La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers (n°s 1728,1901).
La parole est à Mme Chantal Brunel, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l'industrie, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, à l'heure où, selon une enquête commandée par la CGPME, 78 % des responsables de PME s'estiment victimes d'un durcissement du crédit, où de nombreuses PME déposent leur bilan faute de ressources disponibles, cette proposition de loi, qui nous est soumise en deuxième lecture après son examen par le Sénat, est plus que jamais d'actualité.
L'application immédiate des mesures qu'elle comporte est urgente pour deux raisons. Première raison, les banques ne font pas leur travail : elles ne prêtent pas assez, ou elles prêtent aux entreprises qui n'en ont pas besoin, comme l'ont dit à maintes reprises, et encore mardi dernier, le Président de la République et le Gouvernement, ainsi que Jean-Claude Trichet le 7 août dernier. Le gouverneur de la Banque de France, M. Christian Noyer, a de nouveau demandé aux banques, il y a quelques jours, de respecter leurs engagements en matière de crédits, soulignant que l'accès au financement est « absolument capital pour assurer la reprise économique ». La Banque de France a également confirmé le spectaculaire ralentissement des crédits de trésorerie aux entreprises dont le volume a baissé de 10,8 % depuis juillet 2008. Or, restreindre les crédits de trésorerie, c'est mettre en danger l'entreprise.
Cette restriction est d'autant plus déplorable que les banques ont bénéficié des 360 milliards d'euros de garantie apportés par l'État pour préserver leur solvabilité et leur liquidité et qu'elles n'ont pas respecté leur engagement d'augmenter les encours de crédit de 3 à 4 %. Ce sont des milliers de PME qui voient leur action paralysée par ce manque de ressources.
La deuxième raison est le ralentissement de l'activité des PME en juillet et août, du fait des vacances. La moindre facturation entraînera des problèmes de trésorerie en octobre et novembre, auxquels il faudra faire face.
Il y a donc urgence. Le désengagement des banques et des sociétés d'assurance doit être encadré afin de permettre aux entreprises de gérer cette période délicate. Nous avons récemment appris que les défaillances d'entreprises sont en hausse de 18 % en juillet 2009 par rapport à juillet 2008.
Je rappelle que l'objectif principal de ce texte est de restaurer la confiance des chefs d'entreprises, en particulier des PME, en assurant une plus grande transparence de leurs relations avec les prêteurs et un meilleur fléchage des investissements. Il s'agit aussi de favoriser la diversité des sources de financement des PME.
Au Sénat, le rapporteur général, Philippe Marini, a rapporté ce texte, ce qui témoigne de l'importance des mesures que nous avions adoptées. Le texte qui nous a été transmis s'est enrichi d'un certain nombre de dispositions.
Je rappelle tout d'abord que six articles ont été adoptés conformes par le Sénat. Il s'agit de modifications du code de commerce, du code monétaire et financier ainsi que du code des assurances, qui introduisent la motivation de la notation bancaire des entreprises, la publication par la Banque de France de statistiques sur les crédits consentis aux PME et aux jeunes entreprises, la motivation de la décision de retrait de garantie par les assureurs-crédit, la dispense de rapport de gestion pour les petites sociétés, l'encadrement des dates de valeur des opérations de paiement par chèque. Ces dispositions, adoptées conformes, sont au coeur de ma proposition de loi et je souligne combien leur entrée en vigueur rapide est souhaitable.
Cinq articles ont été précisés par le Sénat. La commission des finances a approuvé ces précisions, dont je vais vous présenter rapidement les principales.
L'article 3 prévoit la publication par l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles d'un rapport sur les placements des organismes d'assurance concourant au financement des PME. Le Sénat a proposé que le rapport distingue la part respective des actifs alloués au financement des PME cotées et des PME non cotées. L'article 3 bis concerne les sanctions encourues par les banques qui ne respectent pas les conditions légales d'emploi des fonds collectés sur les livrets A et les livrets de développement durable non centralisés à la Caisse des dépôts et consignations. La sanction a été certes allégée, mais également adaptée à la finalité du dispositif. Si une banque ne respecte pas, pendant un trimestre, la règle d'emploi de ces fonds, la sanction consistera en la recentralisation des fonds pendant un trimestre à la Caisse des dépôts et la rémunération de ces fonds sera, bien sûr, suspendue.
Trois articles permettent de mettre en oeuvre le transfert simplifié des PME cotées d'Euronext vers le marché non réglementé Alternext. Les conditions de cotation à Euronext sont effectivement très complexes et ne permettaient pas aux PME de faire appel plus facilement au marché. Le Sénat a précisé que ce transfert était réservé aux sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à 1 milliard d'euros, ce qui paraît toutefois évident car, au-delà, il ne s'agit plus vraiment de PME… A été également posé le principe d'une obligation préalable d'information du public, ce qui est une bonne chose, une résolution de l'assemblée générale devant statuer sur toute demande d'admission à Alternext.
Le Sénat a introduit huit nouveaux articles. Les questions nouvellement traitées sont diverses. Elles touchent néanmoins toutes au financement de nos entreprises.
Nous procéderons d'abord, avec l'article 6 sexies A, à la ratification de trois ordonnances. La première ordonnance, en date du 23 octobre 2008, favorise la gestion alternative, qui, je le rappelle, est réservée aux investisseurs qualifiés et avertis, et la distribution à l'étranger des OPCVM. La deuxième ordonnance, en date du 30 janvier 2009, facilite la pratique des contrats de liquidité – achat et vente d'actions sur le marché. Elle étend le régime de déclarations de franchissement de seuil à certains produits financiers dérivés et renforce l'information contenue dans les déclarations d'intention des actionnaires, notamment lorsqu'ils cherchent à prendre le contrôle d'une entreprise. La troisième ordonnance, également en date du 30 janvier 2009, améliore le régime des fonds fermés et des SICAF – sociétés d'investissement à capital fixe –, qui demeurent jusqu'à présent peu utilisées en France.
Par ailleurs, l'article 6 sexies B modifie le code civil pour permettre l'émission sur la place de Paris de produits compatibles avec les principes éthiques musulmans. Nous reviendrons certainement sur cette disposition qui a suscité le dépôt de deux amendements. J'en dirai cependant quelques mots dès à présent. La finance dite islamique a connu un développement exceptionnel, correspondant à l'envolée du prix du pétrole. Les spécialistes considèrent que ces capitaux s'élèvent aujourd'hui à 700 milliards de dollars et qu'ils devraient s'élever à 1 300 milliards à l'horizon 2020. Le haut comité de place de Paris, après une période d'expertise, s'est prononcé en faveur de l'adoption de quelques mesures qui permettront à nos banques de proposer des vecteurs d'investissement conformes aux principes éthiques du droit musulman. Il s'agit ici d'adapter le régime de la fiducie afin de permettre l'émission de sukuk. Il est intéressant de noter que ce type de produit financier est principalement coté à Londres – 16 sukuk y représentent un encours total d'environ 11 milliards de dollars –, mais également en Suisse, au Luxembourg – 6 milliards d'euros –, en Autriche, en Irlande et en Allemagne. Je tiens juste à souligner que la France ne serait pas le premier pays à prendre de telles dispositions.
Au demeurant, cette modification de la fiducie est tout à fait conforme aux principes traditionnels du droit civil français.
L'un des fondements de la finance islamique, à savoir l'interdiction du prêt avec intérêt, a été longtemps un principe de notre civilisation chrétienne. Selon moi, créer, dans notre boîte à outils en faveur de l'investissement, un nouvel instrument ne remet pas en cause les valeurs de notre République.
Je sais que nous aurons un long débat sur ce sujet, et que nous entendrons d'autres arguments.
Nous adopterons aussi une simplification de la procédure de mise en conformité des plans d'épargne interentreprises avec les nouvelles dispositions législatives ou réglementaires ; c'est l'article 6 septies.
L'article 6 ter A a pour objet de permettre le déploiement du régime de l'auto-entrepreneur dans les départements d'outre-mer. Il prévoit l'application de taux adaptés aux entreprises ultramarines créées avant le 1er mai 2009. Il s'agit donc de mettre en place des taux spécifiques de cotisations sociales qui tiennent compte des régimes d'exonération existants. Sans cet article, les entreprises créées antérieurement au 1er mai 2009 n'auraient pas intérêt à entrer dans le régime de l'auto-entrepreneur en raison du caractère dissuasif des taux applicables en métropole. Les taux adaptés, qui seront définis par décret, ont d'ores et déjà été déterminés de manière que la mesure ne coûte pas un euro aux finances publiques.
L'article 6 ter B apporte une précision nécessaire concernant le traitement comptable de l'écart de valorisation qui peut exister lors de la cession d'une société par rachat de ses salariés, lorsque ce rachat passe par la création d'une société coopérative ouvrière de production.
L'article 6 sexies AA restaure une égalité de traitement entre les experts-comptables et les autres professions juridiques en les exonérant de l'obligation de déclaration de soupçon à TRACFIN dans le cadre de leurs activités de conseil juridique. Un amendement a été déposé et nous aurons bien sûr un débat sur ce sujet.
L'article 6 octies, adopté au Sénat à l'initiative du Gouvernement, met en oeuvre l'engagement pris la France d'augmenter les ressources du FMI pour aider les pays confrontés à la crise. Il permettra le déploiement du prêt bilatéral de 11,06 milliards d'euros que la France s'est engagée à accorder. Il s'agit de participer à l'effort de solidarité internationale demandé par Dominique Strauss-Kahn lors du sommet du G20 à Londres en avril dernier. L'adoption de ce texte est doublement urgente : d'une part, le FMI a besoin de pouvoir appeler rapidement ces fonds pour préserver sa capacité à décaisser les prêts qu'il attribue aux pays en difficulté ; d'autre part, s'agissant de la crédibilité internationale de notre pays, il est essentiel que, lors du sommet de Pittsburgh les 24 et 25 septembre, le Président de la République puisse confirmer que la France a traduit en actes les engagements pris à Londres.
Sur le plan technique, cette ligne de crédit ne présentera aucun impact pour le budget ou la trésorerie de l'État.
Enfin, à l'initiative du Gouvernement et conformément aux engagements pris devant notre assemblée, la proposition de loi sera étendue et adaptée aux collectivités d'outremer. C'est l'objet de l'article 8.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, les nombreuses dispositions de la proposition initiale ont été enrichies. Les nouvelles dispositions sont toutes importantes, et très attendues par les entreprises et, plus généralement, par les acteurs économiques. C'est pourquoi il me paraît très important de procéder à une adoption conforme de l'ensemble du texte, afin qu'il puisse être mis en vigueur dans les meilleurs délais. Bien sûr, on peut refaire des amendements, améliorer encore les articles, mais c'est oublier que des milliers de PME attendent dans l'urgence l'application de ces dispositions.
Comme le disait le maréchal Foch, « réaliser, c'est s'astreindre à des solutions imparfaites ». Nous avons peut-être un texte qui n'est pas parfait, mais nous avons besoin d'appliquer ces mesures. Il faut que le temps législatif s'adapte aux réalités économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs, permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence d'Hervé Novelli, qui est à Bourges pour représenter le Gouvernement lors de l'ouverture du congrès annuel du conseil national des économies régionales – une participation prévue de longue date.
Nous sommes dans le cadre de l'une des toutes premières applications de la réforme de la procédure parlementaire. Ce texte, qui répond pleinement, dans le contexte actuel, aux difficultés que connaissent nos PME, démontre le rôle important que peut jouer le Parlement pour obtenir des avancées significatives au bénéfice de notre économie.
La proposition de loi soumise à votre examen a été votée à l'Assemblée nationale le 18 mars 2009 à l'initiative de Chantal Brunel et du groupe UMP.
Modifiée en première lecture par le Sénat le 9 juin dernier, elle concrétise la volonté des parlementaires d'assurer un financement suffisant pour les PME, dans le contexte économique difficile que traverse notre pays. À cet égard, le ministre en charge de l'industrie que je suis ne boude pas son plaisir de représenter le Gouvernement, dans la mesure où les PME sont parmi les entreprises les plus affectées.
La crise, au départ financière, s'est propagée à l'économie réelle et, bien que, selon l'OCDE et le FMI, la situation économique mondiale montre de premiers signes d'amélioration, le soutien aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire reste nécessaire. Nous savons en effet que ces entreprises ne bénéficient de la reprise qu'avec retard. Certes, les chiffres sont un peu plus optimistes depuis la fin du mois d'août dernier, mais c'est davantage du fait de politiques de déstockage que de la relance de la production et, en cas de déstockage, ce sont souvent les PME qui se trouvent en difficulté les premières.
Il est donc crucial de protéger nos PME et nos ETI afin de leur permettre de franchir le cap de la crise et de disposer des moyens nécessaires pour investir, afin qu'elles tirent plein profit de la reprise économique lorsqu'elle se concrétisera.
Dans le même temps, le financement de nos PME doit être assuré en veillant à une plus grande transparence des opérations bancaires ainsi qu'à la diversité des sources de financement.
La proposition de loi s'inscrit donc pleinement dans la continuité des plans déjà lancés par le Gouvernement pour répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises dans l'accès au crédit.
Ce texte est enrichi des modifications que vous avez souhaité lui apporter lors de votre première lecture de même que celles apportées par le Sénat.
Il reflète aujourd'hui, je le crois, un bon équilibre car il a bénéficié d'une coopération constructive entre les deux assemblées et le Gouvernement.
Ses objectifs sont clairs : le soutien au crédit pour les PME, la transparence sur l'octroi de ces crédits et, enfin, l'amélioration et la simplification de l'environnement et des modes de financement des PME.
Permettez-moi de rappeler l'action du Gouvernement en faveur du financement des PME.
Dans le contexte de crise financière et économique actuel, le financement des entreprises doit être au coeur de nos préoccupations. Ce souci est d'ailleurs partagé par l'ensemble des pays européens, confrontés, comme nous, aux mêmes problématiques.
Dès le 13 septembre 2008, l'ensemble des pays européens ont demandé à la Banque européenne d'investissement de s'engager davantage en faveur du financement des PME. Les résultats sont là : la BEI a accordé 1,8 milliard d'euros de prêts à des PME françaises en 2008 et, au total, 8,5 milliards d'euros à des PME européennes, ce qui représente une augmentation de 60 % par rapport à 2007.
Au niveau national, nous sommes allés plus loin avec le plan de soutien au financement des PME mis en place le 2 octobre et avec le plan de relance annoncé le 4 décembre dernier par le Président de la République.
Tout d'abord, 17 milliards d'euros de liquidités, prélevés sur les ressources excédentaires du livret de développement durable et du livret d'épargne populaire, ont été rendus disponibles aux banques afin de financer les entreprises, dans une logique « donnant-donnant ».
Ensuite l'intervention d'OSEO au bénéfice du financement des entreprises a été renforcée.
Depuis le début de la crise, Christine Lagarde et moi-même nous sommes efforcés d'abord de rendre les outils d'OSEO disponibles au plus vite et, ensuite, de suivre très précisément et très régulièrement leur mise en oeuvre.
Parmi ces outils, on peut souligner la possibilité, ouverte par le plan de relance, d'une intervention d'OSEO au profit des entreprises de taille intermédiaire indépendantes, intervention garantie à hauteur d'un milliard d'euros.
Tous ces outils ont fait la preuve de leur efficacité.
Le bilan, à la fin du mois d'août 2009, ce sont 18 000 entreprises, représentant 200 000 emplois, qui ont fait l'objet d'un accompagnement par OSEO : 12 000 entreprises ont renforcé leur trésorerie pour un montant total de 2,5 milliards d'euros grâce à la garantie apportée par OSEO ; 6 000 entreprises ont financé leurs projets d'investissement pour un montant total de 2 milliards d'euros : un milliard sous la forme d'un financement direct en provenance d'OSEO et un autre milliard sous la forme d'une garantie apportée par ce même organisme.
Le dispositif OSEO est donc parfaitement opérationnel, et pleinement en mesure d'aider les entreprises à trouver les financements nécessaires à la poursuite de leur activité et de leur développement.
Enfin, le Président de la République vient d'annoncer la création du fonds de consolidation du financement des PME, doté de 200 millions d'euros par le Fonds stratégique d'investissement, les banques et les assureurs.
Avec Christine Lagarde et Hervé Novelli, nous ferons des propositions d'ici à la fin du mois afin de créer un guichet public de soutien aux fonds propres des entreprises petites et moyennes.
Par ailleurs, vous le savez, dans le cadre du plan de soutien au financement de l'économie, les banques sont tenues de nous communiquer leur activité de crédit aux entreprises.
Que nous apprennent ces chiffres ? Entre juin 2008 et juin 2009, les encours aux TPE et PME n'ont progressé que de 1,2 %. La forte décélération que nous redoutions s'est bien produite puisque la tendance, avant la crise, était celle d'une croissance annuelle supérieure à 10 %.
Dans ce contexte délicat, nous avons voulu que toute entreprise ayant des difficultés de financement puisse trouver un appui. C'est ainsi qu'un médiateur du crédit a été nommé, afin de trouver au cas par cas des solutions pour assurer la continuité du plus grand nombre possible d'entreprises rencontrant des difficultés de financement. Son activité s'appuie au niveau départemental sur le réseau de la Banque de France. À la fin du mois d'août, 13 000 dossiers ont été acceptés en médiation. Une solution a pu être trouvée dans 65 % des cas, soit 7 000 entreprises représentant 145 000 emplois, pour des financements totalisant plus de 1,4 milliard d'euros de crédit.
Nous avons également mis en place, dans le cadre du plan de relance, de nombreuses mesures pour améliorer la trésorerie des PME : mensualisation des remboursements de crédits de TVA, remboursement accéléré des créances au titre du crédit d'impôt recherche, délais de paiement pour les créances sociales, remises de pénalités.
La proposition de loi comporte un certain nombre d'avancées notables en faveur des PME. Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé face à la question du financement des PME, et en particulier à la question du crédit bancaire.
Pour autant, cela ne signifie pas que nous ne puissions pas faire plus, en particulier pour tout ce qui concerne la transparence et la simplification. La proposition de loi comporte ainsi des avancées complémentaires en faveur des PME, que je crois très utiles.
Je citerai trois orientations. Il s'agit tout d'abord d'assurer une plus grande transparence dans les relations contractuelles entre les entreprises et les établissements de crédit, d'une part, et les assureurs-crédit, d'autre part.
La proposition de loi permettra aux entreprises de connaître les raisons de la réduction ou de l'interruption d'un concours bancaire à durée indéterminée par un établissement de crédit. Elle leur permettra également de recevoir des explications sur les éléments ayant conduit aux décisions de notation les concernant.
En outre, l'assureur-crédit devra désormais motiver sa décision de coupure de garantie, ce qui devrait permettre d'améliorer la compréhension des décisions prises à l'égard des assurés.
Lors de la réunion présidée par le Premier ministre le 12 mai dernier en présence de Christine Lagarde et d'Hervé Novelli, les assureurs-crédit se sont engagés, en complément, à accorder un délai de préavis d'un mois en cas de coupure et à mettre gratuitement à disposition des entreprises clientes de leurs assurés la notation et l'encours global garanti les concernant.
La proposition de loi favorise également le suivi régulier des encours de crédits bancaires consentis aux PME, en prévoyant que la Banque de France publiera sur une base trimestrielle les encours de crédit aux PME et aux jeunes entreprises. Cette publication est destinée à prendre le relais du suivi des encours des établissements adhérents à la Société de financement de l'économie française – la SFEF. Le dispositif ainsi conçu garantira la fiabilité et la comparabilité dans le temps des données publiées.
Un amendement voté par votre assemblée en première lecture prévoit par ailleurs une publication consolidée des informations sur l'investissement des assureurs dans les PME. L'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles recueillera les données et rédigera un rapport annuel. Sur ce point, le Sénat a modifié le texte afin que le rapport précise la part spécifiquement investie dans le « non-coté », ce qui me semble tout à fait pertinent.
Par ailleurs, la proposition de loi envisage un certain nombre de mesures de simplification des procédures pour les PME. Il s'agit notamment de prévoir pour les PME cotées sur le marché réglementé Euronext une procédure de transfert vers le marché non réglementé Alternext.
Le Sénat a souhaité, à juste titre, réserver cette possibilité aux sociétés cotées dont la capitalisation boursière est inférieure à un milliard d'euros, afin d'éviter que les sociétés les plus importantes cotées sur Euronext cherchent à rejoindre Alternext pour bénéficier des exigences simplifiées en vigueur sur ce marché.
Ces dispositions permettront aux PME de choisir une cotation qui, tout en restant encadrée, sera moins coûteuse, et de continuer à se financer sur le marché.
De plus, le texte qui vous est soumis constitue un bon équilibre concernant les sanctions prévues en cas de non-respect de l'obligation de financer les PME à l'aide des ressources collectées par les banques au travers du livret A et du livret de développement durable.
Il est essentiel que les banques jouent le jeu, en particulier dans la période économique difficile que nous traversons, et utilisent conformément à la loi les encours qui sont laissés à leur bilan.
Les données détaillées transmises par les banques et relatives aux deux premiers trimestres 2009 sont, de ce point de vue, rassurantes : il semble que les banques remplissent cette obligation et que l'ensemble des établissements de crédit consacrent globalement le double des sommes qui leur sont confiées au financement des PME et des travaux d'économie d'énergie.
Nous devons toutefois faire preuve d'une diligence particulière, compte tenu de l'enjeu pour nos PME et notre économie. Le texte qui vous est soumis me semble trouver le bon équilibre : en cas de manquement à l'obligation d'utiliser les ressources du livret A et du livret de développement durable pour financer les PME, une double sanction, suffisamment dissuasive, sera appliquée, par la recentralisation des ressources et la non-rémunération de ces ressources recentralisées.
Le Sénat a également enrichi la proposition de loi de plusieurs dispositions concernant les marchés financiers. Je sais que certaines de ces propositions ont suscité des interrogations de la part de plusieurs parlementaires en commission des finances, et je souhaiterais répondre ici à ces interrogations de la façon la plus claire possible.
La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui apporte des améliorations significatives dans trois domaines : l'auto-entrepreneur outre-mer, l'utilisation de la fiducie, les engagements vis-à-vis du FMI.
Le régime de l'auto-entrepreneur est adapté au droit applicable dans les départements d'outre-mer. Ce régime suscite un véritable engouement : plus de 178 000 personnes physiques se sont déclarées à la date du 31 juillet.
Il limite à l'extrême les formalités en matière de déclaration et de paiement des charges, ainsi que les coûts liés à la création d'entreprise. Il est donc important qu'il puisse s'appliquer à toutes les entreprises individuelles, existantes ou nouvellement créées, dans les départements d'outre-mer.
L'amendement adopté au Sénat a pour objet de permettre l'application de taux adaptés aux micro-entreprises ultramarines créées avant le 1er mai 2009. Ces taux seront ceux applicables aux entreprises créées dans les départements d'outre-mer à compter de cette date. Ils correspondent au niveau de charges à payer après intégration de l'exonération existante dans les départements d'outre-mer, tout en étant neutre – je dis bien « neutre » – en termes d'impact financier pour le régime social des indépendants. Cette mesure est donc neutre pour les finances publiques.
Le dispositif de fiducie est également perfectionné. Permettez-moi de le dire ici de la façon la plus claire : cette disposition issue des débats au Sénat est parfaitement conforme aux principes traditionnels du droit civil français. II suffît d'ailleurs de la lire pour le constater.
L'introduction de la fiducie en droit français en 2007 constitue une innovation importante de notre droit, qui dispose ainsi d'un outil concurrent du trust de droit anglais tout en assurant un contrôle strict de son fonctionnement.
L'attractivité du droit français en est sortie renforcée. Cependant, la fiducie demeure encore peu utilisée en France : l'amendement complète donc le dispositif existant afin d'en accroître la sécurité juridique pour les bénéficiaires, en reconnaissant l'existence d'un droit sur les actifs au profit du bénéficiaire, selon les stipulations prévues par le contrat de fiducie.
L'amendement autorisera l'utilisation de la fiducie pour certains types de financement et incitera à recourir à la fiducie du droit français pour des opérations qui, jusqu'à ce jour, recouraient exclusivement au régime du trust, issu du droit anglais.
La fiducie pourra être ainsi utilisée pour certaines opérations d'émission d'obligations pour lesquelles les investisseurs demandent à se conformer aux principes juridiques généralement appliqués dans les pays du Proche et du Moyen-Orient qui requièrent un droit sur les actifs.
Que les choses soient claires : il n'est pas question de renier les principes de notre droit pour nous mettre en conformité avec quelque principe religieux ou culturel que ce soit. Mais, inversement, je ne vois pas au nom de quoi on refuserait d'accueillir certains types de financement pour ce seul motif.
Enfin, le Sénat a introduit une disposition concernant le FMI. Au-delà même du financement des PME, la promulgation de cette proposition de loi est urgente pour tenir nos engagements vis-à-vis du Fonds.
En effet, comme vous le savez, les chefs d'État et de gouvernement se sont engagés le 2 avril 2009, à Londres, à augmenter jusqu'à 500 milliards de dollars les ressources du Fonds monétaire international. Afin de donner corps solidairement à leurs contributions, les États membres de l'Union européenne ont pris l'engagement, lors du Conseil européen des 19 et 20 mars 2009, de contribuer à l'augmentation immédiate des ressources du Fonds ; il s'agit de mettre à disposition de celui-ci un montant cumulé de 75 milliards d'euros, ce qui représente pour la France une contribution de 11,06 milliards d'euros, dont le FMI sera garant. Cette contribution est autorisée par un amendement inséré par le Sénat dans cette proposition de loi.
Elle doit être autorisée dans les meilleurs délais, afin de mettre effectivement à disposition du FMI les ressources supplémentaires dont il a besoin pour répondre efficacement à la crise actuelle.
Mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi contient un ensemble de dispositions favorables au financement des PME et à leur accès aux marchés financiers. Le Gouvernement est pleinement favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La discussion en deuxième lecture du texte de cette proposition de loi intervient alors que, selon Mme Laurence Parisot elle-même, 70 000 PME sont aujourd'hui menacées faute de crédit.
Face au constat des difficultés récurrentes des petites et moyennes entreprises dans leur relation avec les établissements bancaires, difficultés qui se sont encore aggravées avec la crise, nous ne pouvons qu'accueillir favorablement l'intention d'un texte visant à favoriser l'accès de ces dernières au crédit. Nous sommes malgré tout tentés de dire que le dépôt de cette proposition de loi par nos collègues de la majorité sonne comme un aveu : celui de l'échec de longue date de la politique gouvernementale en la matière.
Cela fait plusieurs années en effet que nous dénonçons et regrettons l'absence de toute action d'ampleur en direction des petites et moyennes entreprises. Les difficultés que celles-ci rencontrent ne sont pas nées subitement avec la crise financière. Elles ont notamment pour origine le comportement des banques. Or, rien n'a été fait ces dernières années pour responsabiliser celles-ci davantage. Rien n'a été réellement entrepris pour que nos banques jouent pleinement le rôle qui doit être le leur dans le financement de l'économie.
Le Gouvernement et le Président de la République nous ont expliqué que le plan de sauvetage des banques, d'un montant de 360 milliards d'euros, allait permettre de sauver notre système bancaire et, par voie de conséquence, de relancer l'économie. Force est pourtant de constater que les quelque 28,6 milliards d'euros que l'État a mis à disposition des banques sous forme de prêts, sans compter les milliards d'euros accordés sous forme de fonds propres remboursables, n'ont pas été des instruments efficaces de relance de la machine économique.
La raison en est simple : les établissements bancaires ont utilisé cet argent pour reconstituer leurs fonds propres. Comment pourrait-il en être autrement, puisque le Gouvernement n'a exigé d'elles aucune contrepartie en termes de soutien à l'activité économique et à l'emploi ?
Qui peut nier, pourtant, que l'un des enjeux du sauvetage du système bancaire était d'obtenir des engagements fermes de la part des banques et la signature de conventions en bonne et due forme entre l'État et les établissements bancaires, engagements et conventions assortis d'objectifs chiffrés ? Las, vous vous êtes contentés d'engagements verbaux. On voit le résultat !
Nous avons d'abord eu droit au scandale, révélé cet été, du milliards d'euros mis de côté par BNP-Paribas au premier semestre 2009 pour payer les bonus de ses traders.
Nous avons entendu le chef de l'État formuler des propositions, qui seront discutées lors du prochain G20, sur les questions de rémunération dans la finance. Mais c'est là l'arbre qui cache la forêt, car ce que signifie aussi le scandale de cet été, c'est que revient le temps des rendements élevés sur les marchés, et que la prochaine bulle spéculative est déjà en train de se former.
Or, rien non plus n'est envisagé pour combattre la spéculation financière en réduisant fortement les gains à court terme que les financiers réalisent grâce à elle. Rien n'est entrepris pour prévenir du même mouvement l'éclatement d'une nouvelle bulle financière qui replongerait notre pays dans la crise, une crise dont les victimes ne sont pas les financiers, mais les salariés et le tissu économique dans son entier.
Outre ces considérations, nous savons que l'engagement pris par les banques d'augmenter leurs encours de crédit de 3 à 4 % ne sera pas tenu. Cette augmentation, comme le rappelle notre rapporteure, sera probablement limitée pour cette année à 2 %.
Les banques déclarent ne pas pouvoir tenir cet engagement, faute de demandes de la part des entreprises du fait du ralentissement de l'activité. L'argument n'est pas faux. Mais la CGPME constate, de son côté, qu'un grand nombre de TPE et de PME ne se voient pas aujourd'hui proposer de solutions de financement satisfaisantes, alors même que les montants demandés sont faibles. Selon l'enquête commandée par la confédération, 78 % des chefs d'entreprise de PME s'estiment victimes d'un durcissement du crédit.
Certes, Mme Lagarde a récemment envoyé une lettre aux dirigeants des six grandes banques françaises qui ont bénéficié du soutien public – dispositif qui devrait d'ailleurs être prolongé jusqu'à 2010 – pour leur demander leur plan d'action en matière de financement de l'économie. Une façon très diplomatique – sans doute beaucoup trop diplomatique – de leur demander de tenir leur engagement.
La question de fond, en effet, est aujourd'hui de savoir quel bénéfice tirent nos entreprises de cette action en demi-teinte, et quel bénéfice en tirent nos concitoyens menacés de perdre leur emploi, alors qu'aucune action d'ampleur n'est simultanément conduite sur le terrain de la relance de la consommation
Comme il n'est pas trop tard pour proposer des solutions alternatives, je rappelle que, depuis le début de la crise, nous vous invitons à réfléchir à deux moyens de favoriser l'accès au crédit des PME : le premier, c'est que l'État garantisse directement les prêts accordés aux entreprises, procédé qui aurait pour avantage d'exercer un effet de levier sur l'économie nationale tout en sécurisant les parties au contrat, banques comme entreprises ; le second consisterait à pallier les difficultés de l'accès au crédit par la constitution d'un pôle financier public, autour de l'État et d'acteurs tels que la Caisse des dépôts et les collectivités locales. Un tel pôle serait susceptible d'accorder des prêts bonifiés aux entreprises qui en feraient la demande, en contrepartie d'engagements fermes de leur part, notamment en termes de maintien de l'emploi et d'accès à la formation.
Vous n'avez cependant souhaité à aucun moment mettre en débat nos propositions dans cet hémicycle. Leur examen serait pourtant d'autant plus utile que le texte que vous nous proposez aujourd'hui, chers collègues, est très insuffisant. Il se limite en effet à des dispositions touchant à la motivation de la notation bancaire des entreprises, à la publication par la Banque de France de statistiques relatives aux encours de crédits consentis aux PME et aux jeunes entreprises, à la motivation de la décision de retrait de garantie et à l'encadrement des dates de valeur des opérations de paiement par chèque. Nombre de ces dispositions ne sont que de simples mesures d'information, dont l'utilité restera réduite. Certaines autres sont certes plus importantes et plus contraignantes, et recueillent d'ailleurs notre approbation, ainsi que nous l'avions souligné en première lecture ; reste que, pour utiles qu'elles soient, de telles mesures n'ambitionnent pas de responsabiliser davantage les établissements bancaires, qui pourront demain, comme aujourd'hui, continuer de vampiriser l'économie au seul bénéfice des acteurs financiers.
Tant que votre majorité se refusera à admettre que les établissements bancaires doivent impérativement cesser d'être une pompe à finances parasitant l'économie réelle pour devenir de véritables acteurs d'un développement économique pérenne au service de l'intérêt général, les mesures telles que celles que vous nous proposez aujourd'hui seront à coup sûr inefficaces. Elles ne permettront pas de répondre à l'enjeu majeur que constitue l'accès des PME au crédit, non seulement en termes de consolidation de leurs fonds propres, mais aussi de développement de la recherche et de la formation, d'une part, de la valorisation du capital humain, d'autre part. Voilà déjà un motif suffisant pour ne pas approuver ce texte en l'état.
J'en ajoute un autre, de taille, puisqu'il concerne le versement au FMI d'une quote-part française de plus de 11 milliards d'euros, suite aux décisions prise au sommet du G20 de Londres, en avril dernier. Indépendamment de motifs d'opportunité – nous comprenons bien qu'il s'agit d'un engagement de la France et de sommes en principe destinées, par le renforcement des fonds propres du FMI, aux politiques d'aides aux pays en voie de développement –, nous n'admettons pas le procédé qui consiste à inscrire 11 milliards d'euros au détour d'une proposition de loi sans rapport aucun avec son objet, alors qu'il eût été plus simple d'inscrire cette somme, comme il se doit, dans le cadre du futur projet de loi de finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises, adoptée par notre assemblée en première lecture, comporte un ensemble de mesures qui complètent le dispositif anti-crise mis en place, à partir de l'automne dernier, par le Gouvernement. Mais je tiens à souligner que ces mesures répondent aussi et surtout à des besoins structurels, et donc permanents, de nos PME. La spécificité du fonctionnement de ces entreprises nécessite d'être méticuleusement prise en considération, du fait de l'enjeu que celles-ci constituent pour notre croissance. Il est vrai que la crise joue sans doute, en cette matière comme en d'autres, un rôle de révélateur puissant.
Cette crise met en lumière des situations structurelles, communément admises alors même qu'elles font le lit de nos fragilités et d'une moindre compétitivité de notre économie, ce qui influe notamment sur sa capacité à créer des emplois. La sauvegarde et la consolidation de notre système financier ont justifié une intervention massive de l'État pour assurer le financement de l'économie. Face aux risques de contraction du crédit, un des principaux volets du plan gouvernemental a consisté dans la création de la SFEF – la Société de financement de l'économie française –, destinée à se substituer au marché pour lui fournir les liquidités à court terme dont il a besoin. Parallèlement, le Gouvernement a nommé M. René Ricol pour occuper la fonction nouvelle de médiateur du crédit, fonction dont nous mesurons aujourd'hui à quel point il est nécessaire de la rendre pérenne, tant elle joue un rôle indispensable entre banques et acteurs économiques. Il est très vite apparu, en effet, qu'il ne suffit pas de mettre des liquidités à la disposition des banques : il faut aussi s'assurer qu'elles sont bien diffusées dans l'économie à tous les niveaux, qu'il s'agisse des grandes entreprises, des particuliers ou, surtout, des petites et moyennes entreprises, qui sont les plus vulnérables.
La présente proposition de loi de Chantal Brunel est donc déterminante. Notre collègue n'est pas une théoricienne des PME : elle connaît ce secteur de très près. L'adoption de ce texte constituera une avancée extrêmement importante pour ces entreprises qui, rappelons-le, font l'emploi en France et portent les promesses de notre compétitivité pour demain. Trois points caractérisent la proposition de loi.
Le premier est la volonté d'améliorer le suivi des financements fléchés à destination des PME. L'intervention de l'État a eu pour contrepartie l'engagement, à caractère contractuel, des banques bénéficiaires de cette intervention de développer leur distribution de crédit, notamment en faveur des petites et des moyennes entreprises. Mais il est très vite apparu, à l'occasion des premières réunions du comité de suivi de la crise financière, que le système de collecte statistique en matière de distribution de crédit n'était pas adapté au suivi des engagements pris par les banques. À cet égard, les articles de la présente proposition de loi tendant à imposer aux organismes de régulation l'amélioration de leur collecte de données sont particulièrement importants.
Ainsi, l'article 3 oblige l'ACAM – l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles – à publier un rapport sur les placements des organismes d'assurances concourant au financement des PME. Une telle disposition participe de la volonté d'améliorer le suivi des financements. Cette mesure apparaît d'autant plus cruciale qu'elle permettra de donner plus de consistance à l'engagement, pris par les assureurs dès 2004, de consacrer 2 % de leurs placements à des investissements dans les PME innovantes non cotées ou cotées sur un marché non réglementé.
L'article 5 impose une obligation de même nature à la Banque de France, qui devra – même si cela doit lui imposer des adaptations pratiques – établir des statistiques relatives aux flux de crédits bancaires consentis aux jeunes entreprises et aux PME.
La comptabilisation des stocks de crédits distribués ne suffit pas : il faut, en raison des engagements de l'État, que l'on puisse y voir clair en la matière.
En dernier lieu, l'article 5 ter prévoit de confier à l'ACAM la responsabilité d'assurer un suivi statistique des encours garantis par les assureurs-crédit, dont les pratiques seront ainsi plus clairement encadrées lorsqu'elles peuvent porter préjudice à la continuité de l'exploitation des entreprises. Une telle mesure se révèle, elle aussi, tout à fait primordiale.
Le deuxième axe de ce texte consiste à responsabiliser les comportements des acteurs de la distribution de crédit. Je veux, bien entendu, insister plus particulièrement sur ce point. La proposition de loi comporte une série de mesures de transparence destinées à inciter les différents opérateurs à prendre clairement leurs responsabilités.
L'article 1er prévoit la motivation des réductions ou des interruptions de crédit bancaire aux entreprises, ainsi que la fixation d'un délai minimal de soixante jours en la matière. Mes chers collègues, je fais appel à l'expérience que chacun d'entre nous peut faire, jour après jour, dans sa circonscription : je pense à ces coups de fil du soir, quand un patron de PME nous appelle parce que la banque est en train, sans préavis, de changer leur mode de relation en matière de financement de trésorerie ou d'accès au crédit, et aux interventions – parfois quelque peu excessives, reconnaissons-le – que nous sommes amenés à faire auprès des directions générales des grands groupes bancaires français…
…pour rétablir la tuyauterie normale qui permet à l'entreprise de tourner. De tels dysfonctionnements sont inadmissibles. Tout le mérite de la proposition de loi est d'oser les nommer et de leur apporter un certain nombre de correctifs indispensables.
De même, l'article 2 tend à obliger les établissements de crédit à communiquer aux entreprises, à leur demande, une explication de la notation interne dont elles font l'objet, car celle-ci peut motiver la décision d'accès au crédit. C'est une disposition absolument décisive. On voit bien, à travers les interventions de René Ricol, que le système bancaire ne joue pas actuellement son rôle de prévention et d'accompagnement. Si le système bancaire peut, grâce à cette proposition de loi, entendre qu'il ne s'agit pas d'actions optionnelles, mais du véritable coeur de métier qui fonde sa légitimité d'institution financière, votre initiative, ma chère collègue, aura été extrêmement fructueuse.
Développer certains segments du marché financier est également une des lignes de force de ce texte. Grâce à l'apport des sénateurs, nous avons pu contribuer à aller dans ce sens.
Il s'agit en particulier de faciliter – vous l'avez évoqué, monsieur le ministre – le transfert de la cotation de certaines PME d'Euronext vers Alternext, le nouveau système multilatéral de négociations organisé, créé en 2005. Dans le contexte actuel, il est clair que la cotation d'une PME sur Euronext peut apparaître particulièrement coûteuse. En vue d'éviter que certaines entreprises ne décident de se retirer purement et simplement de la cote, et pour les inciter à migrer vers Alternext, c'est-à-dire vers un marché organisé impliquant des contraintes et donc des coûts moindres, il était nécessaire, comme l'avaient souligné certains « travaux de place », de faciliter ces transferts en encadrant au niveau législatif les allégements de procédure qui doivent être introduits par l'Autorité des marchés financiers. Il convient en effet d'éviter qu'un transfert massif des PME cotées sur Alternext ne donne l'impression qu'Euronext serait un marché de luxe, réservé aux seules sociétés du CAC 40. À cet égard, une telle disposition est particulièrement bienvenue.
En outre, prolongeant les travaux de notre assemblée, la commission des finances du Sénat a complété le volet relatif aux marchés financiers par plusieurs dispositions : la ratification d'ordonnances, une procédure exceptionnelle permettant d'adapter les plans d'épargne inter-entreprises – ce n'est pas un détail car ce dispositif concerne des milliers de petites entreprises – aux obligations issues de la loi de modernisation de l'économie. Il s'agit d'avancées importantes.
J'en viens à ce qui ne manquera pas de faire débat : l'adaptation du régime de la fiducie pour permettre à la place de Paris d'accueillir des fonds, en provenance du Moyen-Orient notamment, susceptibles d'être investis selon les techniques de la finance islamique. Rien de sulfureux dans ce dispositif : rappelons qu'il est très proche des asset backed securities, déjà couramment utilisés sur les marchés anglo-saxons. Si l'on reprend l'histoire de nos marchés – que vous avez vous-même évoquée, madame la rapporteure –, on peut constater qu'il y a, à un moment ou à un autre, des déterminants culturels dont il faut tenir compte pour ne pas marginaliser la place de Paris. Permettre que de nouveaux financements aillent vers nos PME ne me paraît pas discutable. Il serait fâcheux qu'un débat portant sur l'aménagement de la fiducie vienne troubler le sens de la proposition de loi.
En effet, ce texte vise tout simplement à corriger cette caractéristique de notre système bancaire qui se manifeste par une aversion au risque inversement proportionnelle à la taille des entreprises qui le sollicitent. Chacun le déplore et nous-mêmes, à l'Assemblée nationale, dépensons beaucoup d'énergie pour corriger cette tendance. Tout récemment, le Président de la République a souligné la nécessité de permettre aux PME de se doter de fonds propres, évoquant même l'idée novatrice de quasi-fonds propres, qui pourraient faire l'objet de financements innovants et d'investissements d'avenir. Je souscris naturellement à cette idée. Reconnaissons tout de même qu'il y a un paradoxe à demander à l'État de suppléer à ce point le système bancaire dans ses fonctions premières de financement de l'économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous examinons la proposition de loi de Mme Chantal Brunel.
Après avoir présenté des amendements dont certains avaient été acceptés, le groupe socialiste avait voté ce texte en première lecture, considérant que la situation des PME était telle qu'il fallait envoyer un message aux banques. C'était au mois de mars ; nous sommes maintenant au début de l'automne. En un an, le CAC 40 est passé de 2 700 points à plus de 3 800, ce qui a l'air d'intéresser certaines de nos banques dont les départements de gestion d'actifs sont actuellement au travail. En revanche, le secteur historique, la banque domestique, celle qui sert des crédits aux particuliers ou aux entreprises, se trouve en grave difficulté.
Pourquoi ce secteur est-il en grave difficulté ? Un certain nombre de gens se sont exprimés sur la situation des entreprises : le président de la CGPME – vous l'avez rappelé, madame la rapporteure –, mais aussi les gestionnaires de trésorerie, dont les publications font état d'une diminution des crédits de trésorerie d'environ 10 % en un an.
Je ne reprendrai pas la démonstration que j'ai faite au nom de mon groupe en première lecture. C'est très simple : les PME françaises sont sous-capitalisées. Et, contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure, monsieur le ministre, ce n'est pas partout pareil. L'Allemagne n'a pas du tout ce type de problème : ses PME sont fortement capitalisées, contrairement aux nôtres qui présentent la caractéristique inverse.
Mi-2008, on a dit aux entreprises de tenir le coup parce que l'économie repartirait à la mi-2009. Que s'est-il passé ? Les PME ont alors épuisé leur trésorerie. En l'absence de relais bancaire, le vrai danger se situera au moment du redémarrage, en raison de la fragilité des PME. Si l'économie redémarre – ce que nous espérons tous –, il faudra un afflux de trésorerie pour payer les produits entrants et verser les salaires avant de pouvoir produire. C'est le coeur du sujet et il y a urgence.
Les banques développent un argumentaire simple pour tenter de justifier ces chiffres : si les encours diminuent, ou s'ils croissent beaucoup moins vite qu'avant, ce n'est pas parce qu'elles réduisent l'offre, c'est parce que la demande baisse. Autrement dit, c'est parce que les entreprises anticipent une diminution des commandes, réduisent leur production et leurs investissements et ont donc moins besoin de crédit.
Cet argument n'est pas complètement erroné, encore qu'il faille s'interroger sur la raison pour laquelle les entreprises anticipent une diminution des commandes. Mais prétendre qu'il explique la totalité ou même l'essentiel de l'évolution des encours de crédit, c'est tout simplement faire preuve de mauvaise foi. Pourquoi ? Parce que les banques ont un moyen très simple pour rétablir une croissance du crédit qui permette de sortir le plus rapidement possible de la crise économique : baisser le coût du crédit. Le durcissement du crédit, ce n'est en effet pas seulement son rationnement, c'est aussi le renchérissement de son coût.
Or que constate-t-on ? Les taux d'intérêt pratiqués par la BCE sont historiquement bas. Or, plutôt que de répercuter vraiment cette baisse, les banques en profitent pour reconstituer leurs marges. L'Association française des trésoriers d'entreprise ne dit pas autre chose, notamment dans un éditorial de la Lettre du Trésorier de juin dernier : « Une grande partie de la baisse des taux d'intérêt est accaparée par les établissements financiers. Ceux-ci reconstituent leur marge au détriment des entreprises. »
Quand on se souvient des épisodes précédents, on peut donc résumer ainsi l'enchaînement des événements. Premier temps : la crise financière éclate en raison de comportements et de mécanismes auxquelles plusieurs établissements français ont pris part. Deuxième temps : pour pallier les effets économiques de cette crise, on donne plus de moyens aux banques afin de soutenir la production de crédit. Outre le plan de soutien contenu dans la loi de finances rectificative et la baisse des taux d'intérêt de la BCE, il faut notamment citer les 16,5 milliards d'euros d'épargne réglementée dont la gestion a été confiée aux banques, à charge pour elles de les prêter aux PME. Troisième temps : les banques utilisent ces moyens pour refaire leurs marges et non pas pour tenir leurs engagements en matière de croissance du crédit. Enfin, quatrième temps : tandis que les PME ferment par milliers ou traversent de graves difficultés, absolument aucune mesure de sanction n'est prise à l'encontre des banques, lesquelles sont simplement conviées de temps en temps à recevoir une gentille admonestation à Bercy, à Matignon ou à l'Élysée.
On utilise parfois la métaphore du pompier pyromane pour décrire une situation où certains créent des problèmes pour tirer ensuite avantage de leur résolution. Mais si l'on voulait décrire véritablement la situation, il faudrait imaginer des pompiers pyromanes qui non seulement allument des feux, mais encore refusent de les éteindre alors même qu'on leur en a donné les moyens, et qui, par-dessus le marché, ne sont pas sanctionnés.
Honnêtement, il m'a rarement été donné de voir une situation combinant autant de cynisme des intérêts privés et autant de manque de volonté de la part des pouvoirs publics. C'est d'autant plus choquant que les enjeux économiques et sociaux sont capitaux et qu'il y a urgence. Les socialistes ne sont pas les seuls à faire ce constat. La CGPME qui, vous me l'accorderez monsieur le ministre, n'a rien d'un club de gauchistes enragés (Sourires), déclarait récemment : « Les admonestations ne suffisent plus. Les banques doivent respecter leurs engagements, légitimes contreparties du plan public de soutien au secteur bancaire, et il est aujourd'hui de la responsabilité des pouvoirs publics de tout mettre en oeuvre pour y parvenir. »
Dans ce contexte, la proposition de loi de notre collègue Chantal Brunel était une occasion utile de chercher des solutions aux problèmes rencontrés par les PME dans leur accès au crédit. Elle a d'ailleurs permis de dégager plusieurs propositions consensuelles en première lecture. C'est pour cette raison que, tenant compte de la nouvelle procédure, nous n'avons pas repris les amendements que vous n'aviez pas acceptés, et que nous n'avons pas déposé de motion de renvoi en commission. Nous considérons que certaines dispositions sont utiles pour les PME.
Pourtant, même si elle allait globalement dans le bon sens – ce qui a justifié le vote positif de notre groupe –, la proposition de loi n'allait pas encore assez loin, faute notamment d'avoir repris quelques-uns de nos amendements. Je me permets de le dire au ministre, ce qui fera peut-être bouger les curseurs dans les débats ultérieurs ou par la voie réglementaire.
Nous avions d'abord demandé un document annuel indiquant, pour chaque réseau, le montant total des sommes perçues pour chaque catégorie de produits ou services dont bénéficient les PME, ainsi que le montant moyen pour une unité de chaque catégorie de produits ou de services fournis. Il nous serait fort utile, en effet, de disposer de ces données. Dans un autre amendement, non repris, nous avions également demandé la facilitation du report des dettes fiscales et sociales des entreprises, moyennant le paiement d'un intérêt. Enfin, nous avions proposé une rédaction beaucoup plus ambitieuse et plus complète de l'article 5, relatif à la collecte de données statistiques. Voilà quelles étaient nos demandes.
Quant au Sénat, s'il a permis de préciser certains articles de la proposition initiale – parfois, d'ailleurs, en en affaiblissant quelque peu la portée –, il n'a adopté aucun article supplémentaire relatif à l'accès des PME au crédit. Il a préféré faire le choix – à notre sens discutable – d'ajouter des articles ayant trait aux marchés financiers, ou même d'autres qui n'ont rien à voir ni avec ce sujet ni avec celui de l'accès des PME au crédit.
Il a ainsi pris le risque de brouiller le message que la proposition de loi avait envoyé : un grand discours adressé aux banques sur la question du financement des PME. Cet aspect a été laissé de côté, soit pour adopter, à l'initiative du sénateur Marini,…
…des dispositions visant à donner le statut de la fiducie à la finance islamique, soit pour parler des experts comptables et mettre en place un système de dérogations.
En première lecture, nous avions voté en faveur de cette proposition de loi parce qu'elle traitait – et traite toujours – du financement des PME. Mais soyons clairs : dans la mesure où il y a dévoiement de son principe originel, nous ne pouvons donner notre approbation à un texte comportant de tout autres dispositions, qui devraient être davantage encadrées qu'elles ne le sont.
Le « cavalier » introduit au Sénat avant la deuxième lecture pose tout de même de sérieux problèmes. C'est la raison pour laquelle mon groupe, tout en soutenant les dispositions sur le financement des PME, remet en question des adjonctions qu'il estime à la fois périlleuses et étrangères à l'objet de la proposition initiale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, nous voici de nouveau réunis pour débattre du devenir des PME, de leurs modes de financement et des moyens susceptibles de faciliter leur accès au crédit.
Comme vient de le rappeler Jean-Pierre Balligand, une attitude constructive s'était dégagée de nos débats en première lecture, étant donné la responsabilité qui est la nôtre vis-à-vis des PME. Ces dernières constituent en effet le socle de notre économie : deux tiers des emplois salariés et plus de la moitié de la valeur ajoutée. Elles sont des acteurs fragiles de notre économie, a fortiori en période de crise, du fait de leur sous-capitalisation et de leur difficulté à trouver un établissement prêteur.
En ce sens, le texte issu de nos débats en première lecture n'était certes pas parfait mais représentait à nos yeux une avancée significative. C'est pour cela que nous l'avons soutenu, en attendant les résultats de la navette parlementaire. Eh bien, nous devons dire que nous ne sommes pas déçus !
L'accès des PME au crédit est toujours présent, mais il est désormais également question d'améliorer le fonctionnement des marchés financiers par le biais de la finance islamique. Vaste programme, comme dirait l'autre… J'attire tout de suite votre attention sur le lien pour le moins ténu qui existe entre ces deux sujets. C'est donc un tout autre texte qui nous est arrivé. Le toilettage a été de grande envergure et des cavaliers sont apparus, apportant des modifications non négligeables.
Je ne me pencherai que sur deux aspects de la proposition de loi : tout d'abord, l'exemption pour les experts-comptables de leur obligation de déclaration de soupçon ; par la suite, je reviendrai sur l'adaptation du régime de la fiducie.
La nouvelle mouture du texte, par son article 6 sexies AA, vise trois objectifs : exempter les experts-comptables de la déclaration de soupçon qui doit être effectuée auprès de TRACFIN lorsqu'ils donnent des consultations juridiques ; permettre aux agents de services de l'État chargés de la mise en oeuvre de mesures de gel des avoirs de recevoir de l'administration des impôts tous les renseignements nécessaires à l'accomplissement de ces missions ; enfin, rectifier diverses erreurs matérielles introduites dans le code monétaire et financier.
Mais c'est bien le premier objectif cité qui retient notre attention. Ce cavalier – je ne vois pas comment le définir autrement – semble répondre directement à une demande de la profession. Sinon, pourquoi une disposition étrangère à l'objectif premier du texte aurait-elle été introduite dans l'urgence par nos collègues sénateurs, avalisée sans sourciller par la majorité UMP, puis validée par le secrétaire d'État ?
Les raisons invoquées par la majorité sont troubles : cette mesure constituerait un rétablissement de la situation juridique qui existait sous l'Empire, ainsi qu'un alignement du régime déclaratif des experts-comptables sur celui qui prévaut pour les professions juridiques telles que les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires. Pourquoi, tant qu'on y est, ne pas parler de distorsion de concurrence entre avocats et experts-comptables ? D'après la version actuelle du texte, l'exemption constituerait la règle, exception faite des consultations données à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme – c'est la moindre des choses ! Sincèrement, je reconnais le courage de la majorité et du Gouvernement, qui, même pendant la crise que nous connaissons, et qui est due à des dysfonctionnements et à des malversations financières, n'hésitent pas à introduire une disposition favorisant ces mécanismes.
Nous ne pouvons donc que nous y opposer.
Le passage du texte au Sénat a également accouché d'un article qui vise à améliorer l'attractivité de la place de Paris en matière de finance islamique. Cet article modifie le droit des fiducies pour les rendre compatibles avec les sukuk, qui sont des obligations coraniques. L'article dispose que « le fiduciaire exerce la propriété fiduciaire des actifs figurant dans le patrimoine fiduciaire, au profit du ou des bénéficiaires, selon les stipulations du contrat de fiducie ».
Ce dispositif, qui distingue entre propriétés juridiques et économiques, reviendrait à préciser que le fiduciaire acquiert la propriété fiduciaire des biens : non pas la propriété au sens de l'article 544 du code civil, mais une propriété d'un nouveau type, une propriété avec charge. Comme vous le constatez, c'est d'une simplicité biblique – si tant est que la Bible soit simple. (Sourires.)
Sans mésestimer l'intérêt d'une telle disposition pour les PME – encore que, dans ma circonscription, je n'aie pas vu beaucoup de fonds investis par des émirs du Moyen-Orient –, un texte spécifique serait à tout le moins nécessaire, compte tenu des montants concernés, que Mme la rapporteure évalue à 700 milliards d'euros. Mais aucune réflexion ni aucun rapport n'a été entrepris sur la question, de sorte que nous n'avons aucun moyen d'apprécier la portée de la disposition. Ce débat n'a même pas eu lieu au Sénat, où cette dernière a pourtant été votée. Bref, en raison de la précipitation de la majorité et de sa façon de légiférer, nous ne disposons que d'une vision parcellaire.
Sur la création de ce nouveau genre de droit à la propriété, un projet de loi aurait permis la saisine pour avis du Conseil d'État ainsi que celle de la commission des lois ; mais rien de tout cela n'a été envisagé.
Cette proposition de loi, qui constituait une avancée pour les PME, s'est transformée en un fourre-tout. Nous avions un texte qui, malgré son incomplétude, était cohérent ; c'est pourquoi nous le soutenions, ce qui n'est plus possible avec la nouvelle version dont nous débattons ce matin.
Je remercie Mme Marie-Anne Montchamp de soutenir le texte de Mme Brunel.
Je répondrai lors de la discussion des articles aux questions qui viennent d'être posées. Toutefois, je regrette que les députés socialistes tirent prétexte des amendements votés au Sénat pour revenir sur leur soutien : les mesures destinées au financement des PME figurent toujours dans le texte ; quant à celles introduites au Sénat – statut des experts-comptables,…
…accompagnement du FMI et fiducie –, j'essaierai de vous convaincre, comme c'est aussi mon rôle, de leur bien-fondé. La commission des finances en a déjà débattu, mais nous apporterons toutes les précisions utiles ; toujours est-il que la mobilisation générale de l'Assemblée pour soutenir nos PME est, en cette période difficile, plus que jamais nécessaire.
En effet ; aussi espéré-je que, après que je vous aurai démontré l'utilité économique des dispositions votées au Sénat, vous reviendrez sur votre position actuelle.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Je rappelle que, en l'absence de temps global pour la discussion des articles, la défense de chaque amendement ne doit pas excéder deux minutes.
Sur l'article 3 bis, je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
Le Sénat a modifié l'article, adopté par l'Assemblée nationale, prévoyant une sanction pour les établissements qui distribuent le livret A et le livret de développement durable et ne respectent pas leurs obligations en matière d'emploi des sommes non centralisées déposées sur ces livrets. Cette modification a notamment permis de mieux tenir compte de la situation des établissements qui centralisent volontairement la totalité des sommes sur les livrets qu'ils distribuent.
Toutefois, la sanction qui résulte désormais du texte n'apparaît pas suffisamment dissuasive au regard de l'enjeu que constitue le financement des PME, d'autant que celui-ci n'apparaît pas comme la priorité des établissements de crédit.
Il est donc proposé de renforcer légèrement la sanction prévue en faisant en sorte que, pour chaque trimestre où un établissement ne respecterait pas ces obligations, une somme d'un montant égal à celui des fonds utilisés de façon non conforme à la législation soit centralisée pour deux trimestres à la Caisse des dépôts. Michel Bouvard, qui en préside la commission de surveillance – que j'ai moi-même présidée et dont je suis toujours membre – peut témoigner que le montant global des sommes décentralisées est très élevé – 16,5 milliards d'euros.
J'ai interrogé Mme Lagarde sur l'utilisation de ces fonds, mais nous attendons toujours les chiffres du dernier trimestre de 2008 et des deux premiers trimestres de 2009. La représentation nationale a pourtant sollicité le Gouvernement à trois reprises par des questions écrites ; la moindre des choses serait qu'on lui réponde. Certes, j'obtiendrai les chiffres via la Caisse des dépôts, mais il n'est pas normal que le Gouvernement ne transmette pas à notre assemblée le bilan de l'utilisation de ces crédits par les banques.
Je m'étais d'ailleurs opposé, je le rappelle, à la décentralisation de ces fonds, instruit par l'aventure du CODEVI et du livret de développement durable,…
…dont les banques n'avaient pas utilisé les sommes pour financer les PME, comme c'était pourtant prévu.
Il faudrait mettre davantage de pression sur les banques pour savoir si elles utilisent ou non les fonds selon leurs obligations légales, en prévoyant les sanctions que j'indiquais.
Défavorable. Geler trois mois de plus les crédits non affectés au livret A et au livret de développement durable n'a pas paru opportun, car ces liquidités peuvent être utiles.
Il serait plus efficace, monsieur le ministre, que le Gouvernement porte à la connaissance de l'Assemblée et de l'opinion les établissements bancaires qui ne respectent pas leurs obligations.
Cette décision pratique est préférable à une mesure législative, et j'approuve Jean-Pierre Balligand sur ce point : les établissements qui ne respectent pas leurs obligations doivent être connus publiquement.
Vous avez raison, monsieur Balligand : les sommes doivent être mises à la disposition des PME.
Il est contre-productif.
Les trois mois prévus par la législation sont un juste équilibre. Porter cette durée à six mois reviendrait à immobiliser plus longtemps de l'argent utilisable au bénéfice des PME. C'est donc elles que vous pénaliserez, plutôt que les banques ; aussi le Gouvernement est-il défavorable à l'amendement.
Je ne veux pas polémiquer avec M. le ministre de l'industrie, mais, parmi ces fonds dont le montant atteint un niveau colossal, les sommes réellement affectées aux PME sont ridicules : 10 % seulement des 16,5 milliards d'euros.
Les sanctions que je propose ne bloqueraient donc rien du tout ! Si nous voulons que les fonds prévus financent les PME, il faut créer un tel rapport de force.
Je rappelle au passage que la Commission européenne n'admet la défiscalisation du livret A et du livret de développement durable que parce qu'ils assurent une mission d'intérêt général – en l'occurrence le financement des PME –, ce à quoi, jusqu'à preuve du contraire, ne s'apparente pas la reconstitution des marges des banques. Ce point doit nous appeler à la vigilance : si nous sommes attachés au livret A et à l'épargne réglementée, ceux-ci doivent financer des missions d'intérêt général. Mais, je le répète, monsieur le ministre, au regard des sommes en jeu, l'amendement ne pose aucun problème.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
(L'article 3 bis est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2 tendant à supprimer l'article 6 ter A.
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
Cet article ajouté par le Sénat est dépourvu de tout lien avec l'objet initial du texte, puisqu'il ne porte ni sur l'accès au crédit des PME, ni sur l'amélioration du fonctionnement des marchés financiers. Il s'agit donc d'un pur cavalier législatif.
Défavorable. Les exonérations de charges sont différentes dans les départements d'outre-mer de ce qu'elles sont en métropole. L'article vise à ce que les entreprises créées avant le 1er mai 2009 bénéficient du régime de l'auto-entrepreneur.
Il ne s'agit donc pas d'un cavalier mais d'une disposition technique jusqu'à présent omise. Les auto-entrepreneurs, les microcrédits et les micro-entreprises ont une réelle efficacité économique dans les DOM et y créent de l'emploi. Le présent texte donne l'occasion de réparer un oubli technique : la mesure est positive pour les auto-entrepreneurs ultramarins, car le prélèvement des charges sera désormais assis sur leur chiffre d'affaires.
Vous parlez de cavalier, monsieur Balligand ; mais permettez-moi de vous dire que l'auto-entreprise est le premier niveau de la PME !
La mesure est donc en lien direct avec le texte.
Non : elle est totalement neutre pour les finances publiques puisque les taux, qui seront fixés par décret, ont été calculés pour en préserver l'équilibre. Nous devons encourager les auto-entreprises, qui connaissent un grand succès en outre-mer.
La mesure en elle-même n'a pas une portée considérable, même si nous estimons qu'il s'agit d'un cavalier. Le Conseil constitutionnel tranchera.
Au-delà de ce simple article, monsieur le ministre, je voudrais vous dire notre inquiétude quant à ce qu'il convient d'appeler les moeurs du régime. Je pense à la situation des opérateurs téléphoniques : alors qu'une procédure d'appel d'offres est ouverte, le Président de la République annonce qu'il ne veut pas d'un quatrième opérateur qui serait comme ceci ou comme cela. C'est n'importe quoi ! Cela ne peut plus durer. Voilà pourquoi nous insistons pour qu'un minimum de formalisme juridique soit respecté : au train où vont les choses, on ne saura bientôt plus ni où nous sommes ni de quoi l'on parle !
Je ne peux pas laisser dire cela. Le Président de la République n'a pas dit qu'il ne voulait pas de quatrième opérateur ; il a dit très clairement qu'il ne voulait pas d'un quatrième opérateur qui favoriserait la destruction d'emplois. C'est bien différent ! La précision était nécessaire.
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
Avant de présenter cet amendement, je répondrai à M. le ministre qu'il existe deux points de vue : celui du Président de la République et celui de ceux qui détiennent aujourd'hui le marché de la téléphonie mobile, et qui se préoccupent sans doute de conserver leurs marges colossales.
J'en viens à l'amendement, qui tend à supprimer une disposition adoptée par le Sénat – un nouveau cavalier, qui ne concerne en rien les auto-entrepreneurs, mais seulement les experts-comptables. Ce n'est pas anodin : l'idée est d'exempter dans certains cas les experts-comptables de la déclaration de soupçon lorsqu'ils donnent des consultations juridiques. Je rappelle que le dispositif concerne les documents dans lesquels les banquiers doivent communiquer certaines données ; les experts-comptables qui donnent des consultations juridiques en ce domaine en sont donc exemptés. Voilà une mesure qui mérite d'être supprimée. C'est pourquoi nous proposons de ne supprimer que les alinéas 2 et 3 de l'article.
Avis défavorable, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, cet article garantit une égalité de traitement entre les professionnels européens habilités à délivrer des consultations juridiques, y compris les experts-comptables. L'exemption de déclaration de soupçon s'applique uniquement – j'insiste bien sur l'adverbe – dans le cadre de leur activité de conseil juridique telle qu'elle est définie à l'article 22 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, c'est-à-dire dès lors qu'il ne s'agit pas de l'élaboration de documents comptables, d'études, de bilans ou d'actes juridiques. Cette exemption n'a donc lieu que dans la gestion des affaires quotidiennes qu'assurent les experts-comptables. Il va de soi que toute information connue à la fois dans le cadre d'une consultation juridique et dans le cadre de la mission comptable devra faire l'objet d'une déclaration auprès de TRACFIN en cas de soupçon de la part de l'expert-comptable.
D'autre part, le président de l'Ordre des experts-comptables nous a adressé une lettre – qui sera naturellement mise à la disposition de l'ensemble des parlementaires – dans laquelle il écrit ceci : « Bien évidemment, le conseil supérieur de l'Ordre s'engage, dans le cadre de sa mission de contrôle, de supervision et de réglementation de la profession, à faire assurer par les cabinets le respect de leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment. »
Même avis : cette exemption de déclaration de soupçon envisagée pour les experts-comptables ne détériore en rien la transparence des transactions financières ni la lutte contre le blanchiment de capitaux. Votre amendement, monsieur Balligand, ne produirait qu'une inégalité de traitement entre professionnels.
Pourquoi, en matière de lutte contre le blanchiment dans des activités similaires, un notaire ou un avocat pourrait-il bénéficier de cette exemption en cas de consultation, et non un expert-comptable ? Je le répète : votre amendement entraînerait une inégalité de traitement.
Je comprends bien cette argumentation : c'est celle que nous ont transmise – Mme Brunel l'a reçue aussi – les experts-comptables eux-mêmes. Hier, pourtant, au sein du petit groupe de parlementaires qui travaillent sur le G20, nous avons, avec nos collègues sénateurs, élaboré des dispositions draconiennes pour l'ensemble des ces professions, afin que le G20 décide de règles plus contraignantes en matière de blanchiment. Or, sur le présent texte – même s'il est mineur – introduit par le Sénat, on refuse d'avancer ! Nous avons pourtant travaillé avec nos collègues sénateurs – je pense à MM. Marini et Arthuis, par exemple – à des propositions que nous soumettrons au Président de la République dans le cadre de la préparation du G20. Pourquoi nous annoncer qu'il n'est pas question de discuter ? En toute franchise, il serait sans doute plus prudent de ne pas reprendre automatiquement les argumentaires de telle ou telle profession – qui défend naturellement et légitimement ses propres intérêts. L'intérêt général, en effet, n'est pas qu'un simple détail !
Vous comprenez bien, monsieur Balligand, que nous devons aux PME de voter les dispositions qui les concernent, car elles les attendent. En l'occurrence, je souhaite donc que nous maintenions le texte du Sénat en l'état. En cas de dérives, il a été convenu que nous reverrions ces dispositions lors de l'examen de la loi de finances. Puisque la profession a pris des engagements forts, nous serons attentifs à toute dérive éventuelle et, le cas échéant, modifierons la disposition.
Nous ne saurons rien d'ici l'examen de la loi de finances !
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
(L'article 6 sexies AA est adopté.)
Sur l'article 6 sexies B, je suis saisi de deux amendements, nos 4 rectifié et 5 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à M. Henri Emmanuelli.
M. Estrosi, conscient du danger – ou plutôt de l'anomalie –, nous a expliqué à la tribune qu'il ne s'agissait en rien d'introduire le droit islamique dans le droit positif français. L'ennui, monsieur le ministre, c'est que d'autres ont parlé avant vous : je pense à Mme Brunel, ainsi qu'à votre collègue M. Novelli. En commission, Mme Brunel a déclaré ceci : « Cette disposition vise à introduire les principes de la charia dans le droit de la fiducie en la rendant compatible. » Aujourd'hui, son discours a quelque peu changé : sans doute lui a-t-on expliqué que ces propos heurtaient profondément la devise républicaine et la loi de 1905 de séparation de l'Église et de l'État. Elle nous dit désormais qu'il faut se conformer aux principes éthiques du droit musulman. Voilà qui ne change pas grand-chose.
Soyons clairs : chacun connaît l'importance déjà ancienne des pétrodollars dans le monde. Cependant, nous expliquer à l'occasion d'une crise que nous allons changer de pied et que, dorénavant, il nous faudra introduire dans le droit positif – et plus particulièrement en matière financière – les principes de la charia, comme cela nous a été dit, voilà qui nous heurte profondément. Nous pensons, au contraire, qu'il ne faut y introduire ni les principes de la charia, ni l'éthique du Coran, ni même le droit canon, la Torah ou le Talmud, qu'il soit de Babylone ou de Jérusalem.
Nous sommes en train de faire n'importe quoi. C'est d'autant plus inacceptable que, dans le même temps, d'autres propos sont prononcés ici ou là, dont il faut comprendre ceci : lorsque les musulmans sont riches, ils sont les bienvenus et nous cherchons à les attirer. Lorsqu'ils sont pauvres, en revanche, il convient de les remettre dans des avions et de les expulser avec leur famille. Tout cela est choquant ! Voici un régime qui dérive ; ressaisissez-vous !
La commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements de suppression. Je vous répète, monsieur le président Emmanuelli, que la finance islamique repose sur le régime de la fiducie, lequel permet de transformer une recette financière fixe en recette financière variable, afin de répondre à la demande des investisseurs du Moyen-Orient.
En effet, ceux-ci acceptent de rester en France à condition de récupérer un retour sur investissement sous forme de recettes variables en fonction des aléas du marché, et non pas sous forme de recettes fixes. Il ne s'agit que de cela : une simple disposition juridique qui permet de répondre à cette contrainte. Je ne vois pas en quoi une contrainte strictement financière peut être contraire, comme vous le suggérez dans votre amendement, au principe de la laïcité !
Je vous précise, monsieur Emmanuelli, que nous n'ajoutons ici qu'un instrument d'investissement supplémentaire dans la boîte à outils – un parmi beaucoup d'autres, et que personne n'est obligé d'utiliser !
D'autre part, certains investisseurs acceptent d'investir chez nous et de partager avec nous les risques et les profits dans le cadre d'un processus encadré. Voilà un investissement productif !
Enfin, je ne suis pas sûre, monsieur Emmanuelli, que tous vos collègues socialistes, d'hier ou d'aujourd'hui, approuvent tout à fait ces amendements de suppression. Ainsi, c'est Mme Cresson qui prononcera le discours inaugural de la conférence sur la finance islamique qui aura lieu à l'hôtel Bristol les 29 et 30 septembre prochains. De même, je crois savoir que le directeur général du FMI ne partage pas votre point de vue sur ce sujet.
En effet. Je précise aussi à M. Balligand que la Caisse des dépôts et consignations négocie avec les investisseurs du Moyen-Orient dans le cadre du Club des investisseurs de long terme.
Il existe là aussi un intérêt pour l'attractivité de notre pays. Je rappelle ce que j'ai dit dans mon discours liminaire : d'autres pays européens ont pris des dispositions pour accueillir ces investissements.
Nous sommes en France ! Que faites-vous de la loi de séparation de l'Église et de l'État ?
Cette disposition ne remet pas en cause le principe de laïcité auquel nous sommes tous attachés !
S'agissant de l'amendement n° 5 , la place de Paris a déjà fait paraître un rapport sur ce sujet. Je vous propose, comme je m'y suis déjà engagée, à ce que le rapporteur, accompagné d'un parlementaire de chaque groupe politique siégeant en commission des finances, aille dès le mois de mai prochain vérifier si des dérives ont eu lieu dans le domaine de la finance islamique.
Enfin, je vous rappelle que la fiducie est soumise au contrôle de TRACFIN.
C'est tout à fait notre sujet, monsieur Emmanuelli : quatre parlementaires issus de chaque groupe politique et siégeant en commission des finances iront vérifier ce qu'il en est. Si des dérives se produisent, comme certains le craignent, nous serons quatre parlementaires de diverses tendances politiques à nous assurer que nos valeurs sont respectées.
Monsieur Emmanuelli, je ne peux pas vous laisser dénaturer les propos que mon collègue et ami Hervé Novelli a tenus en commission. Je les cite : « L'objet de l'amendement voté au Sénat consiste simplement à clarifier le lien juridique entre le bénéficiaire d'un contrat de fiducie et les actifs fiduciaires, pour faciliter le développement de la fiducie comme instrument de gestion financière. Cette clarification de la fiducie est tout à fait conforme aux principes traditionnels du droit civil français. »
Voilà exactement les propos d'Hervé Novelli, monsieur Emmanuelli. Le seul fait de les relire répond à votre intervention. Clarifier le droit de la fiducie dans un sens parfaitement conforme au principe du droit civil français consiste simplement à préciser le lien juridique entre le bénéficiaire d'un contrat de fiducie et les actifs générés en fiducie. Il n'est pas question de renier les principes de notre droit pour nous mettre en conformité avec quelque principe religieux ou culturel que ce soit.
Au demeurant, vous êtes totalement contre-productif lorsque vous invoquez la loi sur la laïcité. Je ne vois pas au nom de quoi nous refuserions certains types de financement. D'autant qu'à eux seuls, est-il besoin de le rappeler, les investissements dont nous parlons représentent, mesdames et messieurs les députés, un potentiel de 500 à 700 milliards de dollars au niveau mondial… Faut-il vraiment continuer à laisser le champ libre à la place de Londres sur un tel marché ?
Contrairement à ce que vous dites, monsieur Emmanuelli, nous sommes en plein dans la laïcité.
Nous restons dans le cadre de notre droit tout en permettant à des investisseurs du Moyen-Orient de venir sur la place de Paris.
Je ne vois pas en quoi nous allons à l'encontre du principe de laïcité en prenant ces dispositions.
Monsieur le ministre, je ne veux pas faire monter le ton inutilement. C'est une question de principe et un problème de valeurs. Vous avez dit tout à l'heure, madame la rapporteure, qu'il ne fallait pas mélanger l'argent et les valeurs. Si, de temps en temps, il le faut bien : sinon, on ne sait plus où on va et on se retrouve plongé dans de graves crises financières et économiques.
Les propos de M. Novelli, tels que vous les avez cités, monsieur le ministre, sont bien ceux qui figurent au compte rendu. À ceci près qu'il les a fait rectifier : il en a le droit et je le comprends. Cela étant, Mme Brunel a déclaré – ceux-là aussi figurent au procès-verbal, mais vous vous êtes bien gardé de les lire ! – que cette disposition visait à rendre le droit de la fiducie compatible avec les principes éthiques de la charia…
J'en resterai là : tout le monde a entendu et compris de quoi il s'agit. Comme tout le monde a entendu cette semaine le ministre de l'immigration, de l'identité et de je ne sais quoi encore expliquer que, désormais, les immigrants seraient les bienvenus s'ils avaient une capacité d'investissement de 10 millions, et que les autres ne l'étaient pas. Voilà le raisonnement dans lequel nous entrons : bienvenue aux les immigrants riches, et les pauvres, à la rue ou à la mer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 4 rectifié n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
(L'article 6 sexies B est adopté.)
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente-cinq.)
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 401 portant article additionnel avant l'article 15.
Monsieur le président, madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, notre amendement n° 401 illustre les propos que nous tenons depuis hier sur la condition des détenus et le nécessaire respect de leurs droits fondamentaux parmi lesquels doit figurer, selon nous, le maintien du lien familial.
Nous savons combien il est difficile pour certains détenus, incarcérés parfois très loin de leur domicile, de maintenir ce lien. Les familles, souvent dans le besoin, éprouvent d'extrêmes difficultés à leur rendre visite. Qui plus est, le système pénitentiaire actuel use de sanctions qui consistent à interdire le parloir pour des raisons parfois un peu arbitraires, tant et si bien que des détenus peuvent se trouver à la fois dans le plus grand dénuement et dans le plus grand isolement.
Nous estimons que le maintien du lien familial est indispensable pour améliorer les chances de réinsertion et surtout les conditions psychologiques et morales des détenus.
La parole est à M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 401 .
Nous sommes tous d'accord sur l'importance du maintien des liens familiaux entre les détenus et leur famille. Une série d'amendements va d'ailleurs dans ce sens. C'est un gage de meilleure réinsertion pour les détenus.
Reste que, tel qu'il est rédigé, l'intitulé de la section 3 – « De la vie privée et familiale et des relations avec l'extérieur » – me paraît tout à fait significatif et recouvre l'ensemble du sujet. Je ne vois donc pas la nécessité de le réécrire. Avis défavorable à l'amendement.
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Je trouve même l'intitulé proposé par l'amendement plus restrictif que celui du projet de loi. Il focalise trop sur un seul aspect. Hormis cela, s'il était possible de corriger les fautes d'orthographe dans l'exposé sommaire, ce serait sans doute une bonne chose…
Pour ce qui est des fautes d'orthographe, madame la ministre d'État, ce n'est pas parce que notre génération d'assistants serait victime d'un affaiblissement du système éducatif français : cela tient tout simplement à nos mauvaises conditions de travail, que nous avons plusieurs fois soulignées.
On nous oblige à rédiger dans l'urgence nos séries d'amendements. Nous examinons ce texte, que vous présentez comme une loi fondamentale, dans l'urgence. Dois-je rappeler que, la semaine dernière, la commission des lois – je regrette que son président ne soit pas présent –, a examiné plus de 800 amendements entre quatorze heures trente et vingt heures quarante-cinq ?
Estimez-vous que cela nous laisse le temps d'examiner un texte que vous considérez comme important ? Cette manière d'escamotage ne correspond pas du tout à l'esprit qui était supposé être celui de la réforme constitutionnelle censée donner davantage de droits au Parlement.
Mais je reviens à la question des liens familiaux, sur laquelle mes collègues et moi-même avons présenté une série d'amendements. Il suffit d'aller dans les maisons d'arrêt ou dans les centres de détention pour se rendre compte à quel point il est difficile pour les détenus d'entretenir des liens avec leur famille, car ils en sont très souvent éloignés. Les conditions actuelles de détention dans nos prisons ne respectent absolument pas la règle pénitentiaire européenne n° 17-1.
Cela n'est pas le problème soulevé par l'amendement ! Nous sommes sur l'intitulé !
Si, c'est le problème, madame la garde des sceaux, même si ce n'est pas le seul ! Nous avons parlé du dénuement et vous avez refusé, hier, que l'on introduise le RSA dans les prisons, mais l'un des plus gros problèmes, l'une des causes principales de l'isolement est l'éloignement familial. Il suffit d'aller voir les visiteurs de prison, de se renseigner auprès des associations qui accompagnent les détenus pour le constater. C'est pourquoi je soutiens la demande qui a été formulée par notre collègue Urvoas et nous demanderons une mission d'information sur la question des suicides. Nous verrons alors si l'isolement n'est pas l'une des causes de ce geste ultime.
Monsieur Mamère, vous faites un bien mauvais procès à Mme la garde des sceaux ! Nous avons en effet suspendu nos travaux à minuit parce qu'elle a estimé que la question dont nous débattons était suffisamment importante pour que nous l'abordions avec sérénité ce matin. Et vous prétendez que nos débats sont bâclés !
Pas du tout ! Nous sommes là pour parler d'un sujet essentiel : le lien social. Mme la garde des sceaux vous a répondu. Elle vient de vous dire que l'intitulé que vous proposez pour la section 3 était plus restrictif que l'actuel, et vous en profitez pour parler de notre débat d'hier sur le RSA ! Nous nous y sommes opposés, nous nous en sommes expliqués et si vous voulez que nous revenions sur la question je m'exprimerai à nouveau ; mais, en l'occurrence, votre amendement n'apporte rien ! Certains d'entre nous ont longuement discuté avec le rapporteur de l'importance de maintenir le lien familial. L'article 15 permettra d'améliorer nettement une situation que nous déplorons tout comme vous ; nous aurions pu espérer que vous nous apportiez votre soutien au moins sur ce point !
(L'amendement n° 401 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 288 vise à affirmer le principe d'un droit reconnu aux détenus de maintenir des liens non seulement avec leurs familles, mais aussi avec toute autre personne extérieure, conformément à la règle pénitentiaire européenne n° 24.1. Il prévoit également que l'administration pénitentiaire et l'autorité judiciaire devront prendre en compte certains éléments particuliers avant de prendre des décisions concernant l'application de ce droit.
Nul n'ignore que les liens avec la famille ou les proches sont particulièrement difficiles à entretenir et souvent rompus dès l'arrivée en détention. Certes, les détenus disposent déjà d'un droit à recevoir des visites, mais son application est laissée à l'appréciation de l'administration pénitentiaire ; de fait, il arrive que des parloirs soient refusés à la dernière minute sans, du reste, que la famille ait pu être prévenue. Il arrive que des proches, après avoir parcouru des kilomètres, voire des centaines de kilomètres, se voient refuser l'accès au parloir pour quelques minutes de retard.
Le maintien du lien avec les familles dépend également du lieu d'incarcération. Des milliers de détenus, privés de tous liens familiaux ou amicaux, se retrouvent dans une véritable détresse, pour ne pas dire une misère affective qui aggrave encore l'isolement carcéral. L'absence de liens familiaux a des répercussions évidentes sur l'état de santé physique et mental des détenus. Alors que le nombre de suicides dans les prisons a explosé depuis janvier dernier, il est urgent de renforcer la possibilité d'entretenir ces liens familiaux. Il faut donc reconnaître formellement dans la loi que les détenus ont droit au maintien des liens avec la famille ou avec toute autre personne si les liens avec la famille sont distendus. Je ne doute pas, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, que vous serez favorables à ce geste d'humanité.
Permettez-moi de répondre d'abord à M. Mamère. Il faut tout même être sérieux, cher collègue. Vous revenez sur le RSA, sujet que nous avons évoqué hier soir, alors que vous n'avez même pas déposé d'amendement à ce propos. D'autre part, nous n'avons presque pas évoqué l'article 13 bis, relatif au travail des détenus, mais il constitue quand même un net progrès, puisque la rémunération du travail des détenus ne pourra être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le SMIC. Cela méritait d'être rappelé !
Monsieur Vaxès, je ne peux bien sûr qu'être d'accord avec vous lorsque vous insistez sur l'importance des liens familiaux. Mais votre amendement est redondant, car l'article 15 prévoit déjà tout cela. Quant aux autres éléments d'appréciation sur les visites et les parloirs, pour les prévenus, ils sont soumis à l'autorité judiciaire : la conduite de l'instruction en cours peut rendre certains liens avec l'extérieur délicats si l'on veut obtenir la manifestation de la vérité. Quant aux condamnés, si une décision leur fait grief, ils peuvent former un recours devant l'autorité administrative. Dans un cas comme dans l'autre, la justice peut intervenir dans des décisions pouvant porter atteinte au maintien des liens familiaux. Avis défavorable sur l'amendement.
Monsieur Vaxès, non seulement l'article 15 affirme l'importance des liens familiaux, mais il en précise les modalités, en prévoyant notamment que le refus de délivrer un permis de visite doit être motivé. C'est une grande avancée et je ne vois pas l'utilité de votre amendement. Avis défavorable.
J'entends bien votre argumentation : tout serait déjà contenu dans l'article 15. Peut-être en effet couvre-t-il déjà la première partie de notre amendement. Mais il ne couvre pas la deuxième partie : « les autorités judiciaires et administratives doivent tenir compte, dans toutes les décisions relatives à l'exercice de ce droit, de l'éloignement de la famille, de la fragilité psychologique du détenu et de son état de santé. » Elle mériterait d'être retenue, sinon dans un article additionnel, du moins en complément de l'article 15. Ce serait un enrichissement.
(L'amendement n° 288 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 214 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Je défendrai également, si vous le permettez, les amendements nos 121 et 122 , car tous portent sur les transferts de détenus d'un établissement à l'autre. Bizarrement, le texte, même après son passage au Sénat, reste muet sur ces questions d'affectation et de transfert, qui ont pourtant des conséquences importantes sur les liens familiaux, mais aussi sur les activités éducatives et professionnelles que les détenus ont pu entreprendre en vue d'une réinsertion.
Plus gênant encore, les transfèrements en cascade peuvent être utilisés comme moyen de coercition contre des détenus qui créent des problèmes. L'article D. 296 du code de procédure pénale prévoit que le lieu de la nouvelle affectation doit rester secret. Nous nous élevons contre ce principe condamné par le comité européen pour la prévention de la torture en 1991 puis à plusieurs reprises puisque cette pratique dite des « rotations de sécurité » n'a pas disparu. Autant nous admettons qu'à certains moment, dans des conditions particulières, des détenus peuvent être difficilement contrôlables et que leur transfert dans un autre établissement peut être nécessaire, autant le principe de transferts continuels nous paraît condamnable. C'est le sens de ces trois amendements. L'amendement n° 121 précise que le transfert imposé au détenu doit revêtir un caractère exceptionnel et l'amendement n° 122 que le changement d'affectation imposé au détenu a pour motif primordial la considération de la meilleure insertion.
Il faut savoir partir d'un constat pratique. Vous le savez, monsieur Urvoas, pour avoir visité de nombreux établissements, l'administration pénitentiaire doit gérer des milliers de détenus dont certains peuvent poser des difficultés : il est donc nécessaire de les transférer. S'ajoutent à cela les transferts de justice.
Nous avons déjà amélioré les possibilités de visioconférence pour limiter les transferts dans la mesure du possible, d'autant qu'ils sont source de bien des difficultés et de contraintes matérielles puisqu'il faut assurer la sécurité, organiser les escortes, etc. L'administration n'a aucun intérêt à organiser des transferts dans le seul but de porter atteinte aux droits des détenus. Il ne saurait en être question.
Je comprends donc le sens de vos amendements, mais ils méconnaissent certaines contraintes pratiques. Au demeurant, là encore, si un transfert met en cause les droits et libertés fondamentaux d'un détenu, recours pour excès de pouvoir est devant la juridiction administrative est parfaitement possible. Nous avons également amélioré, hier, les possibilités pour un détenu d'obtenir une consultation juridique au sein de son établissement, ainsi que les contrôles extérieurs, comme celui exercé par le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le transfert est souvent une nécessité pratique, lorsque l'on a affaire à des individus qui peuvent être dangereux et poser des problèmes, y compris pour leurs codétenus. Avis défavorable sur l'amendement n° 214 ainsi que sur les deux autres.
D'abord, c'est l'autorité judiciaire qui décide du lieu d'incarcération des prévenus. Autrement dit, pour 25 % de détenus, cette compétence ne relève pas de l'administration pénitentiaire. Ensuite, les conditions des affectations et des changements d'affectation sont très strictement encadrées, en prenant en compte tous les critères, la sécurité, mais aussi la réinsertion, dans la mesure où tous les établissements n'offrent pas les mêmes possibilités dans ce domaine.
Enfin, les familles et les proches sont informés aussi rapidement que possible et par les moyens disponibles. Mais ce n'est quand même pas dans la loi que nous allons traiter de ces moyens, sinon les textes feront 500 articles, et nous ne respecterons pas la répartition constitutionnelle entre domaines législatif et réglementaire. Avis défavorable sur ces trois amendements.
Notre fil rouge dans ce débat est de faire que la loi soit la plus claire possible et que la base de l'exercice du pouvoir réglementaire en prison soit la plus restreinte possible. Or actuellement, l'essentiel des règles appliquées aux personnes détenues relèvent de circulaires, de notes et de décrets, ce que tous les tribunaux condamnent avec constance.
Le problème avec les transferts de sécurité, c'est que la nouvelle affectation reste secrète. Cela complique les choses pour les avocats, qui ne retrouvent plus leur client, et pour les familles , qui ont peut-être fait des centaines de kilomètres pour apprendre finalement que la personne n'est plus dans l'établissement. Le comité européen pour la prévention de la torture, à propos de ces rotations de sécurité, fait état d'une note confidentielle du 20 octobre 2003 signée du garde des sceaux de l'époque. Est-il possible d'en avoir communication ?
(L'amendement n° 214 n'est pas adopté.)
Le maintien des liens familiaux joue un rôle essentiel pour l'équilibre des enfants et pour la réinsertion du détenu, mais n'est pas toujours chose aisée. Il faut pourtant maintenir à tout prix le lien entre un enfant et son parent incarcéré ; ce peut être parfois dur pour l'enfant, mais on a absolument besoin de ses parents pour grandir. Hier soir, après la séance de nuit, j'ai vu dans l'émission Enquête exclusive des témoignages émouvants de détenus à Bapaume. L'un disait que ce sont les relations avec la famille qui l'aidaient à tenir et une femme confiait : « C'est l'amour de mes enfants qui me fait tenir. »
Notre amendement n° 119 est la traduction la règle pénitentiaire européenne n° 17.1 selon laquelle les détenus doivent être affectés autant que possible dans des prisons près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale. La situation familiale doit être le critère prioritaire d'affectation. Nous ne pourrons jamais garantir les droits familiaux tant que ce principe ne sera pas au coeur de notre politique carcérale. Et j'insiste une fois encore sur le cas des femmes détenues, victimes de la pénurie de places disponibles dans la moitié sud du pays.
L'amendement n° 400 s'inspire des mêmes principes, conformes à la règle pénitentiaire européenne n° 17, que les précédents.
Je suis consterné que le rapporteur ne nous donne aucune explication sur les transfèrements à destination secrète. On sait quelles difficultés rencontrent les familles quand elles veulent rencontrer un détenu qui vient d'être transféré – dans le milieu pénitentiaire, on appelle cela « baluchonner »... Nous ne pouvons accepter cette forme de « tourisme carcéral », utilisé comme un moyen d'humiliation, voire de répression donne une juste idée de ces déplacements carcéraux que nous ne pouvons pas accepter et qui représentent une forme de répression sinon d'humiliation à l'encontre des détenus récalcitrants – ou tout simplement des grandes gueules…
On ne peut nier que certains détenus sont dangereux, ce qui justifie qu'on les déplace. Mais, pour avoir visité des maisons d'arrêt, tous les députés qui siègent sur nos bancs savent qu'il existe des transfèrements purement répressifs.
Madame Karamanli, peut-on considérer que votre amendement n° 153 a été défendu ?
On ne peut pas parler comme vous venez de le faire, monsieur Mamère. Certes, les témoignages qu'a cités Mme Crozon sont émouvants. Nous savons que certaines situations, du point de vue familial, peuvent être très difficiles pour un détenu et que, dans l'intérêt de tous, il faut resserrer le plus possible les liens familiaux qui sont une garantie de réinsertion. Mais si des transfèrements sont parfois décidés, au risque de suspendre provisoirement ces liens, c'est pour des raisons liées à la sécurité ou à des difficultés de relations entre codétenus. Poser la situation familiale comme le critère déterminant de tous les transfèrement, madame Crozon, reviendrait à faire abstraction de toute autre considération relative, par exemple, à l'établissement pénitentiaire et aux conditions de sécurité.
Enfin, n'oublions pas les efforts considérables consentis pour maintenir les liens familiaux : les unités de vie familiale, les parloirs familiaux ou le régime des visites, qui témoignent de la prise en compte de ces questions par l'administration pénitentiaire et le Gouvernement. Je ne peux laisser dire, comme M. Mamère, que nous serions attachés à une vision passéiste, Dieu merci totalement révolue. Je comprends votre souci, mais prenons garde à considérer le problème dans son ensemble, sans méconnaître les progrès accomplis. Nous y reviendrons quand nous aborderons la question des unités familiales.
Dans mon discours de présentation, j'ai souligné l'importance que le Gouvernement attache au maintien des liens familiaux et sociaux en vue de la réinsertion. Mais les mesures trop rigides que proposent ces amendements risquent de compromettre leur adaptation à des situations concrètes et d'aboutir à l'inverse du but recherché.
Quant à vos informations, monsieur Mamère, elle me semble dater un peu… Les transfèrements à destination secrète n'ont plus cours. Certes, il peut arriver de décider brutalement un transfert pour une raison précise, comme clea s'est produit récemment à la prison de Mont-de-Marsan : il a fallu déplacer le détenu dans les heures qui suivent, et peut-être n'a-t-on pas eu la possibilité de prévenir immédiatement la famille. Il en va de même quand on découvre un projet d'évasion imminente est avéré. Mais les déplacements trimestriels systématiques que vous dénoncez n'ont plus lieu depuis déjà plusieurs années.
Je suis saisi d'un amendement n° 152 .
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
L'amendement n° 152 tend à favoriser une procédure de rapprochement familial entre les prévenus et leur famille dans l'intervalle compris entre la clôture de l'instruction et la comparution devant la juridiction de jugement.
L'amendement a été rejeté par la commission, mais cette proposition paraît légitime. Une fois l'instruction close, bien qu'il n'y ait plus d'investigation en cours, l'attente de la comparution peut s'avérer longue. Dans cette situation, le rapprochement familial était déjà possible. Je ne vois donc pas d'objection à cet amendement et j'émets finalement un avis favorable.
Cet amendement est purement déclaratif, puisque ce qu'il propose se pratique déjà. Mais je ne vois aucune raison de ne pas inscrire cette possibilité dans la loi.
(L'amendement n° 152 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 155 rectifié .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Je vais le retirer, monsieur le président, dans la mesure où il a été satisfait en partie par un amendement déposé par le rapporteur en commission. Il faut dire que nous avions déposé en tout 368 amendements et on nous a laissé moins de quarante-huit heures pour les recaler sur le texte retenu par la commission... Autant dire, comme l'a pertinemment remarqué Noël Mamère, que nous n'avons pas travaillé dans des conditions optimales, ce qui peut expliquer certains loupés comme celui-ci.
(L'amendement n° 155 rectifié est retiré.)
Il me semble restrictif d'inscrire dans l'article le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille, au sens du code civil, sans inclure les proches.
Ma deuxième observation a trait aux prévenus. L'alinéa 4, qui dispose que « les permis de visites des prévenus sont délivrés par l'autorité judiciaire », ne me semble pas suffisamment protecteur. En effet, la délivrance des permis est régie par l'article 145-4 du code de procédure pénale, qui prévoit que, pendant un mois, le magistrat instructeur peut refuser un permis de visite sans avoir à motiver sa décision. Quand bien même le magistrat peut avoir de fort bonnes raisons de ne pas délivrer le permis – toutes les familles ne sont pas d'une parfaite honnêteté : certaines peuvent chercher, par exemple, à cacher des preuves –, ce délai d'un mois paraît beaucoup trop long. Nous devions revenir sur cette question.
Enfin, il faut réfléchir au nombre de permis qui peuvent être délivrés à des proches. La loi est trop silencieuse sur ce point. Indiquons, par exemple, qu'un permis peut être délivré à deux ou trois personnes. Je ne méconnais pas les contraintes matérielles et notamment les problèmes de place dans les parloirs. Mais, sur la question du nombre de permis de visite, la loi est trop floue et reste trop au niveau des principes.
Le projet de loi initial ne disait rien, ce qui est un comble, de la fréquence de l'accès aux parloirs et de la durée des visites. Fort heureusement, sur ce point également, le Sénat a fait oeuvre utile.
Nos amendements proposent d'inscrire dans le texte que, les établissements n'étant pas tous situés en centre ville, il faut faciliter l'accès des familles et inciter l'administration à améliorer l'organisation des parloirs, très différente d'un établissement à l'autre. Trop de questions, comme la durée et la fréquence des visites, relèvent du seul règlement intérieur des établissements, ce qui n'est pas normal. Dans ce domaine, une harmonisation s'impose.
Enfin, il serait bon que les parloirs prennent en compte le handicap, si nous voulons garantir l'égalité des droits. Nous avions déposé à ce sujet un amendement, malheureusement tombé sous le couperet de l'article 40, qui proposait d'inscrire dans le texte que « les locaux où se déroulent les visites sont aménagés de sorte à garantir le droit à l'égalité de traitement des personnes en situation de handicap, qu'il s'agisse de la personne détenue ou de ses proches. » Il serait souhaitable à tout le moins d'en reprendre l'esprit.
Nous en arrivons à la discussion des amendements à l'article 15.
Je suis saisi d'un amendement n° 231 .
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Pour lutter contre la récidive et améliorer la situation des détenus, il est essentiel de maintenir les liens familiaux.
Aussi proposons-nous d'inscrire dans l'article 15 que la délivrance d'un permis de visite aux membres de la famille est de droit, sauf décision contraire spécialement motivée du magistrat. L'autorité judiciaire transmettra au chef d'établissement, au moyen de la notice individuelle accompagnant le titre de détention, les indications concernant les proches du détenu autorisés à venir le visiter. Les refus de permis de visite seront susceptibles de recours devant le président de la chambre de l'instruction.
Le but est d'éviter la rupture des liens familiaux des arrivants. On sait que la période d'entrée en détention est particulièrement difficile à vivre et qu'une part très importante des suicides survient dans les premières semaines de l'emprisonnement. Or les proches doivent généralement attendre quinze jours à un mois avant de pouvoir rencontrer à leur parent incarcéré. Enfin, comment le soulignent les commentaires sur la règle pénitentiaire européenne n° 24, le terme de « famille » doit être entendu au sens large et englober les proches.
Nous sommes amenés à concilier deux exigences : le maintien des liens familiaux – nous sommes tous d'accord sur ce point – et la manifestation de la vérité, ne serait-ce qu'à l'égard des victimes.
Au moment de l'incarcération d'un détenu, il est vrai que le juge d'instruction peut, durant un mois, refuser de permis de visite sans avoir à motiver sa décision. En effet, c'est souvent durant cette période que sont menées des investigations, déterminantes pour la suite du dossier. Or dans nombre d'affaires de terrorisme, de grand banditisme ou de trafic de stupéfiants – les exemples ne manquent pas –, le « rapprochement familial » peut faire obstacle à la manifestation de la vérité, on comprend bien pourquoi. Sans oublier la préservation des intérêts des victimes.
Rappelons cependant qu'à l'issue de cette période d'un mois, l'intéressé a toujours la possibilité de déposer un recours devant le président de la chambre de l'instruction. Par ailleurs, la commission des lois a bien travaillé puisqu'elle a ajouté un alinéa 5 à l'article 15, qui prévoit que : « Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées. » Ce qui répond à bon nombre des objections émises par les auteurs de cet amendement sur lequel j'émets donc un avis défavorable.
La loi fixe les principes et les modalités générales de mise en oeuvre ; il ne lui revient pas de fixer des modalités particulières. Même si nous sommes d'accord sur le fond, l'amendement présenté par Mme Karamanli relève du décret plus que de la loi.
La preuve en est, monsieur Raimbourg, que l'ensemble de vos suggestions sont reprises dans la circulaire en date du 15 septembre et qui s'appliquera à partir du 12 octobre. Elle élargit la notion de famille et elle permet de répondre plus rapidement – dans les dix jours – aux demandes de visites. Elle traite aussi de certains des points que vous avez abordés.
Vos remarques sont donc d'ores et déjà totalement prises en compte et je tiens cette circulaire à votre disposition. En conséquence, madame Karamanli, il me semble que vous pourriez retirer votre amendement dont la circulaire reprend certains éléments pratiquement mot pour mot.
L'existence de cette circulaire est une bonne nouvelle, mais le problème de la délivrance des permis de visite aux détenus n'est toujours pas complètement réglé…
Il l'est : la question est traitée dans la circulaire ! Je vous invite à la lire, monsieur Raimbourg, vous le constaterez par vous-même.
Non, monsieur le président. J'attends de lire la circulaire…
(L'amendement n° 231 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 123 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Je défendrai par avance plusieurs autres amendements, dont les nos 124 et 125, qui portent sur le même sujet.
En la matière, le projet de loi du Gouvernement n'est pas très différent de celui adopté par le Sénat qui s'est contenté d'ajouter deux précisions. Quant à notre commission, elle a seulement introduit un alinéa affirmant que : « Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées. » Je vous concède que cela n'est pas anodin. Reste que cette mention ne change pas tout dans la mesure où, pour l'essentiel, cet article est à droit constant : le droit de visite existe déjà dans le code de procédure pénale et le projet de loi n'apporte aucune sécurité juridique réelle en la matière puisqu'il continue d'ignorer les éléments fondamentaux que sont, à nos yeux, le droit au rapprochement familial et les conditions des visites en termes de fréquence, de durée et de situation matérielle.
M. le rapporteur nous dit que nous avons considérablement avancé : sur ce point, comme sur les autres, sa position est constante ; mais la nôtre aussi. Selon nous, les droits ne sont pas affirmés ; le droit au rapprochement familial n'est pas consacré dans la loi.
Nous avons donc déposé un certain nombre d'amendements afin d'affirmer explicitement dans la loi le droit des détenus au maintien des liens familiaux et au respect de la vie privée, sans se contenter d'en décrire les modalités, de préciser que des mesures disciplinaires prises à l'encontre du détenu n'ont pas à s'étendre à ses proches en les privant de leur droit de visite, d'aligner enfin le régime des visites des prévenus sur celui applicable aux condamnés.
Ces amendements, comme un grand nombre de ceux que nous défendons, trouvent leur source dans les commentaires des règles pénitentiaires européennes qui soulignent la nécessité de définir clairement les restrictions au respect de la vie privée et familiale des détenus, conformément à la loi, et de ne pas les laisser à la discrétion de l'administration pénitentiaire. Sur ce point, je vous épargne la lecture de la longue jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
Vos propos me surprennent, monsieur Urvoas : vous voulez inscrire dans le droit le maintien des relations familiales des détenus alors que c'est précisément inscrit au début l'article 15 : « Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille… ». On ne peut être plus clair ?
Par ailleurs, certaines précisions apportées par l'amendement n° 123 sont de nature réglementaire, et sa rédaction parfois un peu floue : que signifie par exemple « contact adéquat avec le monde extérieur » ?
Parce que « le maintien du bon ordre et de la sécurité », ce n'est pas flou ?
Avis défavorable pour les mêmes raisons : ces dispositions ne sont pas du domaine législatif, cela existe déjà et c'est écrit dans la circulaire.
On nous répond que l'amendement n° 124 est identique aux dispositions existantes et à l'article 15 du projet de loi. Je ne crois pas que cela soit le cas.
On oublie que certaines catégories de population sont en rupture totale avec leur famille : je pense en particulier aux toxicomanes qui, de surcroît, peuvent être sans domicile fixe. La rupture avec la famille remonte souvent à très longtemps, l'addiction provoquant la rupture ou la rupture l'addiction, créant un cercle vicieux dont il est très difficile de sortir. Alors ces gens se recréent autour d'eux un groupe d'hommes et de femmes qui leur ressemblent – nous sommes tous pareils. Si, en matière de droit de visite, nous n'inscrivons que la famille au sens strict dans l'article 15, nous excluons du dispositif toutes ces personnes qui n'ont de contact qu'avec des personnes qui vivent comme eux, et que seuls leurs congénères, leurs copains viendront visiter. Sans oublier la difficulté d'accéder aux centres de détention et aux maisons d'arrêt pour des personnes qui sont souvent totalement démunis, au bout du bout de la chaîne sociale. Si nous ne les plaçons pas d'emblée au même rang que les familles, nous faisons fausse route, madame la garde des sceaux.
(L'amendement n° 123 n'est pas adopté.)
À vous entendre, monsieur le rapporteur, l'article 15 répond aux problèmes soulevés par M. Urvoas en matière de respect des droits fondamentaux. Je vous recommande vivement de relire l'alinéa 3 : en fait, vous passez votre temps à énoncer des droits pour aussitôt leur apporter des restrictions. « L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs – il s'agit toujours de l'ordre et de la sécurité – ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. » Voilà un droit dont le périmètre est singulièrement réduit !
Mon amendement n° 407 tend à étendre à toutes les visites, y compris les parloirs simples, le principe selon lequel la durée des visites est fixée en tenant compte de l'éloignement du visiteur.
Monsieur Mamère, on comprend bien qu'une famille qui vient de loin souhaite rester plus d'une demi-heure avec le proche auquel elle rend visite. Mais vous ne tenez pas compte des réalités du monde carcéral : si vous voulez pouvoir satisfaire toutes les demandes, vous ne pouvez pas ne pas contingenter la durée de chaque parloirs. Si, au motif qu'une famille habite à six cents kilomètres du lieu de détention d'un proche, vous fixez une durée de parloir de trois heures, alors, vous ne pourrez plus satisfaire ensuite les demandes des autres détenus, qui attendent, et qui eux aussi aimeraient bien parler à leur famille.
Je précise, par ailleurs, que sont prévus au moins trois parloirs par semaine pour les prévenus, et au moins un parloir par semaine pour les condamnés. Il s'agit bien du nombre minimal de parloirs, sachant que, évidemment, l'administration pénitentiaire tient compte des circonstances familiales et fait en sorte de maintenir les liens familiaux, gages de réinsertion.
J'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Avis défavorable. Cet amendement n'est pas du domaine législatif.
(L'amendement n° 407 n'est pas adopté.)
Madame la ministre d'État me dira sans doute que mon amendement n 406 sort du cadre législatif… L'idée est d'accorder des permissions de sorties plus fréquentes aux détenus en fin de peine afin de les préparer à une meilleure réinsertion. Certains détenus qui n'ont bénéficier d'aucun outil d'aide à la réinsertion se sentent totalement perdus au moment où ils retrouvent la société. Cette situation favorise souvent la récidive.
Si nous voulons faire correspondre la lettre du projet de loi avec l'esprit affiché visant à faciliter la réinsertion, il faut faire des efforts à l'égard des détenus en fin de peine. Les sorties pour raisons familiales sont une manière de recoudre les liens avec la famille et de préparer un point d'accueil, une sorte de socle, dans la perspective du retour à la société.
Monsieur Mamère, nous comprenons le sens de votre amendement, mais les permissions de sortie sont du ressort de l'appréciation souveraine de l'autorité judiciaire et du juge d'application des peines. Nous aurons ultérieurement un débat sur les aménagements de peine, mais je suis défavorable à cet amendement.
Même avis que la commission.
Je relève une contradiction dans les réponses de notre rapporteur. le projet de loi réduit considérablement le rôle du juge d'application des peines alors qu'il donne beaucoup plus de pouvoirs aux personnels du service pénitentiaire d'insertion et de probation qui relève de l'administration pénitentiaire. Vous allez jusqu'à demander au juge d'application des peines de valider les propositions du service pénitentiaire d'insertion et de probation ! D'une certaine manière, vous « siphonnez » les pouvoirs du juge ; pour moi, c'est bel et bien un recul.
Cet amendement s'inscrit dans le droit fil de ce qui a été dit par Mme Karamanli, M. Urvoas, M. Raimbourg et Mme Lemorton : i s'agit tout simplement d'élargir le périmètre de ce que l'on entend par la famille. Nous savons en effet que de nombreux détenus ont une famille recomposée ou sont en situation d'abandon et qu'il ne leur reste plus que quelques proches qui leur témoignent l'attention et la solidarité – plutôt que la compassion – dont ils ont besoin. Il nous semble donc nécessaire de ne pas se contenter de la définition de la famille retenue par le Code civil et de l'élargir à la notion de proches.
Cette demande est satisfaite. Certes, nous n'avons pas retenu la notion de proches, mais « d'autres personnes » : il est difficile de trouver notion plus large… Avis défavorable.
Avis défavorable.
Pardonnez-moi d'insister, mais notre collègue Noël Mamère a tout à fait raison : c'est dès la première phrase du premier alinéa qu'il faut mentionner les proches ou les autres personnes. Certes, on tient compte des ruptures familiales, mais il faut être en phase avec l'évolution de la société. Combien de personnes ont encore la chance d'avoir une famille géographiquement proche ? Aujourd'hui, il faut souvent aller à l'autre bout de la France pour trouver du travail. Dès lors, on se choisit souvent une « famille amicale » – on dit souvent qu'on subit sa famille et qu'on choisit ses amis. L'amendement n° 408 est donc important.
(L'amendement n° 408 n'est pas adopté.)
Notre amendement a pour objet d'introduire une petite modification dans le premier alinéa de l'article 15, afin de poser le principe du droit au maintien des relations avec l'extérieur et pas seulement avec la famille.
Le texte tel qu'il est rédigé accorde en effet un droit trop restrictif aux détenus. Bon nombre d'entre eux se trouvent dans une situation de rupture familiale et n'ont de contacts qu'avec des proches, qu'ils considèrent d'ailleurs comme leur propre famille. Au reste, dans la seconde phrase du même alinéa, le texte dispose que « les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes. » Nous sommes donc d'accord sur le fond.
Notre amendement permettrait de simplifier la rédaction du texte initial et, surtout, d'éviter toute ambiguïté dans son interprétation. Il permettrait également, symboliquement, de poser le droit essentiel du détenu de maintenir des relations avec ses proches, sans le limiter à la seule famille biologique.
Nous proposons donc d'insérer, à la première phrase du premier alinéa, après le mot : « famille », les mots : « ou d'autres personnes » et, en conséquence, de supprimer les mots : « par les membres de leur famille ou d'autres personnes » à la dernière phrase du même alinéa. Si vous refusiez notre proposition, cela signifierait que notre amendement n'est pas purement rédactionnel, mais qu'il porte sur le fond. Force serait en effet de constater que le droit affirmé dans le texte ne serait pas un droit au maintien des relations avec l'extérieur : une permission de sortie pourrait être refusée aux détenus sans famille ou en rupture familiale. Si tel est le cas, il faut que vous le disiez clairement, pour éclairer les professionnels chargés d'appliquer ce texte.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 215 .
Le droit au maintien des liens familiaux, qui concerne la famille au sens large, incluant les frères et soeurs, les concubins ou les partenaires d'un PACS, est clairement affirmé à l'article 15. Est prévu par ailleurs un droit de visite, qui va très loin, puisqu'il concerne à la fois les membres de la famille et « d'autres personnes ». Avis défavorable.
L'article 15 tel qu'il est rédigé est tout à fait clair. Il me paraît évident que les membres de la famille bénéficient d'un droit prioritaire. Non seulement la conception de la famille à laquelle il est fait référence est très large – elle est d'ailleurs également définie dans la circulaire, monsieur Vaxès –, mais nous précisons que toute autre personne peut également avoir un droit de visite. J'ai donc le sentiment que les choses sont tout à fait claires et qu'en proposant de modifier ce texte, vous voulez couper les cheveux en quatre.
Je souhaiterais faire une brève observation. Si nous sommes tous d'accord sur le fond, il me semble que ces amendements permettraient de préciser le texte. D'autant que les alinéas 2 et 3 de l'article 15 distinguent entre les membres de la famille et les autres personnes.
Cela figure également dans la seconde phrase du premier alinéa. On ne va pas commencer à chipoter !
On est parfois dans le symbole ; et, symbole pour symbole, cette précision dans la première phrase n'affaiblirait pas le texte, bien au contraire : cela clarifierait les choses.
(Les amendements nos 313 et° 215, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Cet amendement, comme l'amendement n° 219 , a pour objet de satisfaire aux exigences résultant de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, pour laquelle les restrictions apportées au droit au respect de la vie de famille d'un détenu doivent avoir « une base légale » suffisante. La Cour exige notamment que la base textuelle définisse l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités dans le domaine considéré, faute de quoi le texte n'a pas la prévisibilité requise.
Il y a aussi l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prescrit que l'ingérence de l'autorité administrative dans le droit au respect de la vie privée et familiale doit être encadrée par des textes précis. Nous proposons ainsi de substituer au deuxième alinéa de l'article 15 quatre alinéas visant à préciser les limites qu'il convient de fixer à l'ingérence de l'autorité administrative dans la vie privée et familiale du détenu.
Avis défavorable. L'équilibre auquel nous sommes parvenus à l'article 15 est satisfaisant. Il me paraît totalement disproportionné de prévoir que tous les permis de visite seront délivrés par l'autorité judiciaire. Sans oublier, ainsi que je l'ai précisé tout à l'heure, que des recours sont toujours possibles.
Contrairement à ce qui est sous-entendu par les auteurs de ces amendements, il est évident que la personne concernée par le droit de visite a la possibilité d'exercer un recours en référé contre une décision qui lui refuserait d'exercer ce droit. Le juge peut d'ores et déjà suspendre la décision administrative. Par ailleurs, il va de soi que la loi du 11 avril 2000 s'applique à ces décisions. Enfin, d'un point de vue formel, les modalités visées relèvent, là encore, de l'article 37 de la Constitution.
(Les amendements nos 218 , n° 403 et 219 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Cet amendement vise à réécrire les deuxième et troisième alinéas de l'article 15. Un encadrement différencié du droit du détenu à recevoir des visites selon qu'il s'agit des membres de sa famille ou d'autres personnes n'est à mes yeux pas justifié.
S'il s'agit des membres de la famille, le texte dispose que le permis de visite peut être refusé, suspendu ou retiré pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité ainsi qu'à la prévention des infractions. Pour les autres personnes, il ajoute un motif supplémentaire : les visites ne doivent pas faire obstacle à la réinsertion du condamné. Je souhaiterais que l'on m'explique très clairement les raisons de ce traitement différencié. La prévention des infractions n'inclut-elle pas ce qui fait obstacle à la réinsertion du condamné ? Prévenir les infractions, n'est-ce pas écarter tout obstacle à sa réinsertion ?
Dès lors, soit une nuance m'échappe, et il faudrait nous l'expliquer, soit il s'agit d'introduire un motif supplémentaire – flou, donc favorisant l'arbitraire – de refuser un droit de visite aux personnes non-membres de la famille du détenu. Je rappelle une fois de plus que, souvent, les détenus sont en situation de rupture familiale et que, s'ils ne peuvent entretenir de liens avec leur entourage amical, ils seront privés de tout lien avec des personnes extérieures à la prison.
Peut-être pourrais-je également défendre l'amendement n° 315 , monsieur le président ?
L'amendement n° 315 a pour objet de réduire les motifs de restriction au droit de visite à la prévention des infractions, qui inclut, me semble-t-il, les motifs liés au maintien de l'ordre et à la sécurité. La multiplication des restrictions risque en effet de porter atteinte à ce droit. Cet amendement vise donc à encadrer plus strictement le pouvoir de l'autorité administrative, afin que les décisions de retirer ou de suspendre le droit de visite ne soient pas source d'arbitraire.
(L'amendement n° 314 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 220 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Il est défendu.
(L'amendement n° 220 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 221 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Il est défendu.
(L'amendement n° 221 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 222 .
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Il est défendu.
(L'amendement n° 222 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 230 .
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Il s'agit d'insérer après l'alinéa 2 de l'article 15, un alinéa relatif aux visites des enfants mineurs à leurs parents prévenus ou condamnés.
En effet, la Convention internationale sur les droits de l'enfant énonce, dans son article 3-1, que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. » Il convient donc de tirer toutes les conséquences de cette disposition.
J'ajoute que l'autorité parentale ainsi que le droit d'un enfant de voir ses liens familiaux avec ses parents maintenus et de voir ceux-ci conserver envers lui une responsabilité effective sont également protégés.
La plupart de ces amendements visent, en fait, à reconnaître un droit de visite inconditionnel pour les mineurs.
On comprend l'intention qui a animé leur auteur, mais créer un droit inconditionnel au permis de visite des mineurs me paraît susceptible de créer de sérieux problèmes en termes de conduite de l'information, de juge d'instruction, de manifestation de la vérité. Si nous sommes d'accord pour faciliter le droit de visite des mineurs – et l'administration pénitentiaire porte à cette question un intérêt certain –, nous estimons qu'il serait disproportionné de fixer dans la loi un droit immuable et inconditionnel. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.
C'est une question très délicate, la situation pouvant être très différente d'un cas à l'autre. Même si je comprends la motivation de l'amendement n° 227 , la solution proposée ne me convient pas tout à fait : , l'intervention du procureur de la République me paraît constituer un mécanisme un peu lourd.
L'appréciation de ce qui est bon pour le détenu et bon pour les enfants ne me semble pas pouvoir relever de la loi. Sans doute faut-il que nous travaillions ensemble à cette question tout à fait digne d'intérêt, afin d'affiner notre réflexion. Dans l'immédiat, je préférerais que vous retiriez cet amendement, en contrepartie de mon engagement à rechercher avec vous une solution plus adaptée au problème qu'il soulève.
Défendu.
(L'amendement n° 405 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 233 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Défendu.
(L'amendement n° 233 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 404 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 50 .
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Si vous le voulez bien, monsieur le président, je défendrai en même temps les trois amendements nos 50 , 49 et 223 .
L'amendement n° 50 vise à compléter l'article 15 par un alinéa posant le principe selon lequel le mineur dispose de son propre permis de visite et peut donc rencontrer son parent incarcéré selon les modalités décrites.
L'amendement n° 49 précise qu'en cas de conflit entre une personne détenue et son compagnon ou sa compagne, les relations entre la personne incarcérée et ses enfants doivent être préservées, selon des modalités fixées par le juge aux affaires familiales.
L'amendement n° 223 entend souligner qu'aucune atteinte ne peut être portée aux droits pour les enfants mineurs d'un détenu de conserver des relations avec lui.
Je veux préciser à Mme Karamanli que le juge aux affaires familiales intervient déjà dans le cadre des situations qu'elle décrit. Si un détenu ne voit plus son enfant parce que sa mère s'oppose à ce que cet enfant lui rende visite en prison, il lui suffit de saisir le juge aux affaires familiales – cela arrive fréquemment. Des sorties peuvent être organisées pour permettre au détenu de se rendre devant le juge aux affaires familiales. L'amendement n° 49 est donc satisfait.
L'amendement n° 50 apporte un certain nombre de précisions relatives aux visites effectuées par les mineurs, mais celles-ci ne sont pas du domaine de la loi. Mme la garde des sceaux s'étant engagée à travailler avec vous sur ces questions, je suis défavorable à vos amendements nos 50 et 223 .
Aucune disposition réglementaire ne s'oppose pour l'heure aux mesures que vous proposez, madame Karamanli. Puisque je vous ai proposé de travailler ensemble sur un certain nombre de points, nous aurons l'occasion d'examiner la question de façon globale.
Je vous invite par conséquent à retirer également ces amendements.
En 2004, la commission nationale consultative des droits de l'homme notait déjà : « de fortes disparités se font ressentir dans l'organisation des parloirs selon les établissements. La durée des visites varie fortement d'une prison à l'autre, même de catégorie identique. Quant aux modalités de réservation des parloirs, elles se révèlent souvent fort problématiques : bornes électroniques en panne, standards téléphoniques saturés, horaires de prise de rendez-vous absurdes. »
De même, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a déploré, lors de son audition par notre rapporteur, que les visites des familles aux détenus s'apparentent trop souvent à un parcours du combattant entre la difficulté des prises de rendez-vous et les annulations de dernière minute sans autre explication.
Cela justifie d'inscrire dans l'article 15 l'obligation pour l'administration pénitentiaire de garantir l'effectivité du droit : il ne faut pas seulement proclamer le droit, il faut aussi le rendre applicable.
C'est vous, monsieur Vaxès, qui faites une proclamation sans aucune incidence pratique : au demeurant, le droit de visite est traité dans les articles 15 et suivants. J'émets donc un avis défavorable à cet amendement.
À ce que vient de dire M. le rapporteur, j'ajoute que l'article 10, qui traite des droits, évoque notamment celui auquel il est ici fait référence. Je ne vois donc pas du tout ce que pourrait apporter cet amendement.
(L'amendement n° 342 n'est pas adopté.)
(L'article 15 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 575 , portant article additionnel après l'article 15.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement vise à apporter une modification au troisième alinéa de l'article 145-4 du code de procédure pénale, afin de ne pas permettre qu'un délai d'un mois s'écoule entre le début de l'information, donc de la détention, et la délivrance du permis. Il s'agit d'une disposition pratique ne visant pas à donner un droit à toutes les familles, mais simplement à ce que le magistrat instructeur qui a un doute quelconque sur les relations entre un détenu et sa famille et considère qu'il est nécessaire, pour la manifestation de la liberté, d'éviter tout contact entre eux pendant un certain temps, soit obligé de rendre une décision écrite et motivée dès le début. Cette décision pourra être soumise à l'appréciation de la chambre de l'instruction et éventuellement contestée. Il s'agit simplement de rétablir du droit, de donner des pouvoirs au magistrat instructeur, et de ne pas laisser régner l'incertitude pendant tout un mois.
J'ajoute que, comme l'a dit tout à l'heure Mme Karamanli, c'est lors de cette période de début d'incarcération que la situation est la plus difficile pour le détenu, quoi qu'il ait fait, en raison notamment des diverses questions qu'il convient d'organiser. Ne pas laisser la famille dans l'incertitude et lui faire connaître le motif d'un éventuel refus me paraît absolument nécessaire. Nous ferions utilement progresser le droit en adoptant cette mesure.
Défavorable. J'ai déjà répondu tout à l'heure sur la question du délai d'un mois.
Avis défavorable. Je rappelle que c'est la loi du 4 janvier 1993, désormais intégrée à l'article 145-4 du code de procédure pénale, qui prévoit le système actuel. Ce système me paraît aussi équilibré maintenant qu'il l'était lorsque M. Sapin l'a défendu en 1993.
(L'amendement n° 575 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma