet de responsabilisation des entreprises.
Les structures d'insertion par 1'activité économique mettent en place des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement des personnes en insertion, elles ne doivent pas moins viser l'obtention du statut de salarié de droit commun. Le moins que l'on puisse dire, monsieur le haut-commissaire, c'est que, sur ce point, le projet de loi se paie de mots. Vous parlez d'insertion durable, de retour à l'emploi, mais vous ne prévoyez rien concernant le passage nécessaire du CDD d'insertion à un contrat classique.
Cet objectif de qualification des contrats d'insertion en contrat de travail de droit commun n'est pas exclusif de la nécessaire prise en compte des contraintes particulières pesant sur des publics très désocialisés. Mais il semble que le projet de loi n'ait pas trouvé cet équilibre.
« Un seul contrat ne signifie pas un contrat uniforme bien au contraire » nous a répété la FNARS. Comme d'autres, celle-ci a proposé des modifications de cet article 9 visant à assouplir le CDD d'insertion pour l'adapter aux différentes situations, aux besoins singuliers de chaque personne.
Attachons-nous à la durée de ces contrats et aux conditions de leur renouvellement. Si l'article 9 ne limite plus le nombre maximum de renouvellement – deux actuellement –, il limite à vingt-quatre mois la durée maximale des CDD d'insertion. Il pourra être dérogé à ce principe uniquement pour permettre au salarié d'achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation. Dans ce cas, la durée de ce renouvellement ne pourra pas excéder le terme de l'action concernée.
Les amendements nos 242 , 243 et 244 rectifié prennent en compte la situation particulière de certaines personnes qui restent en grande difficulté à l'issue de leur contrat. Ils proposent, à titre dérogatoire, lorsque la réussite de l'insertion sociale et professionnelle de la personne l'exige, que le contrat puisse perdurer au-delà de vingt-quatre mois. Ils garantissent ainsi aux personnes embauchées en CDD d'insertion tant par les entreprises d'insertion, les associations intermédiaires que les ateliers et chantiers d'insertion, la poursuite des actions mises en place en matière de formation, mais également de travail social.
La parole est à Mme Colette Le Moal, pour soutenir l'amendement n° 352 .
Le groupe Nouveau Centre propose de pouvoir renouveler à titre dérogatoire, au-delà de la durée totale de vingt-quatre mois, le contrat à durée déterminée d'insertion conclu par une entreprise d'insertion avec une personne rencontrant des difficultés sociales et professionnelles, de manière à prendre en compte la situation des personnes qui, au terme du contrat, restent en difficulté, soit parce que leur situation personnelle initiale était particulièrement lourde, soit parce que la situation s'est dégradée pendant le déroulement du contrat. Il s'agit de prendre en compte la situation de personnes qui, en dépit du contrat aidé qu'elles ont conclu pour s'inscrire dans un parcours d'insertion, restent particulièrement fragiles ; elles doivent pouvoir continuer à être accompagnées de manière à persévérer dans leur parcours d'insertion.
Après avis d'une équipe pluridisciplinaire, ces contrats pourraient, à titre dérogatoire, être renouvelés au-delà de la durée maximale dès lors que la réussite de l'insertion sociale et professionnelle de la personne l'exigerait.
La commission a repoussé ces deux amendements, nos 242 et 352 et cet avis vaut également pour l'amendement suivant de M. Sirugue, n° 317, l'intention est identique.
Ils posent deux questions. D'une part, la durée maximale de vingt-quatre mois pose un problème par rapport à la vocation de l'insertion, qui vise une insertion durable dans l'emploi. Si on ne prévoit pas de durée maximale, on prend le risque de voir ces contrats se renouveler indéfiniment. Qui plus est l'amendement présenté par M. Muzeau, et, dans une moindre mesure, l'amendement présenté par le groupe Nouveau Centre, introduisent des champs de dérogation très larges, imprécis et flous dans leurs modalités.
Le Gouvernement a prévu deux cas dans le projet de loi.
D'une part, le cas des personnes en insertion qui ont plus de cinquante ans. Pour elles, il est possible de déroger à la limite de vingt-quatre mois parce que nous savons qu'une personne de cinquante-quatre, cinquante-cinq, cinquante-six ans, peut ne pas être embauchée ailleurs et qu'elle doit parfois être dirigée, en fin de course, vers les ASSEDIC. Après concertation avec les partenaires, il a été proposé que le fait d'avoir plus de cinquante ans et d'être en CDD d'insertion autorisait à prolonger le contrat.
D'autre part, nous nous sommes interrogés sur le cas des personnes de moins de cinquante ans. Nous avons estimé que, pour elles, la meilleure garantie était de prévoir que l'employeur ne pouvait pas s'exonérer d'une action de formation et que c'était l'intégration dans un parcours de formation qui pouvait justifier de prolonger de vingt-quatre mois.
Cela ne veut pas dire pour autant qu'une personne qui a terminé son CDD d'insertion de vingt-quatre mois dans une entreprise d'insertion sera mise en dehors de la structure d'insertion. On voit fréquemment les entreprises d'insertion employer en même temps des salariés en contrat aidé et des salariés en contrat de droit commun. Mais une personne qui aurait des difficultés et qui ne serait pas embauchable par une entreprise concurrentielle de droit commun soumise aux lois du marché, pourrait suivre le parcours suivant : au terme des deux ans, éventuellement prolongés si elle suit une formation, l'entreprise d'insertion devrait, si elle ne peut pas lui trouver un débouché dans l'emploi, la faire basculer sur un contrat de droit commun, y compris dans l'entreprise, comme cela se fait déjà. Voilà la discussion que nous devons avoir avec les acteurs de l'insertion.
C'est pourquoi nous préférons garder deux dérogations bien encadrées, l'une pour les plus de cinquante ans, l'autre pour les personnes sont dans un parcours de formation. Trop souvent, il n'y a pas de parcours de formation qui accompagne ces contrats aidés. Il s'agit de faire en sorte que le parcours d'insertion puisse permettre de réintégrer la personne dans le droit commun.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes défavorables à ces amendements.
Nous savons que le contrat a parfois besoin d'être reconduit au-delà de vingt-quatre mois. Encore une fois, il y a les bonnes intentions, et la réalité des situations. Les bonnes intentions, c'est de considérer qu'une personne de plus de cinquante-cinq ans va pouvoir retrouver un emploi. Mais la réalité du contexte économique est tout autre.
D'où les dérogations.
Prolonger au-delà de vingt-quatre mois permet à l'évidence de rediscuter. Il est important de faire le point sur la situation de chacun. Il s'agit de s'adapter à la réalité et de pas se désintéresser de ces personnes. Il faut considérer que l'on peut prolonger la thématique du contrat sur laquelle ont été posés les principes du dossier pour offrir à ces personnes la stabilité dont elles ont besoin.
Nous en avons discuté avec les structures d'insertion. Ce qui les ennuie, c'est le fait que des salariés dans une même structure se retrouvent à bénéficier de durées variables. Nous avons bien encadré les conditions à remplir pour que le contrat soit prolongé, et avons prévu qu'il puisse l'être au-delà non pas de cinquante-cinq ans, mais de cinquante ans, afin d'éviter les situations difficiles que vous évoquez. Nous pourrons procéder à des évaluations régulières pour voir comment cela fonctionne, d'autant plus que la réforme du financement des structures de l'IAE, dont il sera question à l'article suivant, permettra un basculement des contrats aidés vers l'aide au poste. On peut donc tout à fait envisager une contractualisation avec les structures d'insertion qui permette de maintenir les salariés dans un contrat de droit commun avec des structures d'insertion qui sont toujours encouragées, soutenues et subventionnées pour ce faire.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Il est vrai qu'il y a un problème, mais il ne faut pas systématiser la réponse. Peut-être les présidents de conseils généraux pourraient-ils disposer d'un volume de contrats dont ils auraient la liberté de faire profiter les personnes dont on sait que si elles ne bénéficient pas d'une prolongation, elles retomberont dans l'alcoolisme ou la difficulté.
J'ai bien entendu l'explication de M. le haut-commissaire, mais nous précisons bien dans notre amendement n° 242 que la décision de prolonger le contrat au-delà de vingt-quatre mois sera prise par une équipe pluridisciplinaire. En effet, comme le dit M. le président de la commission, certaines personnes en insertion sont dans des situations telles que l'équipe pluridisciplinaire sera amenée à les suivre pendant longtemps. On aurait tort d'oublier cette dimension.
Madame Touraine, si j'ai bien compris vous souhaitez présenter sans plus attendre l'amendement n° 317 …
Je vais rebondir sur les propos de M. le président de la commission, car ils vont dans le sens de notre amendement. En effet, indépendamment de l'âge, qui constitue incontestablement un frein pour retrouver un emploi de droit commun, et du handicap reconnu par les instances compétentes, des gens pourront se trouver dans des situations de fragilité extrême : certains auront beaucoup de mal à retrouver un emploi de droit commun, d'autres pourront le faire, mais au terme d'un processus d'accompagnement allant très au-delà de vingt-quatre mois. Le dispositif proposé nous semble trop rigide. Notre amendement n° 317 vise non pas à procéder à une généralisation et à ouvrir la porte à une reconduction systématique, mais à permettre une dérogation dans les cas où les difficultés sociales ou d'insertion professionnelle sont reconnues. Les instances chargées de se prononcer sur ce genre de dossier le font de manière extrêmement attentive, avec la volonté de permettre l'insertion des personnes concernées, non de maintenir à tout prix dans des contrats aidés des gens qui pourraient accéder à d'autres emplois.
Je ne connais pas les chiffres nationaux mais, dans mon département, moins de 10 % des bénéficiaires de contrats aidés restent dans la structure avec un contrat de droit commun, cependant que la même structure embauche immédiatement après une autre personne en contrat aidé. Certaines structures se contentent de gérer une noria de personnes en contrat aidé, sans chercher à leur donner le coup de pouce nécessaire. Au terme de cette discussion, nous devrions trouver un point d'accord, car nous ne sommes pas si loin les uns des autres.
Avis également défavorable. La demande du président Méhaignerie à M. le haut-commissaire d'un volant de contrats réservés nous semble être la bonne réponse.
Comme l'ont dit M. le président de la commission et Mme Touraine, nous ne sommes pas très loin les uns des autres. Je vous propose de retravailler ce point avant la lecture au Sénat. Je maintiens qu'il peut être intéressant d'aider une structure d'insertion à faire basculer quelqu'un d'un contrat à durée déterminée d'insertion vers un contrat de droit commun toujours accompagné, toujours aidé. Je vous propose donc que nous travaillions avec les différentes structures d'insertion et que nous nous retrouvions avec les parlementaires intéressés dans le mois qui vient, mais que nous en restions pour l'instant aux deux dérogations de l'âge et de la formation.
Nous entendons la proposition de M. le haut-commissaire et retirons l'amendement n° 317 . Cela dit, c'est un acte de confiance, car il n'y aura pas d'autre lecture !
Pour ma part, je ne retirerai pas l'amendement n° 242 . En effet, le Gouvernement ne cessant de nous faire délibérer en urgence, ma confiance est limitée ! J'ai évidemment confiance en mes amis du Sénat, mais je préfère marquer la question en soumettant cet amendement au vote et en prenant date.
(Les amendements nos 352 et 317 sont retirés.)
(L'amendement n° 242 n'est pas adopté.)
Convenez, monsieur le haut-commissaire, que si nous ne délibérions pas en permanence en urgence, le travail auquel vous nous conviez pourrait être constructif et s'accomplir dans un climat de confiance réciproque ! C'est d'ailleurs dans cet esprit que je présenterai l'amendement n° 337 et ses deux sous-amendements, où est posée la question de la nature du contrat de travail en place. Lorsqu'un précédent gouvernement avait mis en place le revenu minimum d'activité, le conseil général d'Ille-et-Vilaine était intervenu, en accord avec les entreprises, pour que le contrat de travail en question soit le plus proche possible d'un contrat de travail normal.
Il nous paraît en effet impossible que les personnes pour lesquelles on cherche une insertion ne soient pas suffisamment couvertes, notamment au regard du régime de retraite. Nous souhaitons donc que les droits sociaux attachés au travail soient confirmés dans le texte. C'est pourquoi nous proposons de compléter les alinéas 13, 19 et 25 de l'article 9 par la phrase suivante : « Chaque trimestre travaillé permet de valider un trimestre de cotisations d'assurance vieillesse conformément aux dispositions en vigueur du code de la sécurité sociale. »
Les personnes qui sont dans l'insertion ont malheureusement connu un parcours professionnel chaotique, au point de se retrouver dans une situation impossible quand arrive l'âge de la retraite, avec des pensions de misère, car les emplois qu'elles ont occupés ne leur ouvrent pas de droits à retraite. Nous espérons que la commission et le Gouvernement seront attentifs à cette question et qu'ils nous apporteront une réponse satisfaisante.
Monsieur le député, vous venez de soutenir avec brio à la fois votre amendement et les deux sous-amendements du Gouvernement, ce qui montre l'esprit de confiance réciproque dans lequel nous travaillons ! (Sourires.)
Évidemment, sous réserve de l'adoption des sous-amendements nos 619 et 620 , qui renvoient aux dispositions du code de la sécurité sociale, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 337 : il est normal que son travail crée des droits à la retraite. Nous avons déjà eu ce débat sur le RMA il y a quelques années.
La confiance de M. Rogemont est justifiée. La commission avait, à l'origine, repoussé son amendement, car se posait la question du calcul des cotisations retraite, mais ce problème est résolu par les sous-amendements du Gouvernement. Sous réserve de leur adoption, je suis donc, à titre personnel, favorable à l'amendement n° 337 .
(Les sous-amendements nos 619 et 620 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L'amendement n° 337 , sous-amendé, est adopté.)
Je suis saisie de trois amendements, nos 93 , 257 rectifié et 319 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 93 fait l'objet d'un sous-amendement n° 614 .
Les amendements nos 257 rectifié et 319 rectifié s sont identiques.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 93 .
Là encore, pour répondre à une préoccupation partagée sur la quasi-totalité de ces bancs, l'amendement de la commission vise à définir les conditions dans lesquelles le contrat peut être suspendu lorsqu'une personne effectue un stage d'immersion auprès d'un autre employeur. Les amendements nos 257 rectifié de M. Muzeau et 319 rectifié de M. Sirugue poursuivent le même objectif avec une rédaction légèrement différente.
Le sous-amendement n° 614 du Gouvernement apporte une clarification utile. J'y suis donc favorable à titre personnel.
La parole est à M. le haut-commissaire, pour soutenir le sous-amendement n° 614 .
Si vous le voulez bien, l'Assemblée nationale va pouvoir adopter deux dispositions qui sont demandées par tous les acteurs et qui permettront, en cours de contrat, soit de passer en évaluation en milieu professionnel dans l'entreprise, soit de faire une période d'essai et, si cela ne marche pas, de revenir dans le contrat aidé. En effet, des difficultés se sont présentées dans de nombreux cas de figure, car il fallait savoir si l'on était prêt, ou non, à lâcher la proie pour l'ombre.
Le sous-amendement n° 614 a pour objet de faire en sorte qu'une telle disposition ne s'applique pas dans le cadre d'un stage qui n'aurait strictement aucun encadrement, car on pourrait alors tomber sous le coup du prêt illégal de main-d'oeuvre. Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, qui vise à s'inscrire dans le cadre légal de l'évaluation en milieu de travail, le Gouvernement est favorable à l'adoption de l'amendement n° 93 . Cette disposition est réversible : si cela ne marche pas, on pourra revenir dans son entreprise, atelier ou chantier d'insertion.
Cette présentation vaut également pour les amendements nos 259 rectifié et 260 rectifié . Le sous-amendement du Gouvernement apporte une réponse sur deux points, comme M. le Haut-commissaire vient de le souligner, mais il néglige le problème important de la formation.
Actuellement, pour un certain nombre de stages et de contrats, le code du travail considère l'accès à la formation comme une disposition opposable, à la demande du salarié et en accord avec l'employeur. Mais le sous-amendement n° 614 , qui ne prend en compte que les périodes d'essai et les stages, ne va pas aussi loin. À nos yeux, le dispositif devrait être étendu à toute action concourant à l'insertion professionnelle, donc aussi à la formation. Peut-on sous-amender en séance l'amendement de la commission, en y ajoutant ce point omis, volontairement ou non, par le Gouvernement ?
C'est intentionnellement que le Gouvernement n'a pas mentionné la formation, afin qu'elle puisse être effectuée dans le cadre du travail.
Il va de soi que la personne sans emploi ou en situation de précarité, qui bénéficie d'un contrat d'insertion dans une structure d'insertion, doit pouvoir accéder à des formations. Mais doit-on, pendant cette période, suspendre son traitement ou son salaire ? Mieux vaut, dans son propre intérêt, distinguer sa situation et celle qui, ailleurs, relèverait d'une pré-embauche. Durant le temps d'une formation, en effet, le Gouvernement ne souhaite pas ouvrir à l'employeur la possibilité de suspendre le contrat, ce qui reviendrait à laisser le salarié sans protection. Telle est la logique qui nous a guidés.
Je comprends. Mais, dans ce cas, nous souhaitons que la formation s'effectue à la demande du salarié et avec l'accord de l'employeur, car l'objet de notre amendement n° 257 rectifié n'est pas de laisser une marge de manoeuvre à l'employeur, mais bien d'offrir une possibilité au salarié. La rédaction sur laquelle vous nous demandez de nous engager est plus restrictive que celle qui figure actuellement dans le code du travail. C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, à moins que vous n'acceptiez d'élargir le dispositif retenu à la formation.
Pour tenir compte des explications qui viennent d'être apportées tant par M. Muzeau que par M. le haut-commissaire, je propose d'accepter la proposition de M. Muzeau, ce qui nous permettrait d'obtenir un accord unanime sur cette disposition.
Le Gouvernement se rallie à cette proposition.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement n° 319 rectifié .
Cet amendement propose, dans la même logique, d'insérer, après l'alinéa 13 : « Les contrats peuvent être suspendus pour permettre au salarié de suivre une action concourant à son insertion professionnelle. » Depuis deux ans, dans le département du Gers, il est possible, avec l'accord de la direction du travail, que des salariés d'une association d'insertion travaillent en entreprise, ce qui a déjà abouti à cinq embauches définitives ou en CDD.
Je propose, conformément au souhait de M. Muzeau, que nous sous-amendions l'amendement n° 93 en complétant l'alinéa 3 par les mots : « ou une action concourant à son insertion professionnelle ».
Le sous-amendement ainsi rédigé portera le n° 623.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 319 rectifié ?
En conséquence, les amendements nos 257 rectifié et 319 rectifié tombent.
Je suis saisie d'un amendement n° 320 .
La parole est à M. Christophe Sirugue.
Nous avons déjà examiné un amendement de même nature à propos des entreprises d'insertion, mais celui-ci porte sur les associations intermédiaires. Dès lors que le texte vise à lutter contre la pauvreté et la précarité, il ne peut pas faire fi de la problématique des travailleurs pauvres, ces salariés qui ne peuvent pas vivre dignement des revenus de leur travail, notamment parce que le nombre d'heures qu'ils effectuent n'est pas suffisant ou qu'ils sont dans une trop grande précarité. Notre amendement n° 320 vise à permettre aux associations intermédiaires d'intervenir dans ce cadre.
Avis également défavorable.
(L'amendement n° 320 n'est pas adopté.)
L'amendement de la commission poursuit le même but que le précédent. Sont concernées cette fois-ci les associations intermédiaires, dont il répond à une des préoccupations.
Ce sous-amendement vise à encadrer le dispositif. Sous cette réserve, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 94 .
L'amendement n° 95 , comparable à celui qui concernait les associations intermédiaires, a déjà été défendu.
La parole est à Mme Colette Le Moal, pour soutenir l'amendement n° 366 .
La durée minimale des contrats à durée déterminée d'insertion peut être ramenée à quatre mois, les structures intervenant dans le champ de l'insertion par l'activité économique et qui ont recours à ce type de contrats ayant l'expérience nécessaire pour pouvoir estimer, dans un délai de moins de six mois, la capacité d'une personne en difficulté à occuper un emploi d'insertion, et à envisager leur orientation vers une structure d'accompagnement social adaptée dans le cas contraire. Un délai minimal plus court facilitera la prise en charge, soit par une structure d'insertion par l'activité économique, soit via sa réorientation, de la personne en situation d'exclusion.
Même avis que précédemment : le Gouvernement est réservé à l'idée prévoir une durée supérieure à quatre mois.
L'amendement n° 353 vise à compléter l'alinéa 17 par la phrase suivante : « À titre dérogatoire, après avis d'une équipe pluridisciplinaire, ces contrats peuvent être renouvelés au-delà de la durée maximale, lorsque la réussite de l'insertion sociale et professionnelle de la personne l'exige, au vu des difficultés sociales et professionnelles qu'elle rencontre, soit avant la signature du contrat, soit depuis celle-ci. » Le but est de prendre en compte la situation de personnes qui, en dépit du contrat aidé qu'elles ont conclu pour s'inscrire dans un parcours d'insertion, restent particulièrement fragiles et doivent continuer à être accompagnées pour pouvoir persévérer dans leurs parcours vers l'insertion.
Je vous renvoie à la discussion que nous avons eue précédemment : le problème sera réglé lors de la table ronde qui réunira tous les acteurs de l'insertion et les parlementaires intéressés.
Le rapporteur vient d'émettre un avis défavorable sur ces amendements, mais je voudrais qu'il s'engage, comme il l'a fait précédemment, sur la suite qui sera donnée à ces propositions au Sénat.
Certes, les situations visées par ces amendements ne sont pas les mêmes que celles dont nous avons parlé tout à l'heure : il s'agit de contrats différents, passés avec des structures différentes, en l'occurrence les associations intermédiaires. Mais dans mesure où notre but est d'étendre le dispositif à l'ensemble des contrats proposés à des personnes en insertion, j'aimerais que le haut-commissaire nous confirme, avant que nous ne renoncions éventuellement à voter ces amendements, que des propositions allant dans leur sens seront bien présentées au Sénat.
…la commission veillera à ce que, dès que le dispositif aura été présenté, il s'applique aussi aux associations intermédiaires. C'est la position que nous soutiendrons en commission mixte paritaire.
Cette position est également celle du Gouvernement.
Forte de cette double confirmation, retirez-vous votre amendement, madame Le Moal ?
Cet amendement transpose au contrat à durée déterminée d'insertion les possibilités de suspension et de rupture que nous venons d'examiner en les étendant aux associations intermédiaires.
Dans un souci de coordination avec le sous-amendement n° 323 , je vous propose de compléter par un sous-amendement n° 625 l'alinéa 3 de l'amendement n° 96 par les mots : « ou une action concourant à son insertion professionnelle. » Je pense répondre ainsi à la préoccupation exprimée par nos collègues et faire preuve de cohérence.
La parole est à M. le haut-commissaire, pour soutenir le sous-amendement n° 616 .
Il s'agit d'un amendement de clarification et de cohérence.
J'imagine, monsieur Muzeau, que le sous-amendement n° 625 proposé par M. le rapporteur est conforme à votre point de vue ?
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisie d'un amendement n° 322 .
La parole est à Mme Marisol Touraine.
Nous retrouvons les mêmes discussions que précédemment, et maintenons nos positions.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 322 n'est pas adopté.)
L'amendement a le même objet que les précédents, mais il concerne les ateliers et les chantiers d'insertion. À titre personnel, je suis favorable au sous-amendement du Gouvernement.
Favorable à l'amendement sous réserve de l'adoption de notre sous-amendement de clarification.
En commission, j'avais demandé si un tel stage chez un autre employeur n'aurait pas d'incidence négative sur les droits du salarié. Le rapporteur m'avait répondu que non. Je souhaite que cela figure au Journal officiel.
L'amendement n° 98 reprend la même disposition que précédemment pour les ateliers et chantiers d'insertion.
L'avis du Gouvernement est, cette fois encore, plutôt défavorable.
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisie de deux amendements, nos 244 rectifié et 354 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Roland Muzeau.
Avis défavorable, mais je prends le même engagement que précédemment.
Oui. Mieux vaut tenir que courir…
(L'amendement n° 244 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisie de trois amendements, nos 99 , 260 rectifié et 323 pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 99 fait l'objet d'un sous-amendement n° 618 .
Les amendements nos 260 rectifié et 323 sont identiques.
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement 99 transpose aux contrats à durée indéterminée d'insertion les possibilités de suspension et dea rupture prévues pour les CAE et les CIE. Je propose, cette fois encore, de compléter par un sous-amendement n° 626 le°1° par les mots « ou de suivre une action concourant à son insertion professionnelle » pour répondre à la préoccupation de M. Sirugue, M. Muzeau et leurs collègues.
Avis favorable à l'amendement sous-amendé sous réserve de l'adoption de notre sous-amendement 618 .
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
En conséquence, les amendements nos 260 rectifié et 323 tombent.
Le groupe GDR s'abstiendra sur le vote de l'article 9.
(L'article 9, amendé, est adopté.)
Le Grenelle a insisté sur le rôle de l'activité économique pour l'insertion. Notre amendement n° 348 renforce cette orientation en reconnaissant la mission de développeur économique des territoires dans la définition de l'insertion par l'activité économique et en actant la possibilité de regrouper différents types de conventionnement au sein de groupes dans les modalités d'organisation des structures d'insertion par l'activité économique.
La commission y est favorable sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement n° 588 .
Le Gouvernement n'y est pas favorable. Nous avons également été saisis sur ce point par la CORACE, la coordination des associations d'aide aux chômeurs par l'emploi. Mais la loi le permet déjà. Simplement, en pratique, ce sont les directions départementales du travail qui souvent refusent de donner l'autorisation. Plutôt que de changer la loi, mieux vaut donner instruction, très rapidement, aux services de l'État de ne pas s'y opposer. Je propose de leur écrire en ce sens d'ici le passage du texte au Sénat.
J'entends bien. Mais si la loi le permet et que les directions départementales ne l'appliquent pas ou ont des positions différentes, ce qui met en cause l'équité de traitement sur le territoire national, c'est peut-être bien que la rédaction actuelle n'est pas satisfaisante. Clarifions donc une fois pour toutes cette question de la reconnaissance des structures d'insertion par l'économique.
(Le sous-amendement n° 588 est adopté.)
(L'amendement n° 348 , sous-amendé, est adopté.)
Créer un contrat unique d'insertion répond aux voeux de nombre d'intervenants. La simplification proposée par l'article 10 va donc dans le bon sens. Nous présenterons quelques amendements pour aller plus loin encore dans cette simplification.
Je me pose néanmoins quelques questions. En effet, certaines décisions hâtives du Gouvernement nous ont parfois empêché de reconduire des contrats d'insertion. Les hauts et les bas de sa politique dans ce domaine nous créent des difficultés.
L'alinéa 13 de cet article dispose que le nombre prévisionnel de conventions individuelles conclues au titre de l'embauche dans le cadre d'un contrat d'insertion sera fixé dans la convention annuelle d'objectifs et de moyens que le département signera au préalable avec l'État. Pour éviter de se retrouver dans l'incertitude que je viens de décrire, il faut que la puissance publique, en l'occurrence le Conseil général, puisse signer des conventions pluriannuelles. Après tout, la durée du contrat d'insertion telle que fixée dans la loi est de vingt-quatre mois.
J'ergote, me direz-vous. Pas tant que cela, car nous avons déjà vécu cette situation. Dans le budget 2008, le Gouvernement a déjà réduit de 26 % les aides aux contrats aidés. Dans le budget 2009, il va les réduire encore de 9 %. Cela justifie nos inquiétudes sur la pérennité de l'action gouvernementale. Il ne faudrait pas qu'en même temps qu'il mène ce travail intéressant de simplification, le Gouvernement procède à des coupes claires. En réduisant de 35 % en deux ans les crédits pour les contrats aidés en deux ans, il ne se donne pas les moyens de son action. Monsieur le haut-commissaire, confirmez-vous qu'après la forte régression de ces crédits au budget 2008, la diminution se poursuivra au budget 2009 ? Certes, un membre du Gouvernement a laissé entendre qu'il y aurait 60 000 contrats supplémentaires ; mais comme ils ne sont certainement pas financés au budget, vous disposerez donc de crédits supplémentaires. Si c'est le cas, il faut le dire. Quoi qu'il en soit, cela ne doit pas faire oublier que ce sont 130 000 à 140 000 emplois aidés qui ont été supprimés. Autrement dit, des besoins importants ne seront pas couverts.
Monsieur le haut-commissaire, votre réforme est intéressante. Mais sur les moyens nécessaires pour la faire passer dans les faits, nous restons inquiets. Je vous remercie par avance de vos réponses.
À la première lecture, l'article 10 pourrait paraître très positif, puisqu'il simplifie la typologie des contrats aidés en la réduisant à deux catégories, l'une pour le secteur marchand et l'autre pour le secteur non marchand.
Mais il faut s'arrêter sur plusieurs éléments. D'abord, comme l'a souligné M. Rogemont, au moment même où vous simplifiez les contrats aidés, vous menez dans ce domaine une politique en yoyo : En 2008, vous avez réduit les crédits de 26 % ; ensuite, vous annonciez que vous alliez ajouter 60 000 contrat aidés ; finalement, au projet de loi de finances pour 2009, les crédits baisseront de 9 % ! Plusieurs années de ce régime, ce n'est pas une bonne politique d'accompagnement.
Mais je veux surtout insister sur l'alinéa 17 où il est question des actions « ayant pour objet de favoriser l'insertion durable des salariés ». Qu'est-ce donc que l'insertion durable ? Est-ce le fait de disposer de CAE ou de CIE à durée indéterminée ? Mais qu'est-ce qu'un contrat aidé à durée indéterminée, sinon un contrat interminablement précaire ?
La logique du Gouvernement le pousse-t-elle désormais à créer des dispositifs d'accompagnement à durée indéterminée plutôt que des emplois en CDI ? Autant je comprends que les politiques d'insertion puissent être menées dans la durée, autant la notion de durée indéterminée pour des contrats aidés me laisse très perplexe. Il nous faut savoir ce que recouvre cette insertion « durable »…
Deuxième sujet d'interrogation, l'alinéa 18 : « Les résultats constatés en matière d'insertion durable des salariés embauchés en contrat unique d'insertion dans le cadre des conventions annuelles d'objectifs et de moyens antérieures sont pris en compte pour déterminer le montant total de la participation financière de l'État ». Il fallait oser l'écrire ! Vous proclamez partout que les conseils généraux seront les pilotes des politiques d'insertion, et finalement, dans l'alinéa 18, vous faites en sorte que le dernier mot en la matière revienne à l'État par le biais de sa participation financière ! Dans un contexte économique aujourd'hui particulièrement défavorable – 42 000 demandeurs d'emplois supplémentaires pour le seul mois d'août, 30 000 emplois publics supprimés l'année prochaine, comme l'a annoncé M. le Président de la République –, les conseils généraux pourraient être sanctionnés s'ils ne proposent pas un nombre de contrats aidés que l'État estimera suffisant ! Monsieur le haut-commissaire, cette disposition mérite que vous nous fournissiez des explications.
Si, d'un côté, vous donnez aux conseils généraux la responsabilité politique dans le domaine de l'insertion, et si, de l'autre, vous leur enlevez leurs moyens d'interventions en jouant sur la participation financière de l'État, cela ne pourra se traduire que de deux manières : pour ce qui est de l'insertion par l'activité économique dans le domaine marchand, si le contexte n'est pas très bon, c'est à lui qu'on imputera la responsabilité des résultats ; mais pour ce qui est de l'insertion dans le domaine non marchand, les conseils généraux n'auront plus d'autre solution que de trouver par eux-mêmes les emplois territoriaux à due concurrence – à supposer que l'on sache comment les insérer dans le cadre de contrats à durée indéterminée que vous nous proposez.
Sur toutes ces questions, monsieur le haut-commissaire, j'attends vos réponses.
L'article 10 crée un contrat unique d'insertion et c'est une bonne chose : la multiplication des dispositifs au nom d'une fausse diversité des situations n'est pas souhaitable. Pourtant, sous les apparences de la simplification, l'article 10 est au coeur des ambiguïtés qui séviront désormais dans les relations entre les conseils généraux et l'État.
Les départements ont besoin de visibilité au-delà de l'année en cours, de perspectives pluriannuelles, ne serait-ce que pour proposer des contrats d'une durée minimum de vingt-quatre mois – il faut bien les reconduire sur deux ans. Aujourd'hui, les élus des départements, dont je suis, font l'objet de sollicitations de la part de l'État qui demande de multiplier avant la fin de l'année les contrats aidés proposés aux RMistes. Des politiques avaient pourtant déjà été engagées, qui se fondaient sur un nombre de contrats en baisse. Même si nous déplorions cette situation, elle nous permettait de conduire une action cohérente. S'il est évident que les conseils généraux, en tout cas celui dont je suis élue et les conseils généraux de gauche,, s'engageront dans le sens voulu par l'État et accompagneront cet accroissement des contrats aidés – il y a va de l'avenir de personnes en grande difficulté –, il est clair que nous ne pouvons travailler sérieusement avec une telle méthode.
Monsieur le haut-commissaire, nous avons également besoin que vous apportiez une clarification quant aux relations entre l'État et les conseils généraux dans le domaine financier. Lorsque nous avons examiné l'article 8, vous avez insisté sur le caractère novateur de votre texte : il résidait dans la très grande marge de manoeuvre donnée aux présidents de conseils généraux en matière de politique d'insertion. Deux articles plus loin, nous nous apercevons que cette latitude est encadrée par des critères de résultat alors que nous ne savons pas vraiment évaluer les résultats dans ce domaine. En effet, tous nos débats ont montré qu'il est difficile de parler simplement de « résultats » ou de « succès » d'insertion. Les appréciations doivent être beaucoup plus fines. À vouloir instaurer des critères aussi flous, je crains que nous n'aboutissions à compliquer la tâche des politiques d'insertion au niveau territorial.
Monsieur le haut-commissaire, l'accompagnement vers l'activité d'un RMiste passe très fréquemment outre-mer par un des nombreux contrats aidés existants. Le succès de votre dispositif reposera en grande partie sur la personnalisation de l'accompagnement et le volume des crédits consacrés aux emplois aidés. Or, depuis 2002, ces crédits ne cessent de fondre – M. Rogemont a déjà insisté sur ce point. Ainsi, le budget du FEDOM, fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, est passé de 502 millions d'euros à 158 millions dans le projet de loi de finances pour 2009, soit un effondrement de 68 % depuis l'arrivée de la droite au pouvoir !
Par ailleurs, les crédits pour les contrats aidés relèveront désormais de la mission travail et emploi. Or la règle de la fongibilité fait courir le risque de voir les crédits consacrés dans ce domaine à l'outre-mer devenir une simple variable d'ajustement de la politique nationale de l'emploi. L'insuffisance chronique de la dotation de cette mission en crédit pour les emplois aidés conduit en effet régulièrement à la signature de décrets d'avance. Le plus récent date du 22 octobre 2007 : il s'élève à 576 millions d'euros et a très fortement été critiqué par la commission des finances de notre assemblée. Il existe bien un risque qu'une partie des crédits en question soit réintégrée dans l'enveloppe globale des crédits pour les emplois aidés et ne serve pas à aider les publics en difficulté outre-mer.
Je remercie les divers intervenants pour avoir souligné que le contrat unique d'insertion vise à la simplification, qu'il constitue un progrès et sera un outil beaucoup plus efficace que les multiples formules qui existent aujourd'hui. Ce sera le cas outre-mer : La Réunion est ainsi l'un des départements où ce contrat est, d'ores et déjà, expérimenté avec le plus de succès. De nombreux autres départements ont déjà fait l'expérience de la souplesse qu'il apporte. Je constate que nous partageons tous le même objectif.
M. Sirugue m'a demandé ce qu'était une insertion durable. Il existe déjà des contrats aidés à durée indéterminée pour lesquels la subvention à l'employeur n'est versée que lors d'une première étape. La démarche est bonne : l'employeur s'engage sur l'embauche – il ne peut signer de contrats aidé « Kleenex » –, mais il ne bénéficie pas pour autant d'une aide ad vitam aeternam.
Mais si ! Par exemple, dans le secteur marchand, l'employeur s'engagera sur une embauche, mais l'aide ne lui sera apportée que durant les deux premières années, où le salarié a une productivité moindre.
Pour ce qui est de la programmation, c'est bien dans le souci de voir traceer une perspective pluriannuelle quue nous avons débattu ici des pactes territoriaux pour l'insertion qui associent l'État et le département – l'Assemblée a souhaité ajouter d'autres acteurs et nous l''avons accepté – afin de définir globalement les objectifs de la politique d'insertion sur un territoire. Elle ne se fera donc pas au cas par cas et ne laissera de côté aucune population. Mais sa traduction budgétaire se fera toujours par des rendez-vous annuels, par le fait que les délibérations budgétaires de chacune des collectivités concernées sont annuelles. Nous entendons concilier une vision à moyen et long terme et la programmation strictement annuelle des ressources. Par exemple, en raison des difficultés et des besoins rencontrés cette année, je confirme à monsieur Rogemont que la création de 60 000 contrats aidés supplémentaires par rapport aux prévisions de l'exercice 2008 a d'ores et déjà été décidée. Elle fera l'objet d'un décret d'avance et d'une régularisation en loi de règlement.
Avec l'argent de l'État. Je peux vous garantir qu'un décret d'avance sera pris et régularisé en loi de finances. Par ailleurs, les plus hautes autorités de l'État ont précisé que les circonstances exceptionnelles donneront lieu à une mobilisation plus large des différents outils.
Vous avez parlé de jeu de yo-yo, monsieur Sirugue, mais il ne date pas d'aujourd'hui. J'ai sous les yeux un graphique significatif qui montre mois par mois l'évolution du nombre des contrats aidés depuis 1990 : cela fait dix-huit ans que cela dure… Les bonnes années succèdent aux moins bonnes.
On peut vous rappeler les propos de M. Raffarin sur les contrats aidés !
Voilà pourquoi nous nous attachons à créer un outil plus souple. Quand parle-t-on d'échec en matière de contrats aidés ? Quand on vient vous dire que, six mois plus tard, le bénéficiaire est finalement revenu à la case départ. En rénovant le contrat d'insertion, en faisant encore plus confiance aux différents acteurs, en revenant sur le mode de financement des structures de l'insertion par l'activité économique, nous devrions parvenir à une politique plus stable.
Sur l'article 10, je suis tout d'abord saisie d'un amendement n° 336 .
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de nous communiquer le graphique dont vous venez de nous parler, nous examinerons les données en question avec le plus grand intérêt. Reste que pour l'année 2009, dont on conviendra qu'elle sera difficile sur le front de l'emploi, les contrats aidés seront moins nombreux qu'en 2007. Les statistiques du Gouvernement prévoyaient une baisse du chômage en 2009 mais ce ne sera pas le cas.
En revanche, nous n'avons pas obtenu de réponse satisfaisante sur l'alinéa 18 de l'article 10. Celui-ci dispose que « les résultats constatés en matière d'insertion durable des salariés embauchés en contrat unique d'insertion dans le cadre des conventions annuelles d'objectifs et de moyens antérieures sont pris en compte pour déterminer le montant total de la participation financière de l'État. » Diable ! C'est donc vous qui déterminerez arbitrairement cette participation, à défaut d'autres critères objectifs : dans un département qui se porte bien, l'insertion marche bien, et dans ceux où ça ne va pas, l'insertion ne marche pas. Les difficultés de l'insertion sont avant tout fonction des difficultés de l'emploi, et non du degré de mobilisation des conseils généraux. Au reste, l'ensemble des conseils généraux, de droite comme de gauche, se mobilisent pour l'insertion. Cet alinéa me paraît donc très dangereux.
J'en viens maintenant à notre amendement, madame la présidente…
L'amendement n° 336 prévoit un seul et même signataire, en l'occurrence le futur opérateur chargé du service public de l'emploi, pour l'ensemble des contrats, afin de simplifier le dispositif. C'est pourquoi nous proposons de substituer aux mots : « , soit l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 pour le compte de l'État, soit le président du conseil général », les mots : « l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 soit pour le compte de l'État, soit pour le compte du président du conseil général. »
Avis défavorable. Nous n'avons pas la même lecture que M. Rogemont. Il nous semble en effet important que les conseils généraux ne soient pas des payeurs aveugles et qu'ils continuent à prescrire des contrats aidés. Si le nouvel opérateur qui résultera de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC signait toutes les conventions individuelles attachées aux contrats aidés, les départements seraient privés de toute marge de manoeuvre.
Avant de donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement, je souhaiterais répondre aux orateurs qui m'ont interrogé sur l'alinéa 18 de l'article 10.
Je vous répondrai à l'occasion d'un prochain amendement, monsieur Lurel.
Il me semble que la possibilité pour le Gouvernement de tenir compte des performances en matière d'insertion dans le cadre de la négociation de la convention marque un progrès. Pour commencer, l'État ne fixe plus unilatéralement sa participation aux politiques d'insertion, mais en discute avec les départements. Ensuite, cette disposition permettra à l'État de ne pas financer à l'aveugle des structures dont les résultats ne seraient pas satisfaisants. Au reste, des présidents de conseils généraux eux-mêmes m'ont récemment expliqué qu'ils étaient parfois obligés de revoir l'ensemble de leur stratégie parce qu'ils s'apercevaient que les organismes financés obtenaient de mauvais résultats – et les exemples cités allaient parfois jusqu'à la caricature. Il s'agit donc de permettre à l'État de prendre en compte, comme le font les départements, les résultats en termes d'insertion. Ceux-ci ne se limitent pas au retour à l'emploi stricto sensu : il s'agit d'évaluer le fonctionnement de l'outil, d'apprécier leurs résultats, afin de ne pas financer des structures plutôt que des personnes.
N'ayez donc pas d'inquiétude sur ce point. C'est l'un des paris réussis du Grenelle de l'insertion que d'avoir su mettre d'accord tous les acteurs sur la nécessité de définir ensemble, progressivement, des critères de performance.
Quant à l'amendement n° 336 , s'il était adopté, il interdirait aux conseils généraux de signer un contrat d'insertion sans passer par le nouvel opérateur. Or il me semble que beaucoup de conseils généraux souhaitent garder la possibilité de discuter et de signer les contrats sans être soumis à cette contrainte. Nous souhaitons qu'ils puissent conserver cette marge de manoeuvre. C'est pourquoi nous sommes défavorables à l'amendement n° 336 .
Ce débat soulève le problème de la relation entre les conseils généraux et l'État. L'article 8 prévoit que les conseils généraux procèdent chaque année à une évaluation de leur plan départemental d'insertion, en vue de son adoption ou de son ajustement le cas échéant. Or l'alinéa 18 de l'article 10 est très contraignant, puisqu'il dispose que la contribution financière de l'État sera évaluée en fonction de critères qui ne sont pas définis dans la loi.
On peut donc supposer que les enveloppes seront réévaluées en fonction de la conjoncture et des objectifs de la politique gouvernementale.
Ainsi, il est probable que, dans la période de récession que nous traversons actuellement, le Gouvernement aura la volonté d'atténuer la hausse du chômage en augmentant le nombre des contrats aidés. C'est, du reste, ce à quoi nous assistons dans les départements, où les services de l'État pressent, avec un certain affolement, les conseils généraux de signer à tour de bras des contrats qui n'étaient pas initialement prévus. Mais, dans quelque temps, l'État pourrait fort bien choisir de conserver le financement du retour dans l'emploi, qui est valorisant, et d'abandonner aux conseils généraux la prise en charge intégrale des politiques et des contrats d'insertion, au prétexte que leurs résultats ne sont pas satisfaisants puisqu'ils ne permettent pas de déboucher sur des emplois durables, et pour cause : leurs titulaires ne peuvent pas bénéficier d'emplois durables.
Enfin, monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de nous avoir transmis le schéma retraçant l'évolution des contrats aidés depuis 1990 ; il est effectivement très instructif. On observe ainsi, au-delà d'un phénomène de yo-yo assez systématique, que la courbe monte très nettement entre 1990 et 1998-1999, qu'elle stagne ensuite jusqu'à 2002, date à partir de laquelle le nombre des emplois aidés, marchands et non marchands, baisse très nettement.
Vous conviendrez que, dans ce domaine, la droite comme la gauche (Protestations sur les bancs du groupe SRC)…
Le schéma ne prend pas en compte la période récente et le plan de cohésion sociale, cher à Marc-Philippe Daubresse. Si c'était le cas, on constaterait que, bon an mal an, les chiffres sont à peu près similaires. Nous essayons de faire mieux.
En ce qui concerne l'alinéa 18 de l'article 10, il me semble qu'il y a un malentendu. Nous avons conçu cette disposition – et nos travaux préparatoires en feront foi – comme une mesure protectrice. En effet, la prise en compte par l'État des résultats constatés en matière d'insertion signifie que, si ceux-ci sont bons, on continuera…
Bien sûr, si cela fonctionne bien.
Nous souhaitons que l'État, ou le département, et ses partenaires – puisqu'il s'agit d'un véritable partenariat – puissent encourager les dispositifs qui fonctionnent bien, en augmentant par exemple les contrats de professionnalisation, et décourager ceux qui fonctionnent mal. Je vous propose d'ailleurs que le comité de suivi du Grenelle de l'insertion, dans lequel siège notamment M. Sirugue, puisse discuter de ces critères, afin que l'on se mette d'accord sur les lignes directrices de ces politiques.
Comment pourrions-nous voter un dispositif aussi flou ? Comment accepter que la participation financière de l'État dans le cadre de la convention annuelle d'objectifs et de moyens que celui-ci signe avec le département soit décidée selon des critères qui seront définis ultérieurement ? Les termes de la convention doivent être clairs et s'appliquer jusqu'à ce qu'elle arrive à échéance. Or l'alinéa 18 permet de la remettre en cause en cours d'exécution, puisqu'il autorise l'État à en rediscuter les principes – c'est en tout cas ainsi que nous le comprenons. Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire de la réponse de M. Hirsch, qui renvoie à plus tard la définition, selon des critères qui restent à déterminer, des relations financières entre l'État et les départements.
J'ajoute qu'en la matière, nous avons quelques raisons d'être échaudés : l'État doit toujours 2 milliards aux conseils généraux au titre du RMI. Comprenez donc que nous soyons particulièrement vigilants sur ce point et que nous ne puissions nous contenter d'une disposition aussi imprécise que celle que vous nous proposez.
Je vais vous faire une proposition qui sera de nature à vous rassurer. Nous pouvons en effet préciser, à l'alinéa 18 de l'article 10, que les résultats constatés en matière d'insertion seront pris en compte pour déterminer le montant total de la participation financière de l'État pour l'année suivante, de manière à apaiser vos craintes de voir le montant révisé en cours d'année.
Ce n'est pas sain. Ce sera conflictuel !
(L'amendement n° 336 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 101 .
La parole est à M. le rapporteur.
Favorable.
Il s'agit sans aucun doute d'un amendement de clarification, mais il a tout de même pour objet de définir les règles communes aux deux formes principales de contrat, c'est-à-dire le CAE et le CIE.
N'étant pas satisfait de la réponse que m'a faite le haut-commissaire tout à l'heure, je réitère ma question : comment peut-on parler de contrat indéterminé s'agissant de contrats aidés ? Certes, ainsi que vous l'avez mentionné tout à l'heure, ce type de contrats existe dans certains dispositifs. Mais, en l'espèce, il ne s'agit pas de contrats portés par les entreprises après modification : vous instituez, pour une durée que nous ne connaîtrons plus, une participation financière de l'État et des collectivités à des contrats mis à disposition soit du secteur marchand, soit du secteur non marchand.
Jusqu'à présent, dans le cadre du CI-RMA, nous accordions à des bénéficiaires de minima sociaux une rémunération liée à une activité. Là, il s'agit de salariés que nous faisons bénéficier du principe d'un minimum social, le RSA. Ce n'est pas du tout la même chose ! S'inscrire dans cette logique, c'est créer une trappe à travailleurs pauvres, puisque l'on institue la possibilité pour des personnes de bénéficier d'un contrat aidé sans durée déterminée. Nous sommes là au coeur d'un des problèmes que pose le dispositif que vous nous proposez.
J'avoue ne pas comprendre. Il y a quelques instants, vous m'avez reproché de limiter des contrats d'insertion à vingt-quatre mois, sans prévoir de dérogations. Nous nous sommes accordés sur des possibilités de dérogation, notamment pour les plus de cinquante ans, et sur le fait que les structures d'insertion devaient être associées à la discussion si l'on voulait aller plus loin.
Il existait déjà certains contrats aidés – le CI-RMA, le CAE, le CIE – dont la durée pouvait être indéterminée dès l'origine, afin que l'employeur n'aillent pas en conclure avec l'intention cachée d'y mettre fin au bout d'un an ou deux. Avec le nouveau dispositif, nous ne souhaitons rien de plus, rien de moins. Comme nous l'avons expérimenté avec un certain nombre de vos collègues présidents de conseils généraux, l'intérêt de ce dispositif est de permettre de conditionner l'aide apportée par l'État et le conseil général à l'engagement de l'employeur sur la durée du contrat, cet engagement devenant un principe qui ne souffre que de rares exceptions, telle l'inaptitude manifeste du salarié à assumer ses fonctions. Je vous confirme que notre intention est d'éviter les effets d'aubaine, et que vous n'avez donc pas lieu de vous inquiéter à ce sujet.
Ce n'est pas le contraire non plus : l'alinéa 18 ne recèle aucun des dangers que vous soupçonnez ! Cela étant, votre insistance commence à me faire douter de mes capacités en matière de pédagogie !
Vous n'avez aucune raison de vous inquiéter sur ce point, monsieur le haut-commissaire !
La parole est à M. Christophe Sirugue.
Peut-être est-ce moi qui me suis mal exprimé. Le fait que certains contrats aidés puissent se prolonger au-delà de vingt-quatre mois – quand aucun changement fondamental n'intervient dans la situation des bénéficiaires concernés – ne nous gêne pas. Bien au contraire, nous sommes favorables à cette souplesse à laquelle nous apprécions de pouvoir recourir dans le cadre des commissions locales d'insertion.
Il en va tout autrement si l'on sort de cette logique dérogatoire pour affirmer que tous les contrats aidés pourront être à durée indéterminée, sans condition d'âge. Dans un tel système, que reste-t-il des perspectives d'insertion ? Quel espoir les bénéficiaires peuvent-ils conserver de sortir un jour du dispositif de contrat aidé ?
Enfin, pour les personnes de plus de cinquante ans, j'aimerais être certain que le dispositif proposé ne constitue pas une manière de recycler le contrat seniors.
Comme c'est déjà le cas avec certains contrats aidés, le contrat unique d'insertion permet de proposer aux employeurs une subvention ayant pour objet de les inciter à se tourner vers certaines catégories de personnes qu'ils sont souvent réticents à embaucher, notamment celles n'ayant pas eu d'activité professionnelle depuis une longue période. Les conseils généraux et l'État ont la possibilité de conditionner l'octroi de cette subvention à l'engagement de l'employeur de pérenniser l'emploi ultérieurement. L'alinéa 18 ne dit pas autre chose.
L'employeur qui propose un emploi dans le cadre du contrat unique d'insertion est aidé pendant douze, dix-huit ou vingt-quatre mois, mais s'engage à ne pas licencier à l'issue de la période durant laquelle il va percevoir cette subvention. Ce dispositif me paraît plutôt protecteur.
(L'amendement n° 101 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 102 .
La parole est à M. le rapporteur.
L'alinéa 19 est intéressant, dans la mesure où il impose au président du conseil général de transmettre à l'État des informations permettant le suivi du contrat unique d'insertion, dans la perspective évoquée à l'alinéa 18 de déterminer les conditions financières dans lesquelles l'État va accompagner la politique d'insertion des départements.
À vous entendre, monsieur le haut-commissaire, il s'agit d'inciter les employeurs qui en ont la possibilité à embaucher de façon durable et dans le cadre de contrats de droit commun des salariés bénéficiant jusqu'alors de contrats aidés, afin de ne pas favoriser la multiplication de gens bénéficiant durablement, et sans raison valable, de ces contrats aidés. Dans ce cas, pourquoi ne pas le dire très simplement à l'alinéa 18 ? Durant une séance précédente, vous avez repoussé, au nom de la nécessaire flexibilité devant être laissée aux employeurs, des amendements obligeant les entreprises, dans certains cas de figure, à basculer des contrats aidés aux contrats de droit commun. Dès lors, il paraît difficile de vous croire lorsque vous affirmez en avoir l'intention dans l'alinéa 18 !
Le seul moyen pour vous de nous rassurer serait de nous proposer un sous-amendement complétant l'alinéa 18 et montrant sans ambiguïté que l'objectif poursuivi est de favoriser le passage des contrats aidés aux contrats à durée indéterminée de droit commun lorsque le marché de l'emploi le permet. Mais dans sa rédaction actuelle, l'alinéa 18 n'exprime absolument pas les intentions que vous proclamez. Il ne permet pas, notamment, d'exclure que soient imposées des conditions très contraignantes, qui auraient des effets inverses à ceux que vous dites rechercher.
La lecture de l'article 11 devrait vous donner les réponses que vous attendez. Il est indiqué dans son alinéa 15 que « le contrat de travail, associé à une convention individuelle de contrat d'accompagnement dans l'emploi, est un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée, conclu en application de l'article L.1242-3, soit à durée indéterminée. Il porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits. » Notre objectif n'est pas que l'employeur mette le salarié à la poubelle au bout d'un an ou deux, lorsqu'il ne perçoit plus d'aides ! Je vois bien que j'ai du mal à vous en convaincre, mais il n'y a aucune intention dissimulée de notre part !
(L'amendement n° 102 est adopté.)
(L'article 10, amendé, est adopté.)
Les difficultés de compréhension qui surgissent, au cours de notre débat, entre M. le haut-commissaire et nous-mêmes, montrent qu'il aurait été préférable de disposer de plus de temps pour mener ce débat. Pourquoi imposer l'urgence sur ce texte et nous priver du même coup d'une lecture supplémentaire qui nous aurait sans doute aidés à mieux nous entendre mutuellement ?
Je voudrais revenir brièvement sur l'article 10. En vertu des dispositions de l'article 8, le conseil général adopte un programme départemental d'insertion, pour la mise en oeuvre duquel il peut être conclu un pacte territorial pour l'insertion engageant l'État. Dès lors, pourquoi les dispositions relatives aux contrats d'insertion, qui se rattachent logiquement au pacte territorial tant pour ce qui est du fonctionnement que de l'utilisation de ces contrats, se trouvent-elles placées à l'alinéa 18 de l'article 10 ? Si nous approuvons le principe d'un contrat unique d'insertion, nous ne comprenons pas que les dispositions régissant son fonctionnement ne s'inscrivent pas dans le cadre du pacte territorial pour l'insertion.
D'autant que l'on n'a jamais vu les conseils généraux assortir l'octroi de leurs aides de conditions relatives aux résultats obtenus par la politique de l'emploi de l'État. J'ai fait partie du bureau de l'assemblée des départements de France, et je peux vous assurer, monsieur le haut-commissaire, que les présidents de conseils généraux mènent des politiques d'insertion sans jamais conditionner les aides proposées aux résultats de la politique de l'emploi de l'État. Ce que je reproche à l'alinéa 18 de l'article 10, c'est qu'il a été rédigé en préjugeant que les conseils généraux ne se mobiliseraient pas suffisamment en faveur des contrats d'insertion. En tout état de cause, les dispositions que vous voulez prendre pour prévenir cette carence présumée devraient figurer à l'article 8, dans le cadre du pacte territorial pour l'insertion, et non à l'article 10.
Je vous remercie, madame la présidente, de m'avoir permis cette dernière intervention sur l'article 10 ; et puisque je vois M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement arriver d'un pas de sénateur (Sourires), c'est l'occasion de réitérer la remarque par laquelle j'ai commencé. Monsieur le secrétaire d'État, il est regrettable que l'urgence soit systématiquement déclarée sur les projets de loi dont nous avons à débattre.
Certes, monsieur le rapporteur, mais il me semble que deux passages à l'Assemblée nationale ne seraient pas superflus pour lever toutes les ambiguïtés de ce projet de loi et considérer que celui-ci a été examiné dans des conditions satisfaisantes. Il n'est pas normal de s'entendre répondre en permanence que tel ou tel point sera revu lors du passage devant le Sénat. Permettez-moi d'insister, monsieur le secrétaire d'État : vous amélioreriez les relations du Gouvernement avec le Parlement en cessant de déclarer l'urgence de façon systématique, ce qui nous permettrait de mieux nous comprendre et de travailler correctement.
J'attire votre attention sur le fait qu'en dépit de l'urgence, vous avez eu la possibilité d'intervenir avant et après l'article 10, monsieur Rogemont.
C'est vrai, et je vous en remercie très sincèrement, madame la présidente !
La parole est à M. Christophe Sirugue – sur l'article 11, cela va sans dire.
L'article 11 est intéressant en ce qu'il permet la déclinaison des différents contrats, en l'occurrence celle des contrats d'accompagnement vers l'emploi. Vous nous avez dit tout à l'heure que ces contrats relèveraient du droit privé – ce qui, au demeurant, est précisé dans le texte du projet de loi. On pourrait donc s'attendre à ce que les titulaires de ces contrats bénéficient des mêmes droits que ceux rattachés aux contrats de droit privé. Or, il me semble que l'on peut se poser plusieurs questions sur ce point.
Premièrement, en ce qui concerne la formation, pourquoi l'expression « action de formation professionnelle », inscrite dans le code du travail, a-t-elle fait place, dans le projet de loi que vous nous proposez, à celle d'« actions d'accompagnement professionnel » ? J'aimerais que vous vous donniez des précisions sur ce point, car cela ne me paraît pas clair : s'agit-il de contrats aidés avec une spécificité lorsqu'ils relèvent du secteur non marchand, ou de contrats de droit privé – auquel cas on ne s'explique pas que les formulations figurant au code du travail soient écartées au profit de formulations particulières ?
Je m'interroge également au sujet des dispositions de l'alinéa 12, relatives aux personnes âgées de plus de cinquante ans. Le dispositif que vous nous proposez permet de recourir à des CAE ou à des CIE pour une durée de cinq ans. Après la suppression de la contribution Delalande – versée, je le rappelle, à l'UNEDIC par les employeurs licenciant un salarié âgé –, l'échec du « CDD seniors » créé en août 2006, et la suppression de la dispense de recherche d'emploi par la loi du 1er août 2008, le Gouvernement n'entend-il pas, finalement, ouvrir le contrat unique d'insertion pour une durée de cinq ans aux salariés âgés de cinquante ans et plus ?
Car si c'est le cas, une partie de la population pourra se trouver durablement fragilisée – et cela nous fait mieux comprendre la problématique des contrats à durée indéterminée. On voit bien, en effet, comment on risque de laisser de coté les plus de cinquante ans et de faire appel à des contrats aidés, en fragilisant encore un peu plus le dispositif. Voilà pour les CAE.
En ce qui concerne les CIE, les employeurs pourront, si l'on n'y prend pas garde, licencier sans pénalités les salariés âgés, qui leur coûtent cher. Ces chômeurs âgés devront alors élaborer un projet personnel d'accès à l'emploi, instruit par le nouvel opérateur de service public, et rechercher activement un emploi. S'ils ne sont pas réembauchés, il quitteront le système de l'assurance chômage pour celui des minima sociaux, puisqu'ils pourront bénéficier de CAE ou de CIE destinés aux salariés de plus de cinquante ans bénéficiaires de minima sociaux. Le contrat senior a certes été revu et peaufiné, mais il n'empêche que le risque de précarité est très grand pour les plus de cinquante ans.
En tout état de cause, l'article 11, sous couvert de bonnes intentions, risque d'entraîner, outre la multiplication des contrats précaires durables, celle de contrats seniors tout aussi précaires.
Notre discussion, monsieur le rapporteur, est de qualité, et je dis cela pour l'ensemble des députés ici présents. Donnez donc acte à l'opposition de ce qu'elle est engagée dans un débat constructif, contrairement à ce que certaines déclarations, purement idéologiques, faites à l'extérieur de cet hémicycle, pourraient laisser penser.
En effet, et je prends acte de ce que vous avez dit du climat de cette discussion, qui se veut constructive et vise à améliorer un texte qui doit servir nos concitoyens les plus en difficulté.
Je m'arrêterai plus particulièrement sur l'alinéa 9 de l'article 11 et sur l'inquiétude dont a fait part, en début de séance, Marcel Rogemont. Je voudrais m'assurer, monsieur le haut-commissaire, que vous nous avez bien fourni un début de réponse.
Notre inquiétude concerne les personnes titulaires de contrats d'insertion qui seront orientées, non vers les contrats sociaux du conseil général, mais directement vers le nouvel opérateur résultant de la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC. Qu'adviendra-t-il en effet de ceux qui, ayant signé une convention, refuseraient successivement deux emplois proposés par le nouvel opérateur, lequel pourrait, aux termes de la loi sur les obligations et les droits des demandeurs d'emploi, les priver de leur indemnisation, en l'occurrence le RSA ?
Vous nous avez affirmé que tel ne serait pas le cas. Je voudrais donc savoir s'il faut interpréter l'alinéa 9 comme signifiant qu'aucune mesure de suspension ne pourra être prise à l'encontre d'un bénéficiaire du RSA minimal – c'est-à-dire sans allocation différentielle – inscrit à l'ANPE mais signataire d'une convention individuelle prévoyant de le faire bénéficier actions d'insertion sociale. Pouvez-vous nous assurer qu'aucun bénéficiaire – du RMI aujourd'hui ou du RSA demain – ne pourra se voir retirer cette allocation sous prétexte qu'il aurait refusé des emplois auxquels ladite convention ne l'aurait pas préparé ?
Je me félicite du climat dans lequel se déroule cette discussion, qui permet souvent de parvenir à des décisions unanimes.
Je rappelle que j'ai été membre du Gouvernement qui a fait voter en 1988 le revenu minimum d'insertion.
En urgence !
À cet égard, le revenu de solidarité active représente un progrès très important. L'opposition s'interroge sur des points techniques concernant l'application de tel ou tel alinéa. Pour avoir été ministre du travail et de la formation professionnelle, je comprends ses inquiétudes, mais le haut-commissaire n'a de cesse de dire qu'elles ne sont pas fondées au regard des intentions du Gouvernement.
Si certains aménagements doivent être apportés, ils pourront l'être lors de l'examen du texte par le Sénat. Par la suite, si l'application du texte nécessite d'autres modifications, le Gouvernement y pourvoira, bien entendu. Pour l'heure, on ne peut fournir toutes les réponses techniques aux inquiétudes de nos collègues socialistes.
Je m'associe à celles et ceux qui ont parlé d'un débat constructif et serein, et vais tâcher de mettre dans mes réponses la même sérénité.
Concernant les seniors, l'article 11 vise à ce que l'on ne puisse pas se retrouver, au-delà de cinquante ans, chassé d'une structure d'insertion. Il y est écrit qu' « il peut être dérogé, selon des modalités fixées par voie réglementaire, à la durée maximale d'une convention individuelle, […] lorsque celle-ci concerne un salarié âgé de cinquante ans et plus », la durée en question étant de vingt-quatre mois. Une personne âgée de cinquante ans qui bénéficie d'un contrat d'insertion à durée déterminée a donc le droit de voir son contrat prolongé, ce qui vaut également en deçà de cinquante ans pour les personnes en action de formation. L'idée n'est donc pas d'écarter les plus de cinquante ans ; c'est tout le contraire et cela répond à des situations que vous avez tous rencontrées.
De la même façon, l'alinéa 9 sur lequel vous vous interrogez précise – ce qui est fondamental, car ce n'est pas toujours le cas – que, lors de la mise en place d'un contrat d'insertion, on prendra le temps d'étudier les besoins du bénéficiaire en matière de formation et son insertion éventuelle dans un système de validation des acquis. Il est scandaleux que des personnes ayant enchaîné pendant plusieurs années des CES ou d'autres contrats aidés se retrouvent au bout du compte sans aucun acquis validé et en n'ayant obtenu non plus aucune formation, parce qu'on s'est contenté de les utiliser comme de la main-d'oeuvre bon marché ! Si les acteurs de l'insertion sont favorable à cet article, c'est justement parce que le contrat aidé deviendra, pour le salarié, un contrat « aidant ».
Madame Touraine, vous avez également posé une question à laquelle je vais répondre, même si elle ne concerne pas cet article. Je veux parler du contrat unique d'insertion, qui vise un public plus large que celui des bénéficiaires du RSA.
Je vais d'abord essayer de clarifier la situation concernant le RSA et la recherche d'emploi. Dans un premier temps, le département signe avec l'ANPE une convention cadre – c'est l'objet de l'article 2 – définissant les modalités de mise en oeuvre de l'orientation de la personne. C'est dans ce cadre que sont discutés le type d'offre d'emploi et la nature des comportements susceptibles de donner lieu à rupture de contrat entre le référent professionnel et le bénéficiaire. La loi sur l'offre raisonnable d'emploi dispose notamment que l'on ne peut contraindre un demandeur d'emploi à accepter une offre à temps partiel s'il recherche un emploi à temps plein.
Dans un deuxième temps, le bénéficiaire souscrit, auprès de l'ANPE, un projet personnel d'accompagnement dans l'emploi, et définit avec son référent ses objectifs professionnels. C'est un document contractuel qui l'engage, et qu'il doit accepter : on ne peut pas lui imposer. Si ce contrat n'est pas signé, ou s'il n'est pas respecté, ou si la personne est radiée de la liste des demandeurs d'emploi, l'information est transmise au président du conseil général, qui apprécie la situation et ne peut décider de suspendre ou de réduire le RSA qu'après avoir consulté l'équipe pluridisciplinaire. Tout ce processus est conçu pour protéger les personnes tout en permettant au conseil général de faire son travail.
M. Sirugue s'est inquiété des « actions d'accompagnement professionnel ». Si nous avons retenu cette formulation, c'est parce qu'elle couvre un champ plus large que la formation stricto sensu et englobe le tutorat et l'accompagnement : certaines personnes, en effet, n'ont pas besoin d'une formation mais d'un simple tutorat. Cela étant, nous sommes prêts à compléter la rédaction en rajoutant le mot « formation ».
Il s'agit d'un amendement sur l'immersion en entreprise, semblable à ceux défendus précédemment à propos des ateliers d'insertion.
À titre personnel, je suis favorable au sous-amendement du Gouvernement.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement de la commission.
Quant au sous-amendement, il vise à clarifier les conditions de l'immersion.
J'ai rencontré dans mon département les cas visés par l'amendement et le sous-amendement. Le haut-commissaire a raison d'apporter les précisions nécessaires et de renvoyer à un décret. Quant au rapporteur, son excellent amendement permet de sécuriser des initiatives qui avaient déjà été prises au niveau local sans base juridique.
(Le sous-amendement n° 610 est adopté.)
(L'amendement n° 103 , ainsi sous-amendé, est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisie d'un amendement n° 104 présenté par la commission.
La parole est à M. le rapporteur.
C'est un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 104 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 324 .
La parole est à Mme Gisèle Biémouret.
Cet amendement tend à supprimer, à l'alinéa 10, les mots « ou en dehors de celui-ci ». La formation pendant la durée du contrat de travail du salarié doit pouvoir prendre la forme d'une action de formation lui permettant d'assurer son adaptation au poste de travail et acquérir une qualification.
La commission a repoussé cet amendement. Nous avons en effet prévu que la formation puisse se faire non seulement pendant le temps de travail mais également en dehors.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
(L'amendement n° 324 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 105 .
La parole est à M. le rapporteur.
C'est un amendement de précision qui a son importance, car il n'existe pas de définition légale des minima sociaux. Il faut donc énumérer les bénéficiaires concernés.
Il faudrait d'ailleurs pallier cette carence !
(L'amendement n° 105 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisie d'un amendement n° 106 .
La parole est à M. le rapporteur.
C'est un amendement de cohérence rédactionnelle.
(L'amendement n° 106 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 107 .
La parole est à M. le rapporteur.
C'est également un amendement de cohérence rédactionnel.
(L'amendement n° 107 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 108 .
La parole est à M. le rapporteur.
C'est encore un amendement de cohérence rédactionnel.
(L'amendement n° 108 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 356 .
La parole est à Mme Colette Le Moal.
La possibilité, reconnue aux collectivités territoriales et aux autres personnes morales de droit public ayant conclu un CAE avec une personne en insertion, de moduler la durée du travail hebdomadaire, doit bénéficier également aux associations, que ce soit en raison de leur activité ou des difficultés que rencontre la personne embauchée.
L'intention est bonne, mais cet amendement n'est pas utile, car cette possibilité existe déjà dans le droit du travail, par le biais des accords collectifs. L'amendement est donc déjà satisfait.
Défavorable, pour les mêmes raisons. Cet amendement aurait au contraire pour effet d'éloigner le contrat d'accompagnement du droit commun.
Retirez-vous cet amendement, madame Le Moal, puisqu'il semble satisfait ?
Ce que nous proposons d'inscrire dans le texte va peut-être sans dire, mais il me semble que cela va mieux en le disant.
(L'amendement n° 356 n'est pas adopté.)
Je suis saisie de trois amendements, nos 109 , 262 rectifié et 325 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 109 fait l'objet de deux sous-amendements nos 611 et 627 .
Les amendements nos 262 rectifié et 325 sont identiques.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 109 .
Le contrat d'accompagnement dans l'emploi peut, aux termes des dispositions actuelles, être suspendu pour permettre au salarié concerné d'accomplir une période d'essai, dans la perspective d'une embauche en CDI. Cet amendement complète ces dispositions en prévoyant une nouvelle possibilité de suspension du CAE, lorsque le salarié souhaite effectuer un stage auprès d'un autre employeur.
Je suis favorable au sous-amendement n° 627 de M. Muzeau, qui propose d'insérer, dans le 1° de l'article L. 5134-29, après les mots : « autre employeur », les mots : « ou une action concourant à son insertion professionnelle ».
En conséquence, les amendements nos 262 rectifié et 325 tombent.
Je suis saisie d'un amendement n° 110 .
La parole est à M. le rapporteur.
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 110 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 111 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur.
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 111 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
L'article 12 nous donne l'occasion d'examiner de manière beaucoup plus précise le contrat initiative-emploi, c'est-à-dire le deuxième contrat aidé, celui qui est destiné au secteur marchand.
Je m'étonne tout de même que, dans la rédaction qui nous est proposée, les dispositions relatives au CAE, qui relève du secteur non marchand, se révèlent plus contraignantes que celles relatives au CIE, et notamment dans le domaine de la formation, que j'évoquais tout à l'heure.
J'ai bien entendu ce que vous disiez, monsieur Soisson, et vous avez raison. C'est d'ailleurs pour cela que, depuis le début de cette séance, nous nous efforçons d'accepter des propositions qui nous sont faites par le haut-commissaire. Mais il y a quand même des points qui relèvent de la discussion parlementaire, et lorsqu'il y aura des problèmes sur le terrain, il sera fait référence à nos débats. D'où l'intérêt que nous puissions formuler ici nos interrogations.
S'agissant de la formation, j'y reviens, nous sommes très en deçà de ce qui est inscrit dans le code du travail en ce qui concerne les contrats de droit commun. Or, soit ces contrats aidés sont des contrats de droit commun, et je ne comprends alors pas pourquoi le projet de loi est en recul par rapport au droit du travail, soit ils n'en sont pas, et les dispositions relatives à la formation devraient dans ce cas être précisées.
Je me pose une question, à laquelle je souhaite que M. le haut-commissaire réponde très clairement. Dans le cas de ces contrats aidés, les droits attachés aux contrats de droit commun s'appliqueront-ils, notamment concernant la protection sociale ?
Oui !
Tous ces contrats bénéficieront-ils de l'intégralité – je dis bien de l'intégralité – des droits acquis dans le cadre des contrats de droit commun ? J'aimerais une réponse précise sur ce point.
Avec cet article, relatif aux contrats aidés dans le secteur marchand, nous voyons bien qu'il s'agit de faire en sorte que soient imposées aux employeurs – ainsi qu'aux bénéficiaires des contrats, mais donc aux employeurs également – un certain nombre de dispositions favorisant un retour plus durable vers le secteur marchand.
On peut faire l'hypothèse que ceux à qui sont proposés des contrats dans le secteur marchand se retrouveront plus facilement dans un environnement leur permettant de s'engager durablement dans une activité professionnelle de droit commun, banalisée en quelque sorte.
Mais on constate en réalité que les employeurs font la différence entre les salariés en contrat aidé et les autres, et ne s'engagent pas dans une dynamique d'insertion dans l'emploi durable. C'est la discussion que nous avions il y a un instant.
Je pense que, notamment en matière de formation, des conditions relativement strictes devraient être imposées aux employeurs ; or elles ne me semblent pas l'être dans le cadre de cet article.
Dans ma région, la région Centre – et sans vouloir préjuger de ce qui se passe sur l'ensemble du territoire national –, on constate que les personnes en contrat aidé qui bénéficient d'actions de formation professionnelle sont en nombre extrêmement limité dans le secteur marchand.
Dans le secteur non marchand, cela doit être pire !
Je ne dis pas le contraire : on peut même dire qu'il n'y a aucune action de formation professionnelle dans ce secteur.
Il faut donc une volonté politique des acteurs locaux – du moins, c'est à présent le cas dans mon département – pour engager des formations professionnelles spécifiquement dédiées aux bénéficiaires de contrats aidés.
Il me semble que cet article, sous couvert de laisser une grande liberté, une grande flexibilité afin d'adapter les contrats à la situation de chaque personne – ce qui est une bonne chose –, ne permet pas de garantir que la formation professionnelle sera apportée, dans des conditions de droit commun, à l'ensemble des bénéficiaires de ces contrats aidés. Nous souhaiterions que cela puisse être précisé dans le cours de la discussion des amendements.
Deux observations, si vous le voulez bien.
Premièrement, le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active est un texte nouveau. Il est clair – je me tourne vers le Gouvernement et le rapporteur – qu'il demandera par la suite la modification de certains textes antérieurs. Nous ne pourrons pas tout régler dans le cadre de l'examen du projet.
Deuxièmement, tout repose sur une amélioration des conditions de formation professionnelle. Nous sommes un certain nombre ici, aussi bien sur les bancs de la majorité que sur ceux de l'opposition, à le reconnaître et à le souhaiter. Le problème, je le dis à Mme Touraine, c'est que nous ne pouvons pas encadrer les choses trop étroitement, en apportant trop de garanties, si nous voulons favoriser l'épanouissement d'initiatives locales. Nous sommes là dans une contradiction. Je crois qu'il faut plutôt laisser se mettre en place un certain nombre d'initiatives : nous verrons ensuite s'il faut ou non corriger le tir, ou apporter des garanties nouvelles.
Est-ce que ces contrats ouvriront droit à la même protection sociale ? La réponse est oui : oui pour la retraite, oui pour la santé, oui pour l'assurance maladie, oui pour les accidents du travail, oui pour…
A priori, oui, en fonction de la convention collective, mais c'est à vérifier. Je ne crois pas qu'il y ait de problème, mais je ne voudrais pas prendre un engagement que je ne pourrais pas tenir.
Quoi qu'il en soit, ce projet de loi contraste avec ce qu'on a pu constater dans le passé, où les bénéficiaires de contrats aidés n'acquéraient que des droits partiels, notamment en matière de retraite. Avec ce texte, ce n'est pas le cas, me semble-t-il – sous réserve, encore une fois de vérification.
C'est aussi pour cela que nous avons prévu un minimum de vingt heures hebdomadaires : nous voulons être sûrs que les bénéficiaires de ces contrats aidés seront au-dessus du seuil à partir duquel on valide un trimestre de cotisations de retraite.
J'ajoute, et c'est là un point fondamental – et qui fait le lien avec ce que nous verrons ce soir s'agissant du revenu de solidarité active –, que la grande différence, jusqu'à présent, entre les contrats aidés et les contrats de droit commun, c'était que, lorsqu'on retrouvait du travail par le biais d'un contrat aidé, on n'avait pas droit aux mesures d'intéressement. On pouvait donc être privé, durant la première année, de 100, 150, 200, 300 ou 400 euros par rapport à quelqu'un qui avait retrouvé du travail dans le cadre d'un contrat de droit commun. Avec le RSA, nous avons prévu que le salarié puisse compléter ses revenus quel que soit son contrat de travail, et même s'il s'agit d'un contrat d'insertion. Le contrat aidé est donc plus avantageux que ce n'était le cas jusqu'à présent, et ce n'est que justice.
S'agissant de la formation, nous avons proposé que soit spécifiée dans la loi l'obligation de formation dans le secteur non marchand, où aucune règle générale ne l'impose actuellement, tandis que dans le secteur marchand nous nous alignons sur le droit commun : les salariés en contrat aidé seront traités comme les autres salariés.
Par ailleurs, on constate que dans le secteur non marchand, et notamment dans les administrations, soit la personne passe un concours après son contrat, soit il n'y a pour elle aucune possibilité d'embauche. Il est donc d'autant plus important qu'elle ne se retrouve pas gros Jean comme devant. Il faut qu'elle ait pu acquérir une formation. Dans le secteur marchand, en revanche, le problème est plus souvent l'effet d'aubaine que l'effet de rejet.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter en réponse à vos observations.
Je suis saisie d'un amendement n° 112 .
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec les dispositifs d'immersion que nous avons déjà votés, même si je reconnais que, s'agissant de la cible concernée, c'est-à-dire les CIE, l'immersion se justifie un peu moins. Je serai donc très attentif à la position du Gouvernement…
Le Gouvernement vous suggère, monsieur le rapporteur, de retirer cet amendement. Comme nous l'avons dit, nous souhaitons simplifier et unifier le régime des contrats aidés. Certaines dispositions précédemment adoptées à votre initiative, et auxquelles le Gouvernement a été favorable, prévoient la possibilité pour le salarié d'effectuer une évaluation en milieu de travail ou – on l'a vu tout à l'heure – d'effectuer une période d'immersion. Cependant, il serait paradoxal d'étendre le mécanisme d'immersion aux contrats aidés du type CIE. En effet, dans ce cadre, les salariés exercent déjà, par définition, en entreprise, puisqu'ils sont dans le secteur marchand. On ne peut pas leur dire : « Vous êtes en entreprise, on suspend votre contrat pour que vous alliez en entreprise ».
Monsieur le rapporteur, êtes-vous sensible à la demande qui vous est faite ?
Je me doutais bien que le Gouvernement aurait une position de sagesse, à laquelle je me rallie à titre personnel, d'autant plus volontiers qu'il nous a suivis sur tous les amendements concernant les périodes d'immersion et sur les sous-amendements que nous avons conçus ensemble.
(L'amendement n° 112 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 113 .
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 113 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie de trois amendements nos 120 , 263 rectifié et 326 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 120 fait l'objet de deux sous-amendements, nos 628 et 612 .
Les amendements nos 263 rectifié et 326 sont identiques.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement 120 .
, rapporteur. Nous nous trouvons pour la quatrième fois devant le même cas de figure, qui a trait cette fois au CIE. Il s'agit de la suspension du contrat à la demande du salarié.
Je suis favorable au sous-amendement n° 628 , qui vise, comme les amendements nos 263 rectifié et 326 , à compléter l'alinéa 4 par les mots : « ou une action concourant à son insertion professionnelle ».
En conséquence, les amendements nos 263 rectifié et 326 tombent.
Je suis saisie d'un amendement n° 327 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 596 .
La parole est à M. Christophe Sirugue.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre le sous-amendement n° 596 .
C'est un sous-amendement de cohérence rédactionnelle.
(Le sous-amendement n° 596 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je constate que le sous-amendement est adopté à l'unanimité.
(L'amendement n° 327 , sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 119 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur
C'est un amendement de précision rédactionnelle.
(L'amendement n° 119 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 121 .
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit de rectifier une erreur de renvoi.
(L'amendement n° 121 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Le groupe GDR s'abstient sur l'article.
(L'article 13, amendé, est adopté.)
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 13.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 439 .
À l'appui d'un avis négatif du Gouvernement sur notre amendement visant à conditionner les aides économiques aux entreprises à l'engagement de ces dernières en matière d'emplois à temps complet, M. le haut-commissaire a pris le soin de déclarer, peut être pour mieux s'en convaincre, que le Gouvernement était « pour la qualité de l'emploi et la possibilité de faire évoluer les emplois à temps partiel en emplois à temps complet ».
On aimerait tellement vous croire, monsieur le haut-commissaire ! Seulement voilà : la réalité du marché du travail atteste au contraire d'une tendance très forte à la dégradation des normes d'emploi et à la précarisation croissante de la condition salariale. Et, contrairement à ce que d'aucuns prétendent – la présidente du MEDEF en tête –, nous n'en sommes pas arrivés là par hasard. La précarité n'est ni naturelle ni inéluctable.
Les politiques de l'emploi de ces dix dernières années, axées principalement sur l'abaissement du coût du travail et la flexibilisation du droit du travail, sont responsables de l'institutionnalisation de la précarité, qui nourrit elle-même la pauvreté.
Qu'a fait, depuis plus d'un an maintenant, le Gouvernement auquel vous servez de caution sociale, à part poursuivre et accentuer, lui aussi, le démantèlement de notre législation sociale et encourager des modes de management d'une violence extrême pour l'emploi et pour la santé des salariés ? A-t-il eu pour objectif de repenser enfin la précarité, d'agir pour changer cet état, « cette condition permanente, ce registre régulier de l'organisation du travail » comme l'écrit Robert Castel ? La réponse est évidemment négative.
Au contraire, voulant être parmi les meilleurs élèves du libéralisme, votre gouvernement a épousé les stratégies du capitalisme de casino. Lorsqu'il enjoint aux partenaires sociaux de négocier sur la « modernisation » du marché du travail et qu'il en profite pour imposer, au détour de la « simple » transposition d'un accord national interprofessionnel, de nouveaux outils de flexibilité pour les entreprises dans la gestion de leurs effectifs, ne précarise-t-il pas l'emploi pour mieux sécuriser les profits ?
Qu ‘il s'agisse des assouplissements apportés à la durée du travail, du super-CDD à objet défini ou encore de la rupture conventionnelle du contrat de travail, le train de réformes de la fluidification du marché du travail a avancé à grande vitesse. En contrepartie, et alors que la flexisécurité était supposée être un système « gagnant-gagnant », de quelles sécurités supplémentaires ont pu bénéficier les salariés ?
La réforme de la formation professionnelle reste à faire, tout comme celle de l'indemnisation du chômage. Par contre, au nom de la lutte contre le chômage encore, des mesures ont été prises dès cet été pour lutter contre les chômeurs.
Les conséquences de vos choix viennent de vous exploser au visage. Sans surprise, le chômage est reparti à la hausse. Ces chiffres, les plus mauvais depuis 1993 – 41 000 demandeurs d'emplois supplémentaires, 35 000 à 40 000 emplois détruits –, ne sont pas à mettre au seul compte de la crise financière. « Ils sont le résultat d'une politique de l'emploi qui a sacrifié l'emploi en favorisant les heures supplémentaires défiscalisées et en s'attaquant de façon dogmatique à la réduction du temps de travail », comme l'a écrit la CFDT.
Dans ce contexte, votre conception singulière de la solidarité nationale nous interpelle. Le RSA, « récompense pour la reprise du travail » selon les propres termes du chef de l'État, est justement vécu comme un soutien supplémentaire à la flexibilité de l'emploi.
Le non au RSA et à ses effets pervers dérange. Difficile pourtant de nier que le RSA pourrait jouer comme une prime à l'encouragement aux petits boulots, à temps très partiel, et ce d'autant que, parallèlement, le Gouvernement n'exprime aucune exigence particulière concernant la qualité des emplois.
En déplacement dans un magasin de la grande distribution, place forte – avec le secteur des services – du travail à temps partiel, à l'origine de la pauvreté salariale contre laquelle le gouvernement prétend lutter, M. Xavier Bertrand a annoncé qu'une table ronde devait être organisée d'ici fin décembre au plus tard. Bref, il est surtout urgent d'attendre encore.
Ce n'est absolument pas à la hauteur des problèmes. C'est pourquoi, nous demandons, par notre amendement n° 438 , que le Gouvernement invite les partenaires sociaux à ouvrir une négociation nationale interprofessionnelle autonome sur cette question prioritaire de la résorption de la précarité et de la pauvreté au travail, sur les voies et moyens de faire évoluer les emplois à temps partiel en emplois à temps complet.
M. Muzeau propose un article additionnel qui vise ni plus ni moins qu'à subordonner les allégements de charges sociales à l'ouverture d'une négociation salariale.
À la lecture de mon rapport, vous comprendrez que je n'ai pas éludé la question du temps partiel. J'ai dit un certain nombre de choses, tout comme M. Méhaignerie de son côté. Nous sommes donc très conscients du problème du temps partiel et des risques inhérents à tout dispositif.
Pour autant, ce n'est pas au détour d'un amendement que l'on décider de poser de nouvelles conditions à l'allégement des charges sociales, ne serait-ce que parce que la question ne se pose pas dans les mêmes termes selon que l'on s'adresse à de grandes ou à de petites entreprises. Vous avez fait observer, monsieur Muzeau, que le ministre du travail a lancé l'idée d'une négociation avant la fin de l'année avec les partenaires sociaux. Je comprendrais votre impatience et votre volonté d'aller vite si cela devait se situer dans un an ou deux, mais la fin de l'année est proche.
La solution n'est pas aussi simple qu'on le pense, car le dispositif ne peut toucher uniformément toutes les entreprises. Le Président de la République s'est d'ailleurs exprimé sur ce sujet.
La commission est donc défavorable aux amendements, sans en rejeter forcément le principe.
Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements, mais pas pour les mauvaises raisons qui lui sont prêtées par leur auteur.
L'amendement n° 438 tend à demander aux partenaires sociaux de discuter de l'insertion. C'est chose faite : ils se sont engagés le 27 mai dernier, pour la première fois, à l'issue de difficiles négociations, à faire de l'insertion l'un des thèmes du dialogue social. L'heure n'est donc plus à leur demander de s'engager en ce sens, mais à faire vivre cet engagement.
(L'amendement n° 439 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 153 .
La parole est à M. Jean-François Chossy.
Je voudrais braquer le projecteur sur des personnes qui sont parmi les plus exclues du monde du travail : les personnes handicapées. Quelque 83 % d'entre elles, en effet, ont un niveau d'études inférieur ou équivalent au BEP, et plus de 20 % sont au chômage.
Il faut leur adresser des signes forts. On parle souvent d'« intégration dans le monde du travail », mais « intégrer » quelqu'un, c'est reconnaître qu'il ne fait pas partie de notre collectivité. Or, les personnes handicapées sont membres à part entière de notre communauté de vie. Ce qu'il faut, ce n'est donc pas les « intégrer » dans le monde du travail, mais les impliquer dans la vie professionnelle.
Je sais d'expérience que les personnes handicapées ne demandent pas la compassion, mais simplement la reconnaissance de leur dignité. Pour les impliquer dans la vie professionnelle, et pour répondre à ce qui a été mis en avant lors de la première conférence nationale sur le handicap, il faudrait que l'employeur puisse s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi en accueillant en stage, dans les conditions fixées par décret, des personnes handicapées, dans la limite de 2 % de l'effectif total de l'entreprise.
Voter cette disposition, ce n'est pas donner des gages aux employeurs, c'est simplement permettre à la personne handicapée d'entrer dans le monde du travail ordinaire.
Je rappelle que la loi du 11 février 2005 a prévu la tenue, tous les trois ans, d'une conférence nationale, à la suite de laquelle un débat doit être organisé au Parlement. Un tel débat, monsieur le haut-commissaire, est souhaité par toutes les personnes handicapées, par toutes les associations. Il est prévu par la loi, on ne peut pas l'éluder.
M. Chossy est vigilant sur tout ce qui touche à la loi de 2005 sur les personnes handicapées,…
…et il a parfaitement raison. Quelques-uns d'entre nous y avons d'ailleurs été associés dans un gouvernement précédent.
Un engagement fort a été pris lors de la conférence de 2008. Pour toutes ces raisons, et compte tenu de la nature même du dispositif RSA, qui s'adresse, par définition, aux populations dont la situation au sein de notre société est la plus difficile, la commission a donné un avis très favorable à cet amendement, ainsi qu'à l'amendement n° 154 .
Je constate que l'amendement a été adopté à l'unanimité.
Je suis saisie d'un amendement n° 154 .
La parole est à M. Jean-François Chossy.
Cet amendement est un peu plus technique, mais il répond aux mêmes préoccupations. Dans le cadre du calcul du nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi, chaque personne est prise en compte à due proportion de son temps de présence dans l'entreprise, au cours de l'année civile et quelle que soit la nature ou la durée de son contrat de travail, dans la limite d'une unité.
Actuellement, les travailleurs handicapés comptent pour une unité s'ils ont été présents six mois au moins au cours des douze derniers mois, quelle que soit la nature du contrat.
Nous proposons de supprimer l'obligation de présence de six mois minimum, afin de ne pas pénaliser les entreprises qui recrutent un travailleur handicapé au cours du second semestre d'une année civile.
Cette suppression permettra également d'accorder le même traitement aux entreprises qui embauchent des personnes handicapées sur des CDD, très utilisés pour de courtes périodes, ainsi qu'à celles qui recourent à l'intérim et aux mises à disposition.
Le temps partiel pourrait être ainsi assimilé à un temps plein.
Même avis que la commission.
Nous sommes favorables à l'amendement n° 153 , mais nous souhaiterions obtenir quelques précisions sur l'amendement n° 154 . Faut-il comprendre que le travail à temps partiel des travailleurs handicapés serait assimilé à un travail à temps plein ? Si tel était le cas, cela signifierait que la quantité d'heures effectuées par les personnes en situation de handicap pourrait se trouver réduite. Je ne suis pas sûr que cela aille dans le sens d'un renforcement de leur place dans l'entreprise, et je crains même que cela n'ait l'effet inverse de celui souhaité.
D'un point de vue technique, M. Sirugue a raison, même si je comprends l'intention de notre collègue Chossy.
Par ailleurs, de tels amendements relèvent manifestement du domaine réglementaire. À vouloir aller trop loin dans les précisions, nous risquons de déprécier le texte de loi que nous allons voter.
Je souscris aux propos, pleins de sagesse, de M. Soisson. Mais je souhaite aussi résoudre le problème de l'emploi des personnes handicapées, et mon amendement vise à leur ouvrir la porte de l'emploi. Pour ce qui est des modalités, je m'en remets à la sagesse de ceux qui rédigeront les décrets.
(L'amendement n° 154 est adopté.)
Je propose que nous poursuivions notre réflexion sur le dispositif proposé par M. Chossy pendant la navette parlementaire.
L'amendement n° 438 a déjà été défendu par M. Roland Muzeau, et la commission a émis un avis défavorable.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Défavorable.
Cet avis défavorable ne me surprend guère, mais nous ne pouvons faire abstraction de ce qui s'est passé en 2005. Parmi les quinze propositions émises par la commission Familles, vulnérabilité, pauvreté » – que vous animiez, monsieur le haut-commissaire – pour combattre la pauvreté des enfants, figuraient notamment « La nouvelle équation sociale par le biais du RSA » – résolution n°2 – ainsi qu'« Une politique économique et sociale plus favorable à l'emploi et plus redistributive » – résolution n°3. Le lien indissociable entre ces deux aspects avait alors été posé comme une condition indispensable à la réussite de l'objectif fixé, à savoir la réduction de la pauvreté. Or nous sommes en train de nous en écarter très largement.
« Une politique sociale telle que la politique de lutte contre la pauvreté des familles ne peut être dissociée de la politique économique générale, ni ne peut réussir si elle ne s'inscrit pas dans une politique de l'emploi cohérente, qui conjugue les effets en termes de salaires et de non-précarité », disiez-vous à l'époque. Je souscris pleinement à cette déclaration, mais je vous fais observer que vous appartenez désormais à un gouvernement qui n'a cessé, par ses choix, de contribuer à creuser les inégalités, notamment en faisant voter les 15 milliards de la loi TEPA qui font cruellement défaut aujourd'hui au budget de l'État, en démantelant le droit du travail ou en mettant à mal la solidarité nationale.
De même, nous ne sommes pas les seuls à poser la question des aides publiques aux entreprises et de leur conditionnalité. Le premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, propose de revoir entièrement ce dispositif, qui représente quelque 33 milliards d'euros. Etque dire des 73 milliards de niches fiscales, dont le volume a augmenté de moitié en quatre ans ? On a souvent tenté de justifier ces dispositifs au nom de la création d'emploi, mais je note que vous êtes en porte-à-faux avec vos objectifs de 2005. Ne vous étonnez donc pas si nous vous le faisons remarquer !
(L'amendement n° 438 n'est pas adopté.)
Je demande une suspension de séance de dix minutes avant que nous revenions à l'examen de l'article 1er.
Après l'article 13
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)
Nous en arrivons à l'article 1er, précédemment réservé.
La parole est à M. Roland Muzeau.
Face à la situation économique et sociale de la France au cours des dernières années – désormais, 12,1 % de la population vit de revenus inférieurs à 817 euros par mois, et la pauvreté monétaire tend à progresser, à s'intensifier et à changer de visage –, comment contester la nécessité de lutter contre l'exclusion en se concentrant sur l'insertion sociale et professionnelle des personnes les plus en difficulté, et de combattre résolument la pauvreté laborieuse ?
Évidemment, chaque heure travaillée devrait être rémunérée ; assurément, « lutter contre la pauvreté implique une redistribution efficace » ; nous partageons également l'ambition de « faire des revenus du travail le principal rempart contre la pauvreté ».
Cela étant, nous ne pouvons nous contenter de ces pétitions de principe couchées dans l'exposé des motifs, ni de l'article 1er lui-même, bien qu'il érige l'insertion sociale et professionnelle, au côté de la lutte contre les exclusions, au rang d'impératif national.
L'habillage idéologique du texte, monsieur le haut-commissaire, est sans doute habile ; mais, plus profondément, la philosophie même du RSA suscite des interrogations.
De la logique d'un droit à un revenu d'existence inconditionnel, doit-on passer à un système, celui du workfare, qui fait dépendre le revenu minimum de survie de l'exercice d'une activité ? La mise au travail doit-elle être la priorité quasi exclusive de la politique sociale, alors même qu'un grand nombre de personnes ne peuvent travailler ? L'État doit-il subventionner des emplois très précaires en progression exponentielle, donc nécessairement paupérisants ?
Nous reviendrons au cours des débats sur ces questions, tout aussi centrales que celle du financement, que la majorité parlementaire a agitée à l'envi pour masquer des appréciations souvent nuancées, voire négatives, sur le RSA et ses modalités pratiques.
Pour l'heure, nous déplorons la précipitation du chef de l'État, qui l'a conduit à présenter en urgence, en session extraordinaire, avant même la fin des expérimentations du RSA, ce projet de loi qui en généralise le dispositif. Fallait-il que la rentrée, sur fond de crise financière, économique et sociale, soit morose pour que l'on se dispense ainsi d'une évaluation rigoureuse des expériences locales !
Les associations de lutte contre les exclusions ont, à juste titre, vivement regretté cette anticipation sur le bilan. Bilan dont les premiers éléments, rendus publics depuis peu, tempèrent du reste les propos officiels, qui concluent tous au franc succès de l'expérimentation – qu'il s'agisse du taux de retour à l'emploi des allocataires du RSA, censément supérieur de 30 % dans les zones expérimentales à celui des zones témoin, mesuré chez les seuls allocataires du RMI ; de la nature des emplois ainsi pourvus, à temps plein ou à temps partiel ; ou du gain financier, que l'on prétend significatif.
La faible importance numérique du public concerné – le périmètre de l'expérimentation couvrant seulement des zones de communes –, le peu de recul dont nous disposons, mais aussi les disparités liées ici aux barèmes de cumul entre revenus du travail et revenus de solidarité retenus par les départements, là au nombre minimal d'heures de travail ouvrant droit au versement du complément de revenu, ne permettent pas d'affirmer avec certitude que le RSA soit bien l'atout maître pour faire régresser la pauvreté.
De nombreux élus des trente-quatre départements volontaires pour l'expérimentation ont dénoncé la généralisation d'un dispositif a minima, vidé de son sens et indigent en matière d'accompagnement social. Les importantes conditions posées par certains départements, notamment la Seine-Saint-Denis, et acceptées par l'État, dont le versement du RSA à partir d'un mi-temps et non dès la première heure, ainsi que le financement des frais liés au retour à l'emploi – garde d'enfants, transports... –, ont été oubliées.
Mes échanges avec le monde syndical et les associations de lutte contre les exclusions, toutes favorables aux objectifs généraux du dispositif, ont confirmé cette première analyse – ce décalage entre l'esprit du RSA, son expérimentation et la concrétisation par la loi de ses modalités pratiques.
Tous mes interlocuteurs ont insisté sur les risques et les effets pervers potentiels du RSA si, d'une part, le Gouvernement ne s'efforçait pas de manière plus volontariste de lever les obstacles non monétaires au retour à l'emploi – la formation, la mobilité, la santé, l'accompagnement, entre autres ; si, d'autre part, il persistait à vouloir diminuer de 14 % les crédits de la mission « Travail et emploi » pour la période 2009-2011 ; si, enfin, il ne modifiait pas l'orientation des politiques appliquées par le service public de l'emploi.
Ce sont ces éléments qui, en définitive, nous conduisent à porter sur le texte une appréciation nuancée – et le mot est faible !
Il est quelque peu étrange de reprendre la discussion à l'article 1er, qui définit les grands principes et les grands objectifs, alors qu'il y a quelques instants à peine, nous « plongions les mains dans le cambouis » pour étudier le fonctionnement des politiques d'insertion.
Mais, puisque nous abordons la discussion des articles relatifs à l'instauration du RSA et à ses différents échelons, il faut souligner que ce dispositif, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, ne bouleverse pas les politiques d'insertion existantes. En outre, on peut se demander quel effet auront sur cette politique la remontée du chômage et la période actuelle de décroissance, dont nous espérons qu'elle durera le moins possible, mais qui devrait se prolonger au-delà du premier trimestre de l'année prochaine.
Le RSA n'a d'intérêt que pour ceux qui pourront bénéficier d'une allocation différentielle en reprenant une activité. Or on peut faire l'hypothèse que le retour du chômage, la forte hausse du nombre de demandeurs d'emploi et la décroissance entraîneront une augmentation du nombre de ceux qui émargeront au RSA de base, équivalent du RMI actuel, et qui ne travailleront pas davantage pour autant. On peut donc craindre que votre dispositif ne bénéficie véritablement qu'à ceux qui ont déjà un emploi, et qui ne perdront que quelques heures de travail ; en d'autres termes, qu'il se réduise à un filet de sécurité pour ceux qui sont déjà insérés dans une activité professionnelle, sans jouer le rôle de « pompe aspirante » pour les bénéficiaires actuels du RMI.
On pourrait parler d'un choc des images, ou des situations : nous débattons du RSA, conçu pour accélérer le retour à l'emploi en une période de reprise, à un moment où la crise, déjà présente, s'aggrave et où le chômage est la principale préoccupation.
D'autre part, je m'interroge sur l'alinéa 12 de l'article : si, comme je l'ai dit au cours de la discussion générale en défendant la question préalable, je suis favorable à la définition par le gouvernement d'objectifs quantifiés de réduction de la pauvreté, il ne me semble pas que le RSA, tel qu'il est présenté, suffise à concourir à celle-ci. Nous aurions intérêt à le dire collectivement, car d'autres mesures seront sans doute nécessaires – j'en ai évoqué quelques-unes lors de cette intervention initiale. On ne saurait laisser penser que le RSA pourrait à lui seul, immédiatement, réussir là où le RMI ou l'intéressement auraient échoué, en assurant le retour à l'emploi et une diminution importante de la pauvreté à l'heure où la crise domine.
Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, j'aimerais rappeler des choses simples : il est exact que nous débattons du RSA à une période de grandes difficultés. Nous rencontrons ainsi dans nos permanences des personnes qui, avec le SMIC ou un peu plus, peinent à payer toutes leurs dépenses (M. le haut-commissaire approuve.)
Malgré ces difficultés, nous devons faire du territoire le point de départ de notre action : il ne faut pas considérer l'insertion comme un coût ou un poids, mais tenter de l'optimiser, en se fondant sur les besoins de chaque territoire, mesurés au plus près, et en y recensant les emplois disponibles. Ainsi parviendrons-nous peut-être à ramener certaines personnes à l'emploi.
J'avoue qu'il est un peu aberrant d'évoquer l'article 1er à ce stade du débat ; cela donne presque envie d'en revenir à la discussion générale. Comment, en effet, discuter du principe même du RSA, alors que nous avons déjà engagé la réflexion sur bon nombre d'éléments et fait part de nos interrogations ?
L'article 1er instaure la suppression du revenu minimum d'insertion, et c'est pour moi l'occasion de m'inscrire en faux contre certains jugements sur le RMI que j'ai pu lire ou entendre ici ou là, ou encore percevoir à travers des amendements présentés par certains membres de la majorité.
Si nous nous accordons tous sur le fait qu'il était temps d'actualiser ce dispositif, il faut redire à quel point, depuis 2004, les conseils généraux l'ont pris à bras-le-corps, à quel point les politiques d'insertion se sont amplifiées. Les départements, toutes tendances politiques confondues, ont tenté de trouver les outils d'insertion susceptibles de faire réussir le « I » de RMI, dont nous sommes nombreux à reconnaître qu'il a trop longtemps été un élément défaillant du dispositif.
Rappelons également ensemble qu'il importe de ne pas stigmatiser les publics relevant du RMI en les considérant comme des personnes qui ont cherché à en profiter à outrance.
Si l'actualisation proposée a véritablement vocation à accroître le volet consacré à l'insertion, nous ne pouvons qu'y être favorables. Encore faut-il s'entendre sur ce qui y a derrière le mot « insertion ». Je reprends ici une argumentation qui m'est chère, car elle est le fruit, comme pour beaucoup d'entre nous, de la connaissance d'un territoire. Il est clair que, chaque fois que nous pouvons faire de l'insertion professionnelle un axe majeur de l'insertion tout court, nous devons le faire. Nous savons ce que représente un emploi en termes d'insertion dans notre société. Mais force est de constater que, parmi les personnes relevant des dispositifs de minima sociaux, certaines sont loin de l'insertion professionnelle, pour des raisons diverses tenant aux accidents de la vie, à des problèmes de santé, de logement, de mobilité ou des problèmes familiaux. Or le RSA, en rendant l'insertion professionnelle quasi obligatoire, risque ne pas être adapté à la situation spécifique de certains bénéficiaires actuels des minima sociaux.
Et je ne peux m'empêcher de faire le lien entre cette approche et certaines mesures prises par le Gouvernement depuis quelques mois, consistant à déréguler le marché du travail, à mettre en accusation les personnes à la recherche d'un emploi et à créer des outils qui risquent, j'en ai bien peur, de se retourner contre les bénéficiaires de minima sociaux, qui devront se soumettre aux règles de l'offre raisonnable d'emploi.
C'est pour nous un motif d'inquiétude d'autant plus fort que le contexte économique actuel est très difficile. Or, nous le savons par expérience, lorsque la situation économique s'améliore, les bénéficiaires des minima sociaux sont les derniers à en profiter, et lorsqu'elle se dégrade, ils sont les premiers à en souffrir.
C'est justement ce que nous voulons changer !
Le RSA n'est pas un emploi, mais a besoin d'être soutenu par des emplois dans le secteur marchand et dans le secteur non marchand. Et la hausse du chômage, qui durera plusieurs mois selon le ministre du travail lui-même, …
… constitue un facteur de fragilisation et d'inquiétude.
Il est clair, monsieur le haut-commissaire, que la politique du Gouvernement en matière de contrats aidés et de financements est fondamentale si l'on veut éviter que le dispositif manque des moyens nécessaires à son aboutissement.
Des interrogations fortes demeurent. Pourquoi n'avoir pas prolongé l'expérimentation du RSA menée dans certains départements afin d'en tirer de véritables enseignements ? Pourquoi avons-nous autant d'inquiétudes devant les risques d'aggravation de la dérégulation du travail, notamment devant l'augmentation possible du nombre de contrats précaires ? Nous avons commencé à en débattre et nous allons continuer de le faire.
Même si nous sommes attachés à la réussite des politiques d'insertion, il faut rappeler que le RSA ne constitue pas un remède miracle, tant s'en faut. Il est un outil parmi d'autres, et ne trouvera sa pertinence que si les politiques publiques contribuent dans leur ensemble à la lutte contre l'exclusion, qu'il s'agisse de la politique du logement, de la politique de l'emploi, de la politique de l'accompagnement social ou de l'accompagnement dans l'emploi. Malheureusement, nous en sommes loin, comme nous avons pu le constater à travers les éléments préparatoires du projet de loi de finances pour 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je note, monsieur Sirugue, que vous avez largement dépassé votre temps de parole…
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Je fais miennes les réflexions que vient de formuler mon collègue. Le RSA n'est pas un emploi mais une aide sociale. Je crois bon de le répéter car il y a à peine une dizaine de jours, lors de l'examen du projet de loi relatif aux revenus du travail durant la session extraordinaire, un député de l'UMP, pour justifier les modifications éventuelles du calcul du SMIC, soulignait le nombre croissant de smicards et le marquage social puissant dont ils étaient l'objet. Diable ! Si les personnes payées au SMIC sont l'objet d'un marquage social puissant, qu'en sera-t-il des 3 millions à 3,5 millions de bénéficiaires du RSA ?
Une étude menée il y a quelques années par le conseil général d'Ille-et-Vilaine sur les allocataires du RMI ayant retrouvé un emploi montrait que, pour une très large majorité, ils n'avaient eu aucun intérêt financier à le faire. Et Le Monde de cet après-midi rapporte un avis du Conseil d'orientation pour l'emploi allant dans le même sens. Selon cette instance, le RSA ne saurait être un remède miracle, car si l'absence de gain décourage parfois les allocataires du RMI, les obstacles tiennent d'abord et principalement au manque d'emplois disponibles, viennent ensuite la formation ou l'orientation et les obstacles liés à la mobilité ou à la garde des enfants. Bref, l'affirmation selon laquelle des personnes abuseraient du RMI pour des motifs strictement financiers n'est pas fondée, ce qui enlève de leur force aux accusations portées ici ou là.
Certains ont pu refuser tel ou tel emploi parce que les conditions de travail ou de rémunération ne correspondaient pas aux critères d'un travail décent. En ce sens, le RMI a joué sur les conditions de travail le rôle que le SMIC peut jouer sur la rémunération. Mais ma crainte, s'agissant du RSA, c'est que des employeurs, privés ou publics, se sentent exonérés de l'effort nécessaire pour offrir des emplois corrects aux personnes à la recherche d'un emploi relevant de dispositifs tels que le RMI.
Par ailleurs, contrairement à une idée répandue, j'estime que le travail mené en faveur du « I » de RMI n'a pas été un échec.
Vous avez raison, monsieur le président de la commission, il y a eu des réussites là où la situation économique était correcte. Et s'il y a eu des secteurs où le travail des conseils généraux n'a pas été satisfaisant, je suis prêt à vous entendre. Mais si l'insertion n'a pas été à la hauteur des espoirs placés en elle, c'est d'abord et avant tout parce que la crise économique frappe et que le nombre d'emplois est insuffisant. Je tenais à le rappeler, afin que l'on ne se fasse pas d'illusions sur le revenu de solidarité active. Ce n'est pas un emploi, et l'on ne devra pas accuser les personnes sans emploi ne pas en rechercher. Vous savez bien, monsieur le haut-commissaire, que les bénéficiaires de minima sociaux recherchent dans leur très grande majorité un emploi parce que c'est une valeur qui permet l'insertion dans la société.
Madame la présidente, je ne reprendrai pas le débat qui a déjà eu lieu lors de la discussion générale, mais je voudrais répondre sur quelques points.
D'abord, n'ayez pas d'inquiétudes s'agissant de l'ordre de nos débats. Je vous rappelle que ce texte comporte deux réformes en une. Nous avons déjà discuté des outils de la politique d'insertion et du contrat unique d'insertion ; nous en arrivons maintenant au revenu de solidarité active même, sur lequel nous n'avons pas anticipé.
Deuxième remarque extrêmement importante : à la question de savoir si nous sommes en train d'établir une ségrégation entre les personnes en capacité de travailler et d'autres qui ne le seraient pas, la réponse est clairement non. Lisez donc le projet de loi : le RSA « garantit à toute personne, qu'elle soit ou non en capacité de travailler, de disposer d'un revenu minimum et de voir ses ressources augmenter quand les revenus qu'elle tire de son travail s'accroissent. » Nous essayons de concilier l'assurance d'un revenu minimum pour tous et l'espoir d'une augmentation des revenus. Voilà ce que nous allons tenter de mettre en oeuvre ensemble, sans faire du passé table rase, bien au contraire. Le Président de la République l'a lui-même montré en rendant, dans son discours de Laval, le 28 août dernier, un hommage tout à fait justifié à Michel Rocard et en soulignant que le RMI a constitué un progrès.
Personne parmi nous n'a prétendu que le RSA constitue un remède miracle, ne serait-ce que par respect pour les personnes concernées, qui ne croient pas aux miracles en ce domaine. Nous prétendons simplement que demander aux bénéficiaires de minima sociaux de reprendre un travail sans leur garantir que leurs revenus augmenteront pose un problème insurmontable. Nous ne faisons pas l'économie des autres dispositifs, nous apportons des garanties.
M. Rogemont souligne qu'en Ille-et-Vilaine, la moitié des personnes ayant retrouvé un emploi n'y a pas gagné, mais on peut aussi dire que l'autre moitié y a gagné. Reste que certaines personnes perdent de l'argent – ou n'en gagnent pas – en reprenant un emploi.
En concevant il y a trois ans le revenu de solidarité active, en l'expérimentant, en le réalisant aujourd'hui, nous n'avons à aucun moment voulu porter un jugement moral sur les personnes. Si nous portons un jugement moral, c'est sur une société qui accepte que certains soient taxés à 100 % quand ils reprennent un emploi. La meilleure preuve en est la déclaration qu'a faite le Premier ministre à l'issue de sa visite dans le Val-d'Oise où a été expérimenté le RSA : ce ne sont pas les personnes qu'il faut stigmatiser, c'est le système qu'il faut transformer. C'est pour cela que nous sommes devant vous, car il y a urgence, dans une situation économique que nous savons difficile.
Nous aurions souhaité poursuivre les expérimentations, mais nous devons passer à l'acte immédiatement, y compris pour celles et ceux qui touchent le SMIC. Comme vous l'avez dit fort justement, ce sont les plus fragiles qui sont les premiers pénalisés lorsque la conjoncture est difficile. C'est pour éviter que ceux-ci ne soient laissés pour compte que nous mettons les bouchées doubles en généralisant aussi rapidement que possible le RSA afin de lui donner un nouveau souffle. Et ce défi, nous devons le relever avec les conseils généraux.
Nous en venons aux amendements.
Je suis saisie d'un amendement n° 171 .
La parole est à Mme Pascale Crozon.
Monsieur le haut-commissaire, vous conviendrez avec moi que la réforme du RSA doit donner un nouveau souffle aux politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, ce qui nécessite un cadre rénové.
Cette nouvelle philosophie des politiques à conduire doit être reconnue dès les premières dispositions du projet de loi. Tel est l'objet de notre amendement.
La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 171 , mais un avis favorable à l'amendement suivant de M. Muzeau, qui précise que le RSA est un dispositif de lutte contre la pauvreté.
On pourrait considérer que l'amendement n° 171 est satisfait dans la mesure où les articles 1er et 2 reprennent la quasi-totalité de ses termes. Mais nous avons bien compris, à travers les propos préliminaires qui ont été tenus sur l'article 1er, la volonté de certains de dire un certain nombre de choses sur ce dispositif.
Bien entendu, nous sommes d'accord pour dire que le RSA s'inscrit dans la continuité du RMI, lequel a constitué un vrai progrès social, comme je le souligne dans mon rapport écrit. Et si des voix s'élèvent ici où là pour dire le contraire, elles sont très minoritaires. Pour autant, ce dispositif est une vraie révolution sociale, d'une part parce qu'il s'inscrit dans la logique de retour à l'emploi – car l'on gagne toujours plus à reprendre une activité qu'à rester dans un dispositif d'assistanat –, d'autre part parce qu'il concerne surtout les salariés modestes.
La commission n'est pas formellement opposée à l'amendement tel qu'il est rédigé, mais il nous semble que la rédaction du Gouvernement est meilleure au regard de ces deux aspects.
Le Gouvernement est très embarrassé car, s'il aime bien le texte tel qu'il est rédigé, la rédaction proposée par Mme Crozon a l'avantage de ne pas s'y substituer.
Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
Monsieur le haut-commissaire, si l'amendement est adopté, il faudra alors supprimer deux ou trois alinéas ultérieurs du texte qui reprennent la même idée. Peut-être cette rédaction plus ramassée est-elle plus judicieuse.
Dans le souci du dialogue que nous avons engagé depuis le début de l'examen de ce texte, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
En tant que président de la commission des affaires culturelles, j'essaie de suivre les recommandations du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel et de faire en sorte que les textes soient ramassés. Que l'on retienne la rédaction proposée par Mme Crozon ou le texte du Gouvernement, peu importe. Mais n'en rajoutons pas sinon nous aboutissons à un enchevêtrement de dispositions dont tout le monde se plaint sur le terrain, et dont nous sommes, collectivement, les premiers responsables.
En d'autres termes, si l'amendement est adopté, il faudra réduire d'autant certaines phrases d'autres articles.
Monsieur le rapporteur, il nous a paru important de bien définir, dès l'article 1er, ce qu'était le RSA. Par conséquent, on peut éventuellement supprimer d'autres définitions qui interviennent ultérieurement.
Madame Crozon, ne pensez-vous pas que ce problème pourrait être réglé dans le cadre de la navette ?
Non, madame la présidente. Je maintiens l'amendement.
(L'amendement n° 171 est adopté.)
Madame la présidente, je n'ai pas voté contre l'amendement n° 171 pour les raisons que je viens d'évoquer. Cela dit, il faudra supprimer les alinéas 6 à 8 de l'article 1er ainsi que l'alinéa 6 de l'article 2.
Ne votons pas des lois bavardes, car si je comprends l'intention de Mme Crozon de donner de la force aux premiers articles d'un texte – j'avais fait de même lorsque j'avais rapporté un texte sur le logement –, je suis d'accord avec ce que vient de dire le président Méhaignerie.
S'agissant de l'amendement n° 22 , présenté à l'initiative de M. Muzeau, la commission a émis un avis favorable car étendre l'impératif national de lutte contre les exclusions à la lutte contre la pauvreté est un élément fondamental et non une simple précision.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour soutenir l'amendement n° 172 .
Cet amendement ne fait pas que mentionner la notion de pauvreté : il évoque aussi la diversité de la pauvreté.
Depuis que le RMI a été créé, la situation a changé puisque l'on trouve désormais des personnes en situation de grande exclusion, ou encore des personnes qui travaillent mais ne peuvent vivre du revenu de leur travail.
Le Gouvernement est favorable à ces amendements, pour les raisons que viennent d'évoquer le rapporteur et M. Sirugue.
Je reviens un instant sur l'amendement n° 171 . Il ne faudrait pas que, dans l'enthousiasme, on supprime des pans entiers de l'article 1er ! La navette nous permettra d'y voir plus clair.
J'ajoute que l'alinéa qui vient d'être adopté n'est pas codifié, alors que les alinéas 6 à 8 s'inscrivent dans une disposition du code de l'action sociale et des familles issue de la loi de 1998. Vous le verrez, tous ces alinéas seront parfaitement harmonieux.
Le cinquième rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale pour 2007-2008 dresse un constat accablant de la pauvreté en France. Elle concerne environ 7 millions de personnes, ce qui signifie que 12 % de la population française vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Le rapport met également en lumière l'aggravation de la situation des plus pauvres, notamment chez les personnes âgées isolées, les familles monoparentales et les jeunes.
Non seulement la proportion de personnes situées sous le seuil de pauvreté monétaire ne fléchit pas, mais on constate, en outre, une augmentation de l'intensité de la pauvreté. Ainsi, l'écart entre le revenu médian des personnes pauvres et le seuil de pauvreté ne cesse de s'accroître depuis 2002, année noire de votre retour au pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le phénomène massif de pauvreté auquel notre pays est confronté s'accompagne par ailleurs d'un changement de visage : à côté des sans domicile fixe ou des populations marginalisées qui vivent dans des quasi-bidonvilles ou dans un habitat de fortune, une partie des pauvres travaille, mais n'a pas de revenus suffisants pour sortir de la pauvreté.
Ainsi, en 2005, les actifs pauvres étaient 2,5 millions – 1,7 million avaient un emploi et 800 000 étaient chômeurs. 1,7 million de salariés perçoit donc des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, soit 817 euros mensuels pour une personne seule, contre 1,5 million en 2003.
En moyenne, selon l'ONPES, les travailleurs pauvres ont perçu 775 euros par mois au titre de leur activité, soit environ la moitié des revenus d'activité moyens de l'ensemble des travailleurs alors qu'une grande majorité d'entre eux, 78 %, occupent un emploi toute l'année, dont 21 % ayant principalement un emploi à temps partiel. La situation des travailleurs pauvres s'explique principalement, vous le savez monsieur le haut-commissaire, par les conditions de leur emploi – temps partiel subi, précarité imposée, bas salaires.
Avec la précarisation de l'emploi, il ne suffit plus de travailler, de « se lever tôt », pour sortir de la pauvreté. Le phénomène des travailleurs pauvres, d'abord apparu aux États-Unis, se développe aujourd'hui massivement dans notre pays et partout en Europe. La réalité de notre société montre qu'il est possible d'être inséré ou intégré sur le plan professionnel sans échapper pour autant à la pauvreté. La figure du travailleur pauvre est devenue l'une des figures de proue de notre société. Or votre texte semble l'ignorer.
Nos concitoyens démunis sont confrontés à des situations de précarité de plus en plus lourdes dans le domaine des revenus, du logement, de la santé et de la participation à la vie sociale.
Devant cette augmentation du nombre de travailleurs pauvres et de personnes sans domicile fixe, il paraît essentiel de souligner que l'insertion sociale et professionnelle ne doit pas simplement concourir à la lutte contre les exclusions, mais plus généralement à la lutte contre la pauvreté. Il est nécessaire d'appréhender le problème de façon globale, car la question est bien de savoir comment sortir réellement de la pauvreté celles et ceux qui y sont plongés.
Tel est le sens de notre amendement qui a été adopté par la commission et que nous espérons voir adopté à l'unanimité.
(Les amendements identiques nos 22 , 172 et 224 sont adoptés.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisie d'un amendement n° 133 .
La parole est à M. Hervé Mariton.
Depuis le début de la discussion de l'article 1er, j'ai été quelque peu surpris d'entendre plusieurs orateurs mettre l'accent sur la lutte contre la pauvreté, en la dissociant assez nettement de la logique même du projet qui est d'encourager l'activité.
Mon amendement propose que la prestation du RSA soit à durée déterminée, en particulier lorsqu'il n'y a pas de surcroît d'activité. La logique qui sous-tend cet amendement est que le RSA doit être accordé pour une période donnée pour s'assurer qu'à l'issue de cette période l'activité supplémentaire ne vide pas les droits à RSA mais conduise à recalculer son montant.
Soit le RSA est une prestation sans limitation dans le temps, et l'on n'est pas suffisamment dans une logique de reprise d'activité ; soit l'on veut encourager la reprise d'activité, et le RSA doit être une prestation à durée déterminée.
J'espère que cet amendement sera rejeté, car il vise à faire croire que la reprise d'activité ne dépend que des personnes concernées : il y aurait du travail partout mais ces « salauds de pauvres » ne voudraient pas travailler !
La vérité est tout autre : il n'y a pas assez d'emplois en France, et je demande au haut-commissaire de confirmer que le versement du RSA ne doit pas être limité dans le temps. Dans le cas contraire, la notion même de revenu de solidarité active ferait problème.
Il n'est pas possible de laisser accroire, comme le fait M. Mariton, que ces personnes en difficulté feraient exprès de refuser des emplois. Si certaines agissent ainsi, c'est très loin d'être le cas général, et les présidents de conseils généraux sauront prendre les dispositions nécessaires à leur encontre. La fraude doit naturellement être sanctionnée, mais ne fixons pas une durée limitée au versement du RSA. Ce n'est pas ainsi, en tout cas, que je conçois la réinsertion des personnes en difficulté.
J'annonce d'ores et déjà que la commission des finances a rejeté cet amendement, qui nous a cependant donné l'occasion de débattre de questions essentielles. Pourquoi, en effet, n'avons-nous pas proposé que l'allocation soit temporaire ?
Nous avons voulu nous montrer moins sévères que Tony Blair, pour qui mieux vaut un « petit boulot » que pas de boulot du tout. Aucune économie ne fonctionne sans emplois à temps partiel ni à durée déterminée, mais il convient d'en amortir les conséquences en termes de pouvoir d'achat, d'où le RSA. Plus de 4 millions de Français seront concernés alors que le nombre actuel de bénéficiaires du RMI et de l'API s'élève à 1,5 million : cela veut bien dire que le dispositif bénéficiera à beaucoup de salariés modestes occupant des emplois à temps partiel, intérimaires ou à durée déterminée.
Par ailleurs, nous devons tirer les conséquences de l'échec des diverses mesures temporaires précédemment mises en oeuvre pour faciliter le passage du RMI au travail, comme le cumul, limité dans le temps, entre RMI et revenus du travail. À l'expiration du délai, il n'était pas rare que des travailleurs de bonne foi rebasculent vers l'assistanat, car le pouvoir d'achat qu'ils tiraient de leur travail n'était pas plus élevé que lorsqu'ils bénéficiaient du RMI, compte tenu de tout ce dont ils étaient exonérés. Le RSA, n'étant pas limité dans le temps, tend à éviter ces effets pervers.
Enfin, il s'agit de garantir un surcroît de revenu à la personne qui travaille. La commission des finances et celle des affaires sociales ont fait de nombreuses simulations, et aucune n'a donné de situation dans laquelle un salarié ne gagnerait pas à travailler davantage. Même si l'allocation garantit un meilleur pouvoir d'achat, le fait de travailler deux ou trois heures supplémentaires assure à un salarié à temps partiel un accroissement de son pouvoir d'achat.
Naturellement, il faudra vérifier la validité de ces simulations ; aussi nos deux commissions proposeront-elles qu'un rapport d'évaluation soit établi chaque année.
Pour toutes ces raisons, il convient de rejeter l'amendement. Nous devons en premier lieu faire en sorte que le retour à l'activité soit durablement plus rentable que l'assistance. Nous devons aussi répondre aux difficultés que rencontrent beaucoup de travailleurs modestes.
J'ajouterai qu'un problème d'équité se pose. Tout le monde devant percevoir le même revenu à situation de famille égale et quantité de travail égale, on ne peut discriminer les bénéficiaires du RSA en fonction de leur ancienneté dans l'emploi.
Par ailleurs, vouloir limiter le RSA dans le temps est une chose, envisager que le fonds national qui alimentera le RSA diminue en est une autre. Certes, le RSA permettra à un certain nombre de bénéficiaires de revenus d'assistance de retourner vers l'emploi, mais le dispositif prend aussi en compte les travailleurs modestes : il est donc essentiel de mettre en place un fonds pérenne afin que la philosophie du dispositif ne soit pas remise en cause.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Prenons garde à ne caricaturer ni les positions des uns ni celles des autres. M. Mariton vient de poser une question de fond, et nous devons essayer, même si ce n'est pas facile, de trouver un chemin de crête entre angélisme et solidarité.
Si la France occupe en Europe, monsieur Muzeau, un assez bon rang en matière de lutte contre la pauvreté, c'est non pas grâce à l'emploi, mais grâce aux prestations servies.
Les 20 % de revenus les plus faibles sont majorés de 54 % grâce aux prestations, ce qui permet de répondre en grande partie aux problèmes de pauvreté. Reste celui de la précarité des emplois à temps partiel.
En la matière, l'exemple des quinze pays européens montre que des politiques libérales ont pu tout aussi bien réussir que des politiques social-démocrates. Méfions-nous des caricatures !
Par ailleurs, avec des taux de chômage équivalents, certains départements ont bien mieux réussi leur politique d'insertion que d'autres. L'insertion ne dépend pas uniquement du taux de chômage.
Certains départements ont par exemple mieux réussi que d'autres leur politique familiale ou leur politique des transports. Il est ainsi essentiel de décentraliser la politique d'insertion. Les clés de la réussite résident aussi dans la capacité des élus locaux et des associations locales de se mobiliser. Tout ne dépend pas de l'État.
Permettez-moi de formuler une observation sur la nature même du RSA. Le terme de « revenu » n'a pas été choisi par hasard : on parlait déjà de « revenu » minimum d'insertion, sans en avoir sans doute compris à l'époque toute la portée. Comme l'a souligné le haut-commissaire, « vivre de son travail, ce n'est pas dépendre à 100% de son salaire ». Tout en assumant cette réalité, l'amendement tend à ce que le bénéficiaire du RSA ne s'installe pas dans cette situation, et soit toujours incité à trouver un travail supplémentaire. Pour parler clairement, il s'agit même de « désinciter » les allocataires du RSA à ne pas rechercher de travail supplémentaire. Ne soyons pas naïfs !
J'aurais pu formuler mon amendement différemment, en posant le principe de la dégressivité, ce qui aurait permis de répondre à l'intéressante objection du rapporteur pour avis quant aux effets pervers de l'arrêt brutal du versement de l'allocation.
Je regrette que rien n'ait été prévu pour mettre en garde l'allocataire qui ne cherche pas de travail supplémentaire. Le RSA risque ainsi devenir un revenu permanent, ce que le haut-commissaire assume, mais l'on peut ne pas totalement partager son opinion.
Absolument !
Je me réjouis des prises de position des deux rapporteurs car, contrairement au président de la commission, cet amendement me semble caricatural tant il contredit l'esprit du texte, qui vise à inciter une personne à reprendre une activité, tout en tenant compte de l'impossibilité qu'ont certaines, hélas, d'y parvenir.
« Il s'agit de garantir que la pression à la reprise d'activité soit maintenue » peut-on lire dans l'exposé sommaire de cet amendement. Comme si la reprise d'activité dépendait des bénéficiaires du RSA eux-mêmes !
Combien d'entreprises sont vraiment prêtes à jouer le jeu et à faciliter, par exemple, la reprise d'activité de personnes alcooliques ou toxicomanes ?
L'amendement, s'il était adopté, pourrait conduire à stigmatiser les personnes concernées, ce qui serait déplorable et contraire à tout ce qui nous a été dit depuis le début sur ce texte.
Nul ne conteste que le retour à l'emploi soit la première des priorités, mais de là à imaginer que certains se complaisent dans la précarité ! Sans doute y a-t-il des abus, mais les conseils généraux ont les moyens de les sanctionner, comme je l'ai fait moi-même, sans état d'âme, à la tête de mon département.
Ce débat est important et je remercie Laurent Hénart, Marc-Philippe Daubresse et Pierre Méhaignerie d'avoir rappelé les discussions qui se sont tenues en commission.
Je rendrai un avis défavorable à cet amendement, sans pour autant caricaturer la position d'Hervé Mariton. En effet, cette question a été posée dans le livre vert sur le RSA, et les positions, à droite comme à gauche, ont été assez contrastées. Après avoir pris en compte tous les éléments, nous proposons que le RSA ne soit pas limité dans le temps, et tout sera fait pour que l'on en sorte par le haut.
Le revenu de solidarité active – dois-je le rappeler ? – a deux objectifs. Le premier est de garantir à celles et à ceux qui souhaitent reprendre un travail qu'à chaque étape qu'ils franchiront, ou à chaque heure supplémentaire qu'ils effectueront, correspondra une augmentation de leurs revenus comme de leurs droits sociaux, notamment à la retraite. L'incitation, non pas au sens moral, mais matériel du terme, sera donc permanente. Le second objectif est d'être un soutien aux revenus modestes, comme l'est la prime pour l'emploi. La prime pour l'emploi n'a du reste de « prime » que le nom : elle est versée annuellement en fonction de la faiblesse des revenus.
Nous ne nous inscrivons pas dans une idéologie. Nous voulons encourager la reprise d'emploi en permettant le cumul intégral du salaire et du RSA durant les trois premiers mois, puis en instaurant une baisse progressive de 38 euros par tranche supplémentaire de cent euros, ce qui garantit un gain réel de revenu.
Nous assumons ainsi le soutien aux salariés modestes. En effet, c'est une loi d'airain de l'économie que le salaire d'un travailleur ne peut être supérieur à sa productivité. Si celle-ci est faible mais que, pour autant, on refuse qu'il vive dans la misère, il faut lui garantir un « sur-salaire », c'est-à-dire un revenu complémentaire, qui ne saurait cependant être supporté par l'employeur, car cela aurait pour conséquence d'évincer certains de nos concitoyens du marché du travail.
C'est donc à la fois pour respecter l'équilibre du marché du travail, pour soutenir les travailleurs pauvres et pour inciter à la reprise d'emploi que nous instaurons un mécanisme durable et stable mais dont les bénéficiaires doivent avoir pour objectif de sortir. En effet, il s'agit pour la société de les inciter à franchir le seuil de la qualification et du plein-temps afin de voir leurs revenus augmenter. C'est un défi dont nous serons, par la suite, collectivement comptables.
(L'amendement n° 133 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 407 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
L'insertion sociale et le retour à l'emploi étant au coeur du dispositif RSA proposé par le Gouvernement, nous souhaitons que soit mentionné dans ce premier article, qui définit le RSA, l'objectif de l'accès à un emploi durable, au terme de la période d'insertion et grâce à elle. Marquant en effet le succès de la réinsertion, le temps plein, pour peu, bien sûr, qu'il soit choisi, est la condition sine qua non pour que les bénéficiaires du RSA sortent du dispositif.
Dans ce cadre, les démarches personnelles du bénéficiaire employable sont primordiales. Elles participent de sa responsabilisation dans son parcours de réinsertion. Il serait toutefois regrettable et dommageable de dédouaner les entreprises, largement responsables des situations de précarité que connaît un trop grand nombre de nos concitoyens – pour lesquels nous légiférons aujourd'hui.
D'après les études d'Eurostat, le salaire moyen est, en France, inférieur à celui de l'ensemble de la zone euro. En complétant ces salaires trop faibles par un revenu de solidarité, le Gouvernement encourage les employeurs à offrir de bas niveaux de rémunération augmentés par la collectivité. Ce risque a été pointé par Valérie Létard, aujourd'hui secrétaire d'État chargée de la solidarité, mais alors sénateur, dans le rapport d'information n° 334 qu'elle remit au Sénat le 11 mai 2005 : « Le principal défaut du RSA réside dans l'encouragement implicite au temps très partiel que ces mesures prodiguent. Le soutien très important apporté par ces dispositifs dès les premières heures d'activité fait en effet craindre des pressions à la baisse sur les salaires et un renforcement du recours par les entreprises à des emplois à temps partiel ou à des emplois temporaires. » Mme Létard le pense-t-elle toujours alors qu'elle est devenue secrétaire d'État ? Je n'en sais rien : il y a longtemps que je ne l'ai pas vue... (Sourires.)
Pour les entreprises qui n'ont aucun scrupule à transférer à la collectivité nationale, au nom de la solidarité, les conséquences sociales et financières de leurs actes, le RSA est une aubaine. En effet, si le nouveau dispositif a, certes, vocation à améliorer la situation des travailleurs les plus démunis, il consiste également à prendre acte de la dégradation des conditions d'emploi au cours des dernières décennies. Nous verrons à l'usage si le dispositif améliorera les conditions faites aux parents isolés, aux travailleurs précaires de la grande distribution, aux salariés en situation de sous-emploi ou aux femmes qui se trouvent souvent, trop souvent, même, dans l'incapacité de faire assurer la garde de leurs enfants ou qui se voient proposer des emplois à temps fractionné, impossibles à assumer.
Nous pensons que le RSA incitera inévitablement ses allocataires inscrits sur les listes des demandeurs d'emploi, et qui seront soumis aux mêmes contraintes que les autres, notamment à celle de la radiation en cas de refus de deux « offres raisonnables d'emploi », à reprendre n'importe quel emploi, même sous-payé, précaire ou à temps très partiel. Nous craignons que le RSA, tel que nous l'examinons, n'aggrave encore ces situations de précarité inacceptables.
Contrairement à ce que laissent trop souvent entendre les discours stigmatisants, les publics visés par le RSA ne sont responsables ni de l'état ni, surtout, de l'évolution du marché du travail.
En effet, alors que le processus de reprise d'un emploi met en cause non seulement le travailleur – c'est une évidence –, mais également l'employeur, ce texte ne prévoit aucune obligation pour celui-ci. Or quel intérêt auront les entreprises à transformer un temps partiel ou très partiel en emploi à temps plein puisque l'État complétera les trop bas revenus de leurs travailleurs précaires ou sous-employés ?
La feuille de route du Grenelle de l'insertion affirmait que les entreprises devaient s'engager à « faire évoluer les pratiques de recrutement ». Nous déplorons que cet attendu n'ait pas été repris par ce texte : sans doute le Gouvernement a-t-il encore une fois cédé aux pressions du MEDEF. Il est vrai que la solidarité n'est pas la spécialité du patronat et qu'il n'est pas dans l'intérêt de celui-ci de se priver d'une main-d'oeuvre servile.
C'est la raison pour laquelle, afin de satisfaire aux grands objectifs du texte, notamment la lutte contre la pauvreté au travail, il est indispensable de prévoir la responsabilisation des entreprises dans la mise en place du nouveau dispositif et d'affirmer que l'insertion sociale et professionnelle durable des bénéficiaires passe par un emploi durable à temps plein.
Tel est l'objet de l'amendement n° 407 .
Défavorable.
Monsieur Muzeau, vos propos me font penser au texte d'un tract électoral d'un ministre que j'ai bien connu – il s'agissait des élections municipales – : « Un emploi pour tous, du travail pour chacun ».
Il siégeait plutôt de l'autre côté de l'hémicycle !
Nous souhaitons évidemment que le RSA conduise à terme à un emploi à temps plein. La preuve en est que je n'ai pas sous-estimé le problème du temps partiel : il suffit de vous reporter à la page 10 de mon rapport. Or, selon une étude de la DARES de 2007, 32 % des personnes travaillant à temps partiel ne souhaitent pas passer à un travail à temps plein, même si on le leur proposait. Le temps partiel n'est donc pas que subi ! Il est également choisi pour des raisons notamment familiales.
Il n'est pas minoritaire si j'en crois l'étude de la DARES de 2007.
Votre amendement n'est donc pas acceptable en l'état, même s'il est vrai que nous poserons, au cours du débat, le problème du travail à temps partiel et celui des risques d'effets de seuil, inhérents à tout dispositif mis en oeuvre.
Défavorable.
Je soulignerai tout d'abord que les programmes expérimentaux du RSA n'ont permis d'observer aucune augmentation ni du temps partiel ni de la précarité. L'augmentation du temps partiel n'a donc rien d'inéluctable. Quant à l'affirmation selon laquelle le RSA serait facteur de précarisation, elle est, à l'heure actuelle, purement virtuelle.
Je rappellerai ensuite que l'Assemblée a déjà adopté l'amendement n° 171 à l'article 1er, dont la rédaction fixe parfaitement les objectifs du revenu de solidarité active, puisqu'il prévoit que le RSA a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, afin de lutter contre la pauvreté, d'encourager l'exercice ou le retour à une activité professionnelle et d'aider à l'insertion sociale des bénéficiaires. Cet amendement me semble donc d'autant plus suffisant qu'on nous a reproché précédemment d'en rajouter !
C'est la raison pour laquelle, tout en croyant assurément à l'objectif du plein-emploi et du temps complet, je ne pense pas qu'il faille inscrire un objectif supplémentaire.
(L'amendement n° 407 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma