Deuxième remarque extrêmement importante : à la question de savoir si nous sommes en train d'établir une ségrégation entre les personnes en capacité de travailler et d'autres qui ne le seraient pas, la réponse est clairement non. Lisez donc le projet de loi : le RSA « garantit à toute personne, qu'elle soit ou non en capacité de travailler, de disposer d'un revenu minimum et de voir ses ressources augmenter quand les revenus qu'elle tire de son travail s'accroissent. » Nous essayons de concilier l'assurance d'un revenu minimum pour tous et l'espoir d'une augmentation des revenus. Voilà ce que nous allons tenter de mettre en oeuvre ensemble, sans faire du passé table rase, bien au contraire. Le Président de la République l'a lui-même montré en rendant, dans son discours de Laval, le 28 août dernier, un hommage tout à fait justifié à Michel Rocard et en soulignant que le RMI a constitué un progrès.
Personne parmi nous n'a prétendu que le RSA constitue un remède miracle, ne serait-ce que par respect pour les personnes concernées, qui ne croient pas aux miracles en ce domaine. Nous prétendons simplement que demander aux bénéficiaires de minima sociaux de reprendre un travail sans leur garantir que leurs revenus augmenteront pose un problème insurmontable. Nous ne faisons pas l'économie des autres dispositifs, nous apportons des garanties.
M. Rogemont souligne qu'en Ille-et-Vilaine, la moitié des personnes ayant retrouvé un emploi n'y a pas gagné, mais on peut aussi dire que l'autre moitié y a gagné. Reste que certaines personnes perdent de l'argent – ou n'en gagnent pas – en reprenant un emploi.
En concevant il y a trois ans le revenu de solidarité active, en l'expérimentant, en le réalisant aujourd'hui, nous n'avons à aucun moment voulu porter un jugement moral sur les personnes. Si nous portons un jugement moral, c'est sur une société qui accepte que certains soient taxés à 100 % quand ils reprennent un emploi. La meilleure preuve en est la déclaration qu'a faite le Premier ministre à l'issue de sa visite dans le Val-d'Oise où a été expérimenté le RSA : ce ne sont pas les personnes qu'il faut stigmatiser, c'est le système qu'il faut transformer. C'est pour cela que nous sommes devant vous, car il y a urgence, dans une situation économique que nous savons difficile.
Nous aurions souhaité poursuivre les expérimentations, mais nous devons passer à l'acte immédiatement, y compris pour celles et ceux qui touchent le SMIC. Comme vous l'avez dit fort justement, ce sont les plus fragiles qui sont les premiers pénalisés lorsque la conjoncture est difficile. C'est pour éviter que ceux-ci ne soient laissés pour compte que nous mettons les bouchées doubles en généralisant aussi rapidement que possible le RSA afin de lui donner un nouveau souffle. Et ce défi, nous devons le relever avec les conseils généraux.